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8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995 http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 1/164 lAT T7 langue || I III' textes W{ -L/ JL * 4 histoire .ÇÀ -L/ VALES JL * 4 histoire i .ÇÀ N° 29 - AUTOMNE 1995 /S L'ÉTOFFE sSā ET LE VÊTEMENT § duCentre evue National ubliée du vec Livre econcours etduC.N.R.S. 11/ duCentreationaluLivretduC.N.R.S.

Medievales - Num 29 - Automne 1995

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lAT

T7

langue

||

I III'

textes

W{

-L/

JL

*

4

histoire

.ÇÀ

-L/

VALES

JL

*

4

histoire

i

.ÇÀ

N° 29

-

AUTOMNE

1995

/S

L'ÉTOFFE

sSā

ET

LE

VÊTEMENT

§

duCentre

evue

National

ubliée

du

vec

Livre

e

concours

etduC.N.R.S. 11/duCentreationaluLivre tduC.N.R.S.

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MÉDIÉVALES 29 AUTOMNE 1995

L'ÉTOFFE

ET LE

VÊTEMENT

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SOMMAIRE

N° 29

AUTOMNE 1995

L'ÉTOFFE

ET LE

VÊTEMENT

Pratiques

et

symboliques

vestimentaires

Michel PASTOUREAU 5

Quand

les Pathelin achètentdu

drap

Bruno

ROY 9

La lettre

t

l'étoffe.

Étude

sur les

lettres

ans

le

dispositif

es-

timentaire la

fin

du

Moyen

Âge

Jean-Pierre OURDAN 23

Jésus

teinturier.Histoire

symbolique

et sociale d'un métier

réprouvé

Michel

PASTOUREAU 47

Histoire du costume

l'objet

introuvable

Odile BLANC 65

Suffilello e

Montalto, voleur,

ou le

strip-tease

ontraint e la

comtesse d'Artois

Nouvelle de Giovanni SERCAMBI

présentée

ar

Odile

REDON 83

Compter

et nommer 'étoffe à Florence au Trecento

1343)

Laurence

GÉRARD-MARCHANT

87

La

«

dispute pour

la culotte . Variations

ittéraires

t icono-

graphiques

d'un thème

profane

xiiie-xvie

iècle)

Pierre BUREAU 105

ESSAIS ET RECHERCHES

Occulta cordis.

Contrôle de

soi

et

confession

u

Moyen

Âge,

I.

Formes

du silence

Peter VON MOOS

131

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4 SOMMAIRE

Notes

de lecture 141

Commynes,

Mémoires

(V. Jouët)

;

Robert

Jacob,

Images

de

la

Justice.

ssai sur

l'iconographieudiciaire

du

Moyen Âge

à

l'âge classique (G.

Grout Grau-

toff)

;

Jean-Marie

Martin,

Italies Normandes

(xe~xiie iècles) (L. Feller)

;

Xudeus e

conversos na

Historia

(J.

P.

Barraqué)

;

Paul

Mommaers,

Hade-

wijch

d'Anvers

L. Moulinier)

;

Modelli

di

santità e

modelli di

comportamento S. Houdard)

;

Gabrielle

Démians D'Archimbaud (dir.), L'oppidum de Saint-

Blaise du

Ve

au

viie

iècle

(C. Raynaud).

Livres

reçus

156

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Médiévales9,automne995, p.5-7

Michel PASTOUREAU

PRATIQUES

ET

SYMBOLIQUES

VESTIMENTAIRES

Dans

beaucoup

de

sociétés,

universdu tissu

est

celui

qui

mêle

le

plus

étroitement

es

problèmes echniques

t

matériels

ux

problè-

mes

idéologiques

et

symboliques.

C est

pourquoi

l étoffe et

le vête-

mentconstituent

oujourspour

l historien t

pour

l anthropologue

es

lieux

de

recherche

luridisciplinaire.

ela est

particulièrement

rai

des

sociétés

chrétiennes u

Moyen

Âge

occidental

elles

ne

connaissent

pour

véritable industrie

que

celle du

drap

et

elles articulent utour

des signeset des pratiquesvestimentairesa plupartde leurstaxino-

mies sociales.

La

présente

ivraisonde

Médiévales souhaiterait on-

ner un

aperçu

de la diversité e ces

problèmes,

même

si,

en

raison

de

quelques

défections,

accent

a

finalement

lus

été mis sur l ima-

ginaire

et les

systèmes

e

représentationue

sur les

contraintes ech-

niques

ou

les données

archéologiques. éparertrop

nettement

es dif-

férents errains

investigation

urait

du reste té

anachronique

t mal-

venu :

l imaginaire

fait

toujours partie

de la réalité.

Dans

le vêtement

médiéval,

en

effet,

out

est

signifiant

les tis-

sus

(matière,

exture,

rovenance, écor),

les

pièces

et

les

formes,

es

couleurs qualité des colorants, olidité, uminosité, onset nuances),

le travailde

coupe

et

d assemblage,

es

dimensions,

es accessoires

t,

bien

sûr,

la

façon

de

porter

e vêtement.

l

s agit d exprimer ar

des

signes

conventionnels,

oujours

fortement

odés,

un certain

nombre

de valeurs

et

d en assurer es contrôles

orrespondants.

hacun

doit

porter

e

vêtement

e

son

état et de

son

rang.

Se vêtir

plus

richement

ou

plus pauvrement u il

n est

d usage

dans la classe ou

dans le milieu

auquel

on

appartient

est un

péché d orgueil

ou une

marque

de

déchéance c est

en outre une

transgression

e l ordre

social

et

donc

une

cause

de scandale. Partout a

fonction

axinomique

du

vêtement

prime

sa fonctionutilitaire.Bien avant d aider à

se

protéger

ontre

les effetsdu climat on s habille à peu près de la mêmefaçon tout

au

long

de

l année

et d un bout à l autre de la

Chrétienté cciden-

tale)

ou

à

s adapter

à

telle ou telle

activité

matérielle,

e vêtement it

qui

l on

est,

en

soulignant

appartenance

un

groupe familial,poli-

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6

M. PASTOUREAU

tique, domestique,professionnel,

militaire,

eligieux, thnique,

ultu-

rel)

et en

signalant

ouvent

a

position,

e

rang

ou la

dignité

u

sein

de ce

groupe.

Le vêtementmédiévalest une réalité

nstitutionnellet

normative

t non

pas

une réalité

ndividuelle,

u elle

soit

affective,

esthétique,

udique, psychologique

u

phénoménologique;

n ne

porte

pas

les vêtements

ue

l on

aime,

on

porte

ceux

que

Ton doit

porter.

Par

même,

es

moralesvestimentairesont

nombreuses t con-

traignantes.

lles ont

ongtemps

té le faitdes

théologiens

t

des

hom-

mes

d Église (l habit

monastique

n est

exemple

e

plus ancien),

avant

d être

eprises

t

renouveléesjpar

es autorités

aïques

à

partir

es

xiie-xiiie

siècles.A la findu Moyen Âge, les lois somptuairest les décrets esti-

mentaires

rolifèrent

artout, pécialement

ans les villes.Ces

lois,

qui

sous

des formes iverses

erdurerontarfois usqu au

xviiie

iècle

ainsi

à

Venise,

à Zurich

ou à

Nuremberg),

nt une

triple

fonction.

Tout

d abord

économique

limiter ans toutes es classes

et

catégories

ocia-

les les

dépenses

concernant

e vêtement t

ses accessoires

ainsi

que

d autres

objets,

notamment

a

vaisselle)

ar ce

sont des investissements

improductifs.

nsuite

ne fonctionmorale maintenirne tradition

hré-

tienne

de décence et

de

tempérance

en ce

sens,

ces lois et

décrets e

rattachent

u

grand

ourantmoralisateur

ui

traverse out e

MoyenÂge

finissant

t dont

a

Réforme

rotestante

e fera héritière.

nfin,

t

sur-

tout,une fonctiondéologique instaurerar e vêtementnordre ocial

fait

de

classifications,

e

hiérarchies,

e

barrières

t de

ségrégations.

Il

est

dommage

ue pendant

i

longtemps

es historiens e la

société

médiévale e soient

peu

intéressés

u vêtementt aux

pratiques

estimen-

taires.

ls ont abandonné

es domaines la

«

petite

istoire et aux tra-

vaux

d amateurs,

ou bien se sont contentés

une

étude

archéologique

des

formes u

costume,

tude

envisagée

uccessivementous un

angle

romantique,

sthétique

t

positiviste.

r ce n est évidemment

as

cela

qui

est

en

eu

dans le faitvestimentaire

le vêtement a riend anecdo-

tique

ni

de

romantique,

ncore moins

d esthétique

c est un véritable

système ocial. Heureusement, epuisune ou deux générations, ousl influence e

l anthropologie,

e la

sociologie

t de la

sémiologie pen-

sons

ci à

l ouvrage

pionnier

e Roland

Barthes,

e

système

e la

mode,

publié

en

1967), quelques

historiens u

Moyen Âge

et de

l Époque

moderne nt

entrepris

es

enquêtes

nouvelles,

onsidérant

e

vêtement

comme

un

objet

d histoire

part

entière t les

pratiques

vestimentaires

comme

un terrain

leinement

ransdisciplinaire

t transdocumentaire.

Plusieurs

ravaux ndividuels

u collectifs nt

déjà

vu le

jour.

Souhai-

tons

que

les

pistes

insi

ouvertes oient fructueusementuivies

par

les

recherches n cours

ou à venir.L écart reste

n effet

mmense

ntre a

richesse

du

sujet

et les

trop

rares études

dont nous

disposons.

Ce

qui

est

vraidu

vêtement ans a société éritable est

encore

plus

dans

la société

conographique.

ci,

plus que partout

illeurs,

e costume

est

support

de

signes

t instrument

e

classification.

ans les

images,

en

effet,

es

attributst es codes

sont

oujours

plus

accentués,

lus systé-

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PRATIQUES

T

SYMBOLIQUES

ESTIMENTAIRES 7

matiques,plus

redondants

ue

dans la réalité.Plus

que

jamais

il

faut

savoir

à

qui

l on a affaire t ne

pas

confondre

n

apôtre

vec un

simple

prophète,

n saint vec son

bourreau,

un roi avec

son

vassal,

un

maître

avec

son

apprenti

u bien un

évêque

avec un abbé et encore

moins un

prélat

vec un

simple

lerc. Mais ici deux

axes s entrecroisent

ui

obli-

gent image

à

faire

preuve

de

souplesse

et

de

subtilité ans ses

codes

et dans ses

procédés

un axe social et un axe

moral.

Il

faut non

seule-

ment

distinguer

es

personnages

ien nés de ceux

qui

se situent

lus

bas

dans

l échelle

sociale,

mais

il

faut

aussi mettre n

valeur ceux

qui,

du

point

de vue

éthique,

ont

pris

en bonne

part

et

ceux

qui,

à un

titre u

à un autre,sont dévalorisés u dévalorisants. l y a des nobles et des

vilains t

il

y

a des

bons

et

des méchants.

Or

ces deux

axes ne

se

recou-

vrent

pas

nécessairement,

oin

s en faut

il

existede

mauvais

rois ou

de

mauvais

princes,

omme

l

existedes

artisans ertueux t

des

domes-

tiques exemplaires

il

existedes

empereurs aïens

cruels

t

sanguinaires

et des serfsmisérables t

généreux

il

existedes

chevaliers

élons t

des

roturiers

emplis

e

courage

ou de

noblesse.

L image

doit dire

tout

cela

et le dire avec nuance. Comme

elle doit aussi

souligner

appartenance

de tel

personnage

tel ou tel

groupe,

es

intentions

ui

l animent

dans

telleou telle

cène,

es

relations

u il

entretient

vec

les

autres

personna-

ges

de

l image,

voire avec ceux

qui

prennent

lace

dans

l image

précé-

denteou dans l imagesuivante.Pour ce faire, e vêtement avec ses

formes,

es

couleurs,

on

décor,

es

nsignes

t

ses

accessoires

est tou-

jours

un

attribut

rivilégié.

l

obéit

à

des codes dont

certains ont

récur-

rents travers ifférentes

atégories images

t de

documents,

ans

une

chronologie

t une

géographie arges,

et

d autres

plus

spécifiques

tel

ou tel

document,

elleou telle

œuvre

d art,

tel

ou tel

artiste u

atelier.

Dans

l image,

e

vêtement st

toujoursporteur

e

significations

ortes.

C est

pourquoi,

ci

aussi,

il

est

dommageque

les

travaux

oient

i

peu

nombreux.

Non

seulementnous

manquons,

pour

l ensemble de

l Europe

occidentale,

e

répertoires

t

d instruments

énéraux

ui

nous

aideraient reconnaître,classer t à interpréterifférentsypes e vête-ments,mais nous

manquons

ussi de

monographies

td étudesdedétail.

Bon nombre

historiens e l art ne

soupçonnent

as

la

richesse

infor-

mations

u ils pourraient

etirer e

l analyse

des

vêtements

mis en

scène

dans

une

œuvred art ou

dans un

ensemble

images.

D autres n accor-

dent

à

l iconographie u un

rôle

accessoire

t

préfèrent,

ncoreet

tou-

jours,

se consacrer

des

taches

ugées plus

nobles l étude

du

style

(qu est-ce

que

le

style

)

et la

biographie

es

artistes

transformée

ou-

vent n

hagiographie).

ls ont tort.Pour

les

époques anciennes,

icono-

graphie

st

toujours

a

branche a

plus

fructueuse

e

l histoire

e

l art,

parce

que

c est celle

qui

fait

pleinement

e

cette

discipline

difficile t

souventmaltraitée, ne authentique ciencehistorique.

École

pratique

des

hautes

études,

Ve

section

45-47,

rue

des

Écoles

F-75005

Paris

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8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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10

B. ROY

fonctionnaire u roi

René,

3)

le fou

Triboulet,

comédien

perpétuel.

Voilà

pour

le côté Pathelin côté

Josseaume,

'identité

st double :

1)

le

drapier, 2)

son

homonyme

e franciscain6.

Est-ce

trop

demander u texte e Pathelin

que

de le lire

ces deux

niveaux? Jene le crois

pas.

Cettefarce

déjà

subi

victorieusement

lu-

sieurs ests

d'ambiguïté7,

t rien

n'empêche

u'elle

en

subisse

d'autres.

La scène du

marchandage

du

drap,

ce haut-lieu

du théâtre

omique

médiéval,

mérite

'être

confrontée

vec

des

documents

istoriques ro-

venant

'Anjou.

Dans

l'hypothèse

ù

le Pathelin urait té

créé

Angers,

une telle onfrontation valeurde

contre-expertise.

eux

contributions

importantesontà notredisposition la thèsede FrançoisePiponnier,

qui

étudie e rôle social des vêtements la cour de

René

d'Anjou8,

et

la

monographie

e Michel Le

Mené sur

e

drapierJacquet

du

Boyle,

qui

tenait

boutique

à

Angers

durant es

années 14409.

1. La

pièce

s'ouvre sur une

querelle

de

ménage.

Excédée

par

la

pauvreté

dans

laquelle

la maintient on

mari,

Guillemette

e

plaint

de

l'état lamentablede ses vêtements

v. 30-31)

«

Nos habits

sont

plus

minces

que

de l'étamine

»

L'étamine,

tissu

léger10

t

de mau-

vaise

qualité,

servait,

la cour

d'Anjou,

à

découper

les

patrons11.

Gurlkamettee

pouvait

trouvermeilleur

xemplepour

illustrer

a

piè-

tre condition.,

Elle se metensuite accabler son mariet lui reproche a réputa-

tion de

fourberie,

ui explique

selon elle

la

désertionde

la

clientèle.

6.

LMF,

pp.

30-31

«

Chronologie

e Guillaumeosseaume

).

7. Cf.

J.Dufournet

t M.

Rousse,

ur

a

«

Farce e Maître ierre

athelin

,

Paris,

986,

p.

35-58

«

La recherchee

Pambiguïté

).

8.

F.

Piponnier,

ostume

t vie ociale. a

cour

Anjou

ive-xve

iecles,

aris-

La

Haye,

Mouton,

970

ci-dessousbrégé PIP.]

voir ussi

u même

uteur,

À

propos

e

textiles

nciens,

rincipalement

édiévaux

,

Annales SC t.

22, 1967,

pp.

864-880.

9.

M.

Le

Mené,

La

comptabilité

e

Jacquet

u

Boyle,

marchand

'Angers

(1441-1449)

,

dans

nquêtes

tdocuments

Nantes,

niv. e

Nantes,

971,

p.

11-51.

Poure contexteénéral,oird.,LescampagnesngevineslafinduMoyen ge,

Nantes,

982,

p.

406-419.

our

es dentificationses

issus,

es

vêtementstdes

four-

rures,

ous

tilisons

V.

Gay,

Glossaire

rchéologique

u

Moyen

ge

t de a

Renais-

sance,

aris,

.

1,

1887,

. 2 revu t édité

ar

H.

Stein,

1928

ci-dessous

brégé

Gay]

L.

Douët-D'Arcq,

omptes

e

l'argenterie

es

rois

e

France

Paris,

851,

pp.

345-408

«

Tabledes mots

echniques) [ci-dessous

brégé

Douët-d'Arcq]

G.

Espinas,

a

draperie

ans

a Flandre

rançaise

u

Moyen

ge,

aris,

923,

vol.

H.

Laurent,

Uncommerce

'exportation

u

Moyen

ge.

La

draperie

es

Pays-Bas

enFrance

tdans es

pays

méditerranéens

xue-xveiècle),

aris,

935

G.

de

Poerck,

La

draperie

édiévale

n

Flandre

t

nArtois.

echnique

t

terminologie,

ruges,

vol.,

1951

ci-dessous

brégé

de

Poerck]

K.

Zangger,

ontributionla

terminologie

des

issus

nancien

rançais,

urich,

945

ci-dessous

brégé

Zangger]

E.R. Lund-

quist,

a mode

t onvocabulaire.

uelques

ermese a mode

éminine

u

Moyen

Âge, uivis e leur volutionémantique,öteborg,950ci-dessousbrégéLund-

quist]

R.

Delort,

Le commercees

ourrures

nOccidentla

fin

du

Moyen

ge,

Rome,

978.

10.

Étamine

Zangger,

pp.

58-9

«

tissu

éger

de laine ou

de

coton

)

;

L.

Douët-d'Arcq,p.

cit.,

p.

374.

11. Cf.

PIP.,

p.

388.

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QUAND

LES

PATHELINACHÈTENT U

DRAP 11

Mais Pathelin tient

bon,

et s'efforcede détourner 'attention sur

d'autres

personnes v.

54-61)

-

Pathelin Personne ne

s'y

connaît aussi

bien

que

moi

en

plaidoirie.

-

Guillemette

Grand Dieu dites

plutôt

la

tromperie

du

moins

en avez- ous la

réputation.

-

Pathelin

Non

les

vrais

trompeurs,

e sont ces

gens

vêtus

de camelos et

de camocas

qui

se

prétendent

vocats,

mais

qui

en réalité

ne le

sont

pas12.

Le camelot est un tissu très

uxueux,

mporté

d'Asie

;

on le cite

habituellement

vec les soieries13

quant

au

camocas,

c'est

aussi une

étoffe

de

grande

valeur,

que

les textesmettent

resque

à

égalité

avec

le

drap

d'or14. La

réplique

de Pathelin est déroutante à

qui

donc

veut-il se

comparer

En

effet,

quels

avocats se

payeraient

e luxe

d'être

aussi

richement

abillés

? et

pourquoi

ces

gens

se

prétendent-

ils avocats s'ils

ne le

sont

pas

vraiment

La

réponse

cette

ncongruité

e

trouve

dans

la

mention u came-

lot

par

Pathelin

c'est

ici

précisément

ue

le

spectateur

a

pénétrer

dans le

second

sens de la

réplique.

À

la cour

d'Anjou,

le camelot

était réservé n priorité u roi, à la reine et à la familleprincière,

ou à des visiteurs e

marque15.Cependant,

un autre

personnagey

avait

droit,

e fou

Triboulet.

Celui-ci

reçut

n

1447

une

robe en came-

lot

de

plusieurs

ouleurs,

doublée en

drap

vert

d'Angleterre voir

ci-

après, Appendice).

Comme l'a fait

remarquer

.

Piponnier,

a

qua-

lité

de cette robe mettait

riboulet u sommetde la

hiérarchie esti-

mentaire,

égalité

avec le roi René

lui-même16.Mais la

garde-robe

de Triboulet

ne

se

limitait

pas

à

ce

vêtement,

oin

de là. Pour

les

années

1440-1450,

nnées de son

floruit

on

relève

dans les

archives

des mentions

de

plusieurs

utres habits d'un luxe

extrême

-

une robe

de

gris

fourrée de

martres (voir Appendice28.10.47) ;

-

une robe en

satin cramoisi imitant e

drap

d'or,

fourrée

d'agneau (8.11.47)

;

12.

Texte

riginal

Dufournet

d.,

p. 52)

Pathelin

« Il

n'y

nul

ui

se

con-

gnoisse

si hault n advocacïon. Guillemette

M'aist ieu mais n

trompacïon,

/

au

mains

n

avezvous

e os. PathelinSi ont eulx

ui

de

camelos sont es-

tus t de

camocas,

qu'ilz

dient

u'i

sont

dvocas,

mais

our

ant e e

sont

lz

mye.

13.

Camelot

Gay

,

pp.

262-265

Zangger,

p.

38-40

PIP.,

p.

381

F. Pipon-

nier,

À

propos...

,

loc.

cit.,

pp.

872-873

Lundquist,

p.

89-103.

14.Camocas Douët-djArcq,p.355-356 Gay , pp.265-267 Zangger,

pp.

40-41 F.

Piponnier,

À

propos...

,

loc.

cit.,

p.

871.

15. Cf.

PIP.,

pp.

166,

190-191

le roi)

p.

176

la reine)

p.

180

les

enfants

royaux)pp.

192-193,

32

la

princesse

e

Calabre)

p.

209

dons

ux

écuyers

e

la

cour u aux

gentilshommes

enus n

visite).

16.

PIP.,

p.

237.

Page 16: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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12 B. ROY

- un caban fourré

d'agneau (12.2.48)

;

-

une robe

longue

en

damas,

fourrée e

queues

de

genettes,

t

deux

pourpoints

de futaine

2.9.52

et

18.3.52)

;

-

une robe noire fourrée

d'agneau,

et

un

chaperon

fourré

(20.3.53)

;

-

une

robe

noire et un

chaperon

(4.4.53)

;

etc.

Pour

comprendre

e

passage

cité du Pathelin il

faut se

reporter

à la cour

d'Anjou

lors de la

première eprésentation

e la

pièce,

c'est-

à-dire

une dizaine

d'années

après

l'acquisition

de

cetterobe en

came-

lot. Selon mon

hypothèse,

riboulet-acteur tient e rôle de

Pathe-

lin ; il porteprobablement etterobe précieuse ous son habit d'avo-

cat,

de la même

façon

que

son

interlocuteur

osseaume

orte

une tuni-

que

de franciscain

ous

son habit de

commerçant17.

uand

il

parle

des

gens

vêtus de

camelot,

qui peut-il

désigner

d'autre

que...

lui-

même

?

Ainsi

entendue,

a

réplique

enfreint olontairementa

logi-

que

du sens littéral

pour

donner accès à une valeur

méta-textuelle,

qui

cadre bien avec

la

sémiologiepathelinienne

en

effet,

du

début

à la

fin

de la

pièce,

le

spectateur

era maintenudans une sorte de

va-et-vient ntrethéâtre t

réalité,

entre

sens littéral t double

sens.

Pathelin ne

déroge

ci à son rôle d'avocat

que pour

mieux mettre n

scène sa

personne

du Triboulet.

Il

transforme

n

objet

comique

sa

marquevestimentaire,es richeshabits dont le comblait e roi René

et

qui composaient

une

partie

de son identité la cour. La trame

comique y

gagne

en

densité,

aussi

vrai

qu'un

fou de cour

est

par

métier

un maître en

trompacion v. 56)

18.

2.

Quand

les

deux

époux

se

prennent

rêver ux

vêtements

ont

ils

auraient

nvie,

'évocationdes couleurs

t

des tissusn'est

pas

inno-

cente elle annonce

en

quelque

sorte les deux niveaux de

l'action

(v.

75-6 et

90-1)

:

-

Pathelin

Quel

couleur

vous

semble

plus

belle

/

d'ung gris

?

vert ou d'une brunette / ou d'autre?19 (...).

-

Pathelin

J'acheteray

ou

gris

ou vert / et

pour

ung

17. Cf.

LMF

pp.

35-36.

18. Sur es fous

e

cour,

oirM.

Lever,

e

sceptre

t

a marotte.istoirees

Fousde Cour

Paris,

983. our

Triboulet,

p.

126-128

mention

rès

apide).

19. Je

m

carte

ci de la

ponctuation

es editions odernes

J.

Dufournet

«

d'ung ris

ert u

d'une runete

;

R.H.

Holbrook

«

d'ung ris

ert

d'ung rap

de Brucelle

»)

pour

uivre

a

traduction

atine

u

Pathelin

aiteu début u

xvie

iè-

cle

v.

109-110)

«

Quis

gratus

st ibi olor Num uteus

/

Sin

perseus

Vel

iui-

dus

»

(W.

Frunz

d.,

Zurich, 977,

.

130).

Le tissu

ris

ouvait

evêtir

lusieurs

nuances,ont evertcf.PIP.,p.390) mais a logiqueu textestmieuxbservéesi on considèree

gris

t e vertommetant eux toffesifférentesPathelina

d'ailleurs

xpliciter

a

réplique

u

v. 90

«

J'acheteray

u

gris

u vert.

Ces deux

étoffesormaient

n

couple,

ans es

xpressionsopulaires

«

ni

envert

i

en

gris

(

=

pas

du

tout,

ullement)

G.

Di

Stefano,

ictionnaire

es

ocutionsn

moyen

ran-

çais,

Montréal,993,

.

885b).

Page 17: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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QUAND

LES

PATHELIN

ACHÈTENT

U

DRAP

13

blanchet20,

uillemette,

me faulttrois

quartiers

e brunette1

/ ou une aulne.

Dans le combat

que

vont se livrer athelin et

Josseaume,

e

gris

et

le vert ont valeur

emblématique.

À

la cour

d'Anjou,

le

vert était

associé

à la folie et

à

l'exotisme22.

uant

au

gris23

t

accessoirement

au

brun,

ls

pouvaient^

voquer

'habit de

saint

François,

qu'on

appe-

lait aussi au

Moyen

Âge

«

saint

Gris

»24.

En

s'aidant de

précisions

gestuelles,

e comédien

qui jouait

Pathelin

pouvait

facilement ournir

aux

spectateurs

a clé de

ces doublets

chromatiques.

3. La scène du marchandagedu drap a été souventcommentée,

mais

presque

exclusivementn fonction es

systèmes

monétaires,

ar

on

pensaity

trouver es

arguments

our

la

localisation

et la

datation

de la

pièce25.

Pourtant,

u

plan

de l'action

dramatique,

es

jeux

sur

le

drap

ont

priorité.

Ce

sont les

hésitations,

t finalement

e choix

de

Pathelin,

qui

constituente

principal

ressort

omique

de la

scène.

Avant de

jeter

son dévolu sur

un

tissu en

particulier,

athelin

va d'abord se montrer

ntéressé

ar

deux

pièces

d'étoffe.La

première

n'offre

pas

de

particularités péciales (v. 190-2)

-

Pathelin

Cestuycy

est

il

tainten laine ? /

Il

est fort ome

ung cordoen26.

20. Blanchetvêtemente dessous cf.C.

Enlart,

Manuel

'archéologie

ran-

çaise epuis

es

emps érovingiensusqu'à

a Renaissancet.

3,

p.

73

«

c'est ne

louse

ou camisole

lanche

lus

u

moins

ongue,

ourrée,

ourvue

e manchest de

col-

let

)

;

ibid.

pp.

100,

07-108.ntrouvee vêtement

ssocié la folie ans es

omptes

du roi

Jean

Douët-d'Arcq,.

223

«

pour

a

façon

u blanchet

ouble

our

mais-

treJehan

e

Fol,

45 s.

»).

À

ne

pas

confondrevec e tissu e ce nom

cf.

nfra

note 3).

21. Brunette

Zangger,

.

27,

.v.

Brun

«

le

drap

run e valeur

taita bru-

nette

)

;

p.

29

«

En

dehorse a

signification

e

"drap

in",

énéralement

run

oncé,

le motbrunete dû

garder

on sens

primitif

'une ertaine

uance e la couleur

brune

).

22. VertPIP., p.237 « Le vert,ouleurelativementare, oit tre attaché

à ce costumee bouffonar

un

caban e même

ouleur,

ourré

'agneau

oir,

om-

plète

a robe e "diversesouleurs"

our

'hiver

).

Cette bservationst onfirmée

par

es mêmes

rchives,

propos

e la couleur

tilisée

our

es deux

Maures

AN

P133414/l,

°

33v° cf.

LM

750

«

deux annest

demye

e blanc

our

oubleres

robes ertes

our

esdits

etiz

Mores

).

Sur e

vert,

oirM.

Pastoureau,

Formes

et couleurs

u

désordre

le

jaune

t e vert

,

Médiévales

4, 1983,

p.

62-73

M.

Lever,

e

sceptre

t

a marotte...

op.

cit.,

pp.

57-60.

23. Gris

Zangger,

p.

62-63 PIP. 390.

24. Le

terme

ris

aussi té

mployé

our

ualifier

esfranciscains

cf.F. Gode-

froy,

ictionnairee l'ancienne

angue

rançaise

Paris, 881-1902,X,

727b. ur

l'habit es

franciscains,

oirM. Pastoureau

«

Du bleu u noir.

thiques

t

prati-

ques

de la couleur la

fin

u

Moyen

ge

,

Médiévales

14, 1988,

.

18. l

se

peut ue a bruneteoit mployéecien redoublemente la couleurrise,tqu'ellevise 'habit

ue

es franciscains

ortaient

t

portent

ncore.

25. Pour n ommentaire

écent,

ui

fait

ntervenire

façon

ovatricees

manuels

médiévauxe

conversation,

oir . Colli

ngwood,

ommercialelationsn

French

Farcethèse e

doctorat,

ondon

Canada), niversity

f

Western

ntario,

993,

12

.

26.

Cordoen

= cuir)

Gay

,

pp.

427-428.

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8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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14

B. ROY

- Le

drapier

C'est

ung

tres

bon

drap

de

Rouen.

À

la cour

d'Anjou,

les achats de

draps

en

provenance

de Rouen

tenaient a

premièreplace,

et de loin27

le

drapier angevin

Jacquet

du

Boyle, quant

à

lui,

s'approvisionnait

urtout

Saint-Lô,

mais

en

second lieu

à Rouen28.

Imaginons que,

chez le

drapier

de

notre

farce,

'étal ait

comporté lusieurs

ièces

de

draps

de

Rouen,

du

genre

courant,

de ceux

qu'un commerçant

mettait

l'entrée

de

sa bouti-

que.

Pathelinn'en vante

pas

la

beauté mais la

solidité

«

solide

comme

du cuir

»),

et

prend

un air

avantageux

pour

formuler ne

question

d'allure technique29.

4. Le

second échantillon

'est

pas désigné

pécifiquement

on

sait

seulement

ue

Pathelin

aimerait 'en faire

deux

cottes

v. 208-212)

-

Pathelin

Quel

drap

est

cecy

?(...)/

Il

m'en

fault voir

une

cotte,

/

bref,

et a ma

femmede

mesme.

-

Le

drapier

Certes,

drap

est chier

comme

cresme.

La cotte était e

vêtement e

tous les

jours,

le

vêtement

e tra-

vail

porté par

toutes les classes de la

société30.

athelin

commence

ici à

penser

aux

vêtements

u'il

aimerait

se

procurer.

C'est

à

ce

momentque le drapierl'avertitqu'il devra débourser de l'argent.

L'expression

«

chiercomme

cresme

évoque

sans

doute,

au

sens

lit-

téral,

le

prix

de

la

crème

par

rapport

à

celui du

lait31.

Mais si le

drapier

est aussi

un

religieux,

n ne

peut

s'empêcher

de

penser que

l'expression

s'interprétera

ussi

par

rapport

au saint

chrême,

cette

matière acréeet coûteuse ntre

outes,

ui

se

composait

d'huile

d'olive

et de baume. Au

Moyen Âge,

le

baume était

si

cher

que

certains vê-

ques

imposaient

une taxe aux

curés de leur

diocèse

pour

en

défrayer

le

coût.

Du

VIe

iècle à

la fin

du

Moyen Âge,

les

concilesdurent

'éle-

ver contre cette

pratique

abusive32.

27. Cf.

PIP.,

p.

109,

t

tableau

,

p.

331.

28.

M. Le

Mene,

La

comptabilité...

,

loc.

cit.,

pp.

42-43.

29. La teintureen

aine

était

nedestrois

açons

e teindre

es

draps

on

teignait

n

aine

en

filé

ou

en

drap.

f.G.

Espinas,

p.

cit., I,

p.

271

de

Poerck,

II,

pp.

191-192.

30.

Cotte Gay

,

pp.

449-451

Lundquist,

.

15

PIP.,

p.

385.

La cotte

ar-

die

v.453)

Douët-d'Arcq,

.

365

«

sorte e

robe manches

ue

'on emble

voir

porté

e

préférenceour

ortir.

3:1.

Cf.G.

Di

Stefano,

p.

cit.,

.

217b

l'expression

e

trouventreutres

hez

E.

Deschamps).

32. Le droit

anonique

rescrivait

ue

e saint hrême

oit onfectionné

vec u

« baume e Judée, substanceare u'onne retrouveujourd'huiu'en ertaines

régions

e l'Arabieaoudite.

partir

u xvie

iècle,

a découverteu« baumees

Indes

,

ou

«

baume

u

Pérou

,

permit

e

contournerette

ifficulté.f. P. Ber-

nard,

Article Chrême

,

dansDictionnairee

théologie

atholique

Paris,

.

2/2,

1923,

p.

2395-2414P.

Bayart,

Article

Chrême

,

dansR.

Naz,

Dictionnairee

droit

anonique

Paris,

.

3,

1942,

ol.

701-2.

Page 19: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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QUAND

LES

PATHELIN

ACHÈTENT U DRAP

15

5. Le troisième issu

qui

va intéresser

athelin,

celui

qu'il

vou-

dra

rapporter

rauduleusement

hez

lui,

c'est

le

«

pers

cler

»

que

lui

tend le

drapier

v.

22-30)

-

Le

drapier

Voulez-vous

de ce

pers

cler

cy

?

-

Pathelin

Avant Combien me

coustera / la

premiere

aulne

?

Le

pers

étaitune variété e

drap

de couleur

bleu

foncé,

bien

attes-

tée dans les

comptes

médiévaux33.

es textes font mention de

plu-

sieursvariétés, elon la provenance persde Louvain, de Malines, de

Mintivilliers,

e

Rouen,

d'Ypres, etc.)

ou

selon les nuances de colo-

ris

pers

azuré, brun,

«

celestrin

,

couleur

de

ciel,

«

cler,

cleret

,

encre, noir,

etc.34.

L'empressement

e

Pathelin

à

accepter

e

«

pers

cler

»

suggéré

par

le

drapier

a

quelque

chose de

suspect.

Pourquoi

en effet

parmi

des centaines 'étoffes

ossibles

hoisit-il

récisément

elle-là,

t

encore

sur une

simple

uggestion

u marchand Ici encore on

subodore une

dérive

sémantique, portée par

un nouveau

jeu

de

mots. Le

«

pers

cler

»,

homophone

de

«

pere

clerc

»,

nous ramènevers e monde

reli-

gieux auquel appartenait

Josseaume.Dans

l'ordre

franciscain,

omme

dans les autres ordresmendiants, es termesd'adresse obéissaient à

des

règles

récises.

ar une modestie

oulue,

es membres e ces

ordres

ne

s'appelaient pas

autrement

ue

«

frère

,

à

l'exception

du

supé-

rieur

d'une

communauté,

ui

cumulait es titresde

«

frère et de

«

père

». Tout

se

passe

donc comme i

Josseaume,

n tendant Pathe-

lin

une

pièce

de

«

père

clerc

»,

le

forçait

accepter

un

simulacrede

son identité e

religieux.

Grâce à ce

tour

de

passe-passe,

e

comique

se hausse

d'un

degré.

L'auteur

réitérera 'ailleurs sa trouvaille omi-

que plus

loin dans la

farce,

ors de la scène du faux

délire.

En

effet,

dans

la tirade n latin

qui

clôt la

longue

série

des

jargons

d'un Pathe-

lin

prétendumentmalade,

le termede

«

père

»

revient,

ien en

évi-

dence (v. 957-9) « Et bona dies sit vobis, / magister mantissime,

/

pater

reverendissime

»

Je

rappelle ue

le franciscain

uillaume

Jos-

seaume

occupait

le

poste

de

supérieur

u couventde

La

Baumette35,

et

qu'à

ce titre

l

avait

droit

au titrede

«

père

».

6. Comme on

peut

l'entrevoir,

es

jeux

du Pathelin

sur le thème

du

drap

mériteraientn commentaire

lus

complet

arrêtons ci

nos

observations

our

revenir

u tout

début

de la

scène du

marchandage,

au

momentoù Pathelin amorce sa conversation vec

le

drapier.

33. Pers

Gay

I,

pp.

228-229

Zangger,

p.

78-80

de Poerck

I,

p.

149

PIP.,

p.

396.

34. Pers ler Zangger, p.78-80cf.de PoerckI, p. 149 « Quetous ers,

quelx

u'ils

oient,lers u

bruns,

oientous ains ewaide

=

guède)

ans utre

chose

)

;

Douët

d'Arcq,

.

8

Corsett houce e

pers

ler,

ouré,

e

corsset,

e

menu air

).

35.

LA/F,

p.

31-33. ans e texte 'archives

ui

mentionnea

présence

La

Bau-

mette,

l

est ussi

ppelé

magister

.

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8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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16 B. ROY

Dans son étude sur

Jacquet

du

Boyle,

M. Le Mené a

constaté

que,

comme la

plupart

des marchands

médiévaux36,

e

drapier

ven-

dait

généralement

crédit.Pour

l'année

1443,

sur

242

clients,

eule-

ment 63

payèrent omptant parmi

les

clients

restants,

101

achetè-

rent à crédit

et

14

donnèrent

es arrhes37. a

garantie

donnée

par

les

clients tait habituellement 'ordre

personnel

caution d'un

maî-

tre,

d'une

maîtresse,

u d'un

bourgeois

qui

avait

introduit e

client.

D'une

façon

générale,Jacquet

du

Boyle

n'exigeait

d'un

client e

paie-

ment

comptant

que lorsqu'il

ne le connaissait

pas.

Prévenus

de

ces

usages,

il

nous est

plus

facile de

comprendre

a

stratégie

tilisée

par

l'avocat pourobtenir u drapsans payer.En cherchant se fairepas-

ser

pour

un vieil ami du

père

de

Josseaume,

l

compte

s'assurer une

solide

marge

de

crédit.

Ce

calcul n'était

pas

faux,

puisque

Pathelin

rapportera

ffectivemente

drap

chez

lui,

moyennant

ne

simplepro-

messe de

paiement

n

écus d'or et une invitation

déguster

e

l'oie.

Tout en reconnaissant

a

pertinence

'une

telle

tactique

de la

part

de

Pathelin,

on

peut

s'étonnerde

l'ampleur

démesurée e cet

«

éloge

du

père

»

dans l'économie de la farce. Par

six fois l'avocat

ramène

ce

sujet

(v.

118-128,130-135,140-159,165-179,

184-5,

323-5)

le dra-

pier

a beau s'efforcer e l'en

distraire,

athelin

revient

nlassablement

à la

charge.

D'un

point

de vue

littéraire,

l

est

justifié

de

penser,

comme 'ont faitplusieurs ommentateurs,ue cinquante-sixerscon-

sacrés

à cet

unique

procédé,

dans

une

farce

qui

autrement

st d'une

sobriété

xemplaire,

'est

beaucoup

trop.

Pourtant,

'insistance

ur

ce

procédé

comique

n'est lourde

que

si on s'en tient

au sens littéral

pour peu qu'on

se

situe au

second

niveau,

on

se trouvera

u seuil

d'une nouvelle veine

comique.

En

effet,

e

«

père

»

que

vante Pathe-

lin n'est nul autre

que...

saint

François d'Assise,

«

saint Gris

»,

le

père spirituel

u franciscain

osseaume. omment elui-cine lui

aurait-

il

pas

ressemblé

mieulx

que goûte

d'eaue

»

(v.

169-170)

Il

y

avait dans les allusions

à

saint

François

une

source

intaris-

sable

d'équivoques, que

l'auteur du Pathelin

pouvait exploiter

à

volonté sans aucun risque de lourdeur. Une exégèse détaillée de

1'«

éloge

du

père

»

en ferait essortira richesse

nous nous

y

atta-

querons

dans un autre cadre.

Contentons-nous

e

signaler

n termi-

nant,

à

propos

du

«

franciscanisme

pathelinien,

un

fait

que

ni

l'auteur de

la

farce,

ni

ses

contemporains,

e

pouvaient

gnorer.

aint

François

était en son

temps

e fils du

plus

riche

marchandde

draps

d'Assise,

il

avait exercé e métierde

drapier

u début de

sa

carrière,

et

il

était considéré

au

Moyen

Âge

comme le

patron

des mar-

chands38.

L'idée

d'amalgamer

un

tel saint avec le

drapier

fourbeet

36.« Le créditeste nedesgrandesoisducommerceédiéval.e comptee

Jacquet

u

Boyle

e fait

ue

confirmernevéritéonnuetmaintesois ttestée

(M.

Le

Mené,

La

comptabilité...

,

loc.

cit.,

p. 34).

37. M.

Le

Mené, bid.,

p.

32-33.

38. Cf. A.

Vauchez,

Les

stigmates

e saint

rançois

t

eurs étracteursans

lesderniersiècles u

Moyen

ge

,

Mélanges'archéologie

t

d'histoire.cole

ran-

Page 21: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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QUAND

LES

PATHELIN

ACHÈTENT U DRAP

17

naïf de

l'intrigue

vait

quelque

chose

de

génial, qui

donne une idée

des talents de l'auteur du Pathelin.

Appendice

Les vêtements t accessoires de

Triboulet39

[4.8.1447] pour

une

barrete40

oge

audit

Triboulet 10

AN, P133414/l,

f° 22

(LM

743

;

VALUER

31)

[30.9.47] pour

.xlix.

paulmes

de camelot41de

diverse

couleur,

pour

une robe

pour

Triboulet,

raison

de .v.

le

paulme.

20

5

pour deux cannes de drap d'Angleterre ert42, our doubler ladite

roube

5

pour

la

façon

de ladite robe 1 f°

9

AN, P133414/l,

69v°

(LM

747)

[28.10.47] pour .vij. paulmes

de

gris pour

une

robe

pour

Tribou-

let,

a

raison

de six

florins

a

< canne 5 f° 3

pour .vj. paulmes

de

blanchet43

our

doubler ladite

robe...

12

pour

faczon de ladite robe

22

pour quatre

costez de martres44

our parfaire

a

fourreure e

ladite

robe de

Triboulet,

et

pour .iij.

doz

de

martres

pour

faire le collet

et les manches et parfaire e giet45 'icelle robe 3 f° 6 g°

AN, P133414/l,

30v°-31r°

LM

749

;

VALLIER

31)

[8.11.47] pour ung

cent de menu ver46

our

fourrer ne robe

de

satin cramoisi

figuré

n

maniere de

drap

d'or

pour

Triboulet.

4 f°

çaise

de

Rome,

.

80, 1968,

.

613 R.C.

Trexler,

Naked

efore

he

ather.

he

Renunciation

f

Francis

f

AssisiNew

York,

989 A.

Barbero,

La

rinunciai

Francescoll'eredità

aterna

,

Studimedievali

t.

31, 1990,

p.

837-850.

39.

Sigles [AN]

aris,

rchivesationales

[BR]

Marseille,

rchivesesBouches-

du-Rhône

[LM]

A.

Lecoy e La

Marche,

xtraitses

comptes

t

mémoriauxu

roi René

pour

ervir

l'histoire

es

arts u

xv<

iècle, aris,

873

[VALLIER]

G.

Valuer,

«

Iconographie

umismatique

u roiRené t de

sa famille

,

Mémoires

de l'Académiees sciences,rts et belles-lettres'Aix t.12-13,1882-1885

[AA]

G.

Arnault

'Agnel,

es

comptes

u roiRené

Paris, 908-1910,

vol.Cette

liste metesmentionsechaussures

qui

ont rès

ombreusesans es

rchives,

omme

je

l'ai

signalé

ans

MF,

p.

14.

40. Gay

,

pp.

240-241

PIP.,

p.

377

«

coiffure

xclusivement

asculineans es

comptes'Anjou,

e a famille

u

bonnet

).

Cette arretteuscita

'admiration

es

seigneurs

ohémiens

ui

visitèrent

ngers

n 1466

cf.

A. Lecoy e La

Marche,

e

roiRené t.

2, 1875,

.

151.

41. Camelotcf.

upra

note 3.

42. Vert cf.

upra

note 2.

43. BlanchetGay

,

p.

160

Zangger,

p.

21-23 de Poerck

,

pp.

205-207,

I,

pp.

20-21

PIP.,

p.

378

M.

Le

Mené,

La

comptabilité...

,

loc.

cit.,

p.

34

«

le

blanchett e

georget

ont xclusivement

mployés

doubleres

chausses,

es

aquet-

tes t es manchesepourpoint). Cf.supran. 20.44. MartresGay

I,

p.

120

PIP.,

p.

393.

45. Giet

Godefroy,bid.,

V,

277a

«

lacet,

ilet,

ordure,

etroussis'une

obe,

d'où estrestée

surjet).

46.

Ung

ent cent

eaux.

e vair Gay

I,

pp.

437-438

R.

Delort,

op.

cit.,

p.

42

L'écureuil

hangeant

u Nord

).

Page 22: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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18

B. ROY

pour ung

manteau et

demy47 'aigneaux

blans

pour parfaire

a four-

reure

de ladite robe 4 f°

AN, P133414/l,

32v°

(LM 750)

[12.2.48]

fourreure

'ung

caban48

d'aigneaux

noirs

pour

Tribou-

let

1 f°

AN,

P133414/l,

20v°

(LM

758

;

VALUER

32)

[14.11.48]

pour

une

paire

de chausses49

noires

garnies

de blanc

et deux

paires

de

chaussons50

our

Triboulet 2 f°

AN, P133414/2,

70r°

(LM

765

;

VALLIER

32)

[16.5.51] pour drapnoir et façonde deuxpairesde chaussesgar-

nies

de blanc

jucques

soubz

le

genoil pour

Antoinedu

Tillay

et

pour

Triboulet 50

s.

BR,

B2479,

26r°

(VALLIER 34)

[20.7.51] pour

achat de certaines

aintures51 e

lay

ne

pour

mec-

tre a une

j

acquette

2

de frize53

our

Triboulet 15

s.

BR, B2479,

f° 40v°

(VALLIER 34)

[8.1.52]

pour quérir

chausses,

chemisez54 t

autres

choses neces-

sairez

audit Triboulet

4

£. 2

s.

6

d.

BR, B2479, f° 53r° (VALLIER 34)

[15.1.52] pour

unes

paires

de

chausses

et une

paire

d'escafi-

gnons55

pour

Triboulet 32

s. 6 d.

BR, B2479,

f° 54v°

(VALLIER

35)

[18.1.52] pour

façon

d'une chaesne

pour

Triboulet,

pesant

.iiij.

marcs

d'argent

115

s.

BR, B2479,

f° 55r°

(AA

862

;

VALLIER

35)

[18.3.52]

pour

fustaine,

stoffes

t

façon

d'un

pourpoint

our

Tri-

boulet

27

s.

6 d.

BR, B2479,

85v°

(VALLIER 37)

47. Manteau

PIP.,

p.

393

«

on

appelait

ussimanteaua

quantité

e fourrure

nécessaire

our

ourrern

manteau,

t

par

xtensionne

uantité

onnéee fourrure

).

48. Caban

Gay

,

pp.

240-241

«

manteau

larges

manchest à

capuchon)

;

PIP.,

p.

380.

49,.. hausses

Gay

,

pp.

351-354

«

la

partie

u

costume asculinouvrante

corps*

e

la ceintureux

pieds

)

; PIP.,

p.

383.

50. ChaussonsGay

,

p.

355

«

ce

qui

sert

couvrire bas du

pied,

t

qu'on

met ans es souliersous

es chausses

).

51. Ceinture

Gay

,

pp.

291-294

«

une

pièce bligée

u costumeivil

)

; PIP.,

p.

382.

52.JaquetteGay I, pp.53-54« vetementescendantusqu uxgenouxumêmen

peuplus

bas

)

; PIP.,

p.

389.

53. Frise Gay

,

p.

745

«

étoffeelue t frisée 'un

côté

)

; PIP.,

p.

389.

54. Chemises

Gay

,

pp.

359-361.

55.

Escafignons

Gay

,

p.

658

«

chaussure

asse

n

drap. ...)

C'était

ne

espèce

e chausson

orté

ous esbas-de-chaussesu

dans

esbottes

)

; PIP.,

p.

381.

Page 23: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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QUAND

LES

PATHELIN

ACHÈTENT U

DRAP

19

[31.8.52]

tant

pour

avoir fourréde

queues

de

jannette56

ne

robe

longue

de damas57 anné58

our

Triboulet,

u

jour

de ses

nop-

ces,

que pour

les bors et

façons

7

£.

BR,

B2479,

60r°

(AA

3391

;

VALLIER

35)

[2.9.52]

pour ung

pourpoint59

e fustaine60 oire

pour

Tribou-

let

27

s.

6 1.

BR,

B2479,

61v°-62r°

(VALLIER 35-36)

[6.9.52] pour ung

fillet d'or

pour

les

espousailles

de Tribou-

let

27

s.

6 d.

BR, B2479, f° 62r° (AA 865 ; AA 3392 ; VALLIER 36)

[16.9.52]

Pour deux

paires

de

gans61 our

edit

Triboulet.

2

s.

6

d.

BR, B2479,

63r°

(AA

3395

;

VALLIER

36)

[30.9.52] pour

une

paire

de chausses

pour

Triboulet e

jour

de

ses

nopces

30

s.

BR,

B2479,

64r°

(VALLIER 36)

[20.3.53] pour

avoir

fourré

'aigneaux

noirs une robe noire

pour

Triboulet

...).

Et

est

entré en laditte

robe

deux

manteaux et

demi,

a raison de .xlv. s. le

manteau,

qui

valient en

somme

.cxij.

s.

vj.

d., et pour la façon, .vij. s. .vj. d. - Pour avoir fourréung

chapperon62 our

ledit Triboulet

celluy our,

ou

il

est entré

quatre

peaux

de

Bougie63

a raison de

.vij.

s.

.vj.

d. la

piece,

valient en

somme

.xxx. s. et

pour

façon

.ij.

s.

.vj.

d

7

£. 12

s. 6 d.

BR, B2479,

f° 85v°

(VALLIER 37-38)

[27.3.53] pour

une

paire

de chausses

pour

Triboulet,

arnies

outes

de blanc 30

s.

BR, B2479,

f° 87r°-r°

(AA

3406

;

VALLIER

38)

56. Jannettes

=

genettes)

Gay

,

p.

771

la

genette

ommunest

grise

mirouettéettaveléee noir

l'autre,

ui

est 'excellentet

rare,

le

poil

noir

t ui-

sant omme n satin u panne e velours oir) ; R.Delort,op. cit.,p.24.

57.

Damas Gay

,

pp.

535-538

«

drap

e soie dessinse

ramages,igures

u

animaux

)

; PIP.,

p.

386.

58. Tanné

Zangger,

pp.

104-105

«

brun,

e la

couleur u tan

)

;

de

Poerck

I,

p.

194

PIP.,

p.

399.

59.

Pourpoint

Gay

I,

pp.

273-274

PIP.,

p.

396.

60. FustaineGay

,

pp.

750-751

«

étoffee

fil

de

coton,

'origine

rientale.

(...)

Les

plus imples

ervaientdoubleres

vêtements,t,

des

utres,

n confection-

nait es

pourpoints,

es

hasubles,

esbannièrestdes

ouvertures

e

ivres

)

Zang-

ger,

pp.

61-62

PIP.,

p.

389.

61.

Gants

Gay

,

pp.

758-760.

62.

Chaperon

Gay

,

pp.

330-334

PIP.,

p.

383 M.

Lever,

e

sceptre

t

la

marotte

op.

cit.,

pp.

47-51.

63. PeauxdeBougie R.Delort,op. cit.,pp.88-89« designe rimitivement

l'agneau

u

royaume

e

Bougie.

...)

ilen vient

désigner

ous esfins

gneaux

béri-

ques ...)

puis

ous eux u

monde

méditerranéen.a

couleure ces

peaux

st ou-

vent

récisée

ommetant oire.

...)

Le

bougie

e

caractériseutant

ar

a finesse

que

par

son éclat

noir t est

...)

l'équivalent

u

"breitschwanz"t de l'astrakan

actuels

).

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8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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20

B. ROY

[4.4.53] .iiij.

aulnes de noir

pour

robe et

chaperon

pour

Tribou-

net,

a

cinquante

solz l'aulne 7

£.

10

s.

BR,

B2479,

91r°

(V

ALLIER

38)

[8.4.53]

.iij.

aulnes de

noir

pour

robe et

chapperon

pour

Tribou-

let,

a

cinquante

s.

l'aune

7

£. 10

s.

A

Triboulet,

pour

lui faire un

escapouchin64,

iij.

aulnes de noix a

.XXX.

.

l'aulne 4

£. 10

s.

BR, B2479,

f° 92v°-93r°

(AA

2817

;

VALLIER

38)

[3.5.53] pour

tondaige

de deux

aulnes

et demie

de

gris pour

Tri-

boulet (...), a .XV. d. l'aulne 3 s. 1 d.

pour

autre

tontured'une aulne de

violet,

et

une

aulne

de

blanchet

pour

le variet dudit Triboulet

2s. 6d.

trois aulnes et

ung

quartier

de noir

pour

une

robe

pour

Tribou-

let

4s. 2d.

RR, B2479,

f° 102v°-103r°

VALLIER

39)

[21.5.53] sept quartiers

de noir

pour

faire

une robe à

Triboulet,

a .xlv. s. l'aulne 78

s.

9

d.

.ij.

aulnes de doubleure

noire

pour

doubler a robe dudit

Triboulet,

a

.xiij.

s.

.ix.

d.

l'aulne 27

s.

6

d.

BR, B2479, f° 99v° (AA. 2825 ; VALLIER 38)

[15.10.53]

pour

l'argent

t

pour

la

façon

de

quatre

sonnettes aic-

tes

par

le commandement

udit

seigneur

pour

Triboulet.

27

s. 6 d.

BR, B2479,

106r°

(AA

879

;

VALLIER

39)

[1.1.54] pour

façon

d'une robe

longue pour

Triboulet

.

10

s.

pour

façon

d'un

scapouchin pour

ledit

Triboulet

12

s.

6 d.

BR, B2479,

f° 122v°

(AA

1358 VALLIER

39)

[6.56] pour

chemises

qu'elle [JehanneBiardelle]

a

bailliees

pour

Triboulet

12

s.

6

d.

Angers,Bibl. munie.

1064

(= BN, n.a.fr. 894,

61)

[1.57]

A

Triboulet,

pour

deux

chemises

que luy

avons don-

nées 15 s.

Angers,

Bibl. munie.

1064

(=

BN,

n.a.fr.

894,

292)

[17.8.79] troys

cannes et

demye

de

drap que

le

roy

a fait déli-

vrer,

pour

faire une robbe

pour

lui et une

pour

Triboullet,

raison

de

.vij.

.vj. g°

la canne

26 f°

3

BR,

B2487,

f° 19r°

(AA

2005

;

VALLIER

40,

42)

[25.8.79]

Aux

tondeurs,

pour

avoir tondu

troys

annes et

demye

de

drap

pour

le baillif et Triboullet

6g°

BR, B2487, f° 13v° (AA 2009 ; VALLIER 39-40)

64.

Escapouchin

PIP.,

p.

381

« désigne

antôtn

vêtement,

antôtne

partie

de

celui-ci,

otre

apuchon

oderne

).

Page 25: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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QUAND

LES

PATHELIN

ACHÈTENT U DRAP

21

[12.8.79] pour payer

une

paire

de chausses

qui

ont

esté

achap-

tees

pour

Triboulet audit

Martigue

2 f° 4

BR, B2512,

p.

109

(AA

3497)

[23.10.79] pour

deux

chapeaulx,

l'un

pour

Triboulletet

l'autre

pour

ung

des

paiges

7g°

BR, B2488,

f° 14v°

(AA

3505

;

VALLIER

40,

43)

[6.11.79]

A

Triboullet,

edit

our,

une canne et

.vj. paulmes

dudit

gris, que

le

roy

lui a fait délivrer

our

faire une

cappe65.

13

6

BR,

B2488,

f° 24r°

(AA

3506

;

VALLIER

40,

43)

[25.6.80] pour une canne quatre paulmes gris blanc de Rouen

pour

faire une robbe a

Triboullet,

par

le commandement

u

roy,

a

.X.

la

canne,

remis

a

.viij.

12 f°

BR, B217,

16v°

(VALLIER 41)

[29.10.81]

Item

pour

Triboulet,

une

paulme

.vj.

cannes

gris

de

Rouen obscur

pour

lui faire robe

gaucourte66

u

dessus

du

soullier,

a .X.

f° la canne

12 f°

6

pour .vj. paulmes

t

demygris

Rouen a faire

robbe

a

chevaucher udit

Triboulet,

a .x.

la

canne,

remis a

.viij.

6

5

pour

deux cannes

rouge

viconte67

our

lui

faire manteau a

cappe,

a

.vj. f° .vj. g° la canne 11 f°

pour .vj.

paulmes

et

demy

damas noir

pour luy

faire

ung

pourpoint

a

l'italienne,

a

.xvj. g°

la

paulme

8 f°

8

BR, B217,

31v°

(VALLIER 42)

Département

d'études

françaises

Universitéde Montréal

C.P.

6128,

succursale

centrale

Montréal

(Québec)

H3C 3J7

CANADA

65.

Chape

Gay

,

pp.

320-322

PIP.,

p.

382

«

dans e costume

ivil,

llefai-

sait

partie

es robes e

plusieursarnements).

66. Robe

aucourte

Gay

I,

p.

304

citee

omme abit

oyal,

n

écarlatet en

velours).

67.

Rouge

icontecouleur on dentifiée.

Page 26: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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22

B. ROY

Bruno

Roy, Quand

les Pathelin achètentdu

drap

Cette étude

examine es

passages

concernantes

tissus

t

les vête-

mentsdans

la Farce de Maître Pathelin Basée

sur

l'hypothèse

d'une

origine

ngevine

de la

farce,

lle

analyse

es

archives

on-

cernant es vêtements

e

Triboulet,

e

fou du roi

René

d'Anjou,

présumé

auteur et acteur

de

cette farce.

Farce

-

Pathelin

-

drapiers

-

vêtements Triboulet

When

the

Pathelins

purchased

cloth

This study s a commentaryf thepassages concerning lothes

and fabrics

n

the Farce de Maître Pathelin It

assumes that the

farce has been

written

n

Angers,

at the court of

king

René,

and

accordingly

oncentrates n the clothes f

Triboulet,

René's

fool,

as

author and

player

n

the farce.

French farce

-

Pathelin

-

drapers

-

clothes

-

Triboulet

Page 27: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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Médiévales9,automne995, p.23-46

Jean-PierreJOURDAN

LA LETTRE ET

L'ÉTOFFE

ÉTUDE SUR LES LETTRES DANS LE DISPOSITIF

VESTIMENTAIRE

À LA FIN

DU MOYEN

ÂGE1

La lettre

ccupe

une

place

importante

ans le

dispositif

estimen-

taire. Elle est un des motifs es

plus fréquemment

eprésentés,

vec

les

campannes,

es

larmes,

es

feuillages.

La relation

des

Entrées et

des Pas en

porte

témoignage.

Lors

de l'Entrée du roi

Charles

VII

dans

Paris,

le 31 août

1461,

le duc de Bourgogne estoithabillé d'un richepaletotde veloursnoir

ouvré

de orfaverie t au

senestre,

es avoit de brodure

fait de deux

EE

couplés

ensemble,

esquels

estoient

arnis

de

gros

bailais,

dy

mans

et

grosses

perles...

il

estoit monté sur

ung

coursierblanc

houchié de

satin

figuré

noir,

broudé de fusilz et de

EE

couplés

».

Dans la

suite

du

Prince,

plusieurs seigneurs

portaient

des

lettres en

parement.

Antoine Bâtard de

Bourgogne

tait

accompagné

de

vingt-cinq

heva-

liers et

écuyers

tous d'une

parure,

houchiés de damas

violet,

bordé

de

drap

blanc

decoppé,

sur

leurs

sallades

chacun

une

bannerole de

blanc

et

violet

a la

devise de mondit

seigneur

d'une

N

et

d'une C

d'or ». Antoine

de

Croy

comte

de

Porcien

et

Philippe

de

Hornes

sei-

gneurde Gaesbeke avaientdes houssuresde velours noir « brodés a

grosses

ectres

'or

»

chargées

de

campannes

le comte de

Boucquam

seigneur

de la Vere avait une

«

couvertede

velours

cramoisy

bordé

de lectres 'or

»,

Philippe

de

Lalaing,

une houssure de

veloursnoir

a

grosses

lectres

d'or a sa devise »2.

Comme tout motifou

figure hargeant

'étoffeou le

parement,

la lettre st éminemment

ignifiante.

on

graphisme

rnemental e

sau-

rait

ustifier

eul sa

représentation,

i

expliquer

a

fréquence

dans

le

vêtement

d'apparat (houssures, parements,

eintures...).

La valeur

1. De nombreusestudes nt té onsacréesuxvêtementsuMoyen ge,,oirbibliographiet état e la questionarO. Blanc,« Historiographieuvêtement,

dans

e vêtementHistoire

archéologie

t

ymbolique

estimentairesu

Moyen

ge),

Cahiers

u

Léopard

'or,Paris, 989,

p.

7-34.

2.

Paris, NF,

ms.fr.

739,

°

247/252v°,

f. J.du

Clercq,

MémoiresF. de

Reiffenberg

d.,

Bruxelles,

823,

.

3,

liv.

V,

chap.

XXIX,

XXXII.

Page 28: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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24 J.-P.JOURDAN

esthétique

de la lettrene doit

pas

occulter a totalité

de son

champ

sémantique,

ni

le réduire une fonction

urement

écorative.

La let-

tre

compose

avec la

devise

un chiffre

ecret.

Dans le vêtement

'appa-

rat où

chaque

motif est un

signe,

quel(s)

sens revêt a

lettre

Pour

répondre

cette

question,

l

nous faut

étudier a

représen-

tation

des

lettres,

es motifs

ui

lui sont

associés et

les

enchaînements

du

sens,

rechercher

armi

es valeurs de la lettre

ne

cohérencefonc-

tionnelleentre e

signifiant

t son

signifié.

La représentation es lettres

L'image

de la lettre

st

signe

en

tant

que signe

graphique,

sa

représentation

st

multiple,

aisantvarier a

configuration

es

lettres

en nombre et en forme.

La

configuration

es lettres

la lettre

unique

et

sa

duplication

Parmi es lettres

igurées

solément,

ertainese

sont

plus

fréquem-

ment,

ainsi le

A, PY,

le

M,

le

L,

le

C,

le

K,

ou encore

le

R

qui

peuvent

tre accordés

à

l'initialed'un

prénom3

d'autres,

telles e

E,

3. Lettres

niques

A

-

La lettre

figure

urde nombreux

bjets

-

Mor-

dants e demi-ceintst attaches

illustr.

ansC.

Enlart,

Manuel

'archéologieran-

çaise

Paris, 927,

.

3,

p.

291,

ig.

09)

-

agrafes

t

barbacanes

illustr.

bid.

.

242,

fig.

58)

-

bonnet

cf.

Portrait'Adolf e

Clèves,

umillies,

oll.des

Princese

Croy)...

oir

galement

'Inventaire

u

mobiliere Charles

,

J.Labarte

d.,Paris,

1879,

.

296,

n.

2795

«

un très

etitignet

'argent

endant

un

petitehayne

u

est aillé

ng

A.

»

et

Y

nventaire

es

oyaux

e la

couronne,

ansChoix e

pièces

inédites

elativesu

règne

e Charles

I,

L. Douët

d'Arcqéd., Paris,

863,

.

