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1 Mécanismes de l’alloréactivité, des rejets de greffe et de la réaction du greffon contre l’hôte. Marcelo de Carvalho Bittencourt, Christophe Baron, Gilles Blancho, Myriam Labalette, Hélène Moins Teisserenc Ghislaine Sterkers, Pierre Tiberghien I-Introduction _____________________________________________________________ 2 II-Alloantigènes. ___________________________________________________________ 2 II-1.Antigènes majeurs d’histocompatibilité ____________________________________ 2 II-2.Antigènes mineurs d’histocompatibilité ____________________________________ 3 II-3.Antigènes des groupes sanguins _________________________________________ 3 III-Mécanismes d’alloréactivité ________________________________________________ 3 III-1.Alloréactivité indirecte _________________________________________________ 3 III-2.Alloréactivité directe __________________________________________________ 4 IV-Les réactions de rejet en transplantation d’organes. _____________________________ 4 IV-1.Rejet hyper-aigu _____________________________________________________ 4 IV-2.Rejet aigu __________________________________________________________ 5 IV-3.Rejet chronique. _____________________________________________________ 7 V-La réaction du greffon contre l’hôte (GvH) dans la transplantation de cellules souches hématopoïétiques allogéniques _______________________________________________ 7

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Mécanismes de l’alloréactivité, des rejets de greffe

et de la réaction du greffon contre l’hôte.

Marcelo de Carvalho Bittencourt,

Christophe Baron, Gilles Blancho, Myriam Labalette, Hélène Moins Teisserenc

Ghislaine Sterkers, Pierre Tiberghien

I-Introduction _____________________________________________________________ 2

II-Alloantigènes. ___________________________________________________________ 2

II-1.Antigènes majeurs d’histocompatibilité ____________________________________ 2

II-2.Antigènes mineurs d’histocompatibilité ____________________________________ 3

II-3.Antigènes des groupes sanguins _________________________________________ 3

III-Mécanismes d’alloréactivité ________________________________________________ 3

III-1.Alloréactivité indirecte _________________________________________________ 3

III-2.Alloréactivité directe __________________________________________________ 4

IV-Les réactions de rejet en transplantation d’organes. _____________________________ 4

IV-1.Rejet hyper-aigu _____________________________________________________ 4

IV-2.Rejet aigu __________________________________________________________ 5

IV-3.Rejet chronique. _____________________________________________________ 7

V-La réaction du greffon contre l’hôte (GvH) dans la transplantation de cellules souches

hématopoïétiques allogéniques _______________________________________________ 7

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I-Introduction

Les progrès accomplis dans le domaine des traitements immunosuppresseurs ont permis de

développer la transplantation dans la prise en charge des patients atteints d’insuffisance

chronique de différents organes et tissus. L’immunosuppression qui accompagne ces greffes

est nécessaire puisque, au-delà des difficultés techniques chirurgicales, dès les premières

tentatives de transplantation, il est apparu que les greffons devenaient non-fonctionnels dans

un délai relativement court du fait de conflits immunitaires. Ces conflits sont liés à des

différences antigéniques entre les tissus et cellules du donneur et du receveur. Lorsque le

donneur appartient à la même espèce que le receveur, on parle d’alloréactivité, dont l’origine

principale est l’extrême polymorphisme des gènes codant pour les antigènes du complexe

majeur d’histocompatibilité (CMH). Dans les cas très rares où le donneur et le receveur sont

identiques génétiquement (jumeaux monozygotes) il s’agit d’une transplantation syngénique

et aucune réaction immunitaire n’apparaît. On parle enfin de xenoréactivité lorsque le

donneur et le receveur n’appartiennent pas à la même espèce.

Lorsque le receveur est immunodéprimé, comme dans la transplantation de cellules souches

hématopoïétiques, les cellules immunocompétentes contenues dans le greffon sont capables

de reconnaître les alloantigènes de l’hôte et de les rejeter : il s’agit de la maladie du greffon

contre l’hôte ou GVHD (Graft Versus Host Disease). Cette condition particulière est abordée

dans la seconde partie de ce chapitre.

