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Medievales - Num 25 - Automne 1993

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MÉDIÉVALES

LangueTextes HistoireNUMÉROS PARUS

1 Mass-mediaet Moyen Age.(1982).Épuisé2 Gautier de Coinci: le textedu Miracle.1982).Épuisé3 Trajectoiredu sens. 1983)4 Ordres t désordres. tudes édiées Jacquese Goff.1983).Épuisé5 Nourritures.

1983).Épuisé^6 Aupaysd'Arthur. 1984).Épuisé7 Moyen Age,moded'emploi.1984).Épuisé8 Le souci ducorps. 1985).Épuisé9 Langues.(1985).Épuisé10 Moyen Ageet histoire politique.Mots, modes,symboles,truc-

tures.Avant-proposeGeorgesDuby.1986).Épuisé11 Al'école de la lettre.1986)12 Tous les cheminsmènent à Byzance.Étudesdédiées à Michel

Mollat.1987)13 Apprendree MoyenAge aujourd'hui. Épuisé14 Laculture ur le marché. 1988)15 LepremierMoyenAge.(1988)16/17Plantes,metset mots dialoguesavec A.-G. Haudricourt.1989)18 Espacesdu Moyen Age.(1990)19 Liens de famille.Vivreet choisir a parenté. 1990)20 Sagaset chroniquesdu Nord. 1991)21 L'an mil rythmes t acteurs d'unecroissance.1991)22/23Pourl'image.1992)24 Larenommée.1993)Àparaître26 Savoirsd'Anciens,printemps994)

,© PUV, Saint-Denis, 1993Couverture : dessin de Michel Pastoureau

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MÉDIÉVALES

Revuesemestrielle ubliéepar les PressesUniversitairesde Vincennes-ParisVIII avec le concours

du Centre National des Lettres et du C.N.R.S.

ChristineLAPOSTOLLE f • - . rf* IH?MichelPASTOUREAU 7-/ M 1^1 If'« ./IISDanielle REGNIER-BOHLER -fj illBernard ROSENBERGER ^*

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ElSabeth6ZADORA-RIO

ÍÊ^IIÍSimonne ABRAHAM-THISSE ' gj'

GeTe^ēve^tJlļRER-THIERRV HļI

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Laurence MOULINIER

Lad? HORD YNSKY-CAILLAT' ^

Lesmanuscrits, actylographiésux normeshabituelles, insi que tesouvrages pour comptesrendus, doivent être envoyésà :

MÉDIÉVALESPresses Universitairesde VincennesUniversité Paris VIII2, rue de la Liberté, 93526 Saint-Denis Cedex 02

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SOMMAIRE N°25 AUTOMNE 1993

LA VOIXET L'ÉCRITURE

La voixet l'écriture émergencesmédiévalesMichelBANNIARD 5

SulpiceSévère témoin de la communicationrale en latin à lafin du IVe ièclegallo-romain

JacquesFONTAINE , 17

Poétiquelatine et poétique vieil-anglaisepoèmesmêlantles deux langues

André CRÉPIN 33

Les deuxviesde saint Riquierdu latin médiatiqueau latin hiératique

Michel BANNIARD 45

Les langagesen pays celtiquesMichael RICHTER 53

Sociolinguistiquehispanique (vine-xieiècle)RogerWRIGHT 61

ESSAIS ETRECHERCHES

L'idée dela folie en texte et en imageSebastianBrandt et Yinsipiens

AngelikaGROSS 71

Le sourireaux anges:enfance et spiritualité u MoyenAge (XIIeau XVeiècle)

Éric BERTHON 93

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4 SOMMAIRE

Le pouvoirde la parole:Adam et les animaux dansla tapisseriede GéroneHilario FRANCO Jr 113

Abstracts 129

Notes de lecture 133Pierre Le Vénérable, Les Merveillesde Dieu, prés,par Jean-Pierre Torrell et Denise Bouthillier

(D. Lett) ; CarméliaOpsomer, L'art de vivre ensanté Imageset recettesdu Moyen Age: le Tacui-num Sanita is » (manuscrit 041)de la Bibliothèquede l'Université de Liège (B. Laurioux) ; Marie-Henriette Jullien De Pommerol et JacquesMon-frin, La bibliothèque pontificaleà Avignon et àPehiscolapendant le Grandschisme d'Occidentet sadispersion inventaires t concordancesM. Aurell) ;AnitaGuerreau-Jalabert, Index desmotifsnarratifsdans les romans arthuriens français en vers(xw-xiw siècles) (M.A. Polo de Beaulieu) ; Cathe-rine Velay-Vallantin, L'histoire des contes(M. A.Polo de Beaulieu) ; KlausSchatz, La primautéduPape. Son histoire des origines à nos jours(G. Bührer-Thierry) ; Aviad M. Kleinberg, Pro-phets in their own Country. Living Saints and theMakingof Sainthood in the Later MiddleAges (A.Boureau) ; Jean Delumeau, La religion e ma mère.Le rôle des femmes dans la transmission e la foi(G. Bührer-Thierry) ; Gene Brucker, Giovanni etLusanna. Amour et mariageà Florencependant la

RenaissanceL. Hordynsky-Caillat) ; C. Gauvard,« De graceespecial». Crime,État et Société en Franceà la fin du Moyen Age(D. Lett).

Livresreçus 154

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Médiévales5,automne993,p.5-16

MichelBANNIARD

LA VOIXET L'ÉCRITURE :ÉMERGENCESMÉDIÉVALES

I - Du nouveaupour le haut MoyenAge?

1) La période considérée dans ces étudesmérite pleinementl'appellationde transitoire, ans la mesure où en amont de celle-ci,l'historien e trouve onfronté la fin aux fins?) du mondeantiquetardif, t en aval au débutdu MoyenAge« classique». Vraien géné-ral, ce caractèreprendson pleinreliefdans le domainespécifiquedel'histoire ulturelle t, intérieure celle-ci,de l'histoire angagière.AuVe iècle,le monde occidentalest encore assezclairementdiviséendeux ensemblesfonctionnant ar exclusionréciproque.À l'intérieurdu limesimpérialvit la Latinité,définiepar trois caractèresprinci-paux: 1) l'ensemble de seslocuteurs st latinophone 2) à leur lan-gue parlée correspondune langueécrited'usagetrès général 3) encettedernière st rédigéeune littérature luriséculaire. ux margesdece limesvit 'Étranger la barbarie)qui répond ux trois ritères ppo-sés: 1) non seulement es locuteursparlentdes languesnon latines,mais aussidistinctes ntre lles,et en outre fortement ialectalisées

2) sauf exceptionsimitéeselles sont dépourvuesde forme écrite3) en conséquence,l n'existedans cet outlandlangagierpas de litté-rature autre qu'orale.

Au IXeiècle,cetteopposition,sans avoirtotalement isparu,aprofondémentvolué.À l'intérieur e l'ancien limes 1) la latinitédisparupour laisserplaceà la romanité,ou plutôt aux romanités2) les nouvellesangues(romanes)sont dépourvuesde supportécritrégulier 3) les nouvellescultures ui percent ont ipso facto encoreviergesde littérature.Ainsi la pluralité angagièrebarbare est-ellerejointepar la pluralité angagière omane.Mais làs'arrêteprovisoi-rement a convergencentre romanitéet barbarie.En effet, dès leviicsiècle, 1) les langues barbares commencentà disposer d'unescripta 2) leur ittérature rale se transforme lors en littérature outcourt.

Ce renversementesrapports ulturels 'effectue ar le biaisd'unmédiateur ommun, e christianisme. n effet, n tant que religion

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du livre,de la loi, de la tradition, e christianisme été le facteurprincipal 'assimilationulturelle ntre es peuplesditsbarbares, u'ilsse soient installés- de gré (comme fœderati)ou de force cas dela Bretagne) à l'intérieur e terres nciennement omaines,u qu'ilsse soientpeu à peu ouverts,dans lesespacesextérieurs, l'assimila-tion religieuse,à aussipacifique(missions grégoriennes)u brutale(Drangnach Osten despremiersCarolingiens).La christianisationjouéun rôle assimilateur troisniveaux 1) naturellement,n offrantune religion niquecommune ux différentes thnies 2) en inséranten vertude sespropres tructures n fort oefficient e littérarité ans

l'espacemental des nouveaux convertis 3) en provoquant par effetrétroactif e passagede cultures thniques ndogènesde l'oralitéquasipure à la littérarité.

Dèslors, l'ancien moule culturelommun,créé du IIIeau Ve iè-clepar la fusionentre 'héritagede la mission chrétienne t la tradi-tion scolaire,ntellectuellet juridiqueromaine, st devenuopératoiredans l'émergencedes langueset des cultures du haut MoyenAge.L'orthographeatine ert de prototype ux scriptaebarbares la gram-maire colaireproduit es filtres inguistiquestravers esquelses locu-teursgermanophones,eltophones,tc., analysenteurpropreuniversde parole; la littérature atine tardive surtout chrétienne)ncite esdétenteurs e savoirslittéraires raux à transformer es derniers nmonuments la fois moinspérissablest plusprestigieuxar l'inven-tion d'une littérature, ette fois au sens strict.

2) Cet enchaînement utoriseà parlerde « transitions atines ».La trilogie hristianisme,atinité, omanitéau sensde culture omaine)a assumé unefonctiondouble faceaux langueset aux culturesdespeuplesextérieurs l'Empire à la foisde répressiont d'effacement,mais ausside révélation t d'affirmation. Du creusetoù se rencon-trent, 'affrontent t interfèrentesimaginaires,eslégendest les voixceltiques,germaniques,candinavest le monde intellectuel t mental

romain, atin et chrétien,naissent es littératuresmédiévales,roma-nesou non, une foisprécisémentue s'estachevée a transitionatine.Cette dernière -t-elleopéréselondes modes différents l'inté-

rieurde l'ancienneRomania? Le parallèleparaît s'imposer,avec lesmêmesquestions la clef.En effet, armi eschangementsui carac-térisent es sièclesentreAntiquité t Moyen Age figurea métamor-phoseétonnante u termede laquellel'unitéplurielleatine avait cédéla placeà une diversité nitaireromane.Or, ce procèsfit passerlelatin du statut de languevivante celuide languemorte.À la diffé-rence des domaineslangagiers barbares», les historiens isposentdesdeux boutsde la chaînediachroniquevec à un bout le latin deschrétiens, t à l'autre les premiers extesrédigésen scriptaromane.Mais l'abondancede documents,supérieureapparemmenten cedomaine« romain», n'a pas permisde faire 'économied'une pro-blématiquecomplexe.

En effet, 'est une question ncienne ue de détermineruels rap-

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LAVOIXETL'ÉCRITURE 7

ports ont entretenus e latin parlé tardif LPT) (improprementit« vulgaire ) et le latin écrit LE), ainsique le rapport xistant ntrele LE et le latin écrit ittéraire LEL), et par transition, ntre LPTet LEL. A partir du momentoù Ton constateque la voixdu LP achoisi définitivementne autre voie que celledu LE, autrement itoù, par unedoubledivergence,a langueécrite raditionnellee donneplus qu'une imagetrès nfidèlede la langue parlée spontanée,et où,parallèlement,ettedernière e laisseplusguèrereconnaîtrees carac-tèresvitauxde la langueécrite raditionnelle,l convient e se deman-der quelleest la chronologiedes phénomènesu termedesquelsuntel clivagea été installé.C'est entre e Veet le IXeiècleque le LPT s'est métamorphoséen une nouvelle entité angagière, ue l'on dénommerapar symétrielogiquele romanparlé archaïque RPA,ou protoroman, R). Depuisles années70, la sociolinguistique étrospectiveélaboréepeu à peujusqu'à devenirune sorte de science auxiliaire tantde l'histoire ul-turelleque de la linguistique iachronique,s'est efforcéede consa-crer à cette métamorphose'attention qu'elle requiert,de créer lesoutils ndispensables son étude,et de mettre n placeune méthodede recherche.Ces travaux ont abouti à une redéfinition es thèmesd'enquêtecaractériséspar la priseen considération 1) des critèresd'émission desmessagesécritset oraux); 2) des conditionsde leurréception elonlesniveauxculturels 3) de la géographieinguistiquede ces phénomènesussi bien en diachroniequ'en synchronie.

Dans lesannées90, il est possibled'affirmer ue la sociolinguis-tique rétrospectivest parvenue ux conclusionsuivantes 1) le latinest demeuré anguede communicationénéraleen Occidentusqu'àunepériodenettement lustardive u'on ne l'admettaitusqu'autour-nant épistémologiquees années soixante 2) la langue parléepopu-laires'est, corrélativement, oins vitedétachéede la languemèrequene l'enseignea philologieromanetraditionnelle 3) l'usagede l'écrit

est resté ssezgénéral,mêmeen Gaulemérovingienne4) l'accès semi-direct u latin est demeurépossiblepour l'élitedes laïcs même tarddans le haut MoyenAge. Ces thèsesrassemblentctuellement ansun certain consensus divers chercheurseuropéens H. AstmaM. Banniard J. Fontaine M. HeinzelmannJ. Herman R. MeKit-terick M. Richter M. Van Uytfanghe R. Wright cf. les repèresbibliographiquesoints en III, B).

Les schémasdonnés en II donnent e pointactueldesrecherchesen ce domaine.On aimerait aisir cette occasionpour attirer 'atten-tion sur divers ujetsépineux,qui nousparaissent utant d'occasionsde faire renaîtreun certainnombre de vieuxmythes.1) La scriptaromane en voied'apparition partirdu IXeiècle)n'est pas l'expres-sion de la voix du peuple.C'est dans les hauts lieuxde la culturecléricale et monacalequ'elle s'est élaborée 2) l'orthographe atinemérovingiennevic-viiic.) tientmoins e rôled'un « effaceur de lavoixvivante ue d'un médiateur rovisoire e celle-ci 3) conséquem-

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8 MICHELBANNIARD

ment, rien ne prouve que la lecture haute voix sans effort rtho-épiquede telle Viecomme a Vita Richarii rima fin vnesiècle),n'aitpas été plus populaireque le chantélégantde la Cantilènede sainteEulalie(fin IXe) 4) rien ne prouvenon plus que la métamorphosedu LPT enPR soit le résultat 'une (r)évolutionéservée u seul latinparlé par les illettrés. l faudra sans douteabandonnercette dichoto-miemanichéenne u profit 'analyses interactives lus complexes lalangue parléepar lesélites,même urbaineset mêmesmonacales,par-ticipait, lleaussi,à l'innovation t à l'invention quant à la langueparléepar les illettrés, lle était capablede conservatismerotecteuret d'inertie mitatrice.3) Ces dernièresmisesau point impliquent,dans les faits, unrepositionnement lus profond qu'il n'y paraît à la fois dans lamanièrede considérera périodeen général,et dans celle de traiterdu changementinguistiquen particulier.On n'insisterapas ici surle renouvellement es pointsde vue en ce qui concerne estransfor-mationsde la société,desinstitutions, e la religion, tc. À unepers-pectivecatastrophiste succédéune analyseconstructive.l devraiten aller ogiquemente mêmeen histoire ulturelle t langagière.Bienplutôtquede considéreres languesromanescomme une forme ssued'une sorte de dégénéresccencencontrôlabledu latin, il serait plusexactde décrire eur élaboration ommeune longue genèseoù l'inven-tion et la créationont joué une largepart il ne suffisait as, con-trairement un axiomeimplicite, e mal parler atin pour inventerl'ancienfrançais ou touteautre angueromane).Ce recalagedéolo-giquevaut pour l'émergenceu niveau de l'écriture es languesnonromanes.Les différentestudespubliéesci confirment es pointsdevue.

J. Fontaine,par une fineanalysedesindications e la Vita Mar-tini décrit e fonctionnement e la communicationatine pendantl'évangélisationes campagnesde la Gaule àla fin du IVe iècle.La

complexeétudede R. Wright, ngageant 'enquêtedans le territoirehispaniqueoù sont confrontées partir du VIIIeiècle des languesd'origine atineet des languesd'origine émitique hébreu/arabe), es-sine les rapportsmultidirectionnelse la langueparléeet de la lan-gueécrite,de la languede prestige t de la langueacculturée,u prixde descriptionsussi intriquées ue la situation ociolinguistiqueon-sidérée.A. Crépinanalyseesdélicatséchangesntre e latin et le trèsvieil anglaisdans l'Angleterredes ixe-xeiècles.M. Richtertraquel'émergencedes premièrescriptaeet des premièresœuvresceltiquesinsulaires.

Cesquelquesétudes,malgré euraustérité,montrent ue, par lesoutilsde l'analyse philologiqueet littéraire raditionnelle,omplétéspar ceuxquemet en placela sociolinguistique,inonla pragmatique,rétrospective,enouvelésussipar deséchangesréciproqueslusinten-ses avec lesproblématiqueshistoriographiques ropresà ces sièclesde transition, a voie est ouvertepour mieuxcomprendre omment

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LA VOIX ET L'ÉCRITURE 9

les voixlatines t les voix barbares e sont métamorphoséesans leurrencontre vec la voie culturelle,grammaticaleet orthographiqueromaine.

II - Synthèse n forme de schémas

1) Fin de la communicationerticaleatine Schémachronologi-que)* * France d'oïl : 750 - 800.* * France d'oc : 800- 850.* * Espagnemozarabe : 850 - 900.* * Italie du Nord et du Centre 900 - 950.* * Italie du Sud : ?

(* * Afrique 750 - 800?)

2) Abrégé chronologiqueu changementinguistiquen Occidentlatin

0 - Avant 450 : le latin est lalangue

commune.

PÉRIODEI 1 - 450 - 650 : apparitionet multiplication estournuresnouvelles desubstitution ux tournuresclassiques.2 - 650 : seuilcritiqued'équilibre ntre raits atinset traits romans. (Italie750?)

PÉRIODEII 3 - 650 - 750 : polymorphismeénéralisé. Italie850?)4 - 750- 800: abandon de la compétencectivedes traits classiques.(Italie900?)

PÉRIODE III 5 - 800sqq. : abandon de lacompétencepassive.(Italie950?)

3) Analyseen gros plan du vi Iesiècle enFranciaprotoromaneA) lettrés B) semi-lettrés C) illettrés

Comp. act. + + + + + - + - -Comp. pass. + + + + + + + + -

Les schémas1 et 2 sont reprisde Vivavoce p. 492et 534.La« communicationerticale désignedans cecas la transmission 'unmessage (religieux)n latin d'un stylesimpleprononcésans apprêt

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10 MICHELBANNIARD

( ermo humilisou rusticus à Pintention 'un publicd'illettrés illit-terati).Le schéma3 paraîtradans l'étude consacrée à cettequestionpar l'auteurdans leColloqueCharlesMartel 1992)(cf. RepèresHIB).L'abréviation« compétencective» désignea capacitéd'un locuteurà parler ci, au moinspartiellement,n latin tardif, naturellement)celle« compétence assive» désignea capacitéd'un locuteur com-prendreun messageémis oralementdans ce même latin tardif.

III - Repèresbibliographiques

A) Publicationsusqu'à 19801. D'Arco Silvio Avalle, ProtostoriadellelingueromanzeTurin,

1965.2. D'Arco SilvioAvalle, Bassa latinità.l latino trà l'età tardo-

antica e Valtomediœvoon particolare riguardoall'originedellelingueromanze(3), Turin, 1979.

3. Auerbach E., LiteraryLanguageand its Public in Late LatinAntiauity nd in the Middle Azes , Londres,1965.

4. Banniard M., « Le lecteur n Espagne wisigothique'après Isi-dore de Séville de sesfonctions l'état de la langue», Revuedes ÉtudesAugustiniennest. 21, 1975,p. 112-144.

5. Banniard M., « Géographie inguistiquet linguistique iachro-nique», Via Domitia Annales de l'Universitéde Toulouse-IIt. 24, 1980,p. 9-43.

6. Battisti C., « Secoli illitterati.ppunti ulla crisidel latinoprimadella riforma carolingia», Studi Medievali 3esérie, 1, 1960,p. 362-396.

7. Bec P., Manuelpratiquedephilologieromane t. 1, Paris(Picard),1970et t. 2, Paris (ib.L 1971.

8. BeckmannG.,

« DieNachfolgekonstruktionen

es instrumentalenAblativsim Spätlateinund im Franzözischen, Zeitschrift ürRomanischePhilologie t. 106,Tübingen,1963.

9. BeumannH., « Gregorvon Toursund der sermorusticus , dansFestschriftM. BraubachMünster, 1964,p. 69-98.

10. Bonnet M., Le latinde Grégoirede Tours Paris, 1890.11. Borst A., Der Turmbauvon Babel Geschichteder Meinungen

über Ursprung nd Vielfalt er Sprachenund Völker t. 1, Stutt-gart, 1957 t. 2, ib , 1958.

12. Braunfels W. (ed.),KarlderGrosse,Lebenswerkna Nachlebent. 2, Dasgeistige eben (dir. B. Bischoff), Dusseldorf,1965.

13. Brunot F., Histoirede la languefrançaise 2), t. 1, Paris, 1966.14. Castellani A., I più antichi esti taliani taizione e commentoBologne,1973.

15. Curtius E.R., EuropaischeLiteraturund lateinischesMittelalter(8)yBerne-Munich,973.

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LAVOIXETL'ÉCRITURE 11

16. Dagron G., « Auxorigines e la civilisationyzantine languedeculture t angued'état »,RevueHistorique, . 241, 1969,p. 23-56.17. Delbouille M., « Tradition atine et naissancedes littératures

romanes , dans Grundriss er Romanischen iteraturen es Mit-telalters, . 1, Heidelberg, 1972, p.3-56.

18. Delbouille, Laformationdes langues ittéraires t les premierstextes ib., p. 560-584 et 604-622.

19. Fleckenstein J., DieBildungsreformarls des Grossen ls Ver-wirklichung er norma rectitutinis, igge, 1953.

20. Flobert P., Les verbesdéponents atins des origines Charle-magne,Paris, 1975.21. Fontaine J., Isidorede Sévilleet la culture lassiquedansl'Espa-gne wisigothique2), 3 vol., Paris, 1983.

22. Fontaine, Isidore de Séville Traitéde la nature,Bordeaux, 1960,p. 85-139(Étude linguistique).

23. Fontaine, Vita sancii Martini éd.), t. 1 et 2, Paris, 1967,t. 1,(Introduction) t t. 2, (Commentaire),p. 359-393.

24. Fouché P., Phonétiquehistoriquedu français, t. 2, Les voyel-les (2), Paris, 1969 t.3, Les consonnesParis, 1961.

25. Glauche G., Schullektürem MittelalterEntstehung nd Wand-lungendesLektürekanons is 1200 nach denLektüren argestellt,Munich,1970.26. Graus F., Volk,Herrscher nd Heiliger m Reichder Merowin-ger, Prague, 1965.

27. Grundmann H., « Litteratus-Illitteratus,ie Wandlung inerBil-dungsnorm om Altertum um Mittelalter , Archivfür Kultur-geschichte, . 40, 1958,p. 1-65.

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14 MICHELBANNIARD

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Médiévales5,automne993,p.17-32

JacquesFONTAINE

SULPICE SÉVÈRE TÉMOIN

DE LACOMMUNICATION ORALEEN LATINÀ LA FINDU IVeSIÈCLEGALLO-ROMAIN

Le dossier sur saint Martin de Tours, que le MoyenAge appel-lera à partir de l'époquecarolingienne le petit Martin» (Martinel-lus, se composeessentiellement e deuxpiècesmajeures une bio-graphiehagiographiquet un dialogueque l'AquitainSulpiceSévère,

ancien avocat converti l'ascétismemartinien, crivit rès probable-ment ur son domaine de Primuliacum,is dans la région oulousaine,où il avait fondé une communautéd'ascètes. La Viede Martinestécrite vers 397, les Dialoguesentre 403 et 4061. Doncjuste avantl'invasion définitive es Gaulespar Vandales,Suèves etAlains, le31décembre406, et l'arrivée,dans le Toulousain,des Vandales en407,puis des Visigotsen 4122.Épargnée usqu'alorspar l'insécuritécroissantedes régionsplus prochesdu Rhin, l'Aquitaine,longtempsprospère3,va connaître une grave crise politique, économique,sociale,et donc culturelle.

On peut doncconsidérer e dossier martinien omme un témoi-gnage exceptionnelur l'état de la civilisation t de la cultureromai-nes en Gaule à la veille dudéclin de ses campagnes,de ses villes,de ses écoles. L'effortnotable de restauration,ntrepris ar la Tétrar-chie un large siècleauparavant,va se trouver radicalementmis enquestion.Les écolesd'Autun et de Bordeaux lesseules sur esquelles

1.Datationsvoir l.Stancliffe,t.MartinndhishagiographerOxford983,p. 71sq.t 80. La VitaMartiniera itéecid'aprèsotred.dans acoll.desSour-ceschrétiennesabrégénf. ehr), 67-169,aris 967-1969et esDialogues'aprèsl'éd. HalmuCSEL, 1, 1866,.152-216.

2.Sur esdates 'entréeuccessiveses barbaresnAquitaine,f.M.Rouche,L'AquitaineesVisigotsux ArabesParis 979, . 19-21.

3. Voir .ex. espremiershapitreseN.Chadwick,oetrynd ettersnearlychristianaul London 958lestravauxe R. EtienneurAusone,nparticulierle ch.1 de VHistoire e Bordeaux1, Toulouse980,publiéear S.Lerat,R.Etienne,tc. C.Jullian, usone tBordeaux.tudesur esderniersempsela GauleomaineBordeaux893et notre onférenceur 'éclat e aromanitéansl'Aquitaineu vsiècle,ansBAGB1989, ,p.72-85.

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18 JACQUESONTAINE

nousavons conservéuelquesrenseignementsrécis avaientretrouvédepuis un siècle un niveau intellectuel, t donc linguistique,plusqu'estimable.En témoignente discoursd'Eumènesur la restaurationdes « écolesméniennes, prononcédans la capitaleéduenne en298,et l'œuvre hautement raffinée du poète et prosateur Ausone deBordeaux4.Homme de lettres et professeuren cette ville avantd'occuper les plus hautes charges dans l'Empire de Valentinien,Ausonefut e maître t l'ami de Paulin de Bazas. Celui-ci devait finirévêquede Noie enCampanie, aprèss'être converti e manière reten-tissante l'ascétismemartinien, t avoir réussi à y entraîner grandpeineson ami SulpiceSévère.C'est laisser entendre ue Sulpiceest,avec Paulinet Ausone,l'un des plusillustres eprésentantse la cul-ture aquitaineen cette fin du IVe iècle,peu avant l'invasion de laGaule romaine.

Avantmêmeque l'invasionde 406n'y entraîne 'installation ro-chainede populations germaniquest germanophones,a communi-cationen latins'y trouve-t-elleussirépanduequ'on pourrait e croireaprèsquatresièclesde romanisation En dépitd'une circulation ro-bablement ccruedes grandspropriétaireserriensettrés, ntre eursmaisonsde ville et leurs domainesruraux, e campagnessont encoreloind'atteindre,mêmeen Aquitaine,e degréde romanisationt, parsuite, de latinisationdes villes. La documentationeligieuse tex-tuelle,épigraphique, rchéologique- manifeste ncore en cette findu IVe iècle a vitalité es cultes ocauxtraditionnels,eltiques t pré-celtiques,n particulier ans ces sanctuairesuraux uxquelsva s'atta-quer l'évangélisationmartinienne. n peut en inférer ue les dialec-tes préromains taient ncore oin d'avoir disparu5.La dualité,sinonl'antagonisme, ntre villes et campagnesn'avait fait que s'accentuerà la faveurd'une christianisationui n'a d'abord touchépleinementque les villes.Si le Christ était pour le poèteEndelechius« le seulDieuque l'on adore dans les cités»6, il paraît logiqued'en déduire

qu'il n'en était pas de même dans lescampagnes.C'est avecMartin,évêquede Tours de 371 à 397,et avec les évêquesgallo-romainsesa génération, ue commencene évangélisationlusactive despopu-

4. Discours'EumènePaneg. (9),t. 3,p.103sq.alletiersurAusone,tu-desregroupéesansR.Etienne, usoneumanistequitainBordeaux986 voiraussiN.Chadwickop.cit.n. préc.), -47-62. ditions'AusoneR.P.H.Green,The worksf AusoniusOxford991texte t riche nnotation)H.G.EvelynWhite,oll.Loeb, vol.réimpr.967 t1968)textet trad, nglaiseA.AlvarEzquerra, ibi.ClásicaGredos46-147,vol.,1990 trad,spagnole,t copieuseintroduction.

5.Voir es ndicesassemblesarL.fleuriot, esoriginese laBretagnerans1980,.55-59Quandegauloisisparut-il).Trois 'entreux e situentBordeaux(manuelu médecinarcellusAusone),nAuvergneSidoine pollinaire)tous roisau sudde a Loire commeestexteseSulpiceévèrexaminésnfra (n.35sq.).Mots auloishezAusone:tude écenteansRomanobarbarica11,1992.

6. Severusanctusndelechius,mide Paulin e BazasP. Nol.ep.28,6)ettrès robablementauloisD.Korzeniewski,irtengedichteDarmstadt976,.5),Demortibusoump.105sq.«Dei,magnisuicoliturolusnurbibus,hristus.

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SULPICESÉVÈREET LACOMMUNICATION 19

lationspaysannes elle se traduit par des « commandos» offensifscontre es sanctuaires uraux, omparables ceux des moines d'Orientqui avaient scandaliséLibanius7.Cette évangélisation'accompagned'une latinisationccrue,nécessaire la communication e laparolemissionnaire, uis à l'implantation u cultechrétien, e ses liturgiesde la Parole,de seshomélies, e ses lectures rivées e l'Écriture ourles convertis es plus engagésdans le sacerdoceou le style de viemonastique.

C'est dansle cadre de cestensions, ncienneset nouvelles,quel'œuvre de SulpiceSévèreprend une valeursingulière.Elle accordeen effet, ux péripétiese la prédicationux paysans,uneplaceencoreplus remarquableque certainspoèmesde Paulin de Noie ne le fonten Campanie.D'autre part, elleest écrite par l'un des écrivainsesplus raffinés e l'âge théodosien,à l'adresse d'un publicde lettrésconvertis u près de l'être, mais sur un domainerural où il seraitbien instructif e savoir quelétait le niveau de la communicationnlatin entre e maître t ses paysans.Enfin,mêmesi Vandaleset Visi-gots ne sont pas encorelà, il n'est pas excluque, jusqu'en ce cœurde l'Aquitaine,des colonies de lèteset de soldatspaysansbarbaresaient déjà constituédes îlots importants e germanophonie8.

Leproposde Sulpiceest de faire onnaître, t de défendre evantune opinion publique quiest loin de lui être acquise,la vie, l'actionet surtout a saintetéd'un soldat romain devenu moine et évêque:c'est du témoignageur Martin et, au moins en partie, de Martin,que doit partir notreenquête,commedu centremême de notredos-sier, en tentant e remonter u Martin de Sulpiceau Martinhistori-que, mais sousl'angleparticulier, t pratiquementnédit,de la com-munication rale9.Il s'agira donc aussid'apprécier,de ce point devue, tous les obiterdicta de Martinque Sulpicea introduits ans sesrécits.Le problèmede la communication e seposait pasde la mêmemanièreau panégyriste e Martin. Le latin qu'il parlaitétait condi-

tionnépar ses modèlesclassiques,demeurésdans l'école ceuxd'unelangueconservatrice,t de haut niveau,distincte u latin tardif queparlaientses compatriotes quitains, même un peu lettrés. D'autrepart, Sulpice se sentaittenu, lui aussi, par la communication 'unmessage,et il prenait ce titre a suite d'un longdébat sur les moda-litésde la communicationhrétienne un publiclettré. Enfin, son

7. VitaMartini2-15,t surtout 4, sq. destructionutempleeLevroux),tcomm. dloc.,dans Chr134,1968,.768-793.aits arallèlesnOrientLiba-nios, rotemplisor. 30,7sq.8. Même i cesoldatsermainsevaienttre abitués,ans'arméeomaineesGaules,comprendreesordresonnésn atin ans n ermoastrensismaisussià pouvoirommuniquervecdespaysansont a langueéhiculairesuelletait nlatin lémentaire.nfin,es nfantses ètes és nGauleevaienttre 'embléeati-nophones,inon ilingues.9. L'historicitéupersonnagerésentéarSulpice'étant lusmise ndoute,commelle e fut arE. Ch. Babut udébut ece siècle voir adémonstrationon-vaincanteeCl. Stancliffeans on ivre ité up.n. 1.

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publicétait-il ussi homogène qu'onle penseraitd'abord ? Les Dia-loguesapportent ur ce point des demi-aveux,d'interprétation iffi-cile. Caril y a danscet auditoire,mêmerestreint ux ascètesde Pri-muliacum et à leurs amis, des niveaux distinctsde culture,et, parsuite,dessusceptibilitésui contredisent'idéalégalitaired'une com-munautéd'ascètes.L'ironieparfois ubtilede leurs« piques» mutuel-les n'y laissepas voir aisément a part du jeu et celle de la réactionsincère.De Martin en passant par Sulpiceet ses auditeurs, uccessi-vement considérésdepuis l'observatoiredu Mart nel us on pourranéanmoinstirer 'imagemoinsinexacte d'une conjoncture inguisti-que plus complexequ'il n'y paraîtraitd'abord.

La latinitéde saint Martin

Homoinlitteratus0. l ne faut appliquerà Martincetteétiquettecritique t apparemmentansnuancequ'aprèsavoirreplacé 'épithètedans le contextede la Vita Martini où elleapparaît,mais aussi dansla tradition ulturelle omainedont elleest issue. Dèsl'époqueclassi-que, le mot n'est pas sans ambiguïté s'il peut désigner ncore -étymologiquement un illettréil a déjàpris plus largement, t moinsbrutalement,e sensde notre djectif nculte1; le premier 'a mêmepas apprisseslettres, e seconda ignoré es litterae ue l'on acquiertchezle grammairien,e rhéteur, e philosophe.En l'occurrence,l estvraisemblableue Sulpice,commeil le fait souvent,a joué ici surlesdeux sens.Il veutdirequ'hommed'action et d'oralité,Martinn'apoint eu accèsà cetteculture criteque l'on transmet t reçoitdansles écoles: il n'a jamais voulu - ni peut-êtrepu - devenir unscholasticus.

Nuanceplus importante ncore le contexte ans lequelest portécejugement st celuid'un élogedesqualitésoratoiresde Martin.Lit-

ter tus et scholasticus ui-même, ulpice récupèreavec soinMartin

commeun maître à sa manière de la reginarerum ratio. Fautede pouvoirciter une œuvre écritede Martin dans ce portrait finalde sonhéros, l vante« sesparoles» et « sa conversation, et admireen lui « tant de savoir, tant de talent, une tellequalitéet une tellepuretéde parole».12Cette dernière ouangeest, au moinsdans saforme, e l'ordrede l'hyperbole, uisqueSulpicen'attribue ci à Mar-tin rien de moinsque le célèbreélogedécernéà Térencepar Jules

10. Vita5,8(dernièrehraseuportrait)« Nisiuodmirumsthomininlit-terato ehancuidem ratiampuri ermoniscf.n.12)defuisse; etcomm.ansSehr 35, . 1075sq.11. Tellest,par xemple,adistinctionxplicitéearSénèque,en.5, 13,3:«Inlitteratumicimuson xtoto udern,edadlitterasltiores onperductum.12. Vita5,6-7 «inuerbistconfabulationeius uanta rauitas...esum es-tor...me xnulliusmquamre antumcientiae,antumngenii,antumam oniet tampuri ermonisudisse.

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César13.Il met ainsi en valeur des qualitésoratoires d'autant plusétonnantes ue l'homme était nlitteratus en termes icéroniens,elasemble vouloir direque Martinétait spontanémentloquensen vertude sa simplefacundia naturelle.L'ensemblede cet élogedoit doncêtreapprécié globalementil tend à exprimer t communiquer,n unvocabulaireet avec des thèmes familiers des scholastici la forteimpression u'a faite sur Sulpice,lors de ses entretiens vec Martinà Marmoutier,a parolenue, incisive t fort persuasivee cet hommed'action, devenu commeévêqueun nouvel orateur un ministre ela Paroleévangélique appliquéà parler comme son Maître.

De cetteparolemartinienne,e Martinellus ffre bien des exem-ples qui ne peuventavoir été aussi purement nventésou remis enformeque l'étaienttraditionnellementes discoursrapportéspar leshistoriens omains.On y entenduneparoleserrée, ranchante,mpres-sive, appropriéeà une communicationefficace plus proche deYnnonceévangéliquedu Royaume,et de l'appelà la conversion,ued'une prédicationen forme. Cette éloquence singulièrese d'exem-plesou decourtesparaboles,elleprend parti 'interlocuteur,eprenddes thèmes u mêmedes citations l'Évangile- que son proposestbien de prolonger t d'actualiser.Cettetransparencecripturaire onneà penserque, si Martinn'a probablement as fréquenté'école tradi-tionnelle, l avaitacquis depuissa conversion,par la pratiqueascéti-que de la lectio diuina à Ligugé puisà Marmoutier, ne imprégna-tion scripturaire ui marqua profondément a parole d'évangéli-sateur 4.

Prenons-en euxexemples.D'abord lacourtecollatio entre 'évê-que moine et un novice récalcitrant, ui est rapportée dans lesDialogues,5. Il s'agissaitde ramener à la raison un ancien soldatconverti l'ascétisme,ui prétendait ue sa femme ontinuât e coha-biter vec luidans lemonastère 'hommes oùil venaitd'entrer. Pourle convaincredu caractèredéraisonnablede son projet, Martinuse

d'une parabolead hominem fondée sur la métaphore, ès longtempsfamilière u christianismentique, du combatspirituel.De courtesquestionsappellentde brèvesréponses ce soldata-t-ilprispart à uncombat ? A-t-ilamaisvu une femme ur un champde bataille? Mar-tin aisse l'homme àsa confusion, t conclutpar uneesquissedu typede combatspirituel éservé ux femmes scètes ellesdoivent e livrerà l'abri de ce que nousappellerionsune clôture. Les brèvesproposi-tions ndépendantesnoncentdespréceptes u subjonctif 'ordre. La

13.Donat,VitaTerenti«puri ermonismator.14.Lexistenceujourduireconnueauthentiquescrits Antoineepermet

plus esupposereulement,hez esplus nciens oines,ne ulturerale xcluanttoutelphabétisation.emême,Marmoutier,lest ignificatifueYrs ntiquariades opistesst e seul ravailanueldmisVita 0, ) ilestpeuprobableuecetteactivitéitétédestinéeeulementprocurerlacommunautéesrevenus,ans uelesmanuscritsient 'abord ervi la lectioiuina esmoines.15.Dial.2, 11,p.193, 5sq.Halm.

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sentence finale énonce, avec un humour acerbe et quelque peumisogyne,n précepte e vie,dans lestyle nomiquedes livres apien-tiaux « La première ertud'une femme t sa victoire chevée,c'estde ne point se laisservoir »16.Ces mêmes traits e retrouvent,maisau style ndirect ans la relation e Sulpice, orsqu'ilévoqueun entre-tien entre son maîtreet lui, à Marmoutier.Martiny fait l'élogedurenoncement i parfaitement vangéliquedont Paulin avaitdonné unexemple uniqueen sa génération.Cet élogeest un exemplum il apourfonction e pousser on auditoire ersdesrésolutions ussi héroï-ques. Il se développedans le mêmestyle ussif, un peu exalté(un« macarisme biblique « Bienheureuse ettegénération »), avec lamêmetransparenceux versets vangéliquesen l'occurrence,eux surle « jeunehommeriche ), et donc au stylede la prédicatione Jésus,maître à vivre et maître de parole.

Danscetteparolequi évoquelesharanguesmilitaires, n doit sedemander e queMartinpeutdevoir sesannéesde service l'armée.Filsd'officier romisà servirdans le corpsd'élite de la gardeimpé-riale- d'où étaientsortistant d'empereursdu IVe iècle- , Martina-t-il té aussi illitteratusue l'affirme ulpice? La chose estpeu pro-bableau senspremierdu mot, et peut-être u sens second. C'estàl'arméequeMartina vraisemblablementris 'habitude de communi-quer aisément vec de hautspersonnages,voireavec desempereurs,commel'a montréSulpiceà propos des entrevuesde Martin avecValentinien, u avecl'usurpateurMaxime àTrêves17.Dans cepurussermoque Sulpiceadmire encorechezMartin, les usagesmilitairesde l'anciencandidatus sont entrés n convergencevec une authenti-que culture vangélique,ussi bienqu'aveclesexigencesdu dépouil-lement scétique.Cetteépurationde la parolel'a mis en possessiond'un instrument e communicationraleà la souplessetoujours dap-tée, y comprisfaceà des paysansen possessiond'un modeste basiclatin appris et pratiquésur les marchéset dans les rues des villes,

ou simplement cquis commeune

languematernelle lémentaire.

D'ailleurs,Martinparlaiten actes autantqu'en paroles.Vers lesfoulespaysannes,l est allé avec la foinue de saintPaul, et il auraitpu dire comme ui : « ma paroleet ma prédicationn'avaientrien desdiscourspersuasifsde la sagesse,mais elles étaientune démonstra-tion faite par la puissancede l'Esprit» (7 Cor. 2, 3). Commejadisle prophète lie face auxprêtres e Baal,Martinpréfère esconcoursde puissancespirituelle ntre es dieuxpaïenset le Christ dont il estconvaincuqu'il agit à travers ui. Cette sorte de complicité vec lareligiosité rchaïquedes paysans gauloisassureentre eux et lui une

16. b. 1, 11,7: «Cuiushaecprima irtus t consummataictoriast,nonuideri. Cetteentence,elevéeeparadoxe,st-elleeMartinu deSulpiceSacohérencevecamétaphoredoublementartiniennedu combatpirituel,on-guementiléeans etteourtearangue,laidenfaveure 'authenticité'un motdeMartin,ue Sulpice puse borner polir npeu plus.17.Dial.2, 5, 5 et2, 6, 3sq.

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communicationlus convaincanteue des sermonsbienargumentēs.Un tel détour ne supprimait 'ailleurspas, en certains as, les diffi-cultéspossiblesde la communicationerbale,mais rien ne laissepen-ser, dans les récits de Sulpice, queMartin ait dû recourir à desinterprètes.

Leproblème e la latinité e Martin, t de sonefficacité,st doncà poser à partir d'une expériencede vie singulière.Commencée àl'armée,sa formation st passée par l'expérienceruciale,et longue-mentpoursuivie, e la lectiodiurna,par les leçonsdécisivesd'Hilairede Poitiers,par l'entraînement e l'évêqueà la pratiqueconstanted'une parole publiqueconsacrée à annoncer eRoyaumede Dieu,età presser es auditeursréticents 'y entrer leinement n adoptantlestylede vie ascétique.L'Évangileet les Actes desApôtres,méditéset « ruminés comme disaitson contemporainAmbroisede Milan,lui offraient e modèle d'un langageapostolique,converti une sim-plicitétransparente,maiségalementrmé pour le combatspirituel tles affrontements ersonnels.C'est aussi le sens de cetitre de uereapostolicus quelui a justementdécerné la Vita Martini 7, 7). Parsonsermohumilis il s'est trouvéplus prochedu sermo rusticusdeshommesdeschamps quedu sermo scholasticusdes lettrés assésparles écoles desvilles.

La culture de SulpiceSévère

La trajectoire ulturelle e Sulpicefut radicalementistincte. etancienavocat,ami de Paulin,introduit ar sonmariagedans la hautesociétéaquitaine,fut et resta un scholasticus deses étudesprobable-mentbordelaises sonactivité ittéraire Primuliacum. l appartientà ce milieuélitiste, t fier de l'être, pour qui le maintiendu patri-moinelittéraire t linguistiqueeçudes anciens est un privilège t un

devoir vital.Est-cepar une sorte de gageure,pluslittéraire ue spiri-tuelle,que Sulpice entreprit e faireconnaître n un latin particuliè-rement légant e héros d'une saintetépeu nourrie ux lettres rofa-nes ? On doitobserverd'abord que Sulpicen'est pas entré ans réti-cencesdans lesrangsdes admirateurs e Martin.La disparition ré-maturéede sa femmey a sans doutemoinscontribuéque les pres-sionsconjointementxercées sur lui par son ami Paulin - convertienthousiaste , et sa belle-mère assula18.Et le fait est que Sulpicene s'est jamaisdécidéà quitter on Aquitaine,en dépitdes objurga-tions que Paulin lui adressaitdepuisla Campanie.

18. Siindéciseu'en oit our ous afigure,assulapparaîtommene orteď«agapète parmiesdiscipleseMartin,t comme nemaîtresseemme.ette«socrusancta (P.Nol.ep.5,6)a imposésongendreonenthousiasmeourle saintmaîtreeTours,t elle favoriséespremiersssaisittérairesartiniens,en uifournissantes ténographes,ais lle es hargeansuiteedéroberesmoin-dres crits e Sulpicecf.Svlp.Sev.epist. , s.p.).

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Même àPrimuliacum, ulpicenous apparaîtavec leprofild'unpropriétaire errien onverti un christianisme empéré,plus prochedu stylede vie d'Ausoneque des décisions radicalesde Paulin.Toutau plus accepte-t-il e se faire 'imprésario ittéraire 'un médiateurspirituel lus illustre. l peut ustifier ette fidélité une vocation it-térairepar l'exemplemême de Paulin, resté à Noie poète, épistolier,panégyristempérial. l peut aussi seprévaloirde sa pieuseintentiond'acquérirdes mérites pirituels articuliers,n proposant ux lecteursl'imitationd'une vie exemplaireui « les incitera la vraiesagesse,à la milice célesteet à la vertu divine».19 Maisil faut regarderde

plus prèscette ongue préface,qui restera a charte du genre hagio-graphiqueen latin.Cette sorte de manifeste ontient n effet des précisions héori-

quessur les finset les moyensde la communicationagiographique.Cesprécisionsontà prendre vecprécaution, ar l'auteury oue avecdes lieux communs dans lesperspectives 'une captadobeneuolen-tiae il se proposede divertir e lecteur u moinsautantque de l'ins-truire. L'auteur y dit d'abord sa crainte,bien conventionnelle,ue« son langagepeu soignéne déplaiseau lecteur .20Quintiliendéjàrecommandaitux orateursce locushumilitatis ropriae dont E.R.Curtius a suivi les destinées, si durables dans la littératureoccidentale21.l est d'ailleursexposéici en une phrase périodiquedont a concinnitast les clausules oignéesdémentent ar avance l'aloide cette faussehumilité on peutcroired'abord à un jeu de princes,à l'adressed'un publicentendu.

