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Medievales - Num 9 - Automne 1985

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©

PUV,

Saint-Denis,

1985

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MEDIEVALES

Revue semestrielle

publiée

par

les

Presses

Universitaires

de

Vincennes

Paris-8 avec

le

concours du

Centre

National

de la

Recherche

Scientifique

COMITE DE

REDACTION

~

V

g? ^

Jérôme BASCHET 1

JÎ^jrjJ"fiffļ

1

ļJ;,

ï

François-Jérôme

EAUSSART

^0w¡l¡¡ M»

"

-

r

í il /Jíl

"

Anne

BERTHELOT

'f ¡¡

i

í

Ě

Bernard

CERQUIGLINI

/Ii

Ilan HIRSCH Ç-J / M [¡¡£¿1 ?: ;:ÎÊS:T~

François

JACQUESSON

--

>i/l 7/ff

-

;

¡¿Vr-

:

Christine

LAPOSTOLLE

^Wj/f D

V

;

Yvonne

REGIS-CAZAL

Le

numéro 49

F

Abonnements

-

2

numéros

92 F

(étranger

105

F)

-

4

numéros 175F

(étranger

200

F)

Les

manuscrits,

actylographiés

ux

normes

habituelles,

insi

que

les

ouvrages, our

comptes

rendus,

oivent tre

envoyés

:

MEDIEVALES

PUV Centrede

Recherche

Université

aris

VIII

2,

rue

de la Liberté

93526

aint-Denis

edex

02

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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SOMMAIRE

9

/

AUTOMNE 1985

Page

Avant-propos

François

JACQUESSON

3

L'histoire

ntre

e Cosmos

et le

Hasard

entrevue

vec Robert

DELORT

7

LANGUES

La

parole

de l'autre

Yvonne

REGIS

CAZAL 19

Expliquer

Justifier

Grammaire

t

poétique

de

la

cause

en

ancien

français

Annie

DELBEY

35

Le

lai

de

Doon,

ou

le

fonctionnement

e la brièveté

Catherine RIZZA 55

L'

«

Amor

de

Lonh

du

grammairien

Jean-Charles

UCHET

64

Darès,

voyageur

u

temps

ou

: Comment evint

e roman

François

JACQUESSON

80

Procès

auriculaire

Le droit

t

l'image

sur

un cas

d'essorillage

Marie-Laure

E BAIL

118

Procès

posthume

Accusé Guido

Riccio

de

Fogliano,

défendez-vous

Chiara

FRUGONI

et Odile

REDON

103

JEUX

(jeux)

Patricia

MULHOUSE

132

Notes

de

lectures

Roland

BECHMANN,

Des

arbres

et des

hommes.

La

forêt

au

Moyen

Age;

Jean-Claude

ONNE,

L'art roman de

face

et de

profil

Le

tympan

de

Conques Monique

BOURIN,

RobertDURAND,Vivre au villageau MoyenAge Chiara

FRUGONI,

Una

lontana

città Sentimenti

immagini

nel

Medioevo

134

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AVANT-PROPOS

Les

Mathématiques

nt

conquis

la

confiance

ublique

en

se

cons-

tituant n ensemble

ynthétique

les

Lettres

se

dissimulant

arfois

sous le

zeugma

de

«

sciences humaines

-

se

sont

segmentées

n

nombreuses

«

disciplines

et

leurs

sous-sections

hronologiquement

découpées.

Curieusement,

t

pour

des raisons

qu'il

serait

aisé de

décrire,

nos

mille

ans de

MoyenAge

sont restés à l'écart

des

segmentations.

es

médiévistes ont de

toute

orte,

t visent

mille

horizons.

MEDIEVALES

a

déjà exploré

cette diversité. ans le cadre si variable du

«moyen

âge»

les

compétencesmultiples 'épaulent

ssez

bien,

et le

spécialiste

du

VIII*

siècle

est

toujours

l'affût

e ce

qu'on

apprend

du XII*.

Les

sciences

auxiliaires

continuent

'y

avoir

un rôle

stimulant n même

temps que

documentaire.

ref,

le

Moyen

Age, grâce

à

sa relative

forclusion,

'a

pas

été

démembré

ar

les

polarisations.