L’alloréactivité reste un obstacle majeur aux transplantations d'organes et de tissus puisque

les rejets immunologiques aboutissent à la perte du greffon de façon pratiquement

inéluctable et relativement rapide sans traitement immunosuppresseur. En effet, chaque

individu possède un taux important de lymphocytes T naïfs capables de reconnaître les

alloantigènes. La fréquence des lymphocytes T naïfs spécifiques d’un antigène donné est

normalement très faible (de l’ordre de 1 pour 100 000, cf. livre L2). Cette fréquence est

beaucoup plus élevée en ce qui concerne les lymphocytes alloréactifs (de l’ordre de 1 à 10

pour 100), ce qui conduit au développement de réponses immunes de forte intensité lorsque

les antigènes d’histocompatibilité de deux individus sont mis en présence.

II-Alloantigènes.

II-1.Antigènes majeurs d’histocompatibilité

Plus de 90% des alloantigènes reconnus sont les produits des différences alléliques entre

les molécules du CMH des individus au sein d’une même espèce. Les différences

génétiques existant entre les nombreux allèles des molécules d’histocompatibilité sont

concentrées au niveau des parties codant la niche à peptide, régions les plus

polymorphiques de ces molécules (cf. livre L2).

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II-2.Antigènes mineurs d’histocompatibilité

Les antigènes mineurs d’histocompatibilité correspondent à des fragments peptidiques issus

de la dégradation de protéines intracellulaires pour lesquelles il existe un polymorphisme

génétique, mais n’appartenant pas au CMH. La présentation d’un antigène mineur est

cependant restreinte par le CMH et fait intervenir l'alloréactivité indirecte. Les gènes codant

les protéines présentant un polymorphisme allélique se situent sur divers chromosomes ce

qui explique leur transmission autosomique ou gonosomique. Ainsi, l’antigène H-Y n’est

exprimé que par les hommes puisque le gène qui le code est localisé sur le chromosome Y.

Il existe aussi un polymorphisme des cytokines et de leurs récepteurs, ainsi que des

antigènes du système KIR (Killer Immunoglobulin Receptors) présents sur les cellules NK.

Le polymorphisme extensif du génome humain inclut par ailleurs des délétions de gènes. Le

système immunitaire d’un individu porteur d’une délétion homozygote d’un gène n’a pas

acquis de tolérance vis-à-vis du produit de ce gène. En cas de greffe allogénique il peut

reconnaître ce produit comme un alloantigène.

Les antigènes mineurs d’histocompatibilité ont été découverts en raison de phénomènes de

GVH survenus au décours de greffes entre donneur et receveur présentant le même CMH

(greffe HLA-identique). Les antigènes mineurs d'histocompatibilité ne jouent toutefois pas de

rôle déterminant dans la transplantation d'organes.

II-3.Antigènes des groupes sanguins

Les antigènes des groupes sanguins, ABO, sont importants aussi pour la transplantation

car ils sont présents à la surface de plusieurs types cellulaires, dont les cellules

endothéliales. Dans une situation d'incompatibilité ABO donneur-receveur, ils peuvent être la

cible des anticorps naturels, responsables de rejets hyper-aigus.

III-Mécanismes d’alloréactivité

L'alloréactivité peut être classée en deux types en fonction du mode de reconnaissance des

alloantigènes.

III-1.Alloréactivité indirecte

Dans le cas de l’alloréactivité indirecte, les protéines allogéniques du donneur sont

internalisées et apprêtées par les cellules présentatrices d’antigènes du receveur. Les

lymphocytes T CD4 ou CD8 du receveur dont les TCR reconnaissent ces peptides du

donneur présentés respectivement dans les molécules du CMH de classe II ou de classe I

du receveur sont des lymphocytes T dits alloréactifs. Cette reconnaissance indirecte suit

donc le processus physiologique d’amorçage de l’activation lymphocytaire T (cf. livre L2). La

fréquence de lymphocytes alloréactifs potentiellement activés via l’alloréactivité indirecte se

rapproche de celle mesurée pour un antigène étranger donné.