Pourtant, 'idées'approfondit nsuitede telle orte, travers roisantithèses, u'il est difficile e n'y voirqueconvention ure. Il faut,dit Sulpice,« bien peserles chosesplus que les mots», se rappelerque « le royaumede Dieune se fonde point sur l'éloquence,maissur la foi », et que « le salutn'a pointété prêchéau mondepar desorateurs, mais par des pêcheurs .22 Bienavant Cyprien,Cicéron

avait exprimé a première ntithèsedans ses Tusculanes3 Il existe

donc une filière ntique de cette premièremaxime,qui subordonneles valeursde la formeà cellesdu contenu.La mêmeexigencedetransparence es mots aux choses avaitété reprisepar Sénèquetra-çant l'idéald'un stylephilosophique,puis par Cyprien squissant a

19. Vita ,6 : «Si uitamanctissimiiri, xemploliismox uturam,erscrip-sero,uoutiqued ueramapientiamtcaelestemilitiamiuinamqueirtutemegentesincitabuntur.

20. b. ded.1 «ne sermomcultioregentibusispliceret.21.Comm.ans ehr 34, . 369.Qvint. , 1, 8 : «si nos nfirmos...mpara-

tosdixerimus; etE. R.Curtius, a littératureuropéennet e Moyen geatinParis 956,. 504sq.Formulesedévotiont d'humilité).22.Vita ded.3-4 «a lectoribusostulabist res potiusuamuerba erpen-

dant,..quiaregnumei non neloquentiaed nfide onstat.. Meminerinttiamsalutemaeculoon b oratoribus,...sedpiscatoribusraedicatam.23. Comm.ans ehr 34, .380sq.Cíe.Tusc. , 11,32.

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conversiond'un styleauthentiquementhrétien24.our Sulpiceavo-cat de Martin, ette xigenceoïncidait ussi avecl'exemple, la foisévangéliqueet ascétique,du pragmatismemartinien.

En revanche, es deux antithèses uivantesrelèvent 'une tradi-tion spécifiquementhrétienne. 'oppositionentre 'éloquenceet lafoi se trouvaitdéjà chez saintCyprien, elonlequel« la puresimpli-cité de l'expressionne s'appuie passur l'éloquence pourfournir esarguments la foi, mais sur les faits»25.Cette simplicité st celledes simplespêcheurs ue Jésusfit prêcheurs e son message.L'anti-thèse entreorateurs ou sénateurs) t pêcheurs oratores/ iscatores- était familière ux plus grandsécrivainschrétiens u IVe iècle26.Ellerappelaittout écrivain hrétien, e plus souvent un litteratus 'iln'avait mêmecommencépar être un scholasticus u sensprofession-nel du mot, aux exigencesd'une esthétique vangélique.Mais lapra-tiquede ces écrivains ettrés 'en a guèreété influencée un peuchezJérômeet Augustin,mais bienpeu chez SulpiceSévère.

Sulpice passeenfin es limites e l'exagération,n affirmant u'aumomentde se mettre écrire,« il a décidé en son for intérieur ene pas rougirdes solécismes,n'ayant amaisatteintun savoirconsi-dérable ences matières... t le peu que jadis,peut-être,'avais butinédans cesétudes, e l'avaistout entierperdu pour m'en être si long-tempsdésaccoutumé . Cemensongesi jolimenttourné ne pouvaittromper ersonne. Comme s'il voulaitallusivementmettre n gardeson lecteur ontreuneacceptation rop ittérale e ses prétendusveux,l'auteurcommencepar lesexprimer n des termes u'il emprunte upremiervers d'un des plus célèbresprologuesde Térence27.Est-cedonc un pur badinage,un peu cynique,sur l'impossibleconversionde son style En fait, si quelquespassagesdes récits de Sulpicen'excluentpas certainmaniérisme28,e n'est pas Apulée quiest leprincipalmodèle de sonstylenarratif,mais trèsprécisémentalluste.C'est à travers e classicisme ustèreet rétracté u stylede l'historien

que Sulpicea fait un pas en direction 'une simplicité la fois évan-géliqueet martinienne.Face à lasurcharge aroquede ce style ontourné t redondant,

qu'est souvent e stilusscholasticusdans la prosed'art tardive voir

24. Sen.ep.75,5 Cypr. d Donat., et comm.ansnosAspectstproblè-mesdelaprose 'art atine u iw iècle,orino 968,h.6.25.Cyprien,b. «uocisura inceritason loquentiaeiribusititurd fidei

argumenta,ed rebus.26.RéférencesansE.Auerbach,iteratursprachendPublikumnder atei-nischenpätantike...,ern 968,.37 etH Hagendahl,iscatorietnonAristo-

telice,ueinemchlagworteidenKirchenväterndans tudia . KarlgrenedicataStockholm959, .184-193.27.Vitaded.5 : «Egoenim,um rimumnimumdscribendumppuli...;citation uettee Ter.Andr. rol. «poetaum rimumnimumdscribendumappulit....28.Alternancentre'imitationeSallustetquelquesplagesdemaniérismeà lamanière'Apuléevoir 'intr. e notre d.,Sehr 33, . 105-109.

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par ex. Ammien,Symmaque,Oróse...),la prosenarrative e Sulpiceadopteune sortede via media entre es excèsopposésde la surabon-dance et de la nudité. Pour commencer, lle répudie 'abus desfigu-res et des ornements ropres u stylefleuri. l faut, ur cepoint,pren-dre au sérieux esdéclarations ue, dans lesDialogues Sulpiceprêteau personnage e Gallus,lorsqu'avantde poursuivree récitdesfactaet dicta de Martin,celui-ci eprésente son auditoire ettré « Vousentendrez ar ma bouche un homme deSancerre,qui ne dit rien defardéni de monté ur le cothurne...Car si vous m'avez reconnupourdisciplede Martin, accordez-moi ausside pouvoir, à son exemple,mépriser e vain clinquantdans mes paroles et mon vocabulaireorné ».29On peut objecterau sérieux de cesprisesde positionqueGallusest blasonnédans le contexte omme un rustre e Gauloisdunord (...vu d'Aquitaine,si Gortona est bien Sancerre,donc sur laLoiremoyenne).L'invocation de la référence Martinn'en gage pasmoins e sérieuxde cettecritiquedu stylefleuri.Le caractère mpha-tiqueet décoratif e celui-ciest ici visépar quatre métaphores fard,cothurne, écorations, rnements), ar lesquelles 'esthétiqueittéraireromaineavait exprimé a défiancede tout excès formel30. allusestdonc chargé,en ce passage,de suggérer ue les excès destylesontdes fautescontre a conversion scétiquetelleque la prêche t la pra-tiqueMartin,et de défendre u mêmecoupla via mediade Sulpice:sa gageurede resterfidèleà la foisà un style oignéet à un certainévangélisme.Ce caractère empéré 'un style la double fidélité vo-que l'équilibrevisépar Jérôme,dans sa maturité, ntre e clinquantde ses premièresettres scétiqueset la sobriétéconquise parl'exé-gète, d'après le modèlede la simplicitébiblique31.

29. Dial.1,27,2 : « Audietisetamen t Gurdonicumominem,ihilumfuco ut othurnooquentem.am imihi ribuistisartini e sse iscipulum,lludetiamoncedite,t mihiiceatxemplolliusnanesermorumhalerast uerborumornamentaontemnere. Lecothurnusait-ilci llusionu célèbreeprochedresséparJérômeHilaireePoitiers,ans a lettre8 datéee395t adresséePaulindeNoie) ep.58, 10, Sanctusilarius allicanoothurnodtollitur? Sur e uge-ment, oir a note e DomPaulAntin,ansRB57, 1947,.82-88,emaniéeanssonRecueilur aint érômeBruxelles,968,.251-258. érômentendaitienmar-quer insi ue estyle Hilairetait ropavantour ournirne ectureccessibleauxchrétienseucultivéscf.fin ela mêmehrase«et a lectioneimpliciorumfratrumroculst . Dansapenséeet evocabulaire)eJérôme,ratrumourraitbien ésigneresmoines.

30. Fucus cf.Cic.de orat. , 188et 3, 100 cothurnusavec le sensd'«emphase: P. Antin,b. (n. préc.), .256, t n. 46 phaleraearactériseesornementsustylepidictique,our ronton,ur. ornamentaCic. inu. ,32et Hor. ars448 «ambitiosaecideirnamenta.

31.Hier.ep.36,14 «Pedestrist cotidianaeimilist nullamucubrationemredolensratio ecessariast..Mihiufficitic oqui t ntellegar,t ut descripturisdisputanscripturarummiterimplicitatem.

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Sulpiceet son publicCe débatesthétiquepposeenréalité ulpiceà sonpublic, t lcon-

cerne es intentions rocheset lointainesde l'auteur du dossier marti-nien.À mesure ue la propagande scétiquemartinienne ayonnait nGaule àpartir de Tours et de Marmoutier, a diversité es personneset des milieux ouchés,directementu non, par la parolede l'évêquedeTourss'accroissaitd'autant. Il lui fallaitdoncbienpesersesmots,pourarriver se faire, ommePaul, « tout à tous pour lesgagner .

Au premierrang des auditeurs ecteursdu Martinellus se pla-cent sans doute les chrétiens onvertis l'ascétismeet entrés n reli-gionmartinienne, Tours, puisà Primuliacum, u en d'autres com-munautéscomparables.La majoritéd'entre eux appartenaient lahautesociété,comme lesuggèreune notationprécisedu chapitredela Viequi décrit a fondationde Marmoutier « Il y avait là, disait-on, un grandnombrede nobles».32Notationconfirmée ar les hau-tes relationsde Martin,et par tant d'autres témoignagesur la diffu-sionde l'ascétismenouveau dans la Gaule decettefin du IVe iècle33.Ellel'est mieux encorepar la qualitédes personnalitésui viennentassister u secondjour des entretiens apportésdans lesDialogues:ce sont non seulementdes moines et des membresdu clergé,maisaussi des« officiels comme l'ancienvicaire Eucheret le consulaireCelse34. Ce sont dessympathisants, u'il ne faut pas décevoir onlesimagineur le modèle dessnobsde l'ascétismeue Jérôme énonceà la mêmeépoquedans la haute société de Rome.Lesconvertis ecette espèceaiment s'habillerà l'orientale,en portant des palliumsen poil de chameauqu'on leur a rapportésd'Égypte35.l ne faitguèrede doutequecesgens-làdemandent être nstruits ur Martin,mais en une langueet un styleplus que châtiés.

C'est à ce « monde», qui fut et reste e sien, que Sulpicedes-tine ses oeuvresmartiniennes. 'est pour lui que le raffinement in-

guistique t littéraire es entretiens e Primuliacum utaussirehaussépar son talent. Il n'eut guère, pour cela, à forcer a note : par leurton, leur ferveur iscrète, a pratiqued'un sermo à la tenueencoretrès classique,cesentretiens pirituels estent ncoreproches et pro-bablement ostalgiques)es« dialoguesde villa» cicéroniens. a tenue

32.Vita0, «Multinterosnobilesabebantur;comm.ans ehr 34,.683.33.Vued'ensembleansC.Jullian, Notegallo-romaine7», dansREAt.24, 1922,. 306sq.2.LesrelationsesaintMartinCl. Stancliffeop.cit., up.n.1),entreutres .335sq. plusénéralement,otretudeur L'aristocratiecci-dentaleevantemonachismeux ve t v<iècles, dansRSLR15, 1979, .28-53.34.Dial.3, 1,7.35.Vita10,8 : «Pleriqueamelorumaetis estiebantur; et comm.ansSehr 35, .681-682.ulpicenavaitnvoyén à Paulin P. Nol.ep.29,1(textecité t raduitb.p.682).ur esdéguisementsscétiquesecertainesatronesomaines,pageélèbreeJérôme,p.22,27,commentéearA.deVogüé,Histoireittérairedumouvementonastiqueans'Antiquité1,Lemonachismeatin356-385),aris,1991,.263-267.

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de leur langueest comparableà celledes entretiens e Cassiciacum,telsque lesrapportent espremiers ialogues d'Augustin.Les retrou-vailles initialesdes principauxprotagonistes,u retourde Postumia-nus, le pèlerin out ustearrivéd'Orient,ouvrent e livre ur unescèneémue, souriante, légante ellesposent vecjustessee climatde socia-bilitéet de courtoisie raffinées ui règneentre Sulpiceet ses amis.La qualitéde la langueet du stylereste,en cet ascétèrerural, digned'un auditoriumurbain, et les deuxexposésressemblent ort à desrecitationes menaces et désastresdes frontières hénanes ont encorebien loin de l'Aquitaine.

Le consensusn'y règnepourtant as, en matière e langage, ussifacilement ue le prologuepourrait e laisserpenser.On le voit biendans la page la plus haute en couleur de cesDialogues: l'algaradede Postumianusontre es déclarations 'humilitéde Gallus,ce disci-plede Martin rrivéde Tourstout exprèspourprendre a paroledansce « meeting ascétique.L'apport de cettedisputeà notre enquêteest ambigu,mais considérable.

Galluscommencepar articuler n antithèses a crainted'avoir às'exprimer evantun parterre 'Aquitainsettrés. es déclarations vo-quentaussile locushumilitatis e Sulpicelui-même ansla préfacedela VitaMartini « A vraidire, dit Gallus,bienque pourma part ene soisguèrede force porter n si lourdfardeau,me voici néanmoinscontraint, ar lesexemplesd'obéissancequ'a précédemmentapportésPostumianus, ne point refuser a tâcheque vousm'imposez.Maisquand je pense quele pauvreGauloisque je suisva ouvrir a boucheau milieud'Aquitains,e redoute ue maparole, par l'excès de sa rus-ticité, ne heurtevos oreillespleinesd'urbanité .36 En associantet,pour ainsidire, en superposant vec trop d'ingéniosité es antithèsesentre Gaulois(du Nord)et Aquitains,rusticité t urbanité,discoursdépouillét ornements u style,Gallus semble ous-entendrene incom-patibilitéout la foisethnique,ociale,culturelle,oirereligieuse,ntre

les martiniens u Nord-

ceux de Tourset de la Loire-

, seuls fidèlesjusqu'en leur paroleà l'exemplede Martin,et leurs imitateurs âleset imparfaits les martiniens rop lettrés e l'Aquitaineméridionale.À uneépoqueoù Gauledu Nordet Gaule dumidisontadministrati-vementpartagées ntredeux vicariatsdistincts, e conflit uasi régio-nalistea biendes raisonsde retenir 'attention37.

36.Dial.1, 27,1 «Egoplane,nquit allus,icetmparim antoneri,arnenrelatisuperiusPostumianoboedientiaeogor xemplis,tmunusstud,uod mpo-nitis, erecusem.ed,dum ogitomehominemaliumnter quitanoserba actu-rum, ereoreoffendatestrasimiumrbanasuresermo usticior. La suiteecette éclarationépudieenun angageleuri) tout angagerné, our ndisciplede Martintexteup.n. 29.

37.Nous vonséjàmis n umièreette ntithese linguistique,ulturelletascétiqueentre artiniensuSud t Martiniensu Nord voir otreommunica-tion au colloqueeLyon e1981,apatrie auloise Agrippau v<iècle),ur«L'apportuchristianismelaprise e consciencee la"patrie auloise"ous adynastiehéodosienne, ActesucolloqueLyon 983,.161-201etparticulièrement190-191premièrexégèsee la présenteagedesDialogues).

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SULPICESÉVÈREET LACOMMUNICATION 29

On conçoitque Postumianus esented'autant pluspiquéau vifpar ces insinuationsue Gallus l'accusede l'avoircontraint parlerlefucus pour lui, n'est pas à chercher u côtéoù Gallus le dénonceobliquement.nsinuation, ncore,dans lecouple,classiqueet originel-lement icéronien, usticité/urbanitéfaut-il es entendre u sens litté-ral ou au sensmétaphorique S'agit-il d'opposer, par une sorte deretour l'étymologiees deux termesatins, 'inculture es campagnardsà l'éléganceverbaledescitadins En l'occurrence,même, espaysansdes bordsde Loire à ces Bordelaistrop fiersde leur éloquence? Lecontexte mmédiat e la pagene permetpas d'exclure ci cesenspre-mier, puisqu'un peu plusloin, Gallusva se désigner ui-mêmepom-peusement, n disant « Nousautres,Gauloisde la campagne...».38

Cette cauillatio deGallus,face à ses auditeurs quitains,agaceassez Postumianuspour qu'il coupe la paroleà Gallus sur un tonirrité « Dis donc», dit Postumianus,« parle en celtiqueou, si tupréfères, n gaulois,pourvuque tu nous parlesde Martin.Maisjecroispour ma part que, même si tu étaismuet, es mots ne te man-queraient pas pour parler de lui avec éloquence...D'ailleurs,étantun lettré, u te comportes ustement vecautant d'artifice u'un let-tré, quandtu te disculpesde ton inexpérience.ar tu débordes d'élo-quence.Maisil est inconvenant u'un moine soitaussiretors, t unGaulois aussi madré ».39Voilà Gallusdémasqué: il a imprudem-ment oué au paysandu Danube(enl'occurrence de la Loire),pourenrober es critiquesfinales, es plus graves l'infidélité ux exigen-ces de la parole ascétique« convertie .

Celticeuel,si mauis,Gallice.Postumianusraille le contextenelaisseplace à aucun doute possiblesur ce point. Car on ne peutadmettre ci l'alternative bsurde entre parlerceltiqueet parlergau-lois, le gauloisétant bien la langue celtiqueparléedans les Gaules.Mais commentcomprendre lors la valeur commune de ces deuxadverbes S'agit-ilde langueou simplement'accent- comme vient

de le plaiderde manière séduisanteune étude récente40.eci, sans38.«nosrustici alli : texte t contextenf.n. 43.39.Dial.1,27, :«Tuuero,nquitostumianus,elCelticeut, imauis,allice

loquere,ummodoartinůmoquaris.go utemredouia, tiamsi utussses,ondefuturaibi erbauibus artinůmacundore oquereris...eterumum is cholasti-cus,hocpsumuasicholasticusrtificioseacis,t xcusesmperitiam,uia xúberaseloquentia.edñequemonachumamstutum,equealiumsse ecetamallidum.40.M.Banniard,Larouillet a limeSidoinepollinairet alanguelas-siquen Gaule uve iècle, dansDeTertullienuxmozarabes,élangesffertsJacquesontaine1,Paris, 992, .413-428.a «squamaelticiermonis, parlaquelleidoine,p.3, 3,2,désigneesrestes'accentauloisont iente sedépouillerleparlerela noblesserverne,erait,elonM.B.p.421, l'accentarticuliereslatinophonesesaprovince. Cette ypothèseéduisante'exprimeansuneméta-phorencore lus uggestive,i l'oncomprenduesquamanedésigne asune«écaille, mais, armétonymie,avieilleeaumorteue esreptilesbandonnentchaquennée le latin esamis eSidoineurait ait nquelqueorte eauneuveenabandonnantesdernièresttacheshonétiquesvec egaulois cequineseraitpas ci e cas deGallus,u moinsansesrailleriesePostumianus

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30 JACQUESONTAINE

compterun autre et double jeu de motspossiblesur le sens de Gal-lice faut-il ntendre en Gaulois » du Nord,par oppositionux Gau-lois d'Aquitaine- ce que suggère e contexte ntérieur mmédiatOu bien« en Gallus» (quetu espar ton nom)? Lejeu demotsappa-raît donc à quatreentrées il en est d'autant plusraffiné t satirique.

Gallusne se démontepas pour si peu. Le plus remarquable stqu'il ne refusepas d'avoueraussitôt, ansdétours, a qualitédescho-lasîicus,maisqu'il n'en persistepas moinsà tenir érieusement onpersonnagede Gauloisproche encore du peuple celtophone,et àemployer en le soulignant ommepar défi - un mot gauloislati-

nisé, usuel dansle latin gallo-romain.D'une part, en effet, l com-mence son récit martinien n évoquant explicitement ces premierstempsoù, abandonnant es écoles,j'ai rejoint e bienheureux...41et il enchérira ncorede manièreprovocante, n citant plus loin unversde Stace,et en introduisant ans l'insérendede sa citationcetteparenthèse arquoise « Nous usonsd'un versde lettré, uisquenouspérorons ntre ettrés ».42 Maisd'autre part, l « pose» de manièreostentatoireux côtés despaysansceltophones,t face aux lettrés el-lénisants,pour fairepasserla citationdu mot celtique atinisé ripeccia en cestermes « Quantà Martin, l était assis sur un petit iègerustique ommeceux dont se servent esjeunesesclaves,et que nousautrespaysans gauloisnous appelonsdes tabourets tripeccias), an-dis que vous autres ettrés, u du moins toi qui viens de Grèce,vousles dénommeztrépieds .43

PlusqueSulpice,Gallusapparaîtainsi au carrefour e trois ypesde communication,inonproprement e trois cultures celle des let-trés desgrandesvilles,celle desascètesmartiniens, elledeslocuteursrustiquesdescampagnese plusconservatrices.ulpicea tiré précisé-mentdeseffets omiquesdes transformations vuede ce personnage,qui peutjouer tour à tour les savants,les ascètes,et même les rus-tres. On entrevoit u'il pouvaitchoisir à volonté le registre e son

latin, sinon même de son accent raffiné t ironique évangéliqueet direct populaireet mêlé de vocablesceltiques.Sulpices'est divertià en faireun personnagembigu,quelque peuprovocateur, t comme

41. Dial.2, 1, 1 «Quoprimogiturempore,elictischolis,eatome uiroiunxi.... L'emploiigiturstun tic tylistiqueallustéenamilierSulpicevoirenparticuliere début urécit e la Vita, 1 «Igitur ārtiņusabariaannonia-rum ppidoriundusuit... ; et comm.ans ehr 34, .430.Cetic mène sedemanderi aphrasenitialeu récit e Gallus'imiteraitas ciquelqueébut élè-bre e récitutobiographiquentique.our e tellesitationsuettes,omparerussi,eneffet,arepriseupremierers eYAndrienneansapréfacee a Vitaparal-lèle ité up.n. 27.

42. Dial.3, 10, : «Nimirum,tdixit oeta ésciouisutimurnimersuco-lastico,uiantercholasticosabulamur),captiuumqueuemmirantibusntulit rgis"(= Stace,Thébaide8,751). Citation'autantlusnattenduet recherchéeu'ilnes'agit as cid'un anglier, ais 'ungros oissonunexocet,socem).43. Dial.2, 1,4:« sedentemeroMartinůmnsellausticana,t unt stae nusibuseruulorum,uasnosrustici alli ripeccias,osscholastici,utcerteuquide Graeciaenis,rípodasuncupatis.

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SULPICESÉVÈREET LACOMMUNICATION 31

legraciosode sesDialogues. L'importantst pour nousqu'il ait ainsilevé un coin du voile sur la pluralitéde la communicationrale enlatin dans le milieu des ascètesmartiniens, t qu'il nous ait ainsiper-mis de pratiquerune sorte de petite coupe linguistique travers asociétégallo-romaine.

Le problèmeposéà SulpiceSévèrepar le choix d'un registre elangue approprié u passagede la communicationpologétique qu'ilvoulait établir vec les amis et les ennemisde Martin, st encore ana-logueà celuiqui s'était posé à Juvencus,pour faire passer de la

manièrea plus acceptablee messagevangélique deslettrés ispano-romains. Dans la mesureoù le modèle duChrist demeure i présentdans les acteset les parolesde Martin, l'analogieest encore plusparlante.

Mais surcettevoiequi risquaitde mener une surenchèretylis-tique, pour aboutir à une variantechrétienne u stilusscholasticusSulpicea été retenu la foispar sesgoûts personnels, ar sa culturebiblique, parl'ambitiond'écrire ussi pour tous lespublics atinopho-nes, et surtout, finalement, ar les exigences ascétiquesde Martinautant que par l'exemplede sa parole.Sa prédilection our Salluste,dont le tempérament essimiste t critiques'accordait au sien, lui afait nventer n compromisheureux ntre esexigencesde son publicle plus lettré t la sobriétéascétiqued'un stylechrétien onvertifinalementmieuxque celui deson ami Paulin.Commepour Martin,la pratiquede la Bible,et en particulier e l'Évangile, constitué ourl'ascètede Primuliacumun important djuvant à cettecure de sim-plicité.La rencontre ntre a paroleévangélique- celle de Martinou, directement, elle de l'Écriture et le stylenerveuxde Sallustea permis l'auteur de la Vie de Martin et desDialoguesde produireune oeuvredurable elle étaitpromisepar la qualitémême,maisaussila souplesseet pour ainsi direla polyvalence,de sesmoyensde com-

municationittéraires, accompagneret promouvoirdurablement eculte de Martindans le tempset l'espacede la latinitéoccidentale.Il est notablequecetteréussite oit aussidue au faitque Sulpice

a su gommer e sonsallustianismees traits es plus voyants, t commetels les plus « datés» du stylede l'historien la recherche es motsinsolites t archaïques une concentration lliptique qui fait parfoispenser la formule 'Horace en son Artpoétique breuis sselaboroobscurus io (AP 25); enfin, a tensiond'une asymétrieonstante uin'échappe pastoujoursà la raideurdu cliché.Sulpicea détendu esprocédésd'art de Salluste il a su par là se rapprocherdu natureloral de YUmgangsprache,oire,plusconcrètement,e la parolemar-tinienne. 'éclectismede seslectures profité cettedétente, t aussià la variétéd'un style ù lesleçonsde la concinnitasicéronienneontrarement ubliées.Il a tisséainsi,dans unelanguelittéraire la foisincisive t agile,lesfilséparsde divers ypesde communicationatinedans la Gaule deson temps.Ce faisant, l a retardé a rupture ntre

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32 JACQUESONTAINE

languesécrites t languesparlées, atin ittéraire t latin nstrumental.Y compris l'âge carolingien, ù justement e constitue e Martinel-lus et où sont copiésla quasitotalitédesplusanciens manuscritsuinous en soientparvenus.

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Médiévales5,automne993,p.33-44

André CRÉPIN

POÉTIQUELATINE ETPOÉTIQUEVIEIL-ANGLAISE:

POÈMESMÊLANTLES DEUXLANGUES*

Parmi lescultures ernaculaires e l'Europeoccidentale,elledel'Angleterre u Haut MoyenAge est l'une des plus précoces.Lesmodalités de son assimilationde l'héritage atin, et dans une bienmoindremesurede l'héritage rec, apparaissent vecune précisiondeplus en plus grande.

Depuis queles textesvieil-anglaisnt retrouvé es lecteurs, 'est-à-diredepuisle xviesièclequandla hiérarchie cclésiastiquenglaise,rompant vec la papauté,voulutdémontrer a fidélité l'enseigne-ment traditionnel e l'Église,les éditeurs n'ont jamais manquédesignaleressourceset lesparallèlesbibliques,patristiques,iturgiques.Aujourd'huid'ambitieusesnquêtessont lancées,souventmenées enéquipeet recourant ux mémoiresd'ordinateurs.Éditions et traduc-tions, nstruments e travail t mises au pointannuellese multiplient.

M'appuyantsur ces donnéesnouvelles,e rappellerai'historiquede la culture latine en Angleterre vant le XIIeiècle. Je réduiraiensuitemonétude au domaine de lapoétiquepour meconcentrerur

un phénomènecertes imitémais susceptibled'indiquerla nature etle degréd'assimilationde l'héritage u coursdessiècles l'usage jux-taposé du latin et de l'anglais.Ce phénomènen'a suscitéque desobservations ispersées,'ignorant 'une l'autre. Pour mincequ'est lamatière, lle offre ssez devariétépour nous renseigner ur la lati-nitéde la culture ieil-anglaise,ur la définition t l'évolutiondesgen-res, sur l'esprit de cette culture.

* Lespoèmesieil-anglaisitésetrouventansG.P. Krappt E.V.K.Dobbie,edd.,TheAnglo-Saxonoetic ecordsNewYork ColumbiaP, 1931-53,otam-ment ans e 6eetdernierolume.ur a poétiqueieil-anglaisengénéraln trou-vera es ndicationst unebibliographieansmon dition,vec raductiont com-mentaire,eBeowulfGöppingenKümmerle,vol.1991.

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34 ANDRÉCRÉPIN

La culture atine en Angleterre vant le xiie siècleLes textesnourriciers e la culture nglo-saxonneont en latin

versionsde la Bible,écritspatristiques Grégoire,Augustin,Jérôme,Ambroise),la Consolationde Boèce, l'encyclopédied'Isidore, lesadmonestationse Gildas.Le latin véhiculait a sagesseet le savoir.L'Écriture ainte mposal'écriture. 'alphabetanglo-saxonst l'alpha-bet latin légèrementmodifié dans la formedes lettrespar les Irlan-daiset augmentéde quelquesrunes il illustre e creusetdescultureslatine,celte et germaniqueue fut 'Angleterre u Haut MoyenAge.

Le prestigedu latin n'entraînepas le méprisdes languesverna-culares. Bède,dans le tableaude la Grande-Bretagne u'il brosse auseuilde son HistoriaEcclesiastica situe clairement eslangues

Il existe ctuellementinq languesen Grande-Bretagne)autant que de livresoù est rapportée a loi divine- dans les-quellesl'uniqueet même sciencede la suprêmevérité t du véri-table bien ultime est étudiée,professée à savoir celles desAnglais,des Brittoniques, es Scots,des Pietés et des Latins.Cettedernière, u fait de la méditation es Écritures, st deve-nue communeà tous.

Bède reconnaît ue toute angue peutservir la recherche e lavéritédivine et à sa proclamation. on rapprochement,nattendu, unombredes languesparléesen Grande-Bretagnet de celui des livresdu Pentateuque,est à la fois une astucemnémoniqueet un moyende soulignera valeurégalede ces langues.Le latin, cependant, an-guede la Bible,formeun dénominateur ommun.Quand,aux envi-ronsde l'an mil (donc, prèsde troissièclesplustard), Aelfric e jus-

tified'écrireune

grammaireatine en

anglais,il souhaite

qu'ainsiles

jeunesdébutants ssocient l'une et l'autre angues,à savoir a latineet l'anglaise» (1/6-7).Associeranglaiset latin n'est pas simplementune méthodepédagogique,c'est suggérer 'égalitéde l'une et l'autrelangues.L'expressiontraque inguadésignaitn générales deuxgran-des languesde culture, e latin et le grec, d'où la précision joutéepar Aelfric, à savoir e latinet l'anglais». Ayant donnerdesexem-ples d'adverbesen e tirés d'adjectifs,Aelfric met en tête de listeanglice anglice,latine, graece,ebraice(235/5-8).

Romeet l'Angleterre, ne fois renoués des liens étroits aprèsl'arrivéedu missionnaireAugustin n 597,ne cessèrent e communi-

quer. Ce fut surtout ffaire de moines.En 667 lepape Vitalien,aupontificatmarquéd'influences rientales, hoisitcommearchevêquede Canterbury n vieuxmaisvigoureuxmoinede Tarse,formé Athè-nes et ordonné à Rome: Théodore.Le nom de Théodore avait étésuggéré u papepar l'abbéHadrien,originaire 'Afriquemaisdepuis

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POÉTIQUESATINEET VIEIL-ANGLAISE 35

longtempsnstallé n Italie. Hadrienconseilla,ccompagnaet secondaThéodore.Bède chanteleur éloge (Hist.Eccl. 4/2) :

[Théodoreet Hadrien]étaienttous deux fort versés en lit-térature acrée et en littérature rofane. ls attirèrent ne fouleserréede disciplesqui chaque jourrecevaient, our irriguer eurcœur,desfleuves e sciencevivifiante.ls transmettaientn effetà leursauditeurs, vec les textesdes livressacrés,les matièresde la métrique,de l'astronomie,du comput.La preuveen estqu'on trouve encore aujourd'hui [732]certains de leurs disci-ples qui savent e latinet le grecaussi bienque leurpropre an-gue, celle de leurnaissance. Jamaisdepuisl'arrivée des Anglesen terre britanniquen'y eut-il une époqueplus heureusecar,ayantdes roiscourageuxet chrétiens, es Anglais inspiraientacrainteà tous les peuplesbarbares,tous désiraient btenir esjoies du royaumedes cieux dont ils venaientd'entendreparleret quiconquedésirait 'instruire n sciencesacrée trouvait mmé-diatementdes maîtrespour la lui enseigner.

Aldhelm,qui étudia un bref tempssous la directiond'Hadrien,et Bède,soncadetd'une quinzained'années,sont les deuxpharesdela cultureanglo-latine.Alcuinplace leurs oeuvresau centre de sonénumération es richessesde la bibliothèqued'York. Unemêmefoi,une mêmevocationd'enseignant es animent- mais, éloignés parla géographie, ls le sont aussi par leurs activités et leurs styles.Aldhelm écrit en latin sophistiqué,abondant en archaïsmes,néolo-gismeset motsgrecs,à la syntaxe ompliquée.Bède utilise un latinsobre.

La haute culture atinede l'Angleterre u VIIIeiècle nese main-

tint pas, du fait desravagesdesVikings t aussipar suite de la pros-péritémême de l'Église.Les clercsoublièrent eur atin. C'est cet étatlamentable de l'Angleterre son avènement871) quedécrit e roiAlfreddans sa préface sa traduction nglaisede la Regula pastora-lis de Grégoire.Alfred décidé unepolitiqueculturelle,déologique,de traduction.Le siècle d'Alfredest le siècle del'émergencedes lan-guesvernaculaires. ourAlfred, ependant, 'anglaisest un pis-allerle latin reste la languede prestige.Ses successeursne s'intéressentqu'aux ouvragesen latin. Il faut attendre e règned'Edgar(959-975)et la réforme énédictinessue de modèlescontinentaux our retrou-ver a manifestation'un intérêt t d'une politiquefavorisantesécritsen anglais. Edgardonnale siègeépiscopalde Winchester u bénédic-tin Aethelwold.elui-civeilla à labonneconnaissance ulatin, ncou-rageaun latinsophistiquédignede la pompeliturgique u renouveaubénédictin,mais travailla en mêmetempsà normaliser 'anglais. Ilne séparaitpas les deuxenseignementsu latin et de l'anglais.

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36 ANDRÉCRÉPIN

Il prenaittoujours grand plaisir à instruire es adolescentset les enfants, leurexpliquern anglaises livres crits n latin,à leur apprendre es règlesde la grammaire t de la versifica-tion, et à les exhorter vec douceur à placer toujoursplushautleur idéal. Et c'est ainsi que beaucoupde ses élèvesdevinrentabbés,évêqueset mêmearchevêquesn AngleterreVita, attri-buée à Wulfstancantor, ch. 31).

L'un de ces élèvesfut Aelfric.Le siècleprécédanta Conquête parGuillaume deNormandiest

caractériséar la co-existence,négale,du latin et de l'anglais.Le latinest la languede prestige,mais on pratiqueun latin sophistiqué.Lelatin reste gnoréde beaucoup.L'œuvreconsidérable,presquetouteentière n anglais,d'Aelfricmontre u'un publiclettré, e hautecul-ture, n'entendpas le latin ou que, s'il ne l'ignore pas, il lui préfèrel'anglais.L'originalitéde cette culture réside dans la vive consciencequ'ellea de ses deux natures, atine et anglaise.Les scribesn'utili-sent pas le mêmetypede graphiepour l'une et l'autre langues.Ael-fric rédigepour ses ouvragesdeuxpréfaces,qui ne se répètent as,l'une en latin, l'autre en anglais.

C'estun aspectde cette o-existenceue j'examinerai,prèsavoirrappeléla connaissancede la poétiquelatine chez lesAnglo-Saxons.

La poétiquelatine chez lesAnglo-saxons

La connaissancedu latinest liée au contextemonastique.Oblats,novices,frères t prêtresviventdans un monde où dominele latin,au moinsen théorie. ls ne cessentd'entendre t de mémoriser estextes atins.Le latin matérialisea viespirituelle, resqueangélique,à laquelleles moines se sentent ppelés.Pour manifester eur inté-

gration anscetautre

monde,beaucoup,auxvne et vmc

iècles,ban-

donnent eur nom germaniquepour un nom latin BiscopBaducingdevientBenedictus Wynfrith, onifatius Hwaetberth, usebius.Laconnaissanceréelledu latindiffère elon lesépoqueset les lieux. Lorsde la réforme énédictine u siècleencadrant 'an mil, le nombredestraductionsnglaisesde textes iturgiquesatins uggèreoit une liturgieen vernaculaire,oitunepréparation la liturgie n vernaculaire.eut-être Abbonde Fleury ntroduisit-il Ramsey 'établissemente deuxécoles,l'une en anglais,l'autre en latin.

L'étude du latin comprenaitdeux degrés distincts d'abordl'acquisitionde la grammairet du vocabulairede base,puisune série

d'étudesspécialisées,armi esquellesa métrique. 'est le secondcycleque suivitAldhelmavecHadrien Aelfricne traite, dans sa gram-maireen anglais,que du premier.

Au niveausupérieur, e maître dicte et commentedes poèmeslatins.En tenantcomptede l'horairemonastique,on peut imaginer

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POÉTIQUESATINEETVIEIL-ANGLAISE 37

que les étudiantsparcourent, a première nnée, les 9 896vers deYEnéideet, l'annéesuivante, es 8 285vers totaliséspar le Carmenpaschalede Sedulius(1 753v.),la Psychomachiade Prudence 980),le De actibusapostolorumd'Arator 2 326)et les Librieuangeliorumquattuorde Juvencus 3 226).Un manuscrit u milieudu XIeiècle,provenant e l'Abbayede St-Augustin Canterbury, onstitue n véri-tablegradusad Parnassum. CemanuscritGg5.35de la BibliothèqueUniversitaire e Cambridgeest surtout connu pour les poèmesdegoliards qui forment a quatrièmepartie. Lestrois premières artiescorrespondent uneétudeprogressivee la poésielatinechrétiennne1) des textes e première ifficulté, ux-mêmesisposésen ordre rois-sant de difficultéJuvencus, edulius,Arator,Prosper,Prudence,Lac-tance et Boèce); 2) énigmes notammentd'Aldhelm), poèmes(parexemplee De diejudicii de Bède),des versionsmétriquesdu Pateret du Credo desprières n grec 3) des poèmesen latin sophistiqué(Aldhelm,Abbon deSt-Germain-des-Près,ugbald).Lesglosesmon-trent ue les textesservaient l'enseignement. nt été ajoutésà lapremière artie e De laude sanctae crucisde Raban Mauret un traitéde musique.La quatrièmepartie - poésiede goliards- a pu êtreajoutéedu fait que son écriture st du même scribeque la premièrepartie.

Les troisgrandsde l'apogéede la culture atine en Angleterredu Haut MoyenAge- Aldhelm,Boniface et Bède- ont rédigédestraités e métriqueatine.L'ouvraged'Aldhelmest le plusambitieux.Deuxparties, 'une De metrs, l'autre De pedum regulis encadrentses centEnigmata,selonune symétrie ouventattestée n littératureanglo-latinet vieil-anglaise.e traité de Bonifacese réduit, u con-traire, quelques pages.Bède arédigéun De artemetrica uivi d'unDeschematibust tropls.Ce qui frappedans ces traités st l'absencetotale de référence ce quepouvaitêtre a métrique ernaculaire.Ona parfoiscru, à tort, déceler uneallusion à celle-cidans le chapitre

4 du De arte metrica e Bède,consacré lapoésierythmée, onquan-titative Bède n'y parle, en fait, que de poètes latins et de versisosyllabiques.

L'usage juxtaposédu latin et de l'anglaisLe corpusde poésievieil-anglaiseui nous est parvenua été fil-

tré par l'Histoire il l'a été dès sa constitution riginelle ar les res-ponsablesecclésiastiquest laïques quiseulspouvaient 'offrir e luxede la fabrication e manuscrits. a quasi totalitéde cettepoésieestdonc « officielle , d'inspiration hrétienne.Une très forte majoritéde poèmesparaphrase écits ibliques,vies de saints, extesiturgiques.

Lesrapports ntre e poèmevieil-anglaist sa source nesontpassimples.Il s'agit rarement 'une sourceunique,mais de traditions,ou plutôtde la Tradition, u sensthéologiquedu terme, ù l'ultime

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38 ANDRÉCRÉPIN

réalité,biblique,est colorée, mprégnéee commentaires,atristiques,et d'usages,liturgiques. out poèmedoit, commel'hymnede Caed-monqueBèdeplaceauxorigines e la poésie anglaisehrétienne,ouerDieu.

Une étudesystématiquee la traduction u latin en vieil-anglaisreste faire. Mon proposeffleure e vaste domaine,dans la mesureoù j'examineraieséléments atinsplusou moins étroitementntégrésdans le discourspoétiquevieil-anglais.

Lesélémentsnon intégrés ont les versetsde psaumesou lesseg-mentsde prières n latin qui figurent vant leur traduction nglaisecommentée,u encoredesespècesde maximes atines suiviesde leurtraduction.

Dans lepremier as nous avonsdes « prièresfarcies . Ainsi latraduction u Pater conservée ansle manuscrit unius121 de la Bod-léienne,du troisième uart du XIeiècle,énumère espropositions ela prière 'une aprèsl'autre, en traduisant hacunepar quelquesvers,de 2 à 6. En généraldeux hémistichesorrespondent une proposi-tion, maisces hémisticheseuvent tre disjoints, éparés parun com-mentaire, n étoffement, e la « farce ». On voit ainsi le poèteautravail. Il analysele texte-source n blocs, traduit chaquebloc enhémistichenglais,et complèteceux-cipour satisfaire ux règlesdel'allitération ar d'autreshémistiches, e surcroît.Dans lesexemplesci-dessouses éléments essentiels sont signalés

Pater noster qui es in celis.Paedermancynnes rofres c the biddehaiigdrihten hu dhe on heofenumeart(« Pèrede la racedeshommes, 'imploreton secours,Sei-

gneur saint, toi qui es aux cieux.»)

Ledébut de Beowulfpoèmehéroïquedont le manuscrit ate desenvironsde l'an mil, s'analysede même

Hwaet We Gar-Denain geardagumtheodcyningahrym efrunonhu dha aedhelingaseilenfremedon(«Or doncallons-nousiredesDanois-à-la-lance,ux jours

d'autrefois, de leurs rois souverains a gloire, telle que nousl'avons apprise, commenteurs princesfirent rouesse.»)

La démarchest la même,qu'il s'agissede composerun poèmeoriginal,une traduction n vers - ou un poèmeen latin. On utilisedes élémentsmémorisés, es schèmesmétriques d'où les listesdon-néespar Aldhelmdans son De pedum regulis.

Quelquespropositionsatines entencieusesuiviesde leur traduc-tion en anglaisont été inséréesdans deux codexdu XIeiècle.Les

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POÉTIQUESATINEETVIEIL-ANGLAISE 39

maximes traduitesen prose différent 'un manuscrit l'autre, enrevanche es sentencesraduitesn vers sont communes ux deux. Ellesconstituent n tout sémantique t, formellement, ne espècede stro-phe, faisantalterner atin et anglais,deuxdistiquessuivisd'un seulvers- décasyllabesatins,octosyllabesnglais,alexandrin n clôture,la finale-ydh rappelant a rime -it du début.

Ardor frigescit, nitor squalescit,amor abolescit, lux obtenebrescit.Hat acoladh, hwit asoladh,leof aladadh, leoht adhystradh.Senescuntomnia que eterna non sunt.Aeghwaetforealdadh thaes the ece ne bydh

(« La chaleur refroidit, 'éclat se ternit, l'amour s'affadit, lalumière s'assombrit.Tout vieillitqui n'est pas éternel. )

Le poète anglo-saxonmanifeste ne grandevirtuosité transpo-ser les traitsdu latin. Le latin ci ignore ongueset brèves,maisjouesur le nombredessyllabeset la rime des suffixes.Auxdissyllabesn-or l'Anglo-Saxondonne un équivalentmonosyllabiquedont l'enca-drement onsonantiquest presque identique h + voyelle ongue+t). Il ne garde pas le procédé pourrendre mor mais se rachèteparl'homophoniede leof, leoht (l'auteurlatin compensaite monosylla-bisme de luxpar l'adjonctiondu préverbe b-). L'Anglo-Saxoncon-serve es rimes éonines,désinentielles.l a la contrainte e l'allitéra-tion consonantique consonnezéro dans le derniervers). L'allitéra-tion oue un grand rôle dans la poésielatine,mêmeclassique,maisc'estun rôle ornemental. lle devient resque omniprésente,bsédantechez Aldhelm etsesdisciples,chezqui ellepeut, sousl'influenceduvernaculaire,ervir lier deux partiesd'hexamètre elle ne devient

cependant amais obligatoire,lors qu'en poésiegermaniquencienneelle constitue a règlefondamentale.Il conviendraitci d'étudier es motslatinsadoptéstelsquels par

les auteurs nglo-saxonsans leurspoèmes nomspropres ui emplis-sent souventun hémisticheAugustinusGregorius),ermes echniques(par exemplenomsde mois du Ménologe).