2,

p.

356,

n. 538...

K

-

Ce chiffre

pparaîtréquemment

urdes

objets yant

ppar-

tenu Charles

,

cf. nventaireu

mobilier

e

Charles

,

op.

cit.,

.

83,

n. 519

«

ung

alay

arré n une

verge

u

il

a

ung

K

»

;

ibid.

.

88,

n. 580

«

deux

ignets

pendans

une hesne'or...

ung

environnée fleurse

ys.

voir

ussi,

p.

61-307,

pp.69-384,p.91-603,p.300-2843... - VoirYnventairee l'orfèvrerietdes

joyaux

e Louis Duc

d'Anjou

H. Moranvillé

d.,Paris,

903-1906,

p.

582-3561

«

une einture

arnie

'or emee

u

one

e

quatre

ins

uatre

oquilles

aitese

menues

perles,

t

a boucle t e mordantont 'or t a boucle st

plate,

ur

aquelle

une

L

hachiée

utourt

y

a un one

rochetet e mordantst

emblablet e

bout st

d'une leur e is . Voir ussi nventairee 'Hôtel

aint ol dans

hoix e

pièces

inédites,

p.

cit. .

2,

p.

397

«

un

harnoise

cheval,

e

veluiau ermeiluvré

e

broderie,osses,

enestes

t es arrefours'un

groz

oullon

lat

slevé e cuivre

oré

a

une

L

d'asur

army

t un

rouleauu

il

est

script

En

amendant.

M

-

Illustr.

dans

C.

Enlart,

Manuel

'archéologie,

p.

cit.,

.

3,

p.

281,

ig.

96

4)

Boucles

e

ceintures),.

245,

fig.

63

Agrafe

'or

maillée)...

oir

Y

nventaireu mobilier

e

Charles

,

op.

cit.,

p.

233-2108

«

ung etit

outon

endantui

estd'un

aphir

t

sont es rmes e Bourbon'un osté

t

de 'autre neM.

»

;

YInventairees

biens,

meubles...ue aisse hilippee Hardi Margueritee FlandreChanoineehais-nes

d.,

dans ocumentstextraitsiversoncernant'histoiree 'art ansa Flan-

dre,

'Artois

t e

Hainautvant

e xve

iècle, ille, 886,

.

2,

p.

867

«

une

ongue

chainturee

perles petis hapiaux,

ne

M

d'orou

milieu,

es

I

bous 'or

I

neu

environnée

perles

;

YInventaire

es

bijoux

t

oyaux...

e

'Hôtel esDucs t

Duches-

ses

de

Bourgogne

t de eurs

uccesseurs,

rch.

ép.

du

Nord,

nventaire

ommaire

Page 29: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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LA LETTRE

ET

L'ÉTOFFE 25

le

S,

le G

supposent

une autre utilisation

u

sens

que

confirme 'ité-

ration de

la lettre

fig.

I)4.

Celle-ci se limite e

plus

souvent à une

simple duplication.

Fig.

1

-

Ceinture

la

Salutation

ngélique arnie

e

G branlants

(Musée

de

Cluny,

Cl.

17696).

La lettre

unique

peut

être

dupliquée,

soit à

l'identique,

a lettre

étant

redoublée,

soit reflétée

n

opposition,

a

lettre

dupliquée

étant

en

quelque

manière édoublée

de son

«

contraire ou

«

complément

qui

l'adosse

ou l'affronte.La

position

adossée des lettres e recon-

naît dans le chiffre e deux EE inscritsdans une couronne christi-

que, figurant

ur

une

tapisserie

ux

armes de

Jacqueline

de Luxem-

bourg

et de

Philippe

de

Croy,

conservéeau Château

de

Langeais

;

elle se

reconnaît ncore sur

une bannière

de

Charles

le Téméraire u

chiffre

C,

conservée

u Musée de

Berne,

sur

un

manuscrit

u Livre

des

propriétés

des choses

au chiffre

e JJ à la devise d'un bourdon

et d'une

écharpe

de

pèlerin5...

La

position

affrontée es lettres st

J.

Finot

d.,

Lille, 895,

.

8,

p.

169,

hambre

es

Comptes

e LilleB. 3495

«

une

M

d'or ournée

ue

sert

troussoireemée

e

petit

. s. esmailliése noir t

garny

au milieu'un

roz

scuchón

e diamantt

dessoubzeux

moyennes

erles

ranlans

.

Y

-

Voir

V

nventaire

u mobiliere Charles

,

op.

cit.

p.

38,

n. 119

«

un

petit

fermail'or unY gregeoisumylieut utourdix erles. Nombre'objetsyant

appartenu

la

reine eannee Bourbon

ortent

ung

etit

»

au chiffree es rmes

pp.

191-1593,

p.

195-1631,

p.

196-1645,

p.

198-1661,

p.

201-1696,

p.

202-1706...

Voir

galement

.

Gay,

Glossaire

rchéologique

u

Moyen

ge

t de a Renaissance

Paris,

887-1928,

.

2,

p.

340

«

douze elles

e

haquenees

ouvertese

drap

noir

decouppees

e rondes

ecouppeures

e

drap ouge,

lanc t vert... e la faczon

e

harnoiz Escoce u

d'Engleterre

t sur

ceulx arnois

grans

icheures

n

quoy

l

y

a un

Y

gregeois

ntaillié

ibid.

.

483

«

un

Y

gregeois

'un

aphir

ssis n un

annel

'or

qui

fut onné

monseigneurar

messireehan osme .

4.

À

l'image

u

A,

du

L,

du

K

ou du

M,

e

G

peut

tre couronné

,

cf. nven-

tairest

pièces

iversesoncernant

a succession

e

Philippe

e C èv

s,

J.

Finot

d.,

Arch.

ép.

du

Nord,

nventaire

.

8,

pp.

428-429

Chambre

es

Comptes

e

Lille,

B.

3664)

illustr.ans

.

Fingerlin,

ürteleshohen

nd

päten

ittelaltersDeuts-

cher unstverlag,971, . 105, ig. 09/311t Musée eCluny,l. 14858. a lettreG est ssociée laSalutatione a

Vierge

Musée

e

Cluny,

l. 23301 fermail

jouré,

Cl. 17696 ceinture

la Salutation

ngéliquearnie

e G

branlants),

la devisemou-

reuse

Musée

e

Cluny,

l.

23302 fermail

jouré

la devise

AMOR

).

5.

Paris, NF,

ms.fr.

140,

°

120v°, 69,

galement

hantilly,

s.

645/315,

f° 1

et

647/317,

°

1.

Page 30: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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26

J.-P.

JOURDAN

figurée

ar

le chiffre e

Philippe

e Bon de EE «

couplés

ensemble ...

L'affrontement u l'adossement des

lettresn'est

pas

systématique

un

manuscrit

e

YInstruction 'un

jeune

Prince au

chiffre e

Char-

les

le

Téméraire

figure

es deux CC

affrontés6.

es lettres

upliquées

sont

fréquemment

eprésentées

ur l'étoffe.

Lors des

fêtes

du

Pas de

l'Arbre

d'or

tenu à

Bruges

en

juillet

1468,

Baudouin

Bâtard de Bour-

gogne portait

deux

W

couplés

ensemble enans a un

bastón

dessus

et un autre dessoubz

»,

Philippe

de

Croy,

seigneur

de

Renty,

avait

pour

parement

deux

Y Y

gregeois grans

ettres 'or

»,

Antoinede

Woodville comte de

Scales

portait

deux

«

EE

accolez

ensemble

,

Pierre de Bourbon, seigneurde Carency,« deux Os en brodure de

fin or ».

Jean Hallwin

seigneur

de

Bellenghen,

Jean

seigneur

de

Hames,

Antoine

d'Estrées

seigneur

e

Boulant et le

vicomtede Fur-

nes étaientvêtus de

jour

nades

«

a

ung

Y

devant

et derriere

e bro-

dure

d'or »7.

Le redoublement u

dédoublement e la

lettre

uggère

une dua-

lité

symbolique8, ui

se reconnaît

dans

le

couplage

des chiffres.

Les lettres

ouplées

Les lettres ont le

plus

souvent

liées

par

des

nœuds, lacs,

ou

rubans. « Accolées », « accouplées», « enlacées», elles figurent ar

leur

comportement

amoureux l'union

de deux

chiffres n

un

seul

monogramme.

ymbole

d'une

parfaite

osmose,

le

chiffre

orté

par

Jean de

Traségnies,

u

Pas

du

Perron

fée tenu à

Bruges

n

avril

1463,

était

«

d'une S et une L

»

en

«

lettres 'or l'une

dedens l'aultre

»9.

Cependant

le

couplage

de deux

lettres

par

des liens ne

signifiepas

nécessairement'union de deux

noms,

une lettre

pouvant

avoir

plu-

sieurs

valeurs

ou

fonctions

certaines nions de

lettres ont

symboli-

ques,

ainsi le

couplage

du

A

et

du

E,

ou

celui des

lettres

nitiales

de

devises10.

Un même

couple

de

lettres

eut

être

répété lusieurs

ois. L'inven-

6. Voir

aris, rsenal,

s.

5104,

°

5, 14,

51. La

position

ffrontéeu adossée

des ettres

voque

es emblèmes

double

igures

n

héraldique.

7. Olivier e La

Marche,

MémoiresH.

Beaune

t

J.

d'ARBAUMONT

d.,Paris,

1888,

.

4,

p.

122.

8. Les nventaires

obilierses

Princes entionnente

nombreuses

ettresou-

bles

-

Chiffre

K

Inventaire

u

mobiliere

Charles

,

op.

cit.,

pp.

70-395,

137-1064,

43-1092,99-1667,57-2367,

93-2747,

93-2748,

46-3367,52-3442,

353-3447,

54-3452,

69-3585...nventairees

oyaux

e a

couronnedans

Choix e

pièces

nédites,

p.

cit.,

p.

286-15,

37-389,

38-392...

Chiffre

L

: Inventaire

u

mobiliere Charles

,

op.

cit.,

p.

72-414...

ChiffreM

ibid.

p.

31-66,

11-807,

209-1801... ChiffreO :

ibid.

p.

245-2264...

ChiffreS :

ibid.

p.

224-1993...

Voir

galement

'Inventaire

u

mobilieru

Connétablee

Saint ol en 1476 J.

Gau-

thier d.,BulletinrchéologiqueuComitéesTravauxistoriquestScientifiques1885,

p.

24-57, hiffreA art.

4, 225, 90, 97,

98,

99 ChiffreE : art.

23, 26, 60, 287,

288.

9. Pas du Perron

ée

enu

Bruges

n 1463

ar

e

chevalier

hilippe

e

Lalaing,

F. Brassart

d., Douai,1874,

.

75.

10. Voir

nfra

. 51 BM

Cart.

Harl.

Antiq.

3

Hl

(1510).

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8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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LA LETTREET

L'ÉTOFFE

27

taire de l'orfèvrerie t des

joyaux

de Louis I

d'Anjou

mentionne n

demi ceint d'or et de

perles

ouvré de

trente-deux

M

appliqués

sur

un tissu

fait

«

d'une

bisette

d'or

bordee des

deux

costez de soie azu-

ree en

laquelle

il

a

XXXII

clous dont les uns sont fait a

elles

et

les

autres a ames

». Un autre demi ceint de

perles

fait à

«

elles

et à

ames

»

est

garni

d'une

«

demie couronne d'or

eslevee

a

quatre

fueil-

les de noux

verdes,

couchié sur ledit

champ... ouquel

demi

ceint a

en tout

XVIII

lettres t

XVIII

couronnes n.

Lettres

triples

Les lettres ont parfoisfigurées n associationtriple, es lettres

pouvant

être incluses en un

cryptogramme12

u

figurées

solément,

tel le chiffre

orté par

Jean de

Compays,

seigneur

e Thorain au

Pas

de l'Arbre

Charlemagne, qui

furent

rois ettres

ui

firent n mot

AUF

»

13

ou

«

la

divise

D K A

»

semée sur

une

houssure de velours

cramoisibordé

d'or,

portée par Jacques

de

Luxembourg eigneur

de

Richebourg

u Pas du Perron faé14.Plus

rarement,

e chiffre

riple

résulte

de

l'association

d'une lettre

unique

et de

lettres

ouplées15.

Lettres

quadruples

Les chiffres uadruples sont égalementrares16. ls résultent e

plus fréquemment

e l'association ou de la

duplication

e

lettres

ou-

plées,

tel le chiffre brodé de lettres

regeoises

manierede LL et

11.

nventaire

e

l'orfèvrerie

t des

oyaux

e Louis Duc

d'Anjou,

p.

cit.,

pp.

583-3565,

84-3656.

oir

galement

nventaireobiliere

a

Duchesse

'Orléans

(Chambre

es

Comptes

e

Blois),

.

de

Laborde

d.,

dans es Ducsde

Bourgogne,

étude

ur es

lettres,

es arts

t l'industrie

endant

e

xv

siècle,

aris, 849,

.

3,

pp.

423-7139voir

galement

.

Gay,

Glossaire

rchéologique,p.

cit.,

.

1,

p.

412

(lettres

6

W)

et t.

2,

p.

313

lettres

6

SS)

colliers la devise

A

ma vie .

12.

Cryptogramme

e

-

Marie e

Clèves

(L

M

Y)

?

Devise riens e m'est

plus

, Paris, NF,

ms.fr.

5528,

° 1

et

Ms.

fr.

0026,

°

Av°,

cf.

L.

de

Laborde,

Les DucsdeBourgognet.3,pp.378-6949« une hesne 'ortorse quatre ou-

bles,

arnie

e trois

hantepleure

t de trois

ectres

la devise

e madite ame

).

-

Ysabelle e

Lalaing

t Pierre e

Haynin(E

L

A)

?

Devise vous

eul

, Paris,

Arsenal,

s.

1185

le cryptogrammeompose

n econdhiffrecôté es ettres

Y)

-

Philippe

e

Croy

(L

Q

P)

?

Portrait,nvers,

usée

oyal

esBeaux-rts

reprod.

dansLa Toison

'or,

inq

iècles

'Art t

d'Histoire,

ruges,

uillet

962,

. Pau-

wels,

atalogue,.

129,

6)

Charles

e BourbonC

H

S,

Devise

n'espoir

e

peur

,

BNF

Ms.

Grec,

°

8,

159.

13. O.

de La

Marche,

Mémoires,

p.

cit. .

1,

p.

309.Ce Pas fut

enu

Dijon

en

uillet

443.

14. Pas du Perron

ée

éd. F.

Brassart,

p.

cit.,

p.

73.

15. Br.B.

9392,

° 71v°

Chiffre

+ AT. L'Inventaireobilieru Connetable

de Saint ol mentionnees chiffres

RI et

SSE,

op.

cit.

p.

39,

art.

153 t 159.

16. L'InventaireuDucet de aDuchesse'OrléansChambreesComptese

Blois)

mentionne«

Quatre

ettrese

dyamant

'est ssavoirLRM éd. L. de

Laborde,

es Ducsde

Bourgogne.

tude ur es

ettres,

es arts t 'industrie

en-

dant e

xve

iècle, aris, 849-1852,

.

3,

pp.

433-7175. oir

galement

Inventaire

mobilier

e Charlese

Téméraire,

bid.

. 2 /2353 chiffresC

et

AA,

/2361 CC

et

Y

Y,

/2296

PP

et

MM.

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8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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28

J.-P.JOURDAN

YY enchainneesd'une chaîne tenant une serure slevee»

que por-

tait Frédéric de Framessan

au Pas de la Dame

Sauvaige17.

Lettres

multiples

La

répétition

u motif

de la lettremanifeste ne

charge

du sens.

Certaines ettres ont

plus fréquemment

épétées,

insi en est-il des

lettres

A

et

Y

(fig.

2)18.

Lors des fêtes

du Pas de l'Arbre

d'or,

Antoine de

Hallwin

seigneur

e la

Capelle

était monté sur

un

cheval

«

houssié

de velours noir et broudé

de

feullages

de fil

d'or umbrée

de

grans

Y

»

;

de

même,Jacques

de

Luxembourg

faisait

porter

une

houssurede « velours noir chargiéde chiffres... t de Y blancs»19.

L'itération

multiple uggère

une

abondance,

une fécondité e la

lettre. ouvent

mêlées au décor

végétal,

es lettres e

l'alphabet

sont

parfois

«

semées

»

en

nombre

sur

le

champ

d'une

étoffe,

ainsi

«

l'a.b.c.d...

en brodured'or

»

semé sur

une

houssurede veloursbleu

que Philippe

de

Croy

faisait

porter

u Pas de l'Arbre d'or20. L'ense-

mencement

ar

la lettre

orte

en

germe

a

puissance

du

mot,

du

nom,

du chiffre.

L'esthétiquedes lettres,polygraphie, alligraphie,motifs ssociés

Appliquées,

brodéesou

peintes,

es lettres

joutent,

par

leur valeur

décorative,

u chatoiement es étoffes.La recherche e

l'esthétique

approfondit

e

secret

des chiffres n

multipliant

es

signesgraphiques

et en

compliquant

'ornementation es lettres.

La

polygraphie

La

polygraphie

multiplie

es

possibilités

ombinatoires u sens21.

L'identification

e la lettre st

parfois ompliquéepar

la

diversité es

17. Le Pas de a Dame auvaigeTraictié'un ournoyenu Gand arClaude

de

Vauldray,eigneur

e

'Aigle,

'an

1469,

ansTraictée a

forme

tdevis omme

on

faict

es tournoisB.

Prost

éd., Paris, 878,

.

80.

18.

Lettres

ultiples

A

-

Voir llustr.

aris,BNF,

ms. fr.

343,

f°7

(cotte

d'armesemée

e

A

inscritsl'intérieur'une

aufrureosangée)

Paris, NF,

ms.

fr.

75,

°

92

coiffe

résille

erlée,ansée

e

A)

Paris, NF,

ms.fr.

091,

°

22

(jaque

thoussureemés e

A

couronnésur ne

gaufrurearrelée)...

-

La lettre

Y

est

fréquemmenteprésentée,

f.

Y

tatdes

oyaux

onnés

la reine

sabelleors

de son arrivéen

Angleterre

t

réclamés

ar

a France n 'année

400 dansChoix

de

pièces

nédites

op.

cit.

.

2,

p.

276

«

une ainture

e

perles

Y

gregeois

'or

et e bous

perles

t

pierres

et

Y

nventairees

biens...

ue

aisse

hilippe

e Hardi

à

Marguerite

e Flandre

éd.

Chanoine

ehaisnes,

ocumentst

extraits,

.

2,

p.

898

«

un orsetouverte

drap

'or

ouge

Y

etoiseauxenantainssiaux

.

Voir llustr.

Arsenal s. 070, °34v°robeemée'Y).Onévoqueraussi ienûr,atapisseriede

l'Apocalypse

tFY inscritans a mandorle

château

'Angers).

19. Olivier

e La

Marche,Mémoires,p.

cit. .

4, p.

126.

20. bid.

t.

4,

p.

129.

21. Voir titre

'exemple

e

cryptographe

u Livre esEchecs

moureux

Paris,

BNF,

ms. r.

197

a(r)(e)

m

fr)

côté uchiffre'Antoinetde

Marie

'Ailly

AM).

Page 33: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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LA LETTREET L'ÉTOFFE

29

Fig.2 - Coiffe résilleerlée, ansée e A (Paris,BNF,ms. fr. 75,f°92).

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8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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30

J.-P.JOURDAN

caractèresd'écriture.Aux caractères

atins,

grecs,

gothiques,

ux let-

tres

de

«

forme ou

aux

«

cadeaux

»,

s'ajoutent

les

lettres mores-

ques

»

et

«

sarrasinoises

,

les

lettres

topiques,

fantastiques

t tout

un

alphabet

de

l'imaginaire22.

'auteur

anonyme

du

manuscrit

aris,

BNF,

fr.

5677

recense

48

sortes

d'alphabets,

et donne

parfois pour

une même lettre

lusieursgraphes23.

e

graphe

de

la lettre

'enrichit

et se

complique

de sa

calligraphie.

La

calligraphie

de la lettre

L'enchevêtrementes

lacs, rubans,branches,

volutes

ou

ramilles

envahitparfois a lettre, n devient a substance, n sorteque le con-

tour de la lettrefinit

par

se dissoudredans sa

calligraphie.

La calli-

graphie

nvite,

n

sublimant a

lettre,

la

découverte t à la

réflexion

du sens24.

Le dessin des

lettres,

eur

disposition

uggèrent

es

analogies

ou

équivoques

de formes.La forme

quivoquée peut

être une

autre et-

tre,

un

personnage,

un

animal,

un

objet...

Ainsi le

fusil

évoque

le

B25,

l'enlacementde deux S

figure

un

nœud,

le fermail

pouse

la

forme

du

O,

la boucle de ceinture u le

demi fermail

elle

du E

ou

du M26. La lettre

M

peut

être

figuréepar

l'imbrication e deux O

(ou cercles) ou par celle de deux A...

Le

signe graphique

s'enrichitencore

des motifs

qui

lui

sont

associés.

Les

motifs

ssociés

Les

motifs es

plus fréquemment

ssociés

à la

lettre

euvent

tre

répartis

n

trois

groupes principaux

22. De

nombreuseslettres

e

sarrazinset

«

lettres

oresques

figurent

ans

les nventairesobiliers

e

Charles et de Louis

d'Anjou.

es ettresont e

plus

souvent

igurées

urun décor

euillagé,

f. nventaire

u mobiliere Charles

,

op.

cit.pp.347-3369,371, 372, 374, 375, p.348-3381,382... nventaireel'orfè-

vrerietdes

oyaux

e Louis

d'Anjou

H.

Moranvillé,

ibl. e

'École esChar-

tes, 2, 1901,

.

214-215.a fonctione ces ettres

tait-elleestreinte

leur eule

calligraphie

u admettait-elle

'autres aleurs

(infra

.

61).

23.

Paris, NF,

ms.fr.

5677,

5 folios.

24. Sur a

calligraphie

e la lettreoir otammentJ.J.G.

lexander,

a let-

tre

rnée

Lausanne,

979 P.

Dumon,

'alphabet

othique

itde Marie e

Bourgo-

gne

, Bruxelles,

972 B.

Volpe,

Florilegium

lphabeticumAlphabets

n

Medieval

manuscripts

,

dans

alligraphy

nd

Paleography,

ssays

resented

o

Alfred

airbanks

O. Osley

d.,

Londres,

965

C.

Hulín e

Loo,

«

La

vignette

hez

esenlumineurs

gantois

,

Bulletin

e a classe esBeaux-Arts

21,Bruxelles,

939.

oir

aris,

rse-

nal,

ms.

659

alphabet

ort

roche

e celui e Marie e

Bourgogne),

ettresuban-

nées

Paris, NF,

ms.fr. 7001

Composition

ittérairet

historique

e Jean

Miélot).

25. Cl. PortraiteMargueriteYork,Musee uLouvre, F. 1938.17Geof-

froy

ory

Champfleuryuquel

st ontenu'art tscience e la deue t

vrayero-

portion

es ettres

ttiques,

aris, 529,

.W.

olliffe,

M.A.

Screech,

.

Litt

rééd.,

Londres,970,

iersivre

°

Oii.

26. Illustr.

ans .

Fingerlin,

ürtel

es

hohen

nd

päten

ittelalters,

p.

cit.,

p.

222,

fig.

36.

Page 35: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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LA LETTREET

L'ÉTOFFE

31

Le lien et son attache Les

lettres ont

le

plus

souvent

figurées

réunies

par

des liens

(lacs,

cordons,

cordelières,

gets,

nœuds,

rubans...).

Certains iens

affectent

ne

disposition

réflée

voquant

la

fleur de

lys,

d'autres se

développent

n une

circonvolution 'entre-

lacs

;

des

houppes

ou

des

glands

en

garnissent

es

extrémités,

appe-

lant

que

le lien

est

«

Amours »27.

Le lien lie la

lettre

durablement,

ou

plus justement

st

lié

à la lettre.La lettre n

effet crit e

lien,

elle a

pouvoir

de lier à

ce

titre,

lle

figure réquemment

ur

les cein-

tures,

demi

ceints, chaînes,

colliers...

qu'elle

identifie

ar

le

chiffre

et

rend de la

sorte mémorable.Le

soin

extrême

orté

à leur

décora-

tiontémoigne e leur valeur affective et symbolique. ouventremis

à titre de

présent,

ls

engagent

et relient.

Symbole

d'une

solidarité

«

réelle

»

sociale et

politique,

e

nœud fixe e

lien,

aussi est-il

parfois

porté

sur l'étoffe t son

attache. Les inventaires

mobiliersfont men-

tion de ceintures

t

de demi

ceints faits nœuds ».

L'inventairede

l'orfèvrerie t des

joyaux

de

Louis

I

d'Anjou

mentionne eux

ceintu-

res

de

soie,

de

fil

d'or

et

d'argent,

'une

«

trecié n

quarré,

semé de

nouz de

perles

»,

l'autre

«

faite

à

nous de

perles

comme de

ceinture

de cordelier... XIII

neuz de

perles

.

L'inventaire es biens

que

laisse

Philippe

le Hardi à

Marguerite

e

Flandres mentionne une

chain-

ture d'or

sur

I

noir

tissu,

faite à aneles tenant

une

perle

et de

neus,

au bout pendantune flour de geneste 28. Le nœud est aussi figuré

sur 'étoffe lors des

joutes

du Pas du Perron

faé,

Philippe

de

Lalaing

«

avoit une couvertede

velours

noir,

brodée de

satin violet

semé

de

neufx fais de

fil

d'or et de

soie blanche »29.

Le motif

végétal

le lien

peut

encore

prendre 'apparence

d'un

entrelacs

égétal.

Les

feuilles, inceaux,

amilles... enlacent

parfois

a

lettre,

rendant

manifeste

e

rapport

consubstantiel

ntre

a lettre t

le bois. La structure

igneuse

de la

lettre

permet

de la

ligaturer,

e

«

l'écoter

»

;

l'écotage

de la

lettre

uggèrepar

analogie

un renforce-

ment du sens. Ramenant e

multiple

l'un,

l'écotage

«

fortifie la

lettre30. a nature

végétalepermet

de

l'associer aux fleurs.Certaineslettres ont « fleuries , semées ou cueilliesparmi les fleurs31. ors

27. Il

arrive

arfoisu'une

es xtrémitésu ac soit

aisséeibre

cf.

Paris, NF,

ms.

fr.

27,

1, 39,

128... t

Paris, NF,

ms.

fr.

1974,

°

1)

allusion

ossible

l'absence.

28. Cf.

Inventaire

e

l'orfèvrerie

t des

oyaux

e

Louis

d'Anjou, p.

cit.

pp.

583-3653,

564 t

Y

nventaire

es

biens...

ue

aisse

hilippe

e Hardiéd.

cit. .

2,

p.

867. llustr.ansC.

Enlart,

Manuel

'archéologie,p.

cit.,

.

3,

p.

285,

fig.

01

(devise

AMO

), p.

291,

ig.

09

t

.

Fingerlin,

p.

cit.,

.

137,

ig.

25,

p.

185,

fig.

11.Voir ussi

aris, NF,

ms.

r.

43,

°

4. Le

nœud st nstitué

ommemblème

de 'ordre du Saint

sprit

u

droit

ésir u du nœud créé

ar

Louis

'Anjou

n

1352

devise

Se

DieuPlaist

),

et de

l'ordre u Lac d'Amours

devise

FERT

).

29. Cf. Pas duPerronée,op. cit. d. F. Brassart, .69.30.Y a-t-il n sens

mplicitesocial, olitique

),

on sait

ue

'écotage

ubois

renforcea maîtresseranchen

élaguant

es

ets.

L'estoc,

réquemment

ssocié

la

souche

stock)

aussi

aleur e

«

ligne généalogique.

31. Cf.Heures e

Marguerite

'Orléans

Paris, NF,

ms. at.1156

,

135

per-

sonnages

ans a

marge,

emant,

ueillantu liant

es ettres

armi

es

fleurs).

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8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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32

J.-P.JOURDAN

des

fêtesde

Châlons,

Jean de

Hangest, seigneur

e

Genlis,

avait fait

housser on

premier

heval de

parement

de

veloux bleu a

gros

char-

dons de brodeure

et

grandes

lettresd'or enlacees a sa devise

»32.

Aux fêtesdu Pas

de l'Arbre

d'or,

Louis

de

Luxembourg

faisait

por-

ter une houssure

«

de brodure

d'or hault eslevée de

grandes

feulles

entresemées e

lettres t larmes

d'argent

de

brodure,

yant

ur

a coin-

gne

une

grosse

fleurd'or faicte

l'aiguille

»

;

l'une

des houssures

de

parement

d'Antoine

de

Luxembourg,

comte

de

Roussy, figurait

«

ung grantpot

de violiers

n lectres t tout de brodure

d'or,

d'argent

et de

soye,

semé aussi

de larmes»33.

Le motif amoureux . La représentationes lettres stfréquem-

ment ssociée

à

des

motifs ont

le

symbolisme

amoureux

est

clai-

rement ttesté

certains

bjets

ont,

de

par

leur

symbolique,

ne nature

pyrique

ou

aqueuse

:

-

flamme, fusil,

-

bâton, bourdon,

réchauffoir

estoc.

-

larme,

perle,

-

pot, coquille34,

chantepleure

corbeille

panier

5

.

Certains motifs

procèdent

d'un

symbolisme plus complexe

(licorne,cerf36...)qui leur confèreune valeur christique.

La valeur des

lettres

La

multiplication

es

signes graphiques,

eur enrichissement

ar

l'ornementation,

a

calligraphie,

'association

de

motifs

urchargent

e

signifiant

e

la lettre.

Le

complexe

du

signifiant

envoie à un com-

plexe

du

signifié.

Le

signifié

es lettres

rocède

d'une

sédimentation

32. Ces fêtesurent

ieu n

uin

1445,

.

Leseur,

istoiree Gaston

V

comte

de Foix H.Courteault d., Paris, 893, .1,p. 178.

33. Olivier

e La

Marche,

Mémoires,

p.

cit.,

.

4,

p.

132.

34.

L'équivoque

rotique

e a

coquille

tdu bourdonstd'un

usage

ourantt

renvoie

l'image

u

«

pèlerin

mant

(cf.

Rondeaux

e

Charles'OrléansPoésies

P. Champion

d.,Paris,

923,

.

2, 77,

p.

333)

illustr.

aris, rsenal,

s.

108,

pî-

tres

'Ovide

(lettre

nitialee

chaque

pître

motife a

coquille

tdu bâton sso-

cié à la lettre

).

35.

Ce motifssocié u

mot

TANT

(devise

e René

'Anjou)

e

reconnaît

dans e

Livre 'Heures e Jehan

e

Belmont,aris, NF,

ms.

n.a.l.

3210,

°

34v°,

le

panier

ontient

es ettres

.F.

(initiales

e Jehant

de

Françoise)

ormante mot

IF

dont e

«

bois est

uspendu

une

branchecotée. ertains otifs

chappent

toute

lassification,

el elui 'une

barbacanelevée associé ux ettres

IE et

à

la devise nulne

s'y

frotte

adoptée

ar

Antoine âtard e

Bourgogne.

36. Les ettres etE sont réquemmentssociées la licorne,f. nventaireumobilieru Connétablee Saintol,

op.

cit., rt. 87.Voir

galement

e Livre 'Heures

d'Engelbert

e Nassau

Oxford,

odl.

ibrary,

s.Douce

19/220,

°

96v°,

28,

32,

159,

igurant

ne icorne

ousséeu chiffre

e ce

Prince,

'un

drap

leu emé e

E

d'or.

On

sait

ue

e

monogramme

E

figure

ur es

tapisseries

ites e la chasse

la licorneu Musée

es Cloîtres

e NewYork.

Page 37: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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LA LETTRE

ET

L'ÉTOFFE

33

d'emplois

et de

sens utilisant

eurs

propriétés

morales,

didactiques,

christiques, osmologiques

et

mantiques.

La lettre

peut

être

investie d'une

fonction morale

ou

didactique37.

elon le Rational des

offices

divins

les

lettres

ompo-

sant

le mot

Alleluja

doivent se lire

«

ai, ie,

iu,

ya

». Se

fondant

sur

l'exégèse

donnée

par

saint

Augustin

ans son

Exposicion,

'auteur

du

Rational éclaire e sens de cette

ecture

«

ai c'est

sauve,

ie

c'est

moy,

u c'est

foi,

ya

c'est sire... ce

qui signifie

t vault

autant a dire

comme,

sire sauve

moy

»38. La

lettre n effet ontient n

autre

sens

que

le sens

apparent

sa

nature

double facilite

es

jeux

d'équivoques,

utilisant a valeurphonétique,graphiqueou d'initiale. Selon Li abe-

cés

par

ekivoche la lettre

A

exprime

e

commencement,

permet

de

désigner

e

Bien,

«

li

C senefie e fust de

la

Croix,

D

«

qui

de

Dou-

cour fu

plains

»

signifie

Dieu,

le

E

figure

Eve

:

«

et

li

œllés

ki

est

amont/note

i

dolour

ki

el

mont/par

e more de

la

pume

vint... »39.

La

vérité des lettres st à

révéler,

eur

lecture

est

une

exégèse.

Certaines ettres nt une

valeur

christique

insi le

M

et l'Y.

Dou-

zième lettre

es

alphabets

atin et

grec,

a

lettre

M

marque,

à l'inter-

section

de

ces deux

alphabets,

e

centrede la

série des

lettres.Cette

position

médiane ou axiale

est

fréquemmenteprésentée40.

n

outre,

selon

Li

abecé

sa forme

trois

ambages

en une

seule

lettre)

figure

« cele personne/qui evint ne et trois nsoune/le aintEspri, e Fils,

le Pere ».

Le

M,

«

qui

des

lettres st dame et

gemme

,

signifie

ncore

«

Marie,

Mere

douce »41. Le

symbolisme

e la lettre

Y,

nourri

des

interprétationsythagoriciennes

t

néo-platoniciennes,

st des

plus

fer-

tiles. Identifiée

par

sa

forme au

Christ en

croix,

elle

est

le

chiffre

divin. Cette

ettre,

récise

i

abecé

est

«

si

parfaite/qu'en

out

'abecé

n'a

si

fait/par

esti est Jhesu

nommé/qui

tout

partout

est

renom-

més/... Et

sachiés

bien

ke

li

Jui

apeloient

Jhesu

par

Y

»42.

En

tant

37.

L'usage idactique

e la

lettrest onstantt

se retrouve

ans es

«

Croix

de

par

Dieu

(cf.

Paris, NF,

ms.

Rotschild

V, 4,

145

320)

.l. n.d.

début

vie

iè-

cle).Les ettresont galementtiliséesans es blasons, cf.A.Jubinal,ouveaurecueilecontesdits t

fabliaux

esxui, iv t ve

iècles, aris,

842,I,

p.

290n.

et P.

Meyer,

omania

1882,XI, pp.571-79, 991,XL,

d. 77.

38.

Paris, rsenal,

s.

001,

°

118,

opie

ux

hiffretdevise

'Antoineâtard

de

Bourgogne.

39. Li abeces

ar

kivoche

t

i

significations

es

ettresA. Langfors

d.,

Huon

le

roide

Cambrai,aris, 925,

p.

2-3.

Certainesettres

nt ne aleur

égative,

insi

le

Q,

le

R,

le T.

40. Cf.

M

brodé u centre'une

appe

'autel

igurant

n

lphabet

atin

isposé

enunréseau e

osanges

Église

ainte-Marie,

œst

Westphalia,

eprod.

ans heHand-

book

f

mediaeval

lphabets

ndDevices

by

H.

Shaw,Londres,

856,

l.

6).

-

M

figuré

ur a

branche édianet

maîtresse'un rbre

ortant

n

lphabet

e

23

ettres

(Johann

eilervon

Kayserbsberg,

eilsanneehre nd

Predig

Ulm,

J.

Zainer,

1490).

hiffre

My

urmonté

'une ouronneleurdelisée

la devise

ensy

st

(BNF

ms.fr.1999, ° lv°).

41. Li abeces

op.

cit.,

v.

175/180,

.

6.

42. Li

abecés,

p.

cit.,

v.

371/376,

.

13. Sur es

nterprétations

ythagoricien-

nes M.A.

Dimier,

La lettree

Pythagore

t es

Hagiographes

u

Moyen

ge

,

Le

Moyen

ge,

t.

60, 1954,

p.

403-418

H.

Silvestre,

Nouveaux

émoignages

médiévauxur a Littera

ythagorae

,

Le

Moyen

ge,

.

63, 1957,

p.

55-57.

Page 38: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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34

J.-P.JOURDAN

qu'il

symbolise

e « Fils

»,

PY

peut

être ssociéà la lettre

qui repré-

sente le Père et

au

A

qui signifie

e Saint

Esprit43.

Les

lettres

euvent galement ignifier

es

qualités

marialesdont

elles

portent

'initiale

Beauté, Bonté, Clarté,

Courtoisie, Douceur,

Débonnaireté44...

Certaines

lettres,

on le

voit,

rayonnent

e

sacré leur

affinité

symboliquedispose

à la réflexion u

mystère

e l'amour divin. Cette

relation au sacré se reconnaît dans la

liturgie

de la

dédicace des

églises45.

elon le Rational des

offices

divins

l'évêque

«

escript

en

cendre

ou

sablón

de la

pointe

de sa

croce,

le

signe

de la crois ou

pavementde l'eglise et puis tout l'a,b,c, en latin et en grecen poi-

gnant

de l'un

angle

de

l'eglise l'opposite

biès et a maniere

e crois

».

Ce rite de consécration

est fait en la

signifiance

u

tytre

mis

sur

le chief de Jesu

Christ n croiz et ce

signifioit

'union de

l'eglise

des

latins

et

des

greiois

en la

foy catholique... L'escripture

de

l'a,b,

c,

represente

e

sainte

Escripture

u viel et du nouvel

Testament . Elle

représente

galement

es articles

de la foi

«

car

elle est

escripte

ur

le

pavement,

'est a dire sur

le

fondement e le

foy

»46.

Cette

divi-

nisation

de la lettre 'enracine dans la divination

par

la lettre.

La lettre st investie e

propriétés

osmologiques,

magiques, po-

tropaïques.

Moyen

de la

connaissance

universelle,

a lettre

st

en

rela-

tion avec les astreset les signes qu'ils gouvernent47.

Selon

l'auteur du Livre des

9

anciens

uges

de

astrologie

la

pla-

nète

Mars

gouverne

es lettres

,

k,

r

;

Vénus

c, m,

t

;

Mercure

b, n,

o

;

le chef du

dragon

la lettre

y

;

la

queue

du

dragon

le

z

;

Saturne

g,

h,

p

;

Jupiter

f,

i,

q

;

le

Soleil :

d, i,

s

;

et la

Lune

:

a, o,

X. Cette table est

d'un

usage complexe

«

et

donques quant

le

seigneur

de orientuse de

la

seignorie,

'en doit

concueillir es lettres

de la mansion

de la lune en

laquelle

mansion est tel

planete

qui

use

de

seignourie,

t

les

adiouster aus

lettres

u

signe

ou

est

et

decourt

mars...

après

l'en doit

garder

e lieu du cercleou

est

tel

planete

igni-

43. Cf.Grammaticaldi.

Aldi

Manutiiomanintitutionum

rammaticarum

cité

par

E.S.

Sheldon,

he

Originf

the

nglish

ames

f

the

Alphabet,

tudiesnd

Notes

n

Philology

ndLiterature

pub.

Modern

anguage

epartment

fHarvard

ni-

versity,

oston,

892,

p.

79-81.

44. L'a.b.c.

Nostre ame

Paris, NF,

ms.fr.

37,

°

170

L'a.b.c.

Plantefolie

Paris, NF,

ms.fr.

837,

186.

45. Les

alphabets

atin t

grec omportant

3

ettrese croisaientla lettre .

Voir llustr.racé e

'alphabet

édicatoire

Paris,

NF

ms.

at.

8886,

°

362

ponti-

fical

u

xve

iècle)

t

Paris, NF,

Rés.Vélins

25,

.

1,

f° XXX

Jean

roissart,

es

Cronicques

e France

1493).

46.

Paris, NF,

ms.fr.

176,

° 17v°-19.

47. Cettepéculationst ortncienne,oir otamment.Dornseiff,asAlpha-betn

Mystik

nd

MagieLeipzig,

975,

e d.Selona tradition

nostique,

es

voyelles

grecques

ont

ouvernées

ar

es

7

planètes

t sont n

harmonievec es

7

notes e

la

gamme eptacorde,

f.C.E.

Ruelle,

E.

Poirée,

Le chant

nostico-magique

es

7

voyelles

recques

,

dansMémoires

us au

Congrès

nternat,Hist,

omparée

8e

sect.hist,

musicale

Paris, 900,

olesmes,

901.

Page 39: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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LA LETTREET

L'ÉTOFFE

35

fïcateur t la

propre

maison ou il

est,

et aussi les lettres e sa

trippli-

cité adiouster

aus lettres

du

seigneur

de orient 48.

Les lettres ont

également

n affinité vec le

Zodiaque.

Selon

le

Livre de

clergie

de Gautier de Metz la

série ordonnéedes douze

pre-

mières

ettresde

l'alphabet

(A-M) correspond

ux douze

signes

du

Zodiaque49.

La lettreA

est

gouvernée par

la lune

;

ainsi se com-

prend

son

étroite

association

à

la

perle,

aux

représentations

mariales50.

Couplée

au

E,

le chiffre st

gouverné

par

le

soleil.

Le

traité

BNF

fr. 2485 donne à ce

chiffre,

remier

'une

série

de

seize

nombres,

neuf

attributs

un

mont,

trois

arbres,

deux

pierresprécieu-

ses, deux poissons, une plante aromatique)51. elon le traitéBNF

fr.

2079,

ce chiffre st

le second des

vingt-huit

nombres olaires

»

(le

premier

tant

FERT)52.

La valeur

cosmologique

des lettres

AE,

fréquemment eprésentées

ans

l'iconographie,

permet

de

désigner

e

Héros

amoureux53.

l

existe

entre e

A

et

le

E

une

affinité

ubstan-

tielle,

une

osmose

symbolique.

Ces

deux

lettres ont

parfois

figurées

adossées,

le

A

enveloppant

e E. Ce chiffre

mblématique

ut

adopté

par

certains Princes

des Maisons de

France

et de

Luxembourg

il

figure

ur un livre d'Heures

ayant appartenu

à Charles de

France,

duc

de

Berry54,

e

reconnaît ur le feuillet

'un

poème composé

à la

louange

de Charles

VIII,

associé à

l'image

du roi

triomphant

t à une

épée laurée55, insi que dans l'abécédaire de Claude de France (fille

aînée de Louis

XII et de Anne de

Bretagne)56.

Au Pas de l'Arbre

48.

Paris,

Arsenal,

s.

2872,

°

232-235v°.urieusementette able e corres-

pondances

9

planètes

t

signes/23

ettres)

xcepte

es

ettreset u

;

les ettreset o

ontunedouble

eigneurie.

49.

Paris,Arsenal,

s.

3516,

° 172.

Ce

champ

e l'ésotérismedonnéieu

de nombreuses

péculations.

utreesmanuscrits

aris, rsenal,516, 872, 129,

oir

le manuscrit

rsenal

036

t e curieux

alphabet

strologique

:

Arsenal,

s.

891,

287.Les

correspondances

odiacales'étendent

ussi ux

nombres,

f.

Arsenal,

s.

1129,

°

99v°.

50.

-

Vierge

à l'arbreec

(buisson

ouronnée 15

A),

Petrus

hristus,

oll.

Thyssen

ornemisza,

ugano,

Annonciation

pavement

u chiffre

), Chicago,

ew-

berryibrary, s.39,f° lv° (reprod.ans e siècle e la miniaturelamande,e

mécénate

Philippe

e Bon

Bruxelles,959,

l.

46),

Coiffe résille

erlée,

ordée

de

A

(Paris,

NF,

ms.fr.

75,

°

92),

Lettre

et

perle

blongue

Portrait'Adolf

de

Clèves, umillies,

oll.des Princese

Croy.

51.

BNF,

ms.fr.

485,

°

18.La valeurolaire u chiffre

E

est onstante.oir

la table es

planètes

Table

f

Chymicall

nd

Philosophical

harecters,

ans

The

ast

Will nd Testament

f

BasileValentine

Londres,670, M,

C.76. .

22,

L4/B1.

52.

BNF,

ms.fr.

079,

°

20v°. xiste-t-ilne

orrespondanceymbolique

ntre

ce

nombret a devise e la Maison e Savoie

53.

-

Renaud eMontauban

Paris, rsenal,

s.

072,

°

130v°,

Jason

Paris,

Arsenal,

s.

067,

°

89v°, 05,

30

Histoire

e

Jason),

Oliviere Castille

Paris,

Arsenal,

s.fr.

2574,

°

49,

97,

100.

Ce

chiffre

iguregalement

ur

es

arretières

duGendarme

moureux,

Lesdemandes'Amours

vecques

es

responces

,

Arsenal

8° B.L. 30646, ° 1.54. New

York,

The Cloistersollection

reprod.

h.

Sterling,

a

peinture

médiévaleParis 1300-1500t.

2, Paris, 990,

.

202,

fig. 93).

55.

BNF,

ms.fr.

228,

°

1,

vers la

louange

e Charles

III,

par

Benart.

56.

Cambridge

s.

159,

°

1,

12

reprod.

.P.

Harthan,

'âge

d'ordesLivres

d'Heures

Paris-Bruxelles,

977,

p.

134-135).

Page 40: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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36

J.-P.JOURDAN

d'or,

Antoine de

Luxembourg,

omtede

Roussy

et de Brienne

ntra

en la lice

paré

de ce

chiffre,

on cheval

«

houssié de

damas blanc

traillié e

fil

d'or,

semé de

AE

partout

n

brodure...

»,

son

quatrième

cheval de

parement

tait

houssé

«

de brodured'or

entièrement

oute

faicte de

gaufrure

uarelée

comme

machonnerie,

ntresemée e lar-

mes

d'argent

et de fenestre deux

testesde

dames

et

une

d'homme,

et

semée

de

AE

»57.

Les lettres

A

et

E

apparaissent

fréquemment

dans

l'inventairemobilier

de Louis de

Luxembourg père

d'Antoine,

comte de

Roussy)

toutefois

ces lettresne sont

pas

couplées

mais

dupliquées

et ne se trouvent

amais

réunies sur une

même étoffe58.

Ces deux lettres ont égalementfigurées ur les tapisseriesdites de

«

la

chasse

à la licorne

conservées u

Musée des

Cloîtres

de

New-

York. Leur

symbolisme

olaire

semble faire ci

écho au

symbolisme

lunaire de la licorne.

La valeur

péculative

es lettres 'enrichit

ncorede leur

propriété

mantique.

Les

lettres

ervaient

n

oniromancie

l'interprétation

es

songes.

Un

manuscrit

e

la

Bibliothèque

'Esté à

Modène nous a con-

servé

cet

usage

:

«

Se tu veus ton

songe esprover,pren

un

livre et

diras

In

nomine Patris

et Filii

et

Spiritus

ancti

Amen,

par

la

pre-

miere

etre

que

tu

troveras u commencement e

la

premiere

age,

si

troveras

ignifiance

e ton

songe

A

senefieboneur

et bone

joie,

B grant seignourie,C avillementde cors... »59. Les lettrespeuvent

également

tre investiesde

différentes aleurs

numériques

elon

des

tableaux

de

correspondances

rithmomantiques.

es

combinaisons

arithmomantiques

ont

multiples

les tables de

correspondances

umé-

riques

varient elon

l'objet

divinatoire,

e

même

que

la

composition

des lettres

ormant

e nom ou le mot

(nom

de

baptême,

nom mari-

tal,

nom

de

la

personne

imée,

recherchée...mot en

français,

n

latin,

décliné

elon e

cas...).

Le nombre btenu

par

additiondes

lettres om-

posant

un nom

ou un mot

forme e radical à

partir duquel

opère

l'onomantie60.

Des

«

tables

de

nativité

permettent

e

calculer a

planèteet lesignede l'ascendantpar relation ntre e nombreet la lettre ompo-

sant le

nom61.

Moyen

de

divination,

a lettre

eut

également

tre

chargée

d'une

57.

Olivier

e La

Marche,

Mémoires

op.

cit.,

.

4,

p.

132.

58. nventaire

u

mobilier

u

Connétable

e

Saint

ol,

op.

cit.,

p.

24-57,

rt.

3,

26, 34, 60, 225,287, 88, 90,

97/299.

59. Cf. ms.XII.

C7,

24b,

Bibliothèque

'Esté,

Modène

cité

ar

A.

Lang-

fors,

Huon e roide Cambrai

op.

cit.,

ntro

.v.

60. Cf.

Tableaux

n nnexe. oir

galement

es ables

omantiques

t eurs

lefs,

dans a Géomancie

stronomique

e Gérarde

Crémone,

raduite

ar

e sieur e

Salerne,

Paris, 691, p.225etsq.61.

Paris,

rsenal

872,

°400v°. esmodesombinatoirese a ettretdunom-

bre

appellent

ans a traditione

'Islam,

'invocation

ou Da'wah)

ar

es ettres

e

l'alphabet.

oir

es

tables e

correspondances

ans h.P.

Hughes,

Dictionaryf

Islam

Dehli,

ééd.

988,

.

73-78

voir

galement

es raités'IbnKhaldun

Les

pro-

priétés

cculteses ettrese

'alphabet)

td'Ibn

WashiyrLa

connaissancees

lpha-

Page 41: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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LA LETTREET

L'ÉTOFFE 37

valeur

apotropaïque,

elle

protège

u

permet

e

conjurer

e sort ainsi

le

T

préserve

ontre

e

«

feu de

saint Antoine

»,

la lettre

entourant

un

lys

nomme et

invoque

la

protection

e Notre Dame de Liesse62...

La

polygraphie

t la

polysémie

de la lettre

sont les

plus

sûrs

garants

de son secret.

La

multiplication

es

signifiants

t des

signi-

fiés

trame des réseaux

de

correspondances

irtuellement

nfinis. Le

chiffre e noue dans ce

maillage complexe

du

sens.

Le chiffre

u

secret, devises,

rébus et

monogrammes

La lettre t le (ou les) motif(s), ui lui sont associéspeuvent ntrer

en

composition

vec le sens

de la

devise,

ainsi

la lettre

eut

être

'ini-

tiale de la devise

-

«

A

jamais

»

(Philippe

de

Clèves)

-

«

A

mon attente

(Charles VIII)

-

«

A

mon

premier

63

-

« L

vault mieulx

(Fouquet d'Agoult)

-

«

Y me tarde

»

(Philippe

le

Hardi)...

Utilisant a valeur

homophone L

=

aile,

elle... M

=

aime,

ame...),

la lettre

eut

former n rébus. Jean Jouvenel es Ursins

rapporte ue,

durant e

siège

de

Compiègne

n

1414,

e

Dauphin

faisait

porter

ur

un

étendart toutbatu à or » un K, un cygne t un L. Selon cet auteur

«

la

cause estoit

our

ce

qu'il

y

avoitune damoisellemoultbelleen

l'hos-

tel

de la

Reyne,

fillede messireGuillaumede

Cassinel,

aquelle

vulgai-

rement n

nommoit a Cassinelle »64. Pierre de Bourbon

seigneur

de

Carencyportait

ur on

écu,

lors du Pas de l'Arbre

d'or,

«

deux

os

d'or

fin

»,

«

dont

l'un

estoit

un O d'une lettre t

l'aultre,

'os d'un cheval

qui

est sa devise

»65.

Tout aussi

énigmatique,

a

genette

ttachéeà la

lettre

figurant

ur un

manuscrit

u Cas des

nobles hommes

t

femmes

de Boccace

traduit

par

Laurent de Premierfait66.

La solution

d'un

rébus se

complique

encore

des différentes

ro-

nonciationsde la lettre

bets)

rad,

rançaise,

a

Magie

rabe raditionnelle

introd..

Matton,

aris, 977,

notamment

hap.

V

Les

alphabets

es

ept lanètes,p.

176-195,

seudo

Madjriti

Picatrix.

ur 'influencee la divination

rabe,

oir .

Fahd,

La

divinationrabe

Leiden,

966 t L.

Massignon,

Inventairee a littérature

ermétique

rabe

,

dans

J.

Festugière,

a révélation'Hermès

rismégiste

vol.

1, Paris,

944.

62. Certaineseces

nseignes

ont onservéesu Musée e

Cluny,

l.

15260,8099,

18100.

63.

Paris, NF,

ms. r.

230,

evise on dentifiée.ette evise

enforcea valeur

initialee a lettre

qu'elle

ssocieu

chiffre

nitiale

a série esnombres.e sens

enest

rapprocher

u chiffre

I. Lettre

nitialeu Dieu

d'Amours,

a lettre

figure

dansde nombreuseseviseson

évoquera

ncore

A

mon euldésir

,

des Dames

à la

licorne

Musée

e

Cluny).

64. Jean ouvenelesUrsins, istoiree Charles I éd.Michaud, oujou-

lat,Paris, 836,

oll. re

érie,

.

2,

p.

496.

65. Olivier e La

Marche,

Mémoirest.

3,

p.

18.

66.

BNF

ms.

fr.

27,

°

1, 39v°,

28... t dernierolio.Manuscrit

yant

ppar-

tenu Jeannee France.

Voir

NF

ms. r.

600,

°

1,

20,

23...rébus

icard

ncluant

les ettres et

Y).

Page 42: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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38 J.-P.JOURDAN

- L'Y

(i

grec) peut

aussi se

prononcer

WI,

UI,

bien

que

selon

Fauteur de

«

1'

becés

par

ekivoche :

«

maintes

gens l'apelent

«

FIUS

»67

-

La lettre

H

peut

aussi se dire

HA

-

Le

X :

«

IEUS

»

ou

«

IUS

»

-

Le G :

«

GOIE ou

GEAI

»

-

Le

M

:

«

AME

»...

Chaque monogramme

ffirme e

mystère

e l'être

qu'il

identifie

sans

pour

autant e nommer.

Même

apparent,

e

sens

du

chiffre 'est

jamais expliqué.

Jean de

Haynin rapporte u'au

Pas de l'Arbre d'or

Jean de Luxembourg, eigneur e Sottenghien,aisait orter ne hous-

sure

noire

«

brodée d'or atout

II

grans

lettre

ung

J

et unne

L

»68.

On ne sauraitréduire ssurément

a

signification

e

ce chiffre ux

seules initiales

du nom. Cet

«

IL

»

qui

nomme

reste identifier. e

même,

si

la valeur

du

«

L

»

porté par Fouquet d'Agoult

lors

du

Pas

de la

Bergiere

L

vaut

mieux)

se donne à la

lecture,

'initialedu nom

ou

du mot est

inconnue,

tout

comme le

sens

de la

devise69.

Par

ailleurs,

un

seigneurpeut

avoir

plusieurs

chiffres

-

Jacques

de

Luxembourg

Y

Y,

DKA...

-

Antoine

Bâtard de

Bourgogne

NC,

NIE...

-

Louis

de

Bruges

LM,

LA...

- Charles de Bourbon CA, CHS...

On

sait

que

René

d'Anjou

avait

pour

chiffrees lettres

I

et

RY,

Philippe

le

Bon,

les lettres

EE

et

PY,

Charles le Téméraire

CC,

CM...

En

outre

une même

ettre

ou

couple

de

lettres) ouvait

être

por-

tée

par plusieurs eigneurs

ainsi le chiffre

e

deux

EE.

Philippe

le

Bon

portait

es lettres

couplées

»,

AntoineWoodvillecomte de Sca-

les

les

portait

«

accolez ensemble

70,

Pierre

de

Brézé

portait

ces

«

EE

brisés

»71... L'inventaire mobilier de Louis

de

Luxembourg

mentionne

plusieurs

articles semés

de

EE

et de

houppes.

Le livre

d'Heures aux armesd'Engelbert omte de Nassau, figure galementle chiffre e deux EE, l'un d'or sur

champ

d'azur, l'autre

d'argent

sur

champ

de sable.

Le chiffre

I

se

retrouve,

ssocié

à la fleurde

lys,

sur divers

objets

mobiliers

ppartenant

u roi Charles V72. Le

67.

Li

abecés

op.

cit.,

v.

378,

p.

13. Sur a

prononciation

e la lettre :

E.S.

Sheldon,

he

Origin

f

the

nglish

ames

f

the etters

f

the

Alphabet,p.

cit.,

pp.

66-87.

68. Mémoires

e

Jean

irede

Haynin

t de

Louvignies,

.D. Brouwers

d.,

Liège,

905,

.

2,

p.

45.

69.

Le

Pas de

la

Bergière,

d. Comte

e

Quatrebarbes,

uvres

omplètes

u

roi

René

'AnjouAngers,

844,

.

2,

p.

73.Ce Pas

fut

enu Tarascónn

uin

1449.

70. Olivier e La Marche,Mémoires,p. cit., .3, p. 172.

71. G.

Lesueur,

istoireeGaston

V,

op.

cit.,

.

1,

p.

148.

72. Cf.

Inventaireu mobilier

e

Charles

V

J.

Labarte

éd.,

pp.

31-68,

pp.

34-89

«

une einture'or

ssise ur

ng

issu

ermeiln

aquelle

IIIIxxVI

doux

de deux açons'est

ssavoir'un

une

R

et un et

ung

ys

u

mylieu

ten 'autre

a unefleur e

lys

t est a boucle t

e mordante celle evise

.

Page 43: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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LA LETTRE

ET

L'ÉTOFFE

39

Fig. 3 - Combat ntreNoiron t Maulgis,Renautde Montauban

(Paris,

Arsenal,

ms.

5072,

323

v°).

chiffre

Y

figure

ur

une

«

chambrede cendal

vermeil

rodé tout

en

tour de

lis

»,

à la

devise de

Philippe

e

Hardi,

«

à une

aigle

et I

lion

qui

tient

P

et

I Y

»73...

Certainschiffres

euvent

galement

voir

été

«

empruntés

,

un

seigneur pouvant, pour marque

d'honneur

ou

pour

affirmer on

alliance,

porter

e chiffre 'un autre

eigneur.

Ainsi,

au

Pas

de

l'Arbre

Charlemagne,

Jean de

Compays

seigneur

e Thorain

et

les six

écuyers

de sa suite firent

rmes

n

semblables oussures

,

«

de cendal

blanc

semé (de) lettresqui furentd'or »74. Lors des fêtes du Pas de

73.

Chanoine

ehaisnes,

ocumentst

extraits,

p.

cit.,

.

2,

p.

907.

La

valeur

christique

e

ce chiffre

eut uggérerour

e

Princen

espérance

'Y,

'amour

nef-

fable

u

Père

pour

e Fils.

74.

Olivier

e La

Marche,

Mémoires

op.

cit.,

.

1,

p.

309.

Page 44: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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40 J.-P.

JOURDAN

l'Arbre

d'or,

Louis de

Luxembourg

omte de

Saint-Pol,

Jacques

de

Luxembourg eigneur

e

Richebourg,

eande

Luxembourg eigneur

e

Sottenghien,

acques

de

Luxembourg eigneur

e

Fiennes taient ves-

tus

de

palietos

de satin

bleu

»,

au chiffre u

marquis

de

Ferrare,

à

EM en brodure

d'or,

capronceaux

rebracés

de

velours

noir »75.

L'objectivité

et la relativité es

témoignages

doivent

également

inviter une

identification

rudente

u

chiffre t de son

motif,

par-

tant de

l'intentionmanifestée.

Selon Jean

de

Haynin,

le

marquis

de Ferrare

faisait

porter

en

cinquième

parement

ne

houssure

chargée

«

de un

croisant nflanbé

reversé, a VIe de veloursgris semée de rescaufoirs 'argentrever-

sés

»76. Rétablissant

e sens de ces

motifs,

es Mémoires

d'Olivier

de

La Marche

affirment

ue

cette houssure était

«

chargié

de reschauf-

foirs

d'argent

à

demie dorure

gectans

flambe en hault »77.

On

le

voit,

la lettre eule

ne

permetpas d'appréhender

e

sens

d'un

chiffre

ar

la seule

valeur initiale d'un

nom,

d'un

mot,

d'une

devise. On ne saurait

non

plus prétendre

dentifiera ou

les valeurs

déterminant

e choix

d'un

chiffre,

i

reconnaître ans la mode

des

lettres

a

part

d'imitation u d'adhésion

personnelle

u secret

d'une

lettre.Lors

des

joutes

tenues à Gand en décembre

1445,

Jacques

de

Lalaing

faisait

porter

a lettre

K

qui

est

«

une

lettrehors du nombre

des aultres sur une houssure« de drap damas gris,broudéde gros

estocz

jectans

flamme

de feu »78. Ses

pages,

vêtus de

même,

étaient

montés sur des

chevaux

«

couverts

de

velours

noir

chargé

d'orfavre-

rie dorée et

blanche,

moult richement et avoient lesditz chevaulx

champfrains

'argent

dont

yssoit

une

longue

corne tenant au front

à maniere

de

licorne,

et furent celles tortivées 'or

et

d'argent

79.

Si le textedu

chiffre ous

échappe,

on

contexte,

ar

contre,

nous

est connu.

La

répétition

e certains léments

ssociés,

le

jeu

des

rela-

tions

imaginées,

a constance

des

rapports

symboliquespermettent

d'approcher

certainsenchaînements

u sens.

Le faitque certains eigneurs uissentporter ne même ettre u

emprunter

e chiffre e leur

parement uggère ue

l'efficacedu sens

n'est

pas

dans tous

les cas celui

d'une

identité

u

nom,

mais

plutôt

d'une

appartenance

ollective.

La lettre

prend

valeur

d'emblème.

Le

port

d'une lettre

mblématique rend

un sens social

et

politique que

complètent

evises,

motifs

t couleurs. Sans

qu'il

y

ait

transmission

«

héréditaire

du

chiffre,

ertaines

Maisons

princièresmarquent

cependant

eur

préférence

our

une

lettre,

insi

la

Maison

de Bour-

bon

pour

la

lettre . Cette

ettre

igure

ur

de nombreux

bjets

ayant

appartenu

Jehannede Bourbon

elle se

reconnaît,

ouplée

à la let-

75. bid.t.4, p. 137.

76. Jean

ire

de

Haynin,

émoires

op.

cit. .

2,

p.

55.

77. Olivier

e

La

Marche,

Mémoires,

p.

cit.,

.

4,

p.

137.

78. bid. .

2,

p.

101.

Cf.

fig.

,

Combat

ntre oiront

Maulgis,

enaut

e

Montauban

Paris,Arsenal,

s.

5072,

°

323v°.

79. bid.

Page 45: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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LA

LETTREET

L'ÉTOFFE

41

tre

C,

surun

portrait

'Isabelle de

Bourbon80

dupliquée

et

doublée

du chiffre

A,

elle

est

représentée

ntre

es

armes

de

France et

de

Bourbon dans

l'édition

de La

nef

des

Dames

vertueuses

ouvrage

om-

posé par Symphorien

hampier

et

dédié

à

Anne de

France

duchesse

de Bourbon81.La

préférence

'une

lettre

mpliquait-elle

ne

«

pré-

séance

»? Y

avait-il,

défaut d'une

lettre

ouveraine,

un

gouverne-

ment

des lettres

t,

parmi

elles,

des lettres

nobles

»82

?

Amour des lettres t

lettresd'Amour

Noué dans le réseaumultiple e ses correspondances raphiques,

phonétiques, péculatives

u

ésotériques,

e

sens

de

la

lettre évèle

une

cohérence

fonctionnelle ondée

ur la

représentation

e

l'unique

et du

duel,

du

manifesté t du

latent.

La

lettre,

ous le

savons,

est

un

symbole

double

dans sa

représen-

tation

et son

langage.

Les

équivoques

de

formes t

de

sens

expriment

cette

dualité entre e

signifiant

t

son

signifié.

a

duplication

de la

let-

tre

est

plus qu'un simple

souci

d'ornementation. n

redoublant

ou

dédoublant a

lettre,

a

duplication

joute

une

charge

symbolique.

La

duplication

en

formes

dentiques

manifeste a

nature

gémel-

laire d'une

lettre,

'un

chiffre.

a

duplication

n

formes

nversées

ug-

gère,dans le refletnversé u double, l'ambivalencefondamentale e

l'opposition

et

de la

complémentarité,

e la

différence

t de

l'iden-

tité.

Affrontées,

dossées ou

accolées,

les

lettres ont

le

plus

souvent

couplées par

un lien.