C'est toujoursen bloc qu'il excite es jugements.On trouve ncore

à

son

égard

ces

emportements,ositifs

u

négatifs,

u'on

serait bien

en

peine

d'observer

pour

les

«

siècles

en tranche

.

Préservé comme

un vin vieux

par

le

bouchon

de la

Renaissance.

Mais

soyons

plus précis.

Ce dont

il

faut se

féliciter,

'est

qu'il

ait

été

préservé

de la

dislocation.

Ce

qu'il

faut

craindre,

'est

que

sa

coupure

(la

Renaissance)

n'ait,

dans

son

appréciationpar

nous,

des

effets

ocifs.

Comme

ouvent,

'avantage

e dédouble de l'inconvénient.

Pourtant,

u

total,

'occasion est

superbe

si nous

parvenons

nous

défaire des

préjugés d'époque qui

nous le

maintiennent errière es

paravents

du

pittoresque

ou du

ressentiment,

e

millénaireest un

terrain xtraordinairee fraîcheur.l en va de mêmequ'à Pompéi

bien

sûr

l

nous en

note

beaucoup,

t le

plan

des

lotissements

'apparaît

pas

toujours

lairement,

u l'on

peut

chercher

rop

vite à

y

voir

passer

des

fantômes.Mais faut-il

our

cela en

regretter

'existence

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4

La notion

«

d'époque

,

finalement,

ous

a fait

beaucoup

de mal.

Chez

les historiens

omantiques,

ont

Hegel,

elle

avait le rôle

des

mouvements,

ifs ou

lents,

du concerto

historique

ntre

'idée et

les

hommes.

Et

à

la

fin,

lle a

gauchi

l'idée de

l'ensemble.

Il faut se convaincre

ue

le

Moyen Age

n'est

pas

seulement

une

époque négligée,olie,

une sorte de

tourisme e

luxe

-

car

cela est ce

que

suggère

a commercialisation

u

«

thème

médiéval

. Le

Moyen

Age,

les

Romantiques

'ont voulu

champ

clos,

sinon

cimetière,

essource

antinomique

d'une vie ouverte

ou béante.

Et nous savons

que

cela

aussi est

dommageable

uisque

cela revenait,n

négatif,

accepter

e

verdict

e clôture

rononcée

dit-on

e

plus

souvent)

ar

la Renaissance.

Nombreux

ont

ceux

qui

continuent

insi

de chercher

u

Moyen Age

leur vision

de

l'Eden,

sans voir

qu'ils

ne sont

pas

si loin

de ceux

qui

y

cherchent

'imagerie

e

l'Enfer.

Or,

recadrer

orrectement

es

temps,

ou

notre

perception

du

temps,

passe par

la coordination

ntelligible

de

l'Antiquité

u

MoyenAge

et

de celui-ci

ux

Temps

modernes.

Car

il

y

a un

rapport

essentiel

entre a formation

enaissantede

l'esprit

historique

el

que

les

Temps

modernes

e

constituent,

'est-à-diree

modèle de

la durée

comme

progrès porteur

(le

fonctionnaire

ui

vieillit st payéplus ), et la clôtured'untempsmédian, e court-circuit

de

mille ans.

Il

y

a

un accord fondateur

ntre

a confiance la

tempo-

ralité

porteuse

d'histoire

et ce

non-lieu de

l'histoire,

ette

utopie

médiane

du

Moyen Age.

Tout ce

qui

se

veut de soi-même

ignifiant,

comme

ce

«

temps

au sens

moderne,

emble

traîner

avec

soi

son

nécessaire

nsu.

De

sorte

que

toute

critique

érieuse

de notre

perception ar

nous-

mêmes,

depuis

les

échos

les

plus

subtils

des

significationsusqu'aux

conséquences

es

plus

épaisses

(qu'est-ce

que

cette

«

angoisse

,

cette

«

peur

de

l'avenir

pour

quoi

les

magazines

trouvent ant

de

mots

euphoriques

Et

qu'est-ce

ue

le

suicide,

d'un

individu u d'une

cul-

ture ) passe par la priseen cause,si l'onpeutdire,de notre ohérence,

dont

la cohésion

historique

st la

forme

a

plus

lisible

et de cette

cohésion,

e

Moyen

Age

est

la clef.