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III-2.Alloréactivité directe

A l’opposé, l’alloréactivité directe indique la capacité des lymphocytes T alloréactifs à

reconnaître les molécules du CMH du donneur directement sur les cellules présentatrices

d’antigène contenues dans le greffon. Ces molécules du CMH peuvent contenir des peptides

issus du donneur ou du receveur. L’alloréactivité directe peut paraître surprenante. Elle tire

son origine des particularités de l’ontogénie des lymphocytes T qui subissent plusieurs

étapes de sélection dans le thymus afin de ne conserver que des cellules ayant un TCR

fonctionnel mais non-autoréactives (cf. livre L2). La sélection négative thymique ne prend

pas en compte les molécules du CMH allogéniques qui sont absentes du stroma thymique

d’un individu. Après une greffe, des complexes CMH allogénique/peptides, qui ressemblent

du point du vue tridimensionnel à un complexe CMH du soi/peptide étranger, peuvent être

reconnus par les lymphocytes T du receveur qui n'ont pas été éliminés au cours de

l’ontogénie. Cette reconnaissance donne le premier signal d'activation lymphocytaire.

Un troisième mode de reconnaissance allogénique a été décrit, l'alloréactivité semi-directe,

liée à la propriété des cellules dendritiques de capturer des molécules de surface d'une autre

cellule. Les cellules dendritiques du receveur « capteraient » donc des complexes CMH de

classe I/peptide du donneur, tout en présentant de façon concomitante des peptides issus du

donneur sur leurs propres molécules CMH de classe II.

IV-Les réactions de rejet en transplantation d’organes.

IV-1.Rejet hyper-aigu

Dans les rejets hyper-aigus, des anticorps préformés reconnaissent massivement des cibles

cellulaires présentes dans les petits vaisseaux du greffon. Ceci aboutit à l’activation du

complément, à des lésions thrombo-hémorragiques ou ischémiques et à la mort tissulaire.

Les rejets hyper-aigus surviennent très rapidement, dans les minutes ou les heures qui

suivent la revascularisation du greffon. Des anticorps préformés (consécutifs à des

grossesses, des transfusions non déleucocytées, ou une allogreffe antérieure), dirigés contre

les molécules CMH de classe I du donneur, peuvent être la cause de rejets hyper-aigus.

Comme ces rejets sont extrêmement difficiles à contrôler, il est très important de s'assurer

avant la transplantation que le receveur n'est pas immunisé vis-à-vis des molécules CMH du

donneur. La réalisation d'un crossmatch lymphocytaire permet l'identification d’anticorps anti-

HLA préformés éventuels. Dans ce test on incube des cellules mononucléées du donneur

avec le sérum du receveur en présence de complément et d’un marqueur de viabilité

cellulaire. En cas de présence d'anticorps anti-HLA, la fixation du complément aboutit à la

lyse des cellules du donneur (crossmatch positif). A l'inverse, si les cellules sont viables, il

n’y a pas d’anticorps cytotoxiques anti-donneur chez le receveur (crossmatch négatif).

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IV-2.Rejet aigu

Les rejets aigus surviennent dans les trois premiers mois suivant la transplantation. Quatre

phases peuvent être identifiées dans la physiopathologie du rejet aigu, reconnaissance,

activation, infiltration et destruction du greffon.

Pendant la phase d'alloreconnaissance ou d’allosensibilisation, l'alloréactivité directe conduit

à l’activation des lymphocytes T alloréactifs par les cellules dendritiques du donneur. Comme

tous les organes, le greffon contient des cellules dendritiques immatures qui agissent comme

cellules sentinelles du système immunitaire. Ces cellules sont sensibles à l’environnement

inflammatoire éventuellement présent chez le donneur, par exemple si celui-ci a subi une

réanimation médicale prolongée. De plus, la transplantation est elle-même génératrice de

signaux de danger capables d'induire une maturation des cellules dendritiques contenues

dans le greffon. La procédure chirurgicale (lésions tissulaires) ainsi que la période d'ischémie

froide, pendant la conservation extra-corporelle du greffon, induisent effectivement un

microenvironnement pro-inflammatoire.

Sur les cellules dendritiques chargées de peptides allogéniques, l'expression du récepteur

de chemokine CCR7 et des molécules d'adhésion augmente. Dans la période précoce post-

transplantation, les cellules dendritiques du donneur vont ainsi migrer vers les zones

lymphocytaires T des ganglions lymphatiques du receveur drainant le greffon. Elles

deviennent matures, augmentent l’expression des molécules CMH et des molécules de

costimulation, et sont alors capables d’activer les lymphocytes T alloréactifs et de débuter

ainsi la réponse immune allogénique.

Cette reconnaissance directe des alloantigènes est responsable d’environ 90% de la

réponse allogénique et des rejets aigus survenant dans les premiers jours ou les premières

semaines post-transplantation.

De façon concomitante, les cellules présentatrices d’antigène du receveur sont attirées vers

le greffon par l’environnement inflammatoire présent dans celui-ci. Ces cellules capturent

des débris tissulaires et migrent également vers les ganglions drainant le greffon.

De plus, des molécules solubles originaires du donneur sont transportées par voie sanguine

vers les ganglions lymphatiques et peuvent être capturées et apprêtées par les cellules

dendritiques du receveur. Ces alloantigènes peuvent être reconnus par les lymphocytes T

alloréactifs par la voie indirecte, ce qui peut induire un rejet aigu avec une cinétique plus

tardive. Cette voie indirecte est responsable de la majorité des rejets aigus survenant à

distance de la transplantation, car il n’y a qu’un petit nombre de cellules dendritiques dans le

greffon.

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Les cellules endothéliales du greffon peuvent aussi être reconnues par les lymphocytes T

CD8 du receveur par un mécanisme d’alloréactivité directe et être, d’une part une source

potentielle d’allostimulation et, d’autre part, la cible de ces cellules cytotoxiques.

La délivrance des trois signaux d’activation lymphocytaire (liaison TCR-complexe

CMH/peptide, costimulation et signaux de différenciation fonctionnelle) par les cellules

dendritiques allogéniques ou autologues aboutit à l’activation et à la prolifération clonale des

lymphocytes T alloréactifs CD4 et CD8. Les réponses alloréactives sont polarisées vers un

profil de type Th1, avec une signature cytokinique pro-inflammatoire et prédominance de

sécrétion d’IFN-gamma. Cette seconde phase du rejet aigu est caractérisée par une

importante sécrétion de cytokines, une amplification de la réponse alloréactive et l’activation

d’autres cellules effectrices. Les lymphocytes B peuvent alors sécréter des anticorps dirigés

contre les alloantigènes, notamment les anticorps anti-CMH. Les cellules NK et les

macrophages sont également activés. Il s’ensuit une phase d’infiltration du greffon par des

cellules alloréactives. Cette phase est dépendante de la sécrétion de chemokines et d’une

augmentation de l’expression des molécules d’adhésion, qui facilitent la migration des

cellules alloréactives à travers l’endothélium des vaisseaux du greffon. Ces phénomènes

aboutissent à l’agression des cellules parenchymateuses du greffon. Les lymphocytes T CD8

cytotoxiques induisent l’apoptose des cellules cibles allogéniques en libérant des perforines

et granzymes, ou par la voie membranaire (interactions Fas/Fas-ligand). Des cytokines

inflammatoires et cytotoxiques (comme le TNF-) ainsi que le recrutement d’autres cellules

effectrices (lymphocytes B, cellules NK, polynucléaires neutrophiles et éosinophiles,

monocytes/macrophages) contribuent à une inflammation importante des vaisseaux et du

parenchyme du greffon. Les lésions vasculaires et thrombotiques associées induisent une

ischémie tissulaire et à terme la nécrose tissulaire.

Les conséquences cliniques de ce processus sont une altération de l’état général, fièvre et

signes d’insuffisance fonctionnelle du greffon. Le diagnostic est conforté par une biopsie du

greffon et une analyse anatomo-pathologique.

On parle de rejet vasculaire s’il existe une prédominance de lésions vasculaires, avec

œdème et dépôt de fractions du complément sur l’endothélium. Les anticorps, notamment

les anticorps anti-CMH mais également d’autres anticorps dirigés contre des antigènes des

cellules endothéliales sont impliqués dans ces phénomènes.

Le rejet cellulaire est caractérisé par une infiltration inflammatoire interstitielle massive par

des lymphocytes, macrophages et polynucléaires neutrophiles.

Ces deux types de rejets peuvent coexister.

Les rejets aigus peuvent être contrôlés de façon efficace par les traitements

immunosuppresseurs (voir ce chapitre). Cependant, ces traitements ne sont pas sélectifs

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vis-à-vis de l’alloréactivité et inhibent également les réponses immunitaires bénéfiques.

Ainsi, les patients transplantés présentent un risque accru d’infections et de néoplasies

secondaires.

IV-3.Rejet chronique.

Le rejet chronique survient plus tardivement, plusieurs mois ou plusieurs années après la

transplantation. Il est caractérisé par une dégradation progressive et irréversible de la

fonction du greffon. A la biopsie, on retrouve une fibrose interstitielle et périvasculaire ainsi

qu’une vasculopathie chronique avec un épaississement de l’intima. Les mécanismes

physiopathologiques du rejet chronique ne sont pas entièrement compris, mais impliquent

des facteurs non-immunologiques et immunologiques. Ainsi, et de façon non-exhaustive, des

facteurs liés au greffon (lésions induites par le stress oxydatif de l’ischémie/reperfusion), à

l’hôte (âge, hypertension artérielle, infections - notamment par le CMV-, hyperlipidémie) et

aux traitements immunosuppresseurs (toxicité directe sur le greffon) ont été démontrés

comme étant impliqués potentiellement.

Les facteurs immunologiques incluent le nombre de compatibilités CMH entre le donneur et

le receveur, la présence préalable d’anticorps anti-CMH, les épisodes de rejet aigu et un

traitement immunosuppresseur suboptimal. Le rejet chronique ne peut pas être contrôlé par

les traitements immunosuppresseurs disponibles et est actuellement la principale cause

d’échec des transplantations.

L’induction d’une tolérance immunologique (acceptation du greffon sans traitement

immunosuppresseur) pourrait potentiellement être la solution au défi clinique du rejet

chronique.

La mise en évidence de la production tardive d’anticorps dirigés contre les antigènes du

donneur différant de ceux du receveur a été associée à la présence d’une activation du

complément conduisant à des dépôts de fraction C4 dans le greffon. Ceci est

particulièrement caractéristique des greffes rénales présentant un rejet chronique avec des

dépôts de C4 dans les vaisseaux et les glomérules.

V-La réaction du greffon contre l’hôte (GvH) dans la transplantation de cellules

souches hématopoïétiques allogéniques

La greffe de cellules souches hématopoïétiques allogéniques est utilisée dans le traitement

des hémopathies malignes, des déficits immunitaires sévères et de certaines maladies

héréditaires touchant l’hématopoïèse. Les tumeurs solides, les maladies auto-immunes

sévères ou encore la transplantation d’organes sont d’autres situations cliniques dans

lesquelles le potentiel de la transplantation de cellules souches hématopoïétiques est

actuellement exploré.

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Trois types de greffons allogéniques peuvent être utilisés : moelle osseuse, cellules souches

périphériques (CSP) mobilisées après administration de G-CSF (Granulocyte-Colony

Stimulating Factor) ou sang placentaire issu du cordon ombilical.

Le choix du donneur, pour les greffes de moelle osseuse ou de CSP, se fait sur des critères

d’histocompatibilité stricts incluant la recherche d’une identité CMH 10/10 (HLA-A*, B*, C*,

DRB1*, DQB1*) entre le donneur et le receveur.

La greffe de cellules souches hématopoïétiques allogéniques consiste, pour partie, à

remplacer le système hématopoïétique du malade par le système hématopoïétique d’un

donneur volontaire sain en perfusant chez le malade des cellules souches qui viseront à

reconstituer un système hématopoïétique complet.

Afin d’une part de détruire un maximum de cellules malignes et d’autre part de minimiser les

risques de rejet du greffon par les lymphocytes T du receveur (effet HvG, pour Host versus

Graft), le patient reçoit au préalable soit un conditionnement standard (chimiothérapie

myéloablative complétée par une irradiation corporelle totale), soit un conditionnement

atténué.

Cette allogreffe est aussi et surtout une véritable immunothérapie adoptive car elle apporte

des cellules immunocompétentes notamment des lymphocytes T matures et des cellules NK

du donneur. De par leur immunocompétence, celles-ci participent, dès leur perfusion chez le

receveur, à la prise de greffe avec potentialisation de l’hématopoïèse, à la reconstitution de

l’immunité anti-infectieuse (effet GvI, pour Graft versus Infection) et au développement de

l’immunité anti-tumorale (effet GvL, pour Graft versus Leukemia). Cet effet GVL est la plus

puissante modalité d’immunothérapie des cancers disponible aujourd’hui et justifie à lui seul

l’utilisation de la greffe de cellules souches hématopoïétiques allogéniques pour le traitement

de certaines hémopathies malignes.

Cet effet bénéfique anti-tumoral n’est cependant pas sans risque pour le receveur puisque

tout ou partie de ces mêmes cellules responsables de l’effet anti-tumoral sont également

directement impliquées dans la réaction du greffon contre l’hôte (effet GvH). La GvH est une

complication importante et fréquente, responsable de 15 à 40% de mortalité au cours du

premier trimestre suivant la greffe et d’une importante morbidité pouvant atteindre 50%.

On distingue deux formes cliniques de GvH, la forme aiguë et la forme chronique, ayant

chacune une cinétique et une physiopathologie propre. La GvH aiguë survient précocement

et se caractérise cliniquement par une perte de poids, des atteintes cutanées, digestives,

hépatiques et pulmonaires en plus d’une immunosuppression importante. La GvH chronique

survient plus tardivement. Sa physiopathologie est moins bien connue mais les principaux

organes cibles sont également la peau, les intestins et le foie.

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La GvH aiguë est due majoritairement à l’alloreconnaissance par les lymphocytes T matures

du donneur des antigènes mineurs d'histocompatibilité exprimés par les cellules des tissus

sains du receveur, en raison des précautions prises pour obtenir la meilleure compatibilité

pour les antigènes majeurs d’histocompatibilité. Comme les antigènes mineurs sont des

cibles allogéniques qui peuvent être exprimées par les cellules saines et malignes du

receveur, il existe un recouvrement plus ou moins important des effets GvL et GvH.

La réaction de GvH aiguë comprend plusieurs étapes. Dans un premier temps, les cellules

présentatrices de l’antigène contenues dans les tissus du receveur sont activées. En effet, le

conditionnement pré-greffe entraîne une tempête cytokinique par le biais de dommages

tissulaires (gastro-intestinaux en particulier) générant des signaux de danger. La

reconnaissance des alloantigènes sur les cellules présentatrices du receveur induit dans un

second temps l’activation des lymphocytes T du donneur.

Les dommages causés par la réaction de GvH aiguë sont imputables aux lymphocytes T

CD8 cytotoxiques, à des cytokines et à des chemokines. Les cytokines inflammatoires,

principalement de type Th1, agissent en synergie avec les lymphocytes cytotoxiques pour

induire les dommages tissulaires. Le TNF- et l’IL-1 sont produits en abondance dans la

GvH aiguë. Le TNF- participe probablement à la cachexie caractéristique de la GvH aiguë.

Il contribue à la maturation des cellules dendritiques et accroît ainsi l’efficacité du processus

de présentation d’antigènes. Il recrute des lymphocytes T effecteurs, des neutrophiles et des

monocytes par le biais de l’induction de chemokines.

La GvH aiguë est gradée de I à IV en fonction du nombre et de l’étendue des organes

impliqués (tableau 1). Les formes les plus sévères sont généralement létales, mais

l’utilisation de traitements immunosuppresseurs permet le plus souvent de juguler la GvH

aiguë.

Les lymphocytes T issus du donneur jouent également un rôle capital à la phase effectrice

de la GvH chronique. Cependant, la production de cytokines de type Th2 prédomine dans la

GvH chronique. La plupart des malades souffrant de GvH chronique expriment des auto-

anticorps dirigés contre des antigènes de surface des cellules du receveur. Les facteurs de

risque sont les différences génétiques entre donneur et receveur, une GvH aiguë préalable,

en particulier lorsqu’elle s’accompagne de traitement par corticoïdes, l’utilisation de greffons

non déplétés en lymphocytes T, un greffon de sexe féminin administré à un receveur de

sexe masculin et l’âge du receveur.

La GvH chronique se présente comme une maladie auto-immune, avec formation d’auto-

anticorps. Les lésions histologiques de la GvH chronique sont différentes de celles de la GvH

aiguë. On observe des dépôts de collagène et une importante fibrose du derme, résultant

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dans une symptomatologie proche de celle observée par les malades porteurs de

sclérodermie et de syndrome de Sjögren. Les manifestations cliniques associent

variablement des ulcérations orales (lichen plan), kérato-conjonctives ou de l’œsophage, une

sclérodermie, une maladie veino-occlusive ou une hépatite chronique agressive. Un déficit

immunitaire est constamment associé avec son cortège de maladies infectieuses

opportunistes.

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A retenir

Les complications majeures des greffes d’organes et de cellules souches

hématopoïétiques sont liées à des conflits immunologiques.

Ces conflits sont initiés par les différences existant entre les antigènes cellulaires

du donneur et du receveur. Il s’agit d’alloantigènes en clinique humaine.

On distingue les antigènes majeurs du complexe majeur d’histocompatibilité

(CMH), mais aussi les antigènes mineurs d’histocompatibilité provenant du

polymorphisme génétique de diverses molécules n’appartenant pas au CMH.

Tous les individus possèdent une population importante de lymphocytes T

susceptibles de reconnaître les complexes CMH/peptide d’un autre individu ayant

échappé à la sélection négative thymique.

Les conflits immunologiques liés aux greffes concernent la reconnaissance

d’antigènes du donneur par des cellules du receveur (rejet) ou d’antigènes du

receveur par des cellules du donneur (GvH).

Les mécanismes des conflits immunologiques impliqués en transplantation sont

ceux d’une réponse immunitaire classique, avec des phases de reconnaissance,

activation, prolifération, production d’effecteurs et régulation.

En transplantation d’organes, le conflit majeur est le rejet de greffe qui implique

une alloreconnaissance directe ou indirecte et peut être aigu ou chronique. Il peut

conduire à la perte fonctionnelle puis anatomique du greffon.

En greffe de cellules souches hématopoïétiques, le conflit majeur est la maladie

du greffon contre l’hôte (GvH) qui peut être aiguë ou chronique. Il peut conduire à

la destruction des tissus du receveur et à sa mort.

Les phénomènes délétères associés à l’alloréactivité doivent être contrôlés par

des traitements immunosuppresseurs.

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Tableau 1 : Grades de sévérité de la GVH aiguë

Grade Atteinte

Cutanée

Atteinte

hépatique

Atteinte

digestive

Altération de

l’état général

I + à ++ 0 0 0

II + à +++ + foie ou tube digestif Discrète

III ++ à +++ ++ foie ou tube digestif Marquée

IV Toute atteinte ++ avec retentissement

sévère sur l’état général Sévère