Le

couplage

les

réunit

n un

seul

chiffre,

mani-

festant,

u-delà de

la

différence,

eur

unité

fondamentale. e

lien

par

la

lettre

joute

à la valeur

figurative

ne

valeur

politique.

La

ligature

symbolique

des lettres

appelle que

la lettre

pouvoir

de

lier

dura-

blement.

e

lien et

son attache

ont

ainsi

chargés

d'une

valeur

symbo-

lique.

Le

nœud,

parfois

ssocié

à la

lettre,

joute

au

lien,

e

renforce,

le rend

stable.

Symbole

d'une

solidarité

réelle,

il

noue

en

quelque

manière

e lien

social et

politique.

Le signifié e la lettre ébordeson signifiant. a valeurde la let-

tre

transcende

'immédiat

phonétique

évoqué par

le

graphe.

Jouant

d'équivoques,

entre

'apparent

et le

caché,

le

manifesté t

le

latent,

e

dessin

de la

lettre

issimule t

révèle. Son

graphe

est

chargé

d'imma-

nence,

a

calligraphie eut

recouvrir

ne

autre

forme,

n

personnage...

La

valeurd'une lettre

eut

s'exprimer

ar plusieurs

raphes.

La

multi-

plicité

et la

mutabilité

es

signes

sont

autant

d'approches

de

reflets)

de

l'unique

et de

l'immuable

dans la

lettre.

a lettre

ont a

forme

st

comme

habitée

xprime

n

mystère

e

la

présence.

Ce

mystère

st

aussi

celui du nom

que

la

lettre

dentifie t

qu'on

ne

peut

pourtant

ommer.

80.Gand,Musée es Beaux-Arts.81. La

nef

es ames ertueuses

Lyon,

503,

aris,

NF,

Rés.Vélins

972,

°

6v°.

82. Le choix 'une

ettre noble

ne se

limite

as

aux

familles

rincières

cf.

électione la lettre G

»

par

J.

Molinet,

allade e

l'a.

b.c.,

éd.

P.

Champion,

«

Pièces

oyeuses

u

xve

iècle

,

Revue e

Philologie

rançaise

t

de

ittérature

XXI,

1907,

p.

161-196.

Page 46: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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42

J.-P.JOURDAN

La lettre st une

cône médiatrice.

ondement

cripturaire,

a lettre

est

support

e

spéculation

u de

méditation,

moyen

de la

connaissance.

Par

son

pouvoir

d'évocation,

lle

manifestee

sacré,

n sorte

ue

les chif-

fres

de l'Amour

humain se

reflètent 'un

Amour

divin.

La

couronne

christique

ntoure

parfois

a lettre

u'elle

sanctifie n

l'approchant

de

la face de

Dieu83. Chacune

des

lettres

ui

compose

les

mots d'Amour

(a.m.e.,

a. m.

y.,

a.i.m.e.,

...)

est une

leçon

d'Amour.

L'Amour est u

cœurdes

ettres,

'âme

du chiffre.

et

Amournoble

que

la lettre

igure

t

dissimule e doit en

effet

'être

ecret out n

étant

public

éminemment

olitique,

l

unitet relie.

Amour

gouverne

a let-

tre, t ce gouvernement'Amourparla lettre ixedurablementes liens

qu'il

écrit t

qu'il

noue.

L'Amour

des lettres ache dans sa

calligraphie,

armi

es

fleurs,

es

larmes

et

les

feuillages,

es lettres

'Amour.

Aulteribe

F-63130

Sermentizon

Annexe

Tableaux

d'onomantie

Paris,

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10 7

83. Cf.Couronne

hristique

uchiffre

E,

Champfleury

ux rmeses

roy

uxem-

bourg,

apisserie

u

Châteaue

Langeais

couronne

hristique

u

chiffre

Arsenal

s.

5087,

°

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Fleur es

Histoires)

«

Incarnation

du

chiffre

E

dans

a fleur

e

chardon,

apis

e

rône ariai

Heures

'Étienne

hevalier,

hantilly,

usée

ondé,

s.

71). Figuration

e

'Y

dans a

mandorle,

apisserie

e

P

Apocalypse'Angers...

Page 47: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 47/164

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Page 48: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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44 J.-P.

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Page 49: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 49/164

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45

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Page 50: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 50/164

46 J.-P.

JOURDAN

Jean-Pierre

ourdan,

La lettre t l'étoffe

La lettre st un

symbole

ouble dans sa

représentation

t son lan-

gage.

Les

équivoques

de formes t de sens

expriment

ette

dualité

entre e

signifiant

t

son

signifié.

a

duplication

e la lettre st

plus

qu'un simple

ouci

d'ornementation.

n

redoublant

u

dédoublant

la

lettre,

ette

uplication joute

une

charge ymbolique.

e

signifié

des

ettres

rocède

'une sédimentation

'emploi

utilisanteurs

ro-

priétés

morales,

didactiques, hristiques,

osmologiques

t manti-

ques.

La lettre ont a forme

st

comme

«

habitée

»

exprime

n

mystère

e la

présence.

Ce

mystère

st aussi celui

du

nom

que

la

lettredentifié t qu'on ne peut pourtantnommer.L'Amour est

au cœur des

lettres,

'âme du chiffre.

Lettre

Chiffre

Symbolique

Textile

Jean-Pierre

ourdan,

The letter

nd

the

Fabric

The letter s

a double

symbol

n

its

representation

nd

in

its an-

guage.

The

ambiguity

f forms nd

meanings xpresses

his

dua-

lity

between

he

signified

nd its

signifier.

he

duplication

f the

letter s

not

merely

rnamental.

oubling

or

redoubling

he etter

givesmore ntensityo itssymbolic mport.The significationf

the etters

erives rom he

moral,didactic,

religious,

osmologi-

cal or

mantic

roperties

hey

were ndowedwith.The letter

whose

form s as

if

«

inhabited

expresses mystery

f

presence.

The

mystery

s also

contained

n

the name whichthe etter

dentifies

but

which annotbe

designated

«

Amour

»

(love)

is at the heart

of the

letters,

he

«

âme

»

(soul)

of the

cipher.

Letter

Cipher

-

Symbol

-

Textiles

Page 51: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 51/164

Médiévales9,automne995, p.47-63

Michel

PASTOUREAU

JÉSUS

TEINTURIER

HISTOIRE SYMBOLIQUE ET SOCIALE

D'UN

MÉTIER

RÉPROUVÉ

Parmi les différentesersionsdes

évangiles pocryphes ui

nous

content 'enfance de

Jésus,

plusieurs

ccordent

une

place importante

à

ses tentatives

our apprendre

n

métier. lles

nous

expliquent

om-

mentMarie et

Joseph

ouhaitent

aire ntrer hez un

maître

et

enfant

peu

ordinaire,

ui parfois

eur

donne

bien du souci. Malheureusement

les échecs succèdent ux échecs. Le jeune Jésusn'est pas faitpour

la

condition

d'élève,

ni

pour

celle

d'apprenti

et cela

ni

chez le maî-

tre

d'école,

ni

chez

le

scribe,

ni chez le

forgeron,

i

chez le

cuisinier,

ni

mêmechez son

père

e

charpentier.

uel

que

soit

e

corps

de

métier,

il

se

montre

napte

au

travail,

ommetdes

maladresses,

e livreà des

facéties

et

place

son maître

du momentdans une

position

difficile.

En

général,

outefois,

ela ne dure

guère grâce

à un ou deux mira-

cles,

Jésusrétablit

ientôt ne situation

ompromise, ccomplit

n un

instant

es tâches

qu'on

lui

demandait,

puis

se

transformen bienfai-

teur

et,

ce

faisant, étonne,

attire et convertit.

Un

épisode

de ces

«

années

d'apprentissage

semble

avoir,

plus

que les autres,marqué les hommesde la fin du Moyen Âge : l'his-

toirede

Jésus

hez le teinturier. ous

en avons conservé

lusieurs

er-

sions

latines et vernaculaires

notamment

nglo-normandes),

éritées

des

anciens

évangiles

rabes

et arméniens e l'Enfance

compilés

aux

premiers

iècles du

Christianisme1. es différentes ersions

ont en

outre

engendré,

partir

u

XIIe

iècle,

une

iconographie renant lace

sur des

supports

variés

miniatures,

ien

sûr,

mais

aussi,

carreaux

de

céramique,

vitraux,

retables2.

1. L'introduction

a

plus

ommodeux

extes

pocryphes

u Nouveau

estament,

notammentux

vangiles

e

'Enfance,

e

trouveans e

Supplément

u Dictionnaire

de a Bible e F. Vigouroux,. , Paris, 928,ol. 81-487ApocryphesuNouveauTestamentarMgrAmman).

2. L.

Réau,

conographie

e artChretient.

I/2, ans,1957,

.

288,

e

trompe

en ffirmant

ue 'épisode

e Jésushez

e teinturier'a donné aissance

u'à

un eul

témoignageconographique

un

etablee

Pedro arcia e

Benabarre,

ujourd'hui

on-

servé ans

'église aroissiale

e

Ainsa,

rès

e

Lérida,

n

Catalogne).

es

témoigna-

Page 52: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 52/164

48

M. PASTOUREAU

Le teinturier e Tibériade

Malgré

quelques

différences,

es

textes,

pour

la

plupart

nédits,

articulent ette histoire

utour de la même trame. Je

la résume ci

d'après

un manuscrit atin de la Biblioteca Ambrosiana à Milan3 et

un manuscrit

anglo-normand

de la

Bibliothèque

Bodléienne à

Oxford4,

tous

deux

copiés

au début du

XIVe

iècle.

Jésus,

de huit

ans,

est

placé

en

apprentissage

hez un teintu-

rier de Tibériade. Son

maître,

nommé

sraèl,

lui montre es

cuves

à

teinture t lui

enseigne

es

particularités

e

chaque

couleur.

Puis

il

lui remetplusieurs toffes omptueuses pportéespar de richespatri-

ciens et lui

explique

comment hacune doit être teinte

d'une couleur

spécifique.Après

ui avoir confiéce

travail,

sraèl

part

dans

les bour-

gades

alentourfaire

a collectede

nouveaux vêtements teindre. en-

dant

ce

temps,

Jésus,

oubliant es

consignes

de

son

maîtreet

pressé

de retrouver es

parents,plonge

toutes es étoffes ans

la

même cuve

et

rentre hez lui. C'était une cuve

d'indigo.

Quand

le

teinturierevient

le

lendemain,

outes es étoffes ont

uniformément

leues.

l

entre ans

une violente

ureur,

ronde

Jésus,

e

proclame

déshonoré

evant

oute

la ville. Jésus

ui dit alors :

«

Ne

t'inquiètepas,

Maître,

e

vais ren-

dre à

chaque

étoffe a couleur

qui

doit être a

sienne.

Il

les

replonge

alors toutes dans la cuve d'indigo puis les ressortune par une, cha-

cune dotée de

la couleur souhaitée.

Dans

quelques

versions,

Jésus

n'a même

pas

besoin de

replonger

les

étoffesdans

la cuve

pour

leur redonner

es

teintes

qu'elles

doi-

vent avoir. Dans

d'autres,

le miracle

s'opère

devant une foule de

curieux,

qui

se

mettent louer Dieu et à reconnaître n

Jésus

son

fils. Dans

d'autres

encore,

Jésus n'est

pas

entré chez le teinturier

comme

apprenti

mais en véritable

henapan.

C'est

en

cachette

u'avec

ses

camarades

de

jeu

il

a

pénétré

dans

la

boutique

et

par

une

sorte

de mauvaise

plaisanterie

u'il

a

plongé

dans une cuve les étoffes t

les vêtementsui attendaient 'êtreteints e différentesouleurs.Maisil

répare

rapidement

on méfait t donne à chaque étoffe a

plus

solide

et la

plus

belle

couleur

qui

se

puisse

voir.

En

lui-même,

et

épisode

chez le teinturier e diffère

uère

des

ges

u contrairen

ont elativementombreuxt

prennentlace

ur es

upports

ariés

(voir lus

oin

a note

).

Sur

'iconographie

énérale

es

évangiles

e l'enfanceu

Christ,

n

trouveraes nformations

écentesans . Kirschbaum

d.,

Lexikon er

christlichen

konographie

tome

II,

Fribourg

n

Brisgau,

971,

ol.39-85

Leben

esu).

3. Ms.

L. 58

sup.,

f° 12

et

12v°.

4. Ms. Seiden

upra

8,

25-27v°. e

manuscrit,

ui

semble

ouvoir

tre ate

des nnées

315-1325,

omporte

n

cycle

e soixante iniaturesonsacréesl'enfance

du Sauveur,epuis'Annonciationusqu'aux oces e Cana. VoirL.F.Sandler,Gothic

anuscripts

1285-1385

,

Londres,986,

ome

I,

pp.

2-63. 'unemanière

éné-

rale,

'iconographie

e 'enfance

u Christonnaîtne

randeogue

ans

'Angleterre

de a

première

oitié

u xive iècle. oir eux

xemples

ans e

catalogue

e

'expo-

sition

geof

Chivalry.

rt n

Plantagenetngland,

200-1400

Londres,

oyal

ca-

demy

f

Arts, 987,

°

203,

pp.

277-278

t

217,

pp.

283-284.

Page 53: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 53/164

JÉSUS

EINTURIER

49

autres miracles

opérés par

Jésus

pendant

sa

petite

enfance,

soit lors

de la fuite n

Égypte,

oit une

fois de retour

Nazareth.

Les

évangi-

les

canoniques

n'en

soufflent

mot,

mais les

évangiles

pocryphes

ont

prolixes

leur

sujet.

Il

s'agit

pour

les seconds de

combler

es

silences

des

premiers,

de

satisfaire a

curiositédes

fidèles

et

de

frapper

es

esprits

u

moyen

de

mirabilia.Mais

souvent,

'anecdote

'emporte

ur

la

parabole,

et

il

est difficile e

tirer e

ces récits n

quelconque

ensei-

gnement astoral

ou

théologique.

D'où leur

exclusion

du

corpus

cano-

nique

et la

méfiance

extrême vec

laquelle

les

Pères de

l'Église

les

ont

toujours

regardés.

Certains

y

ont

même vu

une

littérature

e

naturehérétique.

Ces textes

pocryphes

ont

pourtant

ort

nciens. Ceux

auxquels

la tradition

fini

par

donner e nom

&

Évangiles

de

l'Enfance

Évan-

gile

du

pseudo-Thomas,

Évangile

arabe,

Évangile

arménien,

Proto-

évangile

de

Jacques)

semblent

dater,

dans

leurs

plus

anciennes

ver-

sions,

des

IIe et IIIe

siècles5.

Ils ont

laissé des

traces

profondes

et

durables dans toute la culture

chrétienne t doivent

être

considérés

comme des

documentsd'histoire

part

entière.

ls ont

en

outre

une

forte

dimension

nthropologique, ui

mériterait e

retenir

avantage

l'attention

des

chercheurs6.

L'épisode

de

Jésus chez le

teinturier e

Tibériade

est

instructif

à plusieurs gards. Il nous rappelled'abord comment, ux yeuxdu

Christianisme

médiéval,

Jésusn'a

pas

seulement

ouvoir

sur

les êtres

vivantsmais

aussi sur la

matière,

t

notamment ci

sur la

plus

rebelle

d'entre

outes

la

matière

olorante.Pour

les

hommes

du

Moyen

Âge,

changer

a nature

des couleurs est

peut-être

n

miracle

encore

plus

singulier

ue

de

guérir

un

malade ou de

ressusciter n

mort,

parce

que changer

a

couleur d'une

chose est

presque

toujours

une

opéra-

tion

qui

relève

de

la

ruse,

du

déguisement

u

de la

magie,

et

qui

donc

est le fait du

Diable ou de ses

suppôts.

Que

ce

soit

Jésus

qui opère

ce miracle

nous fait

pénétrer

ans le

domaine de

l'extraordinaire.

Par là

même,cet épisode nous rapppelleaussi combien es acti-vitésde teinture nt

toujours

suscité a méfiance, a

peur,

l'inquié-

tude ou l'admiration.

Être

teinturier

'est

en

rien un

métier

omme

5. On utilisera

ncorevec

profit

a vieilledition

e C.

Tischendorf,

vange-

lia

apocrypha

2e

d.,

Leipzig,

876,

t a

traductionn

français

odernee

P.

Pee-

ters,

vangilespocryphes

Paris,

914

t.

I

:

L

évangile

e

'enfance).

ne

nouvelle

édition esdifférentes

ersionsatineserait

outefois

ienvenue.

our es

traditions

en

angues

ernaculaires,

n

aura

oujours

ecours

l'ouvragelassique,

uoique

ieilli

sur e nombreux

oints,

e R.

Reinsch,

ie

Pseudo-Evangelien

on

Jesu nd

Maria

Kindheit

n

der omanischen

nd

ermanischen

iteratur

Halle,

879. n

annexeu

premier

ome e son

Lexique

oman

Paris, 838),

.

Raynouard

publié

es

xtraits

de a versionrovençalees vangilesePenfance,otamment'épisodeeJésushezle teinturier.

6. Outre

'articlee

synthèse

entionnéla

note

1,

on

consultera

H.

Hen

necke,

eutestamentichen

pocryphen

Tübingen,

924

M.R.

James,

he

Apocry-

phal

New

Testament

Oxford,

950 F.

Amiot,

a

Bible

pocryphe.

vangiles

pocry-

phes

Paris,

952.

Page 54: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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50

M.

PASTOUREAU

un autre.Comme le

forgeron

t

comme

'alchimiste,

e

teinturier

rans-

forme a

matière,

a fait

passer

d'un état

dans un

autre,

hange

'ordre

des

choses

voulu

par

le

Créateur

en

captant,

per

artificium

les for-

ces de la nature. Comme

le

forgeron

t comme

l'alchimiste,

l

sem-

ble

posséder

'art

d'obtenir,

ar

des

procédés

ugés

inquiétants

t

malé-

fiques,

des résultats

ui

sont

inaccessibles u commun

des

mortels t

étrangers

l'intervention

ivine,

a

seule

légitime

t

efficace7.

De

Joseph

à Renart

Plusieurs

histoires élèbresmettent n

valeur

ce

caractère rouble

ou malfaisant e la teinture t

des

hommes

qui

la

pratiquent.

À

com-

mencer

par

un

passage

de la

Genèse,

maintes

fois

glosé par

les

Pères

et

qui

en est comme

a

métaphore

anglante.

l

s'agit,

dans l'histoire

de

Joseph

et de

ses

frères,

e

l'épisode

au

cours

duquel

ces

derniers,

voulant fairecroire leur

père

Jacob

que

son

plus eune

fils

-

qu'ils

haïssent

parce qu'il

est

le

préféré

t

parce

qu'il

a eu

deux

songes

pré-

disant

qu'il

s'élèverait

u-dessus deux

-

a

été

dévoré

par

une

bête

féroce

Gen.

XXXVIII,

12-35). Après

avoir

essayé

de

le tuer

en le

jetant

dans

une

citerne,

uis

l'avoir

vendu comme

esclave à des

mar-

chands ismaélites se rendant en Égypte, ils conservent a tunique

-

une

tunique rayée

d'un

très

grand prix

que

Jacob

avait fait

spé-

cialement aire

pour

son filsbien aimé

-

et

la

trempent

ans le

sang

d'un

bouc. Tulerunt utem

tunicam

jus

et in

sanguinem

haedi,

quem

occiderant,

inxeruntdit la

Vulgate8.

Le bain

dans

le

sang

de

l'ani-

mal

est

ici

assimilé à un

bain

de

teinture,

t

l'emploi

du

verbe tin-

gere (teindre)

à

où des verbes

comme

mergere,

mmergere

plonger)

ou

imbuere

imbiber)

uraient

uffi,

oulignepleinement

e

caractère

félon,

diabolique

et mortifère

ue peuvent

voir les

activités e

tein-

ture. De

fait,

a ruse

sinistre es frères

éussit

parfaitement

Jabob

reconnaîtdans ce vêtement ougide sang la tuniquede son filspré-féréet, le

croyant

mort,s'arrache les

cheveux,

déchireses

propres

vêtements t entame un deuil

de

longue

durée.

Pour

les Pères de

l'Église, Joseph

est la

préfigure

u

Messie

:

Joseph

n

Christum

iguratur

écrit

déjà

Tertullien u

début du

IIIe

iè-

cle. Jetédans la

citerne,

l

annonce la

mise au

tombeau

vendu

par

ses

frères,

l

prédit

a trahisonde

Judas et les

trente

eniers.Sa tuni-

que,

que

ses frères

nsanglantèrent,

st

comparée

à la

chair du

Sau-

veur,

que

ses bourreaux

flagellèrent,

ouvrirent e

sang

et mirent

mort Nudaverunt

Joseph ratres

ui

tunica

polymita,

Judaei Chris-

1. Il estdommageueM.Éliade, ans onouvrageélèbreorgeronst alchi-

mistes,

aris,

977

2e

d.

anglaise,hicago, 976),

'ait

pas

prolongé

es

enquêtes

et sesréflexionsers e monde

es einturiers.es

problèmesue

cesderniers

oulè-

vent

ar

apport

la

matièret la sociétéont

oisinse

ceux

ue

posent

es

forge-

rons t es alchimistes.

8.

Gen.

XXXVII,

1.

Page 55: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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JÉSUS EINTURIER

51

tum

exspoliaverunt

unica

orporali.

Les

gloses

sur ce

passage

de

l'his-

toire de

Joseph

sont nombreuses9 t

ont laissé

une

iconographie

abondante montrant

a transformation

e la

tunique rayée

ou

multi-

colore,

c'est-à-dire ici

somptueuse)

en une

tunique

sanglante

et

monochrome 0.

Une autre

histoire,

profane

celle-ci mais

presque

aussi

célèbre,

souligne

ce lien entre a

teinture t la

tromperie.

l

s'agit

d'un

épi-

sode

compilé

vers

1179-1180

t

ajouté

vers la fin

du

XIIe

iècle à

la

branche du

Roman de Renart au

cours

duquel

le

goupil,

toujours

en

quête

de

nourrituret de

mauvaises

actions,

cherche

se

déguiser

pour mieuxtromper es ennemiset échapperaux poursuitesque le

roi

Noble

a

engagées

contre

lui

après

le

siège

infructueux

de

Maupertuis11.

Renart

pénètre

insi dans l'officine

d'un

teinturier t

tombe accidentellement

ans une cuve

de teinture

aune.

Furieux,

l'artisan menace de le tuer

mais Renart ui

explique

qu'il

est

lui

aussi

teinturier t

qu'il

va

lui

enseigner

ne

technique

nouvelle

dans

l'art

de

teinturerie,

ne

technique

trèsen

vogue

à

Paris

»

et

qui

consiste

à mêler de

la cendre au colorant.

Le

vilain,

intrigué,

ide

l'animal

à

sortir,

mais sitôt

hors

de la

cuve celui-ci

se

moque

de

lui,

avoue

qu'il

n'est

pas

teinturier,

ais le félicite

our

la

qualité

de

sa

prépa-

ration

qui

de roux l'a

fait

aune

et

donc rendu

méconnaissable

«

Ta teinture

st

molt

bien

prenanz

Jaunez

en

sui,

et toz

luisanz »12.

Ainsi

déguisé,

Renart

peut

continuer a

route et

ses

méfaits

n

toute

impunité.

Rencontrant

sengrin,

l

se fait

passer

pour

un

jon-

gleur

breton.

Puis,

aidé du

loup,

il

dérobe

une vielle

et

regagne

sa

demeureoù sa femme

Hermeline,

e

croyant

mort,

'apprête

à

épou-

ser en

secondesnoces

un

neveu du

blaireau,

Poncet.

Toujours

mécon-

naissable

ous sa livrée

aune,

le

goupil

se

propose

de

jouer

de la

vielle

au cours de la cérémonie

nuptiale ce qui lui donne l'occasion detromper out e monde,de perturberes noces, de

punir

sa

prétendue

veuve et de

se

venger

de Poncet en

le faisant

mettre

mort

par

les

mâtins d'un

paysan13.

Les

critiques

modernes nt

cherché

expliquer

a

symbolique

de

la

couleur

aune

dans cet

épisode

de

Renart teinturier

uis

jongleur.

Ils

se

sont

quelque peu fourvoyés

n

y

décelant

es

traces d'une loin-

taine

origine

rientale un

conte

ndien,

e

Pantchantantra

plusieurs

9.

À commencer

ar

elles

e

Philon

'Alexandrieès e

premier

iècle

e notre

ère,

maintes

ois

eprises

t commentées

ar

es Pères e

l'Église.

10.Voir . Réau, p.cit., . I/l,pp.156-171tE. Kirschbaum,p.cit., . I,col.423-434.

11. A.

Micha,

Note ur a date

de la

brancheb du

Roman e Renart

,

Romania,.

92, 1971, .

261

propose

omme

atation

1179-1180).

12. E. Martin

d.,

Strasbourg,

882,

r.

,

vers 313-2314.

13. bid.br.

,

vers

321-3212.

Page 56: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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52

M. PASTOUREAU

fois

remanié

et

transmis

l'Occident

par

l'Islam14-

ou bien une

allusion

à la couleur

héraldique

du

royaume

d'Angleterre.

a

mise

en

scène

d'un

«

jongleur

breton ne

pouvait,

aux

dires de certains

érudits,

ort

peu

au courantde la

signification

es

couleurs

en

héral-

dique

médiévale,

ue

l'associer

à la couleur

aune

(qui marquerait

es

origines

nsulaires

),

ou bien

s'expliquerait ar

la

composition

e cette

sous-branche

l'une des

plus

vivantes u Roman

truculente omme

un fabliau

-

dans le

royaume

anglo-normand,

ers la fin

du

règne

d'Henri

I

Plantegenêt.

areilles

hypothèses

e

résistent

as

à

l'analyse.

Non

seulement

e

jaune

n'est

en rien a couleur

héraldique

ou

emblé-

matique du royaume d'Angleterre c'est bien évidemment e rouge),

mais

il

est

patent ue

cette ouleur st ci choisie

pour

mettre n valeur

la ruse

du

goupil.

C'est du reste

ettemême

couleur

qui

prendra lace

sur l'écu

de Renart ors de son duel

judiciaire

contre

Ysengrin,

duel

conté

par

la branche

VI

du Roman Dans la

symbolique

médiévale

des

couleurs,

e

jaune

-

comme du

reste

e

roux,

sa forme

uperla-

tive

-

est

presque

toujours

associé

au

mensonge,

la ruse et à la

félonie15. rois vices

qui

sont la nature même de Renart

et

que

sa

transformation

assagère

en faux teinturiermet

pleinement

n exer-

gue.

Tout

teinturier st un

tricheur,

mais un faux teinturier

riche

encore

plus que

les autres.

Le vice ici devient n

quelque

sorte

expo-

nentiel.

Dans

une branche

plus

tardive,

a branche

XIII,

probablement

mise

en forme

vers

1240,

le

goupil,

de

plus

en

plus

diabolique,

se

teintnon

plus

en

jaune

mais en noir. Se faisant

appeler

Chufflet,

l

trompe

out

le

monde,

vole un baiser

à la

louve

Hersent,

rahit

on

complice

Rousseau

avec

qui

il

s'était venturé ans un

poulailler,

erne

les

chiens,

puis

finit

par

se faire

prendre.

Condamné à

être enfermé

dans

un

sac

et

eté

à

l'eau,

il ne doit

son salut

qu'à

son cousin

Grim-

bert

le

blaireau16.

Ici

encore,

a couleur

apparaît

comme un

déguisement,

ne fal-

sification,une substancediabolique qui permet ux animaux

-

etdonc aux hommes- de se faire

passer pour

ce

qu'ils

ne sont

pas

et de commettre

mpunément

outes ortesde

méfaits.Vices constam-

mentdénoncés

par

les

prélats

et les

théologiens ui,

tout au

long

du

Moyen Âge (et

même

bien

au-delà),

voient

dans les couleurs

trop

richesou

trop

séduisantes

des

parurestrompeuses

t un luxe inutile.

Fraus

et vanitas colorum

Opinion que

semble

relayer

'étymologie

médiévale

u mot color

pour

la

plupart

es auteurs mais

pas pour

14. U.

Leo,

Die

erste

ranchees Roman e Renart nach

til,

ufl>au,

uel-

lenund

influss

Göttingen,

917

U.T.

Holmes,

A

Possible

ource orBranch

of theRoman e Renart, Romaniceviewt.17,1926, p.143-146R. Bossut,Le Roman e Renart

Paris, 971,

.

41.

15.

On

me

permettra

e

renvoyer

ci à deux e mes rticles

«

Formest cou-

leurs

u

désordre

le

aune

vec e

vert

,

Médiévales

4, 1983,

p.

62-73,

t

«

Tous

les

gauchers

ont oux

,

Le

Genre

umaint.

16-17, 988,

p.

343-354.

16. E.

Martin

d.,

Strasbourg,

885,

ome

I,

branche

III

(Renart

e

Noir).

Page 57: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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JÉSUS EINTURIER

53

Isidore17 ce mot doit êtrerattachéà la familledu verbe celare

cacher.

La

couleur c'est

ce

qui

cache,

ce

qui

habille,

ce

qui

dissimule

pour

mieux

tromper18.

Un métier

bien documenté

La

méfiance

ongtemps

uscitée

par

les

métiers

de la

teinturerie

mériterait

lle

aussi

de retenir

avantage

'attention

des

historiens

t

des

anthropologues.

ans l'Occidentmédiéval etteméfiance

'exprime

aussi bien dans le domaine des légendeset de l'imaginaire ue dans

la société véritable.

Et

les

sources,

écritesou

figurées,

ui permet-

traientd'étudier

pourquoi

et comment es métiers

ont des métiers

plus

ou moins

réprouvés,

ne

manquent pas19.

Les teinturiers

médiévaux,

n

effet,

nt

laissé

beaucoup

de tra-

ces dans les documents.

À

cela

plusieurs

aisons,

a

principale

enant

à la

place importante

ue

leur activité

occupe

dans la vie économi-

que.

L'industrie

extile,

n le

sait,

est la

grande

ndustriemotricede

l'Occident

médiéval,

et

toutes

les villes

drapières

ont des villes où

les teinturiersont

nombreux t

puissants.

Or

les conflits

y

sont fré-

quents qui

les

opposent

à

d'autres

corps

de

métiers,

notamment ux

drapiers, ux tisserands t aux tanneurs.Partout,l'extrêmedivision

du

travail et

les

règlements rofessionnels igides

réservent

ux tein-

turiers

e

monopole

des

pratiques

de

teinture.Mais les

tisserands t

les

drapiers,qui

n'ont

pas

le

droit de

teindre,

e font

quand

même.

D'où des

litiges,

des

procès,

et donc des

archives,

souvent

riches

d'informations

our

l'historien es

couleurs. On

y

apprendpar

exem-

ple qu'au Moyen Âge

on teint

presque toujours

le

drap,

très rare-

ment

le fil.

Parfois,

comme à Paris au

XIIIe

iècle,

les tisserands

btiennent

des autorités

municipales

u

seigneuriales

e

droitde teindre

ans

une

couleur nouvellementmise à la mode ou bien à partird'une matière

17.

Plutôt

ue

de rattachere mot olor la famille

u

verbe

elareIsidore e

Séville

réfère

e relier celle u mot alor. our

ui,

a

couleurstune umière

t

une haleurvant 'être nematièreColores

icti

unt

uod

calore

gnis

el ole

perficiunturEtymologiae

livre

IX,

chap.

7,

1).

18. Sur ette

mauvaise

éputation

e a

couleur,

ui

a traversées

iècles,

e

ren-

voie mes eux tudes

«

L'Église

t a

couleures

origines

la

Réforme

,

Biblio-

thèque

e

'École

es hartest.

147, 989,

p.

203-230

et

«

La

Réforme

t

a cou-

leur

,

Bulletine la

Société 'histoire

u

Protestantisme

rançais

t.

138, 1992,

pp.

325-342.

19.

Dans

on

tude Métiersicitestmétiersllicitesans

'Occident édiéval

,

republiée

ans e

recueil

our n utre

Moyen

ge

Paris,

977,

p.

91-107,

acques

Le Goffmentionnees einturiersarmiesmétiersils,méprisést nterditsux lercs

(p.

93).

Sur ux

pèse

e tabou e a saletétde

'impureté,

omme uresteurbon

nombre'ouvriersu textile ceux

ue

dans es villes

rapièresgitées

es

xive

t

xve

iècles

n

qualifie

arfois

ongles

leus .

En

revanche,

erner

anckert,

ans

sonbel

ouvrage

nehrlicheeute. ie

verfemtenerufe

Bernet

Munich,963,

'en

fait ucunemention.

Page 58: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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54

M.

PASTOUREAU

colorante

usque

peu

ou

pas

utilisée.Ce

privilège

e la

nouveauté,

qui permet

de

contourner

tatuts t

règlements,

t

qui

souvent

nous

montre e

corps

de

métierdes

tisserands omme

bien

moins

conser-

vateur

en

ce

domaine) que

celui

des

teinturiers,

rovoque

naturelle-

ment a

colère de ces

derniers.

À

Paris,

la

reine

Blanche

de

Castille

autorisa vers 1230

les tisserands

teindre n

bleu

dans deux de

leurs

officines

n

utilisant

xclusivement

a

guède.

Cette

mesure,

ui

répon-

dait à une demande

nouvelle

de la

clientèle

our

cette

couleur,

autre-

fois

délaissée

et

désormais echerchée

nous

sommes

lors

en

pleine

«

révolution

bleue

»

-

provoqua

un

conflit

venimeux

ntre

teintu-

riers, isserands, utorité oyaleet autoritésmunicipales endantplus

d'un

siècle20.

Avec les

tanneurs

autres rtisans

uspects,

arce

qu'ils

travail-

lent à

partir

de

cadavres

d'animaux

-

les

conflitsne

portent

as

sur

le

tissu mais sur l'eau de

la rivière.

Teinturiers t

tanneurs n

ont

un

besoin

vital

pour

exercer

eur

métier.

Mais

il

faut

que

ce

soit

une

eau

propre.

Or

quand

les

premiers

'ont

souillée,

es

seconds ne

peu-

vent

plus

s'en

servir

pour

laisser macérer

eurs

peaux. Inversement,

lorsque

ces

derniers

ejettent

la

rivière

es eaux

sales du

tannage,

les

teinturiers e

peuventplus passer

derrière ux.

D'où,

ici

encore,

des

discordes,

des

procès,

et

donc

des

documents

d'archives.

À propos de cette mêmeeau de la rivière, es querellessembla-

bles

-

et souvent

violentes

opposent

es

teinturiers

ntre ux.

Dans

chaque

ville

drapière,

n

effet,

es métiers e

la

teinturerie

ont

stric-

tement

ompartimentés

elon les

matières

extiles

laine,

soie)

et

selon

les

couleurs

u

groupes

de

couleurs.Les

règlements

nterdisente tein-

dre une étoffe

u

d'opérer

dans une

gamme

de

couleurs

pour

laquelle

on n'a

pas

licence. Pour la

laine,

par

exemple,

si l'on

est

teinturier

de

rouge,

on ne

peut pas

teindre n

bleu et

vice

versa. En

revanche,

les

teinturiers

e

bleu

peuvent

parfoisprendre

n

charge

es

tons verts

et les

tons

noirs,

et

les teinturiers e

rouge,

la

gamme

des

jaunes.

Si

donc,

dans une

ville donnée, les teinturiers e rouge sont passésles premiers,es eaux de la rivière erontfortement

ougies

t les tein-

turiers

e

bleu ne

pourront

plus

s'en servir

vant un

certain

temps.

D'où des conflits

erpétuels

t

des

rancunes

ui

traversent

es

siècles.

Parfois,

comme à Rouen

au début

du

xvie

siècle,

es

autoritésmuni-

cipales

tentent

'établirun horaire

d'accès à

la

rivière

ue

l'on

inverse

20. Ce

privilège

ccordé

ar

a

reine

lancheux isserands

st

notamment

epris

par

e Livre es

métiers'Étienne

oileau

1268)

«

Quiconques

st

oisserans

Paris,

il

ne

puet

aindre

sa

maison e toutes

ouleursors

ue

de

gaide

mès

de

gaide

ne

puet

l

taindreors

ue

en

I

mesons.

uar

a

roine

lanche,

ui

Diex

bsoille,

otroiaue imestierses oissaranseustvoirI hostexsquex 'enpeustvreremestierse taintureriet de toissanderie

(Le

livre esmétiers'Étienneoileau

R. de

Lespinasset F. Bonnardot

d.,Paris,

879,

p.

95-96,

rticle

IX).

-

Sur

la

mode ouvellees tons

leus ans

'étoffet e

vêtement

la

fin

u xiie

t au

début e

xme

iècle,

e

renvoie,

n

attendantne

tude

lus

pprofondie,

mon

ourt

article Et

puis

vint e bleu

,

Europe

654,

ct.

1983,

p.

43-50.

Page 59: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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JÉSUS

EINTURIER

55

ou modifie

haque

semaine,

fin

que

tour à tourchacun

puisse

béné-

ficier

des

eaux

propres21.

Dans certaines

illes

d'Allemagne

et

d'Italie,

la

spécialisation

st

poussée

plus

loin

encore

pour

une même

couleur,

on

distingue

es

teinturiers

'après

l'unique

matière

olorante

qu'ils

ont

le droit

d'uti-

liser.

À

Nuremberg

t à

Milan,

par

exemple,

ux XIVe

t XVe

iècles,

on

sépare

parmi

es

teinturierse

rouge

ceux

qui

emploient

a

garance

(

warantia

razza,

blatta),

matière

végétaleproduite

bondamment n

Occident

t d'un

prix

raisonnable,

e

ceux

qui

utilisent

e

kermès coc-

ciuti

granum, kernesinum),

matière

animale

importée

à

prix

d'or

d'Europe orientaleou du Proche-Orient.ls ne sont pas soumis aux

mêmes taxes

ni

aux

mêmes

contrôles,

n'ont

pas

recours aux

mêmes

techniques

ni

aux

mêmes

mordants,

ne

visent

pas

la

même

clientèle22.

ans d'autres

villes

d'Allemagne

Lübeck,

Erfurt,

Colo-

gne,

Augsbourg),

on

distingue, our

les tons

rouges

et

pour

les tons

bleus,

les teinturiers

rdinaires

Färber)

des

teinturierse luxe

(Schön-

färber).

Ces

derniers

mploient

des

matières

nobles et

savent

faire

pénétrer rofondément

es couleurs

dans les

fibres e

l'étoffe.

Ce sont

des tinctores

ujus

colores

optimi

atque

durabiles sunt13.

Cette étroite

pécialisation

es

activités e

teinture

'étonne

guère

l'historien

es couleurs.Elle

doit en

effet tre

rapprochée

e

cette ver-

sion pour les mélanges,héritéede la culturebiblique, qui imprègne

toute a sensibilité

médiévale.

es

répercussions

ont

nombreuses,

ussi

bien dans les

domaines

déologique

et

symbolique

ue

dans la civili-

sation

matérielle24.

êler,

brouiller,

usionner,

malgamer,

ont

sou-

vent

considérés

omme des

opérations

nfernales

arce

qu'elles

enfrei-

gnent

'ordre et la

nature des

choses

voulus

par

le

Créateur.

Tous

ceux

qui

sont

conduitsà

les

pratiquer

de

par

leur

tâches

profession-

21.

Jeremercie.

DenisHue

qui

m'a

communiqué

ette

nformation

irée u

manuscrit16de a

Bibliothèque

unicipale

e Rouen le

11

décembre

515,

es uto-

rités

municipales

tablissentn

«

horaire

d'accès ux

aux

ropres

e

a Seine

our

les teinturierseguèdebleu) t ceux egarancerouge).

22.

Grâce

ux

ravaux,

ncienst

nombreux,

ortant

ur

'histoire

e

'industrie

et du

commercees

draps,

es

matières

inctoriales

tilisées

ans

'Occident

édiéval

sont

ujourd'hui

elativement

ien onnues.

es

teinturiers,

n

revanche,

estent

es

personnages

ous-étudiés

contrairement

ux

marchands-drapiers

u

même ux

tisse-

rands).

'espèreouvoir

eur

onsacrer

rochainement

n

ouvragepart

ntière.

utre

leur

pécialisation

ar

ouleurs

t

par

matières

olorantes,

es

einturiers

e

distinguent

par

e textile

u'ils

raitent

laine

u

soie,

arfois

in

t,

n

talie,

oton)

t

par

es

procédés

e

mordançageu'ils

tilisent

teinturiers

de bouillon

,

qui

mordancent

fortement,

tteinturiers

de

guède

ou

«

de bleu

,

qui

ne

mordancent

as

ou très

peu.

Voir

F.

Brunello,

'arte ella

intura

ella toria

ell'umanità

Vicence,

968

E.E.

Ploss,

EinBuch

on lten

arben.

echnologie

er

Textilfarben

m

Mittelalter

6e

d.,

Munich,

989

et

pour

es

teinturesG. de

Pœrck,

a

draperie

édiévalen

Flandret en Artois. echniquetterminologieBruges,951, . , pp.150-198.23. R.

Scholz,

AusderGeschichtees

Farbstoffhandels

mMittelatter

Munich,

1929,

.

2 et

passim

F.

Wielandt,

as

Konstanzer

einengewerbe.

eschichte

nd

OrganisationConstance,950, p.

122-129.

24. M.

Pastoureau,

'étoffe

u

Diable.Une

histoire

es

rayures

t

des

tissus

rayés

Paris, 991,

p.

9-15.

Page 60: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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56 M.

PASTOUREAU

nelies

éveillent a crainte

ou la

suspicion,

parce qu'ils

semblent ri-

cher avec

la matière.

Eux-mêmes,

du

reste,

hésitent

se livrer

cer-

taines

opérations,

omme e

mélange

de deux

couleurs

pour

en

obte-

nir

une troisième.

On

juxtapose,

on

superpose

mais

on

ne

mélange

pas.

Avant le

XVe

iècle,

par exemple,

ucun

recueilde

recettes

our

fabriquer

es

couleurs,

que

ce

soit dans le

domaine de

la teinture

u

dans

celui de la

peinture,

ne

nous

explique que pour

fabriquer

du

vert

l faille

mélanger

du bleu et du

jaune.

Les

tons verts s'obtien-

nent

autrement,

oit à

partir

de

pigments

t de

colorants

naturelle-

ment verts

terres

vertes,malachite,

vert-de-gris,erprun,

ulne,

jus

de poireau), soit en faisantsubirà des colorants bleus ou noirs un

certainnombrede

traitements

ui

ne sont

pas

de

l'ordre

du

mélange.

Au

reste,

pour

les hommesdu

Moyen

Âge,

qui

ignorent

out

du

spec-

tre et de la classification

pectrale

des

couleurs,

e

bleu et le

jaune

sont deux couleurs

qui

n'ont

pas

le

même

statut,

qui

ne se

situent

pas

sur les

mêmes

axes ni

sur les mêmes

échelles de

valeurs

elles

ne

peuvent

donc

pas

avoir

un

«

palier

»

intermédiaire

ui

serait la

couleur verte25. t chez les

teinturiers,

es cuves de

bleu et

les cuves

de

jaune

ne se trouvent

as

dans les mêmes

officines

il

est donc

difficile

e

les

mélanger

u

de

plonger

uccessivement n

même

drap

dans les deux cuves

pour

le teindreen

vert.

Une

profession uspecte

Un autre fait de

sensibilité,

ur

lequel

les

métiers

e

la

teinture-

rie attirent 'attention u

chercheur,

oncerne

a

densité

t

la satura-

tion

des couleurs.L'étude des

procédés

echniques,

u coût

des matiè-

res

colorantes t du

prestige iérarchique

es

différents

raps

montre

que

les

systèmes

e valeurs e

construisentu moins autant

ur a den-

sité et la luminosité es

couleurs

que

sur leur coloration

proprement

dite.Une bellecouleur,une couleurchèreetvalorisante 'est une cou-leurdense, vive, umineuse,

ui pénètre rofondément

ans les fibres

du tissu et

qui

résiste ux effets

décolorants

du

soleil,

de

la

lessive

et du

temps.

Ces

systèmes

e

valeurs,

qui

donnent

priorité

la den-

sité sur la nuance et la

tonalité,

se retrouvent

ans

bien

d'autres

domaines où la couleur

est concernée les faitsde

lexique,

es

préoc-

cupations

morales,

es

enjeux artistiques,

es lois contre e

luxe.

J'y

ai

plusieurs

fois fait allusion ailleurs et

n'y

reviens

pas

ici26. Mais

chez le teinturier u

Moyen Âge

et

sa

clientèle,

omme

chez le

pein-

25. R.

Scholz,

op.

cit.,

p.

2-3,

onfirme

u'il

n'a

jamais

encontré

e recueil

allemande recettesestinéesuxteinturiersui expliqueraituepour aire u vertil faille

mélanger

u

superposer

u bleu t du

aune.

ur ette

uestion,

oir ussi

M.

Pastoureau,

ouleurs,

mages,

ymboles.

tudes

'histoiret

d'anthropologie

Paris, 989, p.

16-18.

26.

bid.,

pp.

24-39

t d.

«

Du bleu u noir.

thiques

t

pratiques

e

la cou-

leur la

fin

u

Moyen ge

,

Médiévales

14, 1988,

p.

9-22.

Page 61: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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JÉSUS EINTURIER

57

tre et

son

public,

il

est vraiment

ermis

de se demander

si

-

con-

trairement notre

perception

moderne es

couleurs un

rouge

saturé

n'est

pas perçu

comme

plus proche

d'un bleu saturé

que

d'un

rouge

désaturé. Priorité à l'axe de saturation ur celui de

coloration.

Cette

exigence

de la

couleur

dense,

de la couleur

qui

tient

color

stabilis),

st recommandée

ar

tous les recueils

e

recettes

estinés

ux

teinturiers.

'opération

essentielle n cette

matière st le

mordançage,

c'est-à-dire e recours à une substance

intermédiaire

tartre,

alun,

chaux,

vinaigre, rine)qui

a

pour

fonction e faire ntrer ette

matière

vivante,

ebelle

t

dynamique u'est

la

couleur,

dans ce

matériau

pai-

sible et maîtrisé u'est le tissu.Chaque textile, haque colorantexige

tel ou tel mordant.

Chaque

atelier

possède

en outre

ses habitudeset

ses secrets.Le savoir faire

s'y

transmet

ar

la

bouche et

par

l'oreille

plus que par

la

plume

et le

parchemin.

u

reste,

es recueils e

recettes

écrites,

qui

nous ont été conservésen assez

grand

nombre

pour

la

fin

du

Moyen

Âge,

sont

des documents

déroutants.Les

conseils

pra-

tiques y

voisinent vec les

considérations

ymboliques,

es mentions

de

quantité

t de

proportion

ont très

mprécises

t les

temps

de

cuis-

son,

de décoctionou de

macération,

arement

ndiqués.

Comme

sou-

vent au

Moyen Âge,

le rituel emble

plus important ue

le

résultat.

D'une manière

énérale,

ous

les

réceptaires,u'ils

s'adressent ux

tein-

turiers, ux peintres, ux médecins,aux cuisiniers u aux alchimis-

tes,

se

présentent avantage

omme

des textes

llégoriques

ue

comme

des

ouvrages pratiques.

Ils

possèdent

en commun

un

lexique

récur-

rent

notamment

es

verbes)

et mériteraient 'être

étudiés ensemble

comme un

genre

littéraire

ropre.

Cela

dit,

la teinturerie

édiévale

ait être

performante,

ien

plus

que

la teinturerie

ntique (même

si elle a

perdu

le

secretde la

pour-

pre véritable).

En

outre,

elle fait des

progrès

u

fil

des

siècles,

prin-

cipalement

dans les

gammes

des

bleus,

des

jaunes

et

des noirs. Seul

le vert

continue de faire

problème27.

Mais

pour

aucune

couleur

ni

pouraucuncolorant, lle ne saitobtenir coup sûr une nuancechoisieà l'avance. Elle sait s'en

rapprocher,

parvenir arfois,

mais ne

peut

affirmer vec

certitude vant la

fin

des

opérations

qu'il y

aura

réus-

site. Pour ce

faire,

l

faudra

attendre e

xviiie

siècle et le

développe-

ment de la

chimie industrielle t

des colorants de

synthèse.

avoir

fabriquer

vec certitude ne nuance

de couleur

choisie

à

l'avance

sur

un nuancier

onsituera

un

tournant ssentiel

ui,

à

partir

des années

1760-1780,

ransformera

apidement

t

profondément

es

rapports ue

l'homme occidental

entretient vec la couleur.

Avant cette

date,

les teinturiers

estent es hommes

mystérieux

et

inquiétants,

'autant

plus

craints

u'ils

sont

turbulents,

uerelleurs,

27.

Malgré

es mmenses

rogrès

aits ans a chimie escolorants

partir

u

xvme

iècle,

e

problème

esverts

extileseste 'actualitéout u

long

e

l'époque

modernet même e

l'époque

ontemporaine.

'estdans a

gamme

es

verts,

ant

en

peintureu'en

einture,

ue

'on

a

encoret

toujours

e

plus

de difficulté

our

fabriquer,

eproduire

t surtoutixera couleur.

Page 62: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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58 M. PASTOUREAU

procéduriers

t

secrets.

De

plus

ils

sont

sales,

portent

des

vêtements

maculés,

ont les

ongles,

e

visage

et les

cheveux ouillés.

Jusque

dans

leur

apparence

ils

transgressent

'ordre social

;

barbouillés des

pieds

à la

tête,

ils ressemblent

arfois

à

des histrions

ortis des cuves de

l'enfer.Au

début

du

XIIIe

iècle,

Jean de

Garlande,

grammairien oly-

graphe

qui enseigna

à Toulouse

puis

à

Paris,

a

compilé

un

Dictiona-

rius dans

lequel

il

décrit vec humour

es teinturiersux

ongles

peints,

méprisés

des

jolies

femmes

à

moins de

posséder

de

lourdes

espèces

sonnantes

et

trébuchantes,

ls

ont du

mal à trouverune

épouse

:

Tinctores annorum tinguntn rubea majore, gaudone et san-

dice.

Qua

de causa

habent

unguespiet

s

;

quorum

autem sunt

quidam

rubei,

quidam negri quidam

blodii. Et ideo

contemp-

nuntur mulieribus

ormosis

nisi

gratia

numismatis

ccipian-

tur2%.

Certains

einturiers,

n

effet,

euvent

faire fortune.

Mais ils

res-

teront

toujours

des

artisans,

mépriséspar

la

classe des

marchands,

à

laquelle

ils n'auront

amais

accès. Pour

l'idéologie

médiévale,

ce

sont deux mondes

différents,

olidement

loisonnés.

Les

artisans ra-

vaillentde leurs

mains,

pas

les marchands

qui

dans toutes es villes

- et plus encoredans les villes d'industrie extile cherchentons-

tamment se

distinguer

es

«

besoigneors,

ilains

et

gens

meschani-

ques

». D'où

ce

mépris

onstantdes

marchands-drapiers

our

les tis-

serandset les teinturiers.

'où

aussi la

longue dépendance

de

ces der-

niersenvers es

épiciers

t

les

apothicaires ui

les

approvisionnent

n

drogues

et en matières olorantes.

Quand

on

est

teinturier,

l

est dif-

ficilede

s'élever

dans la hiérarchieociale. Au

reste,

usqu'au

XIIIe

iè-

cle,

dans

plusieurs

villes

d'Occident,

notamment n

Allemagne

et

en

Italie,

cette ctivité st

parfois

e fait

d'artisans

uifs, qui

à la

méfiance

ou au

mépris que

suscite leur

profession ajoutent

la

marginalité

religieuse29. ette situation e retrouve ans les pays d'Islam, où lateintureriestune

occupationpeu

valorisante,ouvent aissée aux

juifs.

Sur

ces discriminations

ocio-professionnelles

'est

peut-être

ussi

greffée

ne

idée très

ncienne

ui

veut

que

toutes

es activités

n

rela-

tion avec le

fil,

'étoffeou le vêtement

oient

par

essence des activi-

tés féminines30.

our

les hommes

du

Moyen

Âge

se

place

évidem-

ment ci le modèle d'Ève

filant,

ymbole

du travail

féminin

près

la

28. A Volume

f

vocabulariesT. Wright

d.,

Londres,857,

p.

120-138.e

texte,

robablement

ne

œuvre e

eunesse

ans 'abondante

roduction

e Jean e

Garlande,

peut-être

ompilé

ers 218-1220.oirA. Saiani

t G.

Vecchi,

tudi

su Giovannii Garlandia,ome, 956-1963,vol.29. A.

Schaube,

andelsgeschichte

er omanischenölkeres

Mittelmeergebiets

bis

zum

Endeder

Kreuzzüge

Municht

Berlin,906,

.

585.

30.

Voir,

armi

ne

bibliographie

bondante,

e beau ivre e

Jacques

ril,

Ori-

gines

t

ymbolismes

es

roductions

extiles.

e

la toile tdu

fil

Paris, 984,

pécia-

lement

p.

63-71.

Page 63: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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JÉSUS

EINTURIER

59

Chute. Il est

possible

que pour

cette société fortement

misogyne, ui

voit souvent dans la

femmeun être

nférieur,

e modèle ait contri-

bué

à

dévaloriser

es

professions

iées

au textile.Dans le domaine des

teintures,

ne

tradition ncore attestée

l'époque carolingienne

ou-

lait

que

seules

les

femmes,

arce qu'elles

étaient

mpures

t

quelque

peu

sorcières,

achent

eindre fficacementles hommes

passaientpour

malhabiles ou

pour porter

malchance dans les

procédés

mis en œu-

vre

pour

ce faire.La Vita de saint

Ciaran,

évêque

irlandais

du

VIe

iè-

cle,

nous raconte

insi comment

orsqu'il

était

enfant,

a mère

e

fai-

sait

sortirde la maison

chaque

fois

qu'elle

devait teindreune étoffe

ou un vêtement la présencedu garçon auprèsd'elle auraitpu faire

tourner a teinture31.

Mutations

exicales et dévaluations

sociales

Les faits

de

lexique

confirmentn

partie

ce

regard uspicieux

u

méprisant

ue

les sociétés

occidentales ont

longtempsporté

sur le

métier

e teinturier.

n

latin

classique,

il

existe

deux

mots

pour

dési-

gner

cette

profession

tinctor

t

infector.

ous deux surviventn latin

médiéval,

bien

que

le second soit

désormais

plus

rare

que

le

premier.

Au fil des siècles,en effet,nfector directementssu du verbe nfi-

cere

imprégner,

ecouvrir,

eindre

-

se

charge

d'une connotation

dévalorisante

t

désigne

non

plus

le maître rtisan mais ses ouvriers

les

plus

humbles,

ceux

qui

nettoient es cuves

et évacuent

les

eaux

putrides

puis,

devenu

trop péjoratif,

e mot finit

ar disparaître.

e

verbe

nficere

ui-mêmene

signifie

lus

seulement eindremais aussi

altérer,

ouiller,

corrompre

et son

participepassé passif, infectus

prend

e

sens

de

puant,

malade,

contagieux.

Quant

au substantif

nfec-

tion

ui

en latin

classique

ne

désignait

ue

la

teinture,

l

exprime

ésor-

mais l'idée de

souillure,

d'ordure,

de

puanteur,

voire de maladie

(d'abord de l'âme puis du corps). Les auteurschrétiens nt beau jeude

rapprocher

oute cettefamille exicale du mot infernuml'enfer.

L'atmosphère

sale et nauséabonde

qui règne

dans l'atelier

du

teintu-

rier

infectorium),

insi

que

la

présence

de cuves et de chaudières t

les

mystérieusespérations

ui s'y

déroulent,

out cela suffit

our

faire

de ce

lieu une antichambre e

l'enfer.

Cette évolution

émantique, ui souligne

e

rejet grandissant

es

activités

de

teinture,

aisse

des traces dans les

langues

romanes.

En

français,

e

mot

infecture

pparaît

dès

la fin du

XIIe

iècle

et

désigne

à la

fois

la teinture

t l'ordure. Son doublet

infection

st

attesté u

siècle

suivant

avec les mêmes

significations

il

ne se

spécialise

dans

le sens de maladie qu'à l'époque moderne.Quant à l'adjectif infect

dont les

plus

anciennesmentions emblent

ater du début du

XIVe

iè-

31. W.

Stokes,

ives

f

the aints

rom

heBook

of

Lismore

Oxford,890,

pp.

266-267Je emercieaurenceobis-Sahel

e

m

avoir

ommuniqué

ette éférence.

Page 64: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 64/164

60 M. PASTOUREAU

cle,

il

qualifie

d'abord tout ce

qui

a une

odeur ou

un

goût ignoble,

puis prend

le sens de

putride,

malade,

contagieux32.

Le

verbe

teindre ui-même

n'est

pas

épargné. Déjà

en latin

clas-

sique

était

mise

en avant la

parenté

entre

tingere

teindre), ingere

(façonner,

sculpter, réer)

et

pingere peindre)33.

Chez

les Pères de

l'Église,

l'emploi

liturgique

e

tingere

n fait un

verbe

valorisant

t

valorisé il

désigne

'action de

plonger

dans les

eaux

du

baptême

et,

par

extension,

e fait de

baptiser.

Mais

par

la suite le

couple

tin-

gere/fingere

eut

être

pris

en

mauvaise

part

fingere

e

n'est

plus

seu-

lement réerou

façonner

vec

art,

c'est aussi

farder,

nventer

ausse-

ment,mentir et tingerepeut-être ar attraction honique,se charge

parfois

de la même dée :

maquiller,

dissimuler,

richer.

ette

parenté

entre es deux verbes

se

retrouve n

français

de teindre

feindre

la

distance

st courteet se

place

sous

le

signe

de la fraude t

du men-

songe.

Les

chroniqueurs

des

XIVe

et

XVe

iècles

emploient

ainsi

l'expression

teindre

a couleur

»

à

propos

de

quelqu'un qui

ne dit

pas

ce

qu'il pense, qui

dissimule

ses intentionsou

qui

change

d'avis34.

Dans les

langues germaniques,

e

tels

eux

de mots ne

sont

guère

possibles. Cependant,

en

anglais, l'homonymie

ntreto

dye

(teindre)

et to

die

(mourir)

deux verbes

que

l'orthographe

onfond souvent

jusqu'au XVIIIe iècle- sembleouvrir u champ sémantiquedu pre-

mier des

perspectives nquiétantes.

Le

vocabulaire confirme onc ce

que

laissent ntendre es

légen-

des,

les taxinomies ociales

et

les documents

d'archives

la

teinture-

rie,

dans les

systèmes

e

valeurs

médiévaux,

st une

activité

réprou-

vée,

qui passe pour

entretenir es

rapports

troitsd'un côté avec

la

saleté et

l'ordure,

de l'autre avec la fraude

t

la

tromperie.

'où sans

doute cette méticulosité xtrême vec

laquelle

les textes

réglementai-

res

organisent

a

profession.

Partout sont

précisés,

vec

une minutie

remarquable,

non

seulement es droitset les

devoirs

de

chaque

caté-

goriede teinturiers,es jours chômés, es horairesde travail, es lieux

d'implantation

ans la

ville,

e nombredes ouvriers t des

apprentis,

la

durée

de

l'apprentissage,

a

qualité

des

jurés,

mais

aussi

et

surtout

les couleurs et les étoffes

oncernées,

es matières olorantesautori-

sées

et

celles

qui

sont

interdites,

es

mordants

qui

doivent être

employés,

es conditions

d'approvisionnement

our

chacun

des

pro-

duits utiliséset les relations vec

d'autres

corps

de

métiers

u avec

les teinturiers es villes voisines.

Certes,

outes

es

précisions, rescriptions

t

interdictionsont fré-

32. A. Ernout t A.

Meillet,

Dictionnaire

tymologique

e

la

langue

atine

4e d., Paris, 979, .212, t Dictionnaireistoriquee la languerançaise,.Rey

dir., aris,

992,

ome

,

p.

1022.

33. Voir

par exemple

es

remarques

e

Varron,

e

lingua

atina

livre

VI,

chap.

6.

34.

G.

di

Stefano,

ictionnaire

es

ocutionsn

moyen

rançais

Montréal,

991,

p.

203.

Page 65: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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JÉSUS

EINTURIER

61

quentes

dans ce

type

de textes.On les retrouve

our

bon nombrede

métiers

usqu'en plein

XVIIIe

iècle. Mais

pour

les

teinturiers,

lles sem-

blent

plus

nombreuses t

plus

contraignantes

ncore,

comme s'il fal-

lait

absolument

ontrôler e

tous

côtés leurs activités

nquiétantes

t

pernicieuses.

a lecturedes

interdictions,

urtout,

st instructive. lle

atteste 'extrême ivision

du

travail,

'étroitesse es

spécialisations,

n

même

temps qu'elle souligne

a fraude a

plus fréquente,

onsistant

à faire

passer pour

solide

et durable une couleur

qui

ne l'est

pas,

soit

parce que

le

mordançage

a été

insuffisant, oit,

plus fréquemment,

parce

que

l'on a triché

ur es

matières olorantes n

utilisant es

pro-

duits bon marché au lieu de produitsplus chers que l'on fait néan-

moins

payer

u

client)

orseille u lieu de

garance tons

rouges),

brésil

au

lieu de

kermès

tons rouges

pour

tissus

de

luxe),

baies

diverses

u

lieu de

guède (tons bleus), gaude

au lieu de safran

tons aunes),

noir

de chaudière au lieu de noix de

galle

(tons noirs).

Saint noir et Christ blanc

Il

seraitfaux de croire

ue

les teinturiers

'Occident,

sûrs

de

leur

rôle

indispensable

ans l'industrie t le commercedes

draps,

n'aient

pas cherché corriger ette mage négativeque donnaientd'eux les

textes

réglementaires

t

les traditions

égendaires.

Bien au

contraire,

ils

ont

multiplié

es

gestespermettant

e

valoriser eur

profession.

À

commencer

ar

le

patronage

t la commande. Souvent

riches t

puis-

samment

rganisés, egroupés

n

confréries,

ls ont

beaucoup

fait

pour

mettre n scène leur saint

patron

Maurice.

D'origine copte,

celui-ci

est selon la tradition e chef d'une

légion

romaine

recrutée n Haute-

Égypte

mais

étant

chrétien,

l

refuse

de

sacrifier ux dieux

païens

et subit e

martyre

vec

tous ses soldats dans

la

région d'Agaune

en

Valais,

vers la

fin

du

IIIe

siècle,

sous

l'empereur

Maximien.

Maurice est à la fois le patrondes chevaliers t celui des teintu-riers. Ces derniers ont fiersde le

rappeler

t de faireconnaître on

histoire

par

la

peinture,

ar

le

vitrail,

par

des

spectacles

et

des

pro-

cessions de

toutes

sortes,

et

même

par l'héraldique.

Dans de nom-

breuses

villes,

e

corps

des métiers

e la

teinturerie

pour

figure

éral-

dique

une

image

de

saint Maurice. Dans de

nombreuses illes

égale-

ment,

comme à Paris dès la

fin

du

XIVe

iècle,

statuts

t

règlements

professionnels

nterdisentux

«

maistres

aincturiers,

uivant es ancien-

nes

bonnes

et

louables

coustumes,

de teniret avoir

leurs

ouvrouers

et

boutiques

ouvertes

e

jour

et feste de sainct

Maurice »35.

C'est

évidemment

a

peau

noire du

saint,

splendide

t

indélébile,

qui les pousse, dès le XIIIe iècle, à en faire eur saintpatron. Dans

l'image

et

l'imaginaire,

Maurice devait du

reste ettecouleur de

peau

moins

à

ses

origines

fricaines

u'à

son nom :

pour

la

société

médié-

35.

Paris,

Arch. at.

Y

6

/5,

98.

Page 66: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 66/164

62

M.

PASTOUREAU

vale,

qui

cherchedans les mots la vérité

des

êtres

et

des

choses,

le

passage

de

Mauritius maurus st un

passage

obligé.

De bonne

heure,

Maurice

l'Égyptien

est donc devenu un

maure36.

Mais les teinturiers e

se

placent pas

seulement

ous la bannière

de saint Maurice.

Celle du Christ eur

est encore

plus

chère.

Dans

l'histoiredu

Sauveur,

ls retiennent n

moment

particulièrement

lo-

rieux

celui de la

Transfiguration,orsque

e

Christ

essuscité e mon-

tre

une dernière ois à ses

disciples

Pierre,

Jacques

et

Jean,

peu

avant

son Ascension. Entouré de

Moïse et

d'Élie,

il

leur

apparaît

non

plus

dans

ses habitsterrestres ais dans toute

sa

gloire,

le

visage

devenu

brillant omme le soleil et les vêtements lancs comme la neige»37.