Il va

falloir

tre

très-précautionneux,

insi,

avec ces deux verrous

qui

nous ont

relativement

réservé

ou

momifié)

e

millénairemédiéval

et

pourtant,

ls

sont

le

passage

obligé.

C'est

en

eux,

dans

l'Antiquité

disparaissante

t

l'apparition

e

la

Modernité,

'est à travers ux

que

nous

pourrons

aisir

une

idée encore

mal

imaginable,

t certainement

surprenante,

e

la

cohérence

e notre ulture

en

libérant

es mathé-

matiques

du rôle

ingrat

de totem

et de là nous retrouver ans

un

avenirque nous aurons inventé n cherchant découvrir e temps.

Il ne

s'agit

donc

pas

de

clamer

que

la

pépite

est

dans notre

rivière,

mais

de se

rendre

ompte

de

la situation

rès

particulière

u

concept

de

Moyen

Age,

et des

conséquences

que

cela

a

eu,

et

ne

cesse

pas

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5

d'avoir,

sur notre

philosophie

de

l'histoire,

otre

sens du destin

de

l'individu,

u dans notre

perception

ntellectuelle

ont la

littérature

est la

forme visée. Se rendre

compte

de la

qualité

très

particulière

de notre ituation

evant

e colosse

fragile,

t saisir

l'occasion.

Ce

numérode MEDIEVALES

est encadré

par

deux

sujets

d'actua-

lité. D'une

part,

on

pourra

lire

commentRobert

Delort,

'un de nos

grands

médiévistes,

onjugue

a

prudence

t

l'audace dans sa méthode

historique

en

observant a

démarche,

n se convaincra

isément

que

le Moyen Age n'est pas un champ clos. D'autre part,on pourra,en

lisant a

description

lerte de Chiava

Frugoni

t

d'Odile

Redon,

uger

combien

e

qu'on

croyait

e

mieux

véré

en

fait d'attribution édiévale

est

parfois

riche de

surprise

une

fresque

célèbre,

que

de nombreux

manuels

présentent

omme

un

emblème

du

Moyen Age,

est-elle

du

XVII*

siècle ? De

sorte

que

sous

deux

aspects

différents,

t

complé-

mentaires,

elui

de

l'élargissement

écessaire de la

méthode,

t celui

de la

révision

ritique

des

données,

e

Moyen

Age

montre a fécondité

intellectuelle.

Yvonne

REGIS-CAZAL

nalyse

e mode et les

enjeux

de

l'apparition

de la languevulgairedans les drames liturgiquesbilingues.L'alter-

nance

des

deux

langues

ne

se contente

as

de résoudre

un

problème

de

communication ntre

'Eglise

et

son auditoire

llettré,

lle

permet

l'émergence

'une autre

parole,

celle de

l'effusion

yrique,

xpression

de la

douleur

personnelle

t de

la

perte.

Les

répliques

bilingues

mettent

ainsi

en

scène les tensions

qui

menacent e drame

liturgique,

n

signalent

t en

récupèrent

'extérieur

la

langue

mais aussi la littérature

profane

qui

s'introduit

ous forme

de

citations

dans le drame.

Par

là-même,

e

drame ature

tous es modes de

participation

e l'auditoire

laïc,

assurant u mieux

on

édification.

i le drame

iturgique

ilingue

est un

genre

sans

descendance,

'examen

minutieux e sa structure

montre ue c'est en raisonmême de son caractère avant et concerté.

Annie

DELBEY décrit et

analyse

'expression

e

la cause

dans

la

langue française

médiévale.

Elle

montre,

reuves

à

l'appui,

comment

la

gamme

des

conjonctions

tablitune

grille

ubtile

ur

la

subjectivité

ou

l'objectivité

e la causalité.

Puis,

fortede cet

acquis,

elle montre

comment

es

genres

ittéraires t

l'historiographie

otamment,

nt

eu

des

réactions ifférenciées

cette

gamme

d'expressions.

insi

'expres-

sion

de la

cause est-elle

une

approche

«

intelligente

de

la diversité

littérairemédiévale on

voit

plus

clair

dans

la

trajectoireglobale

de

la

littérature,

ans rien

perdre

en finesse.