Nous trouvonsun mélangemacaroniqued'anglais,de latin et degrecdans un poèmeinséréentre a tabledeschapitres t le prologuedu De laudeuirginitatisn prosed'Aldhelm,brusquementnterrompufaute de place. L'écritureest de la deuxièmemoitié du Xe iècle

Thus me gesette sanctus et iustusbeorn boca gleaw bonus auctor3 Ealdelmaethelesceop etiam fuit

ipseloson aedhele Angolsexnabyscopon Bretene. Biblosic nu sceal

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40 ANDRÉCRÉPIN

6 ponus et pondus pleno cum sensugeongesgeanodhe geomres amiamquesecgansodh nalles leas thaet him symlewaes

9 euthenia oftor on fyslteaene on edhle ec dhon dhe se isyfel on gesaed etiam nusquam

12 ne sceal ladigan labor quem tenetencratea ac he ealnegscealboethia biddangeorne

15 thurh his modesgemind microin cosmothaet him drihtengyfe dinams on eordhanfortis factor thaet he fordh simle

(« Ainsime composale juste et saint/héros ettré, grandeautorité, le noblepoèteEaldelm; il fut en outre/éminent ansla patriedesAnglo-Saxons,évêquechezlesBrittoniques. ivredont il me faut donc, labeuret lourdetâche,dans tous les sensde l'expression,sousla contrainte 'une récente eineà cet ins-tant/dire a vérité ans mentir, ire que celui-làtoujourscon-nut/la prospérité, omblébienplussouvent,connut a gloireensa

patrie/plusquecet autre/dont on dit du mal. Jamais en

outre/celui u'occupele travail ne doit chercher justifier/samaîtrisede soi - il doit au contrairene cesser/dedemanderardemmente soutiende la grâce, gardant l'esprit dans sonmicrocosme,quele Seigneurui accorderaforce ur cette erre,/le Créateurpuissant,de sorte que toujoursde l'avant»).

Le livreparleet présente on auteur, ommedans lepoèmeinsérépar le roi Alfred près sa préface la traduction e la Regula pasto-ralis.Lepoète cimultiplie plaisirpositionst combinaisons es motsétrangers. eux-cipeuvent e trouver, solés,en débutou fin d'hémis-tiche. Deshémistichesntiers ont en latin, ou en grec,ou en gréco-latin (microin cosmo).

Une autretechnique, acrifiant ette fois la variété à la régula-rité, consisteà alterner hémistiches 'avant anglaiset hémistichesd'arrière atins.Deuxtextes 'illustrent. e premier st un poèmed'unetrentainede vers dont le manuscritdate du début du XIeiècleetauquelles éditeursmodernes onnent e titre e A summonsoprayer« Exhortation prier .

Thaennegemiltsadh he, N. mundumqui regitdheoda

thrymcyningcthronum edentem

a butan ende [etc.](« Qu'alorste prenne n pitié,N., Celuiqui gouverne'uni-

vers, le puissant roi des nations, siégeantsur le trône degloire, pour toujoursà jamais [etc.] »)

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POÉTIQUESATINEETVIEIL-ANGLAISE 41

Le texte ppelledes corrections.Holthausen,véritableViollet-le-Ducde la philologiegermanique,pour qui restaurer ignifie méliorer,proposémaintes mendations. 'auteur du poèmenégliged'adapterlecasou legenredessyntagmesatins. l est possibled'expliquer, inond'absoudre,sesmanquements.e mécanismees fautes st instructif.Prenons equatrièmehémistiche,hronumedentem.Refusonsde cor-riger hronum ar l'accusatif vec sedere e trouve hez Aldhelm.Com-ment expliquerl'accusatif sedentemalors qu'il faut le nominatifAttraction e l'accusatif hronum Je soupçonne plutôt 'influence el'hémisticheieil-anglais arallèle, hrymittende toujours ttesté vecunedésinence-e, -es, -ne,-um).Il reste ue leshémistichesatins ontmal raccordésaux hémistichesnglais.On s'aperçoitque le poètead'abordcomposé,à la suite,tous seshémistiches'avant, en anglais,formant n tout syntaxico-sémantiqueohérent thaennegemiltsadhthe, N.,/dheoda thrymcyningc/a utan ende puis il les a complétésd'hémistiches 'arrière n latin. Ceux-cianticipent, eprennent u étof-fent 'un complémentirconstanciele texte nglais lesoublis deseg-ments atins aux vers 3 et 4) n'entraînent ucun dommage.

Biensupérieursont les onzederniers ers du Phénix. Lepoèmese trouvedans la richeanthologiepoétiquedu « Livred'Exeter», dela deuxièmemoitié du Xe iècle.Il offre une interprétation hristiquedu poèmeattribué Lactance. Il se termine ar une doubleconclu-sion. La première, e 12vers (v. 655-666),évoquele paradisde laJérusalem éleste uprèsdu Roi deGloire.Les verssuivants667-677),anglais-latins, e font qu'amplifiercettevision de gloire.Au centredu passage,un vers (672)résume e développement

lifgan n lisse lucis et pacis(« vivredans le repos de la lumière et de la paix»).

Ce versest un exemplede l'adéquationdesdésinencesatines aucontexte nglais,accord d'autant plus remarquableque les cas sontdiverspour un si bref passage.Deséchosphoniques(/ dans le verscité, le reliant u versprécédent) 'ajoutent à l'allitérationpour res-serrer a tramedu texte. Le passagede onzevers ne représente u'unsoixantièmeu volume dupoème,maisil clôture e poème,formantun groupestructurel omparableaux passagesoù le poèteCynewulfsignaleson nom par des runes,un peu avant la fin de ses poèmes.

Les sources

Où donc les poètesanglo-saxonstrouvent-ils eurs hémisticheslatins, eursmots grecs? Ils disposentde trois sources les poèmesà la métrique lassiquequantitative) leshymnes ythméest lespriè-res les glossaires.

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42 ANDRÉCRÉPIN

Certainshémistichesatinsde notre orpusvieil-anglaisonstituentdes finsd'hexamètredactyliquealta polorum,A Summons26b)oubien dessegments rochesde cettefin unicavoce24b).Leregnacae-lorumdu vers31 sembleun hybride.On trouve en fin d'hexamètredactyliqueregnapolorum.Sémantiquement olorum peutcommuteraveccaelorum maisalors,si le nombrede syllabesdemeurenchangé,la quantité,elle,n'est plus respectée caelorumà la première ocali-que longue).

Les hémistichesebelles la scansionclassique peuventvenirdestextes iturgiques, ymnes u prières.À cette source remontent ussi

certains termes grecs. Si biblos se trouve (latinisé)dans la poésied'Aldhelm,boethia du poèmesur Aldhelm,se trouvedès l'incipitd'une prière grecquedu manuscritGg5.35 de la BibliothèqueUni-versitaire e Cambridge f.420v): o theos istinboythianmuproskiskyrrie gloséDeus in adiutorium.

Nul douteque lesadeptesdu style ophistiquén'aientpuisédansles glossaires,mais j'ai le sentiment u'on réduirait a liste de cesemprunts n dépouillantes rares textesgrecsdes manuscrits nglo-saxons.L'emploides termes recsne me paraîtpasun placage pédant.Dansle poèmesur Aldhelm, pselosfait à la fois référence ux hau-tes vertus t responsabilités'Aldhelmet au rapprochement u pre-mierélémentde son nom avecle latinaltus, rapprochement xplicitédans le poèmeadressé à Aldhelmpar son discipleAethelwald,où lenom est glosé,d'abord étymologiquementuis analogiquement

Ita cassisper culmina priscicanduntpraefulgidagloriosaper agmina gemmifera rnamina[...]Althelmumnam altissimumcano atque clarissimumalto nostratimnomine nuncupatum t numinepollentemper caelestia potenteac terrestria

(« Ainsidu casque[vieil-anglaiselm ancien[v. n. eald]dans leshauteursbrillent esplendissants/parmiestroupesglo-rieuses es ornements ouvertsde gemmes/[...]/Card'Aldhelml'éminencee chanteet la renommée/il porteun nom éminent,et par la Divinitél est protégé, qui règne ur les mondes céles-tes et terrestres. )

La littérature u Haut Moyen Agepartage vecnotre poqueungoût extrêmepour les jeux langagiers.

Trois observations onclurontmon inventaire.1) Les hémistichesatins,ou les motsétrangers latins,grecs,

hébreux sont nsérés n général ansdifficulté. a trèsgrandemajo-rité de ceshémistichesnt quatresyllabesfaisant lterner ccent fort

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POÉTIQUESATINEETVIEIL-ANGLAISE 43

et accent plus faible Agustinus.On rencontre, xceptionnellement,des hémistichese moinsde quatre syllabes ainsi les noms de moisAgustusNouembris,Decembrisdans leMénologe(Holthausencom-plète, peut-être vec raison, par faer ou monadh« mois»).

Certaineshymnesatines, hémistichese quatre syllabes rimesléonines,évoquentle rythme e la poésievieil-anglaise

Sánetesator, suffragator,legumlator, largusdator,iure pollens, es qui potens,nunc in aethra firma petra[etc.](« Semeur aint, ntercesseur,auteur eslois,généreux ien-

faiteur, jugeéquitable,toi le puissant, monté ux cieux,fermerocher [etc.] »)

L'hymnea été rapprochéedes versque nous avonscommentés

hat acoladh hwitasoladhleof aladhath leoht adhystradh

et des deux derniersvers de Beowulf

manna mildust ond man thwaerustleodumlidhost ond leofgeornost(« de tous les hommes,le plus épris de paix et de con-

corde, du bien de son clan, de la gloirede son nom.»)C'est aussi le rythme es deux premiersvers, que nous avons

cités,si l'on considèrehors-système'interjectionnitiale Hwaet ) et

si l'on accepteune syntaxe t un jeu de rimesmoinsmécaniquementsymétriques.es hymnes u nombrede syllabesfixe t aux rimesnet-tes ont suggéréà l'auteur du poèmehéroïqueun début et une fin« rythmés .

2) La deuxièmeobservationporte sur le problèmedélicatduvolumedes syllabes,qui joue, d'aprèsmoi, un rôleessentieldans lapoétiquevieil-anglaisecelle-cine reposepas sur le nombredessylla-bes mais sur leur valeur,dépendantde leur forceaccentuelleet deleur volume.L'hémisticheanoniqueest constituéde deuxgroupes,chacun formé 'une syllabevolumineuseccentuéeuivied'unesyllabeà l'accentplusfaible, u volumendifférent hat acoladh _/_x ¿_x.ce schémacorrespondbienfortis factor (Poèmesur Aldhelm,17a),mais nullement onusauctor 2b). Doit-onsupposer 'allongementuo bref de bonus? À la fin de la préfacelatine de sa GrammaireAelfricnote ce phénomène proposdu a de pater et de malus Laredistributionesquantités ans un segmentommeGregoriuso long,

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44 ANDRÉCRÉPIN

autresvoyellesbrèvesen latinclassique)demandeun inventaire hro-nologique,géographiquet sylistique qui pourraitpréciseres don-néesdu problème.

3) Troisième t dernière bservation le champlimitéde l'affleu-rement es hémistichesatinsen poésie vieil-anglaise.es hémisticheslatins,et gréco-latins,ont au nombred'une soixantaine ur lesquel-que 61 000 hémistichesu corpus- soit un millièmedu total. Lesdomainesanglaiset latin restent entis ommedes ensemblesistincts,ne permettant uèreque les deux opérationsde la traduction t del'adaptation.L'intersection,mêlant es deux langues,est exception-nelle,bien circonscrite. lle n'a rien de l'exubéranceoyeusequ'ontrouvera n moyen-anglaisje songeauxguirlandesntremêlantatin,françaiset anglaisdes Harley lyrics BL ms. Harley 2253).

Lesraisonsde cetteréticence ont probablementmultiples mau-vaise connaissancedu latin,pauvretéde notrecorpus.Je noterai ur-tout un esprit monastiqueenclin à ordonneret compartimenteremonde. Tout mélangeest risque d'incongruité, erversion arodiqueou magique.La littérature nomiquevieil-anglaisee plaît à répéterque chaquechosea sa place,chaquehommesa vocation.J'ajoute-rai : chaquediscoursa sa langue.

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Médiévales5,automne993,p.45-52

Michel BANNIARD

LES DEUX VIES DESAINTRIQUIER:DU LATINMÉDIATIQUEAU LATINHIÉRATIQUE*

1. Quela communication erticaleondée url'usagedu latintar-dif sous sa formeparléela plushumble ait continuéde fonctionner,malgrédes difficultés ggravées,usqu'à la fin de l'époquemérovin-gienne, impliquede réétudier e statut social, langagier,historique,voire ethnographiquedes Viescontemporaines.Dans lecadre desrecherchesngagéesur ce thème ociolinguistique,ne triadede docu-mentspermet e bâtirun dossier xceptionnellementomplet ils con-cernent a Vita Richarii. Cet abbé du Ponthieu, contemporaindeDagobert,a donné son nom à son monastère,fondationdevenuefameuseà la fin du viiiesiècle,lorsqueCharles enconfial'abbatiatà Angilbert. ur les instancesde ce dernier,Alcuin a récrit ne VitaRichariid'aprèsun originalmérovingien.ommeil se trouve ue danssa lettredédicatoireAlcuina analyséle stylede cettedernière, 'his-torien se trouve en présence

1) de la Vita Richariiprima écritevers la fin du VIIeiècle2) de la Vita Richariilia dictée en 800par Alcuin3) desobservationstylistiques'Alcuinsur 1 et de sesintentions

en composant2.Cet état de la documentationermetd'engagerune analysedans

de bonnesconditionsde sécuritéméthodologiqueur le fonctionne-mentde la communicationénérale u viicsiècle. Eneffet, rois con-clusionsassurées ont pu être posées:

1) la Vitaprimaétaiteffectivementue à la fouledes fidèles orsde la fête du saint

* Afin 'allégeret exemplumsociolinguistique,nrenvoielabibliographiedonnéeuprap.10-16,t particulièrementuxréférences2,5, 17,18, 4,26,51,56etB4, 9, 12,16,18, 2,25,45,50.Larudesseu atinmérovingienété ensi-blementisséeans ette ranslatio.

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46 MICHELBANNIARD

2) sa languetrès ncorrected'après les canonsdu latin normé)paraissaità sesusagers lesmoines du monastère hargésd'organiserla cérémonie)bien appropriéeà l'instruction es fidèles

3) la lecturede cetterédaction 'est répétée ous les anspendantplus d'un siècle(de 670/680 à 800).

Ces questionsont été traitées de manière sinon exhaustive,dumoins détailléeCf. dans la bibliographiees items12- Banniard,Viva voce 1992,p. 378-381- , et 16- Banniard,Seuils etfrontiè-res langagières1993); maison a jugé utile de présenter n échantil-lon de ce

typede latin,

que poursimplifierous

qualifieronse média-

tique.En outre,plutôtquede découper e texte n fragments arfoisminimespour suivre es sujetstraités, on en donnera le fil continuafin de mieuxdonner à saisir a respiration éelle de ce Latin Tardif(LT) en pleineévolution.

Il représente n effet un compromistype entre1) la langue parléespontanément ar les illettrés, ont la méta-

morphoseen ce qui deviendrae protofrançais 'accélère au tournantdes années700, et que par soucide clarté on dénommera e LatinParlé Tardif de Phase II (LPT2,vie-vnic.) ;

2)la

langueparléede manière

plusou moins contrôlée

parles

lettrés si laxiste oit eurgrammatica)qui fluctue ntre e LPT1 (LatinParlé Tardif de Phase I, iiie-ve.) et le LPT2,et d'autre part entreles différents iveauxde ces deux stades(langagesoutenu,relâché,idiomatique...);

3) la langueécrite raditionnelle,ue, écoutée,apprise, mitéeparles rédacteurs.

Celasignifie u'abstraction aitede la prononciationdont a pres-sion influence ouvent a graphie),le phraséde la languenaturelleest soit reproduit oit décalquésoit simulépar le sermo rusticusdela Vie de saint

Riquier.Naturellement,ettetendance

généraleuser

d'une langueécriteévolutiven'exclutpas des réactions normatives(citationsbibliques,copiesde modèlesanciens,voire accès de fièvregrammaticaledu dictator).

2. Les deux Vies sont assez brèves une dizaine de pagesdesMGH(SRM, t. 7, p. 444-453) pourla rédactionmérovingiennelon-gueurlégèrementupérieureSRM,t. 4, p. 390-401) poursa versionréviséecarolingienne,tant donnéque le texte alcuinien est un peuallongé grâceà diversprocédésde délayage.Deuxpassagesont étéretenus, ont a spécificitéarrative ous a paru usticiabled'une mise

soustitre ui en illustre es caractères.Cet échantillonnageera plusconvaincant,associéà la versiondu même événementrécrite parAlcuin.

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LES DEUX VIESDESAINTRIQUIER 47

Le miracle de la taupinièreLe futur aint a commencésa carrièred'évangélisateurn par-

courantà chevalson paysde mission. Voiciqu'il offre une pieusematrone d'embrasser son nourrisson

(I) « Atque ipsafemina xiliens um gaudioin manupor-rexitpuerum eumsuper equo oscularecœpit. Temptatio llicosubita euenit cum infantulo mplexaret, anta ferocitas quiemiscerecomprendre rumperè) oepit, ut capudcumpedibusÍmpetunimisuelocicurreret, t ipseseruusDei unamanupueroalter que equo tenere Christo ex ore clamare,hue illucquediuertere.Tune mater qui puero dederat,oculossuos claude-bat, pectus manibustundebat,puerumprimumgenitumuumipsahora mortuum ideremetuebat.NamipseseruusDeiChris-tum uelociter nuocans,puero de manu sua dimisit.Sic ruen-tem et equopauentemquasiauiculainfans d terram erveniteut tener tudo illiusnequaquamconlideret.Mater eius flenseteiulans adpuerumcadentem ucurrit, t uel semiuiuon manususciperet. Super mota terra quam factum talpiginiuocant,inlaesum

infantem epperit.

(par. 5, page 447).« Alors,la femme, outeheureuse, ortit t tendit 'enfantà bout de bras Riquier, oujours cheval,commença le cajo-ler. C'est alorsqu'uneagression ubitese produisit alorsqu'iltenait e nourrisson ontre ui, un tel accèsde sauvagerieaisitle chevalqu'il se jeta d'une ruade dans une courseemballée.Si bienque le serviteur e Dieu tenait e chevald'une main etde l'autre l'enfant, hurlait à pleinebouche"Christ", et diva-guaiten tous sens.La mèrequi avaitconfié son enfant fermaitles yeux,se frappait a poitrine, t craignaitde voir son pre-mierné mort ur l'heure.

Or,le

serviteur e Dieu,tout en invo-quant à toute allure le Christ, aissal'enfant ui tomberde lamain. C'est ainsique, tandisque le chevalruait et paniquait,l'enfant parvint terre comme un oiseau,sans que sa tendrechair en subît la moindrecontusion. Sa mère se précipitaenpleurant travers es larmes et les crisvers 'enfant u momentde sa chute,pour le relever u moins encore à moitié vif. Elleretrouva 'enfant sain et sauf sur une motte de terre qu'onappelleune taupinière.

On fera les remarquessuivantes sur ce récit en sermo rusticus

(letexte des MGH aété

légèrement etouché)1) sont laissées de côtélesanalysespurement inguistiques,u'ilconvientde voir dans Banniard1993. Onse borneraà insister urle phrasédes passagesen italiques,annonciateurdu protoromandeFrance.

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48 MICHELBANNIARD

2) Le niveaulangagierdu textedemeure suffisammentohérentpour qu'en tenant omptedescompétences assivesdes auditeurs llet-trés, on puisseêtre certain que la narration eur était intelligible.

3) Il faudrait videmment nalyser es caractèresde la pronon-ciation du lectorqui lisaitce texte haute voix : sans êtreréductibleà la phonétiquepopulaire, a dictionne pouvaits'en écarter ue dansune mesuremodérée,résultant 'un compromisntre e souci de miseen valeur de l'énoncé et les capacitésde réceptiondes fidèles.

4) La teneurdu récit mérite ussi attention, ans la mesureoùà ce sermo rusticus orrespond n typede récitpopularisant.Ce clas-sementse fonde sur au moins deuxremarquesa) la présentation e Riquierest familière il embrasse'enfantil estvigoureusementecouéon pourrait ourire u spectacle)il lâchel'enfant.

b) Le miraclegarde quelquechose de naturel la chutesur lataupinière onfère u dénouementheureuxde l'accident un caractèrenaturel c'est un miraclerationnel, ui serait usticiabled'une lec-ture folklorique.

3. Voici la rédactioncarolingienne.

(II) « Visitauit enim equitando quandam Deo deuotamfeminamRichthrudam omine et iam post dulces uitaeepulaset post conloquiasalubriaipseuir Dei, ascensoequo, ad pro-pria remeare isposuisset,t feminapraedictauxta morem qui-tantisuestigiapariter ecutaest, habensin ulnis filiolum uum,ut paruulusquoquebenedictioneominisDeiroboraretur, uemipseante sacrobaptismateDeoregenerauit. cceptoqueinfanteequesueneranduseu ad benedicendum eu adosculandum,edantiquushostis omnibus bonis inimicus mmisit quo ferocita-tem, qui hue illucquedentibusfrendens, edibuscalcitrans t

toto corporeinsanienset inconsueto mpetu per campum dis-eur erecoepit. Quod pauida cernensmater oculos avertit, nemorientem ideret lium,quemseruusDei saeuientequomanutenebat. Familiauero pro morte pueri uel casu uiriDei stre-pere, piangere,heiularenon destitit. ed dexteraChristi, uaePetrům trepidantem euauit, ne mergeretur n undis, puerumcadentemsubleuabat,ne allideretur n terris. Nam orationeafamuloDeifacta, puer incolomisquasiauiculaperuenit d ter-rain et equusredditus st mansuetudini uae.Et materquidemfilium uum superterram anumet ridentem uscepit n ulnassuas.» (par. 10, pages394-395).

« Il rendait chevalvisiteà une pieusefemme,Rictrude.Aprèsles plaisirsconviviauxde la vie et les entretiens alutai-res, l'hommede Dieu, remonté cheval,s'apprêtaità rentrerchezlui ; la dite femme uivit,commed'habitude,les pas du

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LESDEUX VIESDE SAINTRIQUIER 49

cavalier,en tenantdans songironson filstout eune, afin quele petitfût ussi revigoré ar la bénédiction el'hommede Dieu,qui venaitde le régénérer ar le saint baptême.Le vénérablecavalierreçut 'enfantpour le bénirou pour l'embrasser.Maisl'antiqueennemide tout bien provoquaun emballement u che-val : il commençaà divaguer une vitesse naccoutumée tra-vers e champ,en grinçant esdents,bottant, 'enrageant.A cespectacle,a mère,terrifiée, étourna es yeux pour ne pas voirmourir on fils quele serviteur e Dieu tenait, andisquele che-val s'emportait.La familletrépignait, émissait, hurlait sanscesse. Maisla dextredu Christqui releva Pierre vacillantpourl'empêcherd'être englouti, ouleva l'enfantdans sa chutepourl'empêcherd'être blessé contre e sol. Car, grâceà une prièrefaitepar le serviteur e Dieu,l'enfantparvint omme unoiseauà terre, ainet sauf et le cheval futrendu sa docilité.La mère,de son côté, serra contre son sein son fils sauf et souriant. »

Par rapport à la rédactionpopularisante, ette versionprésenteau contrairedes traits ristocratisants, omme on en jugera si l'onconsidèreque :

1) le remaniement bouleversé escaractéristiquesangagièresutexte l'élégantlatin narratif lcuinien paraît loin tant du modestelatin mérovingien ue, par voie de conséquence,du phrasé protoro-man,pourtant ésormaismergé n terre 'oïl au tournant es années800.

2) Les traitsnarratifs ui conféraient n outre un aspectfami-lier au saint ont été gommés Riquierdevientun personnagedistantet hiératique. l n'est plus questionde prendre 'enfant pour le seulplaisirde l'embrasser sans oser écartercomplètemente joli gestede Riquier,Alcuin tamise cetépisode(ad benedicendum eu adoscu-

landum).Riquiern'est

plusprésentéomme un

pauvrecavalier bous-

culé et un peu ridicule.3) Enfin, la part folkloriquedu récit est supprimée c'est une

intervention irecte de Dieu qui sauvel'enfant le pittoresque pi-sode de la taupinière st effacé.

4. Riquier, parti se retirer n ermite u bord de quelquezonemarécageusedu Ponthieu,y édifie une modeste hutte.

Ma cabane enPonthieu

(III) At beatus sacerdos Deipercunctabat, t uasta heremiDeusilli prouideret.At uir nobilis scilicetGhislemarus,iue etaliuspropinquosimiliter obilis t palatinusnecdissimilisenereMaurontusquenomine,qui posteareligionem deptuset mona-

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LES DEUX VIESDESAINTRIQUIER 51

gue, passe la barrière de la communicabilité ui distingue 'écrit(vaguement raditionnel) e l'oral (largement nnovant).

5. Le récitcarolingienreprend insi ce sujet :(IV)« Quamuir Dei habitationem um solo commilitone

ingressus, aruotantum uguriunculoilissimo perecontentus,ut habitatiouitaeconveniret,uper luum estimans, aeculi con-temptorem liquid saeculi delitiarumhabere uideri (par. 13,p. 397)...Ecce,frater igobarde,qualemmansionemraeparauitmihi

Deus,prouili

quamhabuiin terra

pulcherrimamn

caelo,pro contemptibili loriosam, pro obscura lucidissimam tprofumosa omni suauitate renitentem. (par. 14, p. 398).

« L'homme de Dieupénétradans son habitationen com-pagnied'un seulfrère 'armes. Il s'était contentéd'une minus-cule cabaneconstruite n ouvragetrèsordinaire, fin quel'habi-tation fût appropriéeà son stylede vie, estimant nopportunqu'un contempteur u monde donnât le spectaclede la jouis-sance du moindredélice de ce monde..."Voilà, frère igobard,quellemaisonDieua préparé pour moi : à la placede la vilequej'ai eue surterre, une splendideau ciel; de la méprisable,uneglorieuse de l'obscure,une très umineuse et d'une enfu-mée, une éclatantede toutes les douceurs".»

Le remaniement,à aussiprofond, ennoblit a trame du texte,car :

1) le récitde la construction e la cabane a étédépouilléde tousles détails concrets ui donnaient u textemérovingienon caractèrequasi archéologique.De cefait, es motspopulaires à l'exceptiondemansio reçudepuislongtemps n latin chrétien) nt été évacués duvocabulaireemployé.2) Dans la visionfinale, e style st rehaussépour quitter e niveaudu sermo rusticusmérovingient retourner celui dusermosimplex« patristique . On remonte une bonne latinité,mêmeparlée,dutempsd'Augustinou de Césaired'Arles.

6. Decesquatre fragments, l ressortdoncque la Vita Richariimérovingiennetextes et III) offre un état de langueet un type derécit apte à la communicationénéraleaux vne et viiiesiècles.

a) La narrationmet en scènelesévénements t leur protagonisted'une manièreque l'on n'hésiterapas à qualifierde popularisanteintention élibéréedu rédacteur u immersion e ce dernierdans letissumental, angagier, ulturel, ollectif On nepeut trancher.Maisl'effet de connivencenarrative ntre e maîtrefaisant a leçonet lesauditeurs ensésprendreplaisirà ce récitparaît assuré. Leredécou-

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52 MICHELBANNIARD

pagealcuinienpermetde mieux mesurer contrario a réalité de cecaractère fragments I et IV).b) La langueet le stylesont en harmonie avec a). La distance

de cette angueécrite ar rapport la languevivante pontanéeLPT2)n'est pas nulle, maiselle demeure modérée. Cela estsi vrai que lefutur protofrançais PF) sourd de cettegraphie correspondant unelatinophonien phasefinalede métamorphose. ce titre, a Viecons-titue un échantillon xemplairedu latin médiateur.Bienentendu, avolontéd'userd'un langageréformécultius dnotatum) ansla rédac-tion alcuinienneprend le caractèreinversede passageà un latin

hiératique.c) Ce n'estpas sansquelque surpriseu'on relèveenfinun effetantithétique ans cetteévolutionpuisqu'à une languepopularisantea corresponduune miseen scènedémystificatriceu miraclequi luiconfère n aspectnaturel t vraisemblable,lorsqu'à une languearis-tocratisante correspondu n traitement istanciateur u même mira-cle, devenuainsi surnaturel t mystérique.

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Médiévales5,automne993,p.53-60

Michael RICHTER

LES LANGAGESEN PAYS CELTIQUES

Dans le cours du haut MoyenAge, à des datesdifférentes, alangue parléeen Irlande, e gaélique,et le brittonique arlé en Breta-gne accèdentà l écriture nous souhaitons montrer ans cet articlecomment est engagéce processus.l nousa sembléparticulièrementefficacede comparer a situationdes deuxlangues,car elle met clai-rement n évidencea spécificité e l irlandais.À travers ette com-paraison,nous tenterons onc de montrer élaboration d une littéra-

ture non-latine en Irlande, documentéepar des inscriptions t desmanuscrits.Le hautMoyenAgea vu la naissance d unelittérature n lan-

gue irlandaisedont la productionet la variété sont sans pareil enEurope- exception aitedes œuvresen latin. Cette réalitérestemal-heureusementroppeu connue,la documentationestant ncore peuou insuffisammentxploitée.Pour remédier cette ituation, n man-que tout simplement e spécialistes,bien que de grandsnomsde laphilologiecomme FranzBopp, CasparZeuss,KunoMeyer,RudolfThurneysen,OsbornBerginentre autres, aient été attachés à cettediscipline

La misepar écrit du brittonique été précédéepar trois siècleset demi de culture crite n languelatine sur le territoire e la Breta-gne; puis,dans unephaseultérieure,a maîtrise e l écriture ut iéeà l Églisechrétienne,out en continuant être utilisée ourdes besoinsprofanes.En Bretagne, a culture écrite atine survécut la fin dela dominationromaine.Mais,contrairement ce qui s était passéenGaule,cette dominationn avait pas abouti à la disparition e la lan-gue celtique.l existait oncd intenses ontacts angagiersntre e brit-toniqueet le latin la constitution es langues néoceltiquesdu Veau

1.Unpanoramaapidemais récisst ffert arH.L.C.Tristam, 150Jahredeutscheibernistik, dansDeutsche,elten nd ren. 50Jahre eutscheeltolo-gie Festschrift. MacEoin>H.L.C.Tristamd.,Hambourg,990,p.11-53. nsouligneran outreetristiqueusatiristerlandaislann Brien« Theyose ntheir ight-shifttowriteor he eitschriftBinchyndBerginndBest, dansm esnaGOPALEEN,heBest fMylesLondres966,.266.La«Zeitschriftdontlesticiquestionst a «Zeitschriftür eltischehilologie.

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VIIeiècledonne à penserque le latin était parlédans cesrégions vecune prononciationocale.Parmi les langues celtiquesqui se mettent n placeen Bretagne

après l époque romaine2, a languedite néobrittoniquest la mieuxattestée.Ellereprésentea forme nitialede la langueconnuegénéra-lement ous le nom de galliqueou cymrique.Elles avère à peu prèsstable entre e viieet le Xe iècle(anciengallique),avant de se trans-former n moyengallique.En raisonde la prégnancede la cultureécritehéritéede l époqueromaine,on aurait pu s attendre ce queceslanguesocalespassent l écrit ans problème.Mais ce ne futpasle cas.La languebrittoniquevait subi une forte mpreinteatinedansson vocabulaire,maispas dans sa grammaire3. n outre, on parvintasseztôt à une transcription es noms celtiquesen latin4, et à lanotation ccasionnellede motsd emprunt. t pourtant, ans l ensem-ble, on a l impression ue la présence n Bretagnede la culture critelatine a plutôt entravé accès à l écrituredes langues néoceltiques.On doitnaturellementonsidérer ue les documents onservésn gal-liquene représentent u une partiede ceuxqui ont pu exister cetteépoque,compte enu despertesdont on ne peutdéterminerampleur.

L Irlande,on le sait, n a pas fait partiede l Empireromain. Lesconditionsqu on vientd exposer pour la Bretagnene s y appliquentdoncpas. On parvint mettre ar écrit irlandais en ayantrecours,directement u indirectement, l alphabet latin. Il est très probableque l écriture atinearriva en Irlande avec le christianismet la lan-gue latine,c est-à-dire ers400.Le rôle médiateur evint ans douteà la Bretagne elleimporta n Irlande a formebrittonique e la pro-nonciationdu latin et influença ussi la misepar écritde l irlandais.

Lespremiers émoignagesmanuscritsn langueirlandaise emon-tent au viicsiècle5,mais il est certain qu on a écrit beaucoupenirlandaisdès cetteépoque.C est aussi à ce momentque l irlandaiss est différencié e la langueceltiquecomune.De 750 environ 900,

la langueirlandaisea connu une phase relativement table (ancienirlandais) c est alorsques amorcele tempsdu moyen rlandaisvers900-1200), pendantequella languea subideschangementsraimentprofonds.

2. PanoramaansK.H.Jackson, heBritishanguagesndtheir volutiondans TheMedievalWord D.Daicheset A.Thorlby d., Londres,973,pp.113-126.

3.K.H.Jackson,anguagendHistorynearly ritain. Chronologicalur-vey f theBrittonicanguages,st o 12th enturyEdimbourg,953.

4. Cettepparitionst ttesteeansAdomnan,ita oiumoae(avantuuj,a :«Et necobaliquacoticaeilis idelicetinguaeuthumananomatautgentiumobscuraocorumqueocabula,uaeut utonterliasxterarumentiumiversasiles-cunt inguas., A.O. etM.O.Andersond.,Londres961,. 178.

5. Laplusnciennettestationst ourniearune loserayonneeanse c oaexUsserianusde DublinueB. Bischoffdaté uvneiècleB.Bischoff,Wende-punktenderGeschichteer ateinischenxegesemFrühmittelalter, Sacrisrudiri,6, 1954,p.189-221,cip.197.

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LANGAGESNPAYSCELTIQUES 55

Dans lespagessuivantes, n traitera e deux typesde documentscontenantdes textesen brittonique t en irlandais les inscriptionset les manuscrits.

Les inscriptions

Lesinscriptionsn langue celtiquedoivent tre considérées ommeappartenantu domainegénéraldesinscriptionsElles seplacentdoncdansune largetradition, arvenue vecles Romains dans les îles bri-taniquesoù elle est demeurée en usage.

Inscriptions ghamiquesOn n a pas jusqu à présent complètement lucidél origine de

l écriture ghamique.Elleconsisteen quatre groupesde cinq signeschacun(pointset barres) qui sont gravésdans la pierre. l est à peuprès établi que le système eposaitsur l alphabet latin. On connaitplus de 300inscriptions ghamiquesen Irlande,et on en compte57du mêmetype n Bretagne, rovenant outesde la périodequi s étendde la fin du IVeau débutdu VIIeiècle.Leurlangueest désignée parcetains avantscomme e« proto-vieil-irlandais. On lestrouveprin-cipalementdans les comtés deKerry,Cork et Waterford n Irlande,et en Bretagne urtoutdansle Pembrokeshire,u Sud-Ouestdu paysde Galles.Ce sont des épithaphesnon-chrétiennesui mentionnentle nom d une personne, u génitif, ccompagnédu nomde son ancê-tre. En Bretagne, 4 de cesinscriptionsghamiquesprésentent, côtéde l inscription n irlandais,une transcription n languelatinegravéeen caractères atins. La présencerlandaise n Bretagne st donc attes-tée par cesinscriptions,ommed ailleurspar d autrestémoins, epuisla fin du IVe iècle.

En Bretagne,es inscriptionsatinesd origine celtiquerepérablesà partir du Ve iècletémoignent e l influence xercéepar la Gaulevoisine. On ne saurait en direautant des inscriptions ghamiques quirelèvent,a plupartdu temps,d une formation utonome. Onne peutpas non plus affirmer u elles soient d origine chrétienne, auflorsqu on y trouve a formulehic iacit ou le monogrammehi/rho.Les inscriptionsrlandaisesprésentent es modificationsangagièressignificativesui étaient lors en cours(par exemple abandonde laflexion, e qui est souligné par l apparitionoccasionnellede hic iacitsuivi du nom au génitif) t qui sont particulièrementisiblesdans lesinscriptionsilingues. n Irlande, l n y a pasd inscriptions ilinguesen Bretagne, n rencontre ccasionnellementes documents n irlan-daissans caractères ghamiques.On doit aussisouligner ue les lan-guesirlandaiseet brittonique taient ncoretrès prochesà cetteépo-que, surtout ous cetteforme écrite qui ne présenteguèreque desnomspropres.Il faut enfin préciserque cette tradition des inscrip-

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tions oghamiquess est éteinte u bout d environ deux siècles.On attirera attention sur une inscriptionde Bretagnedatéed environ 500 qui est composéepartiellementn irlandaisarchaïqueet complétéen caractères atins. K.H. Jacksonstigmatiseon carac-tère exceptionneln disant « It is more of a freak 6.

Inscriptions n latinLes inscriptions hrétiennes Irlande, qui utilisent alphabet

latin7, ppartiennent la période qui suit celle des inscriptionsgha-

miques,c est-à-dire une

époqueoù on

employaitirlandais dans

les manuscrits epuis longtempsdéjà.On a l impressionque la pratiquedes inscriptionsatines,trèsrépandue n Bretagne, largement efoulé usagedu brittonique ansces inscriptions.Mis à part les raresexemplesdans lesquelsles ins-criptions étaient réalisées en brittonique avec des caractèresoghamiques8,a languelatine demeure en Bretagne e mediumpré-dominant.L inscription n langue galliquesur la pierrede Towyn,qu il faut peut-être ater des années7009, reste un cas particulier.Lesformesde seslettres envoient cellesqui caractérisent écrituremanuscrite on a donc là un témoignage articulièrementmportantde la maîtrisede l écrit en galliqueà cette époque.

Manuscrits

Manuscritsen galliqueOn peutconsidérerommepremiers extes es« diplômes intro-

duitsdansl Évangéliairede LichfieldGospel ofSt Chad),écritsdansun mélanged anciengalliqueet de latin et couvrant une période quis étend du vnie(?) au Xe iècle.Le MemorandumSurexit st le plus

longdes ancienstextesgalliquesen prosecontenantdes élémentsdesyntaxe.Aux IXe etXe ièclesapparaissentes oeuvresgloséesen gal-lique (Juvencus,MartianusCapella,Ovide- Ars amatoria Boèce- De consolatone,fragments e comput).C est alors que se situel œuvre latinemanifestementomposéeen pays de Galles,De rarisfabulis accompagnéede glosesdu Xe iècle.Le Juvencus, opié au

6. R.P.Wright t K.H.Jackson, A late nscriptionromWroxeter, TheAntiquariesournal8,1968,p.296-300,cip.300.

7. W. Stokest J. Strachand.,Thesaurusalœohibernicus.collectionjOld-Irishlosses,cholia,rosendverse2 vol.Cambridge,901-1902,éimpr.ublin1975,omeI, pp.286-289.

8.K.H.Jackson,anguagendHistory,p.cit., . 182 t suiv.esdate e lafin uve iècle.9. I.Williams,heBeginningsf WelshoetryR.Bromwichd.,2eed. Car-

diff 980,p.26-38. ennethacksona situe npeu plus ôt «SomeuestionsindisputeboutWelshiteraturend anguage, Studia eltica-9, 973-74,p.1-32,icip.6.

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LANGAGESNPAYSCELTIQUES 57

paysde Gallesau IXeiècle, contient, utre es gloses, plusieurspoè-mesen galliquedes IXeet Xesièclesqui y ont été ajoutés.Ces textessont donc issus, de toute évidence,du milieuecclésiastique,qui aassuréleur transmission.On peut donc être certain que le galliquea été transcrit ans les manuscrits ès le vniesiècle.

On placeraen secondepositionles textes conservés dans descopiescertes tardives,mais dont la première ranscription e situeavant Tan mil. C est sans douteau Xe ièclequ appartiennentes nota-tionsgénéalogiquesyHistoria Brittonum ui date du début du IXeiè-cle attesteque cet usages était déjà généralisé),insi que le poèmeArmesPry ein (« Prophétiesconcernant a Bretagne ) et les quel-quescentenglynion u on appellestanzasof the graves dont certai-nesremontent u IXeiècle et mettent ncore en jeu l éthos héroïque.

On a conservéun groupeparticulièrementmportant e diplômesen gallique: 14nous ont été transmis ar la VitaCadoci(vers1200)et remontent ux viie-viiieiècles.149autres,parmi esquelsdesdiplô-mes remontant la fin du VIeiècle,ont été conservésdans le LiberLandavensis« Book of Llandaff ), un manuscrit e la seconde moi-tié du XIIeiècle.Le noyaude ces textesdoit être considéré commeauthentique, insi que WendyDavies l a récemmentémontré 0.Leséléments alliquesque présententesdiplômes principalementes des-criptions e limites l occasionde cession deterres) onstituent estémoignages mportants e transcriptionsn galliquedans lesmanus-crits dès le viesiècle.

On prendra enfin en considération e corpus des Cynfeirdd(« Poètes du début»), qu on désigneen bloc commehenngerdd(« poésieancienne ). Il nousest transmis ar des recueilsmanuscritsdu XIIIeiècle, e Black Bookof Carmathen Canu(« Chants») Anei-rin Canu Taliesin,CanuLlywarchHen. Il est clair que ces manus-crits contiennent es textesbien antérieurs leur compilation,maisla date de leurpremière édaction emeureun sujetde débat. Cesont

surtout es Canu Aneirinqui ont été étudiés ces derniers emps11.erecueild élégiesgalliquesconnusousle titre YGododdin etattribuéau poèteAneirinest conservépar deuxtraditionsmanuscrites iffé-rentes A et B).Certains uteursrapprochent esélégiesd événementspolitiquesqui se déroulèrent ans le Nord de la Bretagne la fin duVIeiècle. Si onconsidèrequ elles sont apparuesvers 600, on doits attendre ce qu ellesaientétécomposéesen langue« cumbrienne .C est donc en raison de l évolution inguistique ue Sir Ifor Williamset KennethJacksonont émisl hypothèse une première édaction npaysde Galles auIXeou au Xe iècle.Maisen se fondant ur de nou-vellesappréciationsoncernant a fixationpar écrit des plus anciensdiplômesgalliques,et en s appuyant ur de nouvellesréflexions pro-

10. W.Davies,Walesnthe arlyMiddlegesLeicester982,npart.Appen-dice «Thesourcematerial, pp.198-246.11.EndernierieuB.F. Robertsd.,EarlyWelshoetry. tudiesntheBook

ofAneirinAberystwyth,988.

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pos de l élaborationde la langue gallique,on ne peut plus désormaisexcluretout à fait que le texte Y Gododdinait été non seulementcomposé,maisaussi transcrit ussitôt aprèsl événement. oulignonsenfin u au Vie siècle,Gildasparledu chefbretonMaelgwnGwyneddd une manièrequi laisseà penserqu il a pu encourager émergenced une poésie indigènemisepar écrit dès cette époque12.

On retire inalementimpression un côtoiement t d un mélangecomplexeentre une cultureécrite mprégnée e christianismet uneculture indigène,orale à l origine mais accédantgraduellementl écriture13.

Manuscrits en irlandaisOn traitera ci de la mise par écrit de l irlandais à l aide de

l alphabet latin, phénomèneprécédéen Irlande par l apparition del écriture n latin14. Cettedernière st attestée sur des monumentsremontant ux années600 environ mais on peut tenir pour certainque la tradition criteen Irlande a été instaurée u Ve iècle,fondéesur lesusagesromainsde cetteépoqueet perpétuée ar la suite. Toutceci s est déroulé dans le milieuchrétien, ien que l installationduchristianismeen Irlande se dérobe entièrement u regard de

l observateur 5.Lesplusancienstémoignageseflètent e manière déquatel envi-ronnement ocial dans lequels est réaliséepour la premièrefois lamisepar écritde la langueirlandaise. l s agit de glosesqui portent,soit sur des textes hrétiens u sensétroit, oit sur des textes ppar-tenant la littérature t à la culture atinesau senslarge.Ce maté-riel est beaucoupplus important ue celuiqu on peuttrouver u paysde Galles16.

À partir du manuscrit ui contient es plusancienstémoignagesde quelqueimportance n vieil-irlandais,n peut énoncerquelquescaractéristiquese la transcription e cette angue.Il s agit des glo-ses ditesde Würzbourg, ontenuesdans un codexaujourd huicon-servéà la BibliothèqueUniversitairee Würzbourg.Le texteprinci-

12.Gildas,De excidioritanniaecap.33-36..T.Koch, WhenwasWelshLiteratureirst rittenown » Studia eltica20-21,985-86,p.43-66,cip.63.

13. Derniereiseupoint ansA.Bammesbergert A. Wollmannnd.,Bri-tain 00-600LanguagendHistoryHeidelberg,990.

14.Cependantaproductionittéraireatine stplus iche n rlandeu enpaysdeGalles,maisllen atteintas e volumee aproductionn rlandais.nbon ano-rama st ffert arM. Lapidget R. Sharpe, Bibliographyf Celtic-Latinitera-ture, 00-1200Dublin,985.

15.M.Richter, Thentroductionf alphabeticritingo relandimplicationsandconsequences, dansF.S.Brendan, . Hehir,Berkeley,991souspresse)J.Stevenson,TheBeginningsf Literacyn Ireland, dansProceedingsf theRoyalrisch cademy9,1989,p.127-165.

16.«Since heimesf LateAntiquityhe rishwere he irst ho xtensivelyglossedheirextsL.Bieler, The slandf scholars, Revue uMoyen geLatin8, 1952,p.213-234,cip.227.

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LANGAGESNPAYSCELTIQUES 59

pal, les lettres e saint Paul, est abondammentgloséen latin et enirlandais.Le texteet les glosesont été composésvers 700. Lagloseen irlandaisne représente as une simpletraductiondu texte atin,maisen constitueplutôt une paraphraseou une exégèse.L irlandaisse montredès le début une langued une remarquablesouplesse,etl existence e glosesatine t irlandaise,outesdeuxtracéesde la mêmemain,montre l évidencequedans le milieuchrétien n faisaitusagede l irlandais.

En réalité a majeure partiedes textesrédigés n irlandais avant1100est conservée n dehorsd Irlande, mais on doit bien sûr consi-dérer tout ce qui a pu être perduen Irlandemême. La présencedeglosesen irlandaisdans desmanuscrits ontenant ussi desglosesenanglo-saxonet en brittonique tteste activitéd ecclésiastiquesrlan-dais en Bretagnedepuisle VIIeiècle.Une grande partie des textesirlandaisa été transmise ar l intermédiaire es monastères e Saint-Gall, Reichenau etBobbio.Il s agit de textessavantsd inspirationchrétienne,maisausside poèmesde circonstancerofanes par exem-ple le Pangur Ban de Saint-Paul deCarinthie),ou encorede men-tions marginales.Ces documentsttestent ans l ensemble des rela-tions multiples t variées entre e patrimoine ulturel hrétien rans-mis en latin et la propre anguedesIrlandais,qui étaitmanifestementconnue enplusieurs ndroits Europe, partoutoù les Irlandais ensei-gnaient.Ces textesont servi de base à la rédactiond une grammairedu vieil-irlandais7. C est parce que l ensemble de ce corpusde tex-tes est en relation étroite vec les institutions hrétiennes u il a puêtretransmis t conservé,maisil faut aussisonger toutes espertesinestimables.

La littératuren langue rlandaise,dont on a dit au débutqu elleétait particulièrementbondantepour la périodequi s étend de 400à 1100,a essentiellementn contenuprofane.Le plusancienrecueilmanuscrit ui contienne e type de textes, e Lebor na hUidre date

en fait du début du XIIe iècle.Mais desélémentsphilologiques per-mettent e conclurequedestextes rlandaisdont le contenun est paschrétienont été écrits dès la fin du VIeiècle.Les loisirlandaisesentrent ans cettecatégorie, llesauraientété rédigéesvers700,pro-bablement n liaison avec lacompilation essentencesanoniquesquidatent de la mêmeépoque(CollectioCanonumHibernensis).Relè-ventausside cettecatégoriedes poèmes,des généalogies,des récits,etc.

Cettevariété rouve a vitalité e la culture rlandaiseui remonteà l époque pré-chrétienneais a subsisté prèsl introduction u chris-tianisme. On ne voit pas encoreclairement omment e sont effec-tués les contacts et l interpénétration es culturesreligieuse t pro-fane,en latin et en irlandais.Voicitout ce qu on peut dire aveccer-

17.Lesdocumentsnt té assemblésans eThesaurusalœohibernicus,p.ciî.lagrammairestcelle e R.Thurneysen,andbuchesAltirischen1909.

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Médiévales5,automne993,p.61-70

RogerWRIGHT

SOCIOLINGUISTIQUE HISPANIQUE(VIIIe-XIeSIÈCLES)

La péninsule bériqueétait au début du VIIIeiècleun état wisi-gothiqueformellement nifié. Lorsqueles Wisigothsétaientarrivésdans la péninsuleau Ve iècle,ils parlaientdéjà latin (protoroman)et, même si à cetteépoqueils parlaient ussi encore eurdialecteger-manique,bien avant700ils avaientcessé de le faire.Il y avait aussidans la péninsuledes communautésuivesimportantes, ui ont laisséquelques inscriptionsn hébreu,mais l hébreun était poureuxqu unelangueécrite et vers700ils étaient eux aussiromanophonesmêmesi autrefois ls avaientparlél araméen.À la mêmeépoque,les seulescommunautésui ne parlaient bsolumentpas romanétaientproba-blement es Basques, quiont peut-être eupléun espaces étendantversl Est plus loin que le paysbasqueactuel les Basquesn étaientpas entièrementhristianisés,maisil est probablequ un grandnom-bre d entre eux étaient en fait bilinguesbasque/roman).

L écriture vait ordinairement our support des tablettes ndui-tes de poix ou des papyri, qui ne sont pas parvenus usqu à nous,mais lesécritsdu VIIeiècleconservés sur des ardoises,découvertes

dans la provincede Salamanque,paraissent ttester ne pratiquecou-rante de l écriture t du calcul. Autotal l Espagnewisigothiqueduvnesiècleétait certainement aire la plus éduquéeet la plus alpha-bétiséede l ancienEmpireRomaind Occident sa sociétérestait rin-cipalementfondéesur la maîtrisede l écrit, qui constituait a basede la culture savante dans toute la péninsule usqu à la fin duXIeiècle.

En Al-Andalus

L invasionmusulmaneommençaen 711,et dès718,la majeurepartiede la péninsule, l exceptiondes montagnesdu Nord-Ouest,étaitconquise.Le langageofficiel esenvahisseurs tait arabe, maisla majoritédu personnelmilitaire, omposéede Berbèresdu Magh-reb, n était pas initialement rabophone. Car avant l arrivée des

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Musulmansau viiesiècle,les habitantsde la zone côtière de l Afri-que du Nord parlaientgénéralementoman,et il est raisonnable desupposerqu un grandnombredes envahisseurserbèresde la pénin-suleibérique parlaientdéjà le roman, soit commelanguematernellesoit commelangueapprise,et qu ils pouvaientpar conséquentcom-muniquer vec leshabitants utochtones. ls n étaientpas nécessaire-ment ous musulmans,t les dialectesberbères u ils parlaient ar ail-leurs ne leur permettaient robablementpas de communiquerousentre ux. En ce qui concerne esdialectes,on ne sait pas avec certi-tude pendantcombiende tempsils continuèrent être parlésdans

les communautésui descendaientdes premiers nvahisseurs t fon-dateurs.D autre part, l immigration es Berbères est constammentpoursuivie,urtout orsqu ilsont été recrutés ar Al-Mansour lafindu Xe iècle,mais dansle mêmetemps, es communautésnitialementromanophonese la zonecôtièrede l Afriquedu Nord semblent voiroubliéle romanen adoptant arabe, si bienqueles derniers rrivantsberbères e parlaient robablement lusromanquandilsdébarquaienten Espagne.Et lesesclavesde la cour, qui étaientplutôtd ascendanceslave,avaient,semble-t-il,ppris l arabe.

Dansbeaucoupde domainesde la vie, commel a soulignéCol-lins, l y a eu continuiténtre e VIIet le viiie iècles.Le romanétaitla languela pluscouramment arléeen Al-Andalus,aux champs,aumarché,dans les rues,dans lesbureauxet à la maison: les envahis-seursétant principalementes hommes, eursépousesfurent rinci-palementdes femmes omanophones.De nombreuxhabitantsfurentde ce faitbilinguest issus d une ascendancemixte on dit, par exem-ple, que le CalifeAbd-el-RamanI (morten 852)eut 87 enfants,néspour la plupartde femmesndigènes.Le romanqui était parlélà estactuellementppelé« mozarabe», un termequi n était pas alorsenusage,et qui fut par la suiteappliquéaux exilés duXIeiècle,maisles contemporainsappelaientcommunément ladino» (mot trans-

crit encore par latinus, et les Arabes le désignaientous une formeempruntée u mêmemot. Il n est pas facile d étudieraujourd huicemozarabe,car une grandepartie de la documentationcrite a étéen alphabethébreuou arabe,maisla communauté es chercheursstactuellemente plusen plusconvaincuequ à bien destitres e moza-rabe était prochede l ibéro-romandu Nord. En effet depuisla findu viiicsiècleil arrivait ue deschrétiensettrés uittentAl-Andaluspour allertravailler ans le Nordcomme notairesou comme scribes(et d autres commecharpentiers u cultivateurs) or il n existepasla moindre llusiondans les documents onservés une quelconqueincompréhensionntre es clients sturiens t les rédacteursmozara-bes. Galmésde Fuentesa pu reconstruire ypothétiquementne géo-graphiefinedesvariations ui ont dû affecter a zoneromane moza-rabe (du Portugalà Valence,de Malagaà Saragosse)mais, commeles commentateursont souligné, a majeure partiedes témoignagessont moinsclairsque ne le suggèreGalmés,puisqu ilssont par défi-

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nition imités u vocabulaireet aux seuls traitsphonétiquesqui sontsusceptiblesd en être déduits.

Les locuteursromanophonesd Al-Andalus devinrent e plus enplus des bilingues rabo-romans, t une majoritéde la communautédemeuraprobablement ilingue u moins usqu aux événements ra-matiques quisuivirent 085(quandune masse deMozarabes dut fuirdevant les Berbèresalmorávides).Mais on peut considérerque lanaturede la relation ntre es languesavait changé.Initialement,esromanophonesontinuèrent lire et à écrire en suivant a méthodedésuètede l EmpireRomain,et les intellectuelsordouansdu IXeiècleparaissent voir été en substance duquésdans la tradition tablieparIsidoreet incarnéepar Julien e Tolède à la fin du VIIeiècle.Cepen-dant, la célèbre amentation Alvare(852),sur le fait que les chré-tiens nstruits référaient ccéder à la culture crite n arabe, indiquele changementn cours au départ, esbilingues ontinuaient accé-der d abord à la culture crite en roman/latin,mais ils finirent arpréférer ecevoir emblée une formationittéraire n arabe. LaBibleet divers oncilesfurent raduits n arabe,et il existeunehistoire hré-tienne du Xe iècle écrite en arabe; en revanchedes épitaphessontencoregravéesen bonne forme raditionnelleatine usqu au XIeiè-cle,et l on doit penserque lesgens pouvaient ncore eslire.Les tra-vaux deVan Koningveldnt établiqu il y avait à Tolède uneimpor-tante communautéde chrétiens ilinguesdont la cultureécrite étaitsans douteuniquementrabe,au moment ù la villetomba auxmainsdes chrétiens1085),et plus tard encore.Leschrétiens e l Espagnemusulmane estaientinsicomplètement l écart desréformesinguis-tiques,commedes autresréformes, e l empirefranc, mais en com-pensationls étaient n contact plusétroit veclesChrétiens Orient.

Il est possibleque ce soit la parfaitemaîtrisepar les Chrétiensde la langueécrite dministrativeui ait à terme nduit e progrèsdeleurécriture u sein de la communautérabophone,une foisque les

conversionsdes Chrétiens l Islam se furent énéraliséesu Xe iè-cle. Lesmusulmansriginaires Espagneétaient emblablement ilin-gues, mais ce ne fut amais qu en arabe qu ils possédèrenta maî-trisede la langueécrite, i bienque les différencesociolinguistiquesentre es diversgroupes religieuxtaienten cours de disparition ro-gressive, u fur et à mesureque les chrétiensnversaienta situationdiglossiquede la société.L arabe lui-même vait des niveauxsocio-linguistiquesui étaientencoreinconnus dans le mondemozarabe,avecdes variationsdialectalesqui rendaient es Andalousidentifia-blesd aprèsleurparlerdans lerestedu mondemusulman, t il y avaitune divergenceroissante ntre arabe officiel t le parler familier.Aucunouvrageoriginal u VIIIeiècleprovenant Al-Andalusne nousest parvenu,maisultérieurementa Cordouecalifalebrillaen de nom-breuxdomaines,à un haut niveau ntellectuel on y lut et on y copiaen abondancedes livres,qui furent ussi traduitsdu latin en arabe,et la bibliothèquede Cordoueétait l une des plus vastes du monde

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musulman.À un niveauplusélémentaire, ne grande part des com-munications ocialesétait sans doute de type macaronique,et il sepeutquela grammaireomane it subi dessimplificationsous lapres-sion de l environnementocial; même s il devaitsouvent être diffi-cile pour un auditeur de distinguer ntre des interlocuteurs arlantarabe avec desempruntsromans et d autres interlocuteurs arlantromanavec desemprunts rabes, les deuxlanguesont une structuresuffisammentistincte our qu aucun médiolectehybride e soitcon-cevable,et les locuteursbilinguesn ont dû que rarement arleraussicouramment une et l autre langue.On a un indice de faiblessesde

ce typedans le fait quede trèsnombreuxmprunts exicauxde l espa-gnol à l arabe adoptent l article défini /al/) en mêmetemps quel unité lexicale,car l effet de sandhiempêchait a frontière e motd être toujoursdiscernabledans la chaîne articulatoire c est pour-quoi de tels mots tendent commencerpar /a-/ (ex, « alcázar»,« albaricoque», « ajedrez», « arroz», « acequia »).Les systèmesphonologiquesont si contrastés ue les formes es plusanciennementattestéespar écrit de tels arabismesen roman varient ouvent sansrègle une par rapport l autre, aussi bienque par rapport l éty-mon arabe. Lestentatives aitespour attribuer u mozarabe des par-ticularités honologiquesou syntaxiquesdu futur spagnolandalouou du futur atalan valencienn ont donné que de maigresrésultats,mais ceci estprobablement û à une doubleraison d une part, lesformesnordiquessont venueseffacer, n s y surimposant près laReconquista,es manièresde parler ocales du Sud; d autre part, ily avait beaucoupmoins de mozarabes dansl Espagnemusulmaneaprès1100qu il n y en avait eu auparavant.Les tentativesaitespourreconnaîtree romanmozarabedans les formesdes « kharjas» sus-ceptiblesd être romanes, ont probablementxcessivementptimistes,en raison de la grandeincertitude ui pèse sur leur déchiffrementil sembleque des litterati ient œuvréà partir d un éventail ociolin-

guistique omportant eut-être roisou mêmequatrevariétésd arabesurimposées un dialecteromanvernaculaire épourvude prestige.Le romanet l arabe impliquaient euxalphabets,et la présence

de l hébreu (uniquementu titre de langueécrite)en fournissait ntroisième.En théorie, t peut-être n pratique,chacunede ces troislanguespouvaitêtre écrite dans chacun de ces troisalphabets.C estbiensûr un problèmepour les chercheursmodernes, t ce l était peut-être déjà pour les habitantsd Al-Andalus.Les meilleurs extes de« kharja», essentiellementrabes,maisaccompagnésd éléments eut-être romans,sont transmis n alphabethébreu.L hébreun était pasemployécommelanguede conversation,mais lestextes taient réci-tésdans lessynagoguest l éruditionuiveétaitflorissanteansl Espa-gnemusulmane epuisle Xe iècle.Menachembn Sarukcomposaunimportant ictionnaire hébreuà l époqueoù fut fondée une écolequi devaitporter l un des grandsépanouissementse l histoire ul-turelle uive, aux XIeet XIIe iècles.Les Juifsn étaientpas tous intel-

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lectuels,diplomateset hommes d affaires il existe des témoignagestout à fait fiables d artisanset de cultivateurs ortantdesnoms uifs,maisla qualificationde l hébreu commelanguede lectureet d écri-ture - alorsquecette anguen était pas parlée- a peut-être éservéà une élite esaspectsécritsde la culture uive.On enseignaita réci-tation lettre par lettre i bien que la prononciation tait fondée demanière somorpheur l orthographe ellequ elleexistaitdéjà. Mêmepour lesJuifs, a création riginale e faisait ouvent n arabe- par-fois écrit en alphabethébreu- puisqu ilsabandonnèrent ux aussile roman pour devenirprincipalement rabophones.

Dans les royaumeschrétiens u Nord

La culturewisigothiqueerduraaussi bien au Nordqu au Sudde la lignede démarcationreligieuse.Au viiiesiècle,les Chrétiensindépendantstaientmajoritairementonfinésdans lesmontagnes uNord, maisaprès800,ils prirent uffisamment onfiancepour réta-blir des capitales politiquesplusloin au Sud,à Barcelone801),Pam-pelune après 824), Burgos 884)et Léon (914).Ainsi descolonspas-sèrentde la Galice à Coimbra.Dans tous lescas, lesnouveaux habi-tants de la cité en expansionvenaientpour la plupart de plusieursvallées situées au Nord et un dialected intercommunicationociolin-guistiquement implifié e forma il perpétuaitd ordinaire dans laprestigieusemétropole e plus granddénominateur ommundes dif-férents ialectes régionauxqui préexistaientans lesmontagnesplusseptentrionalesce qui explique pourquoilesparlersdes vallées mon-tagnardesdemeurent ncoreaujourd huiplus complexesque les dia-lectesdu Sudquien sont ssus).Les mouvementsermanents e repo-pulationdevaient ltérieurementenforcer intercompréhension,t cecià plusieursreprises u coursdu MoyenAge.Durant la majeurepar-tie de la périodeconsidérée,esAsturiesLéon)dominaient olitique-ment au Nord. Les Basquesse trouvaientprincipalement ans leroyaumeautonome de Navarre.Il y aurait peut-être ieu de repren-dre l opinion de Menéndez Pidalselon laquellela pénétrationdesChrétiens u-delà de la frontière eligieuseorma a based une expan-sion de la culture écrite asturienne.

La paroleromane était à ce moment n train de perdremassive-mentplusieurs raitsgrammaticauxomme,par exemple, ous lescasautresque ceuxcorrespondant l ancienaccusatif, es formesverba-les synthétiques u passifet du futur, es subordonnants n ut etc.En mêmetemps lle en gagnaitplusieursutres, omme efutur naly-tique, les passéscomposéscréés à partir du verbeauxiliairehaberede nouveauxarticlesdéfinisdérivés de ille, un usageaccrudes pré-positionspour compensera pertedes flexionsnominales,des néolo-gismesavec dessuffixes iminutifs, tc. Pourtant, c étaient les nor-mes écrites raditionnellesui étaient oujoursenseignéest apprises,

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et la société astur -léonaisereposait toujours sur la maîtriseprésu-méede la culture crite, t ses tribunaux ur la documentation critealorsque peude genssavaientécrire,beaucoupsavaient ire, et pres-que tout le monde(alors, commeaujourd hui) pouvait comprendretextes, ettres, rdres, ermons, ocuments, rières, ies de Saints,épi-taphes,etc. quandils étaient us à haute voix à leur intention.Cha-que villageavait sans doutequelqu un,maispas forcément n clerc,qui savait ireà haute voix à sesvoisinsen casde besoin,et qui peut-être savaitaussi écrire à leur demande. On passait les transactionslégalesavec l aide d un notaire,qui pouvaitdans la pratique appar-tenir à un monastère ocal. Il y avait quantitéde petitsmonastèreset de petites glises, t le nombrede documents onservésuggère u àun niveaupratique e système onctionnaitoujourscomme dans unesociétéalphabétisée.Au momentde l invasionmusulmane,e romande la péninsuleurait toujoursétépour l essentiel ompréhensibleil-leurs maisc est probablement endant a périoded isolementrelatifde 711à 1020que le romande l Espagnenon catalane accentuasesprincipales ifférencesvecla languedes autres airesromanophones,Catalogneincluse.

Il seraitprobablementnachroniquede s imaginerdes dialectesdistincts éparéspar des frontières ettesdans les airesromanopho-nes ibériquesde ces siècles.Il existaitnaturellement es différencesentre es habitudes angagièresdes locuteursromanophonesrésidanten divers ieux,maisdansla périodequi précèdea normalisationuXIIIeiècle,il n y avait guèreque des variationsaléatoires dans larépartition esvariantesphonétiques u morphologiquesn compéti-tion. Il est, par exemple,raisonnabled émettre hypothèsequ enGalicela première yllabedu mot épelé« alteros» était prononcéeplus souvent[out-]que [ot-],alors que plusloin vers l Est en Cas-tille,elleétaitplussouventprononcé ot-] que [out-],maisqu aucunede ces formesne correspondait la totalitédes occurrencesn cha-

cunede ces deuxrégions.La situationociolinguistiquetait conformeà cellequ on trouvepartoutdansles sociétésmonolinguesune varia-tion géographiqueprogressive l intérieur un continuummonolin-gue. Pour cetteépoque,on ne peut pas déterminer e façoncertainela provenancegéographiquedes textesd après les formes u ils recè-lent.Commel a soulignéAlarcosLlorach,tous les locuteurs ouvaientcommuniquervec des voisinsromanophonesd Espagneen cas debesoin,aussi bien à l intérieur es royaumeschrétiens ue plus auSud. C est ainsique le comtede CastilleSanchoGarcía(roi de 995à 1017)put adresserun éloquentdiscoursaux nobles de la citévoi-sine de Tudèle,qui était sous autoritémusulmane.

La documentationoncernanta prononciation omanede l épo-que provient our l essentielde reconstructionsétrospectivesondéessur destextespostérieursédigésn graphieréforméeau XIIIeiècle)quoiqueles fautesgraphiquesprésentes ans lesdocumentsntérieursà la réforme oient souvent ntéressantes, llesne peuventen aucun

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la Rioja de San Millánet de Silos étaient autrefois attribuées udixième iècle,mais on considère présent u elles sont du onzième,et même (dansle cas de Silos)d après 1060. Deux manuscrits on-tiennent es notesmarginales, ont certaines ont apparemmentta-blies en orthographe évisée,et souvent aussi avec unemorphologieromane.Dans ce casau moins,on a pensé quelesmarqueursanga-giershabituelsétaient nappropriés, t le but était probablement efacilitera lecture haute voix(dessermons t d un pénitentiel).ettenouvellemanièred écrirene pouvait guèreaiderun natif de la Rioja,qui savaittrès bien prononcer a propre angue sans une telle assis-

tance, maisellea bien pu être conçue pouraider un des nombreuxvisiteurs enus de plus loin, du Nord-Est,puisquevers 1060 l idéed une graphieà la manièreoccitane étaitgénéralementcceptéeenOccitaniet en Provence la correspondanceraphème/phonèmeou-vait donc effectivementtre utile à un visiteur e cetteorigine.Maiscette tentativen eut apparemment as de suite car pour la périodeantérieure 1100 aucunautre texte caractérisableomme romanneparaît avoir survécudans la péninsule.

Deux desglosesde la Riojasont en basque, premierchantillonécrit de cette angue,quoiqu il existeun autre témoignage,difficileà interpréter, ans un documentpartiellement ilinguede Guipuzcoaen 1055. Cesglosesne peuvent tre qu expérimentales,ar on ne sau-rait supposerune maîtrise e la culture crite n basqueà cetteépo-que ; tous les Basquesqui écrivaient taientbilingues.Et en dehorsdes zonesde montagneoù le basquesurvit ncore,les simplesocu-teursbascophonestaientprobablementousbilingues.ls présentaientun casclair de diglossiebilingue,dentique n 1100à ce qu elleavaitété en 100de notre ère, et, commed habitude dans les coupleslin-guistiques,e langage« inférieur fut beaucoup plusinfluencé uele langage« supérieur : l influenceromanesur le basqueest doncplus pénétrante ue l inverse.Les Basqueseux-mêmesn étaient pas

faibles,comme e prouval écrasantedéfaitedesFrancs à Roncevauxen 778,et c est probablementeur indépendancequi permit u bas-que tout simplement e survivre.

En cessiècles, Aragonconsistait eulement n quelqueshautesvalléespyrénéennes, ù le roman était pour des raisonsgéographi-quessuffisammentsolépour préserver uelquestraits distinctifs elsquedesconsonnesntervocaliquesourdes.Au sud, la valléede l Ebreétait encoregouvernéepar l Islam. Cependant,plusà l Est, se trou-vait la Catalogne,ou plutôt e paysconnuaprès800 sousle nom demarchehispaniquede l Empire franc. La Catalogneavait subi peud influencedirectedes Arabeset, pendantces siècles,elle tendit à

appartenir la sphèreculturelle rançaiseplutôtqu à la sphère béri-que. On remarque,par exemple, quela ligne qui peut être égitime-menttracéesur la cartepour séparer e catalande l aragonaiscorres-pond en grosaux frontières olitiquesfranques.Mais celanon plusne dressapas une vraie barrière ontre intercommunication.l n y

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avait aucune frontièreéelle ntre e catalan et l occitanni à cette po-que, ni longtemps près, et les Catalans devaientparticiper u dyna-mismede la cultureprovençale.Ce sont aussiles Catalansqui impor-tèrent ne des inventionsmajeuresde la cultureromanefranque lalangue conceptuellementsoléeque nousconnaissonsujourd huisousle nom de latin médiéval,qui était employéeuniquementdans descontextesformels t au début exclusivementcclésiastiques.L usagedu latin médiéval dans la Catalognedes IXeet Xe iècles fut proba-blement rèsdisperségéographiquement,omme le fut aussiceluidela minuscule aroline,qui semble avoirété importée vec lui. Maisau début du XIeiècle,la culturecatalane se mità brilleren latinmédiéval,vecl implication ociolinguistiqueuivante une variétédediglossientredesvariétéspparentées e la même angueexistait ansla Catalognedu XIeiècle- commeil advenaitpour l arabe dansl Espagnemusulmane mais nonpas dans lesautrescommunautésromanophones Espagne.Mêmepour cetteépoque,il est légitime ese demander i les Catalans considéraientraiment e latin médiévalcomme uneentité otalementsoléede leur anguecatalanematernelle,ou nonpas plutôtcommeun vernis appliqueren touchefinale, ui-vant les usagesanciens.

La fin du XIe ièclevit une quantité de changementsdans lasociolinguistiqueispanique.La conquêtede Tolèdeprovoquadescon-frontations ntredesintellectuelsrabophones,desexégètes uifs,desclercs astillans, esévêques français,eslocuteursatinophonesenusdu Nord lointain, la rencontre e locuteursmozarabes et delocu-teurs romanophonesvenusd autres régions, u sein d une cité dontla structure ociolinguistiqueemeure ncoreobscure à nosyeux parailleurs idéereçuequela communautémozarabefut persécutéearaîtaujourd huidénuéede fondements. a languede prestige ui naquitde ceséchangesdevaitêtre un autre interdialectecommeplus tôt à

Burgoset plus tard à Séville).La décisionléonaiseprise à Burgos(en1080)d adopter la liturgie ui était d usage généralailleursenEuropeeut desconséquencesociolinguistiquesnattendues, uisqu onfut dans l obligation d importer es clercs de Francepour enseignerla nouvelleprononciation u latin médiéval,requisepar leur liturgie.Celatin, ui n étaitplus vernaculaire,t cettemanière e parler mpor-tée et clairement istincte onduisirent inalemente restede la pénin-sule à la mêmediglossielatin-roman ue cellequi existaitdéjà enCatalogne.Au XIIeiècle,l écriture ussi s européanisa.L arrivée depèlerinsde nombreuxpays, romanophonesu non, transforma an-tiagoen un centrecosmopoliteet polyglotte, t le romande Galicefut e premier montrer essignesd une influencexercéepar la lyri-que occitane. Ladérivepolitiquedu Portugal oin de la Galice com-mença,maispendantencoreun siècle aumoinsaucunefrontière in-guistiquen exista sur cette marche,ni probablementnullepart ail-leursdans le continuum llant de la Galice àl Aragon.L arrivéedes

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Almorávidesn Espagnemusulmaneaprès 1086)mit quasimentfinà la culturebilingueen ce pays, puisqueles chrétiens migrèrent uNord,à Tolède ouailleurs, t queles musulmans e limitèrente plusen plusà l usagede l arabe. Tout un âge prit fin entre 1050 et 1100,et le statut sociolinguistiquee la péninsule bériquechangeaalorsradicalement.

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Médiévales5,automne993,p.71-91

AngelikaGROSS

L'IDÉE DE LAFOLIEEN TEXTE ET ENIMAGE:

SÉBASTIANBRANT ETL'INSIPIENS*

Il y a plus d'une manière de parler de la folie et des fous, etle sujet peut être abordé sous demultiples spects1.Celui dela foliemorale,c'est-à-dire e la folieen tant que vicesuprême,fut à la findu XVeiècle un thèmede prédilection.

La nef des fousL'ouvrage quiillustre ette positionest bien connu.C'est le Nar-

renschiff e Sebastian Brant2.La première ditionest parueà Bâleen 1494.Entre 1494et 1505,l'ouvrageest réédité non moins de 5fois. Dès 1497,on relève espremières édactions n bas-allemand tla traduction n latin3. Du latin, le Narrenschiff st traduit dans leslanguesvernaculairesespluscourantes. En français,par exemple,eNarrenschiff evientainsi la Nef des Folz du Monde4. LeNarren-schiff nef des fous)est un cataloguede vicesrépartis n 110chapi-

tres, chacunconsacréà un vicedifférent. n mêmetemps,chaque* Cet rticleeprendetexte 'une onférenceuséminairee a CEMATCul-ture crite u MoyengeTardif)n Juin 991 laplupartes magesui 'accom-

pagnentnt té misesmadispositionar asectionconographiee 'IRHTInstitutdeRecherchet d'HistoireesTextes)u Centre ugustinhierry Orléans.1. Pourunevued'ensemblef. Barbaraönneker, esenndWandlungerNarrenideemZeitalteresHumanismusWiesbaden,966Joël efebvre,esfolset lafolie Paris Klincksieck,968 H.H.Beek,Waanzinn de Middeleeuwen,Nijer- aarlemDeToorts,969L'umanesimot lafollia, RomeAbete,971Micheloucault,Histoiree la Folie l'âgeclassiqueParis Gallimard,972Angelikaross, Lafolie : WahnsinnndNarrheitm pätmittelalterlichenextundBildHeidelbergWinter,990t Jean-Marieritz,LediscoursufouauMoyenge,Paris PUF,1992.2. Cf.L'éditioneH.A. Junghanst H.-J.Mähl,StuttgartReclam,980.3.Stultiferaavistrad.Jacob ocher, âle deOlpe,1497cf.Paris, .N.,Rés.Yh51.

4. Trad.P. Rivière,aris Jehan hilippesanstenert GeoffroyeMarnes,1497cf.Paris, .N.,Rés.Yh1.

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viceest surnommé folie ». Les textes sont versifiés t chacun estprécédéd'une gravure ur bois. L'imageest légendée parun versetde trois lignes,en bas de page. Chaqueillustration eprésente nepetitescènequi fait allusion au thèmeévoquédans le chapitrecor-respondant.Dans lepremier hapitre, ar exemple, l est questiondela bibliophilie fig.1). L'illustrationmontreun clerc avec des lunet-tes. Il est assisau milieude sa richebibliothèque,derrière on pupi-tre et occupéà lire dans un livre.À l'aide d'un plumeau,il chasseles mouches.Le verset elate« Im Narrentanz oran ichgehe/DavielBücher um mich sehe/Dieich nicht ese und verstehe (Je mène la

dansedes fous/car e voisbeaucoupde livresautour de moi/que ene lis ni ne comprends).Évidemment,'imaged'un clerc en train de lire ne mériterait as

ce surnomde « folie» par lequelBrantexprime a critique l'égarddeslettrés. euls lesattributs idiculisants raduisent ette dée. Affu-blé d'oreillesd'âne, le clerc est représenté omme un Narr un fouqui fait semblantde lire et qui, en réalité,ne s'intéresse u'à décorersa bibliothèquedesproduitsde la pressede Gutenberg.Chacune des110gravuresqui accompagnentes différents hapitresdu Narren-schiff ontient n ou plusieurspersonnagesinsi ridiculisés.On peuts'interroger ur les circonstancesui ont contribué appelerun viceune folie et qui lui ont donné le visaged'un bouffon.Pour comprendrea perspectivee Brant, l faut avoir à l'espritsa positionpolitiqueet sociale,ainsi que le niveau culturelgénéralde l'Allemagneà la fin du XVeiècle.Promudocteurdes deux droitsà l'Université e Bâle en1489,il avait commencé, rois ans aupara-vant, à soutenir a politiquede Maximilien1er,élu roi des Romainsen 1486.Il écritde nombreux oèmespolitiques,dont la plupart ontrassemblésansles Varia Carminaimprimés Bâle en1498. Cespoè-mes raniment 'idéedu SaintEmpireRomain deNationGermanique,contre es Turcs, qui s'étaientconvertis l'Islamet avaienten 1453

conquisConstantinople5.'année qui précéda a publicationdu Nar-renschiff, aximilien tait sacré empereur ar le papeAlexandreVI,et le chapitre99 du Narrenschiff st consacrétout entier la situa-tion de l'Empireet de l'Égliseromaine:C'est dans ces événementsd'actualitéque Brantpuisela motivationde son œuvre et l'inspira-tion de son cataloguede vices.Il appelleainsi les princesdes paysallemandsà porter secoursà Maximilien,en reconquéranta TerreSaintealors occupéepar les Turcs.

La nefdesfousn'est doncpas un simplecataloguede vices,ellecontient aussi, à peine dissimulé,un appel à la croisade.Or lanoblesse,ui en Allemagnevaitfait on idéalde la maîtrise esforcesphysiques, e pliaitmal à un enseignementpirituel Brantcomptaitdoncsur la transmissionu messagepar l'illustration. n Allemagne,l'alphabétisationdes laïquesavait commencéau xiiiesiècle,avec un

5. Cf.F éd.Junghanst Mähl,op.it.,p.464-65.

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Fig.1. Le folbibliophile.Gravure ur bois de Albrecht ürer.

SebastianBrant,DasNarrenschiffchap.1.Bále DeOlpe,1506.Bále,Öffentlicheunstsammlung,upferstichkabinett.

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siècle de retard ur la France,où l'enseignementpirituel es laïquesétait alors inspiré directementde la propagande faite pour lescroisades6.En Allemagne, la différence e la France,c'est la bour-geoisiedes villesqui va s'ouvrir à un enseignementpirituel t joueren ce domaine un rôle décisif7.Brant en tient compte.Il s'adresseà tous, lettrés u illettrés, lercsou laïques,noblesou marchands,paysansou artisans,hommes ou femmes.

La perspectiveanslaquelleseplacele discoursde Brant st assezsingulière.Elle se situe en dehorsde tout schéma social,tout en yrestant omplètementttaché. Son discours est fondésur l'idée sui-

vante mettre es termes hommeset fous sur un même plan logique.Si Brantdit que tous les hommes sont des fous, il doit lui-même,en tant qu'homme,être un fou. De cefait, c'est une folie de sa partde direque tous les hommes ont des fous. À quoi bon doncrappe-ler expressément dans la protestation la fin de l'ouvrage- quelui, SebastianBrant, est un fou ? Si ce qu'il dit est vrai, la phrase« je suisun fou » est fausse.Dans sonintroduction u Narrenschiffil définit ommesageceluiqui reconnaîtêtre soi-mêmeun fou. Ils'ensuit ogiquementue Brant,en se reconnaissantui-même ommeun fou, est un sage.Sondiscours 'inscritdonc dans unelogiquecir-culaire.Le lecteur, ependant, n lisantquetous les hommes ont desfous,est d'abord prisdansle piègequeBrant ui a tendupar sa logi-que : si tous les hommes sontdes fous, et commele lecteurest unhomme, l s'ensuitque le lecteurest aussi un fou. Il peut dire queBrant a tort d'affirmer ue leshommes ontdes fous ou il peutdirequeleshommesne sontpas des fous.Mais celasupposeraitdéjàquele lecteur e rende omptedu dilemme. 'intention e Brant taitpeut-être d'amenerson publicà cetteréflexion.Voulait-ilattacher e lec-teur à l'idéeque la seulesolutionpossibleétait de suivreson exem-pleet de parcourir 'ouvrage pourfinalemente reconnaître oi-mêmecommeun fou ? Leslecteurs u xvcsiècleont peut-être out de suite

découvert ue le Narrenschiff 'était pas seulement n cataloguedevices,maiségalement n jeu d'esprit*. l est cependantprobablequele publics'est laisséprendre u piègede Branten vertu duquelceluiqui se sait fou est un sage.

Outreun jeu d'esprit, e Narrenschiff st, sur un plan plusprag-matique,un cataloguede vices.En tant que tel il défend 'idée quela sagessen'est pas inhérente la naturede l'homme,même si elledétermineon bien-être. ar conséquent,e vice estun mal qui mène

6.Cf. Joachimumke,öfischeultur. iteraturndGesellschaftmMittelal-ter.Vol.1 MünchenDTV,1986,.92 ss.7.Cf. Norbertlias,Uber enProzesserZivilisation.oziogenetsche ndpsychogenetischentersuchungenFrankfurtSuhrkamp,1976)990,ol.1,p.24s.

8.Cf.Jon lster, Negationctivetnegationassive, dans Linventionela réalité.ontributionsu constructivismedir. aulWatzlawick,aris Seuil,988,p.193 .

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au mal-être, e que naturellementhacun veut éviter.La tradition it-téraire laquelle appartiente Narrenschiff celledescataloguesdesvices et des vertus- a toujours présenté a vertu comme un bienindispensable la vie chrétienne. l'entréedeséglises, 'assimilationde la Vertu au Bien et du Vice au Mal estsans cesserappeléeaufidèlevenu assister à l'office divin. Aux grands portailsdes cathé-dralesde Notre-Damede Paris,de Chartres, 'Amiens oud'Auxerre,figurent hauteur d'homme les cyclesdes Vertus et des Vicespersonnifiés9. es cycles s'inspirentd'un ouvrage allégoriquecom-posé au IVe ièclepar Prudence,un contemporaind'Augustin laPsychomachieu « combatde l'âme»10.L'objetde la Psychomachieest la luttedes vertus hrétiennesontre es vicespaïensquePrudencedécrit ous formede personnagesymbolisantesvaleursmorales,etqui s'affrontent ans huit combats.

La Psychomachieet le nouveaucouple« Sapienceet Folie»

Le premier ombat a lieu entre a Foi et l'Idolâtrie fidescontreculturadeorum, ensuiteentre 'Impulsivité t la Pudeur( ibido con-tre pudicitia).Le troisième ombat est celui de la Colèrecontre aPatience(ira contre patientia, suivi de celui de l'Orgueil contrel'Humilité superbiacontrehumilitas).Dans lecinquièmecombat,laLuxurerencontrea Sobriétéluxuria ontre obrietas, dansle sixième,l'Avarice luttecontre a Raison(avariliacontreratio). Les deuxder-nierscombatsopposentla Querelleet la Concorde(operatiocontreconcordia, et la Discordeet la Foi secouruepar la Concorde(dis-cordia contrefides et concordia).Le VicecontesterégulièrementaVertu, qui, elle, sort toujours triomphante.

À Notre-Damede Paris, par exemple, e cycledes Vices et desVertusconsiste en une sériede 12reliefsde part et d'autre du por-tail. Les sixreliefsde la rangée supérieurereprésententes Vertus,tandisqu'auxsixmédaillonsde la rangée nférieure igurentesVices.À gauche,la série des reliefs ommencevec l'Humilité, a Sapienceet la Chasteté, uxquelless'opposent esvices del'Orgueil,de la Folieet de l'Injustice fig.2). Suivent estroisvertus héologales la Cha-rité, 'Espéranceet la Foi - avec leurs antagonistes l'Avarice,leDésespoiret l'Idolâtrie. Lesdernières llégoriesperçuespar le visi-teur qui entredansl'églisesontdonc la Foiet l'Idolâtriequi s'offrentau contraired'emblée à celuiqui sort.

Il apparaîtimmédiatementue l'ordre des vertus t desvices auportail de Notre-Damede Paris ne correspondpas à celui de la

9. L'imagellégoriquest n fait nfort on moyenour ncreresreprésenta-tionsbstraitesans amémoirecf.Francesmeliaates,L'Art elamémoireParis Gallimard,975,p.67-69.10.Cf.Gross, p.cit pp.71-76.

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Psychomachie.Bienqu'on reconnaissedescouples opposéscomme aFoi et l'Idolâtrie, l'Humilité et l'Orgueil, ou sur le côté droit, laPatienceet la Colère,le cyclede Notre-Dame de Pariss'inspiretrèslibrement u modèle.Une différencemportante oncernedéjà le pre-mier couple: celuiqui ouvre la série des médaillons degauche.Lecouplede l'Humilitéet de l'Orgueilest ici avancé àla première laceau lieu de la quatrièmedans la Psychomachie.On peut en déduirequ'au XIIIeiècle,époquede la construction e Notre-Damede Paris,le cataloguedes vertus t des vicesn'a plus pour objectifpremier adéfensedes vertus hrétiennesontre es vicespaïens.La placedu cou-

ple Humilité/Orgueiluggèreplutôtque l'intérêt e l'Églisea changéde perspective la prioritén'est plusà la conversiondespaïens,maisà la consolidationde la foi à l'intérieurde la chrétienté.

Une autre différencemportante ntre a Psychomachiet le cyclede Notre-Damede Paris concernel'apparitiond'un couple que laPsychomachiee connaissait as. C'est la Folieopposéeà la Sapience.Le couplese trouveégalement gauchedu portailoù il occupe,onl'a vu, la deuxièmeplace aprèsl'Humilitéet l'Orgueil.On peut dèslors s'interroger ur la place quela Folieoccupaiten tant qu'imageallégoriqueu xiiiesiècleet, à travers 'illustration u psautier, e ren-

Fig.2. Les Viceset les Vertus.Détailavec laSapiencet la Folie(milieu).

N.-D. deParis,Portail entral.

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dre compte de la transformation ue subit son image jusqu'auXVeiècle11.Au Moyen Age,la forme a plus répanduedu psautiern'est pas

celledu livrebiblique,maiscelle dupsautier n tant que livre iturgi-que. Divisésen huit sections, es 150psaumespeuvent tre ntégrale-ment chantés chaquesemaine.Les psaumesde chaquesection sontrépartis ntre es offices du matin et ceux du soir. Les psaumesetd'autres chants ont ainsi psalmodiés7 heurespar jour. Afinde trou-verplusfacilemente premier saumede la sectioncorrespondantudébut desnocturnest desmatines,eslettres nitiales e ces huitpsau-mesont été particulièrementalligraphiées.Maisdepuisla révision,achevée en1227,du textede la Vulgatepar l'archevêquede Cantor-béry, EtienneLangton, 'Université e Parisprescrit n nouveaupro-grammeornementalpour le psautier12.Dans lesBibleséditéesparl'Université,es lettres nitialesdes huit sections iturgiques u psau-tier eront orénavant istoriées vecdes motifs iguratifs.l faut voirà l'esprit que

« le Psautierétaitbeaucoup plus qu'unlivrede prièresdans lesmains des moinesou du clergé.Dès leIXeiècle, e Psautier taità peu près le seul livreliturgique ui fût mis aussi entre esmains des laïqueset il en sera ainsijusqu'à la fin du XIIeiè-cle ou au début du XIVe,date à laquelleapparaissentes pre-miersLivresd'Heuresproprement its ...). Livre de prière, ePsautier était aussi un livrepédagogique».

Ainsis'exprime'AbbéLeroquaisdans sonouvragesur lespsau-tiers manuscrits atins des bibliothèquespubliques de France13.« C'est dans le Psautier», poursuit-il,

« que les laïques apprenaient lire, témoincettenotequ'on lit

dans le ms. 318de la Bibliothèquede l'Universitéde Leydendu XIVeiècle. Auxfol. 30vet 185rse trouve a note suivante'Cist psaultiersfu monseigneur aint Looys qui fu roys deFranceauquelil aprist n s'enfance'. Ausièclesuivant, escomp-tes de l'argenterie 'Isabeaude Bavière,'épousede CharlesVI,nousrevèlent n fait analogue.Il s'agit de Michelle deFrance,née le 11Janvier 395. Unequittancedu 2 Juin 1402mentionneque l'enfant, lors âgéede sept ans, possédaitdans sa librairieun psautier,un missel,et de plus, un Abcdsuividespsaumes.

11.Suzy ufrenne,ableauxynoptiquese15psautiersillustrationntégraleissue utexteParis, 978Günteraseloff, iePsalterillustrationm13. h.,Kiel,1938Christophggenberger,salteriumureumanciiGalliSigmaringenThor-becke,987.12.Haseloff,p.cit.,p.21.13.Mâcon,940-41,ol.1,p.VII.

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veux sont courts et hirsutes.Les traitsdu visagesont grotesquesetsoulignente regard ombre de l'individu. ci, le mode dereprésenta-tion lui donne l'air d'être l'Antéchrist.

Le personnagede la lettre nitiale au fol. 85v du psautier atinde Vesoul(B. m., ms. 6) est grossièrementessiné et doté d'une ton-sure.Le vêtement st de nouveau unesimplechemise, uverte u col.La massueest tenue cette fois comme un bâton de promenade t nonpas comme une arme.L'objet dans lequelle personnagemord n'estpas rond, maisa la formed'une corne.Au fol. 353r du psautier atinde Chambéry B. m., ms. 4), le personnageest chauveet ne mord

Fig.3. L'insipiens.Lettre nitiale u Ps. 52. xniesiècle.

Dijon.B.m. ms.4, fol. 182v.

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L'IDÉE DE LAFOLIE 81

En adoptant toujours 'hypothèse 'une possiblellustrationssuedu texte,ce même verset emblecontenir e mot-cléqui expliqueraitla présencede la massue et l'usage qui en est fait. Il est probableque la massue etla manièrepeu pacifiquedont le personnagea bran-dit, se réfèrent ustementau mot iniquitatemdu même verset. Demême, e regard ournévers e haut où l'on voit 'imagede Dieuappa-raître ans un nuage correspondux parolesdu deuxièmeerset Deusde cieloprospexit uperfilioshominis...). (Descieux,Dieu s'estpen-ché vers les fils d'Adam).L'ensemble de cette mise enscènedonnecorpsà la doublenégationdu premier erset.La négation ctive,celle

de nier l'existencede Dieu, et la négationpassive,cellequi définitcelui qui n'est pas sage.La premièrepartie est mise en scène parl'oppositionentre Vinsipienst Dieu, la secondeest renduepar les

Fig.4. L'insipiens.Lettre nitiale u Ps. 52.xivesiècle.

Tours, B.m.,ms.74, fol. 118v.

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différences ui permettent e distinguer es individus. Par la suite,r mageperd la première artiede cettedoublenégation.Uinsipiensn'est plus représenté pposéà Dieu,mais seul et dans dessituationsqui se bornent exprimer'idée de« non-savant. Une fois a sourcede l'imagetombéedans l'oubli, certains lémentsdeviennent ncom-préhensibles,'est Pincompréhensibilité-mêmeui devient a caracté-ristiquedu personnage.

Avec l'apparition des premièresBibles en français18,'images'enrichitd'élémentsprovenantd'autres contextes,qui peignent emondeprimitif e la campagneou qui sontpuisésdans le mondedes

clercs.Uinsipiensdevientun paysan,un berger, un domestiqueouun hommesimple, a massueet la pauvretédu vêtement estant eséléments e reconnaissance.uisquela traduction u psautier n fran-çais, inséréedans le texte atinsousformede gloseinterlinéaire, ré-cèdecelle d'autreslivresde la Bible,sa diffusion e cessepas d'aug-menter. ntégréedans des ouvragescomme la BiblehistoríaledeGuyartde Moulinsou dans lesexemplairese la Biblemoralisée,onillustration énéficie e la liberté vec laquellecestypesde Bible ontété composés.

Dans l'exemplede la Bible historíalems. fr. 2 de la Bibi. nat.de Paris,au fol. 227v,l'imageest détachéede la lettre nitiale t pré-cèdele texte, alors que la représentation estetout à fait tradition-nelle. Au XIVeiècle,on peut observernon seulement e détachementphysiqueentre texteet image,mais aussila coupure progressiveurapport u'entretiennentesdeux.L'exemplede la Bible historíaleela BibliothèqueSte Geneviève Paris montre u fol. 42r une minia-ture à deuxvolets.A droite e trouveun personnage,vêtu d'un drapgriset bleu. Il est barbu et porte escheveuxcourts dans sesmains,il tient un pain et une massue.A gauche,se trouveun groupedequatrepersonnages,hacun habilléd'une longuerobe de couleur dif-férente ilsportent escheveuxongs.Ici, il s'agit probablement'une

représentation e « savants», conçussur le modèle des clercs.

Du fauxclercdémasqué...

Un clerc,pour être reconnucommetel, était obligéde porter,outre a tonsure, n habit de couleurunie,tandisqu'un laïquen'étaitpas tonsuré t pouvaitêtre habilléd'une roberayéeou composéededifférentes iècesde tissu19. e fait que le personnage es lettres ni-

18. Cf.Samuelerger, a Biblerançaiseu Moyen geParis ImprimerieNationale1884)967,. 151 .; etAdelheideiman,he ast opy f theUtrechtPsalter= TheYear 200Asymposium),ew ork MétropolitainuseumfArts,s.d.,pp.313-338.

19. Roberténéstal, eprocesur etat e clerc uxxiiir t xivriecle. colePratiqueesHautestudes,ectionesScienceseligieuses,909-10,. 18,note ;je suisredevablee cettendicationSerge usignan,ontréal.

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pie David etinsipienspar l'adaptationde l'illustration ux exigencesdesclientsprinciers.Au XIVeiècle,ces derniers ouvaientdésirer neillustration mpruntant on modèleà leur réalité.

Le fou du roi

Je dis réalité,car ici les traits du bouffon relèvent videmmentde Yobservationd'un visage26.La miniaturedu f. 179v de la Biblehistoríalems. fr. 152 de la Bibi. nat., du xivesiècle,montre gale-

ment un roi en présenced'un bouffon. ci, le roi est habillépauvre-ment, tandis que le bouffon porte une riche robe aux bords garnisd'hermine.Dansla maingauche,il tient une verge,dans l'autre unejarre. Maisce qui est nouveau,c'est la formeparticulière e sa tête

Fig.6. L'insipienst David.Lettre nitiale u Ps. 52.xiii*iècle.Besançon,B.m. ms.140,fol.62v.

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L'IDÉE DELAFOLIE 87

Fig.7. Bouffon t roi.Lettre nitiale u Ps. 52. 1482.

Clermont-Ferrand,s.69, fol. 46r.

et de sonvisage.Du front ourt et plat sort un nez légèrementourbéà la naissance,les yeuxsont grandsainsique les oreilles, a tête estcouverted'un

capuchon pointu.Unecourtebarbe fait saillir e men-

ton (fig.8). Au fol.83vdu Livre d'Heures de Bonne deLuxembourg,peint par Jean le Noir en 1348-49 etqui fait partie de la CloistersCollectiondu MétropolitainMuseum ofArt à New York (Inv.6986),les traitsdu visagede Yinsipiensnt été dessinésde la même manière(fig. 9).

Cet insipiens déjà été identifié omme le bouffon de cour deJean le Bon, roi de France(1319-1364)7. De tels portraits e bouf-fons se retrouvent ans d'autres œuvres rtistiques partir u xvesiè-cle. Ainsi dans le tableauFêtes dansun ardin d'amourde 1431Ver-sailles,Muséedu Château,Inv. MV5423),Jan van Eyckpeint e por-

trait d'un bouffon de Philippele Bon, duc de Bourgogne,qui pré-

27. Charlesterling, a peinture édiévale Paris 1300-1500Paris, 987,fig. 6.

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88 ANGELIKAROSS

Fig.8. Roi et bouffon.Miniature u Ps. 52.xivesiècle.

Paris, B.n.,ms. fr. 152,fol. 179v.

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L'IDÉE DE LAFOLIE 89

Fig.9. Portrait u bouffon e Jean e Bon.Miniature u Ps. 52. 1348-49.

NewYork,Métropolitainuseum f Art, Cloistersoll., Inv. 69 86.

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90 ANGELIKA ROSS

sente à nouveau des traitsmarqués28.Un autre portrait ppartientencoreà cette série celui de Triboulet29,e célèbrebouffonde courdes roisRenéd'Anjouet LouisXII, sculptéde profil n 1461-66parFrancescoLaurana,sur une médaille Paris, BN,cabinet des médail-les, Inv. B.17502).

Tous ces portraitsmontrent es traits communs un nez fort,le front fuyant, e mentonsaillant, a tête pointueet la nuquetra-pue. Il s'agit probablement'un typed'hommeapprécié omme bouf-fon aux XIVeet XVeiècles 0.Toutefois, le point culminantde lamétamorphose e l'image religieuse David etinsipiens en imageprofane roi et bouffon est la lettre nitiale du psaume52 du psau-tier atin de Henri VIII d'AngleterreLondon,B.L., ms. 2 A XVI).Au fol. 63v, Hans Holbeiny a remplacéDavidpar un portrait deHenriVIII, et Will Somers,le fou du roi, a pris la placede Ynsi-piens. Mais la plupart des illustrations ui conçoiventYnsipienscommeun bouffon, e représentent ommeun personnage ymboli-que, caractérisé ar le vêtement ux oreilles attenantes u bonnet etl'attribut anoniquede la massue transformén marotte31.a minia-ture au fol. 55r du psautier atin ms. 69 de Besançon,du XVeiècle,en est un bon exemple.

L'évolutionpicturalede la lettre nitiale vers une imagede bouf-fon n'a pas de correspondencevec la traduction u terme nsipiens.Les psautiers nsérés dans les Bibles historialesdu xivcsiècle,parexemple, raduisent ousinsipiensittéralementar : « Celuiqui n'estpas sage», tandis que les psautiersdes Bibles moralisées utilisentl'expressionfigurative foui» ou « fol » en suivant a gloseinterli-néairedu psautierde Cantorbéryms. lat. 8846 du xiiicsiècle.Cettetraduction st reprisepar le psautierde Jean de Berryms. fr. 13091ou le psautierde CharlesVIII (Paris, BN., ms. lat. 774, f. 63v),achevévers 1490.Or, la traduction ar « fol » ou par « foui» n'estliéequ'exceptionnellementuneimagede bouffon.Lespsautiers ran-

çais imprimés 'appuient égalementur la tradition

manuscrite,mais

là, le texte n'est plus accompagnéd'images.En cequi concernea traduction u terme n allemand, n trouve

dans lesrédactions ui précèdent ellede Luther soit « tum » (dansla premièreBible allemandepubliéepar Mentelinà Strasbourg, n

28.Du tableau'existeu'une opiedu xvieièclecf. AnnevanBuren-Hagopian,Un ardin 'amourePhilippeeBon uparc eHesdin.e rôle eVanEyckans ne ommandeucale, Revueu Louvret desMuséese France1985,°3, pp.185-192.

29. Cf.Erika ietze-Conrat,warfsndJestersnArt NewYork Phaidon,1957,.43.

30.Cependant,npeute demanderi cesportraitsont ravaillesapres atureoubien partir 'un ataloguehysiognomoniquecf.mon rticle L'exégèseco-nographiqueu termeinsipiensupsaume2»,HistoricaleflectonsReflexionsHistoriquesvol.16,n°2/3,1989,.227,note 5.

31. Antoineuretière, ictionnaireniverselParis1690),978,adéfinit,.)commeiminutifeMarie tb.)commene ête epoupée lacéeubout 'un âton.

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L'IDÉE DE LAFOLIE 91

1466), plustard « tôre » (dans la deuxième Bibleallemandeimpri-méepar Eggestein Strasbourg n 1470et réimprimée ar Zainer àAugsbourgen 1475),ou « unweiss (dans la troisièmeBibleimpri-mée par Schönsperger n 1487)32. Ce n'est qu'en 1524que Lutherremplaceraystématiquementesexpressions ar« narre dans sa tra-duction du psautier.

L'idée de la folie

Entre le XIIIeet le XVeiècle,la conceptionde la lettre nitialede psaume52 devientdouble, à la fois religieuseet profane. AuXIIIeiècle,l'illustration icturaledu terme nsipiens tait composéeavec des élémentséfinissant n personnage ymboliquerelativementprimitif. e personnageprenait a significationar rapport la dou-ble négationexpriméepar le texte, pour devenir,par la suite, unmiroirdéforméet caricaturaldu monde clérical.

A partir du XVeiècle,une conceptionnouvelledes termes nsi-pienset Davidemprunte essymbolesu mondeprofaneet ses traitsà l'être humain. Ainsi seront ypésdes personnagesdont les caracté-ristiques voquentsoit l'image symbolique,oit le portrait ndividueld'un bouffonde cour. Quant au type marqué par une couronne deplumes,une étude ultérieure erait nécessairepour identifier es élé-mentsconstitutifs ui sont apparemmentndépendants u psautier33.

En outre, le terme nsipiens donné naissance à uneréflexionsur la différence ntre es statuts uridiquesde clerc et de laïque.Eneffet, i l'usurpationd'un statut est conçuecommeune fraude, ellepeut aussi êtreconsidérée,ur un plan moral,comme unvice.C'estlà probablement ue Sebastian Brant a trouvé son idéede suggérerla prétention e chacun à emprunter n statut utre que le sien,pourmieux edémasquernsuite.Mais enappliquante surnomde « Narr»

également sa propre personne, l ajouteune dimensionnouvelle deconscience uxidéesquiont évolué autour deYnsipiensssudu psau-tier.

32Könneker,p.cit.,p.10.33.Cf.Gerta almann, Thepicturesf nobody, Journalf theWarburgandCourtauldnstitutesvol. 3,1960,p.60-104François amier,Lesconcep-tions e a folie'après'iconographieédiévaleuPsaume2»,102eongrèsationaldes ociétésavantes.imoges977.hilologietHistoirevol. , 1977,p.215-222.

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Médiévales5,automne993,p.93-111

Éric BERTHON

LE SOURIREAUX ANGES

ENFANCEET SPIRITUALITÉ AU MOYENAGE(XII'-XV* SIÈCLE)

On en sait maintenant n peu plus sur le sentimentmédiéval del'enfance autour duquel PhilippeAriès éveillaautrefois une vivepolémique1.Un article récent de DanièleAlexandre-Bidon2,uquelje renvoie le lecteur, fait bien le point sur un certain nombrede

domaines où Ton voitse dessiner ès le MoyenAgela reconnaissanced'une personnalité nfantine. La distinctiondes âges, plus précisequ'on ne Pa soutenueutrefois, esméthodes 'enseignement,essoinsspécifiquesdu nourrisson, e mondedesjouets, ou encoreles modesde vêture en sont quelques-uns parmid'autres.

Mais cesprogrès, i importants u'ils soient,se sont limitésus-que là à la sphèrede la viequotidienne, e la famille t de la société.Dès lors qu'on s'en échappe,l'enfant médiévalcontinued'être uninconnu.Tout ou presquerestedonc à fairedans levastechampquel'on pourrait aptiser nthropologiemédiévalede l'enfance en ce quiconcerne esautresperceptionsmentalesrelatives l'enfance,cellesqui ne touchentplusau vécu,mais auxcroyances, t qui ont essen-tiellement our cadre la magieet la religion3.

Car chaqueépoqueoscille et trouve son point d'équilibreentrela valeursymboliquequ'elleaccorde à l'enfant et l'attentionportéeà sa personne.Notretempss'occupeen prioritéde l'enfant commeindividu,de sa personnephysiqueet mentale. l a perdu,en contre-partie, beaucoupde tout cet « à-côté», de ce pouvoird'évocation

1.Ph.Ariès, 'enfantt a vie amilialeous 'AncienégimeParis, 960.2. D.Alexandre-Bidon,Grandeurt renaissanceusentimente 'enfanceuMoyenge , dansÉducationsédiévales.'enfance,'école,'ÉglisenOccident,(vi'-vsiècles),ousa dir. e J.VergerHistoiree 'éducation,°50),Paris, 991,p.39-63.

3. J.-Cl.chmitt, ans onouvrageurLe Saintévrier. uinefortuérisseurd'enfantsepuise xni' iècle,aris, 979,ndiqueapiste suivre'une astetudede laplace el'enfantansescroyancesonreligieuses.

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symboliquede l'enfancequi, ce sera ma thèse ci, était le propredela sociétémédiévale.Tentonsunemétaphore ur fond de scolastiquel'enfant est à la fois un être de chair et une notion,un « nom ». Jepense quele Moyen Agea portéau moins autant d'intérêt l'enfantnominaliséqu'à l'enfant ncarné.

Pour étayer cette hypothèse, e voudrais livrer ici quelquesreflexions ur la placede l'enfantdanslescroyances eligieusesmédié-valesoù je tenteraide faire valoir que, à l'aune du MoyenAge,l'enfantreprésentait avantagequ'un enfant il incarnait n état brutde perfection vangéliqueque les adultes ne pouvaientatteindre, n

petit nombre,que par l'effet de leur vertu propre et de leur cons-tance dans la foi. On lui prêtait, n somme,une valeurspirituelleu-dessusdu commun4.

Je présenterai rois courtesétudes la première e rapporte lanotion de médiation nfantine le jeuneenfant st l'un despointsdecontact entre les hommeset Dieu); la seconde à celle d'élection(l'enfant symbolise'élu) ; la troisième oncerne 'allégorisationduChristdans l'enfant, que je présenterain deux volets l'imitation(l'enfant statutd'« image» du Christ ur terre) t la croyancedansles vertus du sang enfantin le sang des enfants, commecelui duChrist, guérit, en particulier e la lèpre).

L'enfant dans la main de Dieu

Le rôledu jeuneenfant omme ntermédiaireivina déjàété misen évidence,en particulierpar les historiensde la littérature5. eplus souvent, a présencedivine dans le nourrisson e manifeste arl'émissiond'une vérité, ue ce dernierne pourrait lui seuldétenir,et quivientdénouerune situation ue les hommesne sontpasà mêmede résoudre.

Parfois, 'actiondivine travers 'enfantpeutêtre ssimilée uneintervention e nature udiciaire.C'est le cas dans le type de récitoù l'on voit un enfant nnocenter n personnageccuséà tort d'êtreson père(à la suited'un violqui est le chefd'accusation)et dénon-cer le vrai coupable,qui est souventle diable6.

4. Trois istoriensnt, ma onnaissance,éjà ignaléaplaceenuear 'enfantdansaspiritualitéédiévalePaulAlphanderya lepremierelevéeans e cha-pitre eLachrétientét 'idée e Croisadeu'ilconsacrela croisadeesenfantsde 1212textetabli arA.Dupront,aris, 959, .142).W.A.Christian,ansApparitionsn LateMedievalndRenaissancepain, rinceton,981,.222 t Jac-quesHeersdans ête es ous t carnavalsParis, 983,. 130yont ait galementallusion.5. Cf.enparticulieres actes ucolloque 'enfantu Moyen geLittératureet civilisation, publiésans énéfiance9, Aix-en-Provence,980.

6. On trouveejachezGregoiree Toursvi< .)unehistoiree cetype pro-posdeBrice,e successeure saintMartinHistoriarancoruméd. R.Büchner,Darmstadt,956-1977,. , p.58).

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LESOURIREAUX ANGES 95

Dansla légendedes saints Siméonet Jude rapportée ar Jacquesde Voragine xiiie s.), les deuxapôtressomment n enfant, ui n'estpourtant gé que d'un jour, de dévoilera vérité ur la paternité ré-tendued'un saint diacre « Dis, enfant, u nom du Seigneur, i cediacrea eu pareilaudace.» La réponsemiraculeusee l'enfant nno-cente l'accusé7.

Dans Tristande Nanteuil(XIVe .),c'est un enfant encore dansle ventre e sa mèrequi prendmiraculeusementa parole,Dieu étantnommément ésignécommele responsabledu prodige

« Dont dist a voix d'enffant ue Dieuy ottroya (...) filzsuy de l'ennemi et cil engendrém'a ».8

Saint ThomasBecket,dans une correspondancede 1169 avecl'archevêquede Sens,rapporte ne anecdote de natureplus politiqueune entrevue ntre LouisVIIet Henri II n'ayantpas abouti,les deuxhommesvenaient e se séparer uand Henri rencontra e jeune princePhilippe, âgéde quatreans, qui entreprit e convaincre on aîné dela nécessitéde faire régner a concorde entre les deux royaumes.« Dieuinspira 'esprit de son serviteur éjà ordonné,forma et diri-gea ses paroles» expliqueThomas9.

Politiqueet liturgie ont associéesdans un exemplum ui relatecommentConstantinople,n proie à des troubles,retrouva a paixgrâceà la médiationmiraculeused'un enfant

« Soudain,un enfant ut enlevédu peupleusqu'auciel(...)puis, tout aussi brusquement, e trouva de nouveauparmi lesfidèles. l commença à dire uneprière t à enseignerux clercscomment ls devaientla réciter près lui. Ainsi firent-ils, tquand ils l'eurent fait, les troubles cessèrent . 10

On retrouve n enfant à l'originede la formation olitiquedupeupleturc selon Guillaume deTyr (né en 1130).Quand les Turcsdécidentpour la première ois de se donnerun roi, ils procèdentune sorted'« élection deux niveaux». Chaquelignage apporteuneflèchemarquéede son nom.Les flèches ontrassembléest un enfant

7. JacqueseVoragine,égendeoréeéd.et trad. .-B.M.oze,Paris, 967,t.2, p.303.8. Tristane Nanteuiléd. K.V.Sinclair,Assen, 971,v. 013-28.9.CitéparA.Lewis,e sangroyal,afamille apétiennet l'État, rancex'-xiviècleHarvard,981,rad, ranç. aris, 986, . 103.10.AnAlphabetf tales.AnEnglish5th enturyranslationf theAlphabe-tumnarrationumf Etienne eBesançonéd.M.M.Banks, ETS,vols. 26-127,exemplum° 125 Achildeodanliemanghe eplewas akenpunto evyn...)And odanlieewas ett gayn manghe eple&beganhe etany ym elf &told he lerks how hai uldeyng fter ym. sothai id andthis one nonethe ribulaciónesyd.

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innocent st chargéd'en tirer ne au hasard,cellede la future ignéeroyale11.La mêmeopérationest répétée pour désigner a personnedu roi à l'intérieur e son lignage.Guillaumede Tyr ntroduit ci uneremarque ntéressante il ne peut préciser 'il s'agit du même enfantque lors du premier irageau sort ou biend'un autre, d'une inno-cencecomparable(velidemqui et prius vel aliusfor asseejusdeminnocentiae. Il indique par là clairement ue le gagede la réussitede l'intercessionst l'innocencede l'intercesseurt que le choix d'unpetit nfantpour tenir e rôle est dicté par cettecondition.Nous ver-ronsplusloinquec'estencorecette ualitéd'innocence,ntendue ansle sensd'absence depéché, quirendpossible,dans la mentalitémédié-vale, l'existenced'une parenté spirituelle ntre es jeunesenfants tle Christ.

C'est encore un enfant qui, dans la légendedu roi Agbared'Edesse,est censéprotéger a cité d'Edesseen lisantà sesagresseursune lettre crite par le Christ en personne 2.

On voitquece sontparfois es hommesqui choisissentn enfantpour apprendre es desseins deDieu oupour obtenir sa protection,et non Dieuqui intervient e sonpropre hefdans le monde des hom-mes.Celalaissesupposer quele choix d'un jeuneenfantpour mieuxcommuniquervec Dieua pu seconcevoir,non seulement ans l'ima-ginaire,mais encoredansla réalitémédiévale.Le récit ue donne JeanPasquereldes habitudespieusesde Jeanne d'Arc invite du moins àle penser « Elle me disaitaussi,quandnous étionsà un endroit ùse trouvaitun couventde frèresmendiants, e lui rappeler es joursdans lesquelslespetits nfants levés par les mendiants ecevaient esacrement e l'Eucharistiepourcejour-làle recevoir vec ces enfantscommeelle le faisait souvent . 13

** *

Dans lemêmeparadigmede la médiation nfantine, l faut ndi-querle thèmede l'enfantdispensateur'une sagesseou de leçonsdontla formulation t la portéedépassent a seulecompétencet qui sont,en fait, à l'initiativede Dieu.

Ce motif est érigéen systèmenarratif ans une œuvrecurieuseet peu connuedu nom de L'Enfant sage (fin XIIIeiècle)14.l s'agit

11. GuillaumeeTyr,HistoriaerumnpartibusransmarinisestarumPL,201,ol.209 t suiv. ur e motif e l'enfantireuresorts ibliquesanse HautMoyen ge,voirP. Courcelle, L'enfantt les sorts ibliques, dansVigiliaeChristianaeVII,1953,. 194-220.

12.JacqueseVoragine,egendeoree,d.cit., .2, p.JUU.13.Cité et traduit ar R.Pernoud, eanne'Arcpar elle-mêmet parsestémoinsParis, 962,. 177.

14. Cf.W.Suchier,'EnfantageDasGesprächesKaisers adrian it emklugenindenpitus),ie erhaltenenersionenrsg. . nachQuellennters.Dres-den,1910GesellschaftürRomanischeiteratur4).

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LESOURIREAUX ANGES 97

d'un texted'enseignementeligieuxn forme e dialogueentre n maî-tre et un disciple qui a remportéun gros succèsjusqu'en pleinXIXeiècle.Son originalité st de mettre en scène un « sage» detrois ns répondantaux questionsde l'empereurAdrien.

Détailintéressant,roisdes manuscritsmédiévauxe ce texte om-portent n ajout qui indiqueclairement e caractère urnaturel e cetenfant

« Et quant l'enfanteut dit toutes es chosesdessusdites,lse esvanuit et s'en va dont nostre seigneur 'avoit envoié ».15

Dans ungenredifférent, elui desexemplaon trouveégalementde nombreux enfants ages». Maisceux-citransmettent oinsunsavoirqu'ils ne donnentdes leçonsaux adultes.Leçonde comporte-ment monastiquedans Yexemplumn° 201 d'Étienne de Bourbon(Tubach4442)où l'on voit les enfants d'un monastèreprendreenfaute eurs aînés qui dorment n pleineégliseau lieu de réciter eursoraisons16.

Leçonde couragedans la foi, toujourschez Étiennede Bour-bon, qui raconte 'histoired'un enfant qui se défend seulcontredesAlbigeois quil'accusent d'adorer la croix. Ilvientà bout de l'agres-sivitédes hérétiques n leur opposantune argumentation igned'unthéologien. tiennede Bourbon voitclairementa marquedu cieldansle comportemente cet enfant Puer autem non sine divinainspira-cione sic statimrespondit is). Auparavant,en guised'introduction,il explique que,comme ledisent es autorités Item dicuntmagistři,il est prouvé que, à un enfant levé dans la religion t dont le com-portement st exemplaire,e Seigneur évélera a foiqui mèneau salut(Dominusmanifestabit i fidem saiutarem) 7.

Leçonde portée héologiquencore, ommedans le fameux xem-plum de saintAugustin t de la Trinité l'évêqued'Hipponese pro-mène en bord de mer, réfléchissantntensément u problèmede laSainteTrinité, uand il rencontre n enfantd'une trèsgrandebeauté(puerumpulcherrimum)ccupéà déverser 'eau de la mer dans untrou de sable.Il lui fait remarquer u'il travaille n vain, ce à quoil'enfant étorque ue chercher percer e secretde la Trinité st d'unevanité bien plus grandeencore18.

15. bid.,p.444.Sur e caractèreurnaturele l'enfant,f. M.Kleinhans,«LEnfantage troisns.VommittelalterlichenialogumVolksbuch, Zeitsch-rift ür Romanischehilologie106,1990,.305.16. A.Lecoy eLaMarche,Anecdotesistoriques,égendest apologuesirésdu recueilnédit 'EtienneeBourbon,ominicainu xiw iècle,aris, 877.17.bid.,n° 328Tubach1).18.Exemplumd.parJ.Klapper,rzählungenesMittelalters,reslau,914,n°23.

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98 ÉRICBERTHON

L'enfant éluL'idée d'une élection enfantinene manquepas de fondements

scripturaires. es versetsde Luc (18, 15-17),de Matthieu 18, 3-4),ou de Marc(10, 13-16) quiconsacrent es petits enfantscomme lemodèle à suivre en vue du salut (« ... car le royaumede Dieuestpour ceuxqui leur ressemblent.) ont compté parmi ceuxqui onteu le plus souventdroit de cité au MoyenAge19.

Les sourcesproprementmédiévalespromettent uant à ellesunebellemoissonà celuiqui voudraitdonner e dossiercompletde l'élec-tionenfantine. 'est, plusmodestement,ar le biais d'un curieux écitqui montreun nourrisson e mettre rire au moment d'être mis àmort que je vais essayerd'aborder la question.

La marquedu rireLes antiquisants nt déjà noté que le rire de l'enfant dans une

situationde périlde mortn'était pas fortuit. ls ont vu dans ce toposle signede la valeur sacrificiellee l'enfant20. e voudraisessayerdeprendre ci leur suite en montrant ue le MoyenAge,s'il n'a proba-blementpas ignorécette dée, en a connu une autre, qui voit dansle rire la marquede l'élection enfantine.

Il existe un récit qui a connu selon toute vraisemblanceunegrandepopularitéau Moyen Age.Il est bâti sur la trame narrativesuivante un souverainapprendpar une voie surnaturelleun rêvele plus souvent) a naissanced'un enfant ppeléà prendre a place.Il ordonne a mort du nouveau-né,mais sonordre n'est pas accom-pli (ce qu'il ne sait pas)et, aprèsun temps plus ou moinslong pen-dant lequell'enfant est élevé dans le secret, a prophétiefinit par seréaliser. l s'agit, on l'aura compris,du mythedit « de la naissancedu héros»21.Dans l'Antiquité déjà, on le trouve rapportéà l'his-toirede Zeus,d'Œdipe, de Cyrusou encorede Rémus et Romulus.Il estégalement ienprésent ans la Bible,avecau moinstroisrécitsla naissancede Moïse(casparticulièrementrappant i l'on combinelégende pocryphe es« charbons rdents et récit biblique),de Joas,

19.SaintJérôme,ar xemple,éfinituatre ualités ropres l'enfantIlnepersévèreasdansacolère,l n'est asrancunier,l ne se délecteasdela beautédesfemmes,l dit e qu'il pense)ansuncommentaireeMatthieuuideviendraclassiqueu HautMoyen gesaintJérôme,omment,nEvangeliumatthaei>LXXVI,ol.128 cf.saintColomban,pistolaeMGH,Epist.,ll, p.163 Béde,In MarcivangeliumxpositionLXCII,col.230-231).ur 'idéalisationoraleel'enfanthez esPères el'Église,oir . Légasse,Jésust 'enfantParis, 969.

20. Cf.enparticulier'articleeC.Miralles, Le rireardónique, Métist.2,vol.1, 1987,.31-43.

21. Cf.O.Rank, e mythee la naissanceu héroséd.tranç., ans,1983.

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100 ÉRIC BERTHON

« L'enfant se prist a remüer,Et a rire mout doucement.Quant cilz voit ce, soudainementLi est le euer amolïez,A haulte voiz s'est escrïez"Biau compainz, pourDieu, Cha venezCertes,nous sommes forsenézQui tel innocent,tel fecture,Volons mectre desconfiture.Pour rienzqui soit ne le feroie

Ja mes esperancen' ar ieQue Dieu vraipardon m'en feïst,N'il n'est hommequi le feïst,Se ill avoit aperceüCe que de l'enfant ai veü.Qu'as tu veü ? Diz tu a certes- J'ai veü miraclesapertes.Quant ving au puis pour l'i empaindre,Onquesne veïs festegraindreFaire a enfant de tel aageNe rire de si douz visageCe sembleestre un droit angelot".

On est d'abordnaturellementrappédu fait quece rire 'exprimea contrario u contexte.Les auteurs nsistent ouvent ur cet aspect

« Tu ris, et tu plorer deüssez,Se point de sens en toi eüssez,Quer on te maine perdrevieCon l'aignela l'escorcherie.25

Mais ce rire inopportunn'est pas seulementcompris par lesmédiévauxcommela conséquencede l'immaturité e l'enfant « Sepointde sensen toi eüssez»). Là n'estmêmesansdoutepas l'essen-tiel. Il est avant tout un signe,un de ces nombreux ignessanscesseguettésau MoyenAge, qui manifestent a présencede Dieu. DansTristande Nanteuil le petit Doonjette un rire « au gré du droitu-rier 26. Dans le Roman du conte d'Anjou, le bourreauparle de« miracles pertes et désigne 'enfant commeun « droit angelot».

Il existed'autres ndicesqui montrent ue le rirede l'enfantpeutprendre, ur le plansymbolique,a valeurd'une manifestation ivineou qu'il est, pour le moins, le signed'une relation avec le divin.

24.Leromanuconte 'Anjouéd. M.Roques, aris, 974,. 4224-45.25. bid.,v. 4079-82.26. TristaneNanteuiléd. K.V.Sinclair,Assen, 971,.1060.

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LESOURIREAUX ANGES 101

Dansl'épisodede la Visitation l est dit de Jean-Baptistexulta-vit n utero ius(Luc,1,41).Il mesemblequecetexultavitqui signi-fie entre utres « pousserdes crisd'allégresse, pourrait tre égale-ment nterprété, ienque le contextene soitplusici celuid'un infan-ticide,comme esignede l'intervention ivine explicitementésignéedans la Bible) qui permeta reconnaissance duChrist par le filsd'Elisabeth.

Merlin est le pluscélèbre desenfantsrieursdu MoyenAge.Or,l'on sait que, s'il est le fils du diable,Dieu,à titre de compensation,lui a attribué n pouvoirde divination. haquefois,ou presque,qu'ilva rendrepubliqueune prophétie qui, en dernier essort, st d'ori-gine divine),il émet un rire qui en est commele signalannoncia-teur 7.

DansL'imagedu monde de Gossouin de Metz(XIIIe .),ency-clopédiemédiévaledont on comptedesdizaines demanuscrits,e riredespetits nfants endant e sommeil st interprété ommeune mani-festation e leurcapacitéà entendre a musiquecélesteproduiteparla rotation u firmament)insique le chantdesanges « Dontaucunfurent adis quidisoientque li petit enfantoientcelemelodiequantil rient en dormant.Car l'en dit qu'il oient chanter es angesDieuen paradis par quoi il ont tel joie en dormant . 28

Gillesde Rome(t 1316),enfin,donne unesortede cautionscien-tifiqueà l'idée enexpliquantque le foetus,en recevant on âme auquarantièmeour de la gestation, anceun rire dans le ventrede samère 9.

L'enfant élu

Voyonsmaintenant n quoi ce rire peut être un signede l'élec-tion de l'enfant qui l'émet.

JacquelineRisset,présentant es recherches ur Dantelors d'unséminairede Jacquesle Goff, a relevéque, statistiquement,e rireet le sourire ont nettement u côté du paradis,et mêmequ'ils sem-blentaccompagnera progression u salut, avecune seuleoccurencepour l'enfer, eizepour le purgatoire t trente-deux our le paradis.Danscettedernièrephère,Danteexprime plusieurs eprisesa valeurbéatifiquedu rire.

27.Sur 'originerientalee cemotif,oir es rticlesTA.H.rappe, LerireduProphète, dans tudiesnEnglishhilologyAMiscellanynHonorf Frede-rick laeberMinneapolis,929,.340-361«LanaissanceeMerlin, Romania59,1933,. 12-23.28. Gossouine METZ,'imageu mondeéd.O.Prior, Lausanne,913,p.159.

29. GillesdeRome,e humaniorporisormattine,itéparCl.Thomasset,«Quelquesrincipese 'embryologieédiévaledeSalernela fin u xmeiècle),Sénéfiance°9, Aix-en-Provence,980,. 119.

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LESOURIREAUX ANGES 103

L'enfant imagedu ChristJe voudrais maintenantmontrer omment 'enfant, e corpsde

l'enfant ourêtreexact,a étésouventperçu par les médiévaux ommel'un des « corps possibles» du Christ, soit qu'ils y aient vu le filsde Dieu intervenant ur terre en personne,soit qu'ils lui aient faitrevivredes épisodesde la Passionen lieu et placedu Sauveur.

L'enfant « prête-corps du ChristRappelonstout d'abord que l'imitationdu Christfonde a spiri-

tualitémédiévale.« Les chrétiens u MoyenAgeavaient 'âme toutepleinede Jésus-Christ c'est lui qu'ils cherchaient artout expliqueÉmile Maie32.Il n'y a pas, en effet, pour le MoyenAge, de gesteplushauteque cellequi seraitcalquéeavecla plus grandeexactitudesur celle du Christ. Tout l'objet de la VitaPrima par exemple,estde montrer ue saint Bernard,par ses paroleset par ses actes, ren-voie sans cesse auxÉvangiles.

Mais la vertu mitative es jeunesenfantsva encoreplus loin.Dans lesexemples que jevais montrermaintenant l ne s'agit plusseulement'évoquere Christ n répétant ertaines e sesactions,mais

de le fairerevivre n personne, ar l'intermédiaireoutefois 'un autrecorps, d'une enveloppeterrestre, ui est un enfant.La plus fameuse manifestation u Christ sous les traits d'un

enfant est bien sûr celle dont saint Christophefut le témoin33.Onen trouveuneautre,moinsconnue,dans Durmart e Galois(ca 1240)

« Voit un enfançonaparoirQui si beas li senble a veoirC'ains maisbealténe regardaSi volentiers om celi la.Et de l'enfant i a senbléQu'il le voit en cinc liez navréEt es deus mains et es deus piés,Et deversdestre, ce sachiés,Li senbloit el costé férusSi que li sans en coroit jus ».34

Ce sont surtout es exempla quicontiennent es apparitionsdece genre.Thomas deCantimpréXIIIe .)racontecomment n moinecistercien,u coursd'un voyagehivernal, st ému de trouver n bébéabandonnédans la neige.Il le ramasse et va pour le placersur la

32. E.Male,L'artreligieuxuxnieiècle nFranceParis, 948, .304.33.Cf.Jacquesevoragine,égendeoréeéd.cit., .1, p.430-434.34.DurmarteGalois éd.J.Gildéa,Villanova,965,.15575-84.

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104 ÉRIC BERTHON

selle de son chevalquand l'enfant disparaîtsubitement.C'était leChrist en personne, expliquel'auteur35.Césaire d'HeisterbachXIIIe.) rapporte 'histoire 'une vierge rès

dévote à laquelle apparaîten pleineégliseun enfançonde trois ns.Elle lui faitréciter 'Ave Maria cequ'il fait parfaitement songrandétonnement,usqu'au momentde dire « le fruit de tes entrailles stbéni», ce qu'il refusepar contre de répéter, ar, nous dit le texte,il est le Christ lui-même t ne veut faire sa propre louange36.Onretrouve peude choseprès e même récitdansYexemplume infan-da Christi andisque dans celui intituléDe eukaristia super hos-pes eram le Christ,voulant satisfaire e désird'un de sesfidèles, uiapparaît « sous la forme d'un très bel enfant (in specie pueripulcherrimi)7.

VexemplumTubachn°1035 montre n ermite ui a la visiond'unenfant en pleurs toujours le Christen réalité)car, dit-il, e Christ,bien qu'il soit mort pour tous, ne peut compterque sur la fidélitéd'un homme sur cent38.

La lecture esexemplandiqueaussiquele mimétismee l'enfantau Christ se renforced'un mimétisme l'hostie.

La neuvième ectiondu Dialogusmiraculorum e Césaired'Heis-terbach onsacrée u corpsdu Christ ffre ci deuxtémoignages.ansle premier,Césairedécritun chanoinequi, au momentde célébrerl'Eucharistie,découvreque l'hostie s'est métamorphoséen un trèsbelenfant non iamin manibus uisspeciempanis,sed infantem ulcherrimum). uand il le déposesur l'autel, celui-cireprend a formepremière39.ans le second,il rapporte 'histoired'un frère onverstémoinde la transformatione l'hostie en un magnifiquenfant spe-ciosissimumuerum)dans la bouched'un de ses coreligionnaires40.

VexemplumTubachn° 1001raconte brièvement n autre récitde ce genre un jeune garçon,au momentde la Communion,voitun moine en train d'avaler un enfant en placed'hostieet s'enfuit,

épouvantéà l'idée d'être mangélui-même41.DansYexemplumubachn° 2644,c'est une femmemalchanceuseau marchéqui décidede punir e Christ n enfermant on corps (unehostie)dans une boîte. Un peu plus tard, quand son mari, intrigué,

35. Cf.R.Carron, aplace e 'enfantans afamillee a Franceeptentrio-naledudébutuxw iècle lafinduxiw iècle,hèsenédite,aint-Étienne,983,p.822.

36.Caesarueisterbacensisonachirainis isterciensisialogusiraculorum,VIII, 8,éd.J.Strange, ologne,851.

37. J.Klapper,rzählungenesMittelaltersBreslau,914,° 12et 15,p.240et242.38. F.C.Tubach,ndex xemplorumFFC204,Helsinki,969. ur e memethème,oir ncoreesexemplaubachn°10131020 1025et 5170.

39.Césaire'Heisterbach,d.cit., X,2.40. bid., X,42.41. PubliéarJ.Welter,TabulaexemplorumParis, 926, ° 219.

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LESOURIREAUX ANGES 105

ouvre a boîte,il y découvreun enfant. UexemplumTubachn° 2661rapporte ne histoire 'hostie cachée dansun arbrecreuxqui se méta-morphose également n enfant42.

Tous ces récitsne sont que des variantesdu thèmeplusvastedela manifestation u Christ sur terre. ls ont le mérite de démontrerclairementes principesd'équivalenceet d'interchangeabilitéui pré-sidaient u MoyenAgeà la représentationu Christ, ue se soit soussa forme ropre, ouscelle del'hostie,ou souscelle d'unjeuneenfantà la beautéremarquable43.

L'enfant « doublure» du ChristDans la formede l'imitation u Christ dont nous venons de voirquelques exemples,'enfant peut être considérécommeun « prête-corps» pourcertaines e ses interventionsur terre. l existeune autreformed'imitationoù il ne joue plusexactement e rôle maisplutôtcelui de« doublure : leChristn'intervient lusen personne ce sontles hommesqui, à traversun enfant, réitèrent ans l'imaginaireunépisodede sa vie.C'est dans cettecatégorieque l'on peut ranger esenfantsmartyrs es fameux« meurtres ituels attribués ux juifs,commeles deux exemples quisuivent e montrent ettement44

La première eune victimeconnue est Guillaume de Norwich(t 1144),dont le martyre st relaté par Thomasde Monmouthdansles années1172-1173 lesjuifs qui ont décidéde tuer un jeunechré-tien à Pâquesfont porter eur choix sur Guillaume,un enfant dontla vertu t l'innocence ont exceptionnelles.ls chargent oncun traître(quele biographecompareà Judas)de s'en emparer.Une fois entreleursmains,ils se livrent ur lui à toutessortesd'humiliations t desévices imitésde la Passion duChrist ils lui rasent a tête afin dele couronnerd'épines,ils le crucifient près une parodiede procès,ils lui percentenfin e flanc gauche.

42. F.C.Tubach,p.cit.43.La beauté ors ucommunuicaractériseesenfantsans esrécits eutsecomprendre,emêmeue e rire lushaut, ommeesignee leur lection.l

suffit, ourustifierette ypothèse,'observerenouveaues lus t esdamnéseBambergncomparantette ois a beautéereineespremiersla laideuronvul-sivedes seconds.

44. Sur esmeurtresituels,f A. Vacandard,Laquestionumeurtreituelchez esuifs dans tudes ecritiquet d'histoireeligieuseParis, 912Onpeutégalementonsulter.Vauchez, Antisémitismet canonisationopulairesaintWerneruVernier,nfant artyrtpatronesvignerons, dans es aïcs uMoyenAge, ratiquest xpérienceseligieusesParis,987ou encore'articleRitualmorddans eHandwörterbuchesdeutschenberglaubenst. 7,BerlinndLeipzig,936(réimp.n1987),ol.727t uiv. l faut aireemarquerue es nfants is n cènepar esrécits e meurtreituel esont as toujoursetout eunesnfantsommeceuxuim'occupentans et rticle.ourtant,ls ont ouventtéreprésentésinsipar 'image,nparticulieranses ncunables,ncontradictionvec es extes(voir,par xemple,e cas deSimon eTrenteansDieGeschichteondemKindymonGuntherainer, ugsbourg,475.aris, NRéserve .307).

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106 ÉRICBERTHON

Dans le casd'Huguesde Lincolnt 1255),dont 'histoire st prin-cipalementonnue à travers a ChronicaMajorade MatthieuParis45,le parallèlechristique st encoreplus frappant.VersPâques,lesjuifsde Lincoln dérobentun enfant âgé de huitans. Ils élisentalors unjuge queMatthieu ariscompare Pilate tanquampro Pilato. Aprèsun jugementde théâtre, 'enfant reçoit e supplice il est battu, cou-ronnéd'épines (spiniscoronatus),humilié ommelors de la Dérisiondu Christ sputs et cachinis acessitus).Chacun lepiquede la pointede son couteau.On lui donne du fiel à boire (potatusfelle), on leraille Jesu Pseudoprophetavocatus),enfin,on le met en croix et on

le frapped'un coupde lance aucœur (crucifixeruntt lanceaad corpupugerunt).Comme c'estle cas dans la plupartdes récitsde meur-tre rituel, es juifs ne parviennent as à faire disparaître on corps.Ils tentent ien de l'enfouirsous terre mais, par miracle, l réappa-raît toujoursà la surface Et cum maneputatur absconditum, diditillud terra t evomuit, t apparuitcorpus aliquotiesnhumatumupraterram...).Outreque d'un pointde vue narratif e motif permetdedécouvrira culpabilitédesjuifs, on peut facilement'interpréter, upointde vueallégorique,ommeun écho de laRésurrectionu Christ.

De la vertuau mimétisme

Si lesenfants nt pu servir e « prête-corps ou de « doublureterrestres u Christ, 'est, me semble-t-il, arce que, dans l'espritdutemps, ls participent lus que d'autres de ses vertus t qu'ils symbo-lisent 'innocenceévangélique,a viehors le péché.En toute ogique,par exemple,esvictimes esjuifsmisesen scènepar l'imaginairehré-tien, ou le Christaux stigmates e Durmart e Gallois auraientdûêtredesadultesdansla forcede l'âge.Mais àla fidélité u textebibli-queet à la personnehistorique u Christ, ui n'auraitproduit u'uneanalogiede vraisemblance,es médiévauxont préféré ne fidélité umessagede l'Évangileet à la personne pirituelle u Sauveur,qui pro-duit une

analogied'essence

l'adéquationau Christfondée ur l'inno-

cencel'emportesur l'adéquationfondéesur les apparences.Biensûr, on pourrait bjecter espropossanscesse citésde saintAugustin « l'innocencede l'enfant tient la faiblessede ses mem-bres, non aux intentions ^. Maisce grand saint est ici l'arbre quicachela forêt. Ainsique l'a noté R. Carron, à partir du XIIeiècleau moins,un courant ntellectuelmportant e révèletrès majoritai-rementfavorableà l'idée de l'innocenceenfantine47.

45Matthieuaris,Chronicaajoraéd.part. r.Michel ansHuguese Lin-coln,ecueile balladesnglo-normandest cossaiseselativesumeurtree cet nfantcommisar esuifs n 1255Paris, 834.

46. SaintAugustin,esconfessionséd. et trad. . deMondadon,aris, 982,Livre-711).47.R.Carron, p.cit.P. Riché eleveue aquestione innocencenfantineétait éjàdébattueans eHautMoyen ge, articulièrement,it-il, ans esmilieuxceltesP. Riche, L'enfantans eHautMoyen ge, dans nfantt ociété. nna-lesdeDémographieistoriqueParis, 973,.95-98).

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LESOURIREAUX ANGES 107

Le premier eut-être, aintAnselmeXIe.) affirme ue l'enfant,hors le péché originel,est sans péché48.

Au XIIeiècle,ce point de vue est déjà largement artagé.PourAdam de Prémontré ommepour Juliende Vézelay,l est de fait quela culpabilité ugmentevec l'âge49.Guerricd'Igny, moinedu milieudu XIIeiècle,loue dans ses sermons apuretédu corpset du coeurde l'enfant.Mieux, l existe elon ui unecorrespondanceertaine ntrela mansuétudedivine et l'innocence et la douceurenfantines50.

Au XIIIeiècle,Alain de Lille continuede considéreres péchésdes enfants omme étant d'une importancemineure, andisque Vin-cent de Beauvaissouligneeurangélisme « Ils sontplacés parle Sei-gneurdans l'assembléedesanges,car ils leur sont semblables npuretéet en aptitudeà louer Dieu ».51.Guillaumed'Auvergne oue quantà lui la saintetédes enfants u'il justifiepar leursimilitude u Christdans la grâce « Lespetits nfants, n vérité, ont sanctifiés ...) carils sont semblablesau Christ dans la grâceet, de ce fait, ui serontnécessairement emblables dans lagloire».52

À la fin du MoyenAge,Nicolas deClamange développeui aussile motifde l'innocencenfantine ans un sermon nédit ur les SaintsInnocents. l illustre on proposen comparant 'innocencede l'enfantà la blancheur actée dusangqui couledans sesveines53.Jean Ger-son, pour sa part, va jusqu'à voir dans lesenfants es acteurs d'uneréformemoralede l'Eglise qu'il jugeindispensable54.

La croyancedans les vertusdu sangLa croyancedans la vertu thérapeutiquedu sang des jeunes

enfants st l'un de ces universauxe la penséehumaineque l'on ren-contreencoreaujourd'hui: dans sa légendenoire,Ceaucescupassait

48.Cité arR.Carron, p.cit., .815 t suiv. Profectoequituruia nfansquinullumabeteccatumisi riginale,undusst peccato.49.Ibid.

50. bid. Congruebatrgo um ivinamansuetudineetasnnocientiscfacilisinfantiae.51. bid. IbiassignanturDomino econventungelorum,uiasimilesunteis npuntatet aptitudineaudandiominum.52.Guillaume'Auvergne,e universopart.I, chap.XXI,d.Operamniat. I, Paris, 674 Deparvulisero ancìicais ...)quiaimilesunt hristongra-tia, t propterocexnecessitateimilesifuturi unt ngloria.53.CiteparFrançoiserier, L'humaniste,eprêtret 'enfant ort le ser-monDesanctisnnocentibuse NicolaseClamange, Sénéfiance°9, Aix-en-

Provence,980,. 125-138[ nfantiaquetuum ostremoanguinem,ácteodhucquodammodoiquoret - quodprestantiusst innocentissimauntateandida-tura anto eogratioremudistiuantobomnimacula elontagionelagiciosiperispollueteueogitationisagislienum.

54.Cf. F. Bonney,JeanGersonunnouveauegardur 'enfance, dansEnfantt société.nnales eDémographieistorique.aris, 973,.137-142.

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LESOURIREAUX ANGES 109

jouer un grand rôle et même à servir de mobile aux meurtres59.En 1235,uneaffaire clate à Fulda. Les Annalesd'Erfurt igna-

lent à ce propos quele 28décembre es« croisés» égorgèrent rente-quatre uifs desdeux sexes accusés d'avoir assassiné escinqfilsd'unmeunier e jour de Noël et d'avoir recueilli eursangdans des sacsétanches60.On remarqueraau passage la portée symboliquedesdates: meurtre erpétré la Noël et vengeance prisele jour de lafête des Innocents.

A proposdu même crimede Fulda,lesAnnalesde Marbach fontétat de l'intention es juifs d'utiliser e sang des enfants des finsthérapeutiquesut ex eis sanguinem d suum remedium licerent)61.En 1297,une nouvelle accusation estportéecontre es juifs. Lajusticeroyale produitalors ce texte « ...Ils ontété accusés d'avoirenlevéun enfant hrétien t d'avoir recueilli e sangde son cou dansun petit vase de verre...»62

Aux XIVet XVeiècles,les accusations de cegenresemblent emultiplier. itonssimplementet extrait u poèmeflamand Van SenteWaernerxivcs.) qui raconte e martyre e saint Werner t introduitun autre usagedu sang, l'usagerituel

« Ils lui firent lusieursblessuresAvec des poignardset des couteaux,Ils lui firent lors, toujours à la mêmeplace,Sortir tout le sang du corps,Et recueillirente sang dans un récipient.Cela ils le faisaientParce qu'avecce sang, je le sais,Ils voulaient faire leur sacrementCar ils avaientl'habitude,ce n'est pas un mensonge,D'avoir chaqueannée un enfant chrétien,Frais, florissant t rose ;Cet enfant ls le mettent mortAfin d'avoir son sang...»63

On retrouve ncore le motif du sangdans quelquesœuvres so-lées commele Roman deJaufré fin XIIe.) où l'on voitun lépreuxexpliquer pourquoiil a tué huit petits enfants

59. Ce retouru dossieresmeurtresituels ontreombienlprésente'intérêtpouresujet t surtoutommentoutesesdimensionsymboliquese 'enfant,ré-sentéesciséparémentour esraisons eclarté,ont n fait mbriquées.60.MGH,cript.,.XVI,p.31.

61. CitéparA.Vacandard,rt. it.,p.138.62. CitéparR.A.Michel, Uneaccusationemeurtreituelontrees uifsd'Uzèsn 1297, dansBECLXXV,914... dicebanturepisseuendamuerumChristianůmt anguinemxtraVisseecollojusdem,uem anguinemeceperuntn

quodamif parvo evitreo...63. Van enteWaernertrad. .Stengersans esuifs ans esPays-BasLou-

vain, 949,.56-57.

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110 ÉRIC BERTHON

« Ai aquestzviii enfans delitzE de totz devra aitai far,Del sane mefazia ajostarMo seinersains, malgratmeu,Et nous ment, fe que deiga Deu,Per so que bainar se deviaPer garir de la mazelia ».M

La survivancede cette croyances'expliquecertainement ar laforte ymboliquemédiévaledu sang,en particulier u sangdu Christ.

Sansrevenir ur le casdes meurtres ituels ù la parenté ntre e sangrédempteur u Christ et celui des jeunesenfants st claire,on doitfaire remarquer u'elle se trouveégalementdans Ami et Amile. Ilest possible,en effet, 'établirun parallèleentre a mort des enfantsd'Amileet la Passion.L'analogie s'exprimepar un soucid'allégori-ser dans le récit romanesquecertainspassages évangéliquesla col-lectedu sangdesenfantsdansun bacin d'or (« Le sane reciut l clerbacin d'or mier») rappellecelle du sang du Christ dans le saintGraal; le lavementdes plaiesd'Ami avec cesanget sa guérison stévidemmentn écho terrestre e la Rédemption la résurrection esenfants, ouant avec unepommed'or, réitère ans doute possiblecelledu Christ,et redoubledans le récit épique l'imagetraditionnelle uChrist-enfant la pomme,symbolede sa victoire ur le péché.

On peut aussi citer ce témoignagede Jacques de Lausanne(t 1321) quiétablitun doubleparallèleentreenfant et Christ d'unepart, lèpreet péchéd'autre part «... il est possiblede fairedispa-raître a souillurede la lèpreavecle sangencore chaud d'un enfant,comme onpeut e liredans l'histoire e Constantin apportée ar saintSylvestre. e la même manière ue la lèpredu péchédu genrehumaina été effacée par le sang du Christ alors qu'il était dans l'âged'homme».65

On voitque, si la croyanceen la vertuthaumaturgique u sangdépasselargementes borneschronologiquesu MoyenAge, l'emploiqui en a été fait durant cettepériodecorrespond un modèle bienprécisqui est celui d'unechristianisationu sensle plusfort, u sensd'une analogieétroite vec le propresangdu Christ. Ce n'est plus,commedansla légendeconstantinienne,ar l'action de sa seulevertuque le sang enfantinguérit,mais parce qu'il est d'une nature sem-blableà celuidu Sauveur.Cetteanalyseprocèded'une logiquedéjàentrevue,qui fait de l'enfant un proche du Christ et l'un de ses

64. LeromaneJaufrééd. ettrad.R.Nelli etR.Lavaud,ans es trouba-doursParis, 960, .2703-9.65.JacqueseLausanne,pusmoralitatumLemonicis,laudiGarnier,528,

f°CLXXVl° ...maculamepraeportetmovereumanguinealidoueri. icutlegiturnhystoriaanciiilvestrie Constantino.ic eprameccati enerisumānioportuitbstergíanguinehristidolescentis.

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LESOURIREAUX ANGES 111

« corps possibles» sur terre. on sang,dans la psychologieesrepré-sentations, st donc à mêmede remplacer elui du Christ,de servir,dans les limitesde la vie terrestre, une nouvelle Passion et à unenouvelleRédemption.

Au termede cet article, 'espère avoir atteintmon but qui étaitd'intéresser a recherche u problèmenouveaud'une anthropologiemédiévale de l'enfance abordée sousl'angle religieux.

Pour ce faire, 'ai tenté de mettre n évidencetrois dimensionssymboliquese l'enfantque l'on peut résumer insi : dans la géogra-phie médiévale des mondes(terrestres t célestes), 'enfant est placéà la charnièrede ce plan vertical i prééminent ui reliel'homme àDieu.Il est l'un des grandsbénéficiaires e la distribution es signesdivinset une imagevivantede l'élu. Il est souvent ssimilé u Christ,non seulementu Christ-enfant ais encore au Christde la Passion,par le fait d'un analogismequi privilégiemoins la communautéd'apparence quecelled'essence.

Cette tendance symbolisatrice, ont on pourrait donner biend'autresexemples,ui confèreune valeurspirituelle ors du commun,qui me semble nourrir en profondeur e sentimentmédiévaldel'enfance.

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Médiévales5,automne993,p.113-128

Hilario FRANCO Jr.

LE POUVOIRDE LAPAROLE :

ADAM ETLES ANIMAUXDANS LATAPISSERIEDE GÉRONE1

Morset vitae n manu inguaeProverbes8.21

La courtepériodequi représentee séjourdes« premiers arentsau Paradis estrestée a moinsétudiée de toutes

les phasesde l his-toire adamiquedans les traditionsudaïquesou chrétiennes, anoni-quesou apocryphes.L iconographiemédiévalen a pas non plus pro-duit beaucoupd imagessur ce thème. La plupart d entre elles trai-tent du passage bibliqueoù Adam donneun nom aux animaux2.Parmi ces représentations,a plus intéressante st peut-être elle dela tapisserie e Gérone,conservée u musée de lacathédralede cetteville(Fig.1).

Cette tapisserie,une broderie en laine qui mesureactuellement3,65m sur 4,70 m, était à l originebeaucoup plusgrande.Ellea étéprobablementabriquéen Catalogne,entreXIeet XIIeiècle,pourêtreutilisée ommebaldaquinet disposéederrière autelpendant esgran-des cérémonies3. ur les frises upérieure t latérales21 petits car-rés représentent es allégoriesde l Année, des quatre saisons,desdouzemois. Sur la frise nférieure, ujourd hui presquetotalementdisparue,était narrée Inventionde la SainteCroix.Aux coinsdugrandcarrécentral ncadrépar ces frises, ont représentésesquatrevents de la terre.

Au milieuenfin ont dessinésdeuxcercles oncentriques.e pluspetit montre e Créateuravec lamaindroite evée engestede béné-

1.Cet rticle bénéficiéescommentairesuprofesseuracqueseGoff, uenous emercionsivement.2. Gn2, 19.3. P. Palol,«UnebroderieatalaneépoqueomanelagénèseeGérone,Cahiersrchéologiquest.8,1956,.190t t.9, 1957,.248-249P. Palol,Eltapisdela creació elacatedraleGironaBarcelone,986, .70-74t 154.

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Fig.1. Tapisseriee Gérone vue d ensemble.

diction,tandisqu avec la gaucheil tient un livre ouvert où l on peutlire Sanctus Deus

Le cerclele plus grand est divisé en huit scènes. Au-dessus dela Divinité onpeut voir l esprit de Dieureprésenté ar une colombe.D un côté est représenté ange des ténèbres, t de l autre l ange dela lumière.Pour

complétera moitié

supérieureu cercle, l y a d un

côté la création de la voûtecélesteet de l autre la séparationentrele cielet les eaux. La moitié nférieure u cercle est divisée en troisscènes.Sur la partie la plus basseapparaît la plus grandescènedela tapisserie, elle de la création des oiseauxet des êtresaquatiques.Cette scène est entouréede deux autres. Dans l une d elle Adamnomme les animaux. Sur l autre, symétrique,Ève naît du flancd Adam endormi. Surle bord de ce grandcercleune phraserésumequelquesversetsde la Genèse4. Dansla scènequi ici nous intéresse,situéeà droite de l observateur,Adam est devant un grouped ani-maux,et il regardee Créateur andisqu il exerce on pouvoirde nom-

mer (Fig.2).4. «InprincipioreaviteusCelumt Terram are t omniauoenElis unt

EtViditeusCunetaueFeceratt ErantValde ona, d après n1,1-2 10-1218 20-21 24-25 31.

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LEPOUVOIRDE LAPAROLE 115

Fig.2. Tapisseriee Gérone détail Adam nommantes animaux.

La puissancede la paroleIl s agit donc,à première ue, d une représentationraditionnelle

du passage biblique.Mais comment tait-ellenterprétée ar lesqua-tre mille habitantsde la Gérone d alors5? Notretentative e réponsedoit considérer rois niveaux. Lepremier oncerneune donnée detrès

longuedurée, e pouvoir magiquede la parole, croyance rèsancienneet répandue6.La Mésopotamieet l Égypte anciennes,par exemple,attribuaienta créationdu monde au pouvoirde la parole7.Danscescivilisationshacungardaitsecret on vrai nom dont la connaissance

5. J.Pla Cargol,GeronaistóricaGérone-Madrid,940, .271.6. Lepouvoir agiqueesmots st une e ces ssociationsidéesianciennes

et remontanti haut ans es annales e la raceu ellesont artie upatrimoinehéréditaireont es ndividusux-mêmesont peineonscientsantls intègre,ourainsi ire, leur ature : G.Berguer, Lapuissanceu nom. esoriginessycho-logiques, ArchivesePsychologiet.25, 1936,.313.Sur importanceeligieusedunom

our lusieursociétés,n

peutoir .M.

Denny,Names nd

naming,in M.Eliade(éd),TheEncyclopediaf ReligionNewYork, 1987,vol.10,p.300-307.7.Poema abilonicoe aCreaciónv.7-8, rad. .L. Peinado t M.G.Cordero,

Madrid,981,.92 M.H. Trindadeopez,O homemgipciosua ntegraçãoocosmosLisbonne,989, . 17-22t 76-77.

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aurait donné à quelqu un d autre pouvoir de le soumettre8.Celaétait même arrivé au dieu Rê qui, contraintpar les arts magiquesd Isis, avait dû lui révélerson nom secret9. Parmi les Grecs, leshéroschangeaient e nomquandun rite de passageles amenait à unautre stade de la vie, par exempleJason, Achille et Héraclès10.Mêmepour la philosophiee nom était ié à l essencedeschoses,d oùl importance e Pétymologie,évélatrice utanten ce qui concerneesdieuxque pour les astresou les conceptsmoraux11.

Dansle judaïsme,« la mortet la viesont au pouvoirde la lan-gue»12,puisque l univers a été créé par la parole divine. Plus

encore, le nom de Dieu était tellement fort qu il étaitimprononçable13.Tous les noms divins étaient aussi puissants:« quiconqueinvoquerale nom du Seigneur era sauvé»14.Le chris-tianisme,nsérédansla même structurementale, royait ussiau pou-voir du mot, surtout celui de Dieu, qui est comme une « épée»15,et desnomsdivins,« qu aucunebouched homme ne doit prononcers il n est pas en dangerde vie»16. L Islam acceptait égalementcepouvoir magique,surtout e soufismedont les adeptesconsidéraientla paroled Allah commetellement acrée qu elle devait être répétéemême si l hommene la comprenait as. Pour lesCeltes,un des prin-cipauxhérosde la cour d Arthur tait GwrhyrGwalstawteithoedd,littéralement l interprète es langues», celuiqui connaissaitous lesidiomesexistants17.

Héritièrede toutesces traditions, a société chrétiennecciden-tale réservait, lle aussi, une place importante la parole dans savisiondu monde.La paroleétait considéréecommecréatrice,maisaussidestructrice,ommeelle l était pour les Égyptiens18,es Juifs19et les Celtes20.Mal utiliséeelle pouvaitprovoquer l apparitiondudiable sousune formeanimale,commeles hérétiquesd Orléans en

8.G.Contenau,

a viequotidienneBabylone

t enAssyrie

Paris,1950,p.167-173.9. E.A.WallisBudge,gyptianeligionLondres,ouv.d.1979,.137-141.

10. J.SousaBrandao,MitologiaregaPetrópolis,987,.3, p.31.11.Platon, Cratyle383ab,400e-408d,09a-410e,11c-421c,d. et trad.

L.Méridier, aris, 931,.48 et77-107.12.Prov.18,21.13.Sur enom ivin ans Ancienestament,oirA. M.Besnard,emystere

du nomParis, 962,t dansa Cabale,.G.Wald,TheDoctrinef theDivineName.An ntroductiono ClassicalabbalisticheologyLouvain,988.

14.JI 3,5.15.Parexemple,p 6, 17 Hb4, 12 Ap1, 16.16. Chrétien e Troyes, e contedu uraal(Ferceval> v.6263-6266,a.

F.Lecoy, aris, 979,.2, p.13.17.Mabinogiontrad.M.V.Cirlot, adrid,982,. 198.18.Trindadeopez, p.cit.,p.79-81.19.A.Boudart, Malediction, Dictionnairencyclopédiquee a BibleIurn-

hout, 987,.773-775.20.Muirchertach,ils tre, trad. .J.Guyonvarc,AnnatesÒC,.38,1V83,

p.994.

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LEPOUVOIR E LAPAROLE 117

avaientfait l expérience u début du XIeiècle21.Mais elle pouvaitégalementmaîtriser es démons,comme le raconte à proposde saintMartial de Limogesun hagiographede la mêmeépoque22 connais-seur de toutes les langues,le saint conjureles mauvaisangeset lesobligeà dire leur nom, manièrede les soumettre t de leur ordonnerde disparaître jamaisdans ledésert.De mêmeque posséderun nomest exister, onnaîtree nom est contrôler e qu il désigne.C est pour-quoi certainsobjets recevaientdes noms, ainsi les épéesdes héroscomme le Cid, Roland, Olivier,Turpin, Ganelon,CharlemagneetArthur23. nfin, savoir utiliser es mots équivalaità une pratiquedepouvoir en effet Dieu avait fait de Moïse un orateur24.Le pouvoirde la parole était considéré commeefficace,et lasociété médiévalea possédéun vastechamp sémantiquede violenceverbale25.Le modèle étaitbiblique, puisquela Divinité elle-mêmeavait maudit le serpentresponsabledu péchéd Adam et Ève26. Lamalédictione Noé surChamétaitconsidéréeomme origine u phé-nomène social del esclavage27.Danscet esprit malgré aint Pierrequi a dit « bénissezet ne maudissezpas » et saint Bernard« bénir,pas maudire» - la documentationmonastiquemédiévale montred innombrables ormules e malédiction28.n reconnaissant effica-cité symboliquede la paroleet en souhaitantrestreindre on usage,Pierre Damien aumilieu du XIeiècleprêchait ontre e « vicede lalangue» ; de la fin du xiicsiècle au milieudu xiiiesiècle lesthéolo-giensont systématiquementiscuté,évalué et classé divers« péchésde la langue»29 dans la deuxième moitié du xiiicsiècle,LouisIXen France et AlphonseX en Castille30égiféraient ontre le blas-phème.

21. Paul deChartres, iber ganonisVI, 3, nCartulairee abbayeeSaint-Pèrede Chartreséd.

B.Guérard, aris, 840,.1,p.112.22. La viede SaintMartial eLimogesXV,Jrad. . Paupert,urnholt,991,p.69-71.23.Poema e mioCid éd. I.Michael,Madrid, 980,.1010,426 t2575LachansoneRolandéd. J.Bédier, aris, 928,.346, 26, 88, 055,065, 079,1120, 324, 339,363, 462,463, 550,583, 870, 953,089,143,264, 304,2316,780,501 t 2508GeoffreyeMonmouth,istoireesRoisdeBretagne147,rad. . Mathey-Maille,aris, 992,.208.24.Ex.4, 10-12.25.Commeamontréout écemmenteColloquenternationalL invectiveu

Moyenge (Paris,-6/2/1993).26.Gn3, 14-15.27. Gn9, 25-27Augustin,e Civitateei XIX,15,PL41,col.643.28.L.K.Little, Formulesonastiquesemalédictionsux xc t Xeiècles,

RevueMabillont. 56,1975,.377-399«Lamorphologieesmalédictionsonasti-ques, AnnalesSC t.34, 1979,.43-60.a mêmehoserrivaitnCatalogne,commea montré .Zimmermann,Levocabulaireatin e lamalédictionu IXeau xiieièclesconstructionundiscoursschatologique, aucolloqueité ans anote 5.29.C. Casagrandet S. Vecchio,espéchéselalanguetrad., aris, 991.

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Bienutilisée, a parolesauve,par exempleors de la confessionhormisGratien, ous lesthéologiensu XIIeiècle considéraienta con-fessioncommeobligatoire,ce que le Concilede Latran de 1215 aréglementé,n l imposantà tout chrétien u moins annuellement. aculture léricalensistepour que la confession oit faite à un prêtre,maisà défautellepeut l être quand mêmeà un laïc31 la nécessitémythique e l expiation par les mots était plus forte que les restric-tionsthéologiques.a parolesauvemêmea posterioricomme e mon-trent es prières t les messesà l intention e l âme des morts. Puis-que la paroleest puissante,elledevientdangereuse i elle n est pasprononcée.Le silencede Perceval,qui n a pas poséla questionadé-quate, a prolongé es souffrances u Roi Pécheur et de son pays32.Mystérieuset ambiguë,la paroleétait à l originede tout. Commel avait dit le Christ ui-même, c est d après tes paroles quetu serasjustifié, c est d après tes paroles que tu seras condamné»33.

SelonPierreLombard,a transsubstantiatione réalise u momentoù la formuleiturgiquest prononcée elle arrivedonc« par la forcedes mots», selonl expressionde Pierre Comestor34.On comprendainsila condamnationpar plusieurs oncilesde la seconde moitiéduXIeiècle desidées de Bérengerde Tours. En niant la réalité de latranssubstantiationt en défendant a libre nterprétation es Écritu-res,non seulementl menaçait essentiel e l activité acerdotale,maisil contrariait ussi la croyancegénéraledans le pouvoir magiquedesmots. Cette tendanceexistait ussi, au début du sièclesuivant,dansl hérésiede Tanchelmd Anvers, pour qui l efficacitédu sacrementdépendaitde la conditionmorale de celuiqui l administre35. ans cecadre mental, es débatsthéologiquessur le nominalismet le réa-lismeétaient expressionrudite es préoccupationst des intérêts ro-fonds des hommesdu Moyen Age.

Pour la société hrétienne édiévalee sacrementu baptême taitla vraie naissancede l individu,non seulementparce qu il était lavé

du péchéoriginel t était alors admis danscette société,maisaussiparcequ il recevaitun nom. En effet, pour la mentalité rchaïqueseul celuiqui a un nom existe.Et si ce nom est celui d un martyr,d un saintou d un personnageiblique,a personne eutrecevoiruel-ques unes de ses vertus, elonl ancien principedu bonumnomem,bonumomem.L hommeen tant qu espèceest semblableu Créateur,

31.E.Vancard, Confession, Dictionnairee ThéologieatholiqueParis,1938,. II-l,col.875-882.

32.Le conte u Graalv.3291-3297,538-3557t 4628-4643,p. cit.,t. 1,p.104-105,12 t 145.

33.Mt12,37.34. CitésarJ.-C. chmitt,a raisonesgestesans Occident édiévalParis,1990,.344-345.ierre ombard1095-1160)t Pierre omestor1100-1178)ontpasdirectementervi esourceouratapisserie,aisls ynthétisaientes déesuin étaienti nouvellesiexclusivesu nord uropéen.35.Vita anciiNorbertiXIII,79,PL170,ol.1311.

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en tant qu individuil est semblableà son saint patron. C est pour-quoi, en devenantpape on changeaitde nom; pour celaégalement,un chrétienne devaitpas porterun nom païen36.Pour cela, enfin,un chrétienn adoptait jamais le nom du Christ37.Le nom renvoietoujoursà un modèle.

Dansles bestiaires u xiicsiècle lesenluminuresmontrent u ennommant es animaux,Adam en révèle essentiel « la natureprimi-tive et l essence même deschoses se reconnaissent l étymologie esnoms qui les désignent 38. D où l intérêtdes hommesdu MoyenAge pour l étymologie, Isidore de Séville auviiesiècleusqu à Jac-ques de Voragineau xnic. En attribuant des noms aux animaux,Adamd une certainemanière es créait au soufflede Dieuqui avaitdonnéla vie à l homme,correspondaientesparolesd Adam, espècede soufflequi concrétisait existence des animaux.

En effet, e pouvoirsacréet créateurdu vent était une donnéereligieusessezrépandue, t apparentéeu mythe e l oiseau-ventxis-tant dans plusieurscultures,y compris a culturehébraïquevétéro-testamentaire39.ans la tapisserie e Gérone lecercle de la Créationapparaîtentourépar les ventscardinaux,qui sont quatre figuresdejeunesgensailés,imberbes omme ePantocrator réateur eprésentéau centre.Or, Adam, qui parleaux animaux,est placéentre Dieud un côté et le vent austral de l autre. Commeeux, l hommeest icicréateur, l règne ur la nature car il est la seulecréature ui possèdele don de la parole.

Une fonctionsemblable étaitattribuéeà un personnagede lamythologie recque,bien connudes artisans de la tapisserie, t quid une certaine açonétait dentifié u Premierhommeudéo-chrétienOrphée.Gérone était liée à la cultureantiquepar son nom même,car on croyait que la ville avait été fondée par le mythiqueGéryon40.ommePere Paiol l a démontré, a culture lassique« esttrès mportante ans l iconographie e la broderiede Gérone»41.Et,bienque cet auteur n accepte pas une tellehypothèse, n a quelque-foisvu Héraclèsdansl avant-dernière igure e la frise upérieure e

36.Cette ratiqueulturelleété églémentéelus ard ar eConcile eTrente,quia instituéuetous esbaptisésevraientecevoirnnom e saint Denny,p.cit.,p.304.37.Dante lighierierimaitas«Christ avec autremot ue«Christ : LaDivinaommediaéd.G.Vandelli,Milan, 979,aradisII,71,73,75 XIV,104,106,108 XIX, 104,106, 08 XXXII, 3, 85,87.38.E.Gilson, aphilosophieu Moyenge,Paris, 962,. 152 X. Mura

tova,«Adam onneeurs omsux nimaux.iconographiee ascène ansartduMoyenge , StudiMedievali,.18,1977,.934-960.39. T.H.G ster,Mito,eyendacostumbren el libro elGenesistrad., ar-celone,973,.11-12L.Leclercq-Max,Entrengest démonslesventsans

l iconographieédiévale, Annaleshistoiree l art t d archéologie12,1990,p.31-42.40. PlaCargol,op.cit.,p.9.41.Palol,Eltapis, . 141-150.

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la tapisserie42.ette hypothèse st difficile prouver,mais ellen estpas absurde au Moyen AgeHéraclès n étaitpas rejeté par les chré-tiens et pouvaitmême assumer un caractèrechristique, ar en abat-tant e monstre Géryon, l avait en quelquesorte combattu e paga-nisme local43.

Orphéeaussi étaitbien connu des chrétiens, comprisde quel-ques Pères de l Église comme saint Justin, Clémentd Alexandrie,Eusèbeet saint Augustin44. iconographiechrétienne es premierssièclesa représenté lusieursfois la scène desanimauxdominésparun personnagembigu, mélanged Orphéeet d Adam. Unereprésen-tationde ce type tait possible parce queces deuxfigures vaientplu-sieurspointscommuns.Par exemple,de la mêmefaçon qu Orphéeétaitdescenduusqu au monde infernal our ne pas perdre a femmeEurydice,piquée parun serpent,Adam auraitconsciemment ommisle péchéet abandonné e mondeédéniquepouraccompagnerve, qui,séduitepar le serpent, vait mangéle fruit nterdit45. ais le pointcommun e plus important tait la voix, la parole, par laquelletouslesdeux maîtrisaiente mondenaturel, n particuliere monde animal.

Une allégoriede la société

Le deuxièmeplan de lecturede cette scèneest le plan exégéti-que, fondéprincipalementur saint Augustin, our qui toutes es espè-cesd animauxont été recueillies ans l Archede Noé,non tant pourleurpréservation que pourreprésenteres différents euples,à causedu mystère e l Église»**. Deplus, affirme aint Augustin, e faitqu Adamait donné des noms aux animaux« fut un événement éel,mais il recèle une significationprophétique , il anticipe autrechose47.On s expliqueque, dès les premiers emps, art chrétien itpréféré raiter ette scène demanière llégorique48.Au XIIeiècleles

42.Ibid.,p.28.43. PourA.Toynbee,StudyfHistoryOxford,940,.VI,p.475,emythe

d Héraclèsétéunedesprincipalesources esrécitsvangéliques..Simon,er-cule t e christianismeStrasbourg,955,std accordvecui p.62-63)t ajoutequeHéraclèstait réquemmenteprésentéans artmédiévalp.169-173).

44.H.Leclercq,Orphée, Dictionnairearchéologiet de iturgiehrétienneParis, 948,ol.XII-2,ol.2736-2737.

45. CemytheudaïqueR.Gravest R. Patai,Lesmythesébreuxtrad., aris,1987,.93),n était robablementas nconnues lercs e a cathédraleeGérone,où lecloître ontrene cèneu PéchériginelFig. )dansaquellena suivi neinterprétationabbiniqueeprésentantefruit éfenduousa formee raisinsMidrachRabbaXV,7, trad. . Maruanit A.Cohen-Aarazi,aris, 987,.184).

46.De Civitateei XVI,7,PL41,col.485.47.DeGenesid litteramIX, 12,20,PL34,col.400.48. H.Maguire,Adam ndthe nimalsAllegorynd theLiteral ensem

early hristianrt , DumbartonaksPaperst. 51, 1987,.363-373.

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commentairesxégétiquestilisaientes animaux commeallégoriesdesqualitéshumaines49.

À l époquemêmeoù fut confectionnéa broderie e Gérone,Gui-bertde Nogent1053-1124)participait e ce courantde pensée,voyantles oiseauxet les poissonscommeallégoriesdesâmes,et les animauxterrestres ommefiguration e l Église50.Pour Abélard(1079-1142)les oiseauxcorrespondaientux célibataires,esreptiles ux gensmariéset les animaux terrestres ceuxqui gouvernaient51.achant cela, ilest parfaitement lausibleque les animaux de la tapisserie ient étévuscomme esallégoriesdesgroupessociaux. Cen est pas un hasardsi les animauxapparaissent arindividus ans la tapisserie e Gérone.En effet iconographieraditionnelleeprésentaitresque toujours esanimaux en couples, par exemple,sur la fresquede Ferentillo lafin du XIIeiècle,ou sur la mosaïquede la coupolede l atrium deSaint-Marc Veniseau début du xnicsiècle,ou encoresur une tapis-serieflamande u milieudu xvicsiècle52. t mêmesur les manuscritsbyzantins ui sont probablementes modèlesiconographiquesde latapisserie3.

Ainsile choix de représenter ertains nimaux,et non d autres,ne doit pas avoir été aléatoire.L analogieanimaux-groupesociauxn est pas due au hasard, elleest bâtie sur le symbolismettribuéchacun.Même laplacedes animaux a ici une signification isolés,un peu au-dessus desautres, presqueau niveaude la tête d Adam,se trouvent n cerf t une licorne un peuau-dessous,rangésen file,de gaucheà droite en diagonaleapparaissentdeuxchiens,un mou-ton, un bouc, un boeuf et un cheval placésderrièreAdam et surun planinférieur ar rapport ux autres nimaux, e trouvent n petitcerf et tout près, au-dessus,un dragon-serpent54.a structure e lascèneamènedonc à en faire une lecturede haut en bas, de la droited Adam à sa gauche.

Cette lecture uit ainsi la hiérarchie ociale,en passantdes ora-

tores ux bellatoresjusqu auxlaboratoresauxgroupesurbains t aux49. W.Cizewski,Beautynd the Beasts Allegoricaloologyn Twelfth-

centuryexaemeraliterature, in H.J.Westra éd.),FromAthensoChartres.NeoplatonismndMedievalhought.tudiesnHonourf EdouardeauneauLei-den,1992,.289-300.

50.MoraliumeneseosI, 18-21,L156,ol.48-54,vec uiconcordaite con-temporainca. 1040-1123)runo eSegni,xpositionGenesím1,PL164,ol. 156C. Les dées e cetvêque,onseillereVictorII,UrbainIetPascalI,papeséfor-mistes,taientrès robablementonnuesGérone.

51.Exposition hexaemeronPL178,ol.771D.52.Florence,aleriaell Accademia,eproduitearJ.Delumeau,nehistoireduParadis. eardin esdélicesParis, 992,lanche, entreespages68 t 169.53.Palol,El tapis p.91-100«Unebroderie, p.195-202.54.Néanmoins,cause esaractéristiquesrtistiquese époque,ucuneden-tificationepeut rétendreune randexactitudeJ.Pijoant J.Guidiol,espin-tures uraisomaniquesCatalunyaBarcelone,948,.74, roientoir n hameau

parmies animauxPalol,desoncôté, arle echeval,aureau, outon,erf,licornet ours «Unebroderie, p.202).

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groupesmarginaux.C est une hypothèse raisemblable,a tapisseriede Géroneétant contemporainees nouvellestructures ociales,éco-nomiqueset politiques qui accompagnaientn Occidentl implanta-tion du schématrifonctionnel55.inexistence n Catalogned un roicommearbitre ntre es groupessociauxne doit pas faire oublier esconditionsocales et le rôlepresque monarchiquedu comtede Barce-lone.

En fonctionde son caractère hristique6, e couplecerf-licorneapparaîtdansla tapisserieomme allégoriedesordres cclésiastiques.C est la raisonpourlaquellecesdeux animauxontéloignésdesautres

et constituent es points ntermédiaires une ligne maginaire ui vadu livre divin usqu à la tête d Adam. Cette idée est renforcée arla positiondesyeuxdu cerf, la même hauteurque lesyeuxdu Pre-mier Homme,et par l extrémité e la corne de la licorne,presquejointeau nom « Adam» brodédans la légende.Ce voisinagefaisaitpeut-être éférence la virginité ymboliséepar la licorneet caracté-ristiquede l Adam d avant la Chute. Deplus, pour HonoriusAugus-todunensis le courage du Christ est comparableà celui de lalicorne57,nalogiequi devait sensibiliseres clercs touchéspar la vio-lence socialeen Catalogne, puisque,commepartout dans l Occidentchrétien, aristocratie aïquecherchait s approprier es fruits e lacroissanceconomique,et cheminfaisant lle n épargnait as l Église,y compris évêchéde Gérone58.

C est pour cela,peut-être, ue l aristocratie été représentée arlechien, nimalfidèle t chasseur valeurs mportantes our a noblesseféodale)mais aussiprédateur t symboledémoniaqueau pointde vueclérical9. Dansla Catalognedu tournant es xie-xiieièclesexistaientdeuxnoblesses,a noblessede sanget la noblessechevaleresque60,tc est pourquoila tapisserie e Géronemontre eux chiens,placéscôte

55. J.LeGoff,

Note ur ociétéripartie,déologieonarchique

t renouveauéconomiqueansa chrétientéuxie uxne iècle, dans our n utremoyen geParis, 977,.80-90.

56.Ils étaient ême, causedecela, ouventonfondusu Moyen ge, f.A.Maury, royancest égendesuMoyengeParis, 896,.260.Lecerf st eChrist,armi autresour rigene, oméliesur e Cantiqueses antiquesII, 11,éd. trad. . Rousseau,aris, 954,.99,pourRupertedeutz, e divinisfficiisVII,15, d. H.Haacke,urnholt,967,CCCM)p.242,tpourHugues e Saint-Victor, e bestis14,PL177,ol.64 B. La licornest e Christ ourAmbroise,Justin,rénée, ertulien,rigène,asile,Honoriusugustodunensis,e romand Alexandrecf.J.-P. ossua,a licornehistoireun oupleParis, 985,.22-25),pour ussieplus ncienestiairerançais,elui ePhilippeeThaon,ans apre-mière oitiéuxneiècleBestiarioedievaléd. . Malaxecheverria,adrid,986,p.147-148)tpour nbestiairenglaise afin uxneiècleBestiaireshmole511,trad.M. .Dupuist S. Louis,aris, 988,.61-62).57.SpeculumcclesiaePL172,ol.847AB.

58.P. Bonnasie,a Catalogneu milieuuxe lafinduxi*iecle, oulouse,1975,.2, p.537-552t 636-641.

59.Maury, p.cit., .2, p.251.60.Bonnassie,p.cit. .2, p.806-808.

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LEPOUVOIRE LA PAROLE 123

à côte, presquesuperposés.Le premier,plus haut, plus procheducouplecerf-licornedont il est toutefois éparé par la ligne qui repré-senteune petite colline)a significativementa même couleurque lecerfet Adam : c est la noblessetraditionnelle. autre chien,un peuplusbas, a une coloration ougeâtreui le rapproche ymboliquementdu bouc et du cheval c est la noblesse récente.

Le mouton et la chèvre étaient des animauxpar définition iésau monde rural. Fécondpour l un et résistant our l autre, tous lesdeux fort utiles sur le plan économique,ils devenaientes symbolesnaturels de la troisièmefonction ndo-européenne.C est-à-dire des

labor tores surveillés t conduitspar leursseigneurs,omme esmou-tons et les chèvrespar les chiens. Le caractèrepluscalme dupremieranimal et plus rebelle de l autre faisait peut-être éférence la dou-bleréalité ociale dela paysannerie,iviséegrossomodo en deuxgrou-pes, un plusvastequi avait été réduit à la condition de serfspar leprogrèsde la société féodale61t un autre plus petit qui conservaitencoreune certaine autonomie.L étymologiede leur nom semblaitconfirmer es caractéristiques.e mouton existaitpour être sacrifié(on croyait ries dériveréde arae lesautels)62,t c était un animalpeureuxcomme esserfs, onsidérés n Catalognecommeles descen-dantsde ceuxqui par couardise n avaientpas aidéCharlemagneon-tre les musulmans63.a chèvrede son côté était vuecomme un ani-mal lascif, impudique, toujours prêteà copuler64.Caractéristiquesnégatives anales dans unMoyenAgequi tendait animaliser appa-rence et le comportement es paysans65.

Lebœuf,généralementssocié aux travauxgricoles, ourrait treune troisièmemagedes laboratoresdans ce cas les esclaves musul-mans),maisplus probablement, e la mêmefaçonquedans YHortusDeliciarumil peut être l image du peuplejuif66.Dans cettehypo-thèse,sa présenceci serait expressionde la croissancedémographi-que quela coloniehébraïquea connue enCatalogneà partir de l an

mil, avec le progrès économiqueet urbain67.Et l expressionégale-ment de son importance ccrue,dont témoignee concile deGéronede 1068qui décidaque les Juifs devaientpayer a dîme sur les biensachetés auxchrétiens68. Gérone même ily avait au XIIeiècleplu-

61.Ibid.,p.809-828.62. Isidore eSeville,EtimologiasXVII, 1,11,éd. trad. .Oroz reta et

M.MarcosCasquero,Madrid,982,.2, p.58.63. P.Freedman,Cowardice,eroismnd theLegendaryriginsf Catalo-nia , Past nd Presentt. 121,1983,.6-14.64.EtimologiasXVII,1, 14, .2, p.58.65. Encoreudébut uxxeiècle n disaitnCatalogneue lepaysanst ani-

mal uiressembleeplus l être umain, cf. P. Freedman,Saintetét sauvage-rie.Deuxmagesupaysanu Moyen ge ,AnnalesSC t.47, 1992.. 539.66. G.Cames,LacréationesanimauxansVHortuseliciarum, Cahiersarchéologiques.25,1976,.134.

67.Bonnassie,p.cit., .1,p.493.68. J.-D.Mansiéd.),Sacrorumonciliorumovat amplissimaVenise,nto-nioZatta, 774,anon 4,t. 19,col. 1072.

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124 HILARIOFRANCOJR.

sieurs boutiques juives69et, au moins dès 1160, une « rue desjuifs»70.C est peut-être arce que le bœuf est ici associé auxJuifs,qu il a le corps noir, couleurde signification égative.

Le cheval, traditionnellementymbolede l aristocratie guer-rière71,embledans le contexte ocialet iconographiquede la tapis-seriegéronaisedevoir être associé à l élite urbaine.En effet, parmiles transformation es xie-xiieiècles,on constate essor d un groupenon-aristocratique ui se rapprochaitde plus en plus de l aristocra-tie. Groupedifficile définir, probablementd origine paysanne,etqui par sa richesse, es habitudeset ses alliances matrimoniales en-

dait à fusionner vec la noblesse72,t pour cetteraisonà être asso-cié aux symbolesde cette dernière.De plus, le cheval étantpour lechristianisme es premiers ièclessymbolede joie et de triomphe73,la tapisserie, vec ses tracesarchaïsantes, peut-être dapté ce sensà l actualité,en faisant du cheval un synonyme e victoire ociale.PuisquesaintAugustinfaisait du cheval un symboled orgueil74,etanimalpourrait ymboliserci des individus riginaires e la paysan-nerie en voie d ascensionsociale.

Opposéau couplecerf-licorne,pparaît, de l autre côtéd Adamle couple cerf-serpent, nimaux ennemis75.Le cerf est là commereprésentation es néophytes ui cherchent e baptême76t qui sontmenacéspar l énormeboucheouvertedu dragon-serpent,ncarnationde la perfidie iabolique.Parceque le dragon-serpent affronte asles fidèlesouvertement,omme le fait e lion, maissournoisement77,comme dansla scèneen question,on peut se demander si dans lecontexte e l époqueil ne ferait as référence l hérésie.En tout étatde cause,il y a un jeu de miroir ntéressant ntre e serpentrepré-senté à gauchedu PremierHomme,au niveau de sonbassin,et Èvequi dans la scènesymétrique aît du corps d Adam du même côtégaucheet au mêmeniveau. Ce schémaiconographiquefondésur letexte biblique- en écoutant le serpentÈve a provoquéla chute

d Adam-

rappellel expressiondu contemporainRupertde Deutz

69.L. SuarezFernandez,udiosspañolesn la EdadMediaMadrid, 980,p.93.

70. D.Romano,Jueus la Catalunyaarolingiadelsprimersomtes,(876-1100), dans xposicióironains aformadoe EuropamedievalGérone,1985,. 113-119.

71.EtimologiasXVII, 1,43-44,.1,p.64 Bestiaireshmolep.90.72.Bonnassie,p.cit., .1,p.495.73.H.Leclercq,Cheval, Dictionnairearchéologiehrétiennetde iturgie

Paris, 948,. II-l,col.1286-1289.74. EnarrationesnPsalmi146, 9, L37, ol.1912,pud ECLERCQ,ol.1289.75.PhysiologusyI,9-14,d. trad. . T. Eden,Leiden,972,.48 Etimolo-

giasXII, 1,18, .2,p.60 Bestiaireshmolep.68. Sur amosaïqueOtrante,os-térieureequatreucinq écennieslabroderieatalane,atan t e cerf ont ôteà côte, t à aussi ommeessymbolespposés.76. Ps.42,2 Jérôme,reviariumnPsalmos41,PL26, ol.949AB RupertdeDeutz,Dedivinisfficis, VII, 9,p.234.

77. Hortuseliciarumol.25v, f.Cames,p.cit.,p.140.

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LE POUVOIR E LAPAROLE 125

(1075-1129),qui comparaitÈve à une vipère pour Adam78.C estpourcelaque le couple cerf-serpentst placédu côtésymboliquementnégatif e la scène,au-dessouset à gauchede l homme fait à l imagede Dieu.

La paroledes GrégoriensCes considérationsnous amènent au troisièmeplan, celuide la

courte durée. Plan qu on peut appeler ecclésiastique,car il était lié

à l implantation ocale de la RéformeGrégorienne. ans cettehypo-thèse, a scène était à pour rappeler a légitimité e l utilisation cclé-siastiquede la parole. En effet, u momentde la confection t del acquisitionde la tapisserie,a cathédralede Gérone était fortementimprégnée e l esprit grégorien.Avant même la Réforme, u concilede 981, Mirò,évêquede Gérone etcomte de Besalú,avaitété chargépar le pape de divulguer ne lettre universelle ontre a simonie. Leconcile de Gérone de1068,présidé par le légat Huguesde Romans,a non seulement roclamé a Trêve de Dieu,mais aussi combattu asimonie, le nicolaïsme et les mariagesincestueux79.L évêque deGérone,BerenguerGuifré,a été chargé par le pape de faire appli-quercesdécisionsdansl archevêchéde Narbonne etd autres concilesréformateurs nt été encore réunis à Gérone en 1078,1097et 1143.

Comme on lesait, le point de départde la Réforme e fondaitsur la séparationnette et irréversible ntre clercset laïcs, soulignéepar le vêtementla soutane),le corps (la tonsure) t le comportement(le célibat)80.urtout, es clercsrevendiquaientexerciceexclusifdupouvoir magiquede la parole.Ce pouvoir,dans la Catalognemédié-vale,était fondé autant sur les « croyancespré-chrétiennesdu « trèsvieux fond culturelpré-romain de la région81, ue sur la célèbreformule vangéliquequi attribuait ux clercs e pouvoirde lieret de

délier es choses sur la terre t dans le ciel82.Pouvoirréalisépar lesrites et les prières, est-à-dire,par des gesteset surtout des mots.C est pour cela que, dans la tapisseriede Gérone,Adam, en nom-mant es animaux,a le regarddirigévers e livreouvertdans la mainde Dieu.

78.CommentarlanCanticaanticorumII, 386,PL168,ol. 867B.Ceparal-lèlefut tiliséarJean hrysostomet répétéendantes iècles,usqu auxhéolo-giens ontemporains,elon . M.Higgins,Themythf Eve the emptress, Jour-nalof theAmericancademyf Religion44, 1976,.639-647.79.Éd.Mansi,.19,col.1069-1072.

80.L interdictionaiteux lercs eporteres rmespparaîtuconcile e1068(canon, t. 19, ol.1071)t de 1078canon, t. 20,col.518)tousesdeuxégifé-raientussi ontreeconcubinagees lercscanon, col. 1071canon,col.517).Celuie 1078nsistaitur obligationel usagee la tonsurecanon ,col.519).81.Bonnassie,p.cit., .1,p.317.82.Mt16,16-19.

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126 HILARIOFRANCOJR.

En outre, dans le contexte éformateur,a langueutiliséerituel-lement, est-à-diremagiquement, evenait une des plus importantesfrontières ntre clercs et laïcs.Cette langueétait considéréecommed origine divine,paradisiaque.L idiome parlé par Adam à l Èdenaurait été l hébreu, selon saint Augustin83,sidore de Séville84etRaban Maur85.Un apocryphe uif dont il existait une traductionlatine dès le vicsiècle,le Jubilée affirme ussi que dans le Paradistous les animauxparlaient e mêmeidiome,« la languede la créa-tion », l hébreu86.Mais, pour la culture érudite chrétienne, e lamêmemanièreque l Égliseétait l héritière upérieurede la Synago-gue et que l Évangileavait supplanté a Loi, le latin avait remplacécommelanguesacréel ancienhébreu.Dans la Vita de saint Martialles démonsdemandent ue le saint ne leur parle pas en latin, maisen hébreu ou quelquautre langue87.Le latinqui, dans un mondeféodalfragmenté, réservait ne certainunité, constituait n indicede perfection u point de vue clérical.

Il est donc possibleque, dans la scène de la tapisserie,on aitvoulureprésenter dam commeun prototype u clerc.En effet, ndoit prendre n compte origineet l esprit monastiquedes réforma-teurs t ne pas oublierque depuisJean Chrysostomeidéal du moineétaitAdam avantle péché.Souvent a littératuremonastiquecompa-rait le cloître à l Èden88et, selonla Bible,Adam étaitun hommesupérieur tous les autres, et très sage89, plus sage queles angesselon des commentaires abbiniques0qui ont influencé fortementAndré de Saint-Victor t d autres91. l était pour HonoriusAugus-todunensis agecommeSalomon,fort commeSamson,beaucommeAbsalon92.l était, selonDante,le seul hommeà avoirreçu,commele Christ, a lumièredirectede Dieu93.L analogie surgissaitnaturel-lement de mêmequ Adam exerçaitsa suprématie ur les animauxà travers a parole, ainsi faisaient es clercs sur la société.

La légendede la scène- « Adam ne rencontraitas un être em-

83. De Civitateei XVI, 11,PL41,col.490-492.84.EtimologiasIX, 1, 1,t. 1,p.738 XII,12, t. 2, p.56.85. CommentariorumnGenesimI, 14,PL107,ol.483D-484A.86. GiubileiIII,28 XII, 26,trad. . Fusella,ansP. Sacchiéd.),Apocrifi

dell AnticoestamentoTurin, 981,.1,p.232et 278.87. Laviede SaintMartialXV,p.71.88.Parexemple,ierreDamien,pistolaeVI,4, 179PL 144,ol.374, t

Honoriusugustodunensis,emmanimaeI, 149, L 172,ol.590 B.89. Si49,19 Sg10,1.90.MidrachabbaXVII,4, p.200.91.Cf.B.Smalley,he tudyfBible ntheMiddleges, xford,e d.1983,p.86ss t121-128.92. Hexaemeron3,PL172,ol.258C. Pour n sermonuxmeiècle, dam

était ussi ageueNoé,Abraham, oïse,avid t SalomonGrant al istAdams.120-d, d.H.Suchier, eimpredigtHalle,1879,.60.

93. LaDivinaommediayaradis III,43-44.

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LEPOUVOIRE LAPAROLE 127

blable à lui »94- renvoyait on seulement l épisode bibliquesui-vant, la naissanced Ève, maisaussià la métaphore ue nousanaly-sons.En effet, Adam-prêtre lacé devant es animaux-laïcspouvaitdire avec raisonqu il n avait aucun semblable.Il était représentéàsexué fait rare dans l iconographie)peut-être our rappeler ue, mal-gré le célibat, es clercsétaientdes hommesentiers, e que valorisaitson abstinence exuelle.On ne sait pas avec certitude i la broderiea été faite Ripoll,à Saint-Pierre e Rodas,à Seod Urgellou mêmeà Gérone,mais elle était sans aucun doute originaired un centreecclésiastique95.r, à cause dela grandespécialisatione ce typede

travail rtisanal, outes estapisseries épendaient troitement e leurcommanditaire96.ela étaitmarquéà Géronepar l emplacementdela tapisseriederrière autel, faisantde la scène enquestionun refletde ce que les fidèlesvoyaientpendant es cérémonies unprêtre ntrain de parleret de faire desgestesdevant son public,donc de for-mer des consciences,de sauver des âmes, de diriger a société.

Néanmoins,pourquela scènefût comprise e cettefaçon, iden-tification Adam commeprêtredevait fairepartiede la culture aï-que locale.Or, il existait u moins un texteà ce propos,un apocry-phe chétienconnuen version atine(aujourd huidisparue)et dès leVIIIeou IXeiècle en traduction rabe. Dans cetterégionoù lesmoza-rabes (chrétiens culturellement rabisés) étaient nombreux, cetapocryphe-làevait êtrebienconnu,soit en latin, oit en arabe.Selonce texte, Adam, avant le péché, voyaitloin et son intelligencetaitgrande,supérieuremême à celle desanges97.Les premiers limentsdes « premiers parents expulsés du Paradis, furent des figues,envoyées par Dieu, fruits yant le goût « de pain et de sang»98,donc une sorte d eucharistie, reçue significativementu quatre-vingtièmeour de l Expulsion,c est-à-dire près une doublepériodepénitentiellede quarante jours et après un apprentissagede laprière99.

Douzejours après a communion,Adam et Èveoffrirent n sacri-fice Dieu,surun autelqu ilsavaient rigé, t ilspromirent e répéterle rite trois fois par semaine, les mercredi, es vendredi et lesdimanche100.lus tard, 142jours après l Expulsion,lorsqu Adamoffrit n nouveau sacrifice Dieu,Satan luiblessale côtédroit, d où

94.«Adam onnveniebaturimilemibi , cf.Gn.2,20dansa versioneLaVêtusatina ispana.95.Palol,Eltapis p. 154-155.96.K.Staniland,es artisansuMoyenge.Les brodeurstrad., urnholt,

1991,.55ss.97. lcombattimentoiAdamoéd.trad. . Battista t B.Bagatti, érusalem,1982, ,p.40 33,p.94.98.Ibid., 0,p.110.99.Ibid., 8, p.84 34, p.99 35, p.99 36, p.101.100bid.46,p.117-11814,53-5547,p.116.

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128 HILARIOFRANCOJR.

sortitdu sanget de l eau101.Ainsi,Adamanticipait la fois le Cru-cifié et le rituel destiné à perpétuer t à célébrerPauto-sacrifice ela Croix.Il était le PremierChristet le PremierPrêtre. C est pour-quoi Isidorede Séville et Raban Maur ontpu comparer impositiondes noms aux animauxà la Résurrection es Morts et au SalutdesRessuscités02.C est pourquoi, peut-être, a tapisseriede GéronemontreAdamdebout face auxanimaux, a boucheouverte t le brasdroit demi-allongé,ommeun prêtre ui avec des mots etdesgestescélèbrea liturgie evant esparoissiens.Gestequid une certaine açonreproduit e gestede la Divinitéreprésentéeu cercle central.Geste

qui organise e chaos,geste qui crée,geste qui établit a vie sociale,commela RéformeGrégorienneprétendait e faire dans l Europechrétienne.

Ainsi, a tapisseriee Géronesynthétisaiteséléments une visiondu mondeau début du XIIeiècle. Les troiscyclesreprésentés étaientprofondement rticuléset conjoignaienttrois mondes.Le cycleducalendrier appelaite tempscourt, es saisons et leur influence éci-sivedans une sociétégraire.Lecyclede l Invention e la Sainte Croixse référait u temps ong, historique, lacéentre a Création t l Apo-calypse,et qui avait son centredans l Incarnation t dansla Passion.Le cyclede la Création, nterposé u milieudes autres,exprimaitetemps intermédiaire,e temps social inaugurépar Adam lorsqu ilnomma les animauxet qu il accouchad Ève. Au confluentde cestemps-làe situait Église grégorienne,graire,monarchique,misogyneet sacerdotale.Seul lepouvoirde la parole permettaite contrôledecesdifférents emps t la légitimatione cetteÉglise.Et le mythe on-dateur de cet usagede la paroleétait l Adam paradisiaque.

101.bid., 7,p.119-120,f. Jn 19,34.102.sidoreeSeville,Quaestionesn Vêtus estamentůmIII,6,PL83,col.

217 RabanMaur,Commentariorumn GenesinI, 14,PL107,ol.484B.

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Médiévales5,automne 993, p.129-131

ABSTRACTS

Jacques ontaine, Sulpicius everus, Witness o Oral CommunicationnLatin at the Close of the Fourth Century n RomanGaul, p. 17The diversity f cultural evels hown y the protagonistsn the writings fSulpiciuseverus n SaintMartin f Tours,makes hese n exceptionalocu-ment n communication n Latin ust before he great nvasion f 406 inRomanGaul.A former oldier urned monk, hebishop f Tours practicedthe concise, fficient nd unadorned anguage f a man of action who haslittle se for flourishes. e is thus he exact opposite f his biographer,native f Bordeaux nd a lawyer teeped n literature. n the preface o hisVie de Martin the atter epicts n an affectedmanner n ideal for con-version f style,whichhe partially arries ut by imitating allust, whosecompact tyle elpedhimdraw loser o the scetic implicity f Saint Mar-tin. Well-read quitanians hom ulpicius s nfluence ttracted oward aintMartin s orm f asceticism lso strived o implement hesameconversion,but n the Dialogues hey re shown eriding Gaul from heNorth, whopretends o be intimidated y them this eads to an onslaught f comedydirected t the would-be lliterate. ulpicius, espite is iterary arnsforma-tions, uggests he existence f different evels f style ather han of lan-guage, nd it s on the atter hat sceticismcts s a revelator f latent on-flicts etween he iterate nd the lliterate Gauls form he North nd theSouth, ll of them Latin-speakers.

André répin, Latin nd English oetics Notes n Macaronic exts, . 33

Old English iterature s one of the oldest vernacular iteratures n Europe.Bede d. 735), who wrote hiefly n Latin, felt no contempt or heEnglishlanguage King Alfred d. 899)applied systematic olicy f translationntoEnglish AbbotAelfric ca. 1000) onsidered atin nd English s being nnearly qual terms. he immense ebts of Anglo-Saxon riters o Latin swell known. However,macaronic assages n Old English oetry ave notbeen tudied ecently orclosely. he Latin egments orrowed rom lassi-cal texts, ythmical ymns nd prayers, r glossaries, nd inserted nto Old

English oems hrow ight n the echniquef compositionf the poets.Theyunderline he formulaic ature f the half-lines nd the metric mportanceof the yllabic olume. hey vidence noteworthy wareness f the inguis-tic features f Latin.On the other and, he mallnumber f such egmentsshows hatLatin nd English re kept eparate eachtype f discourse asits own language.

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130 ABSTRACTS

MichelBanniard, The Two Livesof Saint Riquier from Mediatic o Hie-ratic Latin, p. 45

Byapplying heprinciples f retrospectiveociolinguisticnalysis o a speci-fic xample f narrative, n this ase the rewriting f the Lifeof a Merovin-gian aint Saint Riquier during arolingian imes, hispaperdemons-trates ow t resulted n the oss of ts mediatorial haracter etween he ra-ditional spoken nd written) anguage f the earned nd the anguage po-ken by the lliterate. n this occasion t may be noted hat he complicityexisting etween henarrator nd hispublic,manifest n the 7th entury, advanishedn the 8th.Thuswhathad been popularizingmediatic) arrative,

came to be an aristocratizinghieratic) arrative.

MichaelRichter, The Languagesn Celtic-Speakingountries, . 53

Of the Celting anguages hich urvived nto he MiddleAges and beyond)in the British sles, nly wowere sed xtensivelyn written orm Irish ndBritish ancestor f Welsh).Bothwerewritten n the Latin lphabet, ritishexclusively,rish redominantlywith n early hase f ogam). t can be main-tained hat t the beginningsf writing hese wo anguages ccurred oughlyat the ame time,namely roundA.D. 600(ogamwas written arlier). t isat first ight urious o find hat rish was written uchmore xtensivelyhanBritish ven hough he rish nd theBritish hared comparableultural ack-ground. n addition, ritish ad existed or everal enturies n RomanBri-tain midst Latin written ulture. n this aper t s suggesteds a hypothe-sisthat writing ritish ay, or his ery eason, avebeenretarded, hereasin reland,where lphabetic riting rrived ate, henative anguage ad ongbeen cultivated y men of learning, nd therefore o inhibition as felt oplacethe native anguage esideLatin, on the same evel.

RogerWright, Hispanic ociolinguisticsVlllth-XIth enturies), . 61

This article races hechanges hat ook place n the sociolinguisticsf theIberian eninsula etween 00and 1100A.D. In 700,apart from he Bas-ques, hePeninsula asmonolinguallyarly-Romanpeaking. herelationshipbetween omance,Arabic,Berber anguagesnd Hebrew n Al-Andalusreoutlined, s the ociety radually ecame enerallyilingualArabic-Romance),with hree lphabets Arabic,Roman,Hebrew) nd varying atterns f lite-racy from mostly oman/Latin omostly rabic).MozarabicRomancewasprobably ot distinguishedhen rom panishRomance n general orVisi-gothic ulture ontinued othe north f the religious ivide s well. The pat-tern f EarlyRomance volutions allied o the ontinuing ttempts o writein the traditional ay, with ld-fashioned orphologynd sometimes lsoold-fashionedyntax. he manuscript f the earliest omance losses ele-venth entury) lso included hefirst ttempts t writing asque.Cataloniasawthe rrival n the Peninsula f someFrankish inguistic abits, ncludingthe eparately-conceivedorm f languagewe now call Medieval atin. Thesociolinguisticicture hanged harply t the end of this period,with heChristian apture f Toledo and the Europeanizationf SpanishChristianculture.

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ABSTRACTS 131

Angelika ross, The Idea of Folly n Text nd Image Sebastian rant ndthe nsipiens p. 71

Theconcept f folly nderwentts most mportant volution etween he hir-teenth nd fifteenth enturies.When tracing n iconographie nd literarycoursefrom ebastian rant s Narrenschiff o Psalm 52, by way of NotreDame of Paris nd the Psychomachiathe contradictions resent n the deaof folly ecome vident.The term nsipiens sed n Psalm52wasfigurativelyepresentedo illustrate

the ext, nd gaverise o various conographienterpretations. he represen-tation enerally ookthe form f a symbolic igure, nd it is precisely heexceptions o this radition hichmark step by step evolution eading oa portrait f the court ester.On the threshold f the 16th entury, y a fusion f fiction nd portrait,Sebastian rant used the mageof the court ester o present new formof critique emonstrating hedifferences etween ach person s eal or pre-sumed ole n life. Yet by applying heterm folly to his personal isionof the world s well,Brant avea new dimension o the dilemma et forthby the nsipiens f Psalm 52.

Eric Berthon, The Smileof the Angels.Childhood nd Spiritualityn theMiddleAges 12th-15th enturies), . 93

Thispaper xplores he oncept f the pirituality f childhood n the Midd-lesAges.The infans - the childwho does not yet peak played pro-minent ole n medieval pirituality.The nfant s often epictedn texts, iterary nd others, s the natural nter-mediate etween man and God.Considerednnocent, ecause t is free rom in of any kind, hechild ha-res the virtues f the Son of God. Thus Christ eturning oearth, s in theexempla is often ortrayed s a child.

Lastly,he

magef the nfant s used to

representheelect

angelsnd

souls n medievalconography symbolically elating hechild o paradiseand salvation.

HilarioFranco Jr., The Powerof the Word Adamand the Animals nthe Tapestry f Gerona,p. 113

A scene rom he apestry f Gerona llth-12th entury) epicts damnamingthe nimals reated yGod. The author xplores he ignificancef this ceneand suggestshree nterpretations.he first ertains othemagic owers hichwerebelieved o be inherent n the Word, n ancient eliefwhichwas later

adoptedbyChristian

heologynd

which,n the case of

Gerona,may beconnected ith he Myth f Orpheus. ut the cene may lso be interpretedas an allegory f society here ach animal epresents socialgroup. astly,the power o bestow ames ttributed o Adam served o illustrate nother,similar ower, ne which ad a great nfluencen Gerona that f the Gre-gorianReform ffecting he clerics.

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Médiévales5,automne993,p.133-153

NOTES DE LECTURE

Pierre e vénérable,Les merveillese Dieu(Demiraculis),résentét tra-duit par Jean-Pierreorrell et DeniseBouthillier, PenséeantiqueetmédiévaleFribourg Paris,ÉditionsUniversitairese Fribourg Cerf,1992,302p.

Le Demiraculisécrit ers 1134-1135,stcertainementoinsonnu uelesœuvrespologétiquese Pierre e Vénérablecetteprésentationt tra-duction st donc une heureusenitiative.

Rappelons uePierre st né en 1092 ou 1094,ssu d une famille emoyenneoblesse e huit nfants,olidementmplantéeans e monde cclé-siastiquee l Est de la Francia la findu xic iècle.l estoblat très euneà l abbayede Sauxillanges uis prieure Domène t enfin bbé de Cluny,de l âgede 28ou 30 ansjusqu àsa mort, e jour de Noël 1156.

PourquoiPierre -t-il ru bon d écrire e recueil L introductionrèsdensede Jean-Pierreorrell t Denise Bouthillierous aide à mieux om-prendrees intentionse l auteur n mettant ystématiquementn parallèlele De miraculisvec la vie dePierre, histoiremonastiquee sonépoqueet sonœuvre a plus mportantele triptyquepologétique,onstituéar eContraPetrobrusianosYAdv r us Judaeos t le Contra arracenos.

Les nombreusespparitionse défuntsuiviennentire ux vivantseursmaux ans au-delà tqui, parconséquent,emandentesprièresour llégerleur ouffrance,ervent ierre ans sa lutte ontre es partisanses doctri-nesprêchées ar Pierrede Bruisqui nient utilité es suffrages our esdéfunts. e même lesauteurs,ans eurprésentation,e ementionnentas),lesquelquesChrist-enfantsui sortent e l hostie,eslourdes unitionsivi-nesqui s abattent ur les prêtres iant a présenceéelledu Christ ans

l Eucharistie,esbienfaits

ueprocurentes

sacrements,ontune

réponseux

pétrobrusiensui refusentebaptêmeux enfants ayant asencore aetasdiscretionist plus généralementux mouvementsérétiquesombreuxuine reconnaissentas l utilité es sacrements.En ce sens,comme esoulignentrès ustementestraducteurs,e De

miraculiseut pparaîtreomme illustrationratique,a basedocumentairedel œuvre pologétiqueuienserait a réflexionhéorique.ertaines istoi-resédifiantesomportentertes ne ustificationhéologique,ais egenrelittérairehoisi arPierre t e public iséne seprêtent asà delongsdéve-loppementshéoriques.

Il y a chez abbédeCluny uelqueccentullien sonbut est de con-vaincreeschrétiensesmargesgéographiquest religieuses)enepassuc-

comber l attirance autres eligionsu auxmouvementsérétiques.ansle Contra arracenoscommencél extrême inde sa vieet demeuréna-chevé, ierre écrie « Jevousattaque ar a parole...nonpar esarmes.AvecPierre st en train e naître idéequelesargumentsesInfidèlesudeshérétiqueseuvente réfuter erbo t exemplo.Le Demiraculis estpasseulementn recueil histoiresdifianteses-

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134 NOTESDELECTURE

tiné consolidera foi« orthodoxe des fidèles. ierremanifesteussi uneintention politique : au débutde sonabbatiat, partir e 1126,Pierredoit se battre ontre ons,ancien bbé deCluny, démissionnédans desconditionsbscurest quitente e reprendreossessionupouvoir,n met-tant sacl abbayet en obligeantierre fuir Rome pourdemanderarbi-trage ontifical.ignalonsuela rédactionu De miraculisébuteuste prèsla fin du schisme e Pons.L ordre,concurrencéar l éclat nouveaudeCiteaux,onnaît esérieusesifficultésinancièrest devienta ciblede viru-lentes ritiques.

C estpourquoiendantonabbatiat, ierre mprunte,resse es nven-taires, éorganisea production,estaureobservancemonastiquecodifiéedans es fameuxtatuta etri Venerabiiis, visiteuelques-uneses douze entsmaisons lunisiennesdix voyagesn Italie,deux n Angleterre,n en Espa-gne,un en Allemagne)fin de consoliderordre.

Onpeut ussi ire e De miraculisomme ne œuvremilitante,ans acontinuitéesactions e Pierre.l entend aire e Clunya citadelle uChristet donc a cibleprivilégiée,t vaine,de Satan,puisquehuitdes dixdémonsdu recueilpparaissent Cluny.

Montrer es défunts enant mploreressuffragesesvivants,nsistersur a nécessité u cultedes morts ont ussi une manière e justifier exis-tence esoccupationsuotidiennesel ordre, nmoyene montrerux chré-tiensque leursdons et aumônes,ui enrichissentabbaye,ont des finsspirituelles.

L esprit lunisien,aisantcho la réformerégorienne,e retrouveanslesvivesttaques uePierre ance ontreesseigneursuicherchentporteratteinte l exemptionumonastèreLivreI, chapitre L.I, ch.10ou L.I,ch.27)ou dans escritiquescerbes dressées uxprêtres oncubinairestdébauchésuivoient isparaîtreessaintesspècesu moment e l élévation(L.I, ch.2)ou meurentans les souffrancesorriblesL. I, ch.25),alorsqueles« saintshommes quesont es moines onttoujoursous lagardeattentiveesangesL. I, ch.19).

On peutdoncêtre atisfait e cette raductionui permettrau cher-cheur e gagner utemps t procurera l enseignantes textes tiles t plai-sants proposer sesélèves u à sesétudiants.egrettonseulemente choixde la traductionu titre Les merveillese Dieu.Lesustificationses auteurs(p.35et 36)ne me paraissentasconvaincantes.Ce richeecueil,oujoursrès gréable lire, stdonc la foisunecom-pilation exemplesuivise renforcera foi des chrétiensansuneépoqueoù l hérésiemenace,ne œuvre e propagandelunisiennet un documentimportantour a connaissancee l histoire t des mentalitése la premièremoitié u xiie iècle.l permet ussi de découvriru redécouvrirun desgrands bbésde Cluny, iplomate,éformateurt théologien.

DidierLeht

CarméliaOpsomer,

L art de vivre n santé.mages

et recettes uMoyenÂge.Le« Tacuinumanitatis (manuscrit041)de laBibliothèquee l Uni-versité e Lièges. 1.,éditions u Perron, 991,207p., ill.

Depuisa redécouvertela findu xixe iècle,e Tacuinumanitatisstl enfant héri es historiense l art. Exposantous une forme amasséet

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NOTESDELECTURE 135

systématiquea complexion,a qualité,a nocivité t les moyense corrigerles choses non naturelles, ce texte été en effet ouvent ccompagnéescènesmagnifiquementllustrées,bondammenteprisesans esouvragesrai-tantde la viequotidienneu MoyenÂge.Lesmanuscritsnluminésesplusprécieux ceux deVienne, e Paris et de Rome ontétésuccessivementpubliésn fac-similé.arméliaOpsomerient onc comblerne lacune nreproduisanthacune espagesde l exemplairectuellementonservé laBibliothèquee l UniversitéeLiège,ont lledirigee fondsmanuscrit.ienquerestéencomplète la plupart esdessinsn ayant as été coloriésladécoratione ce Tacuinumani atsest d une finesseemarquable.attri-bution u grandpeintre t enlumineur iovannino e Grassi, ue LuisaCogliatiAranofondait ur une analysetylistique,st ci confirméear unargumentextuel la leçonuniquevaaustum«œufs autruche), aulieude ovaanserum« œufsd oie») prendout on sens i l on se souvientueJeanGaléasVisconti,epatron eGiovannino eGrassi, ut élèbre n sontemps ourélever es autruchest en consommeresœufs.C estd ailleursbien ce volatileue l on reconnaîtur a miniature.

Mais lapublicationeMmeOpsomera bien u-delàd un livre ima-ges.Celle-ci en effet ccompagnéesplanchest la traductionrançaisedesnotices uncommentairerès nformé,ui en éclaire la fois es raci-nes médicalest l rrière-planratique.On saitquele Tacuinumania isest la traduction un texte rabe,effectuée ans la deuxièmemoitiéduxiiic iècle n Italiedu sud- pour ecompte e Charles Anjou,croit-onhabituellementmaisCarméliapsomeruggèrelutôt a cour icilienneugrand ivalde Charles,Manfred. original,ntitulé tableaux e santé(Taqwims sihha, a étécomposépar Ibn Butlān,médecinagdadienuXIeiècle, ui utilisaitvidemmentestravaux e sesdevanciers.on sansoriginalitéarfois, t les confrontationsroposéesar l éditeur onfirmentquel immobilismee la médecinemédiévale estqu unmythe culé.C estl occasionour lle de faire epoint, ansuneremarquablentroduction,urun secteur ingulièrementégligé arla recherche,a diététique.ntendueau sensarge, est-à-direomme ensembleesmoyensont homme is-posepourorganiseravie et se maintenirn bonneanté, lleconstitueour-tant, vecla pharmacopéet la chirurgie,unedes troisbranches e l artde

guérir.esfondements

ippocratiquest surtout

aléniquesela diététi-

quemédiévaleont ertes appelés,insi uel enrichissementonsidérableueluiont apportéesauteurs rabes,de HunainbnIshàqà Isháqal-Isrà ili.MaisCarméliapsomer enégligeaspour utant estextesatins u HautMoyenÂge, qu ellea grandementontribué mieux aire onnaître râceaux dépouillementséalisésdans le cadredu programmeheorema.llen oublie asnonplus edéveloppementonsidérablee la « filière diététi-quedans esderniersiècles uMoyenÂge,avec explosionesrégimesesanté.C est danscecontexte,implementaisfermementépeint,u il fautreplacera traductiont surtoutesuccèsonsidérableu Tacuinumanitatis.

Lesalimentsccupentvidemmenta placea plus mportanteel arse-naldiététique,oindevant exerciceu lesbains.Lemanuscrite Liègeen

témoigne,uisqu ileur

onsacrelusde la moitié e sesnotices etencorefaut-il ajouter ombreeplantesfficinalesui peuventccasionnellementrentrer ans alimentation.e Tacuinumanitatis écritmême evéritablespréparationsulinaires,ommea bouilliee fromentu le vermicelle,uelesItaliensppellentria de l arabe triyya. n toucheà ledomainerati-queet l n estpasétonnantueletexteatin yéloignearfois e sonmodèle

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136 NOTESDELECTURE

arabe ainsi mentionne-t-ila gailatna autrementit la galantine,n desclassiquesueTon retrouve l époqueur outes es tablesuropéennes.estdonc avec raisonueMmeOpsomere tourne ers eslivres e cuisineuiseulspermettentinterprétert d enrichires brèves otationsontenuesansle Tacuinumanitatis. n peut ependantegretterue,malgréorigineta-lienne e cette daptation,e soient ncore t toujourses mêmesecueilsculinairesrançais Viandier t Menagiere Paris- quiaient té pourl essentielmisà contribution.

Lescritiques u il faut adresser ce remarquableuvrage ontdoncmineures elles n ont d autre but quede suggéreresprolongementsourdes recherchesltérieures.l esttemps otammente minutieusementom-

parer e Tacuinumanitatis son modèle rabe,d autant ue l on disposedésormais e l édition Hosam ElkhademLouvain, 1990).Le relevé esvariantesffertes ar es diversmanuscrits,squisséans introduction,oitêtre ystématisé.our un texte ui prétendtre n prise irecte ur es prati-ques,de telles ariantes évèlentarfois es choix ulturelsu despréféren-cesrégionales.ans cette nalyse,l fautd ailleurs enir ompte esdécala-gesentree texte t image ilmeparaît ignificatif,arexemple,uel enlu-mineur uneversion llemande u Tacuinumanitatisms. atin 333de laBibliothèque ationale)it « oublié dereprésenteres tria ici des ver-micellesllongésemblables desspaghettis sur a claie où estcensée esétendre ne femme si ce type epâtes taitbienconnu n Italie, l ne fai-sait à l évidenceasencorepartie esusagesallemands.

La collationesmanuscrits,laquelleMmeOpsomervisiblementro-cédé, evraitnfinboutir l élaborationun temmaqui manquencoreruel-lement. condition e tenir ompte, ans areconstitutione latradition,etous esmanuscrits,u ilssoientllustrésu non. Si lesquatre rands acui-num anitatistraduisentien a rencontre,ans a Lombardie e lafinduxive iècle, untexte iététiquet d une tradition enluminureotaniqueet cecipour esbesoins unpublic eprinces ibliophiles, ils ne sont uelapartie mergéee iceberg.esbibliothèquesuropéennesontiennentneffetdes dizainese Tacuinumonenluminésquatre la BibliothèqueationaledeParis, eux l AngelicaeRome,tc.)dont étude t e simpleecensementconstituentnepriorité.nrevanche,e codex264 e abibliothèquee Viennene auraittre ntégréune iste es Tacuinumatins lacompilationu iltrans-met, robablementéalisée ers471par e médecin iovanniadamosto,eLodi,et dédiée Borsod Esté,regroupen réalité netraductiontalienneuTacuinumanitatist un herbiergalementllustré.l en existe ailleurs roisautresmanuscrits,onsignalésarCarméliapsomer,maisquitous ppar-tiennent lamêmepoque le dernieruartduxve iècle et à la mêmerégion le nord-este lapéninsule,chevalur espaystaliens t germani-ques.Dans touscesexemplaires,esillustrations,euxfoisplusnombreusesquedanse Tacuinumatin, ont egroupéesdeuxparpage t eur ualitéstnettementnférieurecelledesmanuscritsuxive iècle2.

1.Paris, .N.,n.a. at.1673Wien,sterreichischeationalbibliothek,.n.2644Roma,ibliotecaasanatense,182. l fauteur joutere manuscrit054 e a Biblio-thèque unicipaleeRouen,uineconstituen fait ue alre artie unTacuinumSanitatisdonta2emoitié été écemmentise nventeSotheby s,7-12-1991,ot50) cette ersionontientonc nréalité00miniatures.

2. Paris, .N., tal.1108 NewYork, ublicibrary,pencer5 et un manus-crit utrefoisossédé ara familleubaineesDrake e Casillot ctuellementon-servéans a collectione M. OrazioBagnasco SorengoSuisse).

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NOTESDELECTURE 137

Longtempsonsidéré u seulpoint evue de l historien art, e Tacui-num anitatis oitmaintenanttre ussi étudié our ontexte, our es con-ceptionsmédicalesu il véhicule t lespratiqueslimentairesont l témoi-gne.C est legrandmérite e Carmélia psomer avoirmontréa premièrela pertinencee cette émarche,n combinant es disciplinesrop ouventdissociées l histoire ulivremanuscrit,elle de la médecinet cellede lacuisine.

BrunoLaurioux

Marie-HenrietteulliendePommerol,JacquesMonfrin, a bibliothèquepontificale Avignont à Pehiscolaendante Grand chisme Occidentet sa dispersioninventairest concordancesRome,Publicationse l ÉcoleFrançaisede Rome, 1991,2volumes,XXIV, 1023p., XXIIplanches,8microfichescollectione l ÉcoleFrançaisee Rome-141).

PedrodeLunaestné au seinde la plus nfluenteamille el aristocra-tie d Aragon n 1328/1329.e docteur n droit anon de l UniversitéeMontpelliert prévôt e la cathédrale e Valenceera nomméardinal arGrégoireI (1370-1378)n 1375.Électeur e ClémentII en 1378,paped Avignon ont l devient e plusfervent éfenseur l époquedu Grandschisme,l seratoutnaturellementhoisi omme onsuccesseurous e nomde BenoîtXIIIen 1394.Puisqu il tait géde soixante-sixns, nul ne pou-vait lorsprévoiron ongpontificatuiseprolongeusqu en1423.Aucoursde ces trois écenniesouvementées,epape d Avignonaccroche sonsiègeface uxprétentionses Urbanistest Conciliaristes.esavatars eceslut-tes sont bien connusdes historienselleschasserontn 1403BenoîtXIIId Avignont le mèneront lustard usqu àla presqu îleePeniscola,ansleroyaumeeValence,ù ilmourra,bandonné etous, n novembre 422ou mai 1423.

Au débutde notre iècle,FranzEhrle vait nsisté ur activitéultu-rellede ce personnage,ussi débordantemais bienmoins tudiée ue sonaction olitiquet diplomatiquelepapedeLuna était lors pparu ommeun écrivainrolixe,uteur e plusieursraitésuridiquesur e schisme tdequelquespusculeshéologiques.ouvrageontnousrendonsompteciprésenteenoîtXIIIsous e ourd uncollectionneurassionnéelivres,uidonna la bibliothèqueéunie ar espapesd Avignon n essor xception-nel.Au lendemain e soncouronnementn 1394,l faitdressera listedes1 308ouvragese trouvantu palaisd Avignonilcorrigeui-mêmeanciencatalogueédigén 1375 arGrégoireI, inventoriees174ivresntrés epuiset enrichit e fonds es 195volumesu il possèdelors. En 1407,on pro-cèdeà la Novaordinatiouneréorganisatione la bibliothèquelaquellelepapea ajoutédenombreuxivres epuison ntronisation.côtéde cetteLibraria

majorla

bibliothèqueortativeompteuelque00

exemplaires,ueBenoîtXIIIemportaitvec luidanssesdéplacementslesouvragese sonStudiumontplacéstoutprèsde sa chambre.En 1411,e palaisd Avignonstdéfinitivementvacuét la plupart e

ses livresontdéménagésersPeniscolalesquelquesmanuscritsbandon-nés urplacee trouvente nos ours laBibliothèqueaticane. Peniscola,

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138 NOTESDELECTURE

les annéesuisuiventerront,outparticulièrementu lendemaine la mortdupapeLuna, a dispersione cellequi apparaissaitutour e 1400 ommela plusriche ibliothèqueOccident.uand,en 1429,Pierre e Foix, égatde Martin (1417-1431), rendpossessione la presqu île, es officiersn inventorientlusque561volumes ur es2 300gardés aguèreans a villeduRhône il lesrapatrieu palais pontifical Avignonu les cèdeau col-lègequ il fonde n 1457 Toulouse,d où ilspartiront ers a BibliothèqueNationaleu xvne iècle.Les autres ivres vaient ervi BenoîtXIIIet àson successeurlément III(1423-1428) ourrenfloueresfinancesontifi-cales défaillantesu avaient té donnés titre e bénéfice des clercs nmald argent. a déchéance es derniersapesd Avignonst ffligeanteourle chercheur,ui regrettea perte une tellecollection.Cette riste ispersione doitpasfaire ublier e soinquele papedeLuna avaitmis à enrichirettebibliothèquel apogéede sonpontificat.BenoîtXIII achèteeaucoupil faitde mêmeouer edroit e dépouilleudétrimentes héritiersesévêquesécédés.l demande urtoutuxscripto-res quitravaillent longueur annéepour ui,decopier t confectionnerles livres ont l a entendu arler u queréclameonentouragentellectuel.La villed Avignontait n effet n importantentre e culture. étrarquey séjourna ntre 327 t 1362 t l on saitque GrégoireI avait fait opierquelques-unse sesouvrages.e cardinal edro deLuna étaitd ailleurs ncontactvecles milieuxré-humanistesrançais,outparticulièrementvecles membresu Collègede Navarre.JeanMuret t Nicolasde Clamanges,sessecrétaires,n avaient ait artie. e pape ajoutera sabibliothèqueer-sonnelleenombreux anuscritsontenantesouvragese la littératurenti-queetnéoclassiqueil manifestengoûtparticulierourCicéron,mais ussipourSénèque,ValéreMaxime,alluste, ite-Live, vide,Virgile, riscien,Végèceu Pline Ancien.Bibliothèqueun uriste ccupépar l affaire uschisme,llen en demeureasmoins uverteuxpremières anifestationsde l humanisme.

L intérêt e l ouvrage e M. H. Julliene Pommerolt de J. Monfrindépasselargementa simpleétude du milieu intellectuel ù évoluaitBenoîtXIII.Laremarquabledition es inventairese la bibliothèqueon-tificalemet notre ispositionn instrumente travail orspair la plu-partdesouvrageses inventairesnt été dentifiést les différentsndex ttables auteurst de titres ermettente retrouveracilementeloutel ivre.Lesnotices esmanuscritsontenantes inventairese la bibliothèqueontexemplairesu même itre uela listedesmanuscritsnventoriésu MoyenÂgeet découvertsans es différentsondsuropéens.l est difficile e for-muler escritiquesontre et ouvrageémoignante longuesnnéesd untravail e minutieuserudition. neseuleremarqueormellele choixdelagraphieastillaneePeñiscola,u prix equelquesquilibresypographi-quessansdoute,nes imposaitasdutout, lorsquela presqu îlee trouvedans e domaineinguistiqueatalano-alencien.l estvrai uec est vectildequela plupart eslecteursrançaisonnaissente petit illage e pêcheurs,immortaliséar eséjourdu dernier aped Avignonuenous avonsdésor-maisbibliophileassionné.

MartinAurell

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NOTESDELECTURE 139

AnitaGuerreau-Jalabert, ndexdes motifsnarratifs ans les romansarthuriensrançaisn vers xw-xiw iècles),Genève,Droz, 1992,501pp.

AnitaGuerreau-Jalabertvaitdéjàévoquéesmotifs arratifs anslalittératurerthurienneu point e vueméthodologiqueans un article aruen 1983« Romansde Chrétien e Troyes t contesfolkloriques.appro-chementshématiquest observationse méthode, Romania104, 1983,pp. 1-48), uvrant es perspectivese recherchesnédites.ystématisantetravail, et auteur ublieujourd hui nvolumineuxndex es motifs arra-tifsdans la littératurerthurienne,imitée ux romans n versdesXIIetxiiie iècles.Cetample orpus été choisipoursa cohérencehématiquetles relationsnapparencetroitesvec es motifs e contes.AnitaGuerreau-Jalabert dépouillé uelques3œuvres ont nsembleotalise80000vers.Citons ntre utres es romans e Chrétien e Troyes,esLaisde MariedeFrance,e Tristan e Béroul,La mule ansfrein t le Bel inconnu.

L index ermet erepérermmédiatementes motifs arratifsquine sontjamais pris n compte ar lesindex) t d établir escomparaisonsl inté-rieur u genre omanesquet à l extérieurvec desgenres oisins. usagedu Motif-IndexeStith hompsonen languenglaise) résenteesavanta-geset des inconvénientsue l auteur écrit ettement.e cadre de classe-ment e matériauxarratifs, ienquecomposé partir udépouillementecontes ouvent rauxrecueillisour a plupart u xixc iècle, roposeuffi-

sammente motifs ourrendre ompte e« façon peuprès atisfaisantede la littératurerthurienne.ette rientationolkloristeucorpus épouilléparStith hompsonétéquelque eumodifiée la seconde ditionar inté-gration e textes époquemédiévaleorigines ariées Irlande, slande,exempla spagnolst nouvellestaliennes.

Une mise en gardeméthodologiquee tailleest donnéepar AnitaGuerreau-Jalabertla présenceeréférencesla littératurerthurienneanscet indexne préjuge asde sa valeurpopulaireu folklorique.eulesdesanalysestructuralest socio-historiques,omme auteur n a déjàfourni(surLa mule ansfrein Le belinconnu...), euventéterminere typederattachementocial tculturel. autrepart, esmotifs tablismpiriquementparStith hompsonontextrêmementétérogènesdu titre e plusgénéralau détail e plusparticulier)t leur déquationvec uneséquencearrativereste ouventpproximative.ans ecasd une nadéquationrréductible,nitaGuerreau-Jalabertcréédesvariantesuxmotifs éjàexistants,eréservantl a création e nouveauxmotifs our es casextrêmes. n regretterauecescasproblématiquesoireimites aient asfait objetd une iste. llesignaleen outre u unemêmeéquencearrativeeut tre épertoriéeousplusieursmotifsmotifs énériquest motifs articuliers),edondancenhérente lastructure u Motif-Index.e plus,desdécalagesémantiquesxistent ansla définition un certain ombre e mots-clés autremonde, ains,fées,sorcières,éants quelesfolkloristesu XIXeièclet les auteurs u MoyenÂgen entendaientasdela même açon.AnitaGuerreau-Jalabertdûpar-foisprocéder dessimplificationst assimilations.ernière récautioncetindexn a pourbutquedefacilitererepérageemotifs arratifs,l nepré-tenden aucun casdonner nedescriptione la littératurerthurienne.

L ouvragesten réalité omposée trois ndexudicieusementomplé-mentaires1 - L indexdes motifs lassésdans ordre lpha-numériquetablipar

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140 NOTESDELECTURE

Stith hompson,uitotaliseci 15 630 référencesextuellesour3047motifs(pp. 23-210).2 - Unindexdesmotifsœuvre ar œuvredans Tordre u texte, ui

permete dressern bilandes motifs arratifsechaqueœuvre u de démar-rer une recherche partir e l œuvre pp. 211-368).

3 - Unindex arvocablesppelé ussiconcordance,tabli partir esvocablesparoppositionux mots utils)présentsans ensemble esdéfi-nitions e motifs l exceptione mots ropfréquentselsque: man per-son magicwomanpp.369-501).

Un bref ondageans epremierndex ait pparaîtreepoids rès ourdde certaines éries F Marvelspp. 61-85),H-Tests pp. 89-112),T-Se*

(pp.186-203),-Societypp. 150-164), -Deceptionspp.115-128)t D-Magic(pp. 35-57).Alors uedeux éries ont éduites la portion ongrue U-Thenature f life un seulmotif) t A-Mythologicalotifs9motifs), éséquili-bres uisont mettren relationvecaspécificitée la littératureonsidérée.

Nousavonsnoté uel articulationntremotif énériquet motif arti-culier ose parfoisepetits roblèmes.insi, ansV-Religionp. 206 a sérieV.200-299 ures«sacredersons proposentre utres es motifs uivantsV.230ANGELS(motif énérique)V.232 à245 donnent es motifs articu-liersdont es héros ontdesanges.Tous les textes éférencésans e motifgénériquengelseretrouventistribuésans es motifs articuliersuisui-vent. n revanche,inverse estpasvrai on trouve ans es motifs arti-culiers esréférencesextuellesbsentes u motif énériquedans V.232.et V.235 Cont. Pere.Gerbert750-8905t Cont. Pere.2 : 23835-24221,uin apparaissentasdansV.230. Maisun contrôle ans la concordance aitapparaîtreneventilatione toutes es référencesansexceptionntre euxvocablesANGEL etANGELS.

Cepetit xemple our ttirer attentionu lecteurcommee faitd ail-leursA. G.-J.dans introduction)ur a nécessitée consulter otifs éné-riques t motifs articuliers, ême ourunepremièrepproche,t de com-pléter et examen arun contrôle ans a concordance.etteprécautionstbienmince omparée l énormeravail indexationéalisé,t la présencesimultanéees trois ndex onstituen bon filet e sécurité ui permettrade ne laisserpasser ucuneréférenceextuelle.

Cet ndex st un outil stucieusementomposét dont es imitest pré-cautions usageont lairementxposéesans introduction.ageons u ildeviendraapidementn instrumente travailndispensabletout hercheurintéresséar la littérature édiévale.

Marie-Anneolo de Beaulieu

Catherine elay-Vallantin, L histoire es contes Paris,Fayard,1992,359p.

Catherineelay-Vallantin

ous ivreujourd hui

n volumeecueillantle fruit e plusieursnnéesde travail ur e récit.Cetouvragest composédedeuxparties la premièrestune ntroductionLeconteur t l historien,p. 1-42)développanthistoire es contes t de leurétude, andisque lasecondeartie éunitixmonographiesp.43-345).ouvranturuneréflexionquant la fonctione l historienuconte, ui se doitde nepas« inventer

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NOTESDELECTURE 141

la tradition, la premièreartie voque esapprochesuccessivesu conte.Sont d abordprésentésespremiersecueils e contesdu xviieièclePer-rault,Contesde vieilles1697)puislescollectesontemporainesffectuéesdansdiversays Grimmour Allemagne,ampbellnÉcosse,tc.).L étapesuivantestcelledes folkloristese l École Finnoiseuiorganisentettemois-son de matériaux arratifselonuncatalogue ystématiqueondé ur a dis-tinctionntre ontre-type,enre t varianteInde descontes-typese AntiAarne t Stith hompson,re d. 1928).Cet effort indexationeposeurl hypothèsee l existenceour haque ontre-typeunarchétyperiginel oùdériveraientouteses versionsttestées.

Sur le problèmee l origine es contes opposentes théoriesndo-

européennest indianistes.aissant e côté ceproblèmeuelquepeumythi-quedesoriginesu conte ont pparuesesméthodesthnographiques,truc-turalesVI. Propp,Cl.Bremond)t psychanalytiquesG.Roheim, . Bettel-heim) ppliquéescequ ilest désormais onvenu appelera narratologie.L auteur roposen final une autre pprocheu conte , quiancre étudede l élaborationt de la transmissionescontes ansunehistoire ulturelleet sociale. Cettehistoiremprunte l ethnologiee soucid appréhendererôle du conteurvoix,geste, adredesréunions,articipantst répertoire).Elleprête ans une attention articulièreu support u récit ui créé ui-même u sens.Elle ne se cantonneasà desmonographiesocalesquiontleur mportance) aisnavigue ans la longuedurée du xiic iècleà nosjours,avecquelquesdétours ar l antiquité.

Lecorpus mbrasséarcettehistoire es contes ébordeargementescollectes t lesrépertoires,ouraborder esgenres ariés lessermons,esexemplales miroirs esprinces,esencyclopédiesédiévales,eschroniques,la chanson,e théâtre, tc. Cette pproche rise a dichotomieouvent ac-tice ntre ral et écrit ouplusprécisémentmprimé),t esoppositionsntrecultureavante t culture opulaire,angueavantelatinnotamment)t lan-guesvernaculaires.lleprivilégieanalyse esfonctionsuccessivest par-fois ontradictoiresu conte ui luiimprimentesinflexionshématiquestidéologiques.

La secondepartie e l ouvragest plusdifficile résumer,l faut yplongerommeansun roman. n découvrelors, elonuneméthodeégres-sive,commenterrault réécrit histoire e BarbeBleue,

quiexistait ès

le xvie iècle ous forme e chansons« La Maumariéeengéear sesfrè-res» ou «La malmérdade ). L étudedesvarianteségionalesait ppa-raître n Bretagneépisodede l enfant ssassiné t lesinterférencesveclecultede sainteThyphine,t en Poitou e sinistre illesde Rais.

Le dossiere la fille oldat reste ssentiellementncrédansl époquemoderne.l relève e la thématiquee la femmeravestien hommeepla-cée dans aconstructionocialedes rôles exuels. essentiel ecechapitreporte ur analyseminutieuseeMarmoisanconte édigé arMarie-eannel Héritier e Villandon1664-1734).atherine elay-Vallantinenéglige aspourautant es livrets e colportaget les versionsralesrecueilliesuxixe iècleet jusqu en1973danslesPyrénéesudoises.

Si le médiévisteouhaite écouvrires dossierslus

orientésers sapériode,esquatre utresmonographiesecombleront.e thème e la filleaux mains oupéespparaît ans e roman Hélènede Constantinopleès

le milieu u xnie iècle.l connut nelargediffusion l époquemodernegrâce la Bibliothèque leue,quimodifia e statut e l héroïneuccessive-ment rincesse,ainte t prostituée.

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142 NOTESDELECTURE

LaVénusd* ile mise n scèneparMérimée st« Tundes derniersva-tarsd une ongue ignéee récits ù Vénus,a Vierget sainteAgnèsontconfonduesans un même ôle . Les sourcesmédiévales e cedossier ontGuillaumee Malmesbury,autier e Coincyt Jacquesde Voragine.

LalégendeeGeneviève e Brabant st connueardesrédactionsati-nesdesxveet xvic iècles.Elle estreplacéeans le vaste yclede l épouseinjustementccuséed adultère rès argementépanduu MoyenAge.Souslestraits e Florence e Rome on la retrouve ans le Speculumistorialede Vincent e Beauvais,es Miracles e laViergee Gauthier e Coincytdans esrecueils exemplaLaScalacœilde JeanGobi et lesGestaRoma-norum).À l époquemoderne econte st adaptépar les Jésuitesllemands

et popularisé ardescantiques,es romances t unepiècedemarionnettes.Lecantiquee Laurent urand tait hanté ors de la Fête-Dieu Marseille(XVIIIe.).

L imbricationntre e récit t la liturgietteint onpointd orguedansle dernier ossier, ui mesemble eplusriche, le miraclemarseillais esainteMarieMadeleine. Lepremieralonen est un sermon e la Made-leine n langue omaneatéde la finduxiie iècle udu début u xine iè-cle,dontC.Velay-Vallantinelève esincohérencesarrativest lesmet nrelationvecdes versionsntérieuresHistoiree Danae diffuséear es Méta-morphoses Ovide)t des contes arallèleslaBelle u boisdormant,épouxenserpent)our etrouveralogiqueu conte. atherineelay-Vallantintilisepour efaire galementes versionsostérieures,orsqu elle repèrees tracesd archaïsmece quin est passansposerdesproblèmese méthodet dechronologie.a diffusionu récit n Provence stbienmise n relationvecl essordu pèlerinagee Marie-MadeleineSaint-Maximint du sanctuairerivalde la chapelle-de-la-pierre-à-1magede Marseille.

On nepeutqu être mpressionnéar ampleur t la variété e la docu-mentationompulséetextuellet conographique)t présentéequelquesextespeuconnus ontdonnésn extensop.59-60, . 117-118).ependant,l noussembleue l on peutparfois egretterabsencede datation récise e cer-tains ocumentsmportantsommeertainsextesmédiévauxités arfois api-dement,ansdate,ni mention éditionpar exemple. 135,p. 188).Deplus,les documentsemblentarfois pars il serait atisfaisantesuivre ne sériecomplètee textes ans un genre articulier,ar exemplees sermons urla Madeleinecomme elavientd être fait pourla période ntérieureuxnic iècledansle dernier olumedesMélangesde l ÉcoleFrançaisedeRome).De cettemanière,n ne verrait asseulementa partie mergée el iceberg, savoirestextesuireproduisente motif arratif echerché,aisl ensembleel icebergont a partiemmergéeomportees textesvoquantla mêmehéroïneu le mêmehème,maissans e motif arratif tudié.Onpourraitlorsprendrea mesureela placedu motif ans ensemblee laproductionextuelle.ette xigenceemble eut-êtreisproportionnée,aisnoussommes ûrsquel auteur dû rencontrerombre e cestextes ourétablironcorpus résentéci.Enfin,l noussembleuele riche ossierco-nographique,ienquerichementommenté,st trop ouvent éduitu rôle

d illustration,lors

qu il pourraittre

plusétroitement

mpliquéansles

démonstrations.elles-cieposentur a mise n relation e documentsssusdepériodest degenres arfois ien loignés.our ne pas« inventera tra-dition l historien u conte e doitd avancer rudemmentans ce réseauderelations,ont existenceffectiven dehors e cette econstructionoits énoncerur e modede l hypothèse.n exemplela mention un rituel

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NOTESDELECTURE 143

d adoptionntique essemblantungeste urieuxccompli ar esinge ansle sermon e la Madeleineermet l auteur e retrouvera cohérence urécit cependantl estprudent e rester irconspectuantà la conaissancepossiblee cerituel ntique ar auteur u sermon u xiie iècle.Pourpal-lier esquelquesaiblesses,ne nterdisciplinaritéienpenséentre istoriens,ethnologues,pécialistese la littératuret de la langueemblendispensa-ble. Dansce cadre,nous souscrivons cettehistoire escontes, ui faitremonteru MoyenÂgenombre es récits ui ont bercénotre nfance.

Marie-Anne olode Beaulieu

KlausSchatz,Laprimauté u Pape.Son histoiredesorigines nos ours(trad,de l allemandar J. Hoffmann),aris,LeCerf,1992,288p.

La traductionel ouvragee KlausSchatz,ctuellementrofesseurhis-toire e l Égliseu StudiumesJésuites e Francfort,ffre u lecteur ran-çaisla premièreistoire e la primauté ontificale. auteur voulu toutd abordpallier necarence,n recherchantanstoute histoire e l institu-tionpontificalees filsquiaboutissent la définitiononnée n 1870parle concile e Vatican concernanta primautéejuridictiont le magistèreinfaillible u pontife omain.l est donc amené consacreres deuxpre-miers iers e son livre la périodemédiévale u coursde laquelleedéve-loppe,étape par étape, ette déede la primautée l évêquede RomequidistingueinalementÉglise atholiqueetoutes es autres gliseshrétiennes.

Rome n effet été considéréeomme e lieud une tradition rivilégiéedès lespremiersièclesdu christianismeelle est le seulsiègeapostoliqued Occident,e seul aussi àpouvoire prévaloire deuxapôtres, armi esplus mportants,t quisont ussi desmartyrs. cetitre, Églisede Romeassumeuneresponsabilité l égardde l Egliseuniverselle,lle est perçuecomme negardiennee la tradition,entre e la communiocclesiarumsource laquellen peutrevenirprès haquecrise.C estainsiquelorsdesnombreusesontroverseshéologiquesesme t IVeiècles,haquepartie ou-haite tre n communiovec Rome t être econnuearelle Romedevientdefacto ecentre ui sert e médiateur ourrefaire unité ntre es Églisesdéchirées,lors uel institutiononciliairepparaît eaucoupmoinsûre.Dansle même emps, ampleur e la christianisationans a villede Rome tou-joursconsidéréeommeaput rbispermet efaire oïncideruniversalismechrétienveccelui del Empire omain.

À partir uVe iècle,t notammentvec a crisemonophysite,ome eprésenteomme erocde la vraiefoi,contre empereurui convoqueesconcilesmaisquichercheoujoursesaccommodementsveclesschismati-ques pourdesraisons olitiques.eci conduit évêquede Romeà affirmerleprincipee l autonomieu pouvoir e l Églisepar rapport u pouvoir el empereur.n retrouveà un desfondementseladistinctionntre esÉglisesd Orient t d Occident. Orient a bien ûr

amaisreconnu e «

primautédejuridiction au siègeromain,mais l a conscienceue danslescontro-verses ouchantÉgliseuniversellea solution epeut etrouveru enunionavec Romeet passanselle.

Avec es nvasionsermaniqueshorizonomainerétrécit otablement,maisencontrepartie,a tradition omainepparaît our esBarbares,ien-

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144 NOTESDELECTURE

tôt convertis,omme a garante e la «justesse de ce qui se faitdansl Église.Pierre eprésentelors unité e l Égliseuniverselleorsdelaquelleil n y a point e salut.L époquecarolingienneonstitua nepremièrevolu-tionvers e centralismeapal,dans a mesureù seuleRome créede nou-veauxdiocèses,t où les métropolitainsisenplace parCharlemagneien-nentdirectementeurpouvoir u pape.Dansce cadre, l fautpenser ueles FaussesDécrétales,ui tendaient renforcerepouvoir u pape,avaientsurtout ourbutdegarantiruxévêquesn recours ossibleontrees abusde pouvoir esmétropolitains.

Mais c estbien sûr à partir u xie iècle vec laréforme ite «grégo-rienne quela papautéessed être n pointde référenceassif ourdeve-

nir un centre ctif d où émanent es décisionsngageantensemble el Église le papen est plusseulementa têtede l Église,l devienta têtede la Chrétienté.ourGrégoireII,laprimautéontificaleestpasde naturejuridique,mais pirituellet mystiquela sainteténdubitableupape s expli-que parle fait u il est uni mystiquementPierre ui agit,pense t parleà traversui. Un siècleplustard, aintBernardlaide ncore ourune con-ception pirituellet charismatiqueu ministèreapal,et contre a concep-tion uridictionnellet administrativelepapeest e successeurePierre, ascelui deConstantin.

C est surtout action InnocentII quia lesconséquencesesplusdura-bles à partir e lui, le titre e vicarius hristi st réservé u pape,alorsqu il était uparavantortépar lesévêquest les empereurs. ce titre, ldétientaplenitudo otestatisandisuelesévêquesn ontqu uneparssolli-citudiniscequi signifieussique,dansl Église, outpouvoir rovientupape.Dèslors, t avec apport u droit omain,edéveloppene véritablemonarchieontificalebsoluequi faitdu pape,commedu prince, n êtreau-dessuse la loi humaine.Maisil y a encore es failles ans cesystème,justementans a mesure ù l on ne reconnaît asencoreu papel infailli-bilité n matière enseignementt de foi et où l on continue penser uele concilest supérieuru pape.

Cettecontradictionclate au grand our durant a périodedu GrandSchisme,endantaquellee développee conciliarisme,elondes doctrinesplusoumoins adicales.n saitaussiquec est a papautémonarchiqueuisortgagnantee cecombat,vecl aide, l est vrai,des Étatspuissantsuise firent ayer ousla forme e concordatseur soutien u pontife.Danstoute ette volution,n n a guèrevu apparaîtree problèmeel infaillibilitéontificaleu sensdeVatican. En fait, l époquemédiévale1 « inerrance du papen est définie ue par rapport u concile.l doityavoirharmonientre e papeet le concile,ensembleeprésentantÉgliseuniverselleont l estditqu ellenepeutpas« errer ans a foi ». L « iner-rance du papea sonfondementans Égliset pasl inverse. est seule-ment u débutdu xvic iècle u on renverseraa propositionn disant ueparcequelepapeengageÉgliset quel Églisenepeutpaserrer, ne erreurdu papeest impossible.Mais alorsl s agitmoinsde l aboutissementunraisonnementhéologiqueuedel applicationu modèlemonarchiqueom-

prisomme nenécessité

ourramenera

pluralitél unité t pour ssurer

l ordre.Par rapport Vatican quisertde toile de fond cette nquête, nest frappé e voirquel essentiel estraits ui caractérisenta papautéduxixe iècle et celleduxxe iècle anssonsillage ne doitfinalementuepeude chosesu MoyenÂge l infaillibilitéontificale,a dévotion laper-

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NOTESDELECTURE 145

sonnedu pape- c est lui qu onva voirà Rome et nonplus e tombeaudesApôtres, rattachementRomecommemarque éritable e la catho-licité, outcela est résolument oderne.

Genevièveührer-Thierry

AviadM.Kleinberg,Prophetsn their wn Country. iving aints nd theMaking f Sainthood n theLaterMiddleAges Chicago,ChicagoUniver-sitypress,1992,X-189.

AviadKleinberg,anscetélégant etit olume,onstruitne magenou-vellede la saintetémédiévaleans faire ppelà dessources néditesiincon-nues,maisen proposantneinterprétationriginale,ondée ur a notionmicrosociologiquee processus interactiont de négociationntre ndivi-dusetgroupes.a questionstposéeclairementqu est-ce uifait uedansune communautéhrétienne,el ou tel ndividu asse pour aint, uellequesoit a conséquencefficielleecette éputation,uin entraîneuerarementla canonisationJusqu àprésent,a recherche privilégiéeux modesdedésignationxternes la vie desgroupes on a d abordsoulignée rôledel institution,t notammentupontificat,uis est ssuré e contrôle escano-nisationsepuisedébut usecondmillénaire,omme amontré ndréVau-chez oubien n se contente observereffet unmystérieuxharismeuel on ne peutguère nalyser cettedernièreonception estpasla simplereconduction une attitude idéiste,ar elle découleussi de la sociologiede MaxWeber, ui a tant bscurci a descriptionesphénomènesollectifsd adhésion, otammentn matière e pouvoir olitique.

Kleinbergontre abordchapitreset 3) qu unespacededoute t denégociationst ouvert ar l ambivalence esphénomènesurnaturelspuis-sammentroclamée arsaintAugustin)t par a difficulté,ussigrande ourlesmédiévauxue pournous,dedistinguereréel e l illusion,ans es témoi-gnagesur a sainteté. e plus, malgré uniformisatione la procédureecanonisation,ucunmodèlenedonnede critères raimentixes esainteté.

Maisl essentiel e la démonstrationassepar trois hapitres étudesdecas,soigneusementradués. leinbergvoquenpremierieu chapitre)la figure e ChristinaonStommelnv. 1252-1312)cettebéguineui n aguère epuissancehaumaturgiqueivisionnaire,pourparticularitéêtreconstammentt physiquementaltraitéear edémon, ui luiheurtea têtecontre es murs, a frappe, t la couvre excréments.e type emanifesta-tionsurnaturelleuraitdifficilementu créer neréputatione sainteté ilehasardn avaitmis ur on chemin ierre eDacie,eunedominicainué-dois,résidantlors u couvent oisin eCologne.C est uiquirédigeessen-tieldestextes agiographiquesur Christina quand l rapportea premièrerencontre,l note uelespectacleestortures hysiqueseremplit unbon-heur ntense. 1 ssiste nfin unemanifestationhysiquee la réalité ur-naturelle. ès

lors,u moment esnombreusest brèves isites e

Pierre,une sorte e contrat établit le dominicainssure Christina ne respec-tualité eligieuse,ui luipermet échapper l indifférenceesesconsœursbéguinest des paysansu lieu et la sainte onne u dominicaina préro-gative e sesscènesepersécutionu il note crupuleusementChristinastdevenuea saintedu dominicain.

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146 NOTESDELECTURE

Enélargissantnpeu e cercle e lanégociation, leinbergbordecha-pitre ) le cas de deuxfemmes,a cistercienneukardisd Oberweimar(1257-1309)t la béguine rovençaleoucelinede Digne1214-1274) ourquideux ommunautése mobilisentdans e cas deLukardis,est e monas-tère ntier ui vit par procurationes extases e lasainte, ui sont mêmecomplétéesarcertainesœurs. a présenceuneexatique ermetu groupedegoûter u surnaturelout n maintenanton existenceuotidienne.ourDouceline,est tout une coucheociale,a noblesserovençaleui consti-tue ses extases n manifestationsubliquest réglées u divin.

Enfin,e cas de saint rançois Assise aitpparaîtrenetroisièmeis-position accueilar rapport u saint il nes agitplusd admirer aisd imi-

ter et le passagedu fémininu masculin estpasindifférent)le milieudésignateurestplus imité des individusià des communautéstroitesl imitation olontaire t surnaturelleu Christ ar Françoisonstitueoutcroyant n sujetvirtuel un processusécurrent assimilationu saint.

Celivre, la foisfort t simplet inventif,uvredesperspectivesienintéressantes,t au-delàdu domainehagiographique,a négociationur asaintetéosecette uestion dansquellesonditionsindividueut-ilttein-dre e succès aradoxalfaire econnaîtreasingularitébsolue omme aleurcollective

Alain Boureau

JeanDelumeu (dir.),La religione ma mère.Le rôle desfemmes ansla transmissione lafoi Paris,LeCerf, 1992,387p.

Cetouvrageollectifst e fruit irect u séminaire e JeanDelumeauquiprésenteans apréfaceix-neufontributions,uiontpourbutde mettrel accenturunaspect mportantt pourtantouvent égligé ar a recherchehistoriquele rôle desfemmes,t notammentes mères e famille ommel indiquee titre, ans a transmissione la foichrétienne,epuisesorigi-nesdu christianismeusqu ànos ours.Les sixpremiersrticlesp. 15à 155)traitent e la périodeui s étend esdébuts u christianismela Réforme,et cherchent définira placetenue ar es femmesans éducatione leursenfants n adoptant lusieursxes derecherche.Francineuldautp. 15à 35) rappelleapport ondamentales femmesdans a christianisatione la sociétéomaineuBas-Empire,epuisemartyredeBlandinet Perpétueusqu aurôleplusdirectementéducateurde Moni-que,la mèrede saintAugustin. ette« promotion desfemmes ans lasphère eligieuseespremiersiècles stdueà la véritableévolutionultu-relle ccompliear le christianismeui confessaitincarnationt la résur-rection e la chair, ontrairementux doctrinesui envisageaientoujoursla séparationadicalee la Sagesset de la chair.Danslechristianismeesfemmesouvaientrouvereurvoie enengendrantesenfants la foisdansla chair t dans l esprit, n les amenant la vraiefoi.

Forcestde constaterependantuerarementes femmesuMoyenAgeonteula possibilitéexercere « ministère. D unepart, essourceson-cernantesve-xieièclesont xtrêmementauvresurcesujet, l exceptionduManuele Dhuodadont ierre ichép.37à 50) reprendci eprogrammed éducationeligieusen montrantueDhuodaaussiavait e soucid engen-drer ne nouvelleois onfilsdans Église,grâce un ensemble erecom-

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NOTESDELECTURE 147

mandationsù s intègrent la fois a morale eligieuset l éducation oliti-queet sociale. D autrepart,dèsqu émergentuelques émoignagesur cesujet, partir u xnc iècle, e sonttoujours eshommes,t le plussou-vent es clercs ui tiennenta plume.La transmissione la foipar es fem-mes,commee note Nicole Bérioup. 51à 70),s est effectivementaitel intérieures famillest de manière urementrale, evenantinsipournousdoublementnaccessible. ienplus, auteurmontre ommente développe-ment e la prédicationux xneet xine iècles, épondant un réelbesoinde transmissione la « saine doctrine, a fait du prédicateur,écessaire-ment cclésiastique,a sourcede toute ransmissione la foi dans Église.Leprédicateure substitueittéralemente ce fait la mère nourricière

sur e plan pirituel,omme attestentesmétaphoresuileprésententomme« mère es âmes . Lerenouveauastoralboutit oncà établir éfinitive-ment es femmesn positionubalterneans eprocessuse transmissionela foi. Le but est de contrôler utant ue possiblea paroleféminineuidoit e cantonner l apprentissagear esenfants uPater du Credo t desprincipauxommandements,e discoursatéchétiquetant ésormais éservéau prédicateur.

Quasimentxcluesu domaine e laParole,esfemmese sontrepliéessur es magest sur es livres ieux éalisés leurusage omme e montrentlescontributionseDominique igaux p.71à 90)et de DanièleAlexandre-Bidonp. 91à 122).Si la femme st ncontestablementneutilisatricerivi-légiéedesimagesantpour éducation esenfants uepour approfondis-sement e se propre oi, lle n est uerarementacommanditairee ces ma-geset reste onc cantonnée un rôle de relais.Pénétrante mondede laviequotidiennees femmes la finduMoyenAge,DanièleAlexandre-Bidony décèleun renouveau u rôle de la femme ans l éducationeligieuseesenfants, t ce notammentar l apprentissagee la lecture ans es livres tles abécédairesieux.On saitparailleursuelesfemmeses couches ocia-lessupérieuresépensentlusd argent ue leshommes ans acquisitionelivres t d objetsde piété,un véritable nivers ulturel t culturelypique-ment éminin oyant insi e jourà la findu MoyenAge.Tous cesobjetsentourentussi enfant, quila mèrefait oucher on livre Heures,onchapelet,oncrucifix,omme n le voitdans tantde représentationsictu-ralesprobablementondées uruneréalité. nfin, a mère ccupeuneplacefondamentaleans acatholicisationesfaits t gestes e la viequotidienne,véritablenseignementar imprégnation.Lesétudes oncernanta périodemédiévaleeterminentarunecontri-bution Estrella uiz-Calvezp. 123 155)raitantel iconographieesainteAnne entre e xveet le xviieiècles.Mère de la ViergeMarie,maisaussid autres nfants ssusdeprécédents ariagesuidonnentieuà la représen-tation conographiquee la Sainte arenté, nne st unpersonnagerès on-troverséu MoyenAge à la foismère xceptionnellet mèrenaturelle,apersonnalitéeposeur une ambivalence,lleestvéritablementla croiséededeuxmondes.esmultiplesatronagesontrentu onlaconsidèreommeunefemme expériencet de savoir-faire...onton doitéventuellementeméfier.

eprésentere

plusouventomme hef e

famille,riginee la

lignéeterrestre u Christ, ui nepeut tre uematrilinéaire,lle estaussicellequitient e livre ans equela Vierge pprend lire.Anne stdonc eplussou-vent eprésentéeans exerciceefonctionsabituellementévolues uxhom-mes chef efamille,rigine e la lignée,maître école equiexpliqueeut-être usagemasculinu on fit de ce prénom la fin du MoyenAge.Ce

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NOTESDE LECTURE 149

et de surcroît e conditionmodeste,ui oseporter lainte.La figure eLusanna e détache elleétonne, ar sonaction,par soncourage, ar sesambiguïtésêmes,omme lle pu surprendre, aisd unefaçonmoins ien-veillante,es Florentinse sontemps. n portant lainte, lle ouaitsarépu-tation t Thonneur e sa famille. opiniond alorsétait outnaturellementplus ndulgente l égarddesmêmes ctions ommisesar Giovanni ledouble tandard ontparleC.Klapisch-Zuber.esprétentionsnhabituellesde Lusannahoquaientienplusqueles« frasquesde eunesse unhommeriche t haut placé.Le tribunalcclésiastiquerancha n faveur eLusanna,maismalheureusementousne savonspasquelsmotifs ont fait penchernsa faveur.

Les deux mants taientriginairesu même uartier, e laparoisseanLorenzo,t une desqualitésdu livre st de nous enprésentern tableautrès ivant. oisins, mis, elationsu travail u mari t du pèredeLusanna,tousgens ppartenantu mondedesartisans, taient ussi iésà Giovannipar eurprofessionu par e parrainageGiovanniui-mêmearaissaitrèsà l aise danscemilieu,maiscettemobilité erticalevait,naturellement,eslimites.ocialement,out éparait usanna tGiovanni,t l auteur élimiteclairementeur ppartenancedeuxmondes iendistincts. idéed uneunionaussidisparateevait oncchoqueremilieu rtisanalmodesteutant u elleétait nacceptableu milieu e Giovanni.Ainsi es témoinse la cérémoniedu mariage, ui appartenaientu mêmemilieu ue Lusanna,taient ussiles témoins u procès,mais citéspour a plupart n faveur e Giovanni.

La célébrationu mariagee Giovannit Lusannaprésentaites ano-malies.l luimanquaiteséléments u rituel ui servaientomme agesdela légitimitée l union.Giovanniyant efuséadot, l n y avaitpasde con-trat emariage.élébré l insude la famille eGiovanni,emariage avaitpaseu lapublicitéécessaire.lusgrave, union taitdépourvuee l assisesociale t familialeui luiconférait,uxyeuxdescontemporains,out onsens. L histoiree Giovanni tLusannamontre quelpoint l estdifficile,en cas dediscorde,e démontrera validité un mariage eposantur eseulconsentement,êmei celui-ci tait e fondementu mariagehrétien.Ambiguïtéuia pupermettreGiovanni,malgréonattachementLusanna,de se ménagerneportede sortie.

Laparolestdonnée uxgens uenousn entendonsuerarementfem-mes, rtisans, uvriers, erviteurs,n tout vingt-cinqémoinsur es trenteet un appelés.L échode leurvoix nousparvientvec uneétonnantemmé-diateté t leursproposont des accentsui sontfamiliers tout ecteur enouvellesoscanes.occace,Sacchetti,ermini pourne nommeru eux- nous ontdéjàouvertesespacesprivés e la Toscanedesxive-xveiècles,et nouspouvonsinsi ituer es protagonistesans eur nvironnementuo-tidien t mieux omprendreeurmentalité,eurs éactions,eursmotivations.Giovannieprésenteien a jeunesseoréeflorentine.usanna arsavolontéet son couragee distingueu milieu estravailleursrtisans ellerappellecertaineséroïnesesnouvelles.Maisle pape,en renversantinalementadécisionpiscopale,onnagainde cause auxpuissants.Lelivre aconte nebellehistoire, aisparsaméthode t par efficacebibliographie,l est aussiun instrumente travail ur a société lorentinedu xve iècle.

LadaHordynsky-Caillat

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150 NOTESDELECTURE

ClaudeGauvard,« Degraceespecial. Crime État et Sociétén Franceà lafin duMoyenAge,Paris,PublicationselaSorbonne, 991, volumes,1 025p.

L'ouvragee MadameClaudeGauvard 'estpasseulementne histoiredu crime ux xive t xvc iècles ar derrièreevol, e viol oul'homicide,amanière ont ls sedisent,eprouventt se punissentpremièreartie), 'esttoute a société ela findu MoyenAge qui apparaîtun monde rdinaire(seconde artie),olidairetroisièmeartie)t codifiéquatrièmeartie). on-trairement unelongue radition istoriographiqueoncernanta crimina-lité, uia trop ouvent ait de l'histoireociale nehistoirees cas sociaux

(p.5),ClaudeGauvarde rechercheasl'exotisme,e crimeanglant,xtraor-dinaire u marginal,mais elle s'attache la criminalitérdinaire,ellequipermet e mettre jour la société t ses valeurs. es sources tilisées t lapériodeonsidéréelacent écessairement'étude u centre 'unproblèmeou-vent ébattu la constructione l'État moderne. ar conséquent'auteur edemandei la lutte es nstances'État ontree crime articipee cette ons-truction Le titre e l'ouvrage ndiquebienqu'il s'agitd'étudieres rela-tions omplexesui se nouent ntre crime, tat et société .

Mêmei le matériau e base estenrichi e chroniques,ournaux, écitsdecrimes,raitéshéoriques,outumiers,laude Gauvard essentiellementutilisé es sourcesudiciairesaccords,ettres, rrêts t plaidoieriesu Par-lement e Paris oncernanterègne e CharlesI, registresuChatelet,ocu-ments elatifsux usticeseigneurialest urbaines,t surtout, ource rivi-légiéeecette tude la lettre e rémission. elle-cieut tre éfinie omme« un actedeChancelleriear equele roi octroie onpardon la suite 'uncrime u d'un délit, rrêtant insi e cours ordinaire e la justice, u'ellesoitroyale,eigneuriale,rbaine u ecclésiastique (p. 63).C'estpourcettedernièreource ueClaudeGauvard appliquéune méthodeuantitative7 500ettres nt étédépouillées,manant e 11registresuTrésor es char-tes,couvranta période 380-1424.50 ettres nt fait 'objetd'undépouil-lementnformatiséui comprend72donnéesegroupéesn sixgrands hè-mes aspectdiplomatique,éclinaison'identité,ortdu coupable prèsecrime, articipantsu crime, éroulementu crime t octroi ela rémission.L'auteur tout fait onscienceuecessources e donnent voir ue« lafaceémergéee la criminalitééelle (p. 9) et qu'il existeune sortede«justice-parallèle, émanantela sociétéui résorbees conflitsvant eurapparitionur a scènecontentieuset quinouséchappe omplètement.

57 % des criminelsnt commis n homicidet 16°/o eulementontimpliquésans esvols,pourcentagesrèsvoisins e ceux calculésar Jac-quesChiffoleauourAvignonLes usticesu Pape. Délinquancet crimi-nalitédans la région *Avignonu xiVeiècle,Paris,1984).l y a peudedifférencentre e crime la campagnet le crime la ville,mêmepourParis, ouvent résentéomme n casparticulier,laude Gauvardritiquelestravaux e Bronislaveremekui lietrop ystématiquementriminalité,migrationt marginalitét ceuxde E. Cohensuivantequela crise eraità

l'origine'une

augmentationelativeesvols,dans a secondemoitié u

XIVeiècle, ux dépensdeshomicides.ienpeude « criminels parisiensappartiennentu monde esexclus.Là,commeilleurs, n note le nom-bre mpressionnantecriminelsu profil ésespérémentrdinaire (p. 472).Lesdifférencesontplusmarquéesntre e crime ommisans 'espaceprivéet celuiquis'inscrit ans 'espacepublic.Dansce dernier'homicide omine

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NOTESDELECTURE 151

alorsque l'espaceprivé ccueillelusvolontiersevol,dont a sanction ou-jourstrès évère rouve 'importancettachée la propriété.a violence stplus ouventmasculineles homicidesmpliquent9% decoupablest 79 %de victimese sexemasculin. es femmesont lutôtmpliquéesans es vols« Leprivé rotègeesfemmest les valorise lepublicesexposet es mar-ginalise (p. 346).La femme stplussouvent ictimeue coupable,mêmesi ClaudeGauvardmontre out e respect ui entoure e sexe féminin lafindu MoyenAge.Lesjeunessontcertes lusmobiles t par conséquentleursdélits ont ommis lus oin du domicile,mais 'âge n'expliqueaslecrime. e même edernier 'apas d'originetrictementociale.CommeourAvignon, oupablet victimeppartiennentu mêmemilieu ocialet toutes

lescoucheselapopulationontreprésentées.'imagedes criminelses et-tres e rémission,inalement,ecorrespondasà celledonnée ar essour-cesnarrativest législatives.

Claude Gauvardbserve nsuite es réseaux e relationsui entourentla victime t le coupablesolidaritéillageoiseconfrérie,oisinage, mis),parentalenaturellet spirituelle)t conjugale.iens rès orts uiexpliquentqueles conflitsmeurtriersontrares.Engénéral,a justice oyale, ar pru-dence,emontrerès espectueusee cessolidarités.'États'estaccommodédu code de l'honneure la sociétéu'il cherche eplusenplusà encadrer.

Cette iolence e lafinduMoyenAgen'estpasgratuite. llen'estpas,comme esuggère orbert lias, eproduit 'uneagressivitéuela « civili-sation es mœurs n'aurait as« encore éussi affiner. Codifiée,itua-lisée, lle est nécessaire la survie ela société. ecrime st avant outuneréparatione l'ordre ocial.

L'auteur onsacre e trèsbellespages chapitres6et 17)à lafamabafouéeui demandeengeancesentiment 80 % à l'origine eshomici-des)etréparation.e délit t a qualitéociale u criminelont oujoursécritsavec minutie ar l'honneur e la partie afouéedoitêtrerestitué ointparpoint.Dans cette société honneur, avant e crime,l y a presqueou-jourséchangeerbaux,estesu injures. 'auteur ous ivre lors la rondedesjurons de la fin du MoyenAge.Ce typede vengeanceéclineuxve iècleparcequel'honneur lessé oncernee plusen plus 'individu tde moins n moins a familleOnassiste au lent heminemente la res-ponsabiliténdividuellenmatièreriminelle(p. 787)et parce uelanotionde paixprogresseansl'opinionpublique.Faceà cette ociété t à sesrègles ropres, ue fait 'État? Il contre-carre ette aidatout n la respectantrofondémentar il saitquela ven-geancest la réponsendispensablel'honneur afoué. l en combatpluslesexcès ui engendrent'autres rimes t qui, parconséquent,eréparentpas.Dans90% deslettres, n trouve a clauderoyale uivante« satisfac-tion oit faicte partie i faiten'est . Larémissione faitdoncque préci-piter e règlemente la paix, orsque'État a peuquele crime edégénèreen vendetta.l existe ien un frein, n régulateurnterne la société uine doitrien l'État. Leroi,finalement'imposeomme nrecours t tenteprudemmente substituera peine la vengeance.l veut ussicopier aconduiteur celle du

Christ,airede son

royaumene

copieici bas du

royaumee Dieu,la rémissionoyalee lit alorscomme negrâcedivine.Au-delàe cette olontévidente'imitation,e roia conscienceu'enaccor-dant sa grâce, l aide à sauver esâmes.La miséricordeoyale st biend'essenceeligieuse.

Danslechapitre8, 'auteur epencheur es peinest montre arfaite-

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152 NOTESDELECTURE

ment eur relativité. ux xiveet xvc iècles,dans unesociété ù le sacrédomine,es crimes e parjure, e blasphèmeu de mœursviolsdejeunesfilles,meurtrese femmesnceintesu denouveauxés), ugés«énormes,sont espluscondamnés.ls sontperçus omme nfinimentlusgraves ueles cas d'homicidear ls remettentn cause esvaleurs ela société.A côtéde l'homicidet ducrimeontreesacré, mergentroisièmeype edélitle crime olitique. e dernier ont a manifestationa plusévidente st lecrimede lèse-majesté« qui acquierta viepropre ntre 1350et 1450(p.946),st, ui aussi évèrementondamnét rend ompte'unpouvoiroyalqui s'affirme.

La manièreont es peinesontdonnéesont pparaîtree sujet déal

pour equelagrâce oit ntervenirécessairement.e dernierst oit 'hommed'armes oit e bonpèrede familleyantun travail, espectueuxe l'Étatet de la société. our epremier,agrâcepparaîtomme ne orte e récom-pense our serviceendu u roi. Pour le second lleest la reconnaissancepar 'Etatdu modèleu« prud'homme. Cesujet déal à deuxvisagesen-voieau « seulclivagenetde la société (p. 427) noble/non oble.

Commen peut e constaterprèscerapide urvol es conclusions el'auteur, partir e la violencet du crime, 'est toute a société esxivcet xve iècles, ans toutes esdimensions,ui apparaît.On sait avecpréci-sion,pourcentagel'appui,es modes eperceptionutemps t de l'espacedeshommeses deuxderniersièclesuMoyenAge chapitre1), améfianceaveclaquellees individuserçoiventeluiquiest « né d'estranges aïs»,dansuneépoquede« crises oùles hommes'armes, trangers la région,perturbent'espace.

On estsurpris e constateruele retour es« trois léaux et la nais-sancedel'Étatmoderne,euxdonnéesourtant ondamentalesel'époque,exercentnefaiblenfluenceur es spécificitésu crime la finduMoyenAge.Ainsi, n révélantestraits tructurels e la criminalité,laude Gau-vardfait ussiœuvre nthropologique.lle donne galementux euneshis-toriens neformidableeçondeméthodesn n'étant amaisdupede ses sour-ces,neperdantamaisdevuequ'elletravailleuruntype e documentar-ticuliert que, quelquesoitcequiestdit, e mobile e la lettre st a grâceetque,parconséquent,esrenseignementsontgauchis,urousous-évalués,occultés,ourobtenira grâceroyale.Claude Gauvardémontreu'il y aquelquefoisnerétentionolontaire'informationela partdessuppliants.En cequiconcernea déclinaison'identité,arexemple,euls ontretenuslesélémentsuivont ervir la démonstrationui doit se conclurearunepeine u par 'acquittement.e même,llepense ue,lorsde la déclinaisondel'âgel'absenceementionu le vel circaquimarque 'imprécision,ontvolontaires.a dispariténtre 'imprécisionesmentionse l'âgeet la par-faite récisione la perceptione l'espaceesttrop mportante ournepasêtre ignificative.n fait, our tre râciés,es criminelsoiventignifieru'ilsappartiennentu Royaumet ont donctout ntérêt, anscedomaine, êtreprécis. 'âgen'a pascettemportanceu regard e lagrâce.l esttout ussisignificatifue lesâgesdesplus eunessoient lussouventmentionnésarla

jeunessest

toujoursirconstancetténuante.eslacunesontdoncmoins

un faitd'ignoranceu'un soucide cherchera grâce.ClaudeGauvarde livre ystématiquementune étudedu vocabulairepour avoir equise cachederrièreesmots crime, érité, ccuser, énon-cer, veu, tc., anscessen en recherchantesens t 'emploihez esthéo-riciens u temps, fin de lescomparer l'utilisationui en est faitedans

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NOTESDE LECTURE 153

les sourcesu'elleétudie. lle cite bondammentesdernières,ouspermet-tantd'appréciera saveur 'une lettre e rémissionu d'unechroniqueutemps.

Lecrime bservéarClaudeGauvardermet oncune brillanteynthèsesur a sociétéu temps e CharlesVI.Les valeursui régissentelle-ci ontcellesui servent la constructione l'État.Parconséquentl n'existe asd'oppositionsmajeuresntre tat et sociétépour utter ontre e crime.

On nepeutqueseréjouir ue cet excellentravail niversitaireit étérécompenséardeuxprix PrixGobert 991de l'Académie esInscriptionset Belles-Lettrest PrixMalesherbes992de l'Associationrançaise ourl'Histoire elaJustice. écompensesuimontrentareconnaissancendehors

du champdesspécialistes.uisse aussi cetouvrage,entré ur a violenceet le crime,ongtempséputés moyenâgeux, aiderà construireans lamémoire ollectiveun autreMoyenAge»DidierLett

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Médiévales5,automne993,p.154-157

LIVRESREÇUS

Antitus, Poésies,éd. critiquepar ManuelaPython, Genève Droz,1992(Texteslittéraires rançais).

MarioAscheri (sousla dir. de),AnticalegislazioneellaRepubblicadi Siena,Siena : Il Leccio,1993.

MauriceAymard, ClaudeGrignon et FrançoiseSabban (sousla dir.de), Le temps de manger. Alimentation, mploi du temps etrythmes ociaux,Paris : Maisondes sciencesde l Homme et Ins-titut National de la Recherche gronomique,1993.

DominiqueBarthélémy, La sociétédans le comté de Vendômedel an mil au XIv siècle,Paris : Fayard, 1993.

Maria Rita Berardi (éd. par), Civiltàmedioevalenegli Abruzzi,vol. II, Testimonianze,L Aquila: Colacchi,1992.JacquesBerlioz et Marie-Anneolo de Beaulieu (sousla dir. de),Les Exemplamédiévaux. ntroduction la recherche, uiviedestablescritiquesde / Index exemplorumde FredericC. Tubach,s. 1.: Garae/Hesiode,1992.

Sofia Boesch Gajano (éd. par), CiviltàmedioevalenegliAbruzzi,vol. I, Storiografìa Storia, L Aquila: Colacchi,1990.

Alain Boureau, L événementsans fin. Récit et christianisme uMoyenAge, Paris: BellesLettres, 1993(coll. Histoire).

MoniqueBourin et Pascal Chareille (étudesréuniespar), Genèse

médiévalede

l anthroponymiemoderne,tomes

I-l,Persistance

du nom unique.Le cas de la Bretagne.L anthroponymiedesclercset II-2,Persistancedu nomunique.Désignationet anthro-ponymiedesfemmes.Méthodesstatistiques our l anthropony-mie, Tours : Publicationsde l Universitéde Tours, 1992.

Paolo Cammarosano, Italia medievale.Struttura geografiadellefonti scritte, Roma: La NuovaItalia Scientifica,1991.

CaterinaCaneva et Paolo Pirillo, La Croce diFigline.Storiae vitadi un Monastero,Florence Opus Libri, 1993.

SilviaCappelli et FrancaDoccini, Paganico: Statutidella commu-nità secoloXV),Grosseto Ministero er i beniambientali cul-turali, Archiviodi Stato di Grosseto,Associazionepro loco diPaganico,1993.

ElisabethCarpentier, Uneville devant a peste. Orvietoet la pestenoire de 1348,2e édit. revue, Bruxelles DeBoeckUniversité,1993(Bibliothèquedu Moyen Age).

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LIVRESREÇUS 155

Bernard Chevalier (éd. par), Lespays de la Loiremoyennedansle trésordes Chartes.Berry Blésois,Chartrain Orléanais Tou-raine,1350-1502Archivesnationales JJ 80-235),Paris: édit. duComitédes TravauxHistoriqueset Scientifiques, 993(coll.dedoc. inéd. sur l histoirede France,série in-8°, vol.22).

Chrétien de Troyes, Érecet Énide éd. critique,prés, et notesdeJean-Marie Fritz, Paris : Livre de Poche, 1992 (Lettresgothiques).

GeorgesComet, Le paysan et son outil. Essai d histoire techniquedes céréalesFrance,vnie-xveiècle, Rome : ÉcoleFrançaisedeRome, 1993(Coll.de l Éc. Fr. de Rome, 165).PhilippeContamine, MarcBompaire,StéphaneLebecqet Jean-LucSarrazin, L économie médiévaleParis : ArmandColin, 1993(coll. U, série Histoiremédiévale).

AndréeCourtemanche, La richesse esfemmes.Patrimoines t ges-tion à Manosqueau XIVeiècle Paris-Montréal Vrin-Bellarmin,1993.

JacquesDalarun, La sainte et la cité.Michelinede Pesaro(t 1356),tertiaire ranciscaineRome :ÉcoleFrançaisede Rome,1992coll.de l Éc. Fr. de Rome, 164).

DomJacquesDubois etJean-LoupLemaître, Sourceset méthodesde l hagiographiemédiévaleParis : Cerf, 1993(coll. Histoire).Firmicus Maternus, Mathesis, ivres et II, éd. et trad, par Pierre

Monat, Paris : BellesLettres, 1992.Robert Fossier, Hommes et villagesd Occident au MoyenAge,

Paris : Publications de la Sorbonne,1992.HilarioFranco Jr., As utopiasmedievais,São Paulo :editoria bra-

siliense,s.d.Gerbert de Montreuil, Le Roman dela Violette xiiiesiècle,trad,

et prés. par MireilleDEMAULES,Paris : Stock, 1992(MoyenAge).

Gui d Arezzo, Micrologus,trad, et comm. de Marie-Noël Coletteet Jean-Christopheolivet, Paris : éd. IPMCLa Villette,1993.Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Le Roman de la Rose,

éd. et trad, par ArmandStrubel, Paris : Livre de Poche, 1992(Lettresgothiques).

OlivierGuyotjeannin, Le MoyenAge, ve-xveiècle,Paris: Fayard,1992Archivesde l Occident, ousla dir. de Jean FAVIER,t. I).

Anne-Marie Hayez (éd. par), Le terrier vignonnaisde l évêqueAnglicGrimoard 1366-1368),Paris : édit. du Comitédes Tra-vaux Historiqueset Scientifiques,1993(coll. de doc. inéd. surl histoirede France,sériein-8°, vol.21).CharlesHigounet, Villes,sociétéset économiesmédiévalesBor-deaux : Fédérationhistoriquedu Sud-Ouest,Univ. de BordeauxIII, 1992(Étudeset documentsd Aquitaine).

L Histoire desmoinesd Egyptesuivie de la Viede saintPaul leSim-

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156 LIVRESREÇUS

pie éd. critique e MichelleSzkilnik, Genève Droz,1993Tex-tes littéraires rançais).Jean-ClaudeJeanjacquot (coordin.),Pymont la Forteresse ubliée

(xiiie~xveiècle, Lons-le-Saunier cercleGirardot t Centre Juras-sien du Patrimoine,1993.

Enzo Lecchini et SandroRossolini, Unpopolo un castello Sto-ria delle Serredi Rapolano Serredi Rapolano: Alsaba, 1993(Associazione Serremaggio).

Mino Marchetti, Liturgiae storia della chiesa di Siena nel XIIsecolo I calendari medioevalidella chiesa senese Siena :Istituto

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GiuseppeMonaci, Paganico: Appunti di storia (dalle origini al1581),Grosseto Ministeroper i beni ambientali e culturali,Archiviodi Stato di Grosseto,Associazionepro loco diPaganico,1993.

Anna Maria Nada Patrone (éd. par), Gli Statuti trecenteschi iSanto StefanoBelbo Santo Stefano Belbo: Gribaudo,1992.OttaviaNiccoli (coordonné par), InfanzieFunzionidi un gruppoliminole al mondo classicoall Età moderna Florence Ponte alleGrazie,1993(Quadernidel castellodi Gargonza,Laboratorio diStoria, 6).

MarioPagano, Poemettimisoginintico-francesi., « Le Blasme desfames», Catania: Università i Catania,1990Quadernidelsicu-lorum Gymnasium,XIX).

MichelPastoureau, Traitéd Héraldique 2e édit. revueet augm.,Paris : Picard, 1993(Grandsmanuels).

BernardRibemont (sousla dir. de), Le MoyenAge et la science.Approchede quelquesdisciplineset personnalités cientifiquesmédiévalesParis : Klincksieck,1991(Sapiences).

LucianoRossi et RichardStraub (éd. et trad, par), Fabliaux éroti-ques textesdejongleursdesXIIe etXIIIe ièclesParis : Livre depoche, 1992(Lettresgothiques).

Société desHistoriensMédiévistese l Enseignement upérieur ublic,Le clercséculierau Moyen Age,Actes du XXIIeCongrèsde laSHMESP,Amiens 1991Paris Publicationse la Sorbonne,1993(sérieHistoireancienneet médiévale,27).

SociétédesHistoriensMédiévistese l Enseignementupérieur ublic,Villageset villageoisau Moyen Age Paris : Publicationsde laSorbonne,1992(sérieHistoireancienneet médiévale,26).

GerdTellenbach, The Church n Western urope from the Tenthto the Early Twelfth entury Cambridge CambridgeU.P., 1993(CambridgeMedievalTextbooks).

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LIVRESREÇUS 157

SuzanneTunc, Lesfemmes u pouvoir.Deuxabbesses de Fontevraudaux XIIe et XVIIeiècles,Paris : Cerf, 1993(Paroleprésente).ÉmileVan Balberghe, Les manuscritsmédiévaux del abbaye de

Parc Bruxelles Alain Ferratonet Émile VanBalberghe,1992.Michel Zimmermann (coordonné par), Les sociétés méridionales

autour de l an mil Répertoire essources etdocuments ommen-tés Paris : CNRS, 1992(coll. Sud).

MichelZink, Introduction la littérature rançaisedu MoyenAgeParis : Livre de poche, 1993(Références).

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ISSN 0751-2708

SOMMAIRE N° 25 AUTOMNE 1993

LA VOIX ET L ÉCRITURE

La voix et écritureémergencesmédiévalesMichelBANNIARD 5

SulpiceSévèretémoin e la communicationrale en latin la fin duIVe

ièclegallo-romainJacques ONTAINE 17

Poétiqueatine t poétique ieil-anglaisepoèmesmêlantes deux anguesAndréCRÉPIN 33

Lesdeuxvies de saintRiquierdulatinmédiatiqueu latinhiératique

MichelBANNIARD 45

Leslangagesn paysceltiqueMi h ëlRICHTER 53