Les teinturiersnt voulu voir

dans ces

mutations

e

couleursune

jus-

tification e

leurs activités t se sont

fréquemment

lacés

sous

la

pro-

tection ou sous le

patronage

de ce

Christ de la

Transfiguration.

ls

n'ont

pas

attendu

que

cette fête oit

rangée,

en

1457,

au

nombre

des

fêtesuniverselles e

l'Église

romaine

pour

la

célébrer

dès

le

milieu

du

XIIIe

iècle,

ils

commandent

es retablesou

bien font

représenter

des

mystères

montrant e Christ

ransfiguré

êtu de

blanc et le

visage

peint

en

jaune38.

Toutefois,

e

mécénat des

teinturiers

e

s'est

pas

limité à cette

image glorieuse

du Christ.

Parfois,

c'est le

Jésus de la

petite

nfance

qu'ils décidentde mettre n scène en faisantconnaître,notamment

par

le

vitrail,

'épisode

de

l'apprentissage

hez le

teinturier

e Tibé-

riade. Bien

que

transmis

ar

des textes

non

canoniques,

cet

épisode

est

plus explicite ue

le thèmede la

Transfiguration

t

se

greffe lus

directement

ur

leur

profession.

Plusieurs

gloses

sont

possibles,

cer-

tes,

mais l'essentiel st de

rappelerque

dans son

enfance e

Seigneur

a été teinturier d'où

l'immensehonneur

qui rejaillit

ur ceux

qui

le sont

après

lui

-

et

que

ce métier

ien à tort

déprécié

ui a

permis

de faire

des miracles.

On

oublie alors

l'interprétation

ronique

avan-

cée

par quelques

Pères

et

théologiens

t

qui

semble comme

une con-

damnationde cetteprofession quelle vanitépour un artisanque de

prétendre

avoir

changer

a couleurdes choses ce

pouvoir

extraor-

dinaire

appartient

Dieu

seul,

qui

l'exerce comme

il

l'entend et le

délègue

à

qui

lui

plaît.

École

pratique

des

hautes

études,

IVe

section

45-47,

rue

des Écoles

F-75005

Paris

36. Sur e

personnage

t a

légende

e saint

MauriceJ.Dévissé t M.

Mollat,

L imageu noir ans 'art ccidental.espremiersiècleshrétiensuxgrandesécou-vertes

Fribourg,

979,

.

,

pp.

149-204,

tG.

Suckale-Redlefsen,

auritius.erhei-

lige

Mohr.

The

black aint

Maurice

Züricht

Houston,

987.

37. Mat.

XVII,

1-13 Marc

X,

1-12

Luc

X,

28-36.

38.

É.

Mâle,

L'art

religieux

u

xiie

iècle n France

Paris, 922,

p.

93-96

L.

Réau,

op.

cit.,

ome

I/2,

pp.

574-578.

Page 67: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 67/164

JÉSUS

EINTURIER

63

Michel

Pastoureau,

Jésus

teinturier.

istoire

symbolique

et

sociale

d'un

métier

réprouvé.

Une

légende

ncienne,

ransmise

ar plusieurs

vangiles pocry-

phes

de l'enfance

du

Christ,

raconte comment e

jeune

Jésus,

placé

en

apprentissage

hez un artisan

teinturier,

ème

le

trou-

ble et le désordreen désobéissant son maîtreet en

se mon-

trant

ncapable d'apprendre

une telle

profession.

Toutefois,

un

ou deux miracles

ui

suffisent

our

rétablir a

situation t susci-

ter l'admiration

de

son

entourage.

L'étude

de cette

égendepermet

'attirer

'attention ur e

métier

de teinturier,ongtempsmal considéré, inonréprouvé, ans les

sociétésoccidentales.

arce

qu'ils changent

a

couleur des

draps,

parce qu'ils

transformenta

matière,

parce qu'ils

semblent

e

livrer des

opérationsdiaboliques,

les

teinturiers comme es

forgerons

suscitentméfiance

t

peur.

En

outre,

dans

les

vil-

les

drapières,

ls sont en conflit

permanent

vec

d'autres

corps

de métier t

avec une

partie

de

la

population,

qui

leur

reproche

d'empuantir

'air

et

de salir les eaux de la

rivière.

Enfin,

on

leur

fait

grief

d'enfreindre

réquemment

es

règlements

t de

tromper

a clientèle n faisant

passer pour

denses et

solides des

couleurs

égères

t instables.Tant en latin

que

dans les

languesvernaculaires, l y a synonymie ntre teindre t feindre.

Jésus

-

Métier

-

Teinture

-

Couleur

-

Fraude

Michel

Pastoureau,

Jesus

the

Dyer

An

old

legend,

ransmitted

y

several

ApocryphalGospels

trea-

ting

of

Christ's

childhood,

ells

how the

young

Jesus,

placed

as

an

apprentice

o a

dyer, spreads

trouble and

disorder

by

diso-

beying

his master nd

proving

imself

ncapable

of

learning

uch

a

profession.

owever,

y performing

few

miracles,

esus

rings

the situationback to normal and arouses the

admiration f his

entourage.The study f this egendbrings ttention o the craft

of the

dyer,

ong

ooked

upon

with

disapproval,

f

not with on-

demnation,

n

western ocieties. Because

theychange

the color

of

fabrics,

because

they

transform

material,

nd because

they

seem to

engage

in

diabolical

operations,

the

dyers

-

like the

blacksmiths

gave

rise to distrust nd fear.

Moreover,

n

the

textile

owns,

hey

were n

constant onflictwithother

radesas

well

as

with

part

of the

population,

which ccused themof

con-

taminating

he air and

soiling

he river

waters.

Lastly,

they

were

suspected

f

frequently reaking

he

rules and

cheating

he

cus-

tomers

byworking

with nferior nd

unstable

dyes

in

place

of

fast and solid colors. In Latin as well as in thevernacular an-

guages,

here s

synonymity

etween

ingere

nd

fingere by

a

play

on words

in

English,

one could

say

that

to

dye

means

to

lie).

Jesus

-

Craft

-

Dyer

-

Color

-

Fraud

Page 68: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 68/164

Médiévales9,automne995, p.65-82

Odile BLANC

HISTOIRE DU

COSTUME

:

L'OBJET INTROUVABLE

S'agissant

du

textile,

du costume ou de la

mode,

la

production

éditoriale,

outes

catégories

onfondues

t à

l'heure où la

lecture

asse

pour

une activité n voie de

disparition,

st

véritablement

mpression-

nante. Dernier en

date,

un

Livre de la soie

1

qui

se

présente

omme

un

panorama

mondial

-

une

«

tapisserie

dit

l'auteur

-

des

usa-

ges

et

manipulations

e

cette fibre

d'exception.

On

y

trouveen

effet

un

état

complet

des connaissances

ctuelles

sur le

sujet,

assorti

d'un

lexiquedes termes echniques,d'une bibliographie t de conseils aux

collectionneurs.

outefois,

et

ouvrage

est

absolument

ierge

de

toute

note,

dont

le

but,

comme 'on

sait,

est de faire

connaître t

par

con-

séquent

de rendre

ccessibles

u lecteur

es sources

utilisées,

u

moyen

d'un

complément

'information

ui

donne à la

publication

on carac-

tère

«

scientifique

.

En

l'occurrence,

et

apparat critique

eût

trans-

formé

e travail en

ouvrage

de référence.Au lieu

de

cela,

le lecteur

éprouve

une certaine assitude

relire es mêmes

récitsde

fondations,

privés qui plus

est

de

références,

t à voir

des

images

dont

il

ignore

le lieu de conservation t

parfois

la

provenance.

Voici un

«

beau

livre

»

comme

il

en

existe

déjà, qui

fait

regretter

ne fois de

plusl'absence de travauxvéritablement ovateurs et critiquesdans un

domaine finalement

eu exploité.

L'article de Lisa

Monnas,

publié

dans

le

très

technique

Bulletin

du Centre nternational 'Études des

TextilesAnciens

,

ne

bénéficie

pas

du même

habillage

éditorial.

l

s'interroge

ur la

provenance

de

l'étoffed'un vêtement

élèbre,

onservé u

Musée des Tissus de

Lyon

et attribué Charles de

Blois,

héros malheureux e la

guerre

de suc-

cession de

Bretagne

t tué à la bataille

d'Auray

en 1364. Sur

ce vête-

ment très

controversé,

evendiqué

ncore,

en

1951,

comme une reli-

que

bretonne,

n

n'apprend

rien de nouveau.

L'auteur,

limitant

on

1. P. Scott,TheBook fSilkLondres,993,raduitfortmal) nfrançaisar

Patricia uraver

our

es éditionse

l'Imprimerie

ationale.

2. L.

Monnas,

TheCloth

fGold f the

ourpoint

fthe

Blessed harlese

Blois a

pannus

artaricus

»,

Bulletinu

CIETA

70,1992,

p.

116-129,

vec ne

analyse

echniquear

Gabriel ial.

Page 69: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 69/164

66

O. BLANC

intérêt u

seul

tissu,

rappelle implement

es

«

faitsconnus

»

tels

que

les a rassemblésLouis de

Farcy

dans une étude

publiée

au début

de

ce

siècle3 et

reproduite

ci ou

là,

sans aucun

regard critique

ni

élé-

ment nouveau4.

Ces

exemples,

malheureusement

on

exhaustifs,

émoignent

n

premier

ieu de la résistance enace

au travail

pluridisciplinaire.

tti-

tude sidérante i l'on

songe qu'un

travail sur la

soie,

par

exemple,

nécessite es

connaissances

historiques,

echniques

t

linguistiques

rès

vastes,

compte

tenu de la

multiplicité

es sources et

des

civilisations

concernées

ar

un

tel

sujet.

De

même,

l

semble ller de

soi

que

l'étude

de l'étoffed'un vêtement oit présentée ommecomplémentaire'un

travail sur le vêtement ui-même

u/et sur ce

type

de

vêtements n

général.

En

second

lieu,

ils attestent u

succès

amais

démenti

d'une

histoire u costume

u'il

faut

bien

qualifier

'archaïque,

eu

égard

aux

travaux

qui

ont tenté d'en reformuler

es

approches5.

Force nous est de

constater,

ujourd'hui,

combien

ette

discipline

identifie

onnaissance

t

perception,

u

point

de

se méfier e tout

dis-

cours sur

l'objet,

immédiatement

uspect

de

déguiser

a

«

réalité .

Françoise

Piponnier,

ors d'un

colloque

international

ur

«

la culture

matérielle

6,

définit

insi

étroitement,

ar

élimination,

e

champ

de

l'histoire

du

costume. Ce sont tout

d'abord

«

la

littérature

pique

ou

la fiction omanesque dont on craintqu'elles « ne décrivent, par-

tir

de détails

vrais,

mais hors

de

leur contexte t de

leurs

proportions

réels,

une situation

purement

maginaire

ù se donnent

ibre cours

rêveries t

phantasmes

ollectifs

...]

Tout

aussi

suspects

de

partialité

sont les textes

atiriques

u

moralisateurs

...]

On

n'utilisera

pas

non

plus

ici

systématiquement

es documents

narratifs

qui]

partagent

es

défautsdes textes ittéraires tout en demeurant

utiles

car

les des-

criptions

des

manifestations

ubliques [...] y

sont

précises

et

détail-

lées ».

Il

convient

nfin

de

se méfier

es

représentations

igurées,

ou-

jours plus

ou

moins

«

stéréotypées

.

En

définitive,

'est tout le

domaine de la représentation,ui recèle a manièredont les contem-

3. L.

de

Farcy,

e

pourpoint

e Charles e Blois

collection.

Chappée,

e

Mans, anderitter,

.d.

1907 ).

Cettetude été

nouveau

ubliée

n 1911

Angers,

chez

Grassin,

ans es llustrations.

4.

Il

y

en ura

eut-être

ans

a

monographie

ue

Karen

Watts

répare

ur

'armure

conservéeans e Trésore a cathédralee

Chartres,

rès

roche

u

vêtemente

Lyon.

Pourma

part,

e

travaillen ce momentur es

pièces

e ce

«

dossier

passionnant

et sur a

longue

radition

istoriographique.

5. Pionnieru

genre

n France t

toujours

timulant

our ui

entreprend

ne

réflexionérieuseur e

sujet,

es

travauxe Roland

arthes,

inalement

eu

ités t

encore oinsuivis

«

Histoiret

ociologie

uvêtement.

uelques

bservations

étho-

dologiques

,

Annales SC

1957,

p.

430-441.

d.,

Le

système

e

la mode

Paris,

1967.J'avais roposé,ans epremieruméroesCahiers uLéopard 'or 1989),unbilan

istoriographique

esdifférentes

pproches

u

phénomène

estimentaire,

u'il

conviendraite mettre

jour.

6. F.

Piponnier,

Le

costumeobiliaireans a

France u bas

Moyen

ge

,

dans

Adelige

achkultures

pätmittelalters

Krems,

2-25

eptembre

980,

p.

343-363

(Österreichische

kademieer

Wissenschaften,

hilosophisch-Historische

lasse).

Page 70: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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HISTOIRE

DU COSTUME

67

porains

ont

objectivé

eur

rapport

u

paraître,qui

se trouve

écarté.

Ainsi

présentée,

'histoiredu costume

reste attachée

à

un

projet

de

restitution

u

passé,

à

travers a reconstitution

es

objets

d'un

ves-

tiaire dont la

matérialité,

omme

'aimerais

le

montrer ci au vu

de

quelques exemples,

est

par

nature nsaisissable.

L'illusion

descriptive

Parmi la

masse

de

documents oncernés

par

le

phénomène

vesti-

mentaire, 'inventaire ccupe une place de choix. Il permet n effet,

en un lieu et

pour

une

période

donnés,

de connaître

es

commandes

en matière e vêtements 'une maison

princière

u d'un

milieu e

plus

souvent isé. Nombre

de travaux

ont été consacrés au

dépouillement

de

comptes

et

d'inventaires,

fin de mettre n évidence

es choix

ves-

timentaires t les

goûts

d'une société7.

Le textede

l'inventaire

onsigne ar

écrit

es

caractéristiques

'un

objet

effectivementéalisé

pour

une

occasion

précise.

Ainsi,

le duc

de

Bourgogne Philippe

le

Hardi,

«

pour paroistre

vec

honneur à

l'entrée à

Paris

de la

nouvelle reine de France

Isabelle de

Bavière,

se

fit faire

«

un

pourpoint

de veluau vermeil

arni

de

plusieurs

pieces

d'or

férues

en

estampes

en

guise

de

losanges

et

quarrés.

Il

y

avoit au demi

corps

de ce

pourpoint

n haut

quarante

brebis

et

quarante cygnes

de

perles chaque

brebis avoit une sonnette

pendue

au

col,

et

chaque cygne

n

tenaitune au

bec.

Ce

pour-

point

avoit

soixante-dix-huitleurs 'or

esmaillées

e

rouge

clair.

Un autre

pourpoint

de

veluau vermeil out de

brodure e demi

corps

en haut

estoit ouvert e

perles.

l

y

avoit

quarante

soleils

d'or

à ce

pourpoint

t

quarante-six

leurs 'or

esmaillées

e

bleu,

et en chacune fleur une clochetted'or en façon de margue-rite 8.

Le

responsable

e la

garde-robe

numère ncoredeux

autres

pour-

points

de

velours,

pareillement

rnés de

perles

et de

pierresprécieu-

ses,

que

le duc se fit faire

pour

la même

occasion.

Le textede l'inventaire

rocède

à une

description

minutieuse e

l'objet

-

les motifs des

broderies,

a couleur

des

pierres

et de

l'étoffe dans le dessein voué d'identifier

récisément

es

pièces qui

relèvent 'une

responsabilité

articulière,

elle du

valet de

chambre

qui

est

aussi,

dans

ce

cas, orfèvre,

'où

sans

doute la

précision

des

7.

Dernièrement,

e ivre

'Agnès age

ntituléêtire

prince.

issustcouleurs

à la cour

e

Savoie

1427-1447),

ausanne,

993

Cahiers

ausannois

'histoireédié-

vale

8).

8. Cité ans tinérairese

Philippe

e Hardi

tde

Jean ans eur ducs e

Bour-

gogne

1363-1419

,

E.

Petit

éd.,

Paris,

888,

.

530.

Page 71: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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68

O. BLANC

termes

mployés.

Clairement

édigé,

omme c'est ici le

cas,

il

permet

d'évaluer a valeur

marchande,

t

peut

s'avérer

rèsutile

orsqu'il

s'agit

de

reconnaître ne

pièce

volée. Tout

entier

dévoué

à

l'extériorité

e

ce

qu'il

recense,

'inventaire ivre a

priori

une

matérialité

ue

l'his-

toire du

costume,

soucieuse de

distinguer

es

formes

t

d'en

décrire

l'évolution,

a

toujours

valorisée.

Dans bien des cas

cependant,

e

détail ne nuier it-il

pas

à la

com-

préhension

e l'ensemble

Reconnaissons n

effet,

ans cet

exemple,

que

si

les

broderies,

erles

et

pierresprécieuses

nt

aujourd'hui,

peu

ou

prou,

la même

acception qu'au

XIVe

iècle,

le

pourpoint

qui

les

supportea gagné en opacité. Or ce vêtement, videmment amilier

aux

contemporains

u

rédacteur,

st

simplement

onné

dans

son

appel-

lation

spécifique.

Seules ses

caractéristiques

echniques

t

plastiques,

qui

le

qualifient

d'une manière

plus

circonstanciée

t

l'authentifient

aux

yeux

de

son

propriétaire,

écessitent ne

description

articulière.

De sorte

que,

dans ce

cas

précis,

'ornementation

u vêtement

ous

demeure familière

lors

qu'il

nous est difficile

e

visualiser elui-ci.

Par

ailleurs,

nous

ignorons

out

de la manière

dont étaient

por-

tés ces vêtements. ous

sont associés

à

la même

cérémonie,

'entrée

de la reine à

Paris. Sont-ilsréservés des

moments

particuliers,

u

bien le

duc en use-t-il son

gré,

dans

une

démonstration

stentatoire

de sa richesse comme de son élégance? Avec quelles autrespièces

sont-ils

ortés

Quelle

place occupent-ils

ans l'échelle

de valeur

sthé-

tique

du

paraître

urial

?

L'inventairene

nous

permet

pas

de

répon-

dre à ces

questions.

C'est dire

si

la

réalité à

laquelle

nous

sommes

cependant

confrontés

nous

demeure

nconnue.

L'opacité

de la

terminologie ontemporaine ui

résultede la lec-

ture

des inventaires ous met ainsi en

garde

contre

'illusion

descrip-

tive. L'inventairene

décrit

que pour

rendre

perceptible,

t

singulier,

un

objet

connu des

contemporains.

ette

description

orte

donc

moins

sur

la nature de

l'objet que

sur ses

particularités.

ous

qui

sommes

d'un autre

temps,

comment

pourrions-nous rétendre onnaîtreunobjet au vu de quelques-unesde ses déclinaisonsornementales, ui

ne constituent n aucun

cas ses

propriétés

ntrinsèques

Les brode-

ries de

perles,

à

l'évidence,

ne sont

pas

réservées ux

pourpoints.

En

revanche,

e fait

que

ces vêtements

uissent

bénéficier es

matériaux

les

plus précieux ndique

a faveur ont

ls

ouissaient

uprès

de

l'oncle

du roi de France

Charles VI. Dans

bien

des

cas,

l'ensembledes

pra-

tiques

réglementant'usage

d'un

vêtement uvre

ainsi des

perspecti-

ves

plus

éclairantes

ue

la seule restitution

'une chose dont la

com-

préhension

st bien souvent

problématique.

L'illusion nominale

Pour

autant,

'inventaire

résente

n

intérêt

émantique

ndénia-

ble,

qu'il partage

avec bien

d'autres documents

crits.Mais

les mots

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8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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HISTOIREDU COSTUME

69

donnés aux choses

engendrent

ouvent ne

polysémie

éroutante. 'est

ainsi

qu'en

consultant

iversdictionnaires t

histoires u costume

qui

font

aujourd'hui

autorité,

on aura

quelque

difficulté

comprendre

quel

vêtement

l

convient

d'appeler pourpoint

compte

tenu

de la

variété des vêtementsmasculins à

une

certaine

époque.

Au cours du

XIVe

iècle en

effet,

de

nombreux

documents on-

servés ttestent 'un

engouement

ouveau,

généralisé

l'ensemblede

l'Europe,

pour

des

vêtements

e

type

militaire, ourts,

troits t rem-

bourrés

au niveau du

buste,

portés

comme

des

vêtements

e

dessus

à

part

entière

t

revendiqués

omme

tels

par

les

plus

grands

eigneurs

jusqu'au début du XVe iècle9. Ces habitscourtsreçoivent ependant

des

appellations

diversesdont

l'usage

n'est

pas

toujours

clairement

défini.

Viollet-le-Duc,

ue

l'on

peut

à bon droit

considérer omme le

père

de l'histoire du

costume10,

date le

pourpoint

de la fin

du

XIIIe

iècle,

mais considère

u'il

n'accède

à

l'existence

et

par

con-

séquent

à

l'histoire

-

que lorsqu'il

est un

vêtement

légant,

porté

par

les

jeunes gens

aisés du

XVe

iècle. De

fait,

es

quatre

représen-

tations

figurées

ui

lui servent

'exemples pour

étayer

on

point

de

vue

appartiennent

outes à la

seconde moitié du

siècle,

de

sorte

que

ce vêtement st

inévitablement

ssocié,

dans

l'esprit

du

lecteur,

à

l'habit courtmasculinde cettepériode. On remarquetoutefoisdes

différences ensibles

qui

tiennent

ompte,

de

toute

évidence,

du sta-

tut

social

du

porteur

le

pourpoint

la carrure

ccentuéeet aux lar-

ges

manches

du

jeune

gentilhomme

st bien

éloigné

de

celui,

beau-

coup plus près

du

corps

et à

manches

étroites,

des

«

gens

de

petit

état

»

11

.

Jules

Quicherat,

dont le manuel est

également

ouvent

sollicité

de

nos

jours,

définit e

pourpoint

omme

une sorte

de

«

justaucorps

rembourré

12,

ppelé parfois

gipon.

Ce

vêtement ourt et

étroit,

ue

le

rembourrage

u

buste

désigne

plutôt

comme une

pièce

militaire,

se portesous un jaque ou une aquette vêtement galement ourt etétroit. L'auteur met l'accent, à

juste

titre, ur un

changement

ro-

fond des habitudes

vestimentaires

«

une révolution

adicale

»), qui

substitue l'ancienne

superposition

e deux

vêtements

ongs,

a cotte

et le surcot la nouvelle

combinaison

ourpoint

jaque. Cependant,

l

ne

distingue as

clairement es deux

pièces, qui

paraissent

fort

em-

blables à la lecturede

son

propos.

On

peut juste

supposer,

sans

en

avoir la

confirmation,

ue

le

jaque

est

dépourvu

de

rembourrage.

9.

La meilleureise u

point

ur estransformations

st

ujourd'hui

'ouvrage,

malheureusement

eu

courant,

e Stella

Mary

Newton,

ashionn the

ge of

the

Black rince

Woodbridge,

982.

10. E. Viollet-Le-Duc,ictionnaireaisonnéumobilierrançaise l'époque

carolingienne

la Renaissancevol. et4 :

Vêtements,

ijoux

e

corps,

bjets

e

toi-

lette

Paris,

872-1873.

11. bid. vol.

4,

p.

112,

ig.

et 4.

12. J.

Quicherat,

istoire

u

costumen

France

epuis

es

emps

es

lus

eculés

jusqu'à

a

fin

du

xviii*

iècle, aris,

875.

Page 73: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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70

O.

BLANC

La

publication,

n

1929,

d'une étudeconsacrée ux vêtements

or-

tés

par

Jeanne d'Arc lors

de

son

arrestation

3

apporte

des

éclaircis-

sements

ttendus u

sujet

du

pourpoint.

Dans cet

ouvrage

qui

détaille

toutes

es

pièces

vestimentairest en

donne le

patron,

e

pourpoint,

du moins dans

les années

1425-1430,

st ce vêtement ourt et

étroit

porté

directementur

la chemise. C'est

donc le

premier

êtement e

dessus

à

proprement

arler,

a chemise

étant

longtemps

onsidérée

comme

un vêtement

e

dessous

faisant

partie

du

linge.

l

est caracté-

risé

par

un fort

rembourrage

u

buste

au

moyen

de

plusieurs pais-

seurs

piquées

ensemble,

uivant un

procédé identique

à

celui utilisé

pour les couvertures matelassées , qui lui donne son nom. Une

variante rès

répandue,

ue

l'on

peut

observer

ujourd'hui

sur

'exem-

plaire

conservé

Lyon,

consiste

dans la

précision

de

l'ajustement

des

manches

au

moyen

d'emmanchures rès échancrées 4.

Ce vêtement

est encore

appelé gipon,

doublet

jupe

15

.

Aujourd'hui

cette

opinion

est

largement artagée,

mais une cer-

taine

confusion

règne

encore

quant

à

l'usage

du

jaque

et/ou de la

jaquette.

FrançoisePiponnier, eprenant

ne définition

lus

ancienne,

définit

e

jaque

comme un vêtement

ourt et

ajusté,

à la fois civil

et

militaire,

n

vogue

sous

Charles

VI

et Charles

VII. La

jaquette

ne s'en

éloigne

que

par

sa

longueur16.

rançois

Boucher,

quant

à

lui, distingue ettementaque et aquette. Le premier stun vêtement

militaire

ourant aux

XIVe

et

XVe

iècles,

tel

qu'on

en voit

dans le

manuscrit es

Grandes

Chroniques

de France réalisé

pour

Charles

V

vers

1375. La seconde

est

un vêtement

ivil,

«

dérivé

du

précédent

et

porté

essentiellement

ar

les

paysans,

à

qui

il

valut le surnom de

Jacques

11

Il

est

possible

qu'au

termede

cette

enquête,

e lecteur it encore

des

doutes

quant

à la naturedu

pourpoint,

t ne soit

qu'incomplète-

ment satisfait

l'idée

qu'un

vêtement

uisse changer

de formetout

en conservant on

appellation

première,

u au

contraire

ubir des

modificationsinguistiquesans que sa configurationn soit structu-rellement ffectée18. n

peut

être

également

urprispar

l'utilisation

13.

A.

Harmand,

eanne

'Arc,

es

costumes,

on armure

Paris,

929.

14.

l

faut

ependantignaler

ue

e

pourpoint

e

Lyon

st ctuellementaté e

la

fin

u

xive

iècle,

t sansdoute

st-il

lus roche

es nnées 380

ue

de 'année

de a mort e

Charlese Blois

1364),

lors

ue

e

pourpoint

écrit

ar

A. Harmand

est itué utour

e 1430. ela

fait n

décalage,

roblématique,roche

u demi-siècle.

15. Ce dernier

erme

esigne,

ommee décrit

u

Cange,

n vetement

ong

t

ample

ans a

partie

nférieure.ommen

e

suggérera

i-après,

a

longueur

'est

eut-

être

as

a

caractéristique

ssentielleu

pourpoint,

ontrairement

l'opinionépandue

en a matière.

16. F.

Piponnier,

ostume

t vie ociale. a

cour

Anjou

iv-xve

ieclesParis-

La Haye, 970.

17. F.

Boucher,

istoireu costume

n Occident

e l

Antiquité

nos

ours

Paris,

965. ette

ssertion,

onnéeans

éférence

ontemporaine,ppartient

ani-

festement

l'auteur.

18. Constatation

aite

ar

F.

Boucherans

'introductionsonHistoire

u cos-

tumemais

rivée

e

questionnement

éthodologique.

Page 74: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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HISTOIREDU COSTUME 71

du modèle de l'évolution des

espèces appliqué

au

phénomène

vesti-

mentaire,

omme

si le

vêtement,

abriquépar

l'homme,

subissaitune

sorte

de loi

génétique

propre19.

l

est

enfin

curieux

que

les auteurs

se soient si

peu préoccupés

d'identifier

récisément

es

amateurs de

pourpoints,

out en

reconnaissant

'importance

du

statutdu

porteur

pour l'usage

vestimentaire

roprement

it.

Consultera-t-ones

spécialistes

e la

langue

française,

t en

pre-

mier ieu Du

Cange

? Première

urprise

il

n'y

a

pas

d'article

pour-

point

»

dans

le Glossarium d

scriptores

mediœ et

infimœ

atinitatis.

On

trouve

cependant

d'autres termes e référant u même

genre

ves-

timentaire,t les textes ités,allant du XIeau xviesiècles,soulignent

effectivement

'évolution

inguistique

e cette

pièce

principale

du

ves-

tiaire masculin

usqu'à

l'époque

moderne.

Gambison

est le terme

e

plus fréquemment

ité

depuis

e

XIIe

iè-

cle environ.

l

désigne

un vêtement ait de laine

feutrée,

ortement

rembourré

t

piqué

de

façon

à

protéger

e

corps

des blessures de

l'armure comme des

coups

extérieurs. C'est donc un

vêtement

militaire20,

orté

sous

la

cuirasse,

ui

est

donné comme

synonyme

e

pourpoint

dans des textes

bien

postérieurs.

es statuts

es

«

armoiers

coustepointiers

de

Paris,

pour

l'année

1296,

parlent

ncorede

cot-

tes

gamboisées.

Le terme

e réfère onc

à

un

rembourrage

e

l'étoffe

davantagequ'à une formevestimentairearticulière,e qui explique

sans doute sa

longévité.

Un autre terme

pparaît plus

tardivement

our

désigner

n vête-

ment

ourt t

étroit,

évèrement

ugé par

les

textes

égislatifs

ais dont

l'usage,

militaire

u

civil,

n'est

pas

clairement

éfini.

l

s'agit

du

gipo

ou

gipon

synonyme

e

porpoent qui

est

employé

couramment

ans

les

langues

françaises

t

anglaises

à la

fin du

Moyen

Age.

Au

plus

fort de

la

guerre

de Cent

ans,

l'impact

de ce terme

n'est

guère

sur-

prenant,

t c'est finalementette

ppellation ui passera

à la

postérité.

La lecture e Du

Cange

montre insi

que

l'unanimité utour

d'un

terme, ardif ui plus estet attesté ans deux langues,ne sauraitfaireoublier les

synonymes

t variantes ocales redécouvertes

ar

la fré-

quentation

des

textes

contemporains.

lle met

aussi en

évidence a

caractéristique

ssentielle e ce

genre

vestimentaire,

ui

réside

dans

une

disposition articulière

e

l'étoffe,

ouvant

concerner

es

formes

diverses,

comme en

témoignent

es termes de

cotte

gamboisée

ou

encore

houppelande

gamboisée

1

. On en

conclura

que

le

pourpoint

19.

Décrireesmodificationses

pièces

estimentairesans es

mêmes

ermes

ue

l'évolutiones

spèces'impose,

e toute

vidence,

ans es

ouvrages

e

vulgarisation.

Ainsi onstate-t-ones

hangements,lutôtue

d'en

prendre

a

mesuret d'en

om-

prendre

es conditions.

20.Auquel iollet-le-Duconsacregalementn ongrticleanse vol.5de sonDictionnaireréservéu costume ilitairet aux

armes,

p.

437

sq.

21. La

houppelande

stun

vêtement

ong

t

plutôt

mple,

rès n

vogue

hez es

hommes

mais

ussi es

femmes),

utour

e 1400.

ertaines'entre

lles

ossèdent

n

effet,

u-dessuse a

partie

nférieureu*

orps

vasée,

n

buste embourré

dentique

à celui es

pourpoints.

Page 75: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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72

O. BLANC

est un « vêtement

point

»

parmi

d'autres,

dont la

fortune,

amais

démentie urant

'époque

moderne,

rouve

on

origine

ans son

adop-

tion

comme vêtement

légant,

au

cours du

XIVe

iècle.

L'étude

de

la

terminologie,

e

ses

emplois

et de

ses

occurrences

dans des textes

variés,

permet

insi

d'évaluer la

richesse

émantique

d'une

chose,

souvent évélatrice e sa

place

dans le

système

e

valeurs

et

l'imaginaire

d'une

société. Ce

travail,

ong

et

parfois

fastidieux,

est essentiel

à la

pratique

de

l'histoire du

costume

qui,

au

vu de

l'exempleprécédent,

bservera e même

prudent

ecul

vis-à-vis

es ins-

truments

e travail

ue

sont dictionnairest

histoires

u

costume.

Ces

précieuxouvrages, qui restituentvant tout leurproprepratiquedes

traditions

inguistiques22,

oivent subir la même

lecture

ritique

que

les

nombreuses

ources

qu'ils

sollicitent.

Quant

aux

textes

contemporains

ités dans ces

ouvrages,

leur

diversité,

i

l'on

excepte

a

catégorie

es

inventairest

des textes

égis-

latifs,

a fait reculer

plus

d'un historien u

costume

sous le

prétexte

d'une dérivation

possible

vers

1'

idéalisation

,

le

«

rêve

»,

le

«

sté-

réotype

,

perçus

comme autant

d'obstacles

à

la

perception

u

vête-

ment

«

réel »23. Les textes

«

littéraires

,

notamment,

ntretiennent

une forme enace de

suspicion,

t l'on voit

couramment

dmise

l'opi-

nion selon

laquelle

le réel

présent

ans

ces textes

st

en

quelque

sorte

parasité,moins « objectif que celui des inventaires, ar exemple.

On

y

rencontre

ependant

e même

vocabulaire et on

voit mal

com-

ment 'intentionnaliténhérente u texte

serait une

gêne

dans le

cas

d'un auteur

«

littéraire et non dans celui d'un

notaire.

La

législation

omptuaire

suscité

t

suscite ncore de

nombreux

travaux

apportant

un

éclairage

nouveau sur

l'histoiredes

phénomè-

nes

vestimentaires24,

lors

que

les

conciles,

qui représentent

n

cor-

pus

du même ordre

concernant ette

catégorie

rès

vaste et au

fond

peu

connue

que

sont

les

clercs,

n'ont

pas

bénéficié u

même

engoue-

ment de la

part

des historiens

u

costume25.

De

même la

prédica-

tion, qui sait si bien, à la fin du Moyen Âge, user d'anecdotes

22.

Ainsi a fortuneu mot

ourpoint

établie

epuis

e xixe

iècle t familière

aux

mateursu

style

roubadour,

'est

as

dutout

ttestée

l'époque

e Du

Cange.

De mêmee mot

énininconnues

exiques

édiévaux,

st

ujourd'hui

assé

ans

l'usage

ourant

our

ésigner

es coiffuresémininese forme

onique.

23. F.

Piponnier,

Le costumeobiliaire...

,

loc. cit.

24.

Par

exemple,'ouvrage

e Liselotte

isenbart,

leiderordnungen

er

deuts-

chen tädte

wischen

350

nd

700.

in

Beitrag

ur

Kulturgeschichte

es

deutschen

BürgertumsGöttingen,

962.N.

Bulst,

Zum

roblemtädtlischernd erritorialer

Kleider-,

ufwands und

uxusgesetzgebung

n

Deutschland

13.-18.

ahrhundert)

,

dansRenaissance

u

pouvoirégislatif

t

genèse

e

l'État

moderne,

.

Gouron t

A. Rigaudière

d.,

Montpellier,

988,

p.

29-57

Publications

e a Société

'histoire

dudroit t des nstitutionses anciensays edroitcrit,II). D. OwenHughes,«

Sumptuary

aw

nd ocialRelations

n

Renaissance

taly

,

dans

isputes

nd ett-

lementsLaw

ndHuman

elationsntheWestJ.

Bossy

d.,

Cambridge,

986,

p.

3-59.

25.

L'ouvrage

e L.

Trichet,

e costumeu

clergé

Paris,

986,

st ce titre

bien écevant.

Page 76: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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HISTOIRE

DU COSTUME

73

connues et railler es modes

contemporaines,

agnerait

être davan-

tage

étudiée de ce

point

de

vue. Plus

ignorés

encore,

car de forme

plus

diversifiée

t

n'ayant

pas

fait

l'objet

de

véritable

orpus

édité,

les

textes

ui

relèvent e la

didactique

mondaine,

de la satiremorale

ou

politique,

des

ars amandi de la fiction u de la

poésie,

tous

ces

miroirs,

octrines t

débats

anonymes u'un

Charles-Victor

anglois

avait

pris pour

base

de

son étude sur La vie en France au

Moyen

Âge26,

auraient

beaucoup

à

apprendre

l'historiendes

phénomènes

vestimentaires

7

.

Il est en effet

ossible

de concevoir

es

genres

discursifs

ifférents

sanspourautant es rendre ermétiqueses uns aux autres, n leur ttri-

buant une note de fiabilitédéterminée

ar

l'idée

que

l'on

se fait

aujourd'hui

de la teneur n véritéd'un fait

transmis.Ces

documents,

qui

ont en communde transmettren

discours ur

les

attitudes esti-

mentaires e leurs

ontemporains,

ppellent

moins a

transposition

'un

réel

dont ils seraient e reflet

lus

ou

moins

déformé,

u'ils

n'exigent

une

pratique

mettant n évidence a manière

dont

es hommes

objecti-

vent eur

rapport

u vêtement t

à

l'apparence

en

général

une archéo-

logie,

en

somme,

plus proche

de celle

élaborée

par

Michel

Foucault.

Cette

approche

me

semble

particulièrement

ndiquée orsqu'on

aborde

le

phénomène

vestimentaire e la

fin

du

Moyen

Âge

et de la

Renais-

sance,qui envahit e champdu discours tde la représentationrécisé-

ment

parce qu'il

se

constitue,

cette

date,

comme

une

catégorie

du

savoir

ou du

moins comme un

objet

de

réflexion

part

entière.

Dès

lors,

n'est-il

as

plus urgent

e

donnerune

fois

pour

toutes

ces docu-

ments nécessairement ivers e statutde

texte et de

les lire ?

L'illusion narrative

Il

est

une

catégorie

de

textes,

ourtant

stampillés

u

qualificatif

de

«

littéraire

, qui

a

toujours

eu la faveur

des

historiens u cos-tume. Ce sont les chroniques, ui se multiplientn Europe à la fin

du

Moyen Âge

et relatent

vec

plus

ou

moins de

détails

les événe-

ments

ocaux,

la vie de

tous les

jours,

témoignant

'une

volonténou-

velle de décrire e

proche

et le

quotidien.

Le

changement

estimen-

taire

du

XIVe

iècle nous est

connu,

de

longue

date,

par

l'intermédiaire

de ces documents

qui

ont donné

lieu,

depuis

le

xvnie

siècle,

à

des

projets

éditoriaux e

grandeenvergure28.

outes les

études

consacrées

26.

2

vol., aris-Genève,

ééditionn

1981,

vec ne

réface

e

Jacques

e

Goff,

de Tédition

riginale

e 1926.

27.

Sur

e

genre

e textef. a

mise u

point

ollective

a

littérature

idactique

allégoriquet atiriqueHeidelberg,968GrundrisserRomanischeniteraturenesMittelaltersol.

6).

28. Ce

sont,

armi

es

plus

onnus,

esRerum

talicarum

criptores

ollectés

ar

Muratori,

esMonumentaermaniae

istóricales

Scriptores

erum

ohemicarum

lesFontes

erum

ustriacarum,

a Société e

l'Histoiree

France

la

Early

nglish

Texte

ociety

etc.

Page 77: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 77/164

74

O. BLANC

au vestiairede cette

époque

se réfèrentouventaux mêmes

extraits,

sans toutefois n

proposer

une

analyse

véritablement

ritique.

Or,

la

quinzaine

de

chroniques29

elatant

es

nouvelles

modes

masculines

t féminines e la

fin

du

Moyen

Âge

ne

constituent

as,

loin

s'en

faut,

a totalitéde la

production

historique ontemporaine.

Cela

signifie

ue

le

phénomène

vestimentaire

ue

François

Boucher

nommait,

près

d'autres,

une

«

révolution

30

n'occupe pas

tous les

esprits,

la

différence,

ar exemple,

e la Peste Noire

et de ses

récur-

rences

ndémiques.

Une

enquête

ur

es

chroniques

ationales

t

urbai-

nes

permet

insi de relativiser

'impact

du

changement

estimentaire

tous les auteurs désirantfaire œuvrehistoriquen'ont pas jugé bon,

sembk>t-il,

e transmettre

la

postérité

es variationsdes

modes,

ou

l'ont

fait de

façon

laconique,

sans

leur accorder

e moindre ommen-

taire. Souverain

mépris

l'égard

des

apparences

Il

n'est

pas

sûr

que

les auteurs

plus

diserts ans

ce domaine aient eu de

meilleures

ispo-

sitions,

t l'on serait

bien en

peine

de

trouver

ne

quelconque apolo-

gie

des nouveautés

dans

les

chroniques

relatant

es modifications

u

vêtir du

xive

siècle.

Il

n'est

pas

sans intérêt e s'arrêterun

instant

sur les

intentions es

auteurs,

t d'observer omment e

vestimentaire,

devenu

vénement

,

s'intègre

u récit

historique.

Les

textes

ui

ont à

juste

titre ttiré 'attention es

historiens

u

costumene se contententas de signaler u de décrire n fait.À vrai

dire,

a teneur

proprement

escriptive

e leurs écrits 'efface

souvent

au

profit

d'une véritable

mise en scène des

comportements

estimen-

tairesde

leurs

contemporains,

nscrits ans

une

«

histoire es mœurs

avant

la lettre t sollicitant

e

jugement plutôt désapprobateur

du lecteur.

C'est

ainsi

que

les

textes

es

plus

souvent

ités,

tenus

pour

les

témoignages

es

plus

intéressants,

apportent

ystématiquement

e

changement

estimentaire

un événement

enant

bouleverser 'ordre

social

traditionnel.

À

Florence,

'adoption

de modes nouvelles coïncide

avec l'arri-

vée au pouvoir,en 1342,de Gautier de Brienne, hevalier-mercenairesoutenu

par

le

peuple

et servant lors la France- d'où

l'origine

ran-

çaise

attribuée

ux

nouveaux

habits31.

Pour le

chroniqueur appor-

tant

ces

faits,

le

changement

estimentairest

emblématique

d'une

période

politiquement

roublée,

dominée

par

la volonté

populaire

qui

s'est

donné

pour

chef

un

étranger.

Adopter

es modes

nouvelles,

'est

témoigner

a

sympathie

l'égard

de

ce

gouvernement

llégitime

t tra-

29.

Il

s'agit

es

hroniques

ationalesu

urbaines

ubliéesour

a

plupart

ans

les

grandes

ollections

i-dessus

entionnées,

ui

ont^

ervi e base ma

thèse

iné-

dite)

ur

es

usages

estimentaires

la

fin

u

Moyen ge.

Jene

prétends

videmment

pas

maîtriser

'historiographie

es

xive t

xve

iècles ans a totalité.

30.Dansunarticleui, ans uscitere nouveauxointsevue, a finalement

pas

eu

a fortune

ritique

u'il

méritait« Lesconditionse

'apparition

ucostume

court

n

France

erse milieu

u

xive

iècle

,

dansRecueilse

travaux

fferts

Cló-

vis

runei. émoires

t

Documents

ubliésar

a

Société

e

'École es

Chartes

XII,

1951,

p.

183-192.

31. Giovanni

illani,

Cronica

Florence,823,

.

7,

pp.

5ss.

Page 78: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 78/164

HISTOIRE

DU COSTUME

75

hir

par conséquent

a

patrie.

A

contrario,

e

vêtement

raditionnel

es

Florentins,

nventé

pontanément,

elon un

procédé

démagogique

bien

connu,

devient e fer de

lance d'une

spécificité

ationale.

À

Rome,

une

chroniqueanonyme,

considérée

lle

aussi comme

une source

majeure32, apporte

es

mêmes faits aux

mêmes

causes et

au

même moment.

l

s'agit

dans ce

cas de

l'épisode

révolutionnaire

de 1347 au

cours

duquel

est

porté

au

pouvoir

Cola di

Rienzo,

fils

d'un

aubergiste

t d'une

blanchisseuse,

ui

instauraun

gouvernement

populaire

vivement

ritiqué

ar

l'auteurde ce

récit.Là

encore,

e

vête-

ment

mythique

es

ancêtres st brandi

comme

l'étendard de

la

paix

civile,alors que les modesnouvelles ont la démonstrationctualisée

de la discorde.

En

France,

es

chroniques

ssues

de

l'officine

oyale

de

Saint-Denis

rendent

responsables

des défaites

françaises

face

aux

Anglais

les

nobles,

davantage

préoccupés

d'élégance que

prompts

défendre

a

patrie.

Jean

de

Venette,

prieur

du

couvent

des

Carmes de la

place

Maubert à

Paris et

continuateur e la

chronique

atine

de

Guillaume

de

Nangis,

met

ainsi en

parallèle

es

expéditions

ouronnéesde suc-

cès du roi

d'Angleterre

ur le

continent vec

les

transformationses-

timentaires 'une

classe noble

dégénérée33.

e

passage

des

Grandes

Chroniques

e

France

relatif ux

modes

nouvelles e trouve

uste

après

le récitde la bataille de Crécy.Pour l'auteur, a déroutedes troupes

françaises

n

1346

provient

e

l'orgueil

démesuré

de

«

la

fleurde

la

chevalerie

française ,

dont

les

désordres

vestimentairesont

la

dé-

monstration4.

Ailleurs,

ette

diabolisation

u

changement

estimentaire

st

moins

le

support

d'une

idéologie politique

que

celui,

plus ancien,

d'un

dis-

cours

eschatologique.

Ainsi l'abbé du

monastère

énédictin

e

Saint-

Martinde

Tournai,

Gilles

e

Muisi,

se

souvient e

l'année

1349

comme

d'une

période

de

grands

bouleversements la

guerre

franco-anglaise

bien

sûr,

mais

aussi des

flambées

d'antisémitisme,

es

rumores

en

Orient,

en

Hongrie,en Allemagne t en Brabant,des processionsdeflagellants,des épidémies

pesteuses

et des

catastrophes

naturelles

inexpliquées35.

'est dans ce

contexte

ramatique

u'apparaissent

es

mutations

vestimentaires,

nnonciatrices e

la fin

des

temps.

En

Angleterre,

e

continuateur

es

chroniques

de

Westminster

pour

les

années

1346

à

1367,

Johnof

Reading,

décrit

es

mêmes

rans-

formations

vestimentaires

pour

l'année 1365

36.

Il

évoque

tout

d'abord une

épidémie

de

peste

qui

décima

hommeset

bêtes,

puis

un

32. Vita i

Cola di

Rienzo

L. Muratori

d.,

dans

Antiquitates

talicœt.

III,

col.307-309.n

consultera

ussi a

nouvelledition

ar

G.

Porta,

Anonimo

omano,

CronicaMilan, 981, h.9.33.

Chronique

atine eGuillaumee

Nangis,

vec escontinuations

e

1300

1368

H. Géraud

d.,

2

vol.,

Paris,

843.

34. Les

Grandes

hroniques

e

FranceJ.

Viard

d.,

10

vol.,

Paris,

920-1953.

35.

Gilles Le

Muisi,

nnales

H. Lemaitre

d.,

Paris,

906.

36. John f

Reading,

hroniconJ. Tait

éd.,

Manchester,

914,

.

167.

Page 79: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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76

O. BLANC

vent violent

qui

mit

en

pièces

le monastère e

Reading

et

les

villages

aux

alentours,

nfin

une

apparition

u diable en

personne.

Toutes ces

calamités rouvent eur source dans la

frivolité es

Anglais, qui adop-

tèrent

des modes

étrangères

t

des vêtements

ariés.

Pour

ces

deux derniers

uteurs,

l

est clair

que

le

désordre du

monde,

dont

le

changement

estimentairest le

point

d'orgue,

vient

sanctionner

es

péchés

des hommes. La

transformationes

apparen-

ces,

dans ces textes

édigés

par

des hommes

d'Église,

est la

sempiter-

nelle

métaphore

des

«

malheurs

du

temps

.

Ces

quelques exemples

nt

été souvent ités

pour

dater es

trans-

formations estimentairesutourde 1340. Or, la date à laquelle les

auteurs

rapportent

es événements

écrits st différente 'un

texte à

l'autre,

eux-mêmes crivant des dates

éloignées.

Giovanni

Villani

donne 'année

1342

comme

point

de

départ

des modes nouvelles

enues

de

France,

mais

le mercenaire

ugé

responsable

de cette

mportation

n'a

servi

dans les

armées

du roi de France

qu'entre

1346 et

1356,

date

à

laquelle

il

est

tué

à la

bataille de

Poitiers.L'Anonimo

Romano situe

les

faits utour de

1347,

mais Stella

Mary

Newton

pense

raisonnable-

ment

u'il

écritune dizaine d'années

après

es

événements

écrits.Gil-

les le Muisi est

octogénaire

t

aveugle orsqu'il

commence

dicter

es

Annales

peu

avant

1350,

pour

les

terminernviron

rois ns

plus

tard.

John of Reading,qui poursuit a rédactiondes Chroniquesde West-

minster

partir

de 1346 et

jusqu'en

1367,

peut

être considéré

omme

un

témoin

des faits

rapportés.

Toutefois es

transformations

estimen-

taires

qu'il

décrit,

emblables

celles

que

notent

es

historiens

nglais

ou

français

our

des

époques

antérieures,

ontramenées

l'année

1365.

Pour être

«

précises

t détaillées

,

ces

descriptions

'en ont

pas

moins

un

ancragetemporel lutôt

flou,

qui

porte

évidemmenta trace

du

projet

historique ui

les motivent. ans

parler

des

variantes

égio-

nales

qui

ne sont sans doute

pas négligeables,

a

complexité

es rela-

tions entre

e

temps

de l'événement t sa mise en

écrit,

utrement it

sa transformationn objet historique, 'a pas été suffisammentriseen

compte par

les historiens u costume. En outre les sources des

auteurs sont

loin d'être uniformes

témoignage

direct,

souvenir

-

mais la mémoire ses faiblesses

t

ses raccourcis

,

récit d'un

tiers u

poursuite

'un travail

ngagé

antérieurement

ar

d'autres

per-

sonnes,

la

chronologie

de ces textes n'est

pas

sans

intérêtdans la

mesure

où l'on

appréhende

insi

une

parole contemporaine ui

est

aussi,

à l'instar de tout

discours,

reconstructionu monde.

En

dépit

de leurs

différences,

es textes

partagent

donc la même

attitude à

l'égard

du

comportement

estimentaire,

ui apparaît toujours

de la

même

façon

comme un

symptôme,

elui

du

monde

perdu

des ancê-

tres et celui d'un monde nouveau dont il faut prendre a mesure.

L'écriture

de

l'histoire

l'œuvre dans ces

récits,

omposés

et

rédigés

après

es événements

écrits,

e

préoccupe eu

des

transformations

es-

timentaires

roprement

ites,

qui peuvent

donc intervenir

des dates

différentesans

pour

autant

perturber

e

sens

de

l'Histoire.

Page 80: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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HISTOIREDU COSTUME 77

Au

demeurant,

uel objet

vestimentaireous

présente

a chroni-

que

?

Remarquons

tout d'abord

que

les auteurs

évoquent

davantage

des

silhouettes,

es attitudes

t

des

ports, que

des

pièces

à

propre-

ment

parler,

dont ils

ignorentparfois l'appellation.

La

rareté des termes

pécifiquespour

désigner

es

éléments

du

vêtir

est très

nette chez

les auteurs écrivant n

latin,

qui préfèrent

employer

es termes

énériques

els

que

«

vêtement ourt

»

ou

«

robe

courte au lieu

de

«

pourpoint

,

par

exemple.

En

revanche,

a chro-

nique

écrite n

langue vulgaire

tilise

plus

volontiers es

termes

ppro-

priés employés

par

les

contemporains.

e

vocabulaire de

ces textes

est d'une granderichessepour l'historien, 'autant que les auteurs,

à la différence es rédacteurs

d'inventaires,

mploient

rarement n

terme

pécifique

ans l'assortir

de

précisions.

Ainsi,

John

of

Reading

livreune véritable

escription

u

paltok

dans

lequel

on

reconnaît n

pourpoint

7

.

Parfois,

le vêtement ui-même

n'est

pas

nommé,

car le

change-

ment affecte

davantage

es

pièces

mobiles

que

sont les

chaussures,

a

ceinture,

e

couvrechef,

es manches. L'évolution

des modes

masculi-

nes,

aux

xive

et

xve

siècles,

est ainsi

marquée par

l'endroit

du

corps

porter

a

ceinture,

'inclinaison donnée au

couvrechef,

a forme

et le

port

des

manches,

ieu

privilégié

e la

nouveauté,

e

degréd'ajus-

tementdu vêtement u corps ainsi que, dans une moindremesure,

sa

longueur.

C'est

ainsi

que

les éléments

d'un

vestiaire ncien

peu-

vent nous

apparaître dentiques,

alors

que

leur

appellation indique

qu'ils

étaient

perçus

comme des

pièces

différentes. utant

dire

qu'on

ne

saurait

considérer es

objets,

qui

se

dérobent

oujours

à

la mise

en

écriture,

mais

plutôt

des réseaux subtils

de

relations,

des

sympa-

thies et des

incompatibilités

e

port, qui

révèlent

coup

sûr,

chez

le

porteur

de

vêtement,

a maîtrise es

apparences

ou son

ignorance.

L'illusion

figurative

L'histoire u costume

toujours

onfronté u

«

témoignage

des

écrits onservés

es

représentationsigurées ontemporaines.

ace

à une

parole

écrite devenue

parfois opaque, l'image propose

une vue de

1'

b

et-

êtement

ui

semble immédiatement

ccessible,

non

médiati-

sée

par

le

langage

et

s'adressant

directement,

ar-delà

les

siècles,

à

l'œil

du

spectateur.

ouvent,

'image

est ainsi sollicitée

pour

illustrer

et confirmer n

propos,

lui donner

corps.

S'agissant

du

vêtement,

ifficilementsolable en effetdu

corps

et des

gestes

du

porteur,

a

représentation

igurée

st

essentielle. 'est-

il pas cependantdésolant,à une époque où l'iconographie st deve-

nue un vaste territoire

e

recherches,

e la voir

réduite ce rôle

subal-

37. Mais

l

pense

unvêtement

orté

n

1365,

t non uxvêtementsécrits

ar

les taliens

our

es années 340.

Page 81: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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78

O. BLANC

terne Faut-il se

réjouir

de l'accumulation

des

images,

si

l'on

cons-

tate

dans le même

temps que

la constitution e

répertoires

e

contri-

bue

que

pour

une

faible

part

au renouvellement

es

questions

historiques

Ainsi es

publications

oncernante textile

u

l'habillement,

même

quand

elles

prennent

our

objet

les

représentations

igurées,

e bor-

nent

trop

souvent

un recensement

e la

chose textile ue

dans telle

ou

telle

peinture,

ans

s'interroger

ur la manièredont

l'image capte

cette chose38.

De la même manière

que

l'inventaire,

romu

au sta-

tut de

«

super-texte

,

a

pu

devenir 'étalon de

l'objectivité

'un docu-

ment écrit, l'image n'est sollicitéeque pour sa capacité à rendre

visuelle,

mmédiate,

a forme 'un

objet

dont a

connaissance emeure

ailleurs

dans le texte.

Étrange

dichotomie

ui

conduit à

privilégier

les

images

de la

fin

du

Moyen

Âge,

où les

realia envahissent

e

champ

de la

représentation

t serventd'alibi à une

passion

antiquaire

de

l'objet.

Or,

est-il encore besoin

de le

préciser,

a

peinture

u la minia-

ture,

mais

aussi,

plus proche

de

nous,

la

photographie39,

e

sont

pas

des instantanés

e la vie

quotidienneque

nous recevrions ans une

espèce

d'innocence

a-théorique.

Ce sont des tableaux autrement

it

des

«

ensembles ornés selon

la convenance

^,

des

compositions

dont l'ordre,pour être immédiatementrésent la vue, n'en exige

pas

moins une connaissance

à

l'épreuve

du

temps. L'opacité

de la

peinture

st en

ceci

comparable

à celle d'un texte

dont

la voix

nous

est

à

jamais éloignée.

Chercher t

comprendre

e

vestimentaire l'œu-

vre dans

l'image

comme dans le texte

xige

de travailler

ur

la

repré-

sentation,

t non sur un réel

à

jamais disparu.

Cela ne va donc

pas

sans

risques.

Nombred'historiens

u

costume

nt vite

admis,

par

exemple, ue

les vêtements

résents

ans les œuvresd'art leur sont

contemporains,

en vertu

de l'assertion courante

qui

dénie à

l'image

médiévale tout

effet de distanciation.Les acteurs des scènes bibliques sont ainsi« actualisés

»,

vêtus comme les

spectateurs uxquels

ces

images

sont

destinées.

C'est

aller un

peu

vite en faisant

fi de

certainsmodèles de

repré-

sentations

ui,

à la

fin

du

Moyen

Âge,

sont suffisamment

prouvés

pour

attirer

otre ttention.

Que

les bourreauxdu Christ oient nva-

riablement

eprésentés

ans

les vêtements ourtsdes

artisansmécani-

ques,

craquants

de toutes

parts

et

généralement

ariolés,

n'est rien

moins

qu'anodin quant

à

l'image

de ce vêtement elle

qu'elle s'expose,

à une certaine

date,

dans les manuscrits nluminés xécutés

pour

les

38. Par exemple'ouvrage 'Elisabeth irbari,Dress n ItalianPainting

(1460-1500),

ondres,

975.

39. Je

pense

ci,

bien

ûr,

la

photographie

e

mode,

ui

ne auraittre onfon-

dueavec e vêtement

u'elle

précisémentcharge

e

re-présenter.

40. Selon

a definitionAlbertiitee

ar

M.

Baxandall,

œildu

Quattrocento

tr.

fr., aris,

985

éd.

or.

1972).

Page 82: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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HISTOIREDU

COSTUME

79

princes.

Au XVe iècle en

effet,

e

pourpoint41

st redevenuun

vête-

ment de

dessous,

qu'on

ne saurait

arborer

que

dans des

circonstan-

ces

particulières,

ssentiellement la

guerre,

dans l'exerciced'un

ser-

vice curial ou d'un travail

physique.

Il

renvoie donc

davantage

au

monde

déprécié

du travail t de la

domesticité,

uand

bien

même elle

s'exerce

à la cour.

Pourtant,

es

grands seigneurs

u

XVe

t

du

xvie

siècles continuent e se faire faire des

pourpointspar

leur

tailleur.

Simplement

e

port

de

ce vêtement

changé,

l

n'est

plus

l'objet

d'un

engouement

xclusif dont les

chroniques

nous

ont

décrit

'impact.

L'image

est donc

précieuse our

nous faire

prendre

onscience u

port

et des attitudes estimentaires,t pas seulement 'une piècede l'habil-

lement

qui n'apparaît

amais

seule,

ni

pour

elle-même.

Les

précieux

pourpoints

es

inventaires,

utour de

1400,

ne

sont

guère

visibles

u'à

l'encolure ou aux

emmanchures,

e sorte

qu'il

est

difficile,

u

vu des

seules

images,

d'en

apprécier

a

matérialité.

L'effet

de

distanciation es

images

médiévales st

volontiers ori-

zontal

:

social avant

tout,

parfois géographique

les

deux

étant

sou-

vent

mêlés), plus

rarement

historique.

Ce

que

l'on

appellerait

aujourd'hui

«

l'effet

couleur locale

»

-

qui

ne va

pas

de

soi,

loin

s'en

faut

-

est en ce sens introuvable. our

autant,

tous les

person-

nages

ne sont

pas

uniformémentêtus.

La

Vierge,

es

prophètes,

t

tous les personnages elevant 'une surnature ontainsi vêtus de lin-

ges

aériens,

blancs ou

monochromes,

ont la

forme

peu

définie et

extrêmement

ouvante

n'appartient u'à

eux.

Et

dans

les nombreu-

ses traductions

rançaises

e Tite

Live

commandées t abondamment

illustrées

our

les

princes

du

xve

siècle,

es anciens

Romains

reçoivent

des vêtures

exotiques

qui

semblent

première

ue

étrangères

u

vestiaire

ontemporain.

n

réalité,

e

mode

d'association des

pièces

est

fort

emblable,

et

si ces dernières ncluent

un certainmerveilleux

commun

aux

récitsdes

voyageurs,

n aurait tort

de les voir

comme

des vêtements ans

lesquels

se donnent ibre

cours

«

rêveries

t

phan-

tasmes collectifs 42. L'image procède toujoursà un subtilbricolagedes

apparencesqui

n'est

pas

sans intérêt u

regard

des

pratiques

ves-

timentaires

ontemporaines.

Il

importe

nfinde

garder

présent

l'esprit

combien

ces manus-

crits

llustrés,

ivres

de

commandes t

objets

de

contrats

précis,

nous

montrent

avantage

des habitudes

picturales

n

matièrede

costume

que

des vêtements éellement

ortés.

Supposer que

le

peintre

'inspi-

rait de ce

qu'il

avait

sous

les

yeux,

y

mêlant

ci ou là un

peu

de

«

fan-

taisie

»,

c'est

prêter

ux œuvres

médiévales

un

naturalisme

arfaite-

ment

anachronique,

et

faire

peu

de cas du réel

qu'elles

donnent

à

voir non

pas

une

«

tranchede vie

»,

ni

un

«

point

de

vue

»,

mais

la représentation'un ordre social où la diversité, our êtrepensa-

41.

Qu'il

ne faut

as

confondrevec a robe ourte

lors rès n

vogue

armi

la

jeunesse.

42. F.

Piponnier,

oc. cit.

Page 83: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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80 O.

BLANC

ble,

est ramenée un ordre culturel amilier.Dès

lors,

la variété

des

usages

vestimentairesst

une véritable

métaphore

u

corps

social

qui

occupe

alors

la

réflexion

olitique.

l

s'agit

bien de

prendre

a mesure

des

différences,

t les

corps

vêtus

que

l'on observe dans

les manus-

critsdu

XVe

iècle sont

en

définitive

n nombre

imité,

ar

ils visua-

lisent des

ports

vestimentaires fonctionnels

(les

habits

courts du

courtisan,

a robe

longue

et

ample

du

sage, etc.).

L'occurrence

des

mêmes

vêtements,

ans ces

images,

atteste

du

succès d'une conven-

tion

picturale

omme de

l'image

du

monde

partagée

par

les comman-

ditaires

princiers

e ces livres43.

L'illusion matérielle

L'

ob

et-

êtement st ainsi

toujours pris

en

chargepar

une

parole

ou un

usage qui

lui donne son sens tout en le

privant

de

sa matéria-

lité.

À

cet

égard,

les restes

vestimentaires

ui

ont

échappé

à

la des-

truction u

temps,pièces

entières

u

plus fréquemment

ragments,

ont

la trace bien

réelle,

mais souvent

llisible,

de

son existence.De fait

ces

traces

sont

peu

sollicitées

par

l'histoiredu

costume,

alors

même

qu'elle

en

appelle

la résurrection.

l

est

vrai

que pour

la

période

ici

envisagée,peu de vêtements rofanesont été conservés, t l'éparpil-

lement

muséographique

es

fragments

extiles e facilite

pas

la

tâche

des

chercheurs. 'histoire

du costume

dispose

donc,

avec

les textes

et

les

images

contemporains,

'un matériau

plus

solidement

onsti-

tué,

et néanmoins

paradoxal puisque

sa

quête

demeure

e vêtement

et non

ses

représentations.

Plus

important

que

l'inévitable

disparité

des

sources,

il

faut

s'interroger

ur

le

fait

que

l'étude des

pièces

textiles

st l'affaire de

techniciens,

a

plupart archéologues

ou

spécialistes

textiles,

t non

d'historiens

roprement

its.

Or,

s'il

est relativement

acile d'établir

les composantestechniquesvoire les conditionsde fabrication 'unob

et-

êtement,l est plus malaisé, au vu de ces données,d'en

pro-

poser

une datation.

Quant

à

l'usage

de

cet

objet,

à

son

environne-

ment

culturel t

à

sa

portée historique,

ne relevant

pas

du

domaine

technique

à

proprement arler,

ls sont

renvoyés

ux

historiens,

u

bien à

la tradition

historique

lors en

vogue.