KatherineFRIZZA, à travers 'exempledu Lai de Doon, met en

évidence a

façon

dont

'organisation

es différentesormes

u

discours

rapporté

ert à

compenser,

ur

le

plan

de la

stucrture

u

récit,

a

brièveté

e la narration.

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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6

Jean-Charles UCHET

examine es

Leys

d'Amors,

ù

la

tradition

des

troubadours emble

s'épuiser

au XIV*

siècle,

et

ne

plus produire

que

des

règles

grammaticales.

l

montre ombien

ette

coïncidence

es

lois de l'amour vec

celle

d'une

angue

est aussi une combinaison

rigi-

nale

l'amour ndicible ans

son excès manifeste n

au-delà

de l'amour

comme de la

langue

que

la loi

repère.

L'auteur

conduit adroitement

son lecteur travers es

jeux d'échanges églementés

u désir et de la

grammaire.

FrançoisJACQUESSONmontre travers 'antiquité es stades de

concentration

ynthétique

u

discours,

u'il

soit

historique

u

poétique.

Il montre

omment n

aboutitainsi

à de véritables

ésumés,

t

selon

quelle logique

ces

«

semences

concentrées

e

redéploient l'origine

du

roman

médiéval.

Marie-Laure

E BAIL nous

montre

omment

ne

image

du

XIII*

s.,

prise

dans un

manuscrit

es

Coutumes

de

Toulouse,

et

qui,

sans ce

qu'elle

nous

en

dit,

aurait

pu

apparaître

anodine

ou

simpliste,

met

en

scène

une

conception

très

précise

de

la

justice

médiévale.

Elle

examine

pour

ce faire

ette

mage

sous

le

plus

grand

nombre

d'aspects

possible

et fait

apparaître

omment,

ans

la

composition

e

tous ces

traits,'imageproduit n sensque ne livrerait as forcémenta lecture

des

textes

correspondants.

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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L'HISTOIRE ENTRE

LE COSMOS

ET LE HASARD

:

entrevue avec Robert DELORT

MEDIEVALES.

-

Le

titre

que

vous

avez

donné

à votre

récent

livre,

Les

animaux ont une

histoire,

st

ďune

certaine

façon

polémique

..

ROBERT DELORT.

-

Polémique,

n'exagérons

rien.

Je

voudrais

attirer 'attention

ur le

fait

que

les

animaux

ont

une histoire

ui

leur

est propre t que ce n'estpas uniquementes rapportsde l'homme t

des

animaux

qu'on

doit

considérer,

mais aussi

les

animaux

en

eux-

mêmes.

Avec

une

vision

d'homme,

évidemment,

e

qui

fait

qu'ils

apparaissent oujours

dans une

optique

humaine,

mais

en

privilégiant

d'abord es

rapports

des

animaux

avec les

hommes,

uisque

c'est

une

trame

particulièrement

éconde

pour

écrire cette

histoire.

Je reconnais

volontiers

u'il

est

cependant

difficile

'étudier

par

exemple

es insectes

dans

cette

perspective.

n

en

a

retrouvé

rès

peu

de

fossiles,

part

ceux

conservés

ans

la

glace

du Mont

Look

ou dans

l'ambre

de la

Baltique,

ou

encore

les

quelques

traces

chitineuses

égarées

dans

des

tourbières

mais

on

ne

peut généralement

tteindre

les insectes,comme la plupart des invertébrés ui n'ont pas de

coquille,

que

de

manière

ndirecte

par

l'action

qu'ils

ont

eue

sur

les

végétaux,

es

animaux

ou les

hommes,

domestiqués

omme

le

ver

à

soie,

véhiculant

a

malaria,

détruisant

igne,

pomme

de

terre,

uceron

comme

phylloxéra,

oryphore,

occinelle...

De

ce

fait l'histoire

des

insectes

repose

en

grande

partie

sur

des

sources

humaines.

Pourtant

ous

mettez

ouvent

'accent

ur

le

fait

qu'il

faut

éviter

de

faire

une

histoire

rop

humainedes

animaux

R.D.

