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 Les Nouvelles de l’archéologie n° 119 – Mars 2010 1 Problématique et méthode D ans le domaine des techniques céramiques, deux sujets essentiels exigent encore d’importants développements méthodologiques. Il s’agit de la reconnaissance des techniques et de la reconstitution des chaînes opératoires. La reconnaissance des techniques est sans doute la question primordiale qui mérite que lui soient consacrés les plus grands efforts de recherche. Pour l’essentiel, la reconstitution des chaînes opératoires dépend de ces identifications techniques. Traiter la question des chaînes opératoires céramiques en archéologie est sans aucun doute un sujet beaucoup plus vaste et complexe qu’il n’y paraît a priori. Notre contribu- tion a essentiellement pour but de proposer un référentiel pour l’identification des traces et états de surface de lissage, brunissage et polissage au galet. L’objectif sera également de montrer le rôle central du séchage pour restituer l’ordre des opérations au cours de la fabrication des poteries. Une telle affirmation pourrait passer pour un truisme s’il n’était pas possible de déterminer le degré de séchage à partir de tessons archéologiques dont les processus de production sont pourtant aujourd’hui totalement inconnus. Le séchage, processus naturel, détermine en grande partie l’ordre des opérations qui se succèdent au fur et à mesure de la chaîne opératoire. Il existe pourtant des combinai- sons différentes de l’ordre dans lequel les techniques peuvent être mises en œuvre, ce qui donne non plus une mais plusieurs chaînes opératoires distinctes. Les contraintes du matériau argileux peuvent en effet être adaptées ou modifiées par les potiers, grâce à leurs connaissances techniques et à leurs savoir-faire. Il devient alors intéressant de cher- cher à restituer l’ordre dans lequel ils ont travaillé pour reconstituer les chaînes opéra- toires archéologiques. L’étude des degrés de séchage est un des moyens qui permet ces reconstitutions, à condition de disposer d’un référentiel les mettant en correspondance avec les états de surface obtenus. Comme nous le verrons, l’expérimentation et l’ethno- archéologie permettent de proposer de tels référentiels. Pourtant, rares sont les études ethnoarchéologiques qui présentent les étapes de séchage et soulignent son rôle essentiel. Expérimentalement ou par des enquêtes ethnologiques, l’observation détaillée de ces temps de séchage permet de reconstituer l’ordre de réalisation des opérations. L’étude des caractères qui en résultent et que conservent, à l’état de traces, les surfaces des tessons, aide à restituer le degré de séchage au moment d’une opération et ainsi, à préciser sa place par rapport aux autres étapes de la chaîne opératoire. Cette démarche répond au but recherché par les études technologiques : déterminer l’ordre dans lequel sont combinées les différents techniques et procédés mis en œuvre dans les processus de production. Après un rapide rappel de l’état de la question concernant les techniques de brunis- sage et de polissage, la notion de temps dans les chaînes opératoires céramiques, puis le mécanisme de séchage de l’argile, nous présenterons une étude expérimentale qui propose un référentiel des traces de polissage en fonction des degrés de séchage. Ces différentes traces sont différenciées et caractérisées afin de pouvoir servir à l’interpréta- tion des traces archéologiques. Le processus de séchage est divisé en étapes auxquelles correspondent différents types de traces expérimentales. Les résultats expérimentaux sont confrontés aux différentes définitions du brunissage et du polissage. Pour finir, quelques perspectives de recherche sur les traitements de surface sont proposées. Brunissage et polissage : état de la question « La technique peut aussi bien être appliquée à une surface engobée ou non engobée. Dans tous les cas, il est essentiel que la surface soit plane et lisse au départ, sinon Brunissage, polissage et degrés de séchage Un référentiel expérimental Rémi Martineau* * CNRS, ARTEHIS (Archéologie, terre, histoire, société), UMR 5594, Dijon, [email protected].

Martineau 2010 Nouvelles Archeologie

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Les Nouvelles de l’archéologie n° 119 – Mars 2010 1�

Problématique et méthode

Dansledomainedestechniquescéramiques,deuxsujetsessentielsexigentencored’importants développements méthodologiques. Il s’agit de la reconnaissance

destechniquesetdelareconstitutiondeschaînesopératoires.Lareconnaissancedestechniquesestsansdoutelaquestionprimordialequiméritequeluisoientconsacrésles plus grands efforts de recherche. Pour l’essentiel, la reconstitution des chaînesopératoiresdépenddecesidentificationstechniques.

Traiterlaquestiondeschaînesopératoirescéramiquesenarchéologieestsansaucundouteunsujetbeaucoupplusvasteetcomplexequ’iln’yparaîta priori.Notrecontribu-tionaessentiellementpourbutdeproposerunréférentielpourl’identificationdestracesetétatsdesurfacedelissage,brunissageetpolissageaugalet.L’objectifseraégalementdemontrerlerôlecentralduséchagepourrestituerl’ordredesopérationsaucoursdelafabricationdespoteries.Unetelleaffirmationpourraitpasserpouruntruismes’iln’étaitpaspossiblededéterminerledegrédeséchageàpartirdetessonsarchéologiquesdontlesprocessusdeproductionsontpourtantaujourd’huitotalementinconnus.

Leséchage,processusnaturel,détermineengrandepartiel’ordredesopérationsquisesuccèdentaufuretàmesuredelachaîneopératoire.Ilexistepourtantdescombinai-sonsdifférentesdel’ordredanslequellestechniquespeuventêtremisesenœuvre,cequidonnenonplusunemaisplusieurschaînesopératoiresdistinctes.Lescontraintesdumatériauargileuxpeuventeneffetêtreadaptéesoumodifiéesparlespotiers,grâceàleursconnaissancestechniquesetàleurssavoir-faire.Ildevientalorsintéressantdecher-cheràrestituerl’ordredanslequelilsonttravaillépourreconstituerleschaînesopéra-toiresarchéologiques.L’étudedesdegrésdeséchageestundesmoyensquipermetcesreconstitutions,àconditiondedisposerd’unréférentiellesmettantencorrespondanceaveclesétatsdesurfaceobtenus.Commenousleverrons,l’expérimentationetl’ethno-archéologiepermettentdeproposerdetelsréférentiels.Pourtant,raressont lesétudesethnoarchéologiquesquiprésententlesétapesdeséchageetsoulignentsonrôleessentiel.Expérimentalement ou par des enquêtes ethnologiques, l’observation détaillée de cestempsdeséchagepermetdereconstituerl’ordrederéalisationdesopérations.L’étudedescaractèresquienrésultentetqueconservent,àl’étatdetraces,lessurfacesdestessons,aideàrestituerledegrédeséchageaumomentd’uneopérationetainsi,àprécisersaplaceparrapportauxautresétapesdelachaîneopératoire.Cettedémarcherépondaubutrecherchéparlesétudestechnologiques:déterminerl’ordredanslequelsontcombinéeslesdifférentstechniquesetprocédésmisenœuvredanslesprocessusdeproduction.

Aprèsunrapiderappeldel’étatdelaquestionconcernantlestechniquesdebrunis-sageetdepolissage,lanotiondetempsdansleschaînesopératoirescéramiques,puislemécanismedeséchagedel’argile,nousprésenteronsuneétudeexpérimentalequiproposeunréférentieldestracesdepolissageenfonctiondesdegrésdeséchage.Cesdifférentestracessontdifférenciéesetcaractériséesafindepouvoirserviràl’interpréta-tiondestracesarchéologiques.Leprocessusdeséchageestdiviséenétapesauxquellescorrespondentdifférentstypesdetracesexpérimentales.Lesrésultatsexpérimentauxsontconfrontésauxdifférentesdéfinitionsdubrunissageetdupolissage.Pourfinir,quelquesperspectivesderecherchesurlestraitementsdesurfacesontproposées.

Brunissage et polissage : état de la question

«Latechniquepeutaussibienêtreappliquéeàunesurfaceengobéeounonengobée.Danstouslescas, ilestessentielquelasurfacesoitplaneet lisseaudépart,sinon

Brunissage, polissage et degrés de séchageUn référentiel expérimental

Rémi Martineau*

* CnRs, aRtehis (Archéologie, terre, histoire, société), UmR 5594, Dijon,

[email protected].

nathalie vaillant
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l’outildepolissagene toucherapas les trous, lescanneluresou les faibles dépressions qui resteront ternes, gâchantl’aspect de surface. Une pâte à texture fine est souhaitableparcequesasurfacepeutêtreracléeàconsistancecuirsanstraînerouarracherlesinclusions.Unepâtefineestnécessairesi lavaisselleestaplanieavecunmorceaudegrèsquandlesupport est sec. La différence principale entre le polissaged’une surface engobée et non engobée est que la pierre depolissageaméliorel’engobeplusfacilementquelapâtequandle degré d’humidité n’est pas correct. L’optimum d’humiditépour le polissage varie quelque peu selon les différentes

argiles.» (Shepard 1954:661) «Si l’argile est plas-tique ou pas complètementferme au moment du frot-

tement, l’outil laissedescannelurespeuprofondes,maisdèsquelapâteestdevenuefermelestracesd’outilnesontplusdécelables, même si la surface a été humidifiée à nouveauou engobée. Il est important, par conséquent, de distinguerles stries en reliefdecellesquiprésententdesvariationsdecouleur et de lustre. Ces dernières concernent les surfaceshumidifiées ànouveauou engobéesqui deviennentpresquesèches avant que le polissage ne soit terminé. […] Un outillisse et ferme (galet émoussé par l’eau, os, bois de cerf,graine largeet lisse)utilisépour frotteretpolir,produitdesstries qui sont tactilement lisses et compactes.» (ibid.: 190)«Strictementparlantunesurfacepolieestlustrée;cependantdenombreusessurfacesmatessontaussilissesautouchertoutenétantproduitesdelamêmefaçon,parexempleparfrotte-mentd’unoutilduretlisse.Touteargilequiestcompactéeaumaximumdeviendralisse,maistouteslesargilesn’acquièrentpasdelustreetlorsqu’elleslepeuventilleurarriveparfoisdele perdre avec le retrait. […] Il est important de différencierl’aspect lisse produit par l’usage d’un outil dur appliquantune pression quand l’argile est partiellement sèche de celuirésultantdutravailsuruneargilehumideàtexturefine.L’unestunprocessusdecompaction,l’autrederedistributiondesparticulesd’argile.»(ibid.:190-191).

En 1981, O.S.Rye introduit le terme «brunissage» etexpose les différences entre cette technique et celle du«polissage». Selon cet auteur, le brunissage est réalisé surune surface régulière, avec un outil utilisé directionnelle-ment, ce qui peut entraîner la formation de traces. Parceque les lignes brunies ont une consistance lustrée, l’effetd’ensembleestunecombinaisondezoneslustréesetd’autresmates ou au lustre non uniforme. Le polissage présente, àl’inverse, une surface régulière et un lustre uniforme (Rye1981: 90). L'auteur reprend ainsi les caractéristiques dupolissagedéfiniesparShepard (1954).Dans cesdéfinitions,le brunissage et le polissage se distinguent bien par desaspectsdesurfacetoutàfaitdifférentsrésultantdeprocédéstechniquesdifférentsetdontlesmodalitéspratiquesprécisesrestentencoreàmettreenévidence.

Parallèlement, l’ouvrage de Balfet, Fauvet-Berthelot&Monzon(1983et1989)définitégalementlestermescéra-miques,maissansreprendreletermedebrunissageexplicitéprécédemmentparO.S.Rye(1981).Lepolissageest«l’action

d’égaliser,parfrottementsrépétés,lasurfaced’unepoterieouunepartie de celle-ci à la fin du séchage. Il en résulte, partassement et orientation des particules de l’argile, un effetdebrillance.L’outilestunobjetduretmoussedetypegalet,coquille, collier de perles, plus rarement cuir. Les critèresd’identification sont: une surface brillante et légèrementdéprimée, plus ou moins visible selon la nature de l’argile,saconsistance lorsdutraitementet lanaturede l’outil;desfacettes de polissage, plus ou moins lisibles. [Les auteursproposentde]réserver letermelustragepour lescasoùunesurfacepolieest,aprèscuisson,frottéeavecunchiffonpourenaccentuerlabrillance»(Balfet,Fauvet-Berthelot&Monzon 1983: 87). Il y a là une différence très importante avec ladéfinitionprécisedeShepard:letermede«brunissage»n'estpas repris, et dans leur lexique multilingue, brunissage estindifféremment traduit par polishing et burnishing (Balfet,Fauvet-Berthelot&Monzon19832, 1988). Ce problèmede traduction est probable-mentàl’originedel’utilisationparlacommunautéfrançaisedescéramologuesdutermedepolissagepourtouteslesfini-tionsréaliséesaprèsuntempsdeséchageplusoumoinslong.Nousverronsquecesdéfinitionspeuventêtreprécisées.

La différenciation proposée par Rye entre brunissage etpolissage a en revanche été reprise par Rice qui définit lepremier comme «le frottement d’une surface avec un objetmousse et dur comme une pierre, un bois de cerf ou desgraines. La compaction et la réorientation des particulesd’argiledonnentunesurfacelustrée.Cetteopérationcréedesfacettes linéaires parallèles qui sont les marques caractéris-tiquesdelatechnique.Unbrunissagenégligéproduitunlustrerayé irrégulier et une couverture incomplète. Le brunissagepeut être réalisé surune argile à consistance cuir ou sèche,mais le lustrepeutêtredétruit si l’argile se rétracteensuite.Excepté pour les argiles qui possèdent un inhabituellementfaibleretraitauséchageouunlustrenaturelélevé,labrillanceseraconservéeseulementsi l’argileestbruniequandl’argileest à consistance sèche. À la différence du brunissage, lepolissageestréalisésurunesurfacesècheetdonneunlustreuniformesanslesfacettesparallèlesmarquéesetproduitesparl’argilebrunieàconsistancecuir»(Rice1987:138).

Pour G.-B.Arnal, «on doit appeler polissage tout travaildefinitionquisefaitsurpâtesèche,doncnonmalléableetdeconsistancedure.Deuxtraitementspeuventêtreapportésàlapoterieàl’étatsec,soitquelesupportaitétédéjàagrémentéd’unprécédentlissage,soitquelesupportsubisseàsonétatsecunelégèrehumidification.[…]Onremarquequedanslepolis-sageladifférenced’utilisationentreunoutildouxetunoutildur apparaît principalement dans l’empreinte qu’ils laissent.Un objet doux (bois) produit un adoucissement des arêtesdescanneluresfaiteslorsdesprécédentstravaux,alorsqu’aucontraireilagitpeuàl’intérieurdeleursgorges.Ilenrésulteàlacuissonunchangementdetonalitéetmêmedecolorationentrel’arêtedelacannelureetsagorge;cequiprovoqueunevisiontrèsnettedesréseauxdepolissage,malgré ladouceurautoucherdecettesurface.Unobjetdurpermetd’obtenirunesurfaceplusuniformeetbeaucoupplusbrillante.Lesréseaux

1. Les pages citées de l’ouvrage de Shepard correspondent à la 5e édition de 1965.

2. Le problème persiste dans la réédition

de 1989.

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Rémi Martineau | Brunissage, polissage et degrés de séchage

Les Nouvelles de l’archéologie n° 119 – Mars 2010 1�

de cannelures sont remplacés par des facettes de polissageet parviennentpresque à être effacés. En cequi concerne lematériaumêmedusupport,cesdiversesactionsdepolissagesontentreprisesaprèshumidificationquisuitgénéralementungrattagesoigné.Lessurfacesdurécipientétantprécédemmentrenduesuniformes,onleshumidifieparplagesrestreintessurlesquellesestpasséungaletparfaitementpoli,desurfaceextrê-mementdouceautoucher.Cegaletpeutfairepartiedetoutunjeudeformesprésentantdesprofilsappropriés.Chaquegaletest tenudans lapositionoùsoncontourépouseexactementlegalbedupot,uniformisantlasurface.Ceprocédé,plusquetoutautrelissage,permetdecomprimerlesmacro-élémentsdelapâteàl’intérieurdelaparoi,faisantremonteràlasurfacelesmoléculeslesplusfines.Ilenrésulteuneparoidequalitéexcel-lentegrâceàunetrèslégèrecouchesuperficielled’unetextureparticulièrement fine, souvent prise à tort pour un engobe.Cettetechniqueexigeunsoinextrême.Ellepeutserencontrerdanslacéramiquechasséennedite“luxueuse”.Là,eneffet,onpeutvoirdesvasesatteignanttantdeperfectionaupointdevuegrattageetpolissage,qu’ilssemblentavoirétémontésautouretleurssurfacessontsibrillantesqu’ellespeuventdonnerl’illusiond’êtrevernies»(Arnal1989:194-195).

PourOrton,Tyers&Vince(1993:85et126)lebrunissageest une technique très commune et très ancienne. Polir lasurfaceàconsistancecuirapoureffetd’orienterlesfeuilletsdesminérauxargileuxparallèlementàlasurface,donnantunpoli.Lepotàconsistancecuirestfrottéavecunepierredouceouunautreoutil,cequiencompactelasurfaceetlaisseunesériedefacettesainsiqu’unlégerlustre.

Gibson et Woods renvoient le terme polish à celui deburnish, défini comme «produisant un effet lisse, parfoisfacetté, sur la surface d’une poterie, produit par frottementde l’argile à consistance cuir avec un outil arrondi. Il peutêtre effectué avec un mouvement circulaire, mais était leplussouventréaliséavecdecourtsgesteslinéaires.CertainesvaissellesRomano-Britishétaientbruniessurletour,produi-santdelonguescannelurestoutautourdupot.Leprocessuscompacte la surface, réduit légèrement la perméabilité etsouvent entraîne une grande brillance; ce qui est à la foisfonctionneletdécoratif»(Gibson&Woods1997:114-115).

Lesdéfinitionsdecesopérationsdefinitionprésententdesdifférencesetapportentparfoisquelquesconfusionstermino-logiques.Onpeutnéanmoinsmettreenavantquelquespointscommuns: pour tous les auteurs, elles ont pour effet decomprimer l’argile avec un outil dur et mousse qui orienteles feuillets argileux les uns par rapport aux autres et rendla surface brillante grâce à la réflexion de la lumière. Lestracesobtenuessontdescanneluresplusoumoinsparallèleslesunes auxautres et souventdécrites commedes facettes.Les différences entre les définitions proviennent des impré-cisions concernant les types d’outil utilisés et surtout lesétatsdeséchagedelapâte.ÀpartirdespremiersconstatsdeShepard(1954),Rye(1981)distinguelebrunissagedupolis-sageenfonctiondudegrédeséchage.CettedistinctionaétérepriseparRice(1987)quientretientnéanmoinslaconfusionen évoquant le brunissage à consistance cuir ou sèche. Lepolissage à sec semble constituer le critère essentiel pour

G.-B.Arnal (1989) qui rejoint ainsi Shepard (1954) et Rye(1981).Balfet,Fauvet-Berthelot&Monzon(1983)ontentraînéune confusion entre les deux termes, tandis que Gibson&Woods(1997)n’utilisentpasletermedepolissage.

Le brunissage et le polissage sont-ils distinguables?Donnent-ils des états de surface différents? Quelles sontles techniques qui ont été réellement mises en œuvre surles poteries archéologiques? Ces techniques ne sont peut-être pas aussi bien connues qu’il y paraît. Nous proposonsd’en aborder expérimentalement la variabilité des traces etdes aspects de surface en fonction du degré de séchage del’argile. Il s’agit d’une première étude qui vise à proposerun référentiel utilisable pour interpréter les types de tracesarchéologiquesmaisaussipour les replacerdans l’ordredesétapesdelachaîneopératoire.

Temps de séchage et chaîne opératoire

Lanotiondetempsdansla«chaîneopératoire»sertaussibienànoterladateetl’heurequeletempspasséàeffectueruneopération.Maiscesontbienentendulestempsderéalisationde chaque étape (temps de travail),mesurables et propres àchaquetypedeproduction,quinousintéressentici(Martineau1995). Bien davantage que le temps de séchage lui-même,l’objectifestd’arriveràmettreenévidenceunesuccessiondephasesdontl’ordrepourraitêtrerestituéàpartirdel’étudedetessonsarchéologiquesdontonneconnaîtpaslesprocessusdeproduction.Réussirdanscetteentreprisereviendraitd’unepart à disposer d’un moyen d’évaluer les temps de séchageintermédiaires,d’autrepartàresituerlesdifférentesopérationslesunesparrapportauxautres,cequiaideraitgrandementàlareconstitutiondeschaînesopératoiresarchéologiques.

Le mécanisme de séchage constitue une clé pour lareconstitution des chaînes opératoires. Son intérêt résidedanslefaitqu’ils’agitd’unphénomènenaturelsedéroulantinévitablementselonunprocessuslinéairetantqu’iln’estpasmodifiéparlepotier.Danstouslescas,nécessaire,indispen-sable, incontournable, il fait partie intégrante du processusdetransformationdelamatièrepourdevenirunecéramique,puisquesansséchageaucunecuissoncorrecten’estpossible.Il s’agit donc d’un moyen d’étude applicable à toutes lescéramiques. Mais comme l’a dit O.S.Rye (1981), son rôleen tant que phénomène physique permettant au matériaude passer de l’état plastique à l’état solide afin d’être cuitdansdebonnesconditionsaplussouventétéévoquéquelesinteractions jouant à chaque étape de la fabrication d’unepoterie.Or, chacunedecesétapesesten réalité régiepar ledegréd’humiditédelapâteettoutleprocessusopératoireestrythméparleséchage,enfonctiondudegréd’hygrométrieetdelatempératureambiante.

Enfait,leséchageaététrèspeuétudiéparcequ’ilsemble«invisible», ou presque. On sait seulement que des fissurespeuventapparaîtreàcemomentetrisquentalorsdes’aggraveràlacuisson(Rye1981:65-66;Rice1987:67-69).Eneffetleséchagenelaissepasdetracesensoi;cesontlesopérationsréalisées sur les poteries qui laissent des traces différentesselon les degrés de séchage. Voilà une clé essentielle pour

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l’identificationdestechniquesetlareconstitutiondeschaînesopératoires.Cetaspectaétéunpeutropnégligéencéramo-logie.Pourtant,selon lesétatsdeséchageetenfonctiondesdifférentsoutils,gestesettechniquesutilisés,lapâteprésentedes caractéristiques différentes, bien identifiables. D’autantque, dans la plupart des chaînes opératoires céramiques, iln’existe pas une seule étape finale de séchage précédant lacuisson,mais le plus souvent plusieurs temps intermédiairesintervenantaufuretàmesureduprocessusdefabrication.A priori peu apparents sur les poteries archéologiques, ils sontfacilementobservablessurlespoteriesencoursdefabrication(ethnoarchéologieouexpérimentation).

Le séchage : mécanisme et processus physico-chimique

Reprenant les études antérieures des céramistes (Lawrence&West1982;Salmang1961;Norton1970), lesmanuelsdecéramologie(Rye1981;Rice1987)exposentlesprincipesduséchagesouslaformedusystèmeeau/argile.Encumulantlesdifférentessourcesd’information,ilestpossiblededéfinircinqétats de l’argile en fonction de la quantité d’eau contenue.

Il s’agit de l’état liquide(engobeoubarbotine),semi-liquide3, plastique, cuir etsec(fig.1).Surlafigure1,la

consistancecuirestdéfinieàpartirde69heures(3jours)deséchage.DeuxphasesseulementsontmisesenévidencesurlegraphedeRice(1987,fig.3.5:66).Bienentendu,seulslestroisderniersétatsconcernentlaprésenteétude.

LeschémaBdelafigure1montrel’organisationdesfeuilletsd’argile et de l’eau en fonction du degré de séchage. Lesplaquettesoufeuilletsserapprochentpeuàpeuet,auxdiffé-rentsstadesduprocessus,uneactionsurlamatièreparfrotte-mentoucompressionentraîneleurréorganisationstructurelle.Or,ilapparaîtquel’étatdesurfaceobtenuparcetteréorganisa-tiondel’argilediffèreenfonctiondesdegrésdeséchage.

Notonsque l’étatde surfaceobtenu,notamment ledegrédebrillance,varieselonlesargilesenfonctiondeleurnatureminéralogique(fig.2).Maissurtout,lelustreobtenuparpolis-sageavantquelapâtenesoittotalementsèchepeutdisparaîtreàcausedu retrait lorsdu séchage.Lepourcentagede retraitdépendlui-mêmedechaquetypedeminéralargileux.Lanatureminéralogiquedel’argilesembledoncdéterminerenpartieledegrédebrillanceobtenue (Shepard1954:122-124et190).Ajoutonsquelepourcentaged’inclusionsauneinfluencesurlepourcentagederetraitauséchage.Celles-cipourraientdoncégalementjouerunrôledanslaconservationdelabrillance.

D’autres paramètres sont susceptibles, selon les cas,d’avoirun effet sur l’étatde surfaceobtenu. Le typed’outiletnotammentsonmatériau,lesgestesréalisésetlarépétitionéventuelledesopérationssontlesparamètresquisontàl’ori-ginedutypedemacrotracesobtenues(fig.2).L’ajoutd’eauetsurtoutl’étapeduséchageaumomentdutraitementdesurfacesont égalementdéterminantspour la formationdes étatsdesurfaceetdestraces.C’estcedernierparamètrequenousnousproposonsd’explorerexpérimentalementàprésent.

Approche expérimentale

Passonsde la théorieà lapratiqueenobservantdeprès lescaractéristiquesdestraceslaisséesparunmêmeoutil,ungaletdepierredure,aveclequelontétéexécutéslesmêmesgestesdecompressiond’unemêmeargilenondégraisséeàdifférentsdegrésdeséchage.Lestracesobtenuesontétévolontairementlaisséesapparentes.Autantquepossible,nousavonsévitédeleseffacerenrépétantlesmêmesgestesplusieursfois.L’argileutiliséecorrespondàdescolluvionsrécentesenmilieucarbo-naté.Lacompositionminéralogiquen’apasétédéterminée.

3. En anglais slurry. Pâte semi-liquide à consistance crémeuse servant à la réalisation de certains décors en relief.

engobe ou barbotine

semi-liquide

plastique cuir sec

Volu

me

(%)

argi

leea

u

0 24

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

48 72 96 120 144

Temps (heures)

a

b

c

d

A

B

a b

c d

Fig. 1 – A) Les différentes étapes du processus de séchage de la pâte (55 % d’argile et 45 % d’eau) : liquide (engobe ou barbotine), semi-liquide, plastique, cuir (plus de 3 jours de séchage), sec.

B) Arrangement des feuillets argileux lors des principales étapes du séchage : a) feuillets dispersés dans beaucoup d’eau ;

b) les particules d’argile entrent en contact ; c) les feuillets sont regroupés ; plus d’eau en surface ; d) argile sèche

(d’après Rice 1987 ; Rye 1981 ; Lawrence & West 1982 ; Salmang 1961 ; Norton 1970)

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Rémi Martineau | Brunissage, polissage et degrés de séchage

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Surunplangénéral,lesexpériencesréaliséesontconfirmélesobservationsfaitesetpubliéesparLawrence&West(1982)etRice(1987),présentéesci-dessus(fig.2),àsavoirunediminutiondupoidscorrespondantàlaquantitéd’eauquis’estévaporéeenplusieursphases.Ilestévidentquelestempsdeséchageévoquésn’ontqu’unsensrelatifetdépendentdesconditionsdetempéra-tureetd’hygrométriedulieuoùsèchentleséchantillons.

Chaquepointdelacourbedelafigure3représentelaréalisa-tiond’untraitementdesurface;seulsleséchantillonsdifférentslesunsdesautresontéténumérotés,conservésetphotographiés.L’expérimentationaétéarrêtéequandl’argileaétésèche.L’étudeneconcernaitniledegrénilaqualitédulustreobtenulorsdesfinitions–unautresujetderecherchequiresteàdévelopper.

Cinqétapesde séchagepeuvent êtremises enévidence:la consistance plastique (matièreencore déformable), plastiquedure, humide, cuir et sèche(fig.3). Notons que la consis-tancecuircommenceaprèsdeuxjours de séchage dans notreexpérience (fig.3), tandis qu’elledémarre après trois jours dansleschémapubliéparRice (1987,fig.2.5: 66). Mais comme nousl’avons dit, ces durées sont trèsvariables puisqu’elles dépendent

desconditionsdetempératureetd’hygrométriedulieuetdujourdel’expérience.

Il paraît surtout intéressant d’essayer de mettre en rela-tion lesdifférentesphasesduprocessusde séchageavec lesdifférents échantillons afin de relier celles-ci aux caracté-ristiques des traces de surface (fig.3 à 5). Plusieurs échan-tillons présentent des traces comparables qui permettent deconstituer des groupes. C’est le cas des échantillons3 et4qui constituent lepremiergroupe (entreune journée etunejournéeetdemiedeséchage),deséchantillons5,6et7pourledeuxièmegroupe(entreunejournéeetdemieetdeuxjoursdeséchage),etdeséchantillons8,9,10,11et12quiconstituentletroisièmegroupe(entredeuxettroisjoursdeséchage).Leséchantillons1 et2 n’ont pas été photographiés car l’état desurfaces’apparentealorsdavantageàunsimplelissageàl’étatplastique. On observe une très bonne corrélation entre lesgroupesdetracesetlespaliersdeséchage.Aucuneconfusionn’estpossibleentrelestroisgroupes.Lepremierprésentedestraces larges comprenant des séries de stries profondémentmarquées dans la pâte; le toucher est rugueux et il n’y aaucunebrillance (fig.4).Ledeuxième rassembleuniquementde très nombreuses traces fines, faiblement marquées, peuvisibles, entraînantun toucherdouxetune légèrebrillance.Avec le troisième, les traces s’organisent en canneluresassociées aux traces fines déjà présentes lors du précédentpalierdeséchage(fig.5)maisellessontalorsbeaucoupplusmarquées,montrant lesdifficultés à réaliser correctement letravailsuruneargiledontleséchageestdéjàtrèsavancé.

Biensûr,ilesttoutàfaitpossibledecompliquerlasitua-tion en ajoutant superficiellement de l’eau pour renverser leprocessusdeséchage,commelementionneG.-B.Arnal(1989)pour lepolissageou le lustrage,oucommecelaestpratiquépourlebattage.Maisilnousasemblénécessaire,auparavant,d’observer leprocessus linéaire endétail. L’ajoutd’eauaprèsséchageetavantpolissagepeuteneffetentraînerdesdéfauts

types de minéraux argileux et % d'inclusions dans la pâte => % retrait au séchage et cuisson

étape du séchage au moment du traitement de surface

gestes réalisés

répétition éventuelle de l'action à une ou plusieurs étapes du séchage

ajout éventuel d'eau

nature de l'outil

formationd'un état de surface

Fig. 2 – Paramètres influençant la formation d’un état de surface On peut distinguer les actions techniques et les caractéristiques du matériau.

Fig. 3 – Courbe de séchage d’échantillons expérimentaux

frottés avec un galet au fur et à mesure du processus.

Les points correspondent aux pesées et les numéros renvoient

à ceux des photos de macrotraces des figures 4 et 5.

consistance plastique

consistancehumide

consistanceplastique

dure

consistancecuir

consistancesèchePo

ids

de l’

écha

ntill

on (g

r)

Temps de séchage (heures)

0 10 20 30 40 50 60 70 80

40

35

30

25

20

15

10

5

1 2

3 4

5 6 7 8

9

10 11 12

étape 1

étape 2 étape 3 étape 4 étape 5

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Dossier A p p ro c h e s d e l a c h a î n e o p é ra t o i re d e l a c é ra m i q u e

1� Les Nouvelles de l’archéologie n° 119 – Mars 2010

techniquescaractéristiquesparfoisdifficilesàsurmonteretplusencoreàmasquer,maisceciestlesujetd’uneautrerecherche.

Brunissage et polissage : deux techniques bien distinctes

Les états de surface obtenus au cours de nos expériencesapportentdesrésultatsquidiffèrentparplusieursaspectsdesdéfinitions publiées. La diversité des traces obtenues et lesvariantesde la technique sontbienplus importantesque lasimple division entre consistance cuir et sèche telle que laprésentent les manuels. Nous avons montré expérimentale-mentque les traitementsde surfaceavecungaletdepierredurepermettentd’obtenirdesétatsdesurfacetrèsdifférents

enfonctiondudegrédeséchage.Cesécartspeuventêtrerepo-sitionnésparrapportauprocessusdeséchage,cequipermetdelesinterpréterentermesdechaîneopératoire.

Lesexpériencesauxquellesnousavonsprocédémontrentqu’ilestpossiblededistinguercinqétapesdeséchage. Ilestégalement possible de séparer des ensembles de types detracesenlesreliantàcesétapesduséchage.Pourassocierunétatdesurfaceàuntraitementdesurface,ilfautcaractériseraumoinsdeuxparamètresessentiels:ledegrédeséchage(ouconsistancedelapâte)etlanaturedel’outil.Chacundecesparamètresestàl’originedecritèresdiagnostiquespertinentsobservablessurlestessonsarchéologiquesetexpérimentaux.

Àpartird’untessonarchéologique,ildevientalorspossiblede connaître l’étape de séchage à laquelle le traitement de

Fig. 4 3 et 4) Lissage au galet à consistance plastique dure. 5 à 7) Lissage à consistance humide. Les numéros des photos renvoient aux numéros de la courbe de la figure 3.

Fig. 5 8 à 12) Brunissage à consistance cuir

montrant une variation des traces au cours d’une même étape de séchage.

Les numéros des photos renvoient à ceux de la courbe de la figure 3.

Le référentiel permet de relier les degrés de séchage aux types de traces

et aux états de surface.

1 cm 1 cm

1 cm 1 cm1 cm

1 cm 1 cm1 cm

1 cm 1 cm

3 4

5 6 7

8 9 10

11 12

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Rémi Martineau | Brunissage, polissage et degrés de séchage

Les Nouvelles de l’archéologie n° 119 – Mars 2010 19

surfaceaété réalisé.Chacundecesensemblesde tracespeutêtredéfiniparuntermedifférent.Faut-ildéfinirlestechniquesdefinitionenfonctiondelanaturedel’outiloubiendel’étatdeséchagedelapâteaumomentdel’opération?Tousdeuxentraî-nentdestracescaractéristiques,maisilsemblequeledegrédeséchage soit le paramètre le plus déterminant puisque de luidépendentplusieurstypesdetraitementsdesurface(fig.4et5).

En suivant O.S.Rye (1981) et G.-B.Arnal (1989), nousproposonsderéserverletermedepolissageautravailàl’étatsec, avec ou sans apport d’eau. Par conséquent, les états desurface correspondant au travail à consistance cuir sont dubrunissage, selon la distinction effectuée par O.S.Rye et ladéfinition de Gibson & Woods (1997). Ces états de surfacecorrespondentautroisièmegroupedetracesdenosexpériences(fig.5).Lestraitementsdesurfaceavecungaletdepierreduresurunepâteàconsistanceplastique,plastiquedureouhumide(fig.4)doiventêtreconsidéréscommedulissageaugalet.

Ilestbienévidentquelebrunissageetlepolissagepeuventêtreassociésoucombinéssurunemêmepoterieetréalisésaprèsd’autres traitements de surface préparatoires. C’est pourquoil’étudedesétatsdesurfaceestunequestioncomplexeexigeantquesoientprisencomptetouslesparamètresobservables.

Conclusion et perspectives

Lesdifférentstypesdetracesobtenuesenfonctiondesdegrésdeséchageconstituentundébutderéférentielpourl’identifi-cationdestechniquesdetraitementdesurfacesurlespoteriesarchéologiques. Il permettra d’interpréter techniquement lestracesarchéologiquesobservées,maisaussietsurtoutde lespositionneràlabonneétapedelachaîneopératoiredeproduc-tion.DanslesétudescéramologiquesdeC.Colas(2000et2006)ouD.Timsit(1996et1999),parmibiend’autresexemples,ilapparaîtclairementqu’ilmanqueunetelleméthodepourl’in-terprétationdesétatsdesurfaceetdestracesobservés.

Ces résultats expérimentaux incitent à se demander s’ilne faudrait pas reconsidérer nos définitions, souvent tropgénérales, des états de surface et des techniques de finition

des poteries. Ne serait-ilpasutilede s’inspirerde ladescriptionsystématiquedes«moyensélémentairesd’ac-tionsurlamatière»selonlemodèledeA.Leroi-Gourhan(1943)4? Ne faudrait-il pas

se rapprocherdesdéfinitionsetdescriptionsutiliséespar lestracéologuespourdécrirelesétatsdesurface?

Leréférentielproposéiciestlimitéetdevraêtrecomplétépour les étapes initiales et surtout finales du processus. Larépétitiondel’expérienceprésentéepermettraitdeconfirmeretdevaliderlesrésultatsobtenus.D’autrepart,ilseraitnécessairedefairevarierd’autresparamètresqueledegrédeséchage,telsqueletyped’outil,lanaturedelapâteoulesgestes.Desexpé-riences de réhumidification de la surface pour permettre laréalisationdupolissageontmontréqu’elleentraînedesdéfautstechniques (écaillage) liés à la rétractation différentielle de

l’argile(Arnal1989).Cesexpériencesdevrontêtredocumen-téesendétail.D’autrescombinantplusieursparamètresserontégalement nécessaires. Il serait judicieux de les réaliser enfonctiondecontextesarchéologiquesbiencaractérisés tech-nologiquement.L’explorationdestechniquesdetraitementdesurfacedespoteriesarchéologiquesetlaconstitutionderéfé-rentiels d’identification et d’interprétation des observationsarchéologiquesn’ensontqu’àleursbalbutiements.Leréféren-tiel présenté ici est très certainement insuffisantpour inter-prétertouteladiversitédestracesarchéologiquesapparentéesau polissage. D’autres expériences complémentaires devrontêtreréaliséesetcomparéesauxétudesarchéologiques.

Le principe d’identification de l’ordre des opérations delachaîneopératoire,développéicipourlelissage,lebrunis-sageetlepolissageaugaletàpartirdel’étudedesdegrésdeséchage,estapplicableàtouteslestechniques.D’autresréfé-rentiels,établissurceprincipe,seraientdesoutilstrèsutilespourlareconstitutiondel’ordredesdifférentesopérationsettechniquesutiliséesdanschaquechaîneopératoirecéramique.Ildevientindispensablequesoientconstituéesdetellesbasesdedonnéesafindepermettredesinterprétationsplusfiablesetraisonnéesdesdifférentesobservationstechniques.Cetyped’approcheconcerneeneffettouteslestechniquesdesurfaçageet, dansunemoindremesure, de façonnage. L’identificationdes techniques céramiques est indispensable, mais chacunedoit ensuite être replacée dans un processus opératoire.L’étude des degrés de séchage constitue un des moyens lesplusprécisetlesplussûrspouryparvenir.Seulsdestravauxthématiquescibléssurdesquestionsprécisesserontàmêmederépondreàcesquestionstechniquescomplexes.

Ilfautaussisouhaiterlamiseenplacerapided’uneméthodecommune d’étude archéologique et ethnoarchéologique despoteries,intégrantlesdifférentesapprochesanalytiques,archéo-métriques, ethnoarchéologiques et expérimentales, afin deconstituerrapidementdesréférentielsdétaillés,bienconstruitsetbienadaptésauxcorpusétudiés.Lesperspectivesderecherchedanscedomainesonttrèsimportantesetconcernentaussibienleséchagequed’autrestechniques,séparéesouassociées,danslecadredelareconstitutiondeschaînesopératoires.

Ilseraitutilededistinguerlebrunissage,réaliséàconsis-tancecuir,dupolissageexécutéàconsistancesèche.Lesétudescéramologiques entretiennent trop souvent la confusion destermes.Pourtant,sionappliquecettestrictedéfinitiontermino-logique,validéeparl’expérimentation,lepolissagenesembleréellementavoirétémisenœuvreenFrancequesurlespote-ries duChasséen, notammentméridional, et duBronze finalIIIb.Ilapparaîtclairementquelacaractérisationprécisedecesdeuxtechniquespermettraitdereconstituerdeschaînesopéra-toires et des situations archéologiques différentes. Espéronsquecettecontributioninciteralescéramologuestechnologuesàreconsidérerlerôledel’étudeduséchagepourreconstituerla succession des opérations au cours de la fabrication despoteries.Souhaitonsaussiqu’elle soitune invitationàexpé-rimenter,mêmemodestementdumomentqueladémarcheestrigoureuse,pourmieuxdocumenteretidentifierlestechniquesetreconstituerplusprécisémentleschaînesopératoires.

4. Une technique serait alors définie par l’action sur la matière (pression, percussion, etc.), la nature et le type d’outil utilisé, la nature du matériau, le type de geste et d’action réalisé.

nathalie vaillant
tampon 3