6
Cahiers de nutrition et de diététique (2010) 45, 72—77 PHYSIOLOGIE Mécanismes régulateurs de la perméabilité des jonctions serrées épithéliales du tube digestif Regulatory mechanisms of tight junctions permeability of gut epithelial cells Lionel Bueno Unité de neurogastroentérologie, INRA, UMR 1054, 180, chemin de Tournefeuille, BP3, 31931 Toulouse cedex, France Rec ¸u le 30 d´ ecembre 2009 ; accepté le 1 er evrier 2010 MOTS CLÉS Perméabilité ; Jonctions serrées ; Intestin ; Côlon ; Pathologie digestive Résumé Les jonctions serrées intercellulaires des cellules épithéliales de l’intestin et du côlon sont constituées de protéines (occludine, JAM, claudines). Ces protéines sont liées au cytosquelette des cellules épithéliales et en particulier à l’anneau périjonctionnel d’actinomyosine par des protéines de jonctions (ZO1-3...). En situation physiologique, le pas- sage des molécules est limité en taille (1 KD) mais l’ouverture des jonctions peut permettre le passage de molécules de gros poids moléculaire (40 KD) voire la translocation bactérienne. Ces ouvertures correspondent le plus souvent à la contraction du cytosquelette consécutive à la phosphorylation des chaînes légères de myosine (MLC) catalysée par la MLC Kinase. À partir de l’activation de récepteurs membranaires, plusieurs voies de signalisation intracellulaires (PLC, MAPKK, Rho-kinase) conduisent à l’activation de la MLCK et la déformation du filtre que consti- tuent les protéines des jonctions, consécutive à la contraction des filaments d’actinomyosine. Ce phénomène semble être impliqué dans de nombreuses pathologies digestives inflammatoires (maladie de Crohn, maladie cœliaque) ou fonctionnelles (syndrome de l’intestin irritable [SII]) et dans les gastroentérites infectieuses. Les récepteurs membranaires aux protéases (PAR-2, PAR-4) sont impliqués le plus souvent à partir de leur localisation apicale sur les entérocytes. Cette augmentation de perméabilité est souvent responsable d’une stimulation du système immunitaire sous-muqueux et d’une sensibilisation des neurones mécanosensibles générant des douleurs abdominales. Cet état de sensibilisation du système immunitaire dépend éga- lement de l’activation des mastocytes situés à ce niveau. Enfin certaines données récentes confirment l’impact de facteurs alimentaires et xénobiotiques susceptibles de participer à cet état d’anomalie de la perméabilité intestinale et/ou colique conduisant souvent à une translocation bactérienne de la flore commensale. © 2010 Société franc ¸aise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Texte issu d’une conférence de l’auteur au quatrième congrès de la SFN en décembre 2009. Adresse e-mail : [email protected]. 0007-9960/$ — see front matter © 2010 Société franc ¸aise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.cnd.2010.02.003

Mécanismes régulateurs de la perméabilité des jonctions serrées épithéliales du tube digestif

  • Upload
    lionel

  • View
    216

  • Download
    2

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Mécanismes régulateurs de la perméabilité des jonctions serrées épithéliales du tube digestif

Cahiers de nutrition et de diététique (2010) 45, 72—77

PHYSIOLOGIE

Mécanismes régulateurs de la perméabilité desjonctions serrées épithéliales du tube digestif�

Regulatory mechanisms of tight junctions permeability of gut epithelial cells

Lionel Bueno

Unité de neurogastroentérologie, INRA, UMR 1054, 180, chemin de Tournefeuille, BP3,31931 Toulouse cedex, France

Recu le 30 decembre 2009 ; accepté le 1er fevrier 2010

MOTS CLÉSPerméabilité ;Jonctions serrées ;Intestin ;Côlon ;Pathologie digestive

Résumé Les jonctions serrées intercellulaires des cellules épithéliales de l’intestin etdu côlon sont constituées de protéines (occludine, JAM, claudines). Ces protéines sontliées au cytosquelette des cellules épithéliales et en particulier à l’anneau périjonctionneld’actinomyosine par des protéines de jonctions (ZO1-3. . .). En situation physiologique, le pas-sage des molécules est limité en taille (1 KD) mais l’ouverture des jonctions peut permettre lepassage de molécules de gros poids moléculaire (40 KD) voire la translocation bactérienne. Cesouvertures correspondent le plus souvent à la contraction du cytosquelette consécutive à laphosphorylation des chaînes légères de myosine (MLC) catalysée par la MLC Kinase. À partir del’activation de récepteurs membranaires, plusieurs voies de signalisation intracellulaires (PLC,MAPKK, Rho-kinase) conduisent à l’activation de la MLCK et la déformation du filtre que consti-tuent les protéines des jonctions, consécutive à la contraction des filaments d’actinomyosine.Ce phénomène semble être impliqué dans de nombreuses pathologies digestives inflammatoires(maladie de Crohn, maladie cœliaque) ou fonctionnelles (syndrome de l’intestin irritable [SII])et dans les gastroentérites infectieuses. Les récepteurs membranaires aux protéases (PAR-2,PAR-4) sont impliqués le plus souvent à partir de leur localisation apicale sur les entérocytes.Cette augmentation de perméabilité est souvent responsable d’une stimulation du systèmeimmunitaire sous-muqueux et d’une sensibilisation des neurones mécanosensibles générantdes douleurs abdominales. Cet état de sensibilisation du système immunitaire dépend éga-lement de l’activation des mastocytes situés à ce niveau. Enfin certaines données récentesconfirment l’impact de facteurs alimentaires et xénobiotiques susceptibles de participer àcet état d’anomalie de la perméabilité intestinale et/ou colique conduisant souvent à unetranslocation bactérienne de la flore commensale.© 2010 Société francaise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

� Texte issu d’une conférence de l’auteur au quatrième congrès de la SFN en décembre 2009.Adresse e-mail : [email protected].

0007-9960/$ — see front matter © 2010 Société francaise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.cnd.2010.02.003

Page 2: Mécanismes régulateurs de la perméabilité des jonctions serrées épithéliales du tube digestif

Mécanismes régulateurs de la perméabilité des jonctions serrées épithéliales du tube digestif 73

ar ti, clarticuIn p

ile instancntraion oof epng fry patS), cular

d IBDune snal phat calim

tinal

nut

MLCK et induire l’ouverture des jonctions serrées : les acidesbiliaires, le trypsine et autres protéases d’origine exogèneet endogène, des composants bactéries (LPS). . . (Tableau 1).

Les sérine-protéases telles que trypsine, tryptase sontsusceptibles d’activer les récepteurs PAR-2 situés au pôleapical des cellules épithéliales, entraînant une augmenta-tion de la perméabilité colique à l’origine d’une réactioninflammatoire pariétale [1,2]. La phosphorylation rapide deschaînes légères de la myosine est due à une activation rapidede la MLCK, l’activation des PAR-2 favorisant l’apparitiond’un complexe calmoduline/MLCK [2]. Toutefois, certainessérine-protéases en particulier libérées par les mastocytestelle la tryptase peuvent activer les récepteurs PAR-2 auniveau basolatéral des cellules épithéliales.

KEYWORDSGut;Permeability;Tight junction;Epithelial cells;Colon;Pathologies

Summary The intercellulprotein structures (occludincytoskeleton filaments in pastructures such as ZO1-ZO3.of molecules up to 1 KD whcules of 40 KD and in some inresult from cytoskeleton coMLC kinase (MLCK). Activatand basolateral membranekinase, MAPKK, PLC) resultinomenon is involved in manIrritable Bowel Syndrome (IBReceptors (PARs) and particcells, are involved in IBS anactivation of the local immneurons generating abdomition of mucosal mast cells tsupport the hypothesis thatsuch abnormalities of intescommensal flora.© 2010 Société francaise de

Introduction

La barrière épithéliale digestive doit assurer la protectionde l’organisme tout en assurant à la fois la reconnais-sance de l’origine et la nature des éléments nutritionnelsou indésirables transitant dans l’intestin et le côlon en pré-sence d’une microflore commensale régulée par le systèmeimmunitaire sous-muqueux. Cette barrière possède doncune perméabilité indispensable pour cet équilibre réaliséen particulier par le système de filtrage que constituentles espaces intercellulaires et en particulier les jonctionsserrées (Fig. 1).

Ces jonctions serrées sont constituées de protéines(occludine, claudines 1-1212) ancrées au cytosquelette de

cellules adjacentes par l’intermédiaire de protéines deliaison intracytoplasmique comme ZO1, ZO2. . . Les fila-ments d’actinomyosine du cytosquelette constitue à ceniveau un anneau périjonctionnel pouvant se contracter sousl’influence de facteurs luminaux et endogènes.

L’ouverture de ces jonctions serrées faisant suite à lacontraction du cytosquelette favorise le passage de toxines,allergènes, fragments membranaires et bactéries de lalumière intestinale ou colique vers l’espace sous-muqueux.L’un des mécanismes les plus classiques de réponse immé-diate de contraction des cellules et partant d’ouverture desjonctions serrées est lié à la phosphorylation rapide deschaînes légères de myosine (MLC) par la Myosin Light ChainKinase (MLCK), une enzyme activée à partir de récepteursmembranaires (Fig. 2) exprimés aux pôles apical et basola-téral des cellules épithéliales.

Facteurs luminaux responsables del’ouverture des jonctions serrées

Mécanismes récepteur-médiés

De nombreuses substances exogènes et endogènes trou-vées dans le contenu digestif sont susceptibles d’activer la

ght junctions of epithelial of gut epithelial cell are multipleudins, JAM). These TJ proteins are linked to the epithelial celllar the apical ring of actinomyosin through different connectinghysiological situation, this intercellular filter offers the passage

pathological states, it can permit the passage of macromole-es bacterial translocation. These periods of ‘‘open’’ TJs mainly

ction linked to phosphorylation of myosin light chain (MLC) byf MLCK may be triggered by receptors located on both apicalithelial cells through different signaling pathways (such as Rhoom change in shape and organization of TJ proteins. This phe-hologies of the gut including Infammatory Bowel Disease (IBD),eliac disease and infectious gastroenteritis. Protease-Activatedly PAR-2 and PAR-4 located on apical membrane of epithelialrespectively. The increased permeability is responsible for theystem given rise to sensitization of mechanosensitive afferentain. This state of sensitization also depends upon the activa-an be triggered by endogenous factors. Some recent data alsoentary nutrients and some ingested xenobiotics contribute topermeability and may favor in turn bacterial translocation of

rition. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Récemment, l’existence d’un taux élevé de sérine-protéases dans les selles de patients souffrant d’unsyndrome de l’intestin irritable (SII) nous a amené à recher-cher un impact possible sur la barrière épithéliale et sesconséquences sur le plan symptomatique en particulierdans la genèse de la douleur abdominale. Il existe en

Tableau 1 Facteurs susceptibles de modifierl’ouverture de jonctions serrées de l’épithélium digestif.

Facteursexternes

Stress aigu ou chroniqueStress néonatalExercice physiqueAbdominal pressure

Facteursendogènes

Choc septiques, infections viralesProduits des lymphocytes THypermastocytose, tryptasemalabsorption

Facteursintraluminaux

Antibiotiques oraux, AINSToxines et bactéries pathogènesAltération de la flore commensaleSels biliaires, alcoolXénobiotiques (phtalates, etc.)

Page 3: Mécanismes régulateurs de la perméabilité des jonctions serrées épithéliales du tube digestif

74 L. Bueno

Fld

edsgpepàspIndsidt

Fdpfi

igure 1. Structure des jonctions serrées des cellules épithéliales inte’anneau apical des filaments d’actinomyosine du cytosquelette. Toute coes jonctions serrées et leur ouverture ayant pour conséquence la pénét

ffet chez les patients souffrant d’un SII à prédominanceiarrhéique (SII-D) un taux très élevé de sérine-protéasesans élévation concomitante des protéases d’origine endo-ène trouvées dans le contenu colique [3] suggérant unearticipation de la flore à cette élévation des protéasesndoluminales correspondant soit à une sécrétion accruear certaines bactéries, soit une diminution de la floreactivité antiprotéasique. En effet, certains lactobacilles

écrètent des facteurs antiprotéasiques, ce potentiel anti-rotéasique ayant été mis en évidente pour L. farciminis.ntroduit dilué côté muqueux en chambre de Ussing, le sur-ageant de selles de SII-D augmente la perméabilité de côlone souris par rapport aux surnageants de selles de sujetsains, cette augmentation pouvant être prévenue par la pré-ncubation de ces surnageants avec un mélange d’inhibiteurse sérine-protéases [4]. Cette action s’exerce par activa-ion des récepteurs PAR-2 puisque ces surnageants n’ont

p[

slqcmessaq

tMl

igure 2. Voies d’activation intracellulaires de la Myosin Light Chain kies chaînes légères de myosine (MLC) provoquant la contraction du cyeuvent activer la MLCK à partir de récepteurs membranaires situés alaments d’actinomyosine et l’ouverture des jonctions serrées.

stinales. Les protéines constituant les jonctions serrées sont liées àntraction du cytosquelette entraîne une déformation des protéinesration de particules (toxines, allergènes) et de bactéries.

lus d’effets chez les souris déficientes en récepteurs PAR-24].

Les conséquences de l’ouverture des jonctions serréesont multiples, mais, en particulier elle est à l’origine de’hypersensibilité colique à la distension qui n’apparaît queuelques heures après activation des récepteurs PAR-2, etorrespond au délai nécessaire à la sensibilisation des ter-inaisons nerveuses par les médiateurs pro-inflammatoires

t substances algogènes [5]. La perfusion intracolique deurnageants de selles de sujets SII-D déclenche une hyper-ensibilité colique à la distension chez la souris avecltération de l’expression des protéines de liaison au cytos-uelette et phosphorylation de la MLCK [4].

L’activation de récepteurs à certaines cytokines en par-iculier TNF� et IFN� sont à l’origine d’une contractionLCK-dépendante des cellules épithéliales [6] entraînant

’ouverture des jonctions serrées. Pour le TNF�, le méca-

nase (MLCK). Deux enzymes contrôlent le degré de phosphorylationtosquelette des cellules épithéliales. De nombreuses substances

ux pôles apical et basolatéral entraînant ainsi la contraction des

Page 4: Mécanismes régulateurs de la perméabilité des jonctions serrées épithéliales du tube digestif

rrées

Mécanismes régulateurs de la perméabilité des jonctions se

nisme d’activation de la MLCK est dépendant de l’activationde NF kappaB [7].

Actions directes

Plusieurs travaux ont montré que l’éthanol favorisel’ouverture des jonctions serrées au niveau de l’intestingrêle avec en conséquence une translocation bactérienne.In vitro sur culture cellulaire, le mécanisme semble êtrerécepteur-dépendant car il existe une spécificité d’actionsur le pôle apical à très faible dose et une potentialisa-tion des effets du TNF�, néanmoins les récepteurs ou voiesactivées n’ont pas été identifiés à ce jour [8]. Toutefois,l’augmentation de perméabilité observée chez le rat sou-mis à l’administration quotidienne d’éthanol est liée aumétabolisme de l’éthanol dans le côlon et transformé enacétaldéhyde par la microflore colique [9].

La glutamine ingérée joue un rôle majeur dans le main-tien de l’intégrité des jonctions serrées. In vitro, il a puêtre montré que l’absence de glutamine dans le milieu deculture de cellules épithéliales CaCo2 pendant cinq joursdiminue la résistance transépithéliale de 39 % associée à uneaugmentation de la perméabilité intercellulaire [10]. Ainsi,l’absence de glutamine se traduit par une activation de laMLCK-dépendante de la voie de signalisation PI3Kinase.

Certaines données récentes obtenues chez le porcmontrent également que certains contaminants alimen-taires comme les mycotoxines et en particulier ledéoxynivalénol à des doses correspondant à celles trouvéesdans l’alimentation du porc augmente la perméabilité intes-tinale mesurée ex vivo avec altération de l’expression decertaines protéines de jonction comme claudine 2 [11].

Les sels biliaires malabsorbés au niveau intestinal seretrouvent dans le côlon et exercent un effet sur la per-méabilité colique dont l’origine n’est pas connue maisqui implique l’activation de la MLCK puisque expérimen-talement l’augmentation de perméabilité induite par letaurocholate est supprimée après traitement par le ML-7,un inhibiteur de la MLCK (résultats non publiés).

De nombreuses bactéries pathogènes impliquées dans les

gastro-entérites infectieuses (S. enteritis, EPEC, S. flexneri,C. difficile. . .) augmentent la perméabilité favorisant ainsileur translocation. Les mécanismes impliquent le plus sou-vent une action primaire en activant la MLCK des cellulesépithéliales [12].

Facteurs endogènes et pathologiesdigestives

Stress

Le système immunitaire sous-muqueux contrôle le degréd’ouverture des jonctions serrées. Ainsi certains médiateurslibérés par les mastocytes en particulier la tryptase, agissentau pôle basolatéral des cellules épithéliales pour augmen-ter la perméabilité intestinale [13]. Chez l’animal, un stressaigu a pour effet de stimuler la dégranulation des masto-cytes muqueux par un mécanisme dépendant de la libérationlocale de CRF [5]. Cette dégranulation libère dans un pre-mier temps des molécules préformées à action directe surles récepteurs localisés sur les terminaisons nerveuses desneurones afférents, puis par une action indirecte sur leslymphocytes T permet la libration de INFg qui favorise lapénétration d’éléments intraluminaux (toxines, allergènes,LPS voire bactéries), ce qui provoque la libération secon-

épithéliales du tube digestif 75

daire de molécules sensibilisant les mécanorécepteurs de laparoi colique (Fig. 1).

Mastocytes

La sensibilisation mastocytaire à des allergènes alimentairesse traduit par une augmentation de la perméabilité intes-tinale essentiellement dépendante des sérine-protéaseslibérées par les mastocytes telles que la tryptase. Celle-ci agit au pôle basolatéral des cellules épithéliales sur lesrécepteurs PAR-2 pour augmenter la perméabilité des jonc-tions serrées par activation de la MLCK et la contractiondu cytosquelette des cellules épithéliales [6]. Ainsi l’étatde sensibilisation à des allergènes d’origine alimentaire setraduit par un état d’hyperalgésie viscérale.

Pathologies digestives

Les pathologies digestives sont comme suit :• maladies inflammatoires chroniques intestines (MICI) : de

nombreux travaux ont montré l’existence d’une augmen-tation de la perméabilité intestinale et colique dans lesMICI [14,15]. Dès 1989, Katz et al. [16] ont constaté cetteaugmentation de perméabilité chez les parents d’enfantsatteints de maladie de Crohn suggérant un lien de causa-lité entre ce facteur et le déclenchement de la maladie.Ces résultats ont été largement confirmés [17]. En sui-vant l’évolution de cette perméabilité dans le temps, ilest apparu qu’elle précède les récidives de la maladiede Crohn (et qu’elle est corrélée avec la sévérité de larechute [18]) ;

• syndrome de l’intestin irritable : le SII est associé àune augmentation de la perméabilité intestinale etcolique [19,20] et plusieurs travaux récents confirmentl’existence de cette anomalie dans tous les sous-types etd’une corrélation avec l’intensité des symptômes ou de lasensibilité à la distension tant in vitro [21] qu’in vivo [22].Cette augmentation de perméabilité est responsable dela micro-inflammation sensibilisant les mécanorécepteursdevenant sensibles aux contractions de forte amplitude

qui se traduisent par des douleurs abdominales.

Certains facteurs luminaux peuvent agir sur des récep-teurs situés au pôle apical des cellules épithélialespour provoquer une contraction de leur cytosqueletteet augmenter la perméabilité. Ainsi, les sérine-protéasesluminales sont responsables de cette augmentation enagissant sur des récepteurs spécifiques chez les sujetsayant un SII à prédominance diarrhéique [4] ;

• maladie cœliaque : bien que moins étudiée que pourles MICI, l’augmentation de la perméabilité intestinaleparacellulaire a également été décrite dans la maladiecœliaque [23,24] et peut être impliquée dans les cas desepticémie associée à cette pathologie.

Probiotiques et substances à effetsestrogéniques

Les probiotiques sont connus pour leur activité ditede « confort digestif », mais certains ont montré uneffet bénéfique dans le traitement du SII [25]. Leurmécanisme d’action sur la douleur viscérale reste énig-matique, mais certains probiotiques ont un effet directen inhibant la contraction du cytosquelette des cellulesépithéliales à l’origine de l’ouverture des jonctions ser-rées. Ainsi, chez le rat, l’augmentation de perméabilité

Page 5: Mécanismes régulateurs de la perméabilité des jonctions serrées épithéliales du tube digestif

7

cm[

pslmcdtJepotsrls

C

Ldtcaldagcc

C

A

R

[

[

[

[

[

[

[

[

6

olique induite par un stress de contrainte est suppri-ée après un traitement de 15 jours avec L. farciminis

26].Le biphenol A (PA), un additif utilisé pour rigidifier les

lastiques, possède des propriétés estrogéniques et peute retrouver en quantité non-négligables dans le contenuiquide de bouteilles plastiques. Une étude récente vient deontrer qu’administré à des rats à des doses considérées

omme admissibles, le BPA possède un effet de réductione la perméabilité paracellulaire intestinale avec modifica-ion de l’expression des protéines de jonctions telles queAM A et occludine [27]. Ces effets sont liés à l’activitéstrogénique du BPA, mais l’action des estrogènes sur laerméabilité dépend de la concentration avec des effetspposés à court et long terme [28]. De même, certains phy-oestrogènes issus du soja et autres flavonoïdes ont un effetur la perméabilité intestinale et l’ingestion répétée chez leat est capable de supprimer l’augmentation de perméabi-ité et la translocation bactérienne associée induites par untress1.

onclusions

a perméabilité intestinale et colique joue un rôle majeurans l’équilibre immunitaire de la barrière épithéliale diges-ive. Cette perméabilité est largement augmentée dans desonditions pathologiques et cette augmentation est souventssociée à des facteurs luminaux. Elle entraîne une stimu-ation du système immunitaire sous-muqueux par passage’éléments bactériens (LPS, toxines) ou luminaux d’originelimentaire (allergènes). Son implication dans les patholo-ies digestives inflammatoires ou fonctionnelles en font uneible privilégiée dans l’approche thérapeutique actuelle dees pathologies.

onflit d’intérêt

ucun.

éférences

[1] Cenac N, Garcia-Villar R, Ferrier L, Larauche M, Vergnolle N,Bunnett NW, et al. Proteinase-activated receptor-2-inducedcolonic inflammation in mice: possible involvement of afferentneurons, nitric oxide, and paracellular permeability. J Immunol2003;170:4296—300.

[2] Cenac N, Chin AC, Garcia-Villar R, Salvador-Cartier C, FerrierL, Vergnolle N, et al. PAR2 activation alters colonic para-cellular permeability in mice via IFN-gamma-dependent and-independent pathways. J Physiol 2004;558:913—25.

[3] Róka R, Rosztóczy A, Leveque M, Izbéki F, Nagy F, Molnár T, et al.A pilot study of fecal serine-protease activity: a pathophysiolo-gic factor in diarrhea-predominant irritable bowel syndrome.Clin Gastroenterol Hepatol 2007;5:550—5.

[4] Gecse K, Róka R, Ferrier L, Leveque M, Eutamene H, CartierC, et al. Increased faecal serine protease activity in diarrhoeicIBS patients: a colonic lumenal factor impairing colonic per-meability and sensitivity. Gut 2008;57:591—9.

[5] Ait-Belgnaoui A, Bradesi S, Fioramonti J, Theodorou V, BuenoL. Acute stress-induced hypersensitivity to colonic distensiondepends upon increase in paracellular permeability: role ofmyosin light chain kinase. Pain 2005;113:141—7.

1 Moussa et al. 2010 (soumis pour publication).

[

[

[

[

[

[

[

[

L. Bueno

[6] Ferrier L, Mazelin L, Cenac N, Desreumaux P, Janin A, EmilieD, et al. Stress-induced disruption of colonic epithelial barrier:role of interferon-gamma and myosin light chain kinase in mice.Gastroenterology 2003;125:795—804.

[7] Costantini TW, Loomis WH, Putnam JG, Kroll L, Eliceiri BP,Baird A, et al. Pentoxifylline modulates intestinal tight junc-tion signaling after burn injury: effects on myosin light chainkinase. J Trauma 2009;66:17—24.

[8] Tang Y, Forsyth CB, Farhadi A, Rangan J, Jakate S, Shaikh M,et al. Nitric oxide-mediated intestinal injury is required foralcohol-induced gut leakiness and liver damage. Alcohol ClinExp Res 2009;33:1220—30.

[9] Ferrier L, Bérard F, Debrauwer L, Chabo C, Langella P, Buéno L,et al. Impairment of the intestinal barrier by ethanol involvesenteric microflora and mast cell activation in rodents. Am JPathol 2006;168:1148—54.

10] Li N, Neu J. Glutamine deprivation alters intestinal tight junc-tions via a PI3-K/Akt mediated pathway in Caco-2 cells. J Nutr2009;139:710—4.

11] Pinton P, Nougayrède JP, Del Rio JC, Moreno C, Marin DE, Fer-rier L, et al. The food contaminant deoxynivalenol, decreasesintestinal barrier permeability and reduces claudin expression.Toxicol Appl Pharmacol 2009;15(237):41—8.

12] Berkes J, Viswanathan VK, Savkovic SD, Hecht G. Intesti-nal epithelial responses to enteric pathogens: effects on thetight junction barrier, ion transport, and inflammation. Gut2003;52:439—51.

13] Santos J, Yang PC, Söderholm JD, Benjamin M, Perdue MH. Roleof mast cells in chronic stress induced colonic epithelial barrierdysfunction in the rat. Gut 2001;48:630—6.

14] May GR, Sutherland LR, Meddings JB. Is small intestinal per-meability really increased in relatives of patients with Crohn’sdisease? Gastroenterology 1993;104:1627—32.

15] Berstad A, Arslan G, Folvik G. Relationship between intesti-nal permeability and calprotectin concentration in gut lavagefluid. Scand J Gastroenterol 2000;35:64—9.

16] Katz KD, Hollander D, Vadheim CM, McElree C, Delahunty T,Dadufalza VD, et al. Intestinal permeability in patients withCrohn’s disease and their healthy relatives. Gastroenterology1989;97:927—31.

17] Peeters M, Geypens B, Claus D, Nevens H, Ghoos Y, VerbekeG, et al. Clustering of increased small intestinal permea-bility in families with Crohn’s disease. Gastroenterology1997;113:802—7.

18] Tibble JA, Sigthorsson G, Bridger S, Fagerhol MK, Bjarnason I.Surrogate markers of intestinal inflammation are predictive ofrelapse in patients with inflammatory bowel disease. Gastroen-terology 2000;119:15—22.

19] Marshall JK. Post-infectious irritable bowel syndrome follo-wing water contamination. Kidney Int Suppl 2009;112:S42—3[Review].

20] Dunlop SP, Hebden J, Campbell E, Naesdal J, Olbe L, PerkinsAC, et al. Abnormal intestinal permeability in subgroups ofdiarrhea-predominant irritable bowel syndromes. Am J Gas-troenterol 2006;101:1288—94.

21] Piche T, Barbara G, Aubert P, Bruley des Varannes S, DaineseR, Nano JL, et al. Impaired intestinal barrier integrity in thecolon of patients with irritable bowel syndrome: involvementof soluble mediators. Gut 2009;58:196—201.

22] Zhou Q, Zhang B, Nicholas Verne G. Intestinal membrane per-meability and hypersensitivity in the irritable bowel syndrome.Pain 2009;146:41—6.

23] Ludvigsson JF, Olén O, Bell M, Ekbom A, Montgomery SM. Coe-liac disease and risk of sepsis. Gut 2008;57:1074—80.

24] Vilela EG, de Abreu Ferrari Mde L, de Gama Torres HO, MartinsFP, Goulart EM, Lima AS, et al. Intestinal permeability and anti-gliadin antibody test for monitoring adult patients with celiacdisease. Dig Dis Sci 2007;52:1304—9.

25] Whorwell PJ, Altringer L, Morel J, Bond Y, Charbonneau D,O’Mahony L, et al. Efficacy of an encapsulated probiotic Bifi-dobacterium infantis 35624 in women with irritable bowelsyndrome. Am J Gastroenterol 2006;101:1581—90.

Page 6: Mécanismes régulateurs de la perméabilité des jonctions serrées épithéliales du tube digestif

[

[

Mécanismes régulateurs de la perméabilité des jonctions serrées

26] Ait-Belgnaoui A, Han W, Lamine F, Eutamene H, FioramontiJ, Bueno L, et al. Lactobacillus farciminis treatment sup-presses stress-induced visceral hypersensitivity: a possibleaction through interaction with epithelial cell cytoskeletoncontraction. Gut 2006;55:1090—4.

27] Ye L, Martin TA, Parr C, Harrison GM, Mansel RE, JiangWG. Biphasic effects of 17-beta-estradiol on expression of

[

épithéliales du tube digestif 77

occludin and transendothelial resistance and paracellular per-meability in human vascular endothelial cells. J Cell Physiol2003;196:362—9.

28] Braniste V, Jouault A, Gaultier E, Polizzi A, Buisson-Brenac C,Leveque M, et al. Impact of oral bisphenol A at reference doseson intestinal barrier function and sex differences after perina-tal exposure in rats. Proc Natl Acad Sci U S A 2010;107:448—53.