-

Certes

et

c'est

à

la

rigueur

ossible

pour

tous

les.

vertébrés

qui

ont

laissé des

vestiges,

des

poils,

des

plumes,

des

ossements...

partque nousconservonslors 'optique lle aussi humainedu zoologue

de laboratoire.

Mais

pour

es

invertébrés,

part

les

éponges

spicules),

les

mollusques

(coquilles)

ou

d'autres

cas

rarissimes,

nous

devons

abandonner

oute

étude directe

ar les

structures

molles

disparaissent.

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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8

Et les tortillons e lombrics u

la

plupart

des traces d'animaux

que

l'on

pourrait epérer

ans des fouilles ont très

difficilementtudiables.

Il

semble

que

cet

intérêt

our

les animaux se

manifeste

epuis

votre thèse

qui

est

consacrée au commercedes

fourrures

ans

l'occidentmédiéval.

R.D.

-

Oui.

Ma

thèseest elle-même uivantun

système

élescopique

une

amplification

e mon mémoirede

l'Ecole

Française

de

Rome,

de

ma

thèse

des

Hautes-Etudes,

t de mon

mémoirede

maîtrise

C'est

depuis le début de mes études d'histoire ue je m'intéresse ux ani-

maux,

en

fait

depuis

mon enfance.

D'abord

par

le

biais

de

l'histoire,

ensuite

par

le

biais

de la

zoologie,

t maintenant

isons

par

le

biais

de la

zoohistoire.

Dans cet

ordre

là ?

Vos

recherches ur

les

sauterelles,

par

exemple,

ous semblent tre

une

étape

intermédiaire

R.D.

-

C'est-à-dire

u'après

ma thèse de

Lettres,

'ai repris

des

études de

sciences,

vec des

jeunes

qui

venaientde

passer

le

«

bac

»

;

c'est

à ce moment-là

ue j'ai

obtenu les

trente-huit

.V.

qui

me

donnent

roit

u titre nviéde licencié s sciences

puis j'ai

commencé

une thèse de doctorat s sciences...J'ai essayé de réunirdes connais-

sances

scientifiques

enant de la

zoologie,

de

la

botanique,

tc.,

avec

des

recherches

historiques.

i nous revenons

u cas

particulier

des

criquets, 'ai

fait des études

aussi bien dans les

ouvrages

d'entomo-

logie,

de

zoologie,

dans les

laboratoiresde

Paris-VII,

que

dans les

Annales

arolingiennes.

t

après

avoir bien

dépouillé

es Annales aro-

lingiennes,

e

me

suis

dit

qu'il

fallait chercher

ussi

dans

la

Bible

j'ai

alors eu

la chance de tomber

ur

un articlede

la nièce de Uvarov

(celui

qui

a

trouvé

e

système

des

phases)

qui

avait fait

l'étude des

criquets

à

partir

du

XVIIe

siècle,

puis

sur une

masse de sources...

Le processus ue vousdécrivez, 'est ce qui vous a amenéà faire

vos recherches

ur

les

criquets

R.D.

-

Voilà,

entre autres

parce

qu'il

y

aussi le

fait

qu'étant

professeur

'histoire

u

Moyen

Age,

e

m'étais ntéressé

Charlemagne.

Depuis

trente

ns

que j'enseigne

ette

histoire,

'ai

évidemment

egardé

un

grand

nombre

de

textes,

t c'est

parce

que

j'enseignais

ur

Charle-

magne

que j'ai

trouvé

ces textes

sur les

criquets,

esquels

correspon-

daient aux études

que

je

faisais à

la Faculté des sciences

à

l'époque.

On

ne

peut

pas

dire ce

qui

a

été

premier...

Vous

avez

dit

tout à l'heure

que

les animaux

c'était une

piste

très mportante ource qui vous semblaitdevoir être

'histoire.

R.D.

-

Là aussi

ce sont des

idées

qui

remontent rès

loin. Je

pense

que

l'histoire,

'est

la science

de

l'espace

dans le

temps.

Car

c'est

bien

l'espace

qu'on

étudie dans

le

temps.