C'est ainsi

que

le

pourpoint

ttribué Charles de

Blois,

pièce

singulière

ont on

possède

peu d'exemplaires our

la même

période,

a fait

'objet

de travaux

techniques

écents ans susciter e

nouvelles

recherches

e

typehistorique

u

méthodologique.

n

1987,

a

restau-

ration de cette

pièce

a

donné

lieu à

l'établissement 'un dossier tech-

nique qui analyse l'étoffemais se pose peu de questionsquant à la

43. Le

portrait

st ansdoute

'image

ui

capte

e mieux es effetse

l'étoffe

et

a

composition

es

pparences,

out ommees hoix u

personnageeprésenté.

r,

ces

mages

récises

nt

eu

retenu

'attention

eshistoriens

u

costume.

erait-ce

ue

le réalismest

ci

partrop nigmatique

Page 84: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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HISTOIREDU COSTUME

81

formevestimentaire

lle-même,

omaine de

l'histoiredu

costume. En

1992

4

de nouvelles

propositions

ont faites

uant

à

la

provenance

e

l'étoffe,

ans

que

celle du vêtement

ui-même oit

abordée. Elle

n'a

pourtant amais

fait

l'objet

d'une recherche

ssidue,

et l'on

admet

encore

aujourd'hui

sans

la

moindre

ritique

a

thèsede

Louis de

Farcy

selon

laquelle

ce

vêtement,

ui

a

appartenu

Charles de

Blois,

pro-

vientdu

couventdes

Carmes

d'Angers

sans

que

l'on

sache

comment

il

y

est arrivé.

En

outre,

si l'histoiredu

pourpoint

est bien

connue

depuis

la

fin

du

XVIIIe

iècle,

on en

perd

la trace

pour

l'époque

anté-

rieure.Autrement

it,

nous

connaissons

ujourd'hui

cet

objet jusqu'à

la moindrefibre, ans êtrecapables de dire dans quel milieu l a été

fabriqué

ni

comment

l

est

parvenu

usqu'à

nous. La

connaissance

technique

de ce

vêtement,

isproportionnée

ar

rapport

sa

mécon-

naissance

historique,

st

d'un

moindre

ecours

l'égard

du

projet

tra-

ditionnelde l'histoiredu costume.

Cet

exemple,

sans doute non

unique,

révèle es

disparités

rian-

tes entre es

disciplines

t

les méfaitsd'une

atomisationde la

recher-

che dans un

domaine

où,

compte

tenu

de la diversité

es

matériaux

rencontrés,

ne collaboration entre

les

chercheurs emble la

seule

garantie

d'une

approche

cohérente.

Surtout,

l

montre

quel point

'objet-

êtement,

ui

a

fondé

cette

discipline u'est l'histoiredu costume,demeureen définitiventrou-

vable même

lorsque

sa

trace matérielle st

sous nos

yeux.

C'est dire

si un

vêtement,

ès lors

qu'il

n'est

plus porté

ni

pris

en

charge par

un

discours,

utrement it

objet

d'une

représentation,

esse de

signi-

fier utre

chose

qu'une pièce

d'étoffedont

seule

l'analyse

technique,

en

effet,

eut

rendre

ompte.

Ce constatdevrait

nous amener

réflé-

chir,

d'une

part,

sur notre ctuellemanie de la

reconstitution,

u'elle

opère

dans la

muséologie

omme

dans

le

cinéma,

dont

l'efficacité st

pour

le moins

problématique.

'autre

part,

cette

fascination

onstante

voire ce fétichisme e

l'objet,

alors même

qu'il

demeure

nsaisissa-

ble, montre 'urgencequ'il y a à reformuleres enjeuxd'une histoiredu costumedont

l'appellation

vieilliene

peut

à l'évidence

témoigner.

La

méthode,

n la

matière,

ne

consisterait-elle

as,

au lieu

d'amasser

les

reliques

d'une réalité

mythique,

s'ouvrirau contraire

l'imagi-

naire

transmis

ar

les

représentations,

uitte déployer

e

que

Michel

Foucault nommait

«

l'espace

d'une

dispersion

?

Musée

des Tissus de

Lyon

34,

rue de la

Charité

F-69002

Lyon

44.

Cf.

L.

Monnas,

oc. cit.

Page 85: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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82

O. BLANC

Odile

Blanc,

Histoire du costume

l'objet

introuvable

Cet article

propose

un examen

critique

des

méthodes et des

objets

de

l'histoire

u

costume

fin

d'en renouveleres

perspec-

tives.

Depuis

le

manuel de

Viollet-le-Duc,

es sources

privilégiées

de cette

discipline

emeurentes inventaires e

garde-robe

t

les

œuvres

d'art

contemporaines,

ans

une

moindre

mesure

es chro-

niques,

les textes

relevantdu domaine

littéraire

tant

toujours

suspectés

de trahir

a

réalité.

Or,

les

images contemporaines

e

sont

pas

une

photographie

du réel ni

les

chroniques

un

récit

documentaire,

out comme a riche

terminologie

es inventaires

ne se présente as sous la formed'un dictionnaire.Vouée à la

reconstitution,

'histoire u costume e

prive

des

moyens

e com-

prendre 'imaginaire

l'œuvre dans ces

documents.La mise à

l'écart

des

textes ittéraires st ici

significative.

n

laissant de

côté

le mode discursif

es différents

ropos

sur e vêtement

leur

statutde

texte),

on

ignore

a

façon

dont les

contemporains

en-

daient

compte

de leur

rapport

au

paraître

et,

par

conséquent,

les

enjeux

qui s'y

investissent.

Histoire du costume

-

Phénomène

vestimentaire Historio-

graphie

-

Méthodologie

-

Fin

du

Moyen Âge

Odile

Blanc,

History

of Costume The

Undiscovered

Object

This

article

proposes

a critical xamination f the

methods

used

and the

objects

treated

by

the

history

f

costume,

with

a view

to

exploring

ew

perspectives.

ince

Viollet-le-Duc's

manual,

the

main sources

for

this

discipline

have been

inventories

f war-

drobes and

contemporary

orks

of

art,

and in

a lesser

measure

chronicles,

while

literary

exts

have

always

been

suspected

of

betraying eality.

Contemporary

mages,

however,

re not

pho-

tographsof reality,nor are chroniclesdocumentary ccounts,

and

as

for the rich

terminology

f the

nventories,

t

is not

pre-

sented

n the formof a

dictionary.

he

history

f

costume,

by

limiting

tself

o

reconstitution,

lso

deprives

tselfof a

means

of

understanding

he

imaginative pirit

t work in

these docu-

ments.

The

disregard

f

literary

exts

s, here,

significant. y

passing

over

the

discursivemode of the different

ritings

n

attire

by refusing

hem their

tatus

as

texts),

one

ignores

how

contemporary

eople perceived

nd

expressed

heir

relationto

appearance,

and

consequently,

he concerns that

were

there

involved.

History

f

costume

Phenomenon f

dress

-

Historiography

-

Methodology

Late Middle

Ages

Page 86: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 86/164

Médiévales9,automne995, p.83-86

Nouvelle

de Giovanni SERCAMBI

présentéepar

Odile

REDON

SUFFILELLO DE MONTALTO, VOLEUR

OU

LE

STRIP-TEASE

CONTRAINT

DE

LA COMTESSE

D'ARTOIS*

L'an

1350,

u

temps

u

grand

ardonde

Rome,

non oin de

Romeen

un château ommé

Montalto,

n malandrinomicide e méchante

ondition,

nommé

uffilello,

ommandaitne bande de

vingt

malfaiteurs,

oleurs t

homicides

ui

contrôlait

a route.

es

personnesui passaient

ans bonne t

forte scorte taient évaliséesarSuffilellotsescompagnons,ui les con-

duisaient

n

haut

d'un

gouffre

e la

montagne

t de

là les

etaient

n bas.

Ainsi

passait

eurvie.

Le Pardon vait

déjà

commencé

epuis

un certain

emps,

eaucoup

de

pèlerins

enant e divers ieux 'étaient endus Rome et de

jour

en

jour

beaucoup

'autres

rrivaient,

uand,

u moisde

mai,

un

gentilhomme

ran-

çais

nommée comte

'Artois,

vec sa très

eune

femme

ppelée

ame

Blan-

che,

rriva vec environ ouze hommes

cheval u

château e Montalto ù

se trouvait

e malandrinuffilellovec ses

compagnons. oyant ue

le

comte

et ses

gens

étaient

rrivés un

passage

difficile,

l

pensa qu'il

était

emps

de les

prendre

t ls se mirentussitôt n embuscade.

uand

e comte rriva

au

passage ritique

vec sa femme t ses

gens,

es malandrins

urgirent,

ls

assaillirentance en main le comteet ses compagnonst en touchèrent

plusieurs.

La femme

u

comte,

oyant

e comte

ssailli t

plusieurs

e leurs

gens

désarçonnés,

e savait

ue

faire. urvint

uffilello,

e chefdes malandrins

de la

poignée

e la lance

l

frappa

ame Blanche

u

côté,

si

fort

u'il

la

fit omber e cheval.

l la

prit ar

e braset a conduisitn hautde la

mon-

tagne,

isant sa bandede tuer es hommes u de les faire

risonniers

t

de voler es chevaux t les

équipements.

Les malandrins

ombattaient

aillardement,

e

comte

t es

siens e défen-

daient

igoureusement

vec

e

peu

d'armes

u'ils

avaient. e

comte ésista

*

TexteriginalansGiovanniercambi,ovelleéd. G. Simicropi,volumes,Bari1972, ouvelle4,vol.1,pp.366-369.otonsu'une utreomtesse'Artois,

innommée,

st 'héroïne

e la nouvelle

8,

pp.

384-387,

ansune utre istoiree

banditisme.

a nouvelleci

raduite

st

ignaléear

Robert

elort,

Le

commercees

fourrures

n Occident la

fin

du

Moyen

ge

2

volumes,ome,

efar

1978,

ol.

1,

p.

373.

Page 87: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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84 O. REDON

au mieux

mais,

voyant

es siensmal

partis, lus

de la moitié

éjà pris,

es

autres

rès

de

l'être,

l

décidade fuir

ar

l

se sentait

ssuré ur on cheval.

Il

dit aux siens

«

Sauvez-vous

»

éperonnant

on

cheval

l

se

dirigea

ers

un

pays qui

se trouvait

un

millede distance il

chemina

our y

arriver

et

il

y

trouva ne

troupe

e cavaliers t de

gens

de

pieds,

ui

étaient

enus

pour

ssurera sécurité e ce

passage

fin

d'éviter ux

pèlerins

t

aux autres

de se faire uer u voler

par

Suffilellou

par

d'autres. l

vit a

troupe

t

raconta

e

qui

lui était rrivé

aussitôt

e

capitaine

it rmer

es

troupes.

Tandis

que

le comtemarchait t

que

les

troupes 'armaient,

uffilello

avaitconduita

comtesse lanche

u sommet u

mont,

n

hautde ce

gouf-

fred'où

il

avait

'habitude e

jeter

es

personnesu'il

avait

dévalisées,

fin

que l'on n'entendîtlus amais parler 'eux.Quand l l'eutconduiteà, il

vit

qu'elle portait

n

beau

manteau

« palandra

)

et

il

lui

dit

«

Femme,

nlèvee manteauar

e

veux

u'une

emes

ervantesn

profite

.

La

femme

ar peur

retira

e manteau t restavêtue

d'une belle

cotte

gamurra

)

à

laquelle

elle

avait

suspendu

ne bourse

ui

contenait 00

francs 'or. Suffilello

mit a

main,

l

prit

es

pièces

t les mit

dans

son

escarcelle t

il dit

«

Retire ette otte

ar

e

la

veux aussi

pour

ma

servante.

La comtesse it

«

Par Dieu

et

par

saint

Pierre,

ous ne voudrez

as

que j'aille

nue et

sans cotte

.

Le malandrinvait

trop

enviede l'avoir

il

dit

« Si tu ne l'enlèves as, je te tue»

La comtesse

n

pleurant

nleva a cotte t elle resta

êtue 'un très

eau

pelisson

e dos de

vair.

À

sa

vue,

e malandrin it

«

Ceci me

sera fort

tile

pour

me couvrira

nuitdans les bois

».

Et

il dit

«

Enlève out de suite e

pelisson

ar

e

le veux

pour

moi ».

La

comtesse,

ui

ne

peut

faire

utrement,

it

«

Jete

priepar

Dieu et

par

saint ierre e me

aisser u

moins

a

puis-

que

tu

as

eu tout

e

reste,

our

que e

n'aille

pas

en

chemise,

e

qui

ne con-

vient

as

à une

femme.

L'orgueilleux

alandrine

lui

fitretirerous la

menace.

La comtesseremblante

esta

êtue 'unechemise

rès ine

sous

aquelle

on devinait es chairs ant a chemise taitfine tblanche) et lui,ne vou-

lant

pas

la

perdre,

it

«

Retire ette hemise ar

e

la veux

pour

moi».

La comtesseui

dit n

pleurant

mèrement,

genoux

t

es bras n croix

«

Je te

prie

de ne

pas

contraindrea comtesse 'Artois

allernue en

paysétranger

t

par

notre ieu et

par

saint

Pierre,

e

te

promets

e te

par-

donner outce

que

tu m'as fait .

Sans

pitié

e malandrinui dit

«

As-tu

ompris

e

que e

te dis ? Retire ussitôt ette

hemise t réflé-

chis

quand

tu l'auras

enlevée,

e

te

etterai

ussitôt n bas de

ce

gouffre

et

jamais

plus

tu n'auras besoinde chemise

i

de

vêtements.

La comtessevaitbien ntendut se

rappela

a

parole

de Dieu

«

Aide-

toi, le ciel t'aidera . Ayant epris ourage, lle dit

«

Puisque

u as décidéde me

eter

insi,

e

vois

que

e

n'ai

plus

besoin

de la chemise

i

d'un autrevêtement

je

vais donc

'enlever ans

attendre,

mais

e

te

prie

u moins e ne

pas

chercher

contempler

a

honte ant

ue

je

ne serai

pas

dévêtue .

Page 88: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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LE STRIP-TEASE

E LA

COMTESSE

85

Le malandrin it

«

Cela

je

veux

bien,

ar

e

ne cherche

as

à voir a honte

mais

e

veux

faire

mes affaires.

Il

se tourna

ers e

gouffre

t la

comtesse,

uand

elle e vit

tourné,

e

frappa

ans es reins vec

ses mains t le fit

omber u bas du

gouffre.

e

gouffre

vait

près

de

500

bras de

profondeurenv.

285

m),

sans

rien

pour

arrêter

a chute le

malandrin

uffilello

'y

fracassa.

a

femme

oue Dieu

et

e

prie

de lui faire etrouverivant on mari e comte

'Artois,

uisqu'elle

a

tué

le traître.

Tandis

que

la comtesse

gissait

insi vec e

malandrin,

e

capitaine

e

la

troupe

t le comte inrent l'endroit ù l'escorte u comte vait

un bon

momentésisté. eu avant e retour ucomte,es siens vaient tépris,maisles

brigands

'avaient

as

encore

uitté

es lieux aux

gens

du comte ls

avaient

ié les mains t ils

commençaient

montera côte.

Quand

e

capi-

taine t e

comte

rrivèrent,

es malandrins

urentous

pris

t ceux

ui

étaient

enchaînésurent

éliés.Ne

voyant

as

eur

hef,

'est-à-dire

uffilello,

e

capi-

taine

eur demanda e

qu'il

en étaitde lui. Ils dirent

«

Nous ne savons

pas,

maisnous 'avonsvu

qui

montait ur

a monta-

gne

avec une dame

.

Le

capitaine

t le comte ussitôtmontèrentur a

montagne our

trou-

ver e chef

es malandrinsle comte

riait

ieu de

réussir

prendre

e chef

aussi bien

qu'il

avait

pris

es autres t de retrouvera

comtesse.

Chevauchant

u

trot,

ls arrivèrentu bord du

gouffre,

ù ils trouvè-

rent a comtesseui était n chemise t cherchait se vêtir. uandelle eut

conté a

nouvelle,

e

capitaine

it

endre

es maladrinsn

présence

u

comte.

Le comte

ui

se

voit

vengé

it

au

capitaine ue

le chefdes malandrins

avait

pris

sa femme 00 francs 'or et

qu'il

les avaitmis

dans son escar-

celle

il

le

priait,

n remerciementu service

endu,

e les

prendre

t de les

garder our

ui,

et

il

ajoutait

ue,

s'il

passait

ans son

pays,

l

lui ferait

e

beauxcadeaux.

Le

capitaine, ui gardait

e désir e

pendre

e chefde

ceux

qu'il

avait

pendus,

nvoya

es

gens

u fond

u

gouffre.

ls

trouvèrentuffi-

lello vec

plus

de

cinquante

ersonnesu'il

avait

uées.

l

fut onduit

u

gibet

et à

pendu

u milieu es autres. e

capitaine

rouva es

300

francs,

lla

près

du

comte,

'accompagna

ur ces terres t le recommanda Dieu.

Le comte t la

comtesse

rrivèrent

Rome,

a comtesse e confessa

u

meurtreu malandrint futpleinementbsoute. ls retournèrentans eur

pays

et là ils

prirent

u bon

temps.

Traduit e l'italien

ar

Odile

REDON

L'épisode

se

passe

sur une route de Maremme entre

Toscane et

Latium,

une aire connue au

Moyen

Âge pour

les

difficultés

e com-

munication

enant u

relief

t

au climat

et

pour

l'insécurité

es vas-

tes

espaces

vides d'hommes.

Les

voyageurs,

n

particulier

es

pèlerins

qui approchaientde Rome, connaissaient e danger. Inutilede cher-

cher e

«

fait divers

qui

pourrait

tre à

l'origine

de la

nouvelle

que

vous venez de lire

l'agression

de

voyageurs

fortunés

la

traversée

d'un bois était un

risque

normalement ncouru et

affronté.

Mais

le

ton du

récit

frappe.

Page 89: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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86 O. REDON

Le

Lucquois

Giovanni Sercambi a

conçu

son recueil de

nouvel-

les dans

la dernière nnée du

XIVe

siècle,

quand

il

a

déjà passé

la

cinquantaine.

Sa

position politique

est

assurée

à

Lucques,

il

sou-

tient,

dans l'exercicedes institutionst

par

la

plume,

a

seigneurie

es

Guinigi

il

a

déjà

écrit a

première

artie

de

sa

Chronique

de Luc-

ques

commencée

en

1368.

Le cadre

qu'il

donne à

ses

nouvelles,

ur

le modèle du

Decame-

ron de

Boccace,

les

place

sous

le

signe

du

voyage, puisque

la

compa-

gnie

qui

écoute

quotidiennement

e

narrateur e

déplace

en

Italie,

de

ville en

ville,

pour

fuir

a

peste

de 1374.

L'aventuredu comteet de la comtesse 'Artoispourrait trevraie

et le ton du récit ientréellement u

fait

divers,

otalement énué de

dramatisation

t d'affects le comte

cherche

'efficacité ans la fuite

sans

chercher

'exploit chevaleresque

ui

le

sacrifierait

our

sauver a

vie et l'honneurde sa femme la

comtesseBlanche tente

de défendre

sa vêture ans

effarouchement

xcessif,

n

invoquant

a convenance

plus que

la vertu le bandit vole avant de tuer car il

ne

veut rien

gaspiller,

l

ne montre ucun

signe

d'émoi devant e

jeune corps

fémi-

nin

que par dépouillement

uccessif

l

approche.

Au

terme,

a

femme

a

gardé

l'ultime vêtement

t

la vie

;

l'or

volé est

récupéré

et force

reste

à la loi.

La courbenarrative tteint on sommetdans l'affrontementuel

entre e bandit et la

femme,

ù

la violence éclate

dans les mots

qui

menacent t déclassent.La

dénudation

n

forme

d'inventaire,

onne

sens à

chaque pièce

du

vêtement,

restige

t

richesse

du

manteau et

de la

cotte,

confort ntimedu

pelisson

de

«

gris

»].

Avant

l'explo-

sion

de la

nudité

a force

'inverse,

essaisie

ar

la

noblesse t le

droit,

envoyant

la mort

qui

menaçait

de mort. La

comtesse en

chemise

a

défendu

son

corps,

sa

vie,

sa

caste.

Département

d'histoire

Université e Paris VIII2, rue de la Liberté

F-93526

Saint-Denis Cedex 02

1. Le nom e

«

gris

estdonné u dos de vair

ui

est

gris

leuté,

la diffé-

rence u

ventre

ui

est blanc t dit

«

menu air

,

voirR.

Delort,

op.

cit.ad

indicem.

Page 90: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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Médiévales9,automne995, p.87-104

Laurence GÉRARD-MARCHANT

COMPTER

ET NOMMER L'ÉTOFFE

À FLORENCE AU TRECENTO (1343)

La Prammatica

del vestire st un manuscrit

lorentin out à la

fois fameux t

ignoré.

Ce

titre,

ésormais

raditionnel,

ésigne

n enre-

gistrement

otarial

décrivant e trousseau soumis

à une taxe

spéciale

à l'automne

1345,

description ui occupe

les trois

quarts

d'un

volume

actuellement

onservé à

l'Archivio di Stato de Florence1. Le terme

de Prammaticaest d'ailleursune généralisation uelque peu abusive.Nous avons choisi de le

conserver,

malgré

on inexactitude

uridique

ce n'est

pas

la loi à

laquelle

on

pourrait

'attendre

ui

se

trouve en

effet ci

consignée,

ien

que

les notaires

y

fassent

éférence,

mais son

application

sur

plus

de 300 feuillets e

succèdent,

raison de

2

à

15

par page,

des listes

de

garde-robes

vec mention

pour

chacune

d'elles de

l'identitédu détenteur

presque

toujours

une

femme),

de

son lien

familial,

de son

quartier

u

plutôt

de sa

paroisse,

puis

quel-

ques

enregistrements

e

guirlandes

t

garnitures

e

coiffures,

lles aussi

estimées

de luxe

»,

enregistrées

t

marquées

du sceau de Florence

de la même

façon

que

les

vêtements.Ces feuillets onstituent

9

cahiers,à l'origine ndépendants, hacun de 12 à 24 pages ; ils sont

reliés à deux

autres cahiers

plus épais,

où sont

enregistrés

es

procès

concernant

a

parure,

et

d'autres

dispositions ui

relèvent ette fois

de

la

législation

omptuaire

oncernant es

banquets

et

les

pompes

funèbres.

'est à une

première

tude du début du manuscrit

ue

nous

nous bornerons

ci,

autour du thèmedu costume soit les

cinq pre-

miers

cahiers dans

l'ordre où ils se

présentent

ctuellement

folio

1

à

89) rédigéspar

le notaireBartolo fils

de Ser Bene di

Bruno

di

Ves-

pignano

folio

1

à

86

v°).

Cette

première

ecture evrait

réparer,

ous

l'espérons,

a

publication

de l'ensemble du volume

-

ou au moins

1. Désormaisbrégé SF.Lemanuscritst ctuellementlassé ous a cote Giu-dicedegtippeltii nullità17. on atin,rès nfluencéar a langue ernacuîaire,

nous conduite

citer ne

artie

es ermeson

as

u nominatifomme

l

est

'usage,

mais

ux as où e mot

pparaît

nous e savons

as

encore,

ar xempleour

ru-

chisi

'il

s'agit

'unfémininu d'un

masculin,

i

comment

éclinerne

formeussi

peurégulière

u'

rsi

us,

u encore

ompassi

us,

tc.

Page 91: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 91/164

88 L.

GÉRARD-MARCHANT

de la

plus grosse partie,

concernant e vêtement et la

réalisation

d'autres

études en

coopération

vec les

historiens 'histoire

ociale2.

Tous

les résultats

résentés

ci

sont

partiels,

l

s'agit pour

nous à cette

étape

d'achever de saisir e manuscrit t de mettre

u

point

des

gril-

les de lectures fficaces

t

cohérentes

our

traiter

'information on-

cernant 'étoffe.

Le

courageux

E. Rodocanachi fit un travail de

pionnier,

puis-

que,

dans

l'appendice

de La

femme

italienne

publié

en

1907,

il

reproduisit

uelques

extraits e la Prammatica le

préambule

du

pre-

mier

notaireBartolo

qui explique

a

procédure

u

plombage

des vête-

ments permettante reconnaître ltérieurementes fraudeuses ui se

sont

soustraites

la

taxe)

au tout début du

manuscrit ensuite un

peu plus

d'une trentaine

'enregistrements,

e

présentant

omme

un

texte

ontinu,

puis

ailleurs

quelques

autres

fragments.

n

fait

l

s'agit

d'une suite de

sondages ponctuels quelquefois

eux-mêmes

ncomplets

et avec

quelques interpolations)

ffectués ans les

40

premiers

euil-

lets condensés

en 2

pages.

Le lecteur

pouvait

se faireune

bonne idée

du

type

de document

concerné,

mais à cause de cette

sélection na-

vouée,

la

garde-robe

de chacune

des femmes itées semblait e limi-

ter à deux ou trois tems

u maximum t un certain

nombrede

motifs

textiles e trouvait

également implifié.

Paolo d'Ancona4 en 1906 publiait de son côté - cettefois à

l'identique

-

les

7

premiers

euillets soit

quelque

2 %

du

manus-

crit

il

en

faisait

une

présentation

uccincte,

nthousiaste t intelli-

gente,

nvitant

es lecteurs

poursuivre

'étude en insistant ur e

fais-

ceau d'intérêts

mpliqués

histoire

du

tissu,

des

familles,

des

quar-

tiers,

des

revenus, bref,

une mine.

Il

semble

qu'il

n'ait

pas

été

entendu,

mais c'est à

son édition

qu'ont

pu

se référer d'excellents auteurs comme Rosita Levi-

Pisetzky5

dans le

champ

de

l'histoiredu

costume,

elle-même

estant

à

juste

titre a

référence

magistrale our

les historiens 'art. Le

carac-

tère

répétitif

u

document,

'écriture

uelquefois

bâclée des

notaires,leurs abréviations t, depuis l'inondation de l'Arno en 1966, l'état

assez

pitoyable

du volume

remisé

un

long

moment vec

les

irrécupé-

rables,

ses nombreuses

pages

délavées

ont dû

découragerplus

d'une

curiosité.Mais

de nouvelles

techniques

ont

apparues

la

lampe

de

Wood

permet

de

lire

aux

ultra-violets es traces d'écriture

décolorée

et laisse

espérer

insi la

récupération

e

plus

de 95 % du

texte. Sa

saisie

en cours sur ordinateur

ermettra

e

multiplier

es

analyses

et

2.

Cette echercheoit

tre

ffectuéeu cours

e

l'année

995-1996,

la Villa

I

Tatti,

ue e

tiensci à remercier.

3. E.

Rodocanachi,

a

femme

talienne

l'époque

e a Renaissance

sa

vie

ri-

véeet mondaineson influenceocialeParis, 907, p. 127-129,t Appendice,

pp.

345-349.

4.

r

D'Ancona,

e vestieiie onne

iorentine

el ecoloXI

v, rerouse,yuô,

(Estratto

allaMiscellaneauziale

errari-Tonioli).

5. R.

Levi-Pisetzky,

toria

el

Costume

n

talia

Milan,

966,

t.,

t.

I.,

pp.

94,

95, 105, 09,

113.

Page 92: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 92/164

COMPTER

T

NOMMER 'ÉTOFFE

89

de rendre

plus

facile,

plus rapide6,

un travail

qui paraissait

à l'ori-

gine

trop

long

et

désespérant.

Pour

l'historien 'art ou celui des

textiles,

'une des

richesses

u

texte onsiste outre a

longueur emarquable

de cette

iste

-

dans

le fait

que plusieurs

notaires

ont

été

employés7,

tilisant

des

expres-

sions différentes

our renvoyer

raisemblablement la même

étoffe,

que

l'on

espère toujours pouvoir

dentifier.

es

notaires vaient cer-

tainement

ussi

le

souci d'éliminer oute contestation

ltérieure. 'où

leur très

remarquableprécision,

bien

plus

prolixe

que

les

inventaires

de

l'Europe septentrionale

e référant

rièvement u

«

Drap

de

Dap-

mas de Lucque »8.

La

garde-robe,

premièreshypothèses

t

premiers

ésultats

Les

femmes

et les

notaires

Une

première

tude des

1034

enregistrements

u notaire Bartolo

permet

déjà

d'observer deux

phénomènes

usqu'ici

non

repérés

l'ampleur

de certaines

arde-robes

t la récurrence e

nombreuses

den-

tités.

Enregistrée

u

cours

d'une même

séance,

la

garde-robe

de

Domina Taddea, épouse de Vita Marchi, comprend13 items.Cinq

autres femmes eulement nt fait

plomber

12

vêtements 'un

coup.

Mais le record

d'items semble détenu

par

Domina

Ghessa,

épouse

de

Pinuccio di Giannotto

Guidalotti,

itée

à

cinq reprises:

vec

déjà

six

items

a

première

ois, soit,

addition

faite,

quatorze

pièces

dont six

guarnachie surcottes ui

s'avèrent

orrespondre

des

tuniques)

t

une

cotte avec

en

outre deux

manteaux,

e second

étant de samit ver-

millon,

assorti à sa

guarnache.

La

garde-robe

axable connaît

cependant

des

variations onsidé-

6. Jevoudraisemercierci 'ensembleu

personnel

e

'ASF

pour

a

gentillesse

et adiligence.evoudraisgalementemerciera fondation.-P.Gettyonta bourse

de recherche

ost-doctorale

'a

permis

e commencer

'étudeu

manuscrit,

. M. Pas-

toureau

our

es

ncouragements

éitéréshaleureusementans es

irconstancesif-

ficiles,

meC.

Klapisch-Zuberour

es conseils ombreux

oncernante déchiffre-

ment e

'onomastique,

insi

ue

esformulesraditionnelles

Florence

ndiquant

e

statut

ocial,

.-Cl.

Maire-Vigueurour

e

qui

relèvee a

terminologieuridique,

nfin

l'ensembleu

personnel

e a

bibliothèque

e 'École

rançaise

e Rome t celle u

Kunsthistorischesnstitut

Florence,

nne-Marieurcan-Verkerkt MmeO.

Redon,

pour

es

suggestions

oncernanta mise n formee cet rticle.

7. Ceux-cie mettentu travailimultanémentt a

présence

e

quatre

otaires

pour

es istese vêtementsemble

ndiqueru'ils

oivent

'occuper

hacun'un

uartier

conformémentu

retour

la

quadripartition

e la cité écidé n août1343.

8. Ci. M.

Braun-Ronsdorf,

Seidendamaste

,

Ciba-Rundschau

120,

955 sur

« la terminologieienmpréciseesdraps enAnjou, rovencetBourgogneprès

1350,

f.F.

Piponnier,

La consommationes

draps

e aine ans

uelques

ilieux

français

la

fin

u

Moyen ge

,

Produzione

consumo

ei

panni

i

ananei ecoli

XI1-XV11Ia cura i

Marco

pallanzani,

stitutonternazionalei Storia conomica

Francesco

atini, lorence,976,

p.

423-434,

ui

comporte

ussi es

ndicationsur

les soieries.

Page 93: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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90 L. GÉRARD-MARCHANT

rabies

quant

au nombre de

pièces,

suggérant

es

différences

e for-

tune,

mais aussi des

types

de

choix

bien distincts

our

certaines em-

mes des

goûts

et des couleurson ne

discute

pas.

Ainsi,

Domina Lisa

épouse

de

Lando

di

Segna aubergiste

e semble

posséder

u'une guar-

nache taxable

(et mi-partie)

mais

trois

capuchons

qui

le

sont

égale-

ment t

même,

une

fois,

une

femme st

nommée

pour

la

simple

pos-

session d'une

guirlande9.

En

revanche Domina

Tona,

épouse

de

Francesco di Giovenco

de'

Medici,

apparaît

une

première

ois

pour

trois

articles e 31 octobre

1343,

puis

le

3

novembre,

pour

un com-

plément

de deux

pièces

suggérant

ette

fois

le

rested'une

garde-robe

d'apparencemoinsexcentrique,mais sans doute toutaussi luxueuse

pour

une

guar

ache et une

tunique

de samit

vermillon,

oit la tenue

d'apparat

convenue de la

patricienne,

êtement

ui réapparaît

très

régulièrement.

En

ce

qui

concerne

'estimation conduire

des

investissements

familiaux oncernant a

parure,

ndiquons déjà par

exemple

e cas de

la fille

Niccholosa

de la

dame

Ghessa Guidalotti

précitée,

dont le

trousseau est

décompté

à

part

comme

l

est

d'usage

tout au

long

du

manuscrit

accompagnant

ou non

sa

mère,

elle

apparaît

trois

fois.

La famille

Guidalottirevient rès ouvent

dans le

manuscrit c'est un

trio dont

l

s'agit

le

3

novembre

immédiatement

près

Domina

Tessa

et sa filleNiccholosa, vient une cousineNella, pour une seule tuni-

que mi-partie,

ux décor et

couleurs

ependant

ien

individualisésmais

sans

rapportchromatique

vec la vêture

des deux

autres

femmes

u

avec le reste de la famille.

En

revanche,

partir

des

sept premières

pages publiées

par

P.

d'Ancona,

Diane Owen

Hugues10

avait

pu

remarquer éjà

des

répétitions eut-être

ignificatives

our

des dames

et

demoiselles

Albizi.

C'est exactement e

type

de

recherches

ue

la

saisie du manuscrit a

permettre

'entreprendre

ystématiquement.

Des matières t des

tissages

«

traquer

le

luxe ou ses

signes

En ce qui concerne es étoffes, e notairesemble se reporter

deux

grandes

catégories

ssez

hiérarchisées

les

panni

et les

drappi

Les

drappi

sont

apparemment

eaucoup plus

luxueux,

présentant

éné-

ralement

es décors

uxuriants,

ouvent

ntroduits

ar

la

formule ile-

vati

(rehaussés,

ornés,

damassés11)

n

campo

(sur

fond de

telle cou-

9.

(f°

84r°

,

997)

soit e numérou

feuilletecto u

verso,

le

manuscrit'a

étéfolioté

ue

tout écemmenturnotre

emande

ar 'Archivio),

e numéro

'appa-

rition ans a

page

de

chaque

nregistrementde

1

usqu'à

ventuellement

5),

puis

le numéro

'apparition

ans a liste

rise

ans on

nsemble.lusieursndex

nomas-

tiques

n

préparation

ermettront

e

retrouveracilementes

femmesitéesci omme

exemple.10. Cf.D. Owen

Hughes,

Sumptuary

aw nd ocialRelationsnRenaissance

Italy

,

dans

Disputes

nd

Settlements,

aw andHuman

elations

n

theWest

éd.

J.

Bossy,

ambridge,

986,

p.

69-87.

11.

Cf.

François

'Albertie

Villeneuve,

e

Grand ictionnaire

rançais-Italien

composé

ur esdictionnairese

'Académie

rançaise,

tde

'Académiee

a Crusca

Page 94: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 94/164

COMPTER

T NOMMER 'ÉTOFFE

91

leur).

Les

panni

peuvent

tre de

soie,

de soie dite

sergée,

ou encore

de laine. Ils sont

unis,

ou avec des décors

modestes,

ouvent

géomé-

triques.

Sans

spécification

e matière

particulière,

ls

s'accompagnent

d'une doublure de

soie,

d'un ruban

précieux,

ou sont

juxtaposés

à

un tissu

plus précieuxpour

former n

mi-parti,

omme

nous allons

le

voir

plus

loin. Aux

drappi

manque systématiquement

a

précision

de la

matière,

sans

doute

parce qu'elle

aurait

paru

redondanteau

notaire. Leur décor enlève

tout

doute,

et

nous avons traduit

drappi

par

le termede

damas,

pour

bien les

distinguer

es

panni pour

les-

quels

nous avons

gardé

e terme raditionnel e

draps.

Le terme

ech-

nique et modernede lampas12est toutefois e qui conviendrait eut-

être le mieux

à

ces

drappi plutôt

que

l'habituel

damas

bien connu

du

grand

public.

Pour les

drappi

utilisés

n

doublures,

uand

ils sont

unis ou

simplement ergetés,

nous avons

préféré

onserver

pour

le

moment

e terme

générique

de

soieries,

ainsi

qu'exceptionnellement

lorsqu'ils

sont utilisés

our

des

cottes,

out en étant

ussi

simples

dans

leur décor à

ceux, nombreux,

ui portent

des motifs on sur

ton,

l'appellation

ancienne de

diaprés

conviendrait ans doute très bien.

Les samits catasciamiti

t

sciamiti)

e trouvent

ncriminés

onfor-

mément de nombreusesois

somptuaires,

t eur

imple ossession

uffit

pour

que

le notaire es fiche.Le termemêmede samit

déjà

fait ouler

beaucoup d'encre dans le passé13, t ces tissusd'habitudeépais, à tis-

sages qui multiplient

es

trames,

prennent

ci

quelques caractéristiques

assez déconcertantes

la

plupart

es samits écrits

ar

e

premier

otaire

sont

d'une

seule

couleur,

ans

indication e

décor

ni

de matière.

l

faut

donc

en conclure

u'il

va de soi

qu'ils

sont en

soie,

selon une

propor-

tion dont

e

notaire

ne tient

as

compte

4,

t

que

l'effet e texture

ar-

Naples,

835,

vol.

abrégé

ci

GDFI)

à rilevato

donne,

armi

es sens

ossibles,

«

relevé,rné, rodé,

nrichi/....

damassé/.../,

istingué,

emarquable

. S.

Battaglia

cite

ans atti i Cesare

fin

u

xiiie

iècle),

39

«

Vestita

ra

d'un

drappo

'oro

a rilevate

igure,

eravigliose

vedere.

{Fatti

i

Cesare

a

cura

i

L.

Banchi,

olo-

gne1863.)

f. S.

Battaglia,

Grande

izionario

ella

ingua

taliana

Turin,

961.

12.Telle uepar x. 'utilisentrigitteietzel,talienischeeidengewebees13.,

14.

und 5. Jahrhunderts

Kataloge

esDeutschenextilmuseums

refeld,

and

1),

Cologne,

984 Barbara

arkowsky,

unstgewerbe

useumer tadt öln Euro-

paische eidengewebe

es

13.-18.

ahrunderts

Cologne,

976.

13. Cf.

Francisque-Michel,

echerches

ur es

étoffes

e

soie,

d'or

t

d'argent

pendant

e

Moyen ge,

vol.,

Paris,

852

t

1854 E.

Parisēt,

Histoire

e

a soie

Paris, 865,

euxième

artie,p.

383-384.

our

ne

nalyseechnologique

t

histori-

que

récentee leur

volution,

f.

B.

Tietzel,

p.

cit.,

e

chapitre

ber ie technis-

chen

Voraussetzungen

er talienischeneidenweberei

es

13.

und

14. Jahrhunderts

pp.

54-75. our

a définitionctuellee ces issus

médiévaux,

ondée

ur

eur

exture

à base e

«

flottés

e trameiés n

ergés

,

cf.CentrenternationaluTextile

ncien

(CIETA),

Vokabular

er extilen

echniken,

eutsch,

nglisch,

ranzösisch,talienisch,

Spanisch,

chwedisch

Lyon,

971,

ocabulaire

rançais,

yon,

.d.

14.Principalemente oie,es amitsnt ouventes exturesêlées.f. es chan-tillonsubsistantsfils e rame'or tde

oie,

onta chaînest

ependant

n

in,

ar

exemple

ans

.

Tietzel,

p.

cit. ur es toffes

étérogènes,

aureenennell

azzaoui

indique

es

mélanges

oie

tcoton

our

es

amits,

ais

l

s'agit

e couverturesu de

dais.

f.M.

Fennell

Mazzaoui,

he talian otton

ndustry

n

he atter

iddle

ges,

1100-1600

Cambridge,

ondres,

ew

York,

tc., 981,

ppendice

I,

p.

166.

Page 95: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 95/164

92

L.

GÉRARD-MARCHANT

ticulier ce

type

de

tissage

ainsi

que

leur

belle couleur

les rendent

attrayants.

ien

que précieux,

Pun

d'eux

est

pourtant

ppelé

pannus

sciamitus.

Les

guarnaches

vec

leurs

tuniques

ssorties e

couleur

ver-

meil

(vermilii)

araissent

onstituer ne

sorte de

garde-robe

e

base.

Leur

rouge

est

quelquefois

dit

sanguini

Beaucoup plus

rares,

certains

samits sont de

couleur

pourpre,

un

autre est

jaune,

un

autre

bleu

velouté

employé pour

des

rubans ou un

mi-parti,

uelques

autres

veloutés.

Utilisésdans

des

combinaisons

mi-parties

u

écartelées

igu-

rent

des samits

verts.

Quelques

samits sont

rayés.

Au

contraire

es catasciamiti

qui

sont

parfois

d'ailleurs

complé-

tés par le termede drappi désignent resquetoujoursune étoffe

décor

géométrique.

On

sait

qu'il

est

impossible

dans ce

type

de

tis-

sage

d'obtenir un

tracé net

pour

un

détail.

Voilà

peut-être

ne

des

explications

oncrètes e leur

désaffection

rogressive.

a

terminolo-

gie,

bien

claire

en

ce

qui

concerne a

célèbre

division

des

veloutiers

et des

tisserands e samit à

Venise en

1347,

est ici

encore

très fluc-

tuante,

et

l'expression

de sciamiti

illosi pelucheux,

revient

lusieurs

fois chez le

deuxième

notaire. Velluti

emble

toujours

associé

à scia-

miti à une

exceptionprès

chez le

notaire

Bartolo,

bien

que

l'expres-

sion sciamitivelluti

esterare.

L'un de

ces

samits

«

veloutés

15

sem-

ble

confirmer

'existencede

velours

rayés

avant

1350,

conformément

à la démonstration écentede Lisa Monnas portant ur la première

moitié

du Trecento 6.

ci le

manuscrit

ndique

sans doute

que

ces

velours

rayés

devaient tre

Florence

'un

des

comblesdu

luxe.

Quel-

ques enregistrements,

rès

rares,

ont

parfaitement

ibyllins

t

on

peut

se

demander ce

que

la

dame ou

la

demoiselle

était

contrainte

déclarer17,

mais

sans doute est-il

ous-entendu

ue

le

vêtement

st de

soie.

D'autres soieries ont

désignées

rès

probablement

ar

les

termes

de

sorianus tar eres

us,

saracinatus

bruca

us,

tissu

broché

de

soie18.

Les

comptages récis

de

l'emploi

de

ces

termes ans le

manuscrit,

vec

leur ocalisation doublure, tc.), leurtypede décor,permettrontansdoute ici de

dissiper

l'ambiguïté.

Les « tartaires des inventaires

papaux

des

années 1343 à 1361

sont de

soie.

Dans la

première

artie

de la

Prammaticade

1343,

au

premier

xamen,

es

«

tartaires sem-

blent

corrélés des

effets

de

rayure

quasi

systématiquement.

arte-

rescus

et saracinatus

ndiquent

ci

probablement

lus

un

type

de

décor

qu'une

origine

il

faut

probablement

ntendre

à la

tartare,

la

sarrasine

,

de

même

pour

sorianus

«

à la

syrienne

.

Le

terme

de

15.

Pour

ous es

xemples,

f.

64v° 0, 22), 72r° , 918), 4v°6,

5r°

1, 29).

16. Cf. L.

Monnas,

Developments

n

Figured

elvet

Weaving

n

taly

uring

theXlVth

entury,

ulletinu

CIETA n.

63-64, 986,

et II.

17.Niccholosa,ilia apidePratopopuli. Lorenzo,abetnamunichamanni

acçurini

15r°

,

126).

18.

Cf. P.

Sella,

Glossario

atino

taliano,

tato

ella

Chiesa,

eneto,

bruzzi

(abrégé

ci

conventionnellement

LI),

et

Glossarioatino

miliano

GLE),

Città el

Vaticano,

944

t

1937,

pannus,

uria

etc.,

insi

u'à

bombexoù

Suria st

utilisé

pour

u coton.

Page 96: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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COMPTER

T

NOMMER

'ÉTOFFE

93

sergé sargiatus)

concernant a soie est une des

surprises

u manus-

crit.

La

laine

est

peu

citée en tant

que

telle,

mais

elle

est

certaine-

ment

présente

derrière es

mischii t mescholati.Ce sont des étoffes

appréciées

pour

leur chromatisme

mêlé,

marbré19.

Quelquefois

le

nom de

la couleur dominanten'est

même

pas indiqué.

Ces

lainages

entrent ans

la

composition

de nombreuxvêtements

mi-partis

our

un des deux côtés.

Uagnellinus

est

également

résent

ne

fois20

our

un

montage

vec

du

romagnolus.

Mais d'autres

tissus emblentmélan-

gés

dans

leur matière t reviennent e

temps

en

temps.

Ce

sont des

étoffes a plupartdu tempsrayéesou à carreaux,avec par exemple

soie

dans un

sens

et laine dans

l'autre21,

ndiquées

souvent

par

le

termede

trafilatus.

a

vigilance

u notaire les

noter

paraît

extrême.

Enfin la laine est

indiquée pour

les rubans

et les

applications22.

l

n'est

pas impensable

ue

le notaire

oupçonne

des

remplacements

e

ce

type

d'ornementation ur

une robe ou un manteau et

prenne

ses

précautions.

La suite

dira

s'il

est au contraire out

simplement

atil-

lon,

aubaine

pour

le lecteurmoderne.

Nous n'avons rencontré

u'une

fois e terme e

cotognino coton),

qui plus

est

pour

un

drappus

nattendu,

hangeant,

utilisé

pour

dou-

bler un manteau23

bambaggio

coton) pour

un

pannus

rilevatus

4

.

Le sindone toile légère25, st rare et sa matière n'est jamais indi-

19. Sur es

prix

FlorencetenToscane

esmesclitdesmescolatif.H. Hos-

HiNO,

'arte ella ana

n

Firenze

elBassoMedioevo.

l

commercioella ana il

mercatoei

panni iorentini

ei ecoli

1II-XV

Florence,

980

sur

a

définitione

ces issusf.

p.

128 le mescolatoétait onstituée fils e aine eintse différen-

tes

ouleurs,

ue

Ton

mêlait

(après

a

filature).

ur esmescolati

draps

e aine u

Nord e

qualitéupérieure,

d.,

«

TheRise fthe lorentineoollen

ndustry

n

the

Fourteenth

entury,

ansCloth nd

Clothing

nMedieval

urope, ssays

n

memory

ofProfessor

. M. Carus-WilsonN. B.

Harte

t K. B.

Ponting,

ondres-Melbourne

1983,

p.

184-204,

p.

185,

97.

20.

42r

,

417).

ur a

qualité

moyenne

u modestee

Vagnolino

cf. H. Hos-

HiNO,oc.cit., p.192, 93, t ur on mploi our es toffeségèresommea saia

ou le stametto

p.

199.

ur e caractère

ncore

lus

vulgaire

u

romagnuolo

cf. C.

Battisti,

.

Alessio,

izionario

timologico

taliano

Florence,

957,

vol.

abrégé

conventionnellement

ci

Battisti)

romagnuolo

«

XIII-XIV

ec.,

.../

anno rosso

da contadini

atto

ll'uso ella

Romagna

.

Clément

s'en sert

our

mballeres

manuscrits,

f.

GLI

à

malecta.

e

qui

estdonc ncriminé

ci,

'est ien e

cousu,

e

montage

'étoffes

étérogènes.

21. Par

exemple70v°

,

811).

Le

prix

modesteu

trafilatolainage)

ue

men-

tionne .

Hoshino,

oc. cit.

p.

200

tableau 1.6)

emblerait

lutôtndiqueru'il

s'agit

'une utre

atégorie

'étoffe.

22.

843,

parexemple.

23.

26.

A

moins

u'il

ne

s'agisse

on

pas

d'une

matière,

ais 'une ouleur

au sens ù

semble

'employer'entreprise

e Francescoatini Prato la

fin

u Tre-

cento. f.F. Melis,Aspettiella ita conomica edievaleStudi ell'archivioatinidi

Prato),

ienne t

Florence,962,

.

569 «

cotogninofigurearmi

es coloris

comme verde

runo,

elo

i

eone,lazzato,

upo,

biedato,

oré,

monachino,

erde

sambucato

,

etc.

pour

es

draps

e laine

« panni

i

lana

).

24. Cf.

n° 455.

25. Cf. P.

Sella, GLI,

sub voce.

Page 97: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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94

L.

GÉRARD-MARCHANT

quée

;

il sertde doublure à deux manteaux t d'étoffe ravaillée

our

des robes

qualifiées

de

giubbe

6

. Le taccolino

tissu

grossier

de

lin

ou

de

chanvre27,

même

pu

entrer

ans la

composition

d'une

guar-

nache

mi-partie.

Ces

derniers

xemples

montrent

u'à partir

d'une

matière

première

nitialement

modeste,

e travail du

tailleur,

ou

plu-

tôt son

résultat,

ntre

n

ligne

de

compte.

Des calculs seraient con-

duire sur

le

coût d'une

tunique

ou d'un surcot

mi-parti

il

est sûr

que

ce

principe

ermet

ux femmes

'arborerdes vêtements

récieux,

à

la

mode

et au

moindre

prix.

La

bigarrure ermet

'accroître e luxe

au moindre oût.

Reste

à

estimer

'il

s'agit

d'une

pratique

très

mino-

ritaireou répandue.Cette bigarrure 'opère pas forcément partir

des tons saturés

i aimés

au

Moyen Âge

;

son

but

n'est

pas

nécessai-

rement

e

bariolage

le

plus

cru

comme e laissentensuite

rop

facile-

ment

entendre es

critiques

méprisantes

e

l'âge classique.

Esthétique-

ment,

e

goût

pour

le

géométrique

avec

ses

emprunts

ertains u des-

sin

héraldique), 'opposition

de

textures,

'harmonie des

couleurs,

a

recherche

'un

ton

délicat

paraissent

rès

mportants.

ci

se

pose

donc

tout le

problème

des

incrustations.

Du

cousu et du tissé

Le

mi-parti

Il

associe

souvent

eux étoffes

e

qualité

complètement

ifférente.

Il

est si

présent

t sous

toutes formesd'accords

grammaticaux

ue

le

décompte

n'a

pu

encore

être

entrepris ar

items,

mais un

premier

calcul

grossier

ar

enregistrement

emble

donnerune

proportion lus

proche

de la moitié

que

du

tiers.

Si l'on

garde

à

l'esprit ue plusieurs

enregistrements

nt

été nécessaires

our épuiser

a

garde-robe

e

cer-

taines dames

ou

de leurs

filles,

a

proportion

e femmes

portant

du

mi-parti our

au

moins un

de

leurs

vêtements st

certainement rès

élevée. Les sept premières ages publiées par P. d'Ancona le mon-

traient

d'ailleurs

déjà

nettement.

Accholle

Deux

armoiries

ontiguës

ont

dites accolées en

français,

et on

retrouve e

même terme

dans l'italien accholle

il

s'agit peut-être

d'orientation

du

tissu,

plutôt que

d'un sens

possible

concernant e

décolleté.

Accholle

n'a certainement

ien à voir ici avec

l'idée d'une

encolure

montante

cf.

«

accolato

»

en italien

moderne)

le

premier

notaire

'emploie généralement

vec

la notion de

mi-parti,

omme s'il

s'agissaitde précisera qualitéde ce dernier,t l'hypothèse 'un décol-

leté

asymétrique

erait bsurde

pour l'époque.

Une confirmation ous

26. Cf.

n° 787.

27. Cf.

P.

Sella,

GLI

à tacculinus.

Page 98: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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COMPTER

T

NOMMER 'ÉTOFFE 95

en est donnée

par

le fait

que pour

le notaire es

capuches

elles-mêmes

peuvent

trefaitesd'étoffes ccholle.

Le mot

apparaît

omme

adverbe,

jamais

comme un

adjectif

ccordable,

de la même

façon

que l'expres-

sion

alla

schisa ou

allaschisa.

Nous

ne

savons

pas

encore s'il

s'agit

d'étoffescousues

par

une

couture

complexe

avec

son

impact

décoratif

propre,

ou

s'il

s'agit

de

disposer

les

pièces

de tissu

en

formant

n

losange,

ou une

portion

de

losange,

avec les

types

d'effet

qui

en

héraldique s'appellent

vêtu,

emmanché,

chausses.

Les quarts

Nous aurions bien souhaité

voir

dans

l'expression

n

quarterio

e

quartier

héraldique,

mais

il

s'agit

plutôt d'échiqueté

de

vastes

pro-

portions,

écoratif

u

avantageux,

u les deux. Deux

étoffes,

t même

quelquefois

trois

ont donc été

cousues

pour

former n

écartelé,

qui

peut

êtreextrêmementontrasté

rouge/

ert,

uni/polychrome)

u tout

en nuances

(écru

et

brun)

ces étoffes

peuvent

être

arborées

par

la

même

femme.

Quelquefois

n'est mentionnée

u'une

seule incrustation

d'un

quart,

ou un effet

qui

se

rapproche

de celui d'un écartelé28.

Autres incrustations

Ont

pu

être cousus des

rubans,

des

étoiles,

des

lettres,

es

feuil-

les,

et même

des

bandes,

sous le terme de

virgis.

Le

vergato

non de siricho

Trois

catégories

echniques

'effets

e

rayures

emblent

uggérées

la

première

elèverait u vero

vergato

omme on

dit

à

Lucques

;

ce

sont tous les

types

de

rayés,

mais dont la

matière

extile

st

homo-

gène.

Puis,

comme nous venons de le

voir,

les

«

rayures

ousues

»

(vergae sutae),

ou encore

posées

(suprapositae)

que

le notaire

distin-

gue des rubans nastri).Enfin es tissus mixtes ù ont pu êtrepassés

des

fils d'une autre matière29.

Les rubans

Bien

souvent,

vec son

système

'abréviations,

e notairene fait

pas

la différence

ntre

'étoffe

et le

vêtement,

t

l'on ne sait

pas

si

un

adjectif

courtédoit se lire au masculinou au féminin.Mais cette

question

n'est sans doute

pas importante our

un

grand

nombre de

cas

;

ainsi la

guarnacchia

est souvent

dite

dimezzata

ou

dimecçata

au

féminin,

a tunica

qui

lui

est assortie

qualifiée

de

panni

dimezzati

28.

59

pour

e

rouge/vert,

run/écru

pour

n

quart

°

101, 10,

tc.,

es

effets'écartelés

°

197,

tc.

29. Pour ous es

exemples,

f.,

ntre

utres,

°

295,333, 18,

713,

26,787,

827, 43,

38,

70.

Page 99: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 99/164

96 L. GÉRARD-MARCHANT

ut

supra

au masculin. D'où

parfois

certaines

difficultés

our

savoir

si

la couleur

ndiquée

se

rapporte

u

drap

ou au

vêtement,

t le

pro-

blème se

pose

surtout

pour

les rubans

s'agit-il

d'un

décor

partiel

ou non30 Une

solution

cependant laquelle

nous

pensons

de

plus

en

plus

est de voir dans un

grand

nombre d'entre eux

-

quand

ne

sont

mentionnés

i

une

qualité

d'étoffe,

ni

une couleur

spéciale,

ni

les termesde

sutus,

suprapositus

mais

qu'au

contraire

'expression

nastrat(-a, us) s'accompagne

de

virgis

ont la couleur

est bien

préci-

sée

-

une variation

du

vergatus.

R.

Levi-Pisetzky emarquait

'insistance

de

la loi

somptuaire

de

1355 contre es rubans d'or et d'argent31 t ajoutait qu'à l'époque

ils

étaient

plutôt

rares. La Prammaticade 1343 en

décrit

déjà

un cer-

tain nombre32.Ce sont donc des

pièces rapportées qui

vont être

explicitement

nterdites

uinze

ans

plus

tard33.

Ornements ousus ou ornements issés?

Breloque

et mercerie

En

dehors

du terme de

brucato

qui

renvoie certainement

un

type

de

tissage précis

-

le

brochage

de

soie,

comme

nous l'avons

vu

plus

haut

-

reviennent

ssez

fréquemment

es

bruchis

et

broc-

chis

qui

nous ont laissée

un

long

moment

perplexe.

Un

des sens de

brocco au XIVe iècle est celui d'un germe,ou encore du bouton de

la fleur d'olivier.

Après

l'évocation des

calderuge

4

champêtres,

e

premier

notaire

pouvait

fortbien ici

aussi

introduire n

termebota-

nique pour désigner

n autre

élément

loral

dans

un

décor textile om-

plexe.

«

Bruco

»

peut

s'écrire aussi

«

broco

»

en italien à

l'époque.

«

Bruco

»

pour criquet

ou chenille

paraît

ci

peu

probable,

«

broco

»

pour pichet

également.

Mais

puisque

ces brocchis

pparaissent

ussi

associés

avec sive faut-il ntendre n ou énumératif

u

explicatif

{brocchis

sive

mandorlis

[n. 594],

brocchis

sive

schacchis

[n. 601],

punctis

sive

brocchis

n. 887]).

Dans le

second

cas,

très

possible,

il

s'agirait

lors de

préciser

non

pas

une

technique

de

tissage,

mais bien

un élémentde décor, dont la formeest suffisammentndécisepour

faire

penser

une

fois

à une

amande,

une autre

fois à une sorte de

carreaux.

Dans

le

premier

as au

contraire,

l

pourrait

avoir

un décor

cousu

après

le

tissage,

comme

pour

les

sonaglis

et

troctolis

5,

ou

30.

51,

101, 60,383, 38, 61,

775

parmi

es

exemples

es

plus

lairs.

31. Cf.R.

Levi-Pisetzky,

p.

cit.,

.

83

tnote 01. e textee a

Legge

untuaria

fatta

al

comune

i

Firenze

'anno 355

volgarizzata

el 356 a SerAndrea ancia

a

cura i P.

Fanfani, lorence,851,

aru

ans 'Etruriaest

malheureusementma

connaissancectuellement

ntrouvableous ette orme.n

peut

e

reporter

E. Rodo-

canachi,

ui

'a

reproduit

ans

'Appendice

e La

femme

talienne

op.

cit.

32. N° 898et

918,

parexemple.

33. R.Levi-Pisetzki,p.cit, p. 83, joute « Leshommesntéressésar e tis-

sage

pouvaient

voir

uelquendulgence

our

esmotifs

issés,

as

pour

e

qui

était

brodé

qui

eur

araissait

n

jout

nutile,

tune

erte

e

tempsour

esfemmes.

34. Voir

lus oin,

e

paragraphe

ur a flore.

35. Domina

rancescha,

xor orsi omini

merici,

°

741,

embleinsimêler

pour

nede

ses

guarnaches

lochettes,

etitesoupies,etits relots?)

en

formee

Page 100: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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COMPTER

T

NOMMER 'ÉTOFFE 97

même au besoinnoué au tissu

pendant

a

confection,

i l'on se réfère

à

la notionde boucle

que peut mpliquer

e terme

et qui

donne ensuite

l'idée

de

brocher

t de

brocart).

Une fois est mentionné n tissu

bru-

cato

pourvu

de

brocchis.

P. Sella lui-même st

assez

ambigu

sur

ce

point

et renvoie

pour

une soierie brochée

de

1401,

comportant

des

brochis

magnis

à

un

décor à

petits

clous,

donc un

travail

plutôt

de

ferronnerieu de menuiserie. n

textedu

début

du

Quattrocento

ug-

gère

des

petits

nneaux de fils cousus36.L'idée de

quelque

chose

qui

dépasse,

en

relief,

e

retrouve

ans toutes es

acceptions

de

ces broc-

chi. Même s'il ne

s'agit que

de

passementerie

t

«

du

besoin d'arrê-

ter les filsà la findu tissagepar un nœud qui devientornemental

depuis

la

plus

haute

antiquité

,

l'italien du Trecento

devait facile-

ment

ssocier

es connotations e

germination,

e

denticules,

e relief.

On

peut comparer

vec notre erme

français

de

paillette, ui

au

con-

traire

dérive de la balle de

blé,

de la

tige

sèche37.

Le décor textile

Des couleurs

En attendant 'aborder ultérieurementa questionde leur appa-

riement t de

leur

fréquencepar

l'étude

quantitative,

numérons-les

brièvement

le

rouge

est

présent

ous

les

termesde

rubeus, ruber,

scarlattus,

carlattinus

dont

l'association

avec

des motifs u avec le

terme

ampo indique qu'il s'agit

bien

ici

de la couleur et non d'une

désignation énérique

de

drap),

scarlattinus

minutus,

vermilius ainsi

qu

afiamatus

flamboyant

u

enflammé,

rdent),

anguinus,

cardina-

lescus,

porporus

et

porporinus,

violatus,

pagonazus (violet foncé),

colore

r

ssido

y ncarnatus,

ili

leonis

poil

de

lion,

roussâtre et

pro-

che donc de

rubeus

,

rossellinus

id.),

rancius

orange).

Du côté

des

« soufflets. Le fait ue e vêtementoit it ivisaîusonduiraitpenseru'il 'agit

d'une

épartition

égulière,

ormant

pattern

. Vu a formees

objets ndiqués,

l

s'agit

ien 'undécor

ostiche

notre

vis,

t

pas

d'unmotifissé.

36. Cf. G. da

Uzzano,

a

pratica

ellamercaturadans elladecima di altre

gravezze

mposte

l Comune

i

Firenze,

dellamonetamercatura

ei

iorentiniino

al secolo

XVI

éd.

G.

F.

Pagnini,

isbonne-Lucques,

766,

-125

«

Teli

uattro

i

domaschino,

roccati

'arientoa

piccolo

rocco,

ire ette

n

nove

,

cité

ar

.

Bat-

taglia

au

mot

brocco

3,

avec ette

xplication:

Piccolo odo

o anello)

i

filo

per

ui

a

superficie

i alcuni essuti

a

es.

l

broccato)

resenta

anti

iccoli

ilievi.

Le

veloursriséinalementst

roche

e ce

type

'effet,

ais ette ois vec ne

rame

régulière.

f.

GDFI,

«

broccutodonne

«

pien

i

brocchi,

lein

e nœuds

,

et

à

«

broccato :

«

pieno

i

brocchi,..../,

nel

drappo

i chiamanoicci

boucles

.

37.

Sur e mot

rançais

e

paillette

tilisén

passementerie1398)

f.

Diction-

naire istoriquee la Langue rançaiseous a direction'Alain ey, aris, 992,2

vol.,

u mot

passer

: « du atin

ardif,

traverser

,

qui

nous envoie

roba-

blement

trafillati,erfilad

etc.,

ansnotre anuscrit.'autre

art,

evi-Pisetzki,

op.

cit.

.

84,

note

02,

ndiqueue

es

coppelle

,

petits

rnements

ostiches,

euvent

être

ustement

aits e

fil,

t

ndique

n

corps

e métier

pécialisé

Venise,

ais

unedate

plus

ardive

1377).

Page 101: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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98

L. GÉRARD-MARCHANT

jaunes

et des

beiges

giallus, gialletus

petit aune)38,

giallus

rancius

(jaune-orangé),

garofanatus,

bere i

us,

bigius,

ceneregnuolus,

enna-

matus

chammellinus,

hamellinus ealisou

regalis,

igius

brunus,

bru-

nus. Pour

les bleus :

azzuro

sous

toutes es

graphies

possibles,

ciles-

trinus, ilestrus,

ambucatus

9,

biadatus,

turchinus.

our

les verts

viridis viridis

hiarus

vert lair),

viridis

runus,

viridis

oveltus.

nfin

des nuances d'une

délicatesse

xtrême

nous

avons

déjà

cité

incarna-

tus

(incarnat),

et

cennamatus

(cannelle),

garofanatus

(girofle40)

ajoutons floris peschi (fleur

de

pêcher),

usignuolus

rossignol) pour

les roses

pâles

et

foncés et nous

pouvons

dès

maintenant oter

des

associations tout en finesse,fréquentes ainsi ce mi-parti de drap

écarlate

et

de

soie couleur de

girofle

u

décor de

compas

blancs

et

jaunes

et

vermillon,

vergeté

de soie

jaune

et

blanche

horizontale-

ment

.

Ou encore e

«

drap

rehaussé,

ur

champ

rouge

sang,

de

petits

oiseaux

et

compas

jaunes

nombreux,

oublé de

drap

à

carreaux

aux

couleurs

bleuâtre,vermillon,

annelleet

blanche 41.

Les blancs

ajou-

tent

certainement cette subtilité

nous

trouvons ainsi des

étoffes

blanches

qualifiées

implement

e

drappi vergati

lbi

qui

servent ré-

quemment our

les

doublures

surtout

our

la soierie

ppelée

soriano

,

en

parallèle

avec

des tissus

vergéspolychromes

ont

chaque

compo-

sante est strictement

ecensée.

l

faut très

certainement

maginer

es

premières vec un effetde rayure btenusimplement ar la texture,

le

damassage.

Le blanc

est aussi un fond

qui

sert assez

souvent

pour

les étoffes décor

très

précieux,

omme

par

exemple

ce

drap

à

fond

blanc rehausséde rinceaux t de

raisins

rouges

qui

semble à

première

vue

assez

répandu.

Enfin,

il

est

question

d'écru avec

Yalbetto.

Deux

fils semblent

voir

été

utilisés ans

que

la soierie

soit dite

changeante par exemple pour

une

guarnache

de soie

sergée

de ver-

millon et de canelle42.

Les

cangianti

ont

fréquents

ans les doublu-

res. Sans

rentrer

ci dans les

détails,

outre

nigris

et

brunis

qui

est

sans

doute

plutôt rare),

revient rès

souvent a

catégorie

du

cup

s

43

,

du sombre, ndéterminéen face de toutes es couleurs t nuancesquisont, elles, nombreuses.

38.

Cf.

GDFI,

à

gialletto

:

«

/.../

ui

tire ur e

aune,

n

peu

aune,

irant

sur e roux .

39. La teinture

leu-grisâtre

btenue

partir

es

baies u ureau

sambucus)epuis

la

préhistoire,

f.F.

Brunello,

'Arte ellaTintura

ella toria

ell'umanità

Vicence,

1968,

.

158.

40.

Garofanatusourrait

ventuellement

envoyer

l'œillet,

arofanata

n

talien

au

xiv%

f.

Battisti,

p.

cit.,

ubvoce mais e ne erait

atisfaisanti

pour

a

cou-

leurlesœilletseuventtre ussi ien lancsuerougestroses u encoreour-

pres),

i

pour

a formatione

'adjectif

ui

visiblemente construitommeambuca-

tus

et

sambucaton

talien),

ur ambucus.

41.

766et 64.

42. Entre

utres,

°

64, 759,

66.

43. On retrouveussi e terme

énérique

hez

Datini,

f.

Melis,

op.

cit.

Page 102: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 102/164

COMPTER

T

NOMMER 'ÉTOFFE

99

Des ors et

argents

Ils

avaient

jusqu'ici complètement chappé

et

posent plusieurs

types

de

problème.

Les ors

apparaissent

ssez

subitement,

our

un

nombre restreint

'élégantes

et

pour

des

«

rubans

»,

dans le dernier

quart

du texte du

premier

notaire

il

y

a donc

une

question

de

ressources,

e

fortune,

e choix

également

e la

part

de

ces femmes

le resserrement

e

leurs

apparitions

dans le manuscrit es constitue

en un

groupe

un

peu

à

part,

dont

les modalités

d'apparition

et donc

de

procédure

dans le

manuscrit eraient

étudier.

Les

argents,

une

fois décomptés,serontpeut-être n peu plus diffus.

Un autre

problème

st constitué

ar

la

question

du

brochage,

si

l'on

entend

cette

fois

par

ce terme

e fait

d'adjoindre

à

l'étoffe

des

fils

présentant

e

l'or

ou de

l'argent

selon

l'acception

modernecou-

rante.

Rares sont les

lampas

non brochés ctuellement

onservés

ans

les trésorsdes

églises

et les musées.

Ce

sont

pourtant

ci

majoritaire-

mentdes étoffes motifs

dentiques

u

comparables

ux

échantillons

brochés

subsistants

ue

le

notairenous fait

entrevoir,

mais

pour

les-

quels

semblentn'avoir

été

utilisés

ni or ni

argent,

comme ce

fut le

cas au contraire

vec

les brocatellesdeux

siècles

plus

tard.

Or

il

est

fort

peu probable

que

le notaire

i

soigneux

it omis

par

endroitsde

détailler'or ou l'argent. l nous sembledonc qu'il fautproposerdeux

types

de

production partir

e motifs emblables une

très

uxueuse,

et

que

l'on

retrouve ans les inventaires

apaux

ou dans ceux

des

égli-

ses,

une autre un

peu plus

modeste dont

se contentent es

femmes.

Si

quelques

échantillons extiles ubsistant

ctuellement,

rochésmais

où une couleur a été

remplacéepar

une

autre,

attestent ne

certaine

liberté

'emploi

de la

couleur,

e

double traitement 'un même

motif,

avec

brochage

t

sans

brochage,

era

peut-être

ifficile,

oire malheu-

reusement

mpossible

à retrouver ans les

collections.

Des motifs

La

flore

Sa nomenclaturest étonnante t reflète ien

les

temps

nouveaux.

C'est

un

mélange

de

motifs raditionnels i ce n'est

dans

le

tissu,

du

moins dans l'histoirede l'ornementation

pampres,

rinceaux,

raisins,

lys), auxquels s'ajoutent

des motifsfamiliers. e notairetentede les

appliquer

à

des textiles

dont le

décor s'oriente vers un

naturalisme

qui

ne se dérobe

pas

moins à une identification

récise

et

codifiée

ainsi ces calderugedont il nous a fallu un certaintemps pour com-

prendrequ'il s'agit

de la fleur de

séneçon,

mauvaise

herbe

de nos

campagnes

aussi bien

en

France

qu'en

Italie. Son

capitule

forméde

fleurons t entouré de

bractées

a une

silhouette

ui

ressemble out

à fait à celle

des autres

composées,

comme

la fleurde chardon

par

Page 103: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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100

L.

GÉRARD-MARCHANT

exemple,

bien

que

la fleurde

séneçon

soit de dimension ien modeste

par

rapport

celles

-

majestueuses

t

monumentales

du chardon

ou de

l'artichaut,

qui

vont orner si souvent es tissus du

XVe

iècle

en

agrandissant

ncore leurs modèles réels. Sont

présentes

bien

sûr

les roses

et les

rosettes,

es

pommes

de

pin

(bien

que rares),

es feuil-

les très

nombreuses,

insi

que

les

trèfles,

es

arbres,

es

rosiers,

es

chênes,

es

glands,

les

aulx,

des

palmes,

enfin,

ous

le nom

de

caf-

f

oris,

peut-être

es tissus à fleurettes44.

Le

bestiaire

On retrouve acilement a fantaisie t la richessedu détail

pro-

pres

aux étoffes

de cette

époque

dans

la

façon

dont le notaire en

parle

:

des oiseaux

(avec

la couleur éventuellement

ehaussée

du

bec,

des

ailes,

ou des

pattes),

des

coquilles,

des

oies,

des

chiens,

des

renards,

des

lions,

des faces et des têtesde

lion,

des

paons,

des cerfs

(qui désignent

ans doute les

gazelles),

des

sirènes,

es

dragons,

ven-

tuellement

nchaînés,

es

papillons,

des

griffonsqui

renvoient u

bes-

tiaire

fantastique

'Extrême-Orient,

u

issu

de

Byzance),

des

licornes,

des

léopards

et des têtes de

léopard,

des

lièvres,

de

petits

sangliers,

des

ours,

des

hirondelles,

es

rossignols

insi

que

de

petits

pages,

des

homoncules 5.

Les êtres

inanimés et les

motifsgéométriques

On trouve46 es étoiles

très fréquentes),

es

bâtonnets,

es chaî-

nes,

des

couronnes,

des

lettres,

es

écus,

des

cordelettes,

es

cimiers,

des

«

crocettes

,

des motifs en

petits

sous47,

ronds

(besants),

des

points très

fréquents),

es

dés,

des

soleils,

des

lunes,

des

mandorles,

des

perles,

des

mouchetages,

des

rubans,

des

nœuds,

des

entrelacs,

des

petits

pavillons,

des

tentes,

es

châtelets,

es

nuages,

des

rochers,

44.Généralementl'ablatiflurieloit pampanis,vis, vellinis,itibus,ilis

giglettis,

osis, osettis,

inisfoliis,oglis,rafoglis

sic),

rbori

us,

uercubus,

hian-

dibus, osais,

glis

à quoi

l

faut

eut-êtrejouter

es

brocchis),

affloris,afloris,

florellinis,

lorettis,loribus.

45.

Ucellis,

cellinis

avi

us hez e deuxième

otaire),

icchiis,

onchigliis,

nse-

ribus, anibus,

ulpibus,

eonibus,

apitibus,

isibus,

estibus

sic)

eonis

t

eonum,

cerviorum,

erviarum,ervis,erenis,raconibus,

raconibus

ncatenatis,

arfallis,ri-

fonibus,

eocornibus

t

eoncornibus,

eopardis,

estibus

eopardis,agonibus,

epibus

(sic),

orcellininis,

ondinibus,

signuolis,

rsibus,

choiattolist

coaitolis,

agiuolis,

viriolis.

46.

Stellis,tilis, atenis,

oronis,

oronibus

sic),

icteris,

itteris,cudis,

ordi-

glis,

imieris,rucibus,enariis,

enaiati

addanaiato,

allis,

allotolis,unctis,

adis,

lunis, andorlis,

argheritis,

oschettis,astris,odis, odellis,

odis

alomonis,

adi-

glionibus,rabacchis,astelluccys,uvolisrocchis, ontibus,onticellis,agettis,er-

latis,merlis,cudis,

entibus,

entellis.

47.

«

Danaio

,

cf.

Battisti

«

formeoscane e danario. Cf. aussi adde-

naiato

(besanté).parso

i

bisonti

,

dansVocabolarioraldico

fficialeeguito

al

Dizionarietto

i

voci

Araldicherancesiradotten taliano

er

cura i A.

Manno,

Rome, 907,

.

73.

Page 104: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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COMPTER

T

NOMMER

'ÉTOFFE

101

des

monts,

des

flèches,

nfindes créneaux.

Les dés

nous conduisent

en

fait aux carreaux.

La

présence

nsistante

e

«

compas

»48

nous

a

conduite

progres-

sivement abandonner 'idée

qu'il puisse s'agir

d'une

figure

u

type

de celle

que

l'on rencontre n

héraldique,

et

qui

alternerait

vec

des

fleurettes

u tout autre

motif omme on le

pensait

usqu'à présent49.

L'hypothèsequ'il

s'agisse

d'un

décor structurant

demi-mailles

gi-

vales est

bien

plus

satisfaisante c'est

dans,

ou autour

de

celles-ci,

que

viennent ouvent

e

disposer

dès cette

époque

des

décors adven-

tices,

pour remplacer

es anciens

compartimentages

n

cercles. Les

comparaisons,compassibus ive crocettis n. 795], compassibusdicti

coloris

sive

floribus n. 392]

trafoglis

ive

compassibus

n. 945],

com-

passibus

sive

portis

[n.

839]

nous semblent

pporter

a

preuve que

le

notaire tâtonne

pour

nommer

des éléments

qui

servent

d'armature

linéaire

au

décor50,

rmature

elle-même

plus

ou

moins nourrie

de

raffinementsnnexes

qui

prolongent

e

foisonnement

'éléments de

toutes sortes.

L'existence

d'incrustations

n

forme de

compas

men-

tionnées

galement ar

le notaire

nous

paraît

pouvoir

confirmer

u'il

s'agit

bien

d'une

forme

générique

de

demi-mandorle51.

Enfin,

si les deux

termes

divisatus

et

dimezzatus

désignent

n

héraldique

le

mi-parti

t

se retrouvent

ous cette

acception

dans la

plupartdes textes taliens52,l semble nécessaire ci de bien les dis-

tinguer.

imezzatus

est bien conforme

cette dée d'un

vêtement

ont

les deux

parties

cousues sont

décrites uccessivement.

Mais

divisatus

ici renvoie

ystématiquement après

les

premières

ages plus

floues

où le notaire

se contentede

parler

de

panni

simplement

ivisati

-

à la

description

'un

décor,

très

vraisemblablement

registres

ori-

zontaux

superposés.

Nous

avons laissé de côté

pour

cet

article

es

recoupements

co-

48.

Compassibus

hez e

premier

otaire,

t

compassis

hez e

second. e barba-

risme u

premier

e

retrouveans es

nventaires

apaux.49. E. Rodocanachi,p.cit., .348, our es compas pensaitdes orne-

mentsn forme e

triangles

. R.

Levi-Pisetzky,

p.

cit.,

p.

95,

cite es

compas

comme esmotifsu

même

egistre

ue

es

oiseaux u les

rosettes

«

meno

aia

è

quella cotta]

i

Domina uerrieraon

uccellini,

ose,

ompassi

altre

igure.

50.

GDFI

donne

a traduction

ossible

e

compartiment

our

compasso

. Du

Cange, ui

renvoie

galement

u

dictionnaireella

Crusca,

ndique

ussi

e sens n

italiencf.

Du

Cange,

Glossariumediaet

nfimae

atinitatis

Paris, 842,

com-

passus.

f. ussiV.

Gay,

Glossaire

rchéologique

u

Moyen

ge

tde

a

Renaissance

Paris, 887, vol.,

u mot

compas

:

«

courbe

racéeu

compas,

obe,

ercle u

segment

e cercle

écrivantout u

partie

u

contour'un

objet urviligne

.

51.

Par

exemple,

°

685.

52. Cf.

P.

Sella,

GLI et

GLE,

ubvocibus.

our

divisato

,

Giuseppe

orta

donnennote

«

variegato

soit n

françaisbariolé,

igarré,

f.G.

Villani,

Nuova

Cronicad.,G. Porta,Parme, 991,ol. II (libri II-XIII), .531, ote 0 ils'agitde

l'année

347

t de

'ambassadee Florence

nvoyée

u

roide

Hongrie)

«

Cias-

cuno i

dettimbasciadori

er

rdine el

omunei vestiròi

roba

i

scarlattotre

guernimenti

ederate

i

vaio.

E

ciascunoondueo

tre

ompagni

estitiutti

nsieme

d'un

panno

ivisato olto

pparente

. P.

Sella, GLI,

ne

mentionne

ue

'accep-

tion érivéee

l'héraldique

«

partito

i

diversi

olori .

Page 105: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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102

L. GÉRARD-MRCH

NT

nographiques

t les

possibilités

e mises en

rapport

des

«

patterns

décrits ans

le manuscrit vec les

fragments

extiles ubsistants les-

quels pourront rendre

lace

dans des

publications

ltérieures,

omme

nous

l'espérons.

Nous avons

essayé

de

présenter uelques types

de

difficultés,

ais surtout 'intérêt u manuscrit. es

suggestions

eront

les bienvenues.

Appendice

Garde-robede Domina Taddea Marchi f° 8r° 4, 8v° 1, n° 61) :

Domina

Taddea uxor

ViteMarchi

populi

S

Laur(entii),

h(abe)t [1]

una(m)

guarnacchia(m)

imezzata(m)

x una

p(ar)te pan(n)i

scharlatti

et ex

al(ia) p(ar)te panni

scharlattini

spinapescie cu(m)

stellis

albis

et

cu(m) co(m)passibus

albis

et

cu(m) pu(n)ctis

violatis

in

ip(s)is

co(m)pas(si)b(us)

de siricho

[2]

Item

una(m) tunicha(m)e(i)u(s)dem

pan(n)i

et

dimezzati

ut

s(upra) [3]

Item

una(m) guarnacchia(m)

imez-

zata(m)

ex

una

p(ar)te

pan(n)i

scharlattini t ex

al(ia) p(ar)te

pan(n)i

schaccat(i)

in

ca(m)po

colo(r)is

sanguigni

cum

virgis

de siricho

albis

giallis

vermiliis

(er) longu(m)

t

p(er) tra(n)sv(er)s(um)f°8v°) [4]

Item

unam

tunicha(m) (i)u(s)dem

dimezzati

et

panni

ut

s(upra)

[5]

Item

h(abe)tunamguarnacchiam imecçata(m) x unap(ar)te pan(n)i schar-

lattini,

et ex

al(ia)

p(ar)te pan(n)i

scharlattini

nugolati nigrifode-

rat(am)

de

drappo

albo

vergat(o)

(er) tra(n)sv(er)s(um)

6]

Item

unam

tunicham

(i)u(s)dem

dimezzati

t

pan(n)i

ut

s(upra)

[7]

Item

una(m)

guarnacchiam anni

cen(n)amati

cum

virgis

de

siricho albis vermiliis

et

giallisp(er)

long(um)

et

p(er) tra(n)sversumoderat(am)

de

drappo

schacchato

cum schacchis albis et

sanguinis

8]

Item

una(m)

guarna-

chiam

pan(n)i

scacchatini

u(m)

virgis

lbis

sanguinis

t

viridibus

(er)

longu(m)

et

p(er)

tra(n)sv(er)s(um)

9]

Item

una(m)

chotta(m)

drappi

rilevati n

ca(m)po

cholo(r)is anguigni u(m)

uccellinis

lbis

vermiliis

et viridib(us) u(m) stellisvermiliis t cu(m) multisdiv(er)sis ompas-

sib(us)

de

div(er)sis

olorib(us) 10]

Item

una(m)

chottam

rappi

chac-

chati cum

virgisgiallis

p(er) tra(n)svers(u)m

t cum schacchis vermi-

liis

garofanatis

t

giallis

et albis

[11]

Item unam chottam

[do]gata(m)

drappi

vermil(ii)

t

virid(is)

[12]

Item

unu(m) capputeu(m)

dimez-

zatu(m)

ex una

p(ar)te pan(n)i

scharlattini

t ex

al(ia)

p(ar)te pan(n)i

acçurrini u(m)

stellis

iallis

et

cu(m) pu(n)ctis

vermil(iis)

n

ip(s)is

stel-

lis et

compassib(us)

giallis

et

albis

in

siricho

13]

Item

unu(m)

cappu-

teu(m)pan(n)i

acçurinicu(m)

stellis

giallis

cu(m) pu(n)ctis vermil(iis)

in

ip(s)is

stellis

et

compassib(us) giallis

et albis

in

siricho.

Dame Taddea, épousede VitaMarchi,paroissede Saint-Laurent,

possède

:

[1]

Une

guarnache

mi-partie,

e

drap

écarlate

[uni]

d'un

côté,

et de l'autre

à chevrons vec des

étoilesblanches t des

compas

blancs

et

des

points

violets

dans ces

compas,

en

soie

[2]

Item une

tunique

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8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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COMPTER

T

NOMMER 'ÉTOFFE

103

du même

drap,

et

mi-partie

e la même

façon

[3]

Itemune

guarna-

che

mi-partie

'un côté de

drap

écarlate,

de l'autre de

drap

à car-

reaux au

champ rouge sang,

avec des

rayures

e

soie blanches

aunes

et

rouge

vermillon n

long

et en

large [f°

8v°]

[4]

Item

une

tunique

du même

mi-parti

t

du même

drap [5]

Item une

guarnachemi-partie,

de

drap

écarlate

d'un

côté,

de l'autre

côté

de

drap

écarlate

ennuagé

de

noir,

doublée de

soierie

blanche

rayée

transversalement

6]

Item

une

tunique

du même

mi-parti

t du

même

drap [7]

Item

une

guar-

nache de

drap

canelle avec des

rayures

de

soie

blanches,

rouge

ver-

millon et

jaunes,

en

long

et en

large,

doublée de soierie

à

carreaux

blancs et rouge sang [8] Item une guarnachede drap à menus car-

reaux avec des

rayures

lanches,

rouge sang,

et

vertes,

n

long

et en

large

9]

Item une cottede

damas

rehaussé,

u

champ

couleur

de

sang,

avec des

petits

iseaux

blancs,

vermillon t

verts,

vec

des

étoilesver-

millon et

de nombreux

ompas

de taille et de

couleurs

diverses

10]

Item une cotte de

drap échiqueté rayures

aunes

transversales

t

à

carreaux

vermillon,

irofle, aunes

et

blancs.

[11]

Item

une cotte

à

bandes

larges

de soierie vermillon t verte

12]

Item un

chaperon

mi-

parti

de

drap

d'écarlate menu d'un

côté,

et de l'autre

de

drap

azur

menu avec

des étoiles

aunes

à

points

vermillon,

t

des

compas

jau-

nes

et

blancs,

en

soie

[13]

Item un

chaperon

de

drap

d'azur

menu

avec des étoiles aunes, à pointsvermillon t des compas jaunes et

blancs en soie.

Villa

I

Tatti

Via

di

Vincigliata

26

1-50135

Firenze

Page 107: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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104

L.

GÉRARD-MARCHANT

Laurence

Gérard-Marchant,

Compter

et nommer 'étoffe à

Florence au

Trecento

1343)

Un

enregistrement

otarial

e

1343,

connu

sous

le nom de Pram-

matica del Vestire

et dont la saisie informatisée st en

cours,

fournit

déjà,

au terme

de

l'étude

de son

premierquart,

des

informations

ur les

garde-robes

ndividuelles

axées

comme

luxueuses,

mais

aussi sur les tissus

et

les matières

utilisées,

a

composition

des

tuniques

et des

guarnaches

en

mi-parti,

es

applications

e rubansvariés

ou

précieux or, argent),

es motifs

textiles t

leurs chromatismes. es tissus

qui prédominent

ont

les soieries,mais les lainages ontégalement étaillés, ans doute

parce

qu'ils

comportent

es filsde soie

passés,

des

incrustations,

ou bien

qu'ils

se

trouvent

uxtaposés

à des tissus

de

soie.

A

côté

des

samits

sont aussi

mentionnés es velours.

Textile

Costume

Trecento Florence Lois

somptuaires

Laurence

Gérard-Marchant,

Counting

nd

Namingh

Fabrics

in Florence

in the Trecento

1343)

A

notarial

record

of

1343

known as

the Prammatica del Ves-

tire whose computerized ranscriptions now in process,has

already

yielded

nformation

ot

only

on the bulk of individual

wardrobes

udged

as luxurious

nd

taxed,

but also on the fabrics

and

materials

used,

the

prevailing

extures

f tunics and

parti-

colored

surcoats,

the

possible applications

of

different ibbons

(including

recious

ones

of

gold

and

silver),

nd textile

atterns

and

hues.

The fabrics

isted are

predominantly

ilks,

but wool-

lens

are also

detailed,

probably

because

they

were stitchedwith

silk

threads,

dorned

with

ncrustations,

r combined

with

ilk.

Next to

the

samites,

velvets

are also mentioned.

Textiles Costume- Trecento Florence Sumptuaryaws

Page 108: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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Médiévales9,automne995, p.105-129

Pierre

BUREAU

LA

« DISPUTE POUR

LA

CULOTTE

» :

VARIATIONS LITTÉRAIRES ET ICONOGRAPHIQUES

D'UN

THÈME

PROFANE

(XIIP-XVI* SIÈCLE)

«

Où la femme

gouverne portant

a bannière

et les

brayes

avec,

le tout

y

va derrière

(proverbeflamand).

Retracer 'histoire

d'une

expression magée

et

cocasse à

partir

de

documents

critsou

figurés

nécessite

uelques

remarquespréliminai-

res

d'ordre

méthodologique.

Le

premier

cueil

à éviter

st la tenta-

tion,

trop

souvent

répandue,

d'isoler

un

thème

profane

sans

prendre

en

compte

le contextedans

lequel

il

s'exprime.

Le second

est de

se

cantonner

voir dans les miséricordes e

stalles

et

les

marges

des

manuscrits

es

figures

purement urlesques.

Il

convientde

dépasser

ce

type d'approche

afin de

mesurer

a

dimension nthropologique ue soulève une simpleexpressionpopu-

laire. Pour ce

faire,

sans

tomber

dans

le

piège

de

l'analyse

analogi-

que

et

cumulative,

l

est

plus

approprié

de

dresser,

n

premier

ieu,

un

corpus

ouvert des

différentes

ccurrences 'une

locution

prover-

biale

que

chacun connaît

et

utilise ncore

aujourd'hui,

en

s'attachant

à faireremonter

la

surface

e

que

les textes

nous ont

laissé comme

témoignages

crits

d'une culture

qui

était

avant tout

orale.

C'est à

la

croisée

du texte

et de

l'image que

le

clivage

entre a

culture

léri-

cale et

laïque prend

oute sa

signification.

nalyser

'irruption

u

pro-

fane

au cœur du sacré est

une nouvelle

façon

d'appréhender

e

con-

cept

de

marginalité.Ainsi, e thèmede la « disputepour la culotte permet e poser

de

façon

transdocumentaire

es

questions

qui

touchent

es

sphères

domestiques,

ulturelles

t

sociales.

Se

quereller

our

savoir

qui

«

por-

tera

a culotte dans

le

ménage

est l'une

des formesde

la lutte

pour

Page 109: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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106

P.

BUREAU

le

pouvoir

dans la sociétédu XVe iècle. Les

rapports

d'autorité

qui

se manifestent

travers

a lutte

pour

un vêtement

ymbolique

ôtoient

dès

le

XIIIe

siècle

d'autres

rapports

de force

à

caractère

udique pre-

nant

place

dans

un contexte acré.

Ceci soulève

le

prodigieuxpara-

doxe de

la

présence

de ces scènes

profanes,

étrangères

la

religion

-

au sens

étymologique

u

terme,

rofanus

«

hors du

temple

-

,

qui

s'expriment

marginalement

n

plein

cœur

de

l'église

ou

dans les

marginalia

d'un

psautier.

Sources

littéraires

'une

expression

familière

Dès les

premières

tudes

du siècle

passé

sur les thèmes

profanes

dans les

miséricordes

e

stalles,

n

fabliau

était

ystématiquementlacé

en

regard

de la scène

de

la

«

dispute

pour

la

culotte .

Il

est vrai

que

le fabliau

intitulé

ire

Hain et

Dame

Anieuse

se

prêtait

mer-

veille

à

«

l'illustration

du vieil

adage

tenant

ieu de

proverbe

«

Dis-

moi

qui

tient a

maison

homme

ou femme.

Je te dirai

qui porte

la

culotte

. Au-delà

de cette

simple uxtaposition,

l

est désormais

nécessaire

e faire

e

point

ur ce

fabliau

picard

d'Hues

Piaucele,

com-

posé

au.

XIIIe

iècle,

en le

replaçant,

'une

part,

dans le contexte

éné-

ral

des fabliaux

et,

d'autre

part,

en

l'analysant

de

façon

détaillée.

Entièrementonsacré à un duel facétieux ntre mari et femme

pour

la

possession

des braies

symboliques

permettant

e déterminer

qui

sera

le

maître

dans

le

ménage,

ce

fabliau

pose

de

façon

emblé-

matique

a

question

de

la

signification

u

vêtement u sein

de ce

genre

littéraire,

mprégné

d'éléments

folkloriques.

Pour

qui

s'intéresse

u

symbolisme

estimentaire,

es

fabliaux

ont

un réservoir

et un

riche témoin

d'histoire

anthropologique.

Les

fabliaux

regorgent

'histoires

de

vêtement

olés,

mis

en

gage

ou

per-

dus

aux

jeux

de dés.

Il

en

est

même où

le vêtement

pparaît

comme

une

véritable

métaphore

péculaire

du

texte,

'indice d'une réflexion

sur le texte ui-même1. lus rares sontceux dans lesquels e vêtement

est

une source

de

conflit

dont ils

constituent

'intrigue part

entière.

Sire

Hain

et

Dame

Anieuse

appartient

ce

dernier

groupe.

Ce

récit

st conservé

dans

deux

manuscrits2,

'un

portant

e titre

1. Cf.

H.

Bloch,

Le mantel

autaillié

esfabliaux

,

Poétiques

t.

14, 983,

p.

181-198,

epris

ans

d.,

The

candal

f

the

abliaux

Chicago,

986,

p.

22-58.

ur

la

peau

t

e vêtement

omme

étaphore

péculaire

u

exte,

e

me

ermets

e

renvoyer

à

P.

Bureau,

Les

valeurs

étaphoriques

e

a

peau

ans e Roman u Renart.ens

et

fonction

,

Médiévales

22-23,

992,

p.

143-148.'est

ans e cadre 'une

hèse

préparée

l'EHESS ous

a direction

eJean-Claude

chmittonsacrée

une éflexion

plus

arge

ur

e

symbolisme

estimentaire

travers

'image

t

'imaginaire

u

Moyen

Âge

entral

xiie-xme

iècle)

ue

s'inscrivent

et rticle

t a

présente

ontribution.

2. Le manuscrittiliséci st elui eParisBNF,ms.fr. 37, °49b-51b)'autre

étant

onservé

Berlin.

e texte

ritiquepartir

uquel

ous vons ravaillést elui

établi

ar

W.

Noomen

t

N.

Van

Den

Boogard,

Nouveau

ecueil

omplet

es

fabliaux

désormais

brégé

n

NRCF],

ssen, 984,

.

I,

pp.

3-26. a

bibliographie

la

plus

écente

ur e

fabliau

st elle

mise

jour

ans e Dictionnaire

es ettres

ran-

çaises,

e

Moyen ge,

Paris,

992,

.

688

notice

elative

Hue

Piaucele).

Page 110: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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LA

DISPUTEPOUR

LA

CULOTTE

107

De Sire Hain et de Dame Anieuse l'autre celui de La Batalle d'un

Prodome et

de sa Fame. L'auteur

est mentionné ans les deux

cas

soit sous

la forme Hues Piaucele

»

soit sous celle de

«

Peaucele ».

Les auteursdes fabliaux ont souventfriands e

jeux

de

mots

et l'on

peut

à cet

égard

avancer

'hypothèse ue

le nom même du

composi-

teur de ce fabliau n'est

pas

sans lien avec le

sujet

abordé dans celui-

ci.

A

priori

quel rapportpeut-ily

avoir entre e nom d'un

auteur

et le contenu d'un

fabliau consacré entièrement

u

vêtement Une

courte

parenthèse

sur une

pratique ayant

cours

au

XIIIe

iècle en

matière

conographique

éclairera

notre

propos.

On rencontre ans le domaine de la sigillographie e que l'on

appelle

un

«

sceau

parlant

,

c'est-à-dire

n

sceau

qui

évoque par

le

dessin

d'une

figure

e nom ou

les activités u

sigillant.

Ainsi,

un

laïc

s'appelant

GuillaumeHarenc ou

un

clerc,

Nicolas

Gorpil,

cellent 'un

hareng

ou d'un renarden

plein

champ

le

sceau

qu'ils

utilisent

our

valider un acte.

À

la

lumièredes sceaux normands de

paysans

qui

avaient

souventrecours ce

principe,

l

est

possible

de subodorer

ue

nous sommes en

présence

d'un

véritable fabliau

parlant

». Le

nom

de l'auteur Piaucele ou Peaucele

s'apparente

en ancien

français

ux

substantifs

peaucel

»

ou

«

peaucele

»

qui signifiaient

petite

peau

»

au

XIIIe

iècle. Dès

la fin

du

XIIe

iècle,

l'adjectif

«

peaucelu

»

dési-

gnaitcelui« qui n'a que la peau sur es os ». Ce rapprochementppa-

raît fondé à la

lecture u fabliau ui-même t

d'autres récits

ue

nous

rencontreronsltérieurementans

lesquels

a

peau

et le

vêtement ont

inextricablementiés.

Au

plus

fortde la

dispute,

e narrateur

voque

le

corps

et le vête-

ment des deux

lutteurs ouvertsde

sang

et

ne

manque pas

dans son

épilogue

de

conclure

que

«

si votre femme

l'insolence de

vouloir

porter

a

culotte

...), agissez

comme

Sire Hain en

usa avec

Anieuse,

qui

le

méprisait

e

son

mieux

usqu'au

jour

il

réussit lui

frotter

os et

échine

». Sauver son

vêtement,

'est d'une

certaine

façon

sau-

versa peau. Sauver ses braies revient sauverson individualitémas-culine au

prix

d'une lutte féroce avec une femme

qui

chercheà

s'approprier

e vêtementmasculin.

Avant d'en venir au texte

ui-même,

n

bref

résumé

permettra

de

présenter

e contenu de ce

fabliau Sire Hain

et Dame

Anieuse

forment n

couple qui

se

querelle

ontinuellement.fin

de

savoir

une

fois

pour

toutes

qui

est le maître

dans la

maison,

Sire

Hain

propose

à sa femme

d'engager

une

lutteen

déposant

au milieu

de la cour

ses

propres

braies.

À

l'issue du

combat,

celui

qui

s'en

emparera

pourra

être considéré omme celui

qui

«

porte

a

culotte

et la

question

du

gouvernement

u

ménage

sera

définitivementésolue.

Deux

voisins,

Simon et sa femmeAupáis, jouent le rôle de témoins au fil de ce

véritable uel.

Après

une bataille

rudement

menée,

Sire

Hain

parvient

à se saisirdes braies

symboliques,

t

Anieuse se déclarant

aincue

pro-

met à

son

époux qu'elle

lui

sera

désormais

soumise.

Ce n'est

pas

un hasard

si

le

narrateur

ouligne,

dès les

premiers

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8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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108 P.

BUREAU

vers,

l'activité

professionnelle

e son

héros.

Sire Hain

sait de

quoi

il

parle

en matièrevestimentaire

ar il exerce

e métierde tailleur t

sait

parfaitement

accommoder es cottelleset les

manteaux

«

Sire Hains savoit bon

mestier,

Quar

il

savoit bien rafetier

les coteles et les mantiaus

(v.

7-9).

Sa

femme vait la

particularité

e ne

jamais

satisfaire es désirs

et se

plaisait

à le

contrarier e tout

son

pouvoir

en lui

préparant

es

mets dont elle savait par avance qu'ils lui déplairaient.C'est ainsi

qu'après

s'être

querellé

à

propos

d'un achat de

poissons,

Sire Hain

décide

d'engager

un

combat

dont

l'enjeu

sera ses

propres

braies

«

Le

matin,

sanz

contredire,

Voudrai mes braies

deschaucier

Et en

mi

nostre

cort couchier

Et

qui conquerre

es

porra

Par bone reson mousterra

Qu'il

ert sire et dame du nostre

(v. 102-107).

La bataille est engagéeet se décomposeen troisphases principa-

les. Dans un

premier

emps,

Dame

Anieuse

frappe

son

époux

avant

même

que

le

signal

n'ait été

donné

par

l'arbitre Simon. Sire

Hain

riposte

t un

échange

de

coups

de

plus

en

plus

violents 'ensuit.

Puis,

la

femme

parvient

se saisir des braies

par

la

ceinture

mais

le

vête-

ment est

rapidement

mis

en lambeaux car

Sire

Hain,

de

son

côté,

le

lui arrache

en tirant ur les

jambes

:

«

Hastivement

es

cort sesir

Si les

lieve

par

le

braioel,

Et

li vilains

par

le

tijuel

Les empoignepar mout grant re.

Li

uns

sache,

li

autres

tire,

La toile desront

et

despiece,

Par la cort

en

gist

mainte

piece.

Par vive

force

us

les

metent,

A la meslee se

remetent

(v.

210-218).

Des

invectives

ccompagnent

es

coups.

Dame

Anieuse

redouble

d'ardeur,

t c'est

au moment

ù le combat emble ourner n sa faveur

que

celui-ci

prend

une tournure écisive.

En

dernier

ieu,

Sire Hain

donne

l'estocade

à son adversaire

ui,

forcée de

reculer,

rébuche t

tombe à la renverse ans une corbeilledont il lui est impossiblede

sortir.

Sire Hain saute

alors sur

les

braies,

il

les saisit et les enfile

«

A

tant vers les

braies

s'en

cort,

Si les

prist

et si les

chauça

»

(v.

326-327).

Page 112: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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LA

DISPUTEPOUR

LA

CULOTTE

109

Ce n'est

pas

sans

maugréer

ue

Dame Anieuse

consent devant

ses voisins

à

être aux ordresde son baron et

se conduirecomme une

honnête femme.Sire

Hain,

Simon et

Aupáis,

en

riant,

concluent a

paix

et tirent e

son

panier

Dame

Anieuse bien mal en

point

et fati-

guée.

Le narrateur

chève son fabliau en attirant

'attention e la

par-

tie

masculine

e l'auditoire

our laquelle

celui-cidoit

servir

'exemple.

L'originalité

de ce

fabliau

provient

du

fait

qu'il

développe

de

façon

exhaustive ne

expression

ue

nous

n'avons rencontrée

ous une

forme llusive

que

dans

un

autre fabliau et un

dit.

Il

aura fallu

pas

moins

de

414

vers

pour que

le narrateur

rode une histoire

partir

de l'expression magée« portera culotte . Par ailleurs, 'importance

accordée au

dialogue

et aux

répliques

véhémentes ntre a

femme t

son mari donnent à ce fabliau une

tonalité

oviale qui

ne

doit

pas

pour

autant nous faire

oublier,

sous

couvert

de

parodie,

l'existence

réelle

de

combats

udiciaires

entre

époux

dont

on retrouve a

trace

dans des textes

plus

tardifs.On

sait notamment

u'en

Allemagne,

u

xve

siècle,

«

le duel

judiciaire

était

admis

par

les

autorités

égales

comme un

moyen

de

régler

es différends

ntre

mari

et femme 3.

L'image

du

mari

nigaud,

dominé

par

son

épouse

est,

contraire-

ment au fabliau

précédent,

elle

que

l'on

rencontre e

plus fréquem-

ment dans ce

genre

ittéraire.

l

en va

ainsi des

Qatre

Sohais saint

Martin . L'auteur anonymede ce fabliau relate 'histoired'un vilain

normand

qui

vouait une dévotion

particulière

saint Martin. Afin

de le

récompenser

e

sa

fidélité,

e saint ui

demandede formuler

ua-

tre

souhaits.

Le vilain

abandonne sa herse t se

précipite

hez lui

pour

annoncer a

bonne nouvelle à sa femme.

Mais celle-ci ui

reproche,

dès son

arrivée,

d'avoir laissé son travail

sous

prétexte

ue

le

temps

s'est un

peu

assombri t

le

couvre

d'invectives vant même

qu'il

n'ait

ouvert a bouche

:

«

Sa

fame,

qui

chauçoit

les braies

Li a dit

4

'Vilains, mal jor aiesAs tu

ja

si tost laisié ovre

por

lo tans

qui

un

po

se

covre ?

Il

n'ert

disners

usqu'à

cinc

lives

Est ce

por engraissier

es

gifes"

?

»

(v.

35-40).

Un

cas semblable se retrouvedans le dit

de

dame Jouenne5.

C'est à

partir

d'une

remarque

nnocentedu

mari

qu'est

déclenchée

une avalanche

d'injures.

Comme

dans Sire Hain le

conflit éclate

autour d'une

question

alimentaire.

Quand

le mari

demande à son

3. Cf.à ce sujet . Wright, istoiree la caricaturet dugrotesqueans alittératuret dans 'art

Paris, 866,

p.

117-119.

4.

NRCF, p. cit.,1988,

.

IV, pp.

191-216.

5.

BNF,

ms.fr.

4432,

°

412-414°

(lre

moitié u xive

iècle).

f. A. Lang-

fors,

le ditde dame

ouenne

,

versionnéditeu fabliau u

Prétondu

,

Roma-

nia t.

45, 1918-19,

p.

99-107.

Page 113: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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110 P. BUREAU

épouse

des

pois,

son

plat

favori,

lle lui donne de la

purée

de la

veille

allongée

avec de l'eau. Le ton monte et la femme

dessert e

couvert

si

rapidement ue

le

repas

est

répandu

à

terre.Le mari

pense

alors

qu'il

faut être fou

pour

la laisser

prendre

'habitude

de le maltraiter

de la sorte

«

Fol sui

quant

l'ai laissie amordre

Au

premier

moi mestrier

(v. 158-159).

Puis,

il

estime

que pour

l'avoir

ainsi

trompé

elle devrait

être

pendue

«

A

male hart soit el

pendue

Et

li

et toute

sa

baniere6.

Elle

portera

la baniere.

Je

cuit

qu'el

portera

les

braies

»

(v. 162-165).

Ce à

quoi

la femme

répond que

bien

que

ce

soit lui

qui

porte

les

braies,

au sens

littéral,

'est elle

qui

les

portera,

au sens

figuré,

ainsi

que

la ceinture

ui

les

accompagne

« - Voire, mau gre que tu en aies

Et

les braies

et le braiel

»

(v.

166-167).

Le

parallèle que

l'homme établit ntre e fait de

«

porter

a ban-

nière

»

et de

«

porter

a culotte fera au

xviie

siècle

l'objet

d'une

gravure

ur

cuivre,

anonyme,

dans

laquelle

figure

une

femmebran-

dissant

«

l'étendard

de la

révolte,

orné d'une

main,

tandis

qu'à

ses

côtés

un homme réduit à l'obéissance est

en

train de filer

7. La

seconde

occurrence u terme baniere dans le dit

de dame

Jouenne

a le

sens

d'un véritable

tendard,

d'un

drapeau symbolisant

e

sei-

gneurà la guerrequi conduit sa troupe.Le motiffolklorique es braiesdisputées irculait ans toutes es

couches de la société. Les

ecclésiastiques

vont

réemployer

'idée de

la femme

dominatrice n

réinjectant

ans

leurs sermons des récits

exemplaires

estinés

«

réveiller et à toucher n

plein

cœur

es laïcs

peu

enclins

à

écouter

de

longs

discours

théologiques.

6. Le sens ourantst elui e« corps e métier, « confrériemais oit tre

compris

pécifiquement

u vers 63 u sens e «

parenté

.

7. Cf. L.

Beaumont-Maillet,

a

guerre

es

exes

xve-xix<iècles),

es

albums

du

Cabinet

es

Estampes

e la

Bibliothèque

ationale

Paris,

984,

.

15

gravure

éditéehezJoos e

Bosschert

accompagnée

u

proverbe

lamand

is n

exergue

u

présentrticle).

Page 114: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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LA

DISPUTEPOUR

LA

CULOTTE

111

Un sermon

prêché

à Paris en

1272

La littérature

xemplaire

des

prédicateurs

u

xnie

siècle

fournit

des informations

récieuses

elatives la

culture

des laïcs.

«

Le

pré-

dicateur,

en

effet,

e trouve contraint

ar

les nécessitésde sa

péda-

gogie

"exemplaire"

à s'immiscer

ans les réseaux

multiples

e la nar-

rativité rale

-

notamment

olklorique pour y puiser

des récits

et les réintroduire

ous

forme ď

exempla

»8

dans ses sermons.

Le

tour de force des

prédicateurs

ui

s'adressaient

u

«

peuple

»,

dans

l'enceinte^ u sacré, est d'avoir trouvé un moyensubtilpour attirerl'attentiondes fidèlesen émaillant eur sermons« d'anecdotes

plai-

santes,

puisées

de

préférence

ans leur

expérience uotidienne,pour

stimuler

es auditoires

portés

à la morosité u à la somnolence

près

une

journée

de rude

travail

9.

JeannineHorowitz

et

Sophia

Menache

démontent ous

les

méca-

nismes

du rire

provoqué par

les

exempla

des

prédicateurs.

Le

soin

apporté

dans cette

démonstration e

révèle

particulièrement

onvain-

cant

pour comprendre

es

usages

de

l'humour et du rire dans la

pré-

dication médiévale.

Le rire st

avant toute chose

«

un

appareil

rhéto-

rique performant

...)

destiné

créerun

esprit

de

complicité

ntre es

récepteurs t les émetteurs u rire 10.Le prédicateur n se mettant

au même niveau

que

son

auditoire

parvenait

jouer

sur les

cordes

sensibles

de celui-ci

par

un exercice

e

manipulation

ont

l'instrument

était e

rire.Ce

«

stimulus

umoristique

,

affermi

ar

l'antiféminisme

clérical

et

la

misogynie

mbiante des

laïcs,

facilitait

a tâche

du

pré-

dicateur

qui

ridiculisait

abilement es vices

féminins

n

réveillant es

instincts

régaires

de la

partie

masculine des fidèles.

Que

la femme

ait été

la cible des

prédicateurs our

dénoncer

à la

fois

sa

ruse,

sa

vanité

n matière

e

coquetterie

estimentaire,

a

désobéissance,

t

pire

encore son

infidélité11,

tteste

une

profonde

méfiance

l'égard

de la

gent

féminine,

ant

du côté des clercs

que

du côté des laïcs.

C'est dans ce contextequ'il faut imaginer e maître Guillaume

de

Montreuil

rêchant

Paris

en

1272,

e

jour

de la

Toussaint,

devant

une assembléede

fidèles

eu disciplinés.

our

stigmatiser

ur un mode

humoristique

'esprit

de contradiction

t de

querelle

des

femmes,

Guil-

laume de

Montreuil

ntroduit ans son sermon

Vexemplum

uivant

«

Le

monde,

s'écrie

l'orateur,

n'est

plus

ce

qu'il

était.

Jadis,

'épouse

était fidèle son

époux

et

paisible

auprès

de

lui

8. Dictionnairees ettresrançaises,p.cit., oticee J.Berlioz ur es xem-

pla p.

438.

9. J. Horowitz t

S.

Menache,

L'humour

n chaire. e rire ans

'Église

médiévale

,

Histoire

t

société

28, Genève, 994,

.

67.

10.

bid.,

p.

68.

11.

bid.,

pp.

216-226.

Page 115: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 115/164

112 P.

BUREAU

comme

une brebis

aujourd'hui

ce sont des lionnes. Bien

plus,

elles veulent

porter

a culotte

volunt

portare brachas)

»12.

En

vantant es mœurs

du

tempspassé pour

mieuxcondamner

el-

les du

temps présent,

Guillaume

de Montreuil

'en

prend

à l'infidé-

lité

des

épouses.

On

voit d'ici

les

réactions uscitées

ans

l'église uprès

de la

partie

masculine

de l'auditoire

qui

devait

bruyamment

pprou-

ver les

propos

du maître

La

complicité ui

s'instaure

ntreGuillaume de Montreuil t

les

fidèles

montre

quel point

les

contacts

entre a

«

culture

cclésiasti-

que » (plutôtque savante) et la « culturefolklorique (plutôtque

populaire)13

ouvaient

s'établir sous

la forme

d'échanges

entredeux

pôles

culturels

ui

ne

correspondaient

as,

comme on a

trop

tendance

à

le

dire,

à des univers

clos. Les éléments

onsignéspar

écrit dans

les

exempla

sont les témoins

de

«

surfaces

de recouvrement

entre

culture crite

t culture

rale :

«

l'Église

accueille t

consigne

par

écrit

des éléments

folkloriques,

a

plupart

du

temps

soit

pour

les dénon-

cer,

soit

pour

les normaliser

les

"christianiser"). orsque

nous

voyons

les

clercs utiliserdes

traditions t des thèmes narratifs

olkloriques

pour

les transformer

n

exempla porteurs

'un discours moral ecclé-

siastique,

il

s'agit

bien d'une "christianisation"d'élémentsfolklori-

ques »14.

L'infidélité es

épouses

dénoncée

par

Guillaumede Montreuil

st

une

façon

d'attirer 'attentiondes laïcs sur

l'un

des

péchés

féminins

en le canalisant

par

le rire.

Ainsi,

l'intégration

'éléments folklori-

ques

dans le sermon

du

prédicateur

endaità celui-ci a tâche

plus

aisée

pour

faire

passer

un

enseignement

alutaire et moralisateur.

L'interpénétration

ntre es deux cultures st

manifeste

ar,

de

même

que

les

marginalia

des manuscrits taient

placées

à la

périphé-

rie du

texte,

es

exempla

étaient

appendus

au sermon et

pouvaient

avoir comme

fonction ssentielle

de

diriger

'attentiondu

récepteur

sur le contenudu discoursprincipal15.Toutefois, si la connexion

12.

BNF,

ms. at.

16481,

°

109.Cet

exemplum

été

publié our

a

première

fois ans

'Histoireittéraire

e a France

t.

XXVI, aris, 873,

.

406,

puis ar

A.

Lecoy e a

Marche,

a

chaire

rançaise

u

Moyen

ge,

Paris,

886,

.

435

t,

n

dernier

ieu,

ansJ.

Horowitz t S.

Menache,

L'humourn chaire

,

loc.

cit.,

p.

228.

13. D'un

point

e vue

erminologique,

es deux

oncepts

ontmieux

daptés

la réalité

istorique.

ur e

clivage

ntreesdeux ulturesf. 'articleovateure M.

Lauwers,

"Religion

opulaire",

ulture

olklorique,

entalités.otes

our

une

anthropologie

ulturelle

u

Moyen

ge

,

Revue 'histoire

cclésiastique

82, 1987,

pp.

221-258.our

a

bibliographie

elative

la

«

religion

opulaire

cf.

p.

231

t

P.

Dinzelbacher,

Zur

Erforschung

erGeschichte

er

Volksreligion

dansVolksreli-

gionmhohennd päten ittelalteréd. P. Dinzelbachert R.Bauer, aderborn,

Munich, ienne,

ürich, 990,

.

15-19.

14. M.

Lauwers,

oc.

cit.,

p.

247.

15. Cf. L.

M. C.

Randall,

«

Exempla

s

a Source

f Gothic

arginal

llumi-

nation

,

The

Art

Bulletin,9, 1957,

p.

97-107.

Page 116: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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LA

DISPUTE

POUR LA

CULOTTE 113

entre

Yexemplum

t le sermon est en

général

clairement

pparente,

la relationdes

figuresmarginales

vec le texte n'est

pas

aussi

systé-

matique,

mais

peut

être,

à certaines

ccasions,

l'indice d'un

rapport

réciproque.

Avant d'en venir au vêtement

isputé

dans les

miséricordes e

stalles,

un

détour

ar

un

répertoire

e

croyances opulaires

du

XVe

iè-

cle

intituléLes

Evangiles

des

Quenouilles

permettra

e

guider

pro-

gressivement

os

pas

vers l'enceinte du sacré.

Les pouvoirs symboliquesdu vêtement ans l'imaginairepopulaire

C'est

au cours

de

six veillées successives

qu'un

homme aurait

retranscrit

crupuleusement

es

propos

tenus

par

un

groupe

de

fileuses 6.

Composé

en

Picardie,

dans la seconde moitié du

XVe

iè-

cle,

ce

recueil,

dont

il

existe

deux

versions,

'une

exécutéevers

1470,

l'autre

postérieurement,

ontient out

un

réservoir e savoirs

féminins

qui

se

présentent

ous

la forme de

simples aphorismes

ou

de

pres-

criptions

suivre17.

es

«

recettes féminines estinées

garantir

a

prospérité

e la ferme

ôtoient

es

pratiques

de dévotions

populaires

liées

à la vie

quotidienne

de

la

famille,

ux

relations

ntre

'épouse

et son mari.

Parmi es

croyances

mentionnées ans les

Évangiles

des

Quenouil-

les

nombreuses ont celles où sont

invoqués

la

peau

et le

vêtement

comme fonction

protectrice.

Ainsi,

on trouve

pêle-mêle

es conseils

suivants

en donnant un homme

partant

n

guerre

une

«

coiffede

naissance

»

la

petite peau

du ventrede sa mère

»)

on le rendra

invulnérable

en

«

traînant a ceinture

u

son

tablier

derrière oi

»,

il

sera

possible

de

se

garantir

du

loup-garou

9

;

et enfin

«

pour

se

protéger

du

lutin,

vêtir sa chemise au devant derrière 20.

Cette

puissance symbolique

dévolue au vêtement etiendra out

particulièrement

otre ttention ans un cas

qui

concerne es

problè-mes susceptiblesde survenir u sein du couple :

«

Se une

femme eult

estre

u dessus

que

son mari ne la

batte,

il

fault

prendre

outes ses

chemises,

t

quant

le curé list a

pas-

sion

le

vendredi,

es

mettre essoubz

l'autel,

et lui faire vestir

le dimence ensuivant sachiez

que

tant

qu'il

aura vestue

ceste

chemise,

l

sera

a

sa

femmedoulz et

courtois

21.

16. Cf.

M.

Jeay,

es

Évangiles

es

Quenouilles,

aris,

985 et

plus

écemment

A.

Paupert,

es

fileuses

t e

clerc. ne tude

es

Évangiles

es

Quenouilles

Paris-

Genève,

990.

17. Le manuscrittiliséci est a premièreersionms.C., Chantilly,usée

Condé,

54.

18.

F° 56

v°.

19.

16 v°.

20. F° 16.

21.

F° 47

v°.

Page 117: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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114

P. BUREAU

Dans la version

remaniée,

l est même

précisé

que

les

chemises

doivent être

placées

«

sur

la

pierre

de l'autel

desoubz

les

nappes

».

Nous sommes

ici en

présence

d'une

croyance qui

nous

fournitun

exemple

aractéristique

e

détournement

e

la

«

puissance

magique

»

attachée

à un rite chrétien22. nne

Paupert

a

particulièrement

ien

analysé

a

pratique ymbolique

es

objets

cachés

sous

l'autel

qui

con-

férait

ceux-ci

«

des

vertus

merveilleuses

ar

le

contact

avec

l'autel

d'abord,

consacré

et

contenant

e

précieuses

eliques

et

surtout

par

la vertu encore

plus

sacrée

de la

messe

dite

sur ces

objets,

à

l'insu

du

prêtre»23.

Ainsi,

par

un

glissement

métonymique,

es

oraisons

solennelles élébrées sur l'autel ce jour-là imprègnenta chemise du

mari et transmettentubtilement celle-ciun

pouvoir qui

déteint it-

téralement ur sa

peau.

Bien

qu'il

ne

s'agisse pas

de

braies à

propre-

ment

parler,

a femme

arvient ar

cette

pratique

magico-religieuse

à remédier ux

querelles

du

ménage

en s

immisçant

ubrepticement

au cœur même de

l'église.

Si les

prédicateurs

vaient des

«

ficelles

,

comme

nous l'avons

vu,

pour

s'introduire ans

la vie

quotidienne

des

laïcs,

ces

derniers

disposaient

ussi d'astuces

pour prélever

la

religion

une

petite

part

de sacré.

L'irruption

du

profane

u cœur du

sacré miséricordes t

marginalia

Il

est

révélateur e constater

ue

l'aire

géographique

ouverte

ar

l'ensemble

de ces récits

orrespond,

ssentiellement,

celle

des édifi-

ces célèbres

pour

leurs

miséricordes

e

stalles,

particulièrement

ré-

sentes

en

Picardie, Normandie,

Flandre

et

Belgique.

Petite

console,

sculptée

e

plus

fréquemment

e scènes

profanes

et

placée

en

saillie

sous

le

siège

abattant d'une stalle

d'église,

la

miséricorde vait

pour

fonction e

soulager

a

position

debout des

clercs durant

es

intermi-

nables officesdivinsen leur permettant e prendre ppui sur cettepièce de bois, tout en ayant l'air d'être debout. Les huchiers

qui

étaient es auteurs

de

ces

sculptures

nous ont

transmis n ensemble

considérable

de

thèmes

propres

la vie

quotidienne

des

laïcs,

à leurs

croyances,

leurs savoirs

et à leurs

manières,

parfois,

de

tourner

n

dérision

a

religion

n se

plaçant

volontairement,

ais

paradoxalement,

dans

le chœur même de

l'église.

«

disputepour

la

culotte est l'un des

thèmesfavorisretenu

par

les huchiers. L'une des

plus

célèbres

de ces

représentations

st

celle

qui prend

place

dans l'ensemble des

miséricordes e

la

cathé-

drale

de Rouen

(fig. 1).

L'exécution

des stalles

fut

confiée

en 1457

à PhilippotViart,maîtrehuchier ouennais, uprès duquel travaillaient

22. A.

Paupert,

p.

cit.,

p.

192.

23.

Pour

a

bibliographie

ce

sujet,

f.M.

Jeay,

p.

cit.,

.

173,

t sur a com-

paraison

vec

'autres

royances,

elle

ue

celle

ui

consistait

tremper

ans nbéni-

tier

a

chemise

'unmari

aloux,

f.

A.

Paupert,

p.

cit.,

p.

193.

Page 118: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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LA

DISPUTEPOUR

LA

CULOTTE 115

Fig.

1

-

Rouen,

cathédrale

otre-Dame,

457-1469.

16

compagnons

huchiers,

ont

plusieurs

Flamands. Le travaildébuta

le

30

septembre

457

et

fut achevé en

1469. Le commanditaire

rin-

cipal

des stalles

était e

cardinal-évêque

Guillaume d'Estoute ille. Les

miséricordes,

u nombre

de

86,

occupent

ur deux

rangs

a

partie

nfé-

rieure du

chœur.

Si

celle

qui

nous intéresse a souvent été

reproduite24,

lle a

systématiquement

coupée

de son contexte.Ce

que

nous souhaiterions

evaloriser

ci c'est

précisément

'idée selon

laquelle

la

miséricorde

e la

«

dispute

pour

la

culotte

s'inscrit ans

un véritableprogrammeconographique.Grâce aux relevéseffectués

au

XIXe

iècle

par

Hyacinthe

anglois,

l

nous est

possible

d'avoir une

vision

fidèle de la

répartition

des

miséricordes

de

stalles

de

la

cathédrale25

ui

ont

été

remontées

près

les bombardements

e la

Seconde Guerre

mondiale. La

«

dispute

pour

la

culotte

représente

un homme

et une

femme,

diamétralement

pposés,

en train de tirer

vivement,

hacun de

leur

côté,

sur

un vêtement. e dessin

qu'en

avait

effectué

Hyacinthe

anglois

fait ressortir n

détail

qui

apparaît

diffi-

cilement ur la miséricorde

ujourd'hui

: l'homme tient

dans sa

main

droiteun couteau. Est-ce

à un

moyen

de

signifierue

l'hommeaurait

24. Cf. Cl.

Gaignebett J.-D.

Lajoux,

Art

rofane

t

religionopulaire

u

Moyen ge

Paris, 985,

.

48 D. et

H.

Kraus,

e mondeaché esmiséricordes

Paris, 986,

.

65.

25. E. H.

Langlois,

es stalles

e

la cathédrale

e Rouen

Rouen,

838.

Page 119: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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116 P. BUREAU

été

prêt

à mettre n lambeaux

l'objet

du

litige,plutôt que

de

céder

et de

s'en dessaisir

u

profit

e la femme

ui

s'en

emparerait

Tou-

jours

est-il

que

le sens

général

de la

scène est celui d'une

sévèreriva-

lité entre

es

deux

époux pour

savoir

qui

«

portera

a

culotte .

Ce

qui

est

significatif,

'est

la

place

de cette

miséricorde

ar

rap-

port

à celles

qui

l'encadrent.

En

effet,

a

«

dispute pour

la

culotte

se

situe

précisément

la charnière e deux

groupes

de

miséricordes

d'une

part,

dans

la

partie

nférieure u

schéma

qui

suit,

une

série de

miséricordes elatives

u travail

du

drap,

au

vêtement,

u

costume,

et d'autre

part,

dans

la

partie supérieure,

n

ensemble

plus spécifi-

quement ié au thème de la lutte26.

À

droitede la

«

disputepour

la

culotte

(n°

11),

un

homme est

présenté

quatre pattes

en trainde se faire

écraser es mains

par

une

femme

n° 10).

La miséricorde uivante

n° 9) reprend

'histoire

du

philosophe

Aristote

qui reprochait

u roi

Alexandre de

laisser les

devoirsde son gouvernementours'abandonner ux joies de l'amour.

Mais Aristote uccombe

ui-même la beauté d'une belle

dame et en

26. La numérotationenvoie celle

doptée

ar

Hyacinthe

anglois.

SANCTUAIRE

*

I*

lutte

+-

N°83

oueurs

e

pannoy»

A chaussures A

lutte

=

N°81cordonnier

essayage)

*-

-

N°80

cordonnier

~~

lutte

"

*

-

N°9ai 'Aristote

"""

*■

N°10:ommeominé

ar

ne

emme

-

^

- -

«-

N°ll

Dispute

raies

-

lutte

/F

vêt.

-

N°33

*

4

>

*■

N°12

fabricantse

atins

marchand

e

atins

Ä

(essayage)

chaussures

chaussures

_

Ä

-

N°132 abricantse

atins

Ä

-

N°142

anneurs

e

raps

vetement

-

*■

N°15

2

pinceurs

e

raps

drapiers -« N°71tondeurse raps

(homme

t

emme)

"■"^pîac^^^riiséricorde

ea

disputeour

a ulõtte^ãnT^^^I

le

rogramme

conographique

estallese

ouen)

Page 120: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 120/164

LA

DISPUTEPOUR

LA

CULOTTE 117

oublie sa

sagesse

au

point

de se fairechevaucher

ar

la

femme,

ellé

comme

un

palefroi.

L'homme

dominé

par

la

dame n'est même

plus

en mesure

de lutter.Un

peu plus

haut,

dans la

rangée

nférieureette

fois,

on

retrouveune

scène

de lutte à caractère

udique

: la

«

pan-

noy

»

(n° 83), jeu

qui

consistait

déséquilibrer

on

adversaire,

ha-

cun tirantde son côté sur une barre.

La

«

dispute pour

la culotte

se

situe,

par

conséquent,

la

jonction

des

figurations

iées

au textile

et de

celles

relatives la lutte.

En

un

mot,

elle est la cheville

qui

donne tout son sens

à cette

répartitionméthodiquement

tablie.

Parmi

les

86 miséricordes e

Rouen,

nombreuses

ont

celles

qui

reprennent des scènes grotesques situées à l'extérieur de la

cathédrale27.

À

côté

des êtres

hybrides,

nous

avons trouvé dans un

bas-relief u Portail de

la

Calende,

exécuté

à la fin

du

xine

siècle,

une scène

de

luttetoute

particulière

alors

que

deux

hommes se dis-

putent

un

vêtement,

n troisième

'empare

d'une

longue

étoffe

us-

pendue

à une barre

horizontale28. e

genre

de

querellepour

des dra-

peries

n'aura

sans

doute

pas échappé

aux

regards

des

huchiers

du

XVe

iècle

qui

connaissaient

parfaitement

a

haute

réputation

dont

jouissait

la

corporation

des

drapiers

de Rouen à cette

époque.

Dès le

XIIIe

siècle,

la

corporation

des tondeursde

draps

offrit

la cathédrale es deux verrières onsacrées au

cycle

de

l'histoire de

Joseph. Ces vitraux sont précisément eux qui comportent e plus

d'épisodes

relatifs

u vêtement ont

Joseph

est

dépouillé par

ses frè-

res,

et

qui, présenté nsanglanté

Jacob,

est rendu

célèbre

également

par l'épisode

au

cours

duquel

le fils de ce dernier

parvient

échap-

per

-

au sens

étymologique

u terme

-

à la

femmede

Putiphar,

en

ne

lui laissant

entre

es mains

que

sa

propre tunique.

À

travers

six

médaillons,

e vêtement

éapparaît

et

constitue

e fil

conducteur

d'une narration

mprégnée

'un fort

symbolisme.

C'est

d'ailleurs le

seul vitrail de

la

cathédrale

qui

attache une telle

importance

aux

aspects

symboliques

du vêtement.

n

marge

de la

verrière,

ans le

registrenférieur,

a

corporation

donatrice est

représentée

n

pleineactivité, ondant es draps à l'aide de forces.

Les huchiers nt

repris,

eux siècles

plus

tard,

es

métiers

u

tex-

tile et ont

figuré

notamment ans une miséricorde n homme

et une

femme

ui

se

partagent

e travail de

la

tonte des

draps (n° 71).

Ici,

le calme

règne

entre

es

deux

sexes

et,

par

un habile

jeu

de

miroirs,

se tissentdes

rapports,

à

la

fois

avec le vitrail

de

Joseph

et avec

l'image

inversée

du

couple qui

se chamaille

pour

un vêtement.

Bien

plus

au sud de la

France,

n

Aveyron,

'est d'une

toute utre

manière

que

la

question

des braies

disputées

été abordée. La

collé-

giale

Notre-Dame de

Villefranche-de-Rouergue

brite en son

chœur

27. Cf. M.

Camille,

mage

nthe

dge.

The

Marginsf

Medieval rtLon-

dres, 992,

p.

85-94

l'auteur

ouligne

e

parallèle

ntrees

grotesques

u Portail

es

Librairest es miséricordese la même

athédrale).

28. Scène

eproduite

ansJ.

Adeline,

culptures

rotesques

t

symboliques

Rouen, 879,

ig.

3.

Page 121: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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118 P. BUREAU

Fig.

2

-

Villefranche-de-Rouergue,ollégiale

Notre-Dame,

473-1487.

un

groupe

de

stalles

réalisées n

1473

sous

la

direction u maître

'oeu-

vre

André

Sulpice29.

Quand

on

découvre

pour

la

première

fois

la

miséricorde e

la

«

disputepour

la culotte ce

qui

frappe,

d'emblée,

c'est la

position

des

corps

l'homme et la femme ont

assis face

à

face,

et non

pas

debout comme dans les autres cas. La

plante

des

pieds

de

l'épouse

est calée

contrecelle de

son

mari,

chacun

s'effor-

çant

de

tirer soi des braies

percées

de

deux trous

fig.

2).

Cette

repré-

sentation

typique

a

pour

modèle le

jeu

de la

«

pannoy

»,

déjà pré-

sent

à Rouen et dans

bien

d'autres

groupes

de

miséricordes

de

stalles30. es adversaires ssis se faisaientface, tenanttous les deux

une

barre,

un

bâton,

et c'est celui

qui parvenait

déstabiliser 'autre

qui l'emportait.

Un tel

rapport

de

force

est

équivalent

ce

que

l'on

appelle aujourd'hui

«

le bras-de-fer

31.

En

flamand,

ce

jeu

est évo-

qué par

le

terme de

«

stygerspel

32,

en

langue

d'oc,

il

est

appelé

«

lou tiro-carré

,

c'est-à-dire

«

le tire-char

,

rappelant

ainsi

que

29.

La

publication

a

plus

écente

ur et nsemble

e

stallesst

elle e G.

Ber-

nard,

Le carnavalesmiséricordese

à

collégiale

e

Villefranche-de-Rouergue

,

dans

Mélanges istoriques

idi-Pyrénéensfferts

P. Gérard

Toulouse, 992,

pp.45-57,

5

fie.

30. Cf.E. C. Block, ThePastimesfMedievalhildrenndtheir lders,Romance

anguages

nnual

1991,

ol.

I, pp.

30-44.

31. Cf. D. et

H.

Kraus, p. cit.,p.

85.

32. Cf.

L.

Maeterlinck,

e

genreatiriquefantastique

t licencieuxans a

sculpture

lamande

t

wallonne.

esmiséricordes

e

stallesart

t

olklorey

aris,

910,

p.

197.

Page 122: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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LA

DISPUTEPOUR

LA

CULOTTE

119

«

chacun des adversaires

tait

pour

l'autre comme un

char

qu'il

lui

fallait tirer 33.

Fig.

3

-

Abbaye

e

Saint-Lucien

e

Beauvais,

492-1500

conservée

u musée

national u

MoyenÂge

-

Thermes e

Cluny).

Bien

que

le termede

«

pannoy

»

ne

soit

pas

attesté en ancien

français

comme

substantif,

l

provient

rès

probablement

du

verbe

«

pannoyer

ou

«

panoier

»

qui

désigne

'action

consistant bran-

dir,

à

manier

ou à

agiter

un bâton34. Le sens

général

de

ce

jeu

est

celui d'un rapportde force.En comparant a miséricorde e l'abbayede Saint-Lucien de Beauvais

(fig.

3)

à celle de Villefranche-de-

Rouergue,

on constate

ue

la

position

imilaire es

corps symétrique-

ment

représentés

st accentuée

par

la forme en

équerre

»

des deux

lutteurs

ui

se fontface. À la

lumière

de cette

comparaison,

la

dis-

pute pour

la culotte de la

collégiale

Notre-Damerevêt e

sens d'une

lutte

pour

le

pouvoir

à caractère

udique.

Le but de ce

type

de

con-

frontation

st d'éclairer 'un

jour

nouveau,

à la fois es

relations ntre-

tenues

par

les miséricordes ntre elles

dans

le

contextedu

sacré,

et

celles

des

marginalia

avec

les

sculpturesprofanes.

Un

siècle

plus

tôt,

le

jeu

de

la

«

pannoy

»

fait

irruption

ans

33.

L.

Pressouyre,

À

propos

une stalle e

Saint-Bertrand-de-Comminges.

Notrencienrt

eligieux

ut-ilnticlérial

»,

Revue e

Comminges,

.

83,1970,

.

151.

34. F.

Godefroy,

ictionnaire

e 'ancienne

anguerançaise

Paris, 888,

.

V,

p.

723.

Page 123: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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120

P. BUREAU

les

marges

du

Roman d'Alexandre1*5Enluminé

par

Jean de

Grise,

ce manuscrit

flamand

permet

de reconsidérer a

question

du

rôle

symbolique

des

images marginales

ur

laquelle

nous

reviendrons n

abordant d'autres scènes

de luttesdans les

miséricordes t

les

margi-

nalia. La miséricorde st

une

véritable

marge

dans

l'église

au

même

titre

que

les

marginalia

des manuscrits e sont en

regard

du texte

qu'elles

accompagnent

t

c'est

par

la

confrontatione

ces

deux

modes

d'expressionmarginaux ue peut

naîtreune

meilleure

onnaissancede

l'imaginaire

des huchiers.

Le

jeu

de la

«

pannoy

»

et

«

la

disputepour

la culotte

se com-

binent, au xviesiècle, dans les stalles du chœur de la collégiale

d'Hoogstraeten

en

Campine.

Ce

groupe

de

miséricordes

ut

exécuté

entre

1531

et

1548

par

Albrecht

Gelmers,

un

imagier

de la

localité,

sur

a commandedu

comtede

Lalaing, seigneur 'Hoogstraeten.

'ori-

ginalité

de cet ensembleest

due à la

présence,

comme à

Rouen,

de

tondeursde laine et d'une

variante

néditede la culotte

disputée.

À

côté de la scène désormais

lassique

de la lutteentre es

époux appa-

raissent

eux femmes chevelées

ui

se

querellent

our

savoir

aquelle

des

deux

remportera

e

pantalon qu'un

homme

brandit,

au

second

plan,

par

une

fenêtre.

lors

que

l'une des

femmes st

terrassée,

'autre

la maintient

par

les

cheveux et la

frappe

vigoureusement

vec un

battoir36.C'est à partirdu xvie siècle que les représentations e

combats

de femmes

pour

la culotteconnurent n

vif

succès

grâce

à

la diffusion

des

gravures

sur bois et des

estampes37.

Mais,

dès

la

seconde

moitié

du

XVe

iècle,

un nouveau thème

conographique

fait

son

apparition.

C'est

en

quelque

sorte une

réponse

donnée à la

ques-

tion

que pose

«

la

disputepour

la culotte : une femme

victorieuse,

enfilant

'une main la culottedont elle vientd'entrer n

possession,

force de l'autre son mari à filer

n

lui administrant e

grands coups

de

quenouille.

Condamné aux travaux

féminins,

'homme tient

ntre

ses mains

un dévidoir. Le monde ainsi renversé st

représenté

ans

deuxmiséricordesspagnoles38insi que dans une gravurede l'artisteflamand Israhel van Meckenemen 148039.

35. Roman 'Alexandreenluminé

ar

Jean e

Grise, landre,338-1344,xford,

Bodleian

ibrary,

s.

Bodley

64,

°

100. f.

reproduction

ans e fac-similé

e

M.

R.

James,

heRomance

f

Alexander

Oxford,

933.

36. Cf.

reproductions

ans

Art

rofane

t

religion

opulaire

u

Moyen

ge op.

cit.,

p.

49.

37. Cf. L.

Beaumont-Mallet,

a

guerre

es

exes,

p.

cit.,

ig.

3 et

55,

ainsi

que

'auteuruivant

ui

a consacré

out

n rticle

la

question

S.

Metken,

Wei-

berstreitm ineMännerhosedans atai.

xpo.

unte ildermBienenhausale-

rein us Slowenien

Munich,991,

.

67-77.

38. Cf. .

Mateo

Gomez,

emas

rofanos

n a escultura

spañola.

as sillerías

decoroMadrid, 979, ig. 77-278tp. 293 miséricordeseLeón,1467-1488).39.

Reproduit

ansTheulustratedartsch.ermanndNetherlandishasters

of

the

ifteenth

nd

ixteenth

enturieséd. M.

Wolff,

ew

York, 985,

ol.

23,

p.

98. Je

emercie,

ar

illeurs,

. Alexandre-Bidon

e m'avoir

ignalé

'existence'une

scène emblableans a

marge

u Missel e

Juraj

e

Topusko,

onservé

ans e tré-

sorde la cathédralee

Zagreb,

t datéde la toute in u xve

iècle.

Page 124: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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LA DISPUTEPOUR

LA

CULOTTE 121

Fig.4 - Les Vœux u Paon Jacques e Longuyon,ranco-flamand,a 1350

(The

PierpontMorgan

Library,

ms. Glazier

4,

f° 6

v°)

Page 125: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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122

P. BUREAU

Le

mari dominé

par

son

épouse

est

un

thème

qui

a

prévalu

dans

les

marges

des manuscrits nluminés. e manuscrit

ranco-flamand

es

Vœux

du

Paon40,

réalisé vers

1350,

comporte

de

nombreusesmar-

ginalia

parmi esquellesfigure

n hommefaible

qui

cherche

repren-

dre

possession

des braies

dont la

femme 'est

emparée

fig. 4).

En

s'attachant

u

textede ce

folio,

on

s'aperçoit que

la

figure

marginale

est une

image

inversée

de l'amour

courtois. L'idée

développée

dans

le texte

est

celle bien connue

de

la

fin'amor

la

femmeest

l'objet

d'un

désir

perpétuellement

nassouvi. L'homme tente

par

tous les

moyens

e

conquérir

a dame

toujours

naccessible. a

raisonest domi-

née par le charme de la belle dont il fait 'éloge, tout en reconnais-

sant

qu'elle

le

gouverne

et le fait souffrir

«

Quant

je

voi a

loisir

la

gorge qui

blanchoie

Le

vis et

le

menton des cheveaus

crespe

et bloie

De la belle

par

cui

fine

amours

mi

maistroie

Je sui si tres mues ke

n'est

rien ke

je

voie

Rien ne voi rien ne

sene ne

riens

ne

sentiroie

S'en tel

point

devant

i

tot mon

vivantestoie

»

(fol. 6v°).

Dans le même

contexte,

u folio

78,

c'est un

singe qui

honore

avec révérence es braies suspendues u-dessus de lui41.D'une façon

générale,

es

marges

de ce manuscrit ont cart

par rapport

u

poème

courtois

qui

est son

sujet principal.

Qui

plus

est,

elles

établissent

n

rapport omplexe

entre e texte t

les miniatures e

batailles chevale-

resques qui jalonnent

le

manuscrit.

La

lutte est au cœur

des Vœux

du Paon

,

tant sur le

plan

de l'amour

que

sur celui

des

joutes

intesti-

nes du Roman d'Alexandre.

Le

«

monde à

l'envers est aussi

évoqué par

la

petite

igure

'une

femme

ui jaillit

hors du textedes

Heures de Jeanne

d'Évreux

fig.

5).

Jean

Pucelle,

l'auteur des miniatures t

des

marges

de ces

Heures réa-

lisées vers 1325-1328,a mêlé aux images de la Passion des scènes

empruntées

la vie

quotidienne

et aux

jeux42.

Il est

frappant

de

constater

ue,

dans

un recueil

de dévotion renfermant

es

prières

de

l'office

divin,

'enlumineur it

pris

soin de

piquer

a

curiosité u

des-

tinataire n insérant

ans les

marges

des éléments

uisés

dans la cul-

ture des laïcs.

Ainsi,

la femme

yant

conquis

les braies

symboliques

côtoie des scènes de

jeux

tel

que

celui de

«

la main

chaude

»43. Les

marges

n'ont

pas pour

fonctionde divertir

'attentiondu

récepteur

40. Sur e

manuscrit,

f.J.

Plummer,

anuscriptsrom

he

William.

Glazier

collectionNew

York, 959,

.

21

le

manuscrites

Vœux u Paon stune

nterpola-

tion e la troisièmerancheu Roman 'Alexandre).41. Cf. L. M. C.

Randall,

mages

n the

Marginsf

Gothic

anuscripts

Ber-

keley

Los

Angeles,966,

ie.537.

42.

Cf.

K.

Morand,

ean ucelle

Oxford,962,

p.

13-16 t 41-42.

43. Cf. L.

M. C.

Randall,

«

Games nd thePassion n

Pucelle's

ours f

Jeanne'Evreux

,

Speculum

47, 1972,

p.

246-257.

Page 126: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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LA

DISPUTEPOUR

LA

CULOTTE

123

Fig.

5

-

Heuresde Jeanne 'Évreux enluminé

ar

Jean

Pucelle,

(Paris,ca 1325-1328, ewYork,The Cloisters,ms. 54.1. 2, f° 202)

mais,

bien au

contraire,

e

partir

u vécu des

laïcs

pour

mieuxremon-

ter vers es miniatures e la Passion. Par un effet

'analogie,

les mar-

ges

ont une fonction

atalytique

elles

déclenchent hez

le lecteur ne

réaction

par

le sourire

qui

permet

d'ouvrir les

yeux

de

celui-ci

sur

la Vie du

Seigneur

en la

comparant

à son

propre

vécu.

Or,

ce

qui

ne doit

pas

nous

échapper

en

comparant

es textes

et les documents

igurés

elatifs u thème

profane

de

«

la

disputepour

la culotte

,

c'est

l'idée

capitale

selon

laquelle

les

auteurs

de

ces

œu-

vres sont avant

tout des

hommes

Ce

sont

eux

qui

nous font

parta-

ger leur vision du monde et ce sont les mêmesqui nous parlentdes

femmes n termesde rivalité.

Ne

serait-ce

as parce que

la lutte est

d'abord

«

une histoired'hommes

»

?

C'est de

ce

côté

qu'il

convient e se tourner finde mieux

ompren-

dre es modèles

qui

ont

pu

êtreutilisés

our exprimer

a valeur

ymboli-

que

de la lutte

mpliquée ar

d'autresformes e rivalités

estimentaires.

Le

vêtement,

nstrument e la rivalité ntre deux lutteurs

Pour

pénétrer lus

avant dans

l'imaginaire

des

huchiers,

l

est

nécessairede confronteres miséricordes e stalles et les margesdes

manuscrits44.

e

danger

serait de vouloir

systématiser

ne démarche

44. Cf.

Ch.

Grössinger,

English

isericordsf the hirteenthnd

Fourteenth

Centuriesndtheir

elationship

o

Manuscript

lluminationsJournal

f

the

War-

burg

ndCourtauld

nstitutes

désormaisbrégé

n

JWCI],

ol.

38, 1975,

p.

97-108.

Page 127: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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124 P.

BUREAU

de la sorte. Mais

lorsque l'opportunité

e

présente,

l faut

la

saisir

car c'est

par

ce

type

de confrontation

u'il

est

possible

de mieux

per-

cevoir es

enjeux

symboliques

du vêtement n

revenant

l'archétype

de la lutte

dans

l'iconographie

médiévale.

'étude

pionnière

e

Michael

Camille est à cet

égard

riche

d'enseignements.

lle ouvre a

porte

d'une

nouvelle

approche

des

genres marginaux.

C'est

en

décloisonnant

es

études consacrées

aux

marginalia

t

aux

miséricordes

ue

la

recher-

che

de la

signification

e chacune

peut

s'avérer fructueuse45.

Dans cette

optique,

l'examen d'un

cas concretde lutte

masculine

permet

e montrer

ue

la

«

disputepour

la culotte a

pu

être nfluen-

cée par un modèleprimitif. u XIIIe iècle, a figurationa plus clas-

sique

et la

plus répandue

de la lutte entredeux

hommes se

caracté-

rise

par

la

position symétrique

u

corps

des lutteurs torses

nus,

les

braies

relevées,

ls

s'empoignent

mutuellement

ar

la taille

et se livrent

à un

corps

à

corps

sans

merci46.

Fig.

6

-

Gloucester

Angleterre),

athédrale,

340-1360.

Outre-Manche,

n

élémentnouveau s'introduit

ans la lutte. Il

s'agit

d'une

écharpe

entortillée utour

du

cou

des

lutteurs.

Par

cet

ajout,

cette

véritable

greffe

n

regard

des scènes de lutte

classique,

la

signification

e celle-ci e voit

modifiée.

Ainsi,

dans la

cathédrale

de Gloucester47, u xive siècle, une miséricorde résente e cas de

45. Cf. M.

Camille, p.

cit.

pp.

93-97.

46. Nous

ensons

otammentu dessinu

carnete Villarde

Honnecourt

BNF,

ms.fr.

19093,

° 14

v°),

datéde la

première

oitié

u

xme

iècle.

47. J.

Farley,

heMisericords

f

Gloucester

athedral

Gloucester,981,

ig.

7.

Page 128: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 128/164

LA

DISPUTE

POUR

LA

CULOTTE

125

deux hommes

qui

luttent n tirantvivement ur une sorte de

linge

enlaçant

a

partie supérieure

e

leurs

corps (fig. 6).

La

pièce

de vête-

ment est-elle l'instrument u

l'objet

de la lutte Les

hommes

cherchent-ils

s'emparer

de l'étoffede leur adversaire

u,

plus

sim-

plement, déséquilibrer

elui-ci omme

dans

le

cas de la

«

pannoy

»

où le

bâton n'est

qu'un

instrumentntre es deux

oueurs

?

C'est

plu-

tôt

pour

cette

econde

nterprétationue

nous

opterions

ar une

misé-

ricorde

de

Barcelone,

datée de

1380,

figure

a même

scène avec

des

lutteurs

ssis,

les

pieds

accolés,

mesurant eur force au

moyen

d'une

longue écharpe48.

Quelques

années

plus

tôt,

on rencontre

dans

la

marged'un psautierdu diocèse de Norwich fig. 7)49une scène de

lutte

parfaitement

imilaire celle de la

cathédralede

Gloucester.Le

haut des braies est

enroulé autour du

bassin,

le bas

étant relevé et

maintenu

par

de fins

cordons

pour

le lutteur e

droite.

L'originalité

de cette

représentation

st due à la

présence

d'une

rivalité

vestimen-

taire

s'exprimant

ans un contexte

différent.

e

Psautier

ďOrmesby

présente

u folio

109

une

reprise

du

Psaume 80. Le texte

st

encadré

Fig.

7

-

Psautier

'Ormesby

diocèse

de

Norwich,

fin

xme-début

ive

iècle

Oxford,

odleian

Library,

ms.

Douce

366,

Psaume

80,

109)

48. Cf. . Mateo

Gomez,

p.

cit.,

.

319.Jeremercielaine lock e m' voir

signalé

a

présence

e utteurs

eboutsvec ne toffeutoure

eurs

ous,

n

Grande-

Bretagne,

ansunemiséricordee

la cathédrale

'Ely,

atée e 1339-1341.

49. Cf. L. F.

Sandler,

Gothic

anuscripts,

285-1385,

ew

York,

ol.

5, 1986,

pp.

49-51,

otice

°

43.

Page 129: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 129/164

126 P. BUREAU

par

une

guirlande

rborescente ur

laquelle

ont été

placés

divers

per-

sonnage

hybrides.

ans la

partie upérieure

u folio

figure

ne

scène

de combat

entredeux

hybrides,

'un est

armé

d'une

épée

et d'un

bou-

clier orné d'un

masque.

Dans une totale

symétrie,

a

scène inférieure

reprend

e thèmedu combat.

Les étoffes

nlaçant

e cou des

lutteurs

sont de

la même couleur

que

celle des

braies.

Au

milieu du

folio,

le début du Psaume

80

fait

'objet

d'une miniature

ui transpose

co-

nographiquement

es

premiers

ersets

de

celui-ci

«

Criez de

joie

pour

Dieu notre

force,

acclamez le Dieu de Jacob.

Ouvrez le

concert,

frappez

e

tambourin,

la douce

harpe

ainsi

que

la

lyre

sonnez du cor au mois

nouveau,

à la

pleine

lune,

au

jour

de notre fête

(versets

2-4).

Ainsi

célébrée,

a fêtedes Tentes commémore e

séjour

au désert

et

la

Loi

reçue

au Sinai Elle

rappelle

au

peuple

de Yahvé

que

c'est

grâce

à Lui

que

celui-ci est

parvenu

à sortirdu

pays

d'Égypte

et à

ne

pas

devenir

es serviteurs

e

ses adversaires.Dans le folio

suivant,

Yahvé

fait

précisément

mentionde ses

propres

ennemis

«

Ah Si mon

peuple

m'écoutait,

si dans mes voies

marchait

sraël,

en

un

instant 'abatierais ses adversaires

et contre ses

oppresseurs

ourneraisma

main.

Les ennemis de Yahvé

l'aduleraient,

et leur

temps

serait

à

jamais

révolu

»

(versets 14-16).

Or,

à la

gauche

des

lutteurs,

'enlumineur e la

marge pris

soin

de

représenter

n

petit

être

hybride

ui

tend

sa

main,

l'index

levé,

vers e

texte,

omme

pour diriger

os

yeux

sur

le

contenudu

Psaume80. Si, fréquemment,e rapport ntre a margeet le textedu manus-

crit

peut

s'avérer

arbitraire,

ci,

il

est bien au contraire

'indice d'une

volontédéterminée

e mettre n relationun thème

profane,

mprunté

au

quotidien

des

laïcs,

et

un

texte acré

comportant

es

éléments iés

au

combat,

à la lutte de Yahvé contre ses

oppresseurs50.

Dans

le

Psautier de

la reine

Mary5' composé

en

Angleterre

dans

les années

1310-1320,

e contexte

conographique

ournit e

pré-

cieuses informations.

es lutteurs

ui s'étreignent

mutuellement

ar

une

écharpe

sont

encadrés,

de

chaque

côté,

par

des

spectateurs.

La

50.Sur 'interprétationymboliquees mages arginales,f.S.K.Davenport,« Illustrationsirectnd

blique

nthe

margins

f n Alexanderomancet Oxford

,

JWCI

vol.

34,

1971,

p.

83-95

l'auteur

émontre'existence'une

orrespondance

très ortentrea dérisiones ombats

arginaux

t es cènesetournoistde

batailles

du Roman

'Alexandre).

51. Cf.

L. F.

Sandler,

p.

cit.,

pp.

64-66,

otice

°

56.

Page 130: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 130/164

LA

DISPUTEPOUR

LA

CULOTTE 127

particularité

e ce combat réside dans le fait

que

l'un

des

hommes

assistant

la

lutte

tient

dans sa

main une

longue perche

au

sommet

de

laquelle

trône un

coq.

Le

volatile

est

l'enjeu

du

combat,

le

prix

à

remporterfig.

8).

Celui

qui

l'obtiendra era nommé

«

Roi des

pou-

les

»

alors

que

le

perdant

sera

le

«

Roi

dépouillé

»,

celui

qui

aura

perdu

sa

«

pole

»,

sa

«

poille

»,

c'est-à-dire a

poule,

son

coq.

Fig.

8

-

Psautier e la reine

Mary Angleterre,

a 1310-1320

Londres,

British

ibrary,

ms.

Royal

2. B.

VII,

160

v°)

Claude

Gaignebet

a

déjà

analysé

de

façon

détaillée a coutume

des combats rituelsde

coqs

en

période

de

Carnaval. Les

jeunes gens

se réunissaienthaque année le jour du JeudiGras et apportaient ha-

cun leur

coq.

À

l'issue du combat des

coqs,

le

propriétaire

e l'ani-

mal

vainqueur

était nommé

«

Roi

des

Écoles

»,

«

Roi des

enfants

,

et défilait

triomphalement

ur

une

perche, portant

une

couronne,

revêtu d'une

chape

et

accompagné

par

ses

condisciples qui

l'accla-

maient.

En

revanche e Roi de l'année

précédente

uit

piteusement

e

cortège, dépouillé

de

ses

vêtements,

t

il

porte

le

titre de

«

Roi

dépouillé

avec

calembour ur

«

Roi

des-pouilles

,

«

des

poules

»52.

Ce rituel fait

'objet

de tout un

développementconographique

ans

les

marges

du Roman d'Alexandre

3.

Toutefois,

le Psautier de la

reine

Mary

ne met

pas

en

scène ce

type

de

combat de

coqs.

L'animal

est simplement résenté omme ce que l'on peut gagnerou perdre

52.

Cl.

Gaignebet,

p.

cit.,

p.

170.

53. Cf.

Cl.

Gaignebet,

Sur

e Jeudi-eudiot

,

Bulletin

olklorique

'Ile-de-

France

2-3,1968,

p.

35-44

t

5, 1969,

p.

105-108.

Page 131: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 131/164

128

P. BUREAU

dans une telle

compétition.

'est

peut-être

à

l'origine

de

l'expression

argotique

utilisée

par

les

joueurs

de cartes

qui,

à

partir

du

XVIIe

iè-

cle,

désignaientpar

le terme

«

poule

»

(de l'anglais pool) l'enjeu

déposé

au début de la

partie,

c'est-à-dire a somme constituée

ar

le

total des mises

qui

revient u

gagnant.

Si la mise à mort d'un

coq

donnait au nouvel

élu

un

privilège

royal,

l

en allait

de mêmeen

1496

pour

un rituel

olklorique

méconnu

que

l'on retrouve ans

les

registres

e

comptes

de la ville de Laon.

De véritables euveries

taient

rganisées

haque

année

pour

désigner

un

nouveau roi :

«

Les habitantsde la ville de Laon se réunissaient

quelques ours aprèsNoël et nommaient n chef,un "Roi des braies"

pour présider

eur fête célébrée e

13

janvier.

Ce

monarque

avait un

connétable

et une cour de circonstance.

Pour

illustrer on

règne

de

trois

ours

et en

rappeler

'égayant

ouvenir,

e

"Roi des Braies" fai-

sait

frapper

ne monnaie en

plomb, portant

d'un côté des

braies,

de

l'autre une croix

chargée

d'une

fleur

de lis

en

abîme. Autour de

ces

braies et de cette croix on

lit "Roi

des braies"

»54.

À

l'issue de

cette

partie

de

plaisir,

e roi de l'année

précédente

tait nommé

«

Roi

des mauvaises braies

»,

«

Roi

dé-brayé

,

c'est-à-direRoi

dépouillé

de

ses

anciennesbraies. Le

terme débraillé ne fait

son

apparition

qu'au

XVIe

iècle. Son utilisationdans le cas

présent

st à nouveau

forgée partird'un jeu de mots. C'est encore une foispar le calem-

bour

que

le

vêtement

rend

toute sa dimension

ymbolique.

Une histoire es mentalités t des sensibilités es hommes et

des

femmes

de l'Occident médiéval

au

XVe

iècle

ne

peut

s'écrire

qu'en

croisant

toutes les données

que

nous avons rencontrées.

abliaux,

exempla

miséricordes,

marginalia

t

pratiques folkloriques

e recou-

pent

et donnent ux historiens

'aujourd'hui

une meilleure

ision

de

l'imaginaire

des

huchiers.C'est en se

plongeant

de la

sorte dans

la

culturedes

laïcs

que

les

sculptures rofanes

de

«

la

dispute pour

la

culotte prennent oute leur valeur symbolique.Notrebut a été

d'appréhender

d'une façon nouvelle es miséri-

cordes

de

stalles

en

montrant

ue

le

développement

'images margi-

nales se déroule à l'intérieur

'un

genremarginal

ui-même.

La misé-

ricorde est une

«

image

au carré ». C'est la raison

pour laquelle

il

est désormais

nécessaire

d'analyser

ces

images

de

façon

anthropolo-

gique

et

sociale,

et non

plus

comme un

simple système tylistique.

e

burlesque

n'est

pas

gratuit,

l

engendrepar

le rire

et le sourire une

meilleure onnaissancedes

rapports

ocio-culturels

ntre a culture

es

laïcs

et la culture des

clercs au

Moyen Âge.

Le mot de la

fin

sera destiné

ux

femmes

e

notre

proprequoti-

dien.Aujourd'hui, i l'expression portera culotte est un peu vieil-

lie,

il

suffit

ue

nous levions les

yeux

en

déambulant dans la ville

54. M.

Matton,

La

royauté

esbraies

,

Bulletine a Société

cadémique

e

Laon vol.

X, 1859,

p.

247-251.

Page 132: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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LA

DISPUTEPOUR

LA

CULOTTE

129

pour

nous

apercevoir u'elle

est d'actualité. Par le

port

du

vêtement

emblématique

de

notre société

-

le

jean

-

la femmea

reconquis

une

liberté

ymbolique ui

lui

était

auparavant

niée,

en

érotisant on

corps.

Désormais,

en

revêtant ette seconde

peau,

nous serionstenté

de dire

que

le sexe féminin

st

de

nos

jours

bien

«

culotté

...

Archives Nationales Caran

60,

rue

des

Francs-Bourgeois

F-75003

Paris

Pierre

Bureau,

La

«

dispute pour

la culotte .

Variations it-

téraires t

iconographiques

'un thème

profane

xiiie-xvie

iècle)

L'analyse

du thème

profane

de

la

«

dispute

pour

la

culotte

nécessitede croiser es

documents crits

t

les

documents

figu-

rés. Toute

la

portée

symbolique

du vêtement

isputé

entre

es

époux prend pleinement

a

signification

n

confrontant

es

fabliaux,

es

croyancespopulaires

et

les

miséricordes,

es mar-

ginalia

des

manuscrits.

A

la

croisée du texte et de

l'image,

il

est possible d'appréhenderd'une façon nouvelle les rapports

socio-culturels es laïcs et des

clercs.

Le

vêtement st

l'instru-

mentd'un

rapport

de force

entre

poux,

qui

s'inscrit ui-même

dans

un

contexte acré où les fidèles ont leur

mot à dire

sur

la

question épineuse

de la lutte

pour

le

pouvoir.

Profane

-

Symbolique

-

Text

-

Image

-

Culotte

Pierre

Bureau,

The

«

dispute

for

the breeches .

Literary

nd

Iconographie Variations on a Profane Theme (13th-16thcenturies)

For an

analysis

of the

profane

theme of

the

«

dispute

for

the

breeches

,

a

study

of

both

written

nd

figurative

ocuments

is

necessary. nly

when

fabliaux,

opular

beliefs,

xempla

mise-

ricord

carvings,

nd the

marginalia

of

manuscripts

ave

been

brought

nto

comparison

does

the

symbolic

mport

of

the

gar-

mentfor which

husband and wifecontend ake on

its full

signi-

ficance. As

text

and

image

cross,

new

light

s thrownon the

sociocultural elations etween

aymen

nd

clerics.The

garment

is seen as an

instrument

n

the

power

struggle

etween

he hus-

band and wife, strugglewhich s itself laced in a sacred con-

text where

the faithful lso have the

possibility

f

expressing

their

opinion

on the

thorny uestion

of

prerogatives.

Profane

-

Symbol

-

Text

-

Image

-

Breeches

Page 133: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 133/164

Médiévales9,automne995, p.131-140

Peter VON MOOS

OCCULTA

CORDIS.

CONTRÔLE DE SOI ET CONFESSION AU MOYEN ÂGE

I. FORMES

DU

SILENCE

Au

cours

de recherches ur le

dialogue

et la

conversation u

Moyen Âge1

dont

les

sources ont été surtout es

traités

de

théologie

morale et les livresde bonnesmanières,une constatation aradoxale

s'est

imposée.

D'une

part,

les

règles

de

comportement pparaissent

comme éminemment

ntidiscursives,

résupposent

a

supériorité

bso-

lue du silence sur

le verbe et ne

visent

qu'à discipliner

e

langage,

conçu

moins comme instrument e communication

ue

comme ris-

que

de trahison et de

perte

de soi. D'autre

part,

l'ouverture

vers

l'autre,

la

sincérité,

'expressivité

u Moi sont

des valeurs

ncontesta-

bles et tout aussi recommandées. 'étude

qui

suit s'essaie à trouver

la

logique

intérieure

ui pourrait

faire e

pont

entre

ces

deux

pôles,

entre e contrôle de soi et la confession.

Depuis

le début du

Moyen Âge,

nous

pouvons

distinguer

eux

modèles de silence normatif celui de l'ascèse monastiqueet celui de

la

prudence tratégique risée

dans l'aristocratie

aïque

et cléricale.Ces

deux modèles de

comportement'opposent

diamétralement l'idéal

antique

de

«

l'humanité et de

son

synonyme

l'urbanité

,

à cette

culturede convivialité

pontanée,

gratuite

t

désintéressée,

ui régnait

par exemple

dans les entretiens icéroniens

e

Tusculum,

et

qui

n'est

pas

encoreéteinte ans

ceux

du

jeune Augustin

t de ses amis de

Cas-

siciacum. Elle

réapparaîtra près

une

longue

éclipse

chez

Pétrarque.

1.

Il

s'agit

u

projet

Dialogische

nteraktion

m

Mittelalter

,

dirigé

ans e cadre

du

Sonderforschungsbereich

31 Münstercf.P. von

Moos,

Le

dialogue

atin u

Moyen ge , AnnalesSC 44, 1989, p.993-1028Id.,« ZwischenchriftlichkeitundMündlichkeitDialogischenteraktionm ateinischenochmittelalter,Frühmit-

telalterlichetudien

25, 1991,

p.

300-314

Id.,

«

Aspekte

er

Dialogforschung.

ie

italienische

rs

rengandi

es 13. Jahrhudertsls Schule er

Kommunikation

,

dans

Wissensliteratur

mMittelalter

nd

nder

rühen

euzeit

H.

Brunner

t N. R.

Wolf

éd.,

Schriftenes SFB

226,

vol.

13,Wiesbaden,993,

p.

67-90.

Page 134: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 134/164

132 P. VON MOOS

Il

est d'ailleurs

curieux de noter

que

le

premier

héoricien e cette

culture raffinée e

la

causerie

à

bâtons

rompus

en

a été en même

temps

e dernier au

IVe

iècle,

e rhétoricien ules

Victor,

'inspirant

de

Cicéron,

écrivit

es

chapitres

ur

la

conversation

t

la lettre

rivée

en

prenant

oin de

distinguer

es formesdu discours

associatif,

donc

essentiellement

a-rhétorique,

de

toute

composition

oratoire

préméditée2.

l

était

e

seul

à aborder cette formede

discours avant

les

Castiglione,

Sigonius

ou

Guazzo

aux

XVe

et

XVIe

iècles.

La

chouette e Minerve e lève tard la théorie e ce

qui

va de

soi

s'épa-

nouit

quand

la

pratique

ne va

plus

de

soi.

Peu après JulesVictor,dans cettepériodede transition u'Éric

Dodds

a

appelée

«

l'âge

de l'anxiété

»3,

on voit

s'établir des cou-

vents

de

plus

en

plus

semblables des abris ou à des

refuges

ontre

la

crise ambiante

de

l'Empire

romain,

qui

ont

pour longtemps mpré-

gné

le monachisme

t la

religionpar

leur

programme

ssentiellement

ascétique.

Le commandement u silence

y

fait

partie

d'une

méthode

de mortification

lobale,

visant surtout déshabituer

es moines de

leurs

styles

de vie

antérieurs,

les

dégoûter

du luxe

d'une civilisation

conviviale

qui

soignait

même

des

«

futilités comme

l'élégance

et

l'humour

de la

conversation.

'application

de cette

nouvelle

discipline

se

substituait u but

premier

d'éducation

religieuse

ou

mystique4.

Dès le débutcependant, on radicalisme été l'objet de critiques, ant

païennes ue

chrétiennes,

eprochant

ux

moines

eur

solement inhu-

main

»

ou

sauvage,

leur

égoïsme

nsolent t leur

pure

virtuosité scé-

tique.

Dans ces exercices

d'endurcissement,

e silence

peut

en effet

devenirun but en soi.

L'ascèse,

ayant pris

la

relève du

martyre

es

premiers

iècles,

portait

e nom

métaphorique

de

«

martyre uoti-

dien

»

;

elle manifestait une volonté

analogue d'accomplir

des

«

records

d'abnégationhéroïque5.

Le silence

n'y

a donc

pas

néces-

sairement e caractère

nitiatique u'il

a dans d'autres

religions, ui

exigent

e

sacrifice

de la

langue

en

présence

de

l'arcane.

Dépourvu

de contenu et de mystère,

l

peut se suffire lui-même n tantquepreuved'une brillante echniquede mortification,'un accomplisse-

ment

quasi sportif.

Un deuxième

type

de

silence,

qu'il

vaut

mieux

appeler

stratégi-

que

que profane,

,

malgré

on

origine

ristocratique, énétré

'éthi-

que

de toutes es couches sociales cultivées

u

Moyen

Âge.

Il

est

déjà

l'objet

du manuel scolairedes Disticha Catonis

qui, depuis

'Antiquité

tardive,

été

la

base

de toute éducation

élémentaire,

e livre e

plus

répandu

du

Moyen

Âge

après

la

Bible,

bien

que

curieusement

ebelle

2. RhetoresatiniminoresC. Halméd.,Leipzig,868, p.446-447.3. E. R.

Dodds,

agan

ndChristiansn an

Ageof

Anxiety

Cambridge,

965.

4. Cf.Mönchtumnd

Gesellschaft

m

FrühmittelalterF.

Prinz

d.,

Wege

er

Forschung12),

Darmstadt,976,

p.

151-160,

50-460.

5. Cf. G.

Bauer,

Claustrum

nimae,

ntersuchungen

ur

Geschichte

er

Meta-

pher

om

Herzen

ls Kloster

Munich,

ink

973,

p.

70-83.

Page 135: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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OCCUL

A

CORDIS 1

3

à tout effort e révision u de

réinterprétation

hrétiennes6. es Dis-

ticha

comme tant

d'autres textes

didactiques qui

en

dépendent

-

livresde

proverbes,

nstitutions

our

novices,

disciplines

pour

étu-

diants,

miroirsde

prince

et introductions la vie de

cour,

etc.

-

ne font

que

décliner

une

seule

règle

l'homme

doit se tenir

sur

ses

gardes

devant

utrui,

urtout

uand

il

ouvre a

bouche. Car

il

est dan-

gereux

de laisser es mots

s'échapper

de leur

forteresse.

n

parlant,

l'on

risque

de donner

prise

à

l'adversaireet de subir

des retoursde

«

boomerang

. Le silence

aussi

est donc

d'une

importance

entrale

dans cette

tradition.

Mais ce n'est

pas

un silence

vide,

pratiqué

pour

l'accomplissemente soi ou la « virtuositéeligieuse, c'est un silence

dissimulant n contenu. Ce

qu'il

fallait

cacher,

dans

l'optique

de ces

manuels

de

conduite

sociale,

c'était

le

Moi

intime,

et

être vulnéra-

ble, désarmé,

nu et

perdu,

exposé

aux

intempéries

e

la

jungle

humaine. Sa

défense,

sa

cape qui

le rend

invisible,

'appelle

l'hon-

neur,

la

dignité

ou la bonne

renommée honestas

honor,

dignitas,

fama).

Dès la

prime

nfance 'homme doit

apprendre

'art de

se faire

valoir,

en

se

moulant

dans

un

rôle,

dans une

persona respectable.

l

ne

peut

commettre e

pire

faute

que

de

se

confier

rop

vite à

autrui.

La méfianceest surtout

recommandée

l'égard

des femmes t

des

faux

amis,

qui,

une

fois

franchi e

seuil de la

forteresse

ntérieure,

y font fonctionde cheval de Troie. Rester sur ses gardes, regarder

à deux fois avant

d'approcher

'autre,

savoir

dissimuler t simuler

n

connaissance de

ses

propres

faiblesses,

e

sont les maximes

es

plus

souvent

répétées

dans

cette

ittérature

édagogique, qui

ne se

tarira

pas,

comme on

sait,

au

seuil des

temps

modernes,

mais connaîtra

une

belle

postérité

ans les innombrables

raités

de

«

l'homme

de cour

»

écrits urtout

par

des

Jésuites.C'est

en

effetun

phénomène

de

«

la

très

ongue

durée ». Par

leurs accents

paranoïaques,

ces

manuels se

rattachent cette

angoisse

de

l'Antiquité

tardive

qui

est

également

à la base du modèle

ascétique

de

la fuitedu

monde.

Dans ces docu-

mentsd'éducation élémentaire u MoyenÂge, il n'y a pas trace decette

conception

moderne u

post-rousseauiste

ui passe pour

simple-

ment

chrétienne,

t

qui

est l'amour du

prochain conçu

comme

con-

fiance en

autrui. La

guerrey

reste a

mère de toute

chose,

comme

la

ruse est

la mère

de toute

sagesse.

Les deux

enseignements,

elui

de

l'ascèse

monastique

et

celui de

la

prudence

mondaine,

tout

différents

u'ils

sont,

ont en

commun

l'idéal de

l'homme entièrement

ontrôlé,

qui

bride

sa

langue

et

qui,

selon un

stéréotype

épandu,

se

distingue

ssentiellement e

l'enfant

et

de la

femme,

de

ces êtres

spontanés,

babillards et

incapables

de

retenue.

Toute

la

pédagogie

médiévale,

tant

religieuse ue

profane,

exalte e silence comme tel ou commearrière-fond 'une parole pru-

dente. Ce

n'est

pas par

hasard

si une abondante

ittérature

st vouée

6. Cf. R.

Hazelton,

The

Christianizationf Cato

,

Medieval tudies

19,

1957,

p.

157-173.

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134 P. VON MOOS

spécialement

ux «

péchés

de la

langue

»,

dontCaria

Casagrande

et

Silvana Vecchio ont fait la

synthèse7.

e silence

est devenu le fon-

dement

de toute vertu

ociale,

comme

e

dit

un des

premiers

ers

I,

v.

3),

l'un

des

plus

souvent

ités,

des

Disticha Catonis Virtutem

ri-

mam esse

puta

compescere

inguam

«

Pense

que

la

première

ertu

consiste

à maîtriser

a

langue

»

Or

du

poids

normatif u

silence

dépendent

nos

questions

sur le

secret

on

peut

en

déduire

u'au Moyen Âge

le

seuil de la honte

épa-

rant a

sphère

du

privé

et du

public

a dû se situer un

niveau bien

plus

élevé

qu'aujourd'hui,

où chacun

peut

mettre es

expériences

nti-

mes à la disposition u voyeurisme énéral.Du moins à cetégard, a

thèse

de Norbert lias sur e

«

processus

e la civilisation

-

se

déve-

loppant

de la

libertémédiévale

la

pudibonderie

t au

«

self-control

moderne

devrait tre érieusement

econsidérée,

arce qu'Elias

com-

mence son

étude au

XIVe

iècle,

époque déjà prémoderne

beaucoup

d'égards,

et

néglige quasi

totalement e millénaire

précédent8.

On

pourrait

u

contraire

isquer 'hypothèse ue

le

Moyen

Âge

a

connu

une forme oute

particulière

e contraintet

même

de

violence,

ui

con-

sistait

manipuler

e secretde l'homme

singulier,

a

propre

dentité,

son talon

d'Achille.

Les

stratégies

e

précaution

t

d'autodéfense

ue

recommandent

os manuels

de

bienséance

ont

toutes

pour

objectif

de

protégere Moi contre e dangerd'êtredémasquéetridiculisé. e célè-

bre

exemple

de PierreAbélard montre ien à

quel point

un

simple

cte

de

vengeanceprivée

pouvait

anéantir a

persona

confondre a

respec-

tabilitéd'un

homme

public.

Sa castration dû vivement t

longtemps

impressionner'opinion

du

Moyen

Âge,

d'une

façon

qui dépasse

de loin

le faitdivers

ui-même,

omme e

symbole

e la chuted'un

héros dans

l'ignominie.

Aussi,

dans

Y

Historia calamitatum

qu'elle

soit authenti-

que

ou

non),

cette histoire

prend-elle

es couleurs

d'un

traumatisme

insupportable

ausé

par

la honte

de la

mise

à nu du Moi

intime.Ce

dommage

moral est

expressément

essenti omme

incomparablement

plus

douloureux

ue

le

dommagephysique.L'épisode permet

'ailleurs

un curieux approchementntre es deux formes e protection u Moi,

l'une

monastique,

'autre

sociale,

puisque,

selon cette

histoire,

bélard

est

par

la suiteentré

ans le couventde

Saint-Denis,

non

pour

des rai-

sons

religieuses,

mais

pour y

cacher

sa

honte9.

7. C.

Casagrande t S.

Vecchio,

peccati

ella

ingua,

isciplina

d

etica ella

parola

nella ultura

edioevale

Rome,

987.

8. Cf. N.

Elias,

Der

Prozess

er ivilisation

2

vol., rancfort,

tw

58-9,

977

H. P.

Duerr,

er

Mythos

om

ivilisationsprozess

Francfort,

988

P. Gleichmann

éd.,

Materialien

u

Norbertlias'

Prozess

ivilisation

Francfort,

977 R.

Brandt,

Enklaven-Exklaven

Zur literarischen

arstellung

on

Oeffentlichkeit

nd Nicht-

Oeffentlichkeit

mMittelalter

Munich,993,

p.

117-126.e

problème

étébeau-

coup

iscutéors

'un

olloque

ur La vie

publique

t a vie

privée

u

Moyen

ge

et udébutesTemps odernesOeffentlichkeitndNicht-OeffentlichkeitnMitte-

lalter ndfrüher

euzeit

,

que 'ai

organisé

vecGertMelvillen novembre994

à

Bad-Homburg

t

dont es actes ranco-allemands

araîtront

n 1996.

9. Cf.

M.

McLaughlin,

Abelard

s

Autobiographer

,

Speculum

42, 1967,

pp.

463-488,

urtout

p.

474

q.

A. J.

Gurjewitsch,

as Individuum

m

europäis-

chenMittelalter

Munich,994,

p.

171-183.

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OCCULTA

ORDIS

135

Il

y

a

plusieurs

hemins onduisant la

compréhension

istori-

que

du

secret

de l'identitédu

Moi,

si

précieux

et menacé.

Je n'en

choisis

qu'un,

celui

indiqué par

le titre

de cet article.

Occulta

cordis,

arcana

cordis,

secreta cordis sont des termes

tablis

de

la

littérature

patristique

t

médiévale

pour désigner

a

non-transparence

e

l'âme

pour

autrui.

Ils

se réfèrent ous à l'idée

biblique que

Dieu

seul

peut

voir 'intérieur e

l'homme,

elon le mot du Livre de

la

Sagesse

1.6 :

«

Dieu

est

le

sondeur

des coeurset

le scrutateur es

reins 10.

Abé-

lard résume uccinctemente

principe

n

disant11

«

Pour

Dieu seul

les cœurs

et

les

pensées

sont manifestes

,

principe

première

vue

anti-psychologique.l met 'accent soit surun secretque personnene

doit

connaître,

parce qu'il

ne

regardeque

Dieu,

soit sur un

mystère

que personne

ne

peut

connaître,

uisque

Dieu seul en

a la

clé. D'un

côté

l'exégèse porte

sur

le

péché

de

curiosité

t

interdit 'ouvrir

émé-

rairemente

que

Dieu a

caché

aux

yeux

des hommes.L'âme

de

l'autre

fait

partie

de

ces

régions

défendues

l'exploration,

omme la

magie

ou

l'astrologie,

où l'on n'entre

que

par transgression.

lle

est

donc

tabou. De

l'autre

côté,

si l'âme n'est

visible

que

pour

Dieu,

les

anges

et les

saints,

ertains

ignes

néanmoins a rendent

artiellement

échif-

frable u lisible ux

hommes.Tous les

esprits,

elon eur

degré

d'intel-

ligence, euvent 'interpréter,

a

reconstruire,

onc lui

rendre

ne

trans-

parencerelative n bien ou en mal. Le maître e plus astucieux, e

plus prompt

t zélé

dans cet

art

de

l'interprétation

u

de la

conjec-

ture

psychologique,

'est

l'ange

déchu,

Satan,

bien

que

lui non

plus

n'ait

pas

un

accès

direct

la vision du

cœur et

reste donc

confiné

à

des

moyens

de

duperie

herméneutique.

Or,

le cœur

est

également

a

scène et

l'acteur

principal

d'une

«

psychomachie

de

puissances

il

peut

devenir

e

«

temple

du

Saint-

Esprit

»

ou le

bouge

des

démons,

sans être

pour

autant un

simple

récipient, ouet passif

de

forces

étrangères12.

on

secret,

ou

plutôt

son

mystère

e

plus profond,

e trouve

dans la

destination

ternelle

de l'âme que, Dieu excepté,personnene peut prévoir, t dont cha-cun est néanmoins

personnellement

esponsable.

Aaron Gourevitch

s'est servi de la formulede

«

l'individu

neffable

pour

démontrer

que

le

Moyen

Âge

ne

disposait

pas

encore

d'un

concept

pour

dési-

gner

l'entité

personnelle13.

'est

l'exagération

d'une

idée

juste

:

le

centre e l'unicité

ndividuelle

asse

pour

caché,

mais non

pour

inexis-

tant.

Il

dépasse

l'entendement umain il

est

indicible,

t

ceci

préci-

sément à

cause de

son caractère

eschatologiquement

ramatique.

Formulons-le ans

les termesde la

doctrine

ugustinienne

e la

pré-

10.

Deus]

examinator

ordium,

crutator

enum.

Cf. L. J.

Friedman,

« Occulta ordis, Romancehilology11,1957, p.103-119.11. Sic et

non,

B. B.

Boyer,

R. McKeon

d.,

Chicago/Londres,

976,

.

91,

1.45 soli

Deo corda t

cogitationes

ate(a)nt.

12.

Cf. G.

Bauer,

p.

cit.,

pp.

70-83.

13. A. J.

Gurjewitsch,

as

Weltbildes

mittelalterlichen

enschen

Munich,

1982,

p.

327-330

cf. aussi

d.,

Das

Individuum...,

p.

cit.,

h.

II.

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136

P.

VON MOOS

destination,

ont KurtFlasch vient de faire une

pénétrante

nalyse

dans son

livre

La

logique

de la terreur

4

:

l'âme

singulière

de

l'homme se débat

et

s'angoisse

sa

vie durantdans ce

«

for

ntérieur

,

désireux

sans

certitude ucune

d'appartenir

à la

«

Cité de

Dieu

»

qu'habitent

es très rares

élus,

sachant

que

la

«

masse damnée

»

du

commun des

mortels

fait

partie

de la

«

cité du

diable

»

et ira

avec

lui

peupler

'Enfer.

Mais l'hommene sait

pas

et n'a

pas

même e droit

de savoir

qui,

concrètement,

ans

cette

«

cité

mixte de la vie

sur

terre,

ppartient

l'un ou à l'autre

camp.

Dans

cette

doctrine

igou-

reuse,

qui

a

été

plusieurs

fois

allégée

au cours de sa

survie

médié-

vale, on trouvepeut-êtree pivot de la théorie des « obscuritésdu

cœur

»,

qui

est

avant tout

une

psychologie

u salut. Elle ne se borne

cependant

pas

à la

seule

problématique

e la

prédestination,

mais

la

dépasse

dans

plusieurs

directions

pratiques,

même en

dehors du

domaine

religieux.

Le secret

du cœur est

inconnaissable,

mais

partiellement

isible.

La doctrine

des

occulta

cordis fait

donc

partie

du modèle

général

de

l'explication

ymbolique

du

monde,

qui

fait

correspondre

es choses

intérieures

t inabordables

et les

signes

extérieurs

t

manifestes.

«

L'homme

extérieur n'est

pas

seulement

e

corps,

mais

tout ce

qui

apparaît

aux

autres

il

donne

à

interpréter

es

indices,

des

ombres,

des voiles,des miroirs, es fragments,ar lesquelson accède indirec-

tement

et

partiellement

«

l'homme

intérieur

,

qui

en

serait

la

lumière,

a

nudité,

e

noyau,

le Tout

d'une

réalité naccessible

n tant

que

telle.

L

exterior

homo est

le

signifiant

e Yinterior omo dont

la

psyché

nvisible

orme e

signifié.

i la relation

ntre

es

deux

entités

ne

manque

pas

d'une certaine

ransparence erméneutique,

e

degré

de cette

ransparence

st resté

une

question onguement

ébattuedans

la littérature

héologique

t

philosophique

il

y

avait

des

réponses pti-

mistes

mettant

'accent

sur

l'unité et

la

simultanéité

es mouvements

psychiques

t des

réactions

xtérieures,

t des

réponses essimistes

on-

cevant e corps avanttoutcomme 'obscuritéde l'âme, obscurité ui

peut

être si

totale,

commedit Vincentde Beauvais15,

ue

l'âme ne

s'y

reconnaît

même

plus

elle-même.

Mais

je

passe

sur

cette

question,

qui

touche à

l'immense

discussion

du

Moyen Âge

néoplatonicien

ur

les

relations

de

l'âme et du

corps,

pour

soulever

uelques conséquen-

ces

pratiques

de

la théorie

des occulta

cordis

dont

e

viens

d'esquis-

ser le

fond commun.

Une

conclusion

ittéraire

déjà

été tiréede

cettevalorisationdu

secret

personnel.

Par une sorte

de

respect

ntipsychologique,

ar

une

sainte

horreur

e la

transgression

ui

consisterait

s'arroger

e

privi-

lège

divin

de

la connaissance

de

l'âme,

les écrivains

médiévaux,

ur-

tout les conteurs t les historiens, e montrenta plupartdu temps

14.

Logik

des

Schreckens

Augustinus

on

Hippo,

Die Gnadenlehre

on

97,

May

nee,

990.

15.

Speculum

aturale,ouai,1624,

6. 70.

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OCCULTA ORDIS

137

réticents

décrire es

phénomènes

sychiques

ils les donnent enten-

dre de

façon stéréotypée, imple

et

rudimentaire,

our

ne

pas

dire

primitive,

n

représentant

leur

place

des manifestations

xtérieures,

des

comportements,

es

gestes,

bref,

des actes

symboliques16.

ans

notre

contexte,

une

autre observation me semble

plus pertinente

encore

la

distance

intersubjective,

a méfiance envers le

dialogue

spontané,

dont nous avons

parlé, s'explique par

la crainte

que

susci-

tait le

langage

du

corps

comme

expression

nvolontaire

t

comme

indice

plus

ou moins

déchiffrable e l'âme. Richard de Saint-Victor

le dit clairement17

«

Le

mouvement u cœur

sort mmédiatementt

sans contradiction ar le mouvement u corps. » De même,dans les

manuels

enseignant

a

prudence,

it-on

très

souvent,

particulièrement

dans

l'introduction,

u'il

n'est

pas

donné à l'homme de cacher

tou-

tes ses

pensées,

parce que, par

le

corps

ety

ar

son

organe

e

plus

subtil,

la

langue,

l

en

émet névitablementes

signescompromettants

c'est

pourquoi

les

préceptes

éunis

dans ces livres sont surtout

destinés

à

aguerrir

e

corps

et

la

langue

dans l'exercice de la

contenance.

On

pourrait

'étonnerd'un

aspect paradoxal

de

cette ittérature

la

grande popularité

dont

ouissent

es maximes

toïciennes ur

l'apa-

thie

s'oppose

à autant

de sentences ntistoïciennes

nonçant

a

puis-

sance

invincible e

la

passion.

Mais les

unes

et

les autres servent e

mêmeobjectifd'autoprotectionn inculquant 'impassibilitéxtérieure

et en avertissant

es

dangers

ntérieurst de

la

perméabilité

u

corps.

Cette

autoprotection

eut

même

prendre

un

caractère

potropéique,

puisque

c'est

par

les

signes

du

corps que,

mieux

qu'aucun

ennemi

humain,

e diable sait

pénétrer

ans le château fortdu

Moi,

couram-

ment

appelé

Varx

mentis.

C'est

la morale

qui

détermine

es

règles

du

maintien.

Comme le

corps

est

autant une voie

de sortie

qu'une

voie

d'entrée,

l

doit être

gardé

dans les deux

sens

:

il

doit éviter

d'expo-

ser

le

cœur,

mais aussi

de l'influencer

ar

ses

gestes, qui,

tout

inno-

cents

qu'ils

paraissent, euvent réparer

e

péché.

Le

moine,

par

exem-

ple, qui jette

des

regards

vides sur une

femme,

u

celui

qui, affamé,lève les yeux u cielpoursavoir 'heure olaire, nvitente mal à entrer

sous

formede luxure

ou de

gloutonnerie.

e

même,

un

visage pâlis-

sant

ou

rougissant

peut

devenir

un

aveu

involontaire,

t

amener a

condamnation

par

le tribunal selon

le droit

romain et

la

rhétorique

médiévale

ce

«

signe

»

passait

d'ailleurs

pour

une

véritable

preuve

c'était

une des

preuves

ites inartificielles

,

efficaces

ar

elles-mêmes

sans

le recours

de l'art de l'orateur18. es

paroles peuvent

romper

le

corps

ne ment

amais.

L'interdépendance sychosomatique

adicaledu

corps

et

de

l'âme,

dont se

chargeait

a médecine

t la

philosophie

morale,

était

donc une

16. Cf. L. J.

Friedman,

oc.

cit.,

pp.

113-115.

17.

Benjamin

aior

PL

196,

ol.97.

18.

Cf. H.

Lausberg,

andbuch

er iterarischen

hetorikvol.

,

Munich,

960,

§§

358

qq.

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8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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138

P. VON MOOS

source de

risques

ncalculables. elon la doctrine

es

passions,

'amour

et la

colère,

pour

des raisons

physiologiques,

e

peuvent

tre

cachés

à

moins

de

posséder

des forces

héroïques

et

surhumaines

doctrine

particulièrementnquiétante our

une mentalité

oncièrement

oucieuse

de fortifier

utoprotection.

e toute

façon,

es manuelsde

bienséance

tâchaientde

remédier

cette tare de la

nature humaine

par

l'ensei-

gnement

de diverses

techniques

de

dissimulation t de

camouflage.

Cette ittérature

e

cesse

de

répéter u'il

est

plus

difficile

e dominer

l'âme

que

la

parole.

La maxime

n'est d'ailleurs

qu'une

varianteun

peu

trivialede la théorie

scolastique

des

primi

motus

des

premiers

mouvements rrésistibles es affects, elon laquelle les « suggestions

du diable

»

ne

peuvent

tre

repoussées

l'homme n'en

est donc

pas

responsable, ourvu qu'il

refuse

d'y

consentir

ar

la

suite19. e

prin-

cipe, qui jouait

un

peu,

au

Moyen

Âge,

le

rôle

de notre

«

incons-

cient

»

actuel,

suscitait

de

longs

débats sur la nature de

ces

sugges-

tions diaboli

sur

la délimitation es

différentstats affectifs

rimai-

res,

comme

es

«

fantaisies t

pollutions

nocturnes des

moines20,

a

sexualité

uvénile

considérée

rrépressible

t donc sans

péché,

l'apport

inévitable

du

plaisir

dans

le coït matrimonial

malgré

a

seule inten-

tion

de

procréer21

t

-

A. Boureau vient de l'étudier

-

les

méfaits

des

somnambules

durant leurs

promenades

en

dehors de

l'unité

psychosomatiquenormale22. La formule uridique necessitas non

habet

egem

«

pour

ce

qui

est nécessaire

l

n'y

a

pas

de loi

»,

s'appli-

quait

à la morale

et devenaitainsi

l'objet

de

débats fort

ubtils sur

les

limites

e la

responsabilité.

ar s'il était

évident,

malgré

'opinion

stoïcienne,

ue

l'homme ne résiste

pas

au

premier

ssaut de la

pas-

sion,

personne

de

l'autre côté

ne doutait de la force de

Vintellectus

ou

de la volonté

d'en

pouvoir

rationnellement

epousser

t

dominer

les

mouvements

ltérieurs.

Michel

Foucault,

en

parlant

de

l'ascèse

monastique,

bien décrit

e volontarisme

n

disant23

«

Tout le tra-

vail du

moine sur

lui-même onsiste

à ne

jamais

laisser

engager

sa

volontédans ce mouvement ui va du corps à l'âme et de l'âme au

corps

et sur

lequel

la volonté

peut

avoir

prise, pour

le favoriser u

19. Cf.

R.

Schnell,

ausa

moris,

iebeskonzeption

nd

iebesdarstellung

n

der

mittelalterlichen

iteratur

Berne/Munich,

978,

p.

413-430.

20. Cf.

P.

Browe,

Beiträge

ur

Sexualethik

es Mittelalters

Breslau, 932,

pp.

80-90.

21. Cf.

D.

Jacquart

t

C.

Thomasset,

exualité

t

savoirmédicalu

Moyen

Âge,

Paris,

985,

p.

208-220

J.-L.

landrin,

e

sexe

t

'Occident

Paris, 981,

pp.

279-282

P.

Legendre,

'amour

u

censeur,

ssai ur

'ordre

ogmatique

Paris,

1978,

p.

157-163.

22.

«

La redécouverte

e l'autonomie

u

corps l'émergence

u

somnambule

(xiie-xive

iècle)

,

Micrologus

:

I

discorsiei

corpi

Discourses

f

the

Body

Turn-

hout, 993, p.27-42 « Pierree Jean livi t e semi-dormeur.neélaborationmédiévalee l'activiténconsciente

,

Nouvelle evue e

Psychanalyse

48,

1993,

pp.

231-238

«

Satan

t e dormeur.

ne onstruction

e

'inconscientu

Moyen

ge

,

Terrains

14,

1991-1993,

p.

41-61.

23.

«

Le combat

e la chasteté

,

dansSexualitésccidentalesPh.Arièset

A.

Béjin

d.,

Communications

35,

1982,

.

35.

Page 141: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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OCCUL

A

CORDIS

1

39

pour

l'arrêter,

travers e mouvement e la

pensée.

» Il ne fautdonc

pas

s'étonner i certains

maîtres

lus

rigoristes

e la

discipline

e l'âme

et du

corps

sont allés

jusqu'à

recommander

es

recettes ontre

des

réactions

physiologiques ue

nous

trouverions

nvolontaires,

omme

certains ics

-

le froncement es

sourcils,

e

tremblement

es

lèvres,

le

croisement es

jambes,

le

balancement

es

pieds,

etc.

-

,

et

même

contre es

gestes

ccompagnant

e rêve du

dormeur.

Du beau

livrede

J.-Cl. Schmitt

sur la raison des

gestes24

n

pourrait,

dans

notre

cadre,

tirer

a

conclusion

ue

rien n'a été

plus

suspectpour

le

Moyen

Âge

que

la

spontanéité, ui

est

devenue,

bien

plus

tard,

une

valeur

éminente t un signede santépsychique.Le modèlestoïciende l'ata-

raxie,

l

est

vrai,

a bien été

rejeté

comme

phénomène

sychique,

mais

semble avoir

été

insensiblement

ransposé

de

l'homme

intérieur

l'homme

extérieur.

Des vues

synthétiques

tirées d'un

champ

de

recherche

spécifique25,

elles

que

celles

que je

viens de

proposer,

risquent

ou-

jours

de réduire

a

complexité

'une

époque

aussi

contradictoire

ue

le

Moyen

Âge

;

pour

atténuer e

risque,

e

vais les

négliger

rovisoi-

rement,

u

plutôt

es mettre n

symétrie

vec

d'autres

vues

synthéti-

ques qui

leur

semblent

pposées.

J'éviterai

insi le

reproche

aità

une

certaine

histoire

es mentalités

accusée de

préférer

'unité mono-

lithiquede penséeet de sentiment 'une époque à la pluralitéde ses

systèmes

e

croyance26.

l

est vrai

que

le

concept

des occulta

cordis

constituait n

modèle

de

comportement

ominé

par

le

contrôle e

soi,

qu'il justifiait

e

paraître

ocial,

le

mimétisme

écent,

t

même un

cer-

tain

manque

de

sincérité.Mais le

reversde la

médaille est

tout

aussi

significatif

comme on

sait,

aucune

civilisation

'a,

autant

que

la

civi-

lisation

chrétienne,

ontribué

développer

e

sens de

l'introspection

et de

l'auto-analyse.

Saint

Augustinpasse

à

juste

titre

our

le

fonda-

teur

du

genre

autobiographique,

t

l'ouvrage

monumental

e

Georg

Misch27 ur

l'autobiographie

rouve

suffisamment

ue

le

Moyen

Âge

n'a

jamais cessé,

même

dans ses

premiers

iècles

plus silencieux cetégard, de produiredes témoignagesndividuels ouvent

dramatiques

de ce

qui

s'appelait

alors

la

confessio

dans un

sens

très

arge.

À

par-

tir du XIIe

iècle,

selon

l'heureuse

expression

du

Père

Chenu28,

24.

Paris,

990.

25.

Les résultatsn

seront

rochainement

ubliés

ansun

ivre ur

es

formes

d'interactionelon a

littérature

idactique

u

Moyen

ge.

26. Cf.G.

Lloyd,

our n

inir

vec es

mentalités

Paris, 993,

ui

exagère

llè-

grement

ette endance

our

mieux

ouvoir

nsuitea

critiquer.

e

genre

e

polémi-

que

embletre la

mode urtoutn

dehorse a

Francecf.

ussi

.

Raphaël,

ie

Erben on loch nd

ebvre.

Annales

-

Geschichtsschreibung

nd

nouvelleis-

toire in Frankreich945-1980Stuttgart,994.27. G.Misch,Geschichteer

Autobiographie

8

vol.,

Francfort

1907)

1949-1969cf.Die

Autobiographie

G.

Niggl

d.

Wege

er

orschung65),

Darms-

tadt,

989.

28.

M.-D.

Chenu,

'éveil

e

la conscience

ans

a

civilisation

édiévale

Mon-

tréal/Paris,

969.

Page 142: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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140

P.

VON MOOS

« l'éveil de la conscience

prit

on essoret les formes t

genres

itté-

raires

es

plus

divers

vinrent onfirmer

ue l'expression

des

propres

expériences

ubjectives

e chacun était

devenueun véritable déal cul-

turel.

l n'est

pas

besoin

de l'illustrer ne fois de

plus.

Ce

développe-

ment

peut

être considéré

comme la

préhistoire

du sub

ecti

isme

moderne,

t

l'on

peut

se demander

i la littératurentimiste omanti-

que

ou la

psychanalyse

uraient

amais

vu le

jour

sans une tradition

auto-analytique

i enracinée

dans

notre

passé

culturel.

l

faut donc

également

nvisager

e secret

de l'identité

ndividuelle

ous

l'angle

de

ce

modèle

apparemment

ontraire,

t

peser

a relation

articulièreu'il

y avait entre a volontéde manifestert celle d'occulter e Moi ; il

faut

voir les deux

faces de la

médaille.

(À suivre)

Page 143: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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Médiévales9,automne995, p.141-155

NOTES

DE LECTURE

Commynes,

émoires

Présentatione

Philippe

ontamine,Paris,

mpri-

merieNationalecollection cteurs e l Histoire), 994,490p.

Voici

quelque

emps ue

les rééditionsu les

reprints

œuvres

e l his-

toriographie

édiévalee

multiplient,

ettant la

disposition

e toutes es

bourses es textes

ui

n étaient

lusdisponibles

n

librairie

t,

pour

ertains,

difficilementccessibles

n

bibliothèque.

a

fin

du

xive

et le début du

XVe

iècleont

été bien

servis,

vec,

pour

ne donner

ue

deux

exemples

e

Journal

un

bourgeois

e

Paris

par

Colette eaune t a

Chronique

u Reli-

gieux

de Saint-Denis

par

Bernard

uenée,

uxquels

l

faut

jouter

entre-

prise

des

éditions

aradigme.

Dans ce

contexte

ditorial,

hilippe

ontamine

résente

es Mémoires e

Philippe

e

Commynes.

côté

de la Viede Louis

VI

de

Suger,

e texte

rend

pleinementa placedans a collection Acteurs e l Histoire, qui rassem-

ble

les

grandes

œuvres

istoriquesomposées ar

des hommes

ui

furent,

non

eulementémoins

e leur

emps,

mais cteurs e la vie

politique. ommy-

nes,

dont es

temps

orts

e la vie sont

voqués

ans a

présentation

e cette

édition,

utbien la

fois

politique

t historien. onseillert chambellan e

Louis

XI,

il

est

ignalé ar

des sources

ontemporaines

omme n de ses nti-

mes

et,

même i

les

chroniques

e

l évoquent as,

c est

bien insi

que

Fran-

çois

de Petrasancta

e

présente

son

maître,

e duc de Milan. Les vicissitu-

des du

patrimoine

u

seigneur Argenton,

hilippe

ontamine ous

e

rap-

pelle,

ont es témoins

e cette ie

politique.

erdant out

près

on

rallie-

ment Louix

XI,

alors

qu il

était

vassal et officier u duc de

Bourgogne,

Commyneseconstituet amplifieonsidérablementonpatrimoinedons,

terres, ffices,

adeaux,

ensions

accumulent.

près

a mort e Louis

XI,

choisissant

e

parti

u duc

d Orléans,

opposant

Anne t Pierre e Beau-

jeu, Commynes

erd

on

crédit,

a liberté

ourvingt

mois

t enfin ne

par-

tie de

ses biens.

Commynes

e se faithistorien

u après

a

disgrâce,

mais es restes e

sa

bibliothèque

Jean

Mansel, roissart,

ais ussi ValéreMaxime n fran-

çais,témoignent

e son

ntérêt

our

es œuvres

istoriques.

istorient

poli-

tique,

l

inaugura

n nouveau

enre

istoriqueromis

un riche venir hez

ces

acteurs-auteurs

e l Histoire les Mémoires.

ommynes

n détermina

es

grandes

ignes

en

prenant arti,

n s

exprimant

utant

ar

ses silences

ue

par

ce

qu il

écrit,

n

ustifiant

es actions.Mais

plusqu au genre,

a

présen-

tation e Phillippe ontamine attache ux lieuxcommuns e Commynes

dont

l

est

rappelé ue,

pour

certains,

ls

constituent

e fonds

ommun

e

la littérature

olitique

u

MoyenÂge.

Le manuscrit

auteur,

il

a

jamais

existé,

st

perdu,

t le texte

ré-

senté ci

reproduit

édition

e Bernard e Mandrot e

1901,

une des

meil-

Page 144: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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142 NOTES

DE

LECTURE

leures,

asée sur e bon manuscrit

ui appartint

la niècede

Commynes,

Annede

Polygnac.

l

comprend

es six

premiers

ivres es

Mémoires

com-

posés

la demande e

l archevêque

e

Vienne,

ngelo

ato,

médecint

astro-

logue

de Louix

XI,

qui

souhaitaitcrire n atin ne

histoireu roi.

Ne s nté-

grant

as

au

projet

nitial,

mais

omposés

ans es

années

495-1498,

es ivres

VII

et

VIII,

relatant

expédition

e Charles III

en

Italie,

ont

pas

été

jou-

tés au texte tabli

par

l éditeur.

Les notes

qui accompagnent

e texte es

Mémoires

dégagées

e toute

érudition

ormelle,

ontde véritablesides la

lecture e l œuvre.

lleséclai-

rent,

propos

un

point récis

u d un

mot,

e nombreux

spects

e

l œuvre

de

Commynes

les relations

maîtres-serviteurs,

es

questions

militaires

ui,

ici comme hezde nombreuxistorienstchroniqueursuMoyenÂge,occu-

pent

ne

place

essentielle.

hevalier,

ais

n assumant

as

de

grand

omman-

dement,

ommynes

e montre n bon

observateures

développements

u

génie

t de l artillerie.

L argent

ient

galement

ne

place

non

négligeable

ans

l œuvrede

Commynes

ui comprend

d intéressantes otations ur la

vie

socio-

économique l argent

ue

le roi

peut

verser ous forme e

pensions,

elui

que

les marchands

euvent

ui

prêter,

es

sujets

ui

fournir,

es

princes

mobi-

liser.L évocation es

moyens

e

gouvernement

st

d autant

lus précieuse

qu elle s accompagne

un

souci d exactitude ourri

e chiffres

récis, ui-

sés dans une excellente émoiret dans des

papiers ersonnels.

a

prise

n

compte

e certains e ces

moyens mariages, éritages,

aisons,

iens

per-

sonnels, approche ommynese sesprédécesseurs.n relevantanalyse t

l exposé

oncret

autres essortse la vie

politiqueamour,

aine,

engeance,

ruse,malice,

ubtilité...)

t constatant

ue, pour

Commynes,

a fin

ustifie

les

moyens,

es lecteurs u

seigneur Argenton

n on

fait,

u moins

epuis

Sainte-Beuve,

n

Machiavel

rançais.

Ces

moyens

ont ux mains

u

prince,

ont e

dégage

n véritable

or-

trait

sage, gouvernant

ar

conseil,

vec

modérationt sans

cruauté,

l

a

recours des

spécialistes,

n

particulier

ux

ambassadeurs,

référables

ux

rencontresirectes

ntre

ouvernants,

t

l

sait

éduire es

peuples.

ans faire

de Louis

XI

un

portrait

déalisé t

affadi,

ommynes

e

présente

omme a

face

positive

e

ce

portrait

ont e duc de

Bourgogne,

harles e

Téméraire

est e

pôle négatif.

Mais

qu ils

soient

rands

u

humbles,

est finalement

Dieu,premier ersonnage,eut-être,esMémoiresqui décide u destin es

hommes.

La

présentation

t es notes ont

omplétéesar

un

glossaire ui

reprend

plus

de 300 mots nusités

e nos

ours

ou dont

e

sens été

par trop

modifié

depuis

a

fin

du

XVe

iècle.Une

listede

quelque

360

personnages,

ention-

nés

par

Commynes,

attache

urtout

signaler

es relations

aîtres-serviteurs

et

les

morts

iolentes,

i

fréquentes

ans a vie

politique

u

XVe

iècle.Elle

mentionne

galement

es datesdes

règnes

t es

principaux

ffices t

charges

occupés.

L inventairees lieuxmontre étendue

éopolitique

e l intérêt

u

seigneur

Argenton

out en rétablissant

orthographe

ontemporaine

es

noms.

La

reprise

es titres es

chapitres

ntroduits

ar

l éditeur u milieu

du

XVIe

iècle,

Denis

Sauvage,

inscrit ans e

même

sprit

aide

à la lec-

ture.

Mais à la

situation

qui

n est

pas systématique

t

pas

toujours

tile

des

lieuxdans es

grands

nsembles

éographiquesontemporains,

n

aurait

préféré

ne ocalisation

ondée ur es différentes

éographies,

éodale,

eli-

gieuse,

dministrative,

u

XVe

iècle.Et on

peut regretter

ue

ces

annexes,

Page 145: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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NOTES

DE

LECTURE

143

plus

utiles l honnête omme

u au

chercheur,

aient

pas

été

complétées

par

des index.

Le

succèsdes Mémoires e

s est

pas

démenti

epuis

1524,

date de

la

première

dition.Réédité de

nombreuses

eprises,

raduit t

étudié

une

bibliographie

ommaire onne

es

principales

t les

plus

récentes

éférences),

le texte

e

Philippe

e

Commynes

stbien

gréable

relire ans a belle

fac-

ture

de

l Imprimerie

ationale.

Valérie

Jouët

Robert

Jacob,

mages

de la Justice. ssai sur

l iconographie

udiciaire

u

MoyenÂge

à

l âge

classique

Paris,

Le

Léopard

d Or, 1994,

56

p.,

129

ll.

et

XXXII

pl.

Le divorce

ui

existe

ujourd hui

ntre e

droit,

cience es

textes

ar

excellence,

t

l image

st

peut-être

l origine

u

manque

d intérêt

ue

les

historiensu

droit t

les historiense l art ont

porté

ux

images

du droit

et

de

la

justice.

Hormis

es études

llemandes

nspirées

ar

a

Rechtsarchäo-

logie

t

portant

ur es

ntrigants

anuscrits

nluminésu Miroir es

Saxons

(

Sachsenspiegel

,

la

bibliographie

es

études

istoriques

ur

iconographieuri-

dique

est

extrêmement

estreinte.

Avec e livre, obert acobnousoffre nessaihistoriqueui ouvre ne

problématique

rès

iche ur es

images

e la

justice

n

France,

n

Allema-

gne

t aux

Pays-Bas.

rivilégiant

a

période

médiévale,

ais

prolongeant

on

étude

usqu à l âge classique,

auteur

etrace

évolution u

rapport

ntre a

Justice t

les

images ue

celle-ci

roduit

t

projette

elle-même.l

montre

commente

«

paraître

,

manifesteu

caché,

onstituene

des

composantes

essentiellese son

fonctionnement.

Au

xne

iècle,

e

processus

e

rationalisationu droit

mpose

ux

systè-

mes

uridiques

uropéens

ne

nécessité

ressante

e

légitimation

ontre ou-

tes

es résistances

ue

celui-ci

rovoque.

e droit st

donc llé

à la

rencontre

de

l image u il

a

utilisée n la

multipliant

t en la

chargeant

e

sens

pro-

prement

uridiques.

Il ne s agit pas seulementourR. Jacobd interrogervecminutiees

documents

roduits ar

cette

encontre,

ans eurs

ivers

upports

mmédiats.

Mais,

à

partir

e cette

nalyse,

l

cherche

ussi à

tisser es liens

ntre ux

afinde

mieux

omprendre

eurs onctions

t es

rapports

u ils

entretiennent

avec la

Justice. lus

encore,

l

fait

pparaître

ommente

contenu e sens

et de forme e ces

images

e constituen

héritageui

se

reproduit

travers

l histoire.

n

somme,

auteur

évoile a

façon

dont es

images

e

la Justice

«

font

ystème

,

tout n

nous

pportant

es

nformations

récieuses

ur

es

ordres

uridiques u elles

font

pparaître.

L analyse

ient

ompte

e très

ombreux

ocuments

conographiques.

lle

porte

ur

des enluminures

u des

gravures

ouvrages

uridiques

omme,

ar

exemple,

es

quatre

manuscrits

onservésu

Sachsenspiegel

ont auteur

ro-

poseune ecture ovatricemais ussi urd autresoutumiersnluminésori-

gine françaiseCoutumier

Artois u

Coutumes u

Beauvaisis),

ur

des

manuels e

procédure

t des

exemplaires

e droit

omain t

de

droit anon

(surtout

u

Décretde Gratien

;

ainsi

que

surcertaines

iniatures

llustrant

des textesittéraires

comme

e Roman

de

Renart)

de

même,

e

corpus

nté-

Page 146: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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144

NOTES

DE

LECTURE

gral

des

peintures

t des

sculptures

éalisées

our

décoreres ieux ù s exerce

la Justice

t, enfin,

uelques

ceauxde

juridiction.

R. Jacob nclut ans son

analyse

a

conception

ême

es Palais

de Jus-

tice

en

tant

ue

lieux

privilégiés

ù

celle-ci

instituet se

donne voir

ux

justiciablesil

avait

d ailleurs

éjà publié

ne étude

pionnière

n

France ur

l évolution e

l architecture

udiciaire

R. Jacob

et

N.

M

rch

al,

«

Jalons

pour

une histoire e

l architecture

udiciaire

,

dansLa

Justice

n ses

Tem-

ples.

Regards

urV

rchitecture

udiciaire

n

France

Association

rançaise

our

l histoire e la

justice,Paris-Poitiers,

rissaud,

992,

pp.

23-68).

L auteur ous

fait onc

découvrir

omment,

partir

es XIIe

t xme

iè-

cles,

e met n

place

de

façon

matérielle

t

symbolique,

e

qu il

appelle

une

sorted archétypedes images e la Justice l échelle uropéennep. 18).Plus

que

d archétype,

ous

préférerions

arler

e

réseaude

représentations,

ce

qui permet

otammente

rendre

ompte

e la

multiplicité

es

sources t

des

variantes

ue

celles-ci

euvent résenter.

Ce

système

epose,

elon

auteur,

ur

a

fixation

un

double

xe

qui

organise

a

scène

uridique

t

permet

e

dévoilere

statut

e la

Justice ans

l ordre

ocial.

Verticalementet

axis

mundi

elie a

justice

errestre

la

jus-

tice

divine

d où

les

peintures

e

crucifixions,

n

France,

t de

ugements

er-

niers,

n

Allemagne,

ui

étaient

lacées

sur

le

mur

principal

es

salles

d audience).Horizontalement,

exercice e

la

justice

e

concentre

ur

a

per-

sonne

u

uge.

La

place

de

celui-ci,

l intersection

e

l horizontal

t

du ver-

tical,

donne

l actionde

juger

oute a

légitimité.

e

qui

d ailleurs

ui

per-

metde passerdu simple rbitrage unenégociationntre euxopposants

à

l exercice

une action

dont

e

principe

elève

u

divin.

Parallèlement,

.

Jacob

nsisteur

e

caractère

héâtral

e

l ensemble

ue

constituent

mages

t

ieux

de

ustice

à

l époque

médiévalee

Palais

de

Jus-

tice

représente

ien

une

sorte e

microcosme

deux

tages.

étage nférieur,

infernalt

terrestre,

êle

geôles

t

diverses

ctivités

ommerciales,

andis

ue

l étage

upérieur,

lus proche

u

ciel

mais

néanmoins

ncore

errestre,

st

occupépar

la salle

d audience.

est là

qu est

disposée

a

scène

udiciaire,

organisée

utour u

juge.

La

mise

n

scènede

la

Justice

errestre

e

fonde

ainsi

à

l intersectiones

deux

perspectives

orizontale

t

verticale e

l axe,

dessinées

ar

les

regards

roisés es

plaideurs,

u

juge

et

de

Dieu.

La

référenceu

juge

comme

oint

onvergent

ans

a

disposition

u

rituel

judiciairestconstanteendanta périodemédiévale. partir e luis orga-

nise tout

procès.

Dans

le

chapitre Procréer,

ébattre,

uger

,

l historien

du

droit

t

juriste

évoile vec

la

plus

grande

récision

e

système

ont

l

nous

parle.

En

parcourant

es

phases

u

procès

travers

a

miniature,

l

suit

aussi

es

étapes

hronologiques

u

développement

e

l iconographie

t

du

droit.

Il

élabore ne

véritable

ypologie

e

l image

uridique

elle

u on

la

retrouve

dans

es

manuscrits

nluminés

citation,

onsultation,

arche

u

procès,

on-

frontation,

eprésentations

e la

preuve

ans

ses

différents

ypes,

ugement,

exécution).

À

la

place

qui

est a

sienne,

e

juge

s expose

doublementu

regard

es

hommes

t à celui

de Dieu.

Aussi,

n

cas de

faux u

de

mauvais

ugement,

la

culpabilité

u

uge

est

d autant

lus

grave.

e

là,

le

foisonnementes

repré-

sentationse ugescondamnésuxpires eines, ui ontétécommandéesar

les

uridictions

unicipales

lles-mêmes

la

fin

du

Moyen

Âge.

Et

l auteur

de

montrer

omment

a

Justice

habitue

insi

à

s emparer

es

images

ui

la

condamnent,

ustement

arce

u en

se

soumettantson

propre rocès

lle

nourrit

a vitalité

t trouve

a

justification

ltime.

Page 147: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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NOTES

DE

LECTURE

145

AinsiR. Jacob

démasque

n certain

éphasage

ntre a

logique

nterne

de

l image

t cellede la

procédureui

devient e

plus

en

plus

abstraite,

ur-

tout en France où la

réception

u droit

romano-canonique

st

précoce.

L image

répond

l abstractionn

constituantes formes

ymboliquesour

représenter

e

procès

d où

par

exemple

es nombreuses

igurations

orda-

lies la

fin

du

Moyen

Âge,

alors

que

ces

formes e

preuve

irrationnelle

,

condamnées

ar

Eglise

u concile e Latran V en

1215,

ne sont

plusprati-

quées depuis ongtemps.

Finalement,

yant osé

sa

propre

xistence

bstraiteomme ase

solide

de sa

justification

ociale,

a Justicee voile ux

regards

u

usticiable.

vec

le début e

l âge classique,

lle e débarrassee son

apparat isuel,

ivorçant

ainside l imagemédiévaleu elleremplace arsa représentationllégorique.La déesse

Justice,

onvertien reine esautres ertus

médiévales,

nva-

hit es

villes e

l Europe

uthérienne.

allégorie

investit

attributs

ymbo-

liquesqui

ne font

ue renvoyer

l abstrait t

soulignent

on

inaccessibilité.

Ainsi e

bandeau

ui

lui cache es

yeux, pparu

ers a fin

du

XVe

iècle,

ont

l auteur

emarque ertinemment

a

filiationvec es

représentations

édiéva-

les de la

Synagogue,

nstitutionlle aussi

conophobe.

omme i le

bandeau

apparaissait our

faire

cran ur a

Justice,

risant insi

e

jeu

de

regards

du rituel

uridique

ntérieur. ans le même

mouvement,

e

palais

médiéval

se transformeui aussi en

Temple ymétrique

e

la Justice.

n

adoptant

es

traits

e

l architecture

ntique

e

palais

devientmonument.

ifficile

accès

pour

les

justiciables,mposant,

e

temple

e

sépare

consciemmente la

viequotidiennee la ville n délimitantnespacepropre ans a structure

urbaine.

De cette

façon,

a Justice e

l âge

classique

ne se

donne

plus

à voir.

Elle se cachederrière

allégorie

t e

monument

ui, dépourvus

e

sens

pré-

cis,

renvoient

lutôt

l abstrait,

l impénétrable,

u vide

acralisé

La

multiplicité

e sources t de

sujets

bordés ans

ce livre e

justifient

amplement

ans un

champ

études ussi

peu

balisé

que

l iconographieuri-

dique.

Dans ce

qu il présente

omme n

premier

ssai,

R.

Jacobfait emar-

quablement

ructifiera richesset abondance e ces

documents

istoriques.

Ses

problématiquesuggestives

uvrent utant e

nouvelles

istes our

des

recherches

utures.

Gwendollynout Grautoff

Jean-Marie

artin,

taliesNormandes

xe-xiie

iècles),

aris,Hachette,

ol-

lection a Vie

Quotidienne,

ivilisationst

sociétés, 994,

07

p.,

16

pl.

h. .

L historiographie

oncernantItalie

normande

,

depuis

une

vingtaine

d années,

ait es

progrès

onsidérables

uxquels

.-M.Martin est

pas

étran-

ger.

l

propose,

vec taliesNormandesune

synthèse

laire t

vigoureuse

es

principauxcquis.

L Italie méridionale

st,

au

Xe

iècle,

n

pays

compliqué, olitiquement

morcelé,

ù

plusieurs euples

t trois ivilisationsoisinent

Lombards e

Capoue t deBénévent,recs esPouilles t deCalabre,Musulmanse Sicile.

Les

guerriersui

arrivente tout

ouest

de la

France u débutdu

XIe

iè-

cle,

et

que

l on

appelle

Normands

arceque

leurs

principaux

hefs

e

sont,

viennentci

«

faire hevalerie

,

c est-à-dire

ccomplir

es

prouesses,

ais

ussi

s enrichir. a

conquête

accomplit

ans

une

atmosphère

e

confusion,

n

Page 148: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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146 NOTESDE LECTURE

ordre

dispersé,

u hasardd occasions ffertes

ue

les chefsde ces bandes

de

guerriersingulièrement

fficacesnt

oujours

u saisir.

est,

u sens

pro-

pre,

une aventure.

Les bandes

ui y prennentart

forment

es ensemblesssez

peu

struc-

turés,

ue

consolident

peine

des iens

vassaliques.

l

faut

ttendre,

n

fait,

l unificationes

années

1130

pour que Roger

I

impose

un

système

éodal

qui

structureéritablement

ensemble

e la

sociétéméridionale.

usque-là,

les

régions

ancienne

omination

yzantineItalie

péninsulaire)

t

la Sicile

musulmane,

ont rès

peu réceptives

ces

institutions,

arfaitement

ontra-

dictoires

vec

habitude

u elles

ont de l État. En

ce

sens,

l

n y

a

pas,

ici,

de féodalité

importation.

ans la secondemoitié u

XIIe

iècle,

es struc-

tures éodales e sont mployéesue dans a mesure ù ellespeuventonso-

lider État de

Roger

I,

fondé

pourtant

ur des

contradictions

nsurmonta-

bles.

La volonté

ogérienne intégrer

ne féodalité

trictementiérarchisée

et des nstitutions

ubliques

ussi rticulées

t savantes

ue

celleshéritéeses

Musulmans t des

Byzantins

ébouche ur

un échec

politique

t social

que

souligne

a

conquête ermanique

e

la fin

du

XIIe

iècle.

La

conquête

militaire entraînéa

généralisation

e la

seigneurie,

ou-

leversante la sorte ous es cadres e l Italie

méridionale.ans les

régions

les

plus

tôt

conquises,

a mise n valeur es terres ontinue

ependant

être

fondée ur e contrat

graire,

t

ce,

à l intérieur ême

es

seigneuries,

ont

le

caractère

rbitraire

st,

de ce

fait,

imité. ans

les zones

maîtriséeseule-

ment u

xne

iècle,

omme a

Capitanate

u les

Abruzzes,

n

régime

eau-

coup plus oppressift strict stmis en place.

Le nouveau

ouvoir eigneurial

st

ymbolisé

ar

a

constructione

châ-

teaux,

qui marquent hysiquement

a

prise

de

possession

u

territoire,

t

entraînentn bouleversement

u

paysage

rbain

t rural

il

y

a

des mottes

féodales

n

Pouille

t en Calabredès le XIe

iècle,

t le

pouvoir

ormandst

matérialisé,

n

ville,

par

l érection une

forteresse,

ailleurs

rèsmal

sup-

portée ar

la

population.

Les Normands onstituentne société

militaire. a

guerre

éodale

st,

avec

eux,

endémique

t normale. lle entretientt

accroît a

confusion

oli-

tique.

Des années

080

usque

vers

1130,

Italiedu

Sud estune zone de

tur-

bulences

ermanentes,

ù les instances e

régulation

es conflits

ont

parti-

culièrement

nefficaces.a

guerre

rivée

e

prend

in

u à partir

es années

1130, orsque es Hautevilleontmilitairementapablesd imposer es solu-

tionsde

pacification.

ls

disposent

lors

également

une armature

ntellec-

tuelle

ui,

avec une théorie e

l État,

eurfournites

moyens

une défini-

tionde la

violence

llégitime

la notion e

lèse-majesté

t

quelques

léments

de droit

omain ntroduitsès

1140

dans a

législation

ormande

ouent

ci

un

rôle

mportant.

L encadrement

eligieux

onnaît ne

véritable

enaissance,

ue

la

recons-

titution

u réseau es

diocèses,

mis

mal

par

a

guerre othique,

invasion

lombarde,

t a

peste ustinienne,ouligne.

lors

ue

l évêque

st une

figure

absente e l Italieméridionale

urant

out

e

haut

Moyen

Âge,

on

compte

150

ièges piscopaux

u

xne

iècle.

L évêque*

ependant,

est

pas

un

per-

sonnage

minent

e la vie sociale

u

économique

u

royaume.

la tête

run

diocèse rop etit,l est ouventesogneuxt sonprestigest imité. e recru-

tement u

groupe

st socialement

t

intellectuellementerne.

encadrement

pastoral

st

omplexe

t

repose

ur

es

églises eigneuriales,près

voir

épendu

du réseaudes

églises rivées.

es

moines, nfin,

rès

présents

ans a cura

animarumne

ouentpourtant as

un rôle

mportant

ans a

formationes

Page 149: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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NOTESDE

LECTURE

147

élites

ntellectuelles,

ontrairementce

qui

se

passe

dans le Latium. l est

ainsi

nécessaire e recruteres

évêques

l extérieur

e la

région,

t

usqu en

France.

La vie de

cour est

marquée ar

une

singularité

ascinante les

souve-

rains

normands

opèrent as

de

synthèse,

ais

uxtaposent

es

éléments

es

plusdisparates

n un

systèmeui

ne

trouve

as

sa

cohérence.ls

multiplient

les

signes

e

prestige

n

empruntant

ux diverses

raditions

isponibles

t

pré-

sentes. e

palais,

avec son décor

omptueux,

a

complexe

ctivité

olitique

et

culturelle,

es

partis

t ses

ntrigues,

on

harem t son

tiraz,

assembleoutes

les

influences

uxquelles

st

soumis e

pouvoir,

t

toutes es

contradictions.

Elles

ntraînent,

omme n

1161,

es

conjurations,

oublées e

violentes

évol-

tes brutalementéprimées.

Malgré

e

contexte

roublé,

essor

conomique

e

l Italie

méridionalest

impressionnant

la

chronologie

st

classique

t

identique

celle

du reste

e

l Occident. lle est celle

des

grands

éfrichements,

ue

l Italie

méridionale

a,

elle

aussi,

onnus

il

n y

a

pas

de

sous-développement

éridional

l épo-

que

normande.

Les

structurese

l habitat,

out

d abord,

ne

sont

pas

encore

ixées. a

phase

de

regroupement

t de

concentrationes

hommes e

poursuit

u

Xe

au

XIIe

iècle,

t entraîne es

reclassementst des

ajustements

ermanents,

c est-à-direes

désertionse

villages,

t des

restructurationse

finages.

u

réseau es castra

clos,

s ajoute

celuides

casalia habitats

uverts,

lacés

n

situation

épendante

l égard

d un

village-maître.

l intérieure

ces éta-

blissements,a condition aysanne endà se dégraderu XIIe iècle, t la

liberté

ndividuelle,

elon a

définition édiévale

droit

e

quitter

e

village,

droit u

mariage,

roit

es

substitutions)

oit

on

champ

e

restreindre.e

travail orcé

éapparaît

u

xne

iècle,

urtout ans le

Nord de la

région.

L agriculture

éridionalest

riche,

t les

productions

ont

xtrêmement

variées.

es

techniquesependant

estent,

usqu au

xnie

iècle,

rès radition-

nelles

rotation

iennale,

bsence

ogique

e

céréales e

printemps,

areté e

la coltura

romiscua

.

Le

secteur e

pointe

st constitué

ar

arboriculture.

Le

châtaignier

st

fréquemment

ultivé.

olivier,

eu

abondant n

Campa-

nie,

est à l aise en

Pouille.Le mûriermême

pparaît

u

XIe

iècle.Et

com-

ment e

pas évoquer

a

palmeraie

e

Palerme,

ui prospère

usqu aux

guer-

res

sarrasines e Frédéric

I

?

L un des problèmes ajeurs e cetespace agraire st celui de la maî-

trisede

l eau,

auquel

aucune olution

ouvelle u

satisfaisante est

alors

apportée.

es

conséquences

égatives

es

drainages,

argement

mprévisibles,

sont réelles

prolifération

es

criquets).

es

déboisements

rop mportants

entraînentne accélération

e

l alluvionnementt la

modificationu

cours

de certains leuves.

irrigation

xistemais

elle est

peu

développée.

L artisanat

st

unedes faiblesses

e cette conomie.

ertes,

Italie

méri-

dionale st

capable

de

répondre

ses besoins

ourants,

mais

es

capitaux,

au

XIIe

iècle,

ne se

dirigent as

vers

es activités e

transformation.

es

détenteurs

e

ressourcesinancières

oriententers

a ferme

es revenus

e

l État,

trouvant

à

une source e

profit

lus

sûre.

Ce

faible

développement

est à

rapprocher

u

caractère

triqué

e la

plupart

es villes

méridionales.

À l exceptione Naples t de Palerme, eu d agglomérationséritent,ar

la nature e

leurs

ctivitést eur

apacité

les

diversifier,

être

onsidérées

comme e véritables

ités,

même i

beaucoup

n

détiennentes

attributsor-

mels

marché,nceinte,

iège piscopal.

es

villes,

réquemment,

e sont

ue

des

agrovilles,

romises

une

stagnationui

ne

devient

ourtant

ne évi-

Page 150: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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148

NOTES

DE

LECTURE

dence

u à

l époque ngevine,

orsque

emettentn

place

d autres tructures

économiques, eposant

ur e

«

latifondo

et

l élevage

ranshumant.

L ouvrage

e J.-M.Martin

st une réussite. ous les

grands roblèmes

posés

par

aventureormande

ont our tour bordés t

traités,

la lumière

des études

es

plus

récentest d une

connaissance

rofonde

es

sources. e

livre ainsi e

mérite,

ui

n est

pas

mince,

e rendre isément

ccessibles

des

faits

t

des

problèmes

oséspar

des sources t une

bibliographie

eu

fré-

quentées ar

es historiens

rançais.

voir éalisé urce

problème

ne étude

aussi

riche t bien

nformée,

ccessible

t,

de

surcroît,

une

ecture

gréa-

ble,

est un service

ont tous reconnaîtront

utilité.

Laurent eller

Xudeus conversos

a Historia.

Actesdu

congrès

nternationale Ribada-

via

14-17

ctobre

1991,

2

volumes,

Mentalidades t Culture

381

pages,

II

Sociedade

inquisición

436

pages. Deputacion

urense,

a

editorial e

la Historia

antiago

e

Compostella,

994.Les articlesont

édigés

n

anglais,

castillan,

rançais

t

portugais.

Les

actesde ce

congrès

onttrès

iches ant

par

la

variété es

partici-

pants

enus

Espagne,

e Francemais ussi

d Israël u des

États-Unis,

ue

par

le nombre es communications

37).

Leur nature été

orientée

ar

les

thèmesue lesorganisateursvaient ssignésu congrès l analyse es ima-

ges

et des mentalités

ollectivesttachées

la

questionuive,

a visionnon

seulement

u

point

e vue

chrétien ais

galement

u

point

e vue des

uifs

ou des convertis

ux-mêmes

t enfin

analyse

des

mentalités

ntisémites,

qu elles poussent

la discriminationu

qu elles acceptent

a coexistence.

Le

premier

ome

st

plus précisément

onsacré

ux

représentations.

es

représentations

es chrétiens

iennentes

premières.

ose Maria Monsalvo

Anton tudie

imaginaire

e

la mentalité

ntijuiveui

estun

stéréotype

ura-

ble mais avec des

modalités ifférentesuivant

es

groupes

ociaux.Carlos

Barros

rête

on attentionux

relations altériténtre

uifs

t chrétiensn

Galiceet montre

ue

le conflit ntre

ntijudaïsme

t

tolérance

e

résout u

profit

e cette ernière

ansune

plusgrande

mesure

u il

n est

ccepté

abi-

tuellement.iennentnsuiteesproblèmesesconvertis.es communicants

israéliens

xplorent

a mentalitées conversos

nstallés

n

Italie,

onsidérés

comme

uifs

en

Espagne

t comme

spagnols

n Italie. Moises

Orfali vo-

que

les

véritables

onvertis,

eux

qui

sont onsidérés

ar

a littératureabbi-

nique

omme

postats

u

renégats,

n étudiantes œuvres e

littérature

olé-

mique u ils

ont

produites

t es excès e leurs ctivités.imon

chwarzfuchs,

quant

lui,

étudie

partir

es sentenceses rabbinse retour es convertis

au

judaïsme

orsqu ils

e retrouvent

près expulsion

ansde véritablesom-

munautés

uives.

Charles

Amiel intéresseux rites

udaïques

n

Espagne

t

au

Portugal

travers

es édits e foi

qui

visent

encourager

a

dénonciation

des

pratiques

érétiques

hez es convertis.

uant

ux

représentations

cono-

graphiques,

l

n y

a de

représentation

i réaliste

i

stéréotypée

es

uifs

dans

les différentesconographies édiévales.

D autres rticles

nsistentur

des

pratiques

ulturelles

articulières.

st

ainsi

analysée

a vision

du

juif

que possèdent

es intellectuels

uifs

formés

dans es

universitése

la Castille

médiévale,

ision

ui

n a rien voir vec

la

réalité,

a transmission

e l hébreu travers

es

prières

ans

es familles

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NOTES

DE

LECTURE

149

conversest

d autres

spects

e

la cultureonverse

u

xvie

iècle.

CarlosCar-

rete tudie nfin ne forme

artielle

e

messianisme

pparue

hez es

juifs

cordouans.

Maurice

Kriegel

evientur

expulsion

t

montrees

limites e l inter-

prétationui

voitune

cohérencentre es conversions

orcées t

l expulsion

finale

uis compare

e nouvel

ntisémitisme

spagnol

irigé

ontre es

Espa-

gnols

t l antisémitismeédiéval n

général.

Un article

ermet

e

mesurer

le rôle

politique

es

communautés

la

communautée

Molina de

Aragon

pèse

de tout on

poidspour

faire

asser

a

villede la

domination

rastamare,

dont lle craintes

représailles,

ans e

royaume

Aragonugé plus

tolérant.

Le deuxième ome est

davantage

ournévers les

questions

ocio-

économiquest se trouve rganiséuivant ne ogiquegéographique.avid

Romano

présente

ne

synthèse

e la situation

es

communautéses

pays

de

la couronne

Aragon ui

ont onservéa

documentationa

plus

fournie.

ulio

Valdeon

Baruque

e

consacre des recherches

ur

antisémitisme

astillan,

sa

naissance n tant

ue

mouvementocial et

ses relations

vec le

pouvoir

trastamare.

autres ommunications

roposent

es

synthèses

our

toute a

péninsule

u

s attachent

une

périodisation

ntre

poque

forale

xi-xiie

iè-

cles), époque

dorée

xme-milieu

ive

iècles) poque

de crise

milieu

ive

et

xve

iècles).

erran arcia

crit ur es

uifs

dans

es

pays

atalans

t

analyse

leur rôle

dans

le

repeuplement

t dans

l animation

conomique.

Certainestudes ntun caractère

lus

monographique.

elle ur

es con-

vertis évillansrois ns

après expulsion

une

comparaison

es

uifs

d Avila

et deBurgos n insistantur a perte rogressiveupouvoir conomiquear

les

uifs

et les motivations

conomiques

es violences

rbaines nvers

ux

la

présentation

étaillée e diverses

ommunautésn

Aragon

Epila),

au Por-

tugal Porto,

Braga,Guimarães)

u en Galice.La

participation

es

uifs

ux

administrations

eigneuriales

ait

objet

d une

nalyse

riginale,

lors

ue

leur

participation

ux

diversesdministrations

oyales

stbien

onnue t a

jusque-là

retenu attentiones

historiens. ne étude st

menée ur es

dénonciateurs

et les dénoncés u

xvie

iècle Porto.

Une série articlesstcentrée

ur es

convertis,

ont ont

présentées

es

pratiquesryptojudaïques

u

Portugal

t

qui développent

ne

double

person-

nalité asée sur a double dentité

hrétiennet

uive.

Les

critères

e

pureté

de sangontretenu attention,vec tous es détournementsue les preuves

supposent.

étuded un

banquier l époque

de

Philippe

V

permet

analy-

ser es

relations

onarchie-inquisition-puissants.

ne

étude

récise

e rôlede

deuxconvertisans a

conquête

es

Canaries ù ils se

sentent

lus

en

sécu-

rité

ue

dans la

péninsule.

Le

lecteur rouvera nfin

uelques

biographies

Alonso de

Cartagena,

ancien

oyen

e

la

cathédralee

Santiago,

ils

e rabbin

Antonio

nriquez

Gomez,

iolent

ritique

e

l inquisitionui appartient

ui-même

une famille

pourchassée endant uatre

générations

Josef

Orabuena,

abbin

rincipal

des

uifs

e

Navarre,

onseilleru

roi,

médecin Jacob

Roti,

riginaire

Afri-

que

du Nord

qui

aide es convertislors

qu il

représente

e

royaume

e

Fez.

Ces

deux

volumes ormentn

ensemblerèsdense

ui

ne

peut

qu inté-

ressermédiévistestmodernistes.l mêledesétudes e synthèsedesmono-

graphies récises

t aborde

a

plus

grande

artie

es thèmes e

l historiogra-

phie spécialisée

ans cette

uestion.

Jean-Pierre

arraqué

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NOTES

DE

LECTURE

151

perplexe

n lisant a sentenceuivante

propos

es

mystiques

« Dès

qu'on

les

appelle mystiques"

lles

disparaissent

ans e brouillard

e la

prétendue

surnatureu dans les méandres

bscurs 'un

naturalismetroit

(p. 87)

?

Tout se

passe

de fait omme

i,

pour

tenter e rendre

ompte

e

la com-

plexité

'une

pensée

i riche t si

audacieuse

our

son

époque,

e

présent

ouvrage

e savait

uel

ton

ni

quel registre

dopter ce qui

est très

netdans

le contrastentre a modestie e

l'avertissement

iminairet

l'assurance

e

la

page

96,

où les idéesd'autres

pécialistes

e

Hadewijch

els

Dom

Porion

sont outbonnementaxées '«

élucubrations

) pour

a

plus

grande

onfu-

sion

du lecteur.

r,

si

toute

ntreprise

e

vulgarisation

st

indéniablement

un

travail ort

élicat,

st-il

our

utant

égitime

'asséner u

public

ontre-

véritésu généralisationséductricesur eshommes uMoyenAgesanspren-

dre a

peine

de les citer e

première

ain,

e

qui

conduit des

assertions

pour

e

moins iscutableselles

ue

«

les

penseurs

édiévaux e

se

souciaient

pas

encore e

délimitere

qui

relève u naturel

t du

surnaturel

(p. 73),

«

les

gens

du

Moyen

Âge

se fondaientur

a

physique

ellénistique

ntique

(p. 74),

ou encore l'œuvre

e

saint

Bernard

est]dépourvue

e

solidefon-

dement

ntellectuel

(p. 84)

? On tombe insi

d'approximations

t

d'affir-

mations

urprenantes

e naïveté Robert

e

Sorbon,

en

1201

et mort

en

1274,

erait insi

un

«

théologien

e la

fin

du

xne

iècle

(p.

38),

et

Pla-

ton

et Plotin eraient

pparemment

e la même

poque d'après

a note 3

de la

p.

73

;

en outre les moinesne sont

pas

des

troubadours

(p.

28),

«

même a

problématique

héologique

st

onnue es

béguines (p.

37),

«

dans

la réalité et jusquedans la littérature desmariages 'amour taient

fréquents (n.

39

p. 46),

«

les textes ontun

véhicule

erbal

ui

n'est

pas

immédiat

(p. 65),

etc.

-

en

ellipses

t formules

lambiquées

loisir on

serait insi heureux

'apprendre

n

quoi

consiste e

«

rapport

istorique

que

«

nous relevons

p.

76 il

faudrait

voir

déjà

lu la

page

30

pour

aisir

l'affirmatione la

p.

21

(« béguine

n'est

ni

un

sobriquet

i

un

surnom e

tendresse

)

;

on se

réjouit

e lire

ue

Hadewijch

connaissaita

pensée

'écri-

vains

par rapport uxquels

lle

prend

es distances

ou

que

«

deux

passages

de ses Lettres

bauchent n débat

(p.

79)

maison

attend n

vaindes

noms

précis,

tc.

encore,

a traductionst

certainementn

faute,

t

'on ne com-

prend as par exemple

n

quoi

la traductiona

plus

courante,

ar

«

jouir

»,

du terme

hebruken

récurrenthez

Hadewijch

our

désigner

e

désir,

ne

rend as ustice la connotationexuelle u terme (p. 10) demême,om-

ment econnaîtretrente

ages

de

distance ne citation

mise

mal ors

de

sa

première

ccurrenceu

risque

e

dénaturer

ravement

e sensdu

texte

Un des rares

epères

onton

dispose our

ituer

adewijch

hronologique-

ment st en effet ne

«

Listede Parfaits

qui

suit

a XIVe

vision,

t

parmi

lesquels

st mentionnéene

béguinesans

doute

Aleydis) ui

aurait

té con-

damnée mort cause de son

uste

amour

par

un certain

meester ob-

baert

; or,

si ce Robbaert st

correctement

dentifié,

.

44,

comme

Robert

le

Bougre,nquisiteuryant

évi n

Flandre ntre 235 t

1238,

ommentia-

ble a-t-on

u

laisser

igurer.

17

'énormitéuivante

«

"Maître

Robbaert",

"une

béguine

massacrée

our

a ferveur

ystique",

ccupe

a

vingt-neuvième

place

dans la liste.

Cette Robbaert 'avère être... le

fameux

Robert e

Bougre ?

Il est

temps

e clôre

notre

ropre

iste t de conclure.

n

l'aura com-

pris,

i cet

ouvrage

le mérite

'être e

premier présenter

n

détail ux

lecteurs

rançais

es œuvres e

Hadewijch

ans toute

eur

complexité,

t

si

l'auteur

ouit

ncontestablement'une

familiarité

nviable vec a

pensée

e

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152

NOTES

DE

LECTURE

la

béguine,

a transmissione ses connaissancese se fait

pas

sansmal

pour

le lecteur

bien

que première

u

genre

ans

'Hexagone,

ette

monographie

ne

dispense

onc

pas pour

utant e continuere recourir des

études

lus

ponctuelles.

LaurenceMoulinier

Modelli

i

santità

modelli

i

comportamento

Giulia

Barone,

MarinaCaf-

fiero,

Francesco

corza

Barcellona

éd., Turin,Rosenberg

Sellier

col-lection acro/santo, 1994,434p.

PeterBrown crivait

ans on

ouvrage

a Société t

e sacrédans 'Anti-

quité

ardive

trad.

r.Des

travaux/Seuil,

985) ue

si

l'image

u saint

omme

estun

produit

e

la société

ui

l'entoure,

on

mage

oit tre tudiée omme

un

miroir,

estiné

nousfaire oir e

qu'est

cethomme

moyen, our

equel

elle est élaborée

t tendue omme n

modèle e

séduction

t

d'idéal de vie.

C'est dans

ce va-et-vient

omplexe

ue

se

situent

es

auteurs e cet

ouvrage

collectif

onsacré

ux modèles e saintetét aux

comportementsu'ils

susci-

tentdans e tissu ocial.

La réflexion

ue proposent

es auteurs e souffre

pas

de l'éclatement

ue produit rop

ouventa collection 'articles.

l

s'agit

au contrairee repérer chaquefoiset, on le verra, ur des échantillonspourtantivers,e problème osépar a notion e modèle e saintetétpar

les

déphasages

ue

sa

réception

ui fait ubir. e volume

pris

e

risque

e

réunir

es études

ui

couvrent n arc

temporel

rès

vaste,

puisque

elles-ci

se divisentn

trois

poques, chaque

fois

marquées ar

une fractureisto-

rique

en s ouvrant

ur

'Antiquité

ardive t le

MoyenÂge, l'ouvrage

e

poursuit

n

évoquant

a

question

epuis

'établissemente la

«

monarchie

on-

tificale à

l'éclatemente la

Chrétienté,

t se referme

ur

'âge

de la

Réforme

jusqu'à

la Restauration

ui

suit

a

Révolution

rançaise

t ses

Martyrs

e

la

Liberté.

ur

une

quinzaine

e siècles

t sur

des

aires

géographiques

t cultu-

relles

iverses,

'ouvrage

oursuit,

ans ses

objets

et ses

questions,

'ambi-

tion de la collection

acro santo

irigée ar

Sofia Boesch

Gajano

d'ouvrir

un espaceà une réflexionui appliqueraites outilsde l'histoire ocialeetculturelleux formeses plusdiverses e la vie religieuse1.onscients e

revenirur

un

terrain

éjà

arpenté ar

d'autres

istoriens

l'occasion e tra-

vaux

célèbres

P.

Brown,

.

Vauchez,

tc.),

es

auteurs

ntchoisi e

repren-

drede

manière

blique

ertaines

es

questions

es

plus

onnues

our

eurdon-

nerun nouvel

clairage

t

revoir,

éviser es conclusionsu des

hypothèses

déjà

formulées.

'est e

cas,

par exemple,

e

la

sainteté émininet

particu-

lièrement

e

l'image

e la veuve

t de la

vierge ue plusieurs

rticlesnt

hoisi

de traiter

F.E. Concolino

'attaque

insi la

question

e la chastetéomme

modèle

d'exception

estiné

ux femmesntre

e

IVe

t le

Ve

iècle

par

Jean

Chrysostome

t

Jérôme

t au rôle

qu'il

oue

dans un

processus

'homologa-

tion

de

l'exception

es vertus

l'exceptionnelle

ristocratieociale.La

veuve

et la vierge eviennentien sûr souvent ans ce livre t attestente la per-manence e ces

figures

e femmesont a vie

pieuse,

ainte,

evra

rouver,

1. Voir

uoghi

acri

spazi

ella antità

éd. S. Boesch t L.

Sacraffia,

osen-

berg

Sellier,

990.

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NOTES

DE

LECTURE

153

à la différencees

hommes,

n chemin

lus complexe

ans es

espaces ue

la vie

sociale eur aisse n

renonçant

réalablement

celle-ci

ar

a

virginité

consacrée u

par

le

choixultérieuru

veuvage

éfinitif.

.

Cooper

s'inter-

roge

insi

sur

a

capacité

exemplaritas

u

modèlede la

virginitérésenté

dans a Passio

anctae nastasiae

ux mulierculaet

aux

matronaee la

Rome

du

Ve

iècle.Car

le modèle

oue toujours

lusieurs

ôles,

l

est à

la fois

nté-

gré

dans un

discours

érénétique

t

pose

alors a

question

e

son

efficacité,

mais

aussi

opérateur

e modélisationes

traits

marqués

'une

culture ons-

truite omme n

espace

émiotique,

t c'est

son rôle

déologique,

oire

poli-

tique

u'il s'agit

ussi

d'éclairer

C.

Frova,

M.

Vincent-Cassy

M.

Caffiero).

L'articlede S.

Cabibbo consacré

ux veuvesdans

l'Église

de

la Contre-

Réforme stde ce pointde vue très uggestif,uisqu'ilmontre omment

s'opère

a relectureu

topospatristique

our

définir

ne norme

uridique

t

institutionnelle

ui

se donne e soucide

différencieres

comportements

ociaux

et des

règles

e vie

modélisateurs

u code de civilité

e la

culture

ridentine.

Si le modèlede

la mulier irilis

ui

a su vaincre

es faiblesses

ues

à

son

sexe

ccupe

ne

arge

lace

dansce

recueil,

arie-Madeleine,

a

repentie,

ais

aussi a

pécheresse,

st étudiée

ar

C.

Velay-Vallantin

ui

éclaire es avatars

de

cette

rande

igure

e la

sainteté éminine

epuis

on

invention

Mar-

seille u

xme

iècle

usqu'aux dispositifs

isciplinaires

u

Refuge

marseillais

à la

fin

du

xviie

iècle,

t la

transformatione son

rôle

apostolique

t

pas-

cal dans

celuide la

«

putain

epentie

t bonne

mère du

xixe

iècle.

Citons

encore ne Thérèse

nhabituelle,

oins

mystiqueue

missionnaire

J.

Bilin-

koff),a relecturee la Griselda e Boccace R. Morabito),e rôle de Zita,

servantedéalede l'univers

amilial

ost-tridentin

R.

Sarti).

Les

hommes e

sont

pas

oubliésdans cet

ouvrage ui problématise

l'aide de deux

exem-

ples

e

rôledu saintmilitaireans

a

représentation

es

rapports

e

l'Église

et du

pouvoir

olitique l'époque

mérovingienne

t

carolingienneA.

Bar-

bero),

et

qui

distingue

es fonctions

e Yotium

R.

Lizzi)

et de

Yascesis

(C.

Leyser)

vec deux rticles

mettantn évidence

e travail

hétorique

'éla-

boration e

modèles

partir

e matrices

hétoriquesréalables.

ar

la sain-

teté st affaire

e

récits,

e

lettres,

e

sermons

d'autres

ontributionsbor-

dentde fronta

fabrique

es

modèles,

e

pouvoir

e ces

fables ur

es exis-

tences ommunes. es

vies de saints

crivent es rôles

dont es

individus

s'emparent our

es détourner

arfois,

bligeant

es mêmes

modèles,

ans

un renversementertigineux,se transformerleurtour.Mais les viesde

saints

ont êver ussi.

Peut-être 'est-il

amais

question,

omme e

suggère

J.

Dalarun,

ue

d'«

imitation

llégorique

dans ce

jeu

alterné e

miroirs,

parce

que

sans

rêver,

n

meurt

ussi,

même

dans un

monastère...

Sophie

Houdard

G.

Démians

d'Archimbaud

dir.)

L'oppidum

de

Saint-Biaise u

Ve

au

VIIe

iècle,

Documents

'Archéologie rançaise,

°

45,

1994,

264

p.

ill.

Site

emblématique

u

patrimoine

rovençal,'oppidum

e

Saint-Biaise

a étéexploréurantrès e 30 ansparH. Rolland. e plateau alcaire omi-

nant es

étangs

n retrait u Golfede

Fos,

à mi-chemin

ntreArles t

Mar-

seille,

onstitua

ongtemps

n

site lé

pour

a

maîtrise

olitique

t

économi-

que

de la basse

Provence,

insi

u'en

témoignent

'ampleur

e l'enceinte

el-

lénistique

t

la densité e son

occupation.

Abandonné

près

a

conquête

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NOTES

DE

LECTURE

155

traverses vicissitudese l'habitat,n croit ussi

pressentir

eseffets e l'arri-

vée des Francs t de leurs

uttesnternes

our

e

contrôle e la

région,

ans

les années 70. C'est

ensuitee

déclin,

ent

mais

rréversible,

usqu'à

la déser-

tion

du site dans les

premières

écennies u

VIIe

iècle. Dans ses

origines

comme ans sa

brièveté,

a

réoccupation

e

Saint-Biaise

ose

une

nouvelle

fois a

question

u

perchement

e

l'habitat,

hème écurrent

e l'histoire

urale

méditerranéenne.

l'évidence,

l

faut

dissociere

perchement

ardoantique

du

phénomène

'incastellamento

édiéval,

eux

phénomènes

éparés ar

un

hiatusde

plusieurs

iècles t de nature

rofondément

istincte.

e

perche-

ment

pparaît

ésormais

lus

restreint

u'on

ne l'a

longtempsensé,

es

pros-

pections

ystématiques

éalisées

ar

F. Trément

utour e

Y

ppidum

mettant

l'accent ur a densité e l'habitat ispersé, ermes, ameaux u modestes

agglomérations

e

plaine, u'il

reste fouiller

ourcomprendre

e

fonction-

nement

e l'économie urale n ces

temps

e mutation.

Après

ne

ongue

acance,

es textes

mentionnentu

Xe

iècle

une

église

Saint-Pierre,

ais elle-cist

mal dentifiéet 'on

ignore

i elle

demeuresolée

ou au

contraire 'insèredans

une nouvelle

?) bourgade.

Puis c'est au

xme

iècle a création u

Castrum êtus

village

astrai

phémèreui

dispa-

raît vant a

fin

du

xive

iècle.Sur ces derniers

vatars,

a

fouille 'a livré

aucune

nformation,

ar

suite

du remaniementes

niveaux

uperficiels,

u

peut-être

cause de la

localisation es

sondages.

n

se

prend

insi

regret-

ter,

n

regard

es

questions

emeuréesn

suspens,

ue l'entreprise

n soit

restée une ébauche ussi

prometteuse.

Claude Raynaud

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8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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Médiévales9,automne995, p.156-157

LIVRES

REÇUS

George

Beech,

Yves

Chauvin,

Georges

Pon,

Le conventum

vers

1030). Un précurseur quitain des premières popées : Genève,

Droz,

1995.

Maria Assunta Ceppari

Ridolfi,

Emilio

Jacona,

Patrizia

Turrini,

Schiave,

ribaldi

signori

Siena nel Rinascimento

preface

ranco

Cardini,

articledi Mario

Ascheri

Sienne,

l

Leccio

(Sena

vetus,

argomenti

enesi

3),

1994.

Le

culte

des saints aux ixe-xiiie

iècles,

Actes du

colloque

tenu à

Poi-

tiers les

15-16-17

septembre

1993

dir. R. Favreau :

Poitiers,

CESCM,

1995.

Alessandro

Dani,

Lo Statuto di

Abbadia

a

Isola del

1502.

Un

comune rurale e le sue

istituzioni

ra

medioevo

ed

età moderna

Comune di Monteriggioni, 994.

Agnès

Fine,

Parrains,

marraines,

a

parenté spirituelle

n

Europe

:

Paris,

Fayard,

1994.

Robert

Fossier,

L Occident

médiéval,

ve-xme

iècles

Paris,

Hachette,

1995

(Hachette Supérieur,

Les

Fondamentaux).

Lucia Gatti

éd.,

Statuto di Montisi del 1494 introduzione i

Dona-

tella

Ciampoli

Sienne,

Amministrazione

rovinciale

i

Siena,

1994.

AntonellaGhignoli

éd.,

Carte dell Archivio

i

Stato di Siena.

Abba-

zia

di Montecelso

1071-1255), présentation

ilio P. P.

Scalfati

Sienne,

Accademia senese

degli

ntronati

Fonti

di storia

senese),

1992.

AntonellaGhignoli éd., Carte dell Archivio i Stato di Siena. Opera

metropolitana (

1000-1200

,

présentation

Silio P. P. Scalfati

Sienne,

Accademia senese

degli

ntronati

Fonti

di

storia

senese),

1994.

Monique

Goullet,

Michel

Parisse,

Apprendre

e

latin médiéval.

Méthode

pour

grands

ommerçants

deuxième dition evue

t cor-

rigée,

Nancy,

1995.

La

grande stagione

degli

smalti.

L oreficeria

senese dal

Duecento al

Quattrocento

Catalogue

de

l exposition,

Sienne,

Palais

public

1995

Sienne,

Protagon

editori

toscani,

1994.

Jean-ClaudeHocquet, La métrologie istorique Paris, PUF, 1995

(Que sais-je

?).

Le

Mesnagier

de Paris

éd.

Georgina

E.

Brereton et JanetM. Fer-

RIER,

trad, et

notes

Karin Ueltschi :

Paris,

Livre de

Poche,

1994

(Lettres Gothiques).

Page 159: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 159/164

LIVRES

REÇUS

157

Massimo

Montanari,

La

faim

et l abondance Histoire de l alimen-

tation

en

Europe

:

Paris, Seuil,

1995

(Faire

l Europe).

Stefano

Moscadelli,

L archivio

dell Opera

della

Metropolitana

di

Siena. Inventario

Munich,

Bruckmann

Italienische orschungen,

Die Kirchen von

Siena,

Beiheft

1),

1995.

Laurence

Moulinier,

Le manuscrit

erdu

à

Strasbourg.

nquête

sur

l œuvre

cientifique

e

Hildegarde

Paris-Saint-Denis

Publications

de la

Sorbonne-Presses

niversitaires

e

Vincennes

Série

Histoire

Ancienne et

Médiévale,

35),

1995.

Odile

Redon,

L espace

d une cité Sienne et le

pays

siennois

(xnie-xiveiècles) Rome, École Française de Rome (Collection

de l École

Française

de

Rome,

200),

1994.

Luigi

Sada et Vincenzo

Vagente,

Liber de

coquina.

Libro della

cucina del

XIII

secolo.

Il

capostipite

meridionale ella

cucina ita-

liana :

Bari,

Puglia

Grafica

Sud,

1995.

Société des Historiensmédiévistes e

l Enseignement upérieur

ublic,

Miracles

prodiges

et merveilles

au

Moyen

Âge

Actes

du

25e

Congrès

de

la

SHMES

(Orléans,

uin 1994)

:

Paris,

Publica-

tions de la Sorbonne

Série

HistoireAncienneet

Médiévale,

34),

1995.

Splendeurs

e la cour de

Bourgogne.

Récits et

chroniques

édition

ta-

blie sous la directionde Danielle Régnier-Bohler : Paris,

Robert Laffont

Bouquins),

1995.

Éliane

Thibault-Comelade,

La table médiévale des

Catalans

:

Montpellier,

Presses du

Languedoc,

1995.

Catherine

Vincent,

Introduction l histoire e l Occident

médiéval

Paris,

Livre de

poche

(Références),

1995.

Page 160: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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a MSĒĒĒ^ĒSSĒSĒĒKĒĒĒSH^ĒĒĒļļļ^Ēļm

Publications de la Sorbonne

éÇ&

MSĒĒĒ^ĒSSĒSĒĒKĒĒĒSH^ĒĒĒļļļ^Ēļm

Laurence MOULINIER

LE

MANUSCRIT

PERD U A STRASBO URG

Enquête

sur l'œuvre

scientifique

de

Hildegarde

Connue de

longue

date

pour

ses

visions,

l'abbesse

allemande

Hildegarde

de

Bingen s'essaya

avec autant de

succès à la

musique

et à la médecine.

Les écrits

scientifiquesqu'elle

conçut

et

rédigea

se

confondent-ils

réellement avec ceux

qui

nous sont

parvenus

288 pages 140 F

Distribution CID

-

131,

bd Saint-Michel

-

75005 Paris

Page 161: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-29-automne-1995 161/164

~Ur'

GUILLAUME PELHISSON

CHRONIQUE

¿h 1229- 1244

O

M

Texte

édité,

traduit et annoté

par

Jean

DUVERNOY

Guillaume

elhisson,

n ominicain

e

Toulouse,

voque,

ers

260,

es ouvenirses

nnées

ui

nt

P

suivi

plusieurs

le

raité

compagnons

de

paix

e

de

1229

saint

entre

Dominique

le

omte

;

l'évêque

deToulouse

deToulouse

et eroi

est

de

un

France.

des

eurs

Les rères

;

leur

comptent

confrère

oland

encore

plusieurs

ompagnons

e aint

ominique

l'évêque

eToulouse

st

n es

eursleuronfrère

oland

H deCrémonenseignehéologiela nouvelleniversité,t 'estussi n ominicainueeLégat

chargé

'enquêter

ures

oupables

'hérésie.e

rieur

t

es

rèresnciens

participent

ctivement.

a

rr'

Ville

t es

onsuls

oudraient

ue

a

page

e

'hérésieoit nfin

ournée,

uisque

es

hérétiques ,

c'est-à-dire

es

arfaits

atharest

es

audoise

profession,

ntté

annis,

e

ui

atisfaitux

lauses

du

raité.e

onflite

déroule

ar

tapes

rogressives.

u ôté

ominicain,

e sont es

prêches

S*

agressifs,

es

xécutions

ommaires,

es

itations

e

personnalités

onsulaires.u ôté

oulousain,

es

démarches,

es

rocès

n

iffamation,

es nterdits

t

pour

inir,

'expulsion

es

ominicains.e

outst

f

J

narréur

n on

xagérémentramatique,

aises

étails

oncretst a

rapidité

u écit

outiennent

l'intérêt,a

chronique

e

ermine

ar

a

victoire

e

'Inquisition

t a

iste

es

ersonnagesmportants

e

^la

d'un

Ce

ville

sont

bref

et

les

récit,

de

déboires

la

région

à

de

un

qu'elle

l'inquisiteur

témoin

a

oculaire,

condamnés

Arnaud

que

jusqu'au

Cathala,

l'on

rouve

lendemain

malmené

à la suite

par

de

la

la

de

prise

foule

Pelhisson

de

à

Albi,

Montségur.

dans

en

divers

1234,

Elle

manuscrits.

alors

estuivie

qu'il

d'un ref

écit,

û

un émoin

culaire,

ue

'on

rouvela suitee

Pelhissonans ivers

anuscrits.

Ce ont

es

éboires

e

'inquisiteur

rnaud

athala,

almené

ar

a foule

Albi,

n

1234,

lors

u'il

voulait

rocéder

une

xhumation.

1

X24

-

1

6

pages

ôremettreCNRSDITIONS0-22ue aißt-Amaiid501 Paris

NOM

PRENOM

ADRESSE

CODEOSTAL

VILLE

PAYS

ISBN

I

TITRE

I

Qté

|| P.U.~||

Total

05130-4

Guillaumeelhisson

hroniques

1229-1244)

230

FF

PortaruvrageFrance7 FEtranger2 F ^ra's

^or*

Ci-joint

on

èglement

e

FF □

Chèque

ancaire

C.C.P.

à 'ordre

e NRSDITIONS

Date

SIGNATURE

TOTAL.............................

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8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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n C.E.E.

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Villeneuve-d'Ascq

edex

-

Tél. et

Fax

33-20 91

03

95

Numéros

parus

1

Mass-media t

MoyenAge.

1982).

Épuisé

2

Gautier

de Coinci le texte

du Miracle.

1982).

Épuisé

3

Trajectoires

u sens.

1983)

4

Ordres

t désordres. tudes

édiées

Jacques

e

Goff.

1983).

Épuisé

5 Nourritures.1983). Épuisé

6 Au

pays

d'Arthur.

1984).

Épuisé

^

7

MoyenAge,

mode

d'emploi.

1984).

Épuisé

8 Le souci du

corps.

1985).

Épuisé

9

Langues.

1985).

Épuisé

10

Moyen Age

et histoire

politique.

Mots, modes,

ymboles,

truc-

tures.

Avant-propos

e

GeorgesDuby.

1986).

Épuisé

11

A

l'école de la lettre.

1986)

12

Tous les chemins

mènent

Byzance.

Études dédiées

à Michel

Mollat.

1987)

13

Apprendre

e

Moyen

Age

aujourd'hui.

Épuisé

14

La

culture

ur

le marché.

1988)15 Le premierMoyenAge. 1988)

16/17

Plantes,

mets

et mots :

dialogues

avec A. -G. Haudricourt.

(1989)

18

Espaces

du

MoyenAge.

1990)

19

Liens de

famille.Vivreet choisir a

parenté.

1990)

20

Sagas

et

chroniques

u Nord.

1991)

21 L'an

mil

rythmes

t acteursd'une croissance.

1991)

22/23

Pour

l'image.

1992)

24 La

renommée.

1993)

25 La voix et 'écriture.

1993)

26

Savoirs

d'anciens.

1994)

27 Du bonusagede la souffrance.1994)

28 Le choixde la solitude.

1995)

Page 164: Medievales - Num 29 - Automne 1995

8/9/2019 Medievales - Num 29 - Automne 1995

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SOMMAIRE

29

AUTOMNE

1995

L'ÉTOFFE

ET LE

VÊTEMENT

Pratiques

t

symboliques

estimentaires

Michel

PASTOUREAU

5

Quand

es

Pathelin chètent u

drap

BrunoROY

9

La

lettre

t

l'étoffe. tude

sur

es

lettres

ans e

dispositif

estimen-

taire

la findu

Moyen

Âge

Jean-Pierre

OURDAN

23

Jésus einturier.istoire

ymbolique

tsocialed'un métier

éprouvé

Michel

PASTOUREAU

47

Histoire u

costume

l'objet

ntrouvable

Odile BLANC ..

65

Suffilello

e

Montalto,

oleur,

u le

strip-tease

ontrainte

la

com-

tessed'Artois

Nouvelle e Giovanni

ERCAMBI

présentée

ar

Odile

REDON

...

83

Compter

t nommer

'étoffe

Florence u Trecento

1343)