Tous les

phénomènes

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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9

évolutifs

me semblent

insi

avoir une histoire

l'astrophysique

'est

une histoire e

l'univers t c'est

quand

mêmeune histoire. es

galaxies,

le

système

olaire,

la

planète

Terre,

ont une histoire.L'homme

est

arrivé

si

tard,

que

l'histoire

de la

Terre,

c'est surtout

'histoire

des

phénomènes

omme e

champ magnétique

errestre,

es tremblements

de

terre,

a variationdu

niveau des

mers,

e

climat,

a course autour

du

soleil,

a création des

sols... Donc

un

ensemble

de facteurs

bio-

tiques qui changent

dans le

temps,

t un ensemble

de facteursbio-

tiques

la couverture

végétale,

es

animaux,

et l'homme

qui

tous

changent aturellement.'hommebiologique,par exemple au Moyen

Age,

l

n'était

pas

comme à

l'heure

actuelle

les

règles

des femmes

apparaissaient

peu

avant dix-huit

ns.

En

Occident,

lles

avaient le

bassin

plus

important

t la

poitrine

lus

menue les hommes étaient

plus petits,

a

répartition

es

groupes

anguins

tait

différente...

ref,

en

quelques

siècles,

es

hommesont

changé,

out

comme

es

animaux

ou

la couverture

égétale,

elle-ci n

partie

sous l'action de l'homme

mais en

partie

aussi sous

l'effet es

phénomènes

volutifsnaturels.

Tout cela

représente

es

idées

que j'ai

depuis

très

longtemps.

Au

début

e pensais

même

que

c'était

parce qu'il

faisait

plus

froid

que

les gensmettaient lus de fourrurespuis j'ai vu que non et que, en

Occident

médiéval,

e

phénomène

tait

principalement

û à

la

tradi-

tion,

à

la

mode,

au

luxe,

au mental

et

au

psychologique

lus

qu'au

physiologique.

uis

j'ai

constaté

que

les

variationsdu climat et

du

milieu faisaient ussi varier

a

qualité

et

l'épaisseur

des

peaux,

et

les

conditions u

marché,

tc.

Depuis que

je

suis

président

d'une commissiondu

CNRS,

j'ai

pu

faire

quelques

démarches

n

faveur

de

l'étude

des

variations

dans le

temps

des

phénomènes

aturels t

grâce

à la

compréhension

u direc-

teur du PIREN

se tient e 20

juin

une

journée

de réflexion ur ces

thèmes

ont été invités des

astrophysiciens,

es

géologues,

des

géo-

graphes,des clima ologues,des zoologues...En effet, i l'histoire st

bien

la science de

l'espace

dans le

temps,

elle doit coordonner 'en-

semble des

connaissances

humaines,

ce

qui

est

particulièrement

ambitieux.

Bien

entendu

je

suis

incapable

de coordonner 'ensemble

des

connaissances

humaines,

mais

je pense

que

tous les

spécialistes

de

toutes es connaissanceshumaines

devraient

tre coordonnés

par

des

historiens,

u du moins devraient

mettre

ne dimension

hronologique

à leurs

préoccupations.

ouvent

d'ailleurs

ls font de

l'histoire

ans

le

savoir

il

faudrait e

leur dire.

Quand mes professeurs e Paris-VII me disaientqu'on avait fait

pousser

le blé avec

des résultats différentsous

différents

hamps

magnétiques,

e

me souvenais

ue

le

champ

magnétique

errestre vait

beaucoup

varié et le

blé au

MoyenAge

Si

nous

savons

exactement

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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10

de

quel

blé

il

s'agit

question

de

botanique),

l

faudrait e

faire

pousser

sous

le

champmagnétique ui

était celui du

MoyenAge,

t Ton

verrait

si cela

n'expliquepas

très

partiellement

a moindre écondité à

côté

.de tous les autres facteurs facteur

pédologique,

climatique,

etc.

Voyez,

chaque

fait

historique

est

porté

par

un faisceau

de causes.

Disons

qu'il

y

en a

1000

on

n'en

connaîtra

amais

950

on en connaît

déjà

une

dizaine;

et si nous

pouvons

sur les

quarante

qui

restent t

qu'on peut

peut-être

ncore connaître n trouverdeux ou

trois,

cela

approfondirait

es tentatives

'explication.

C'est donc une

façon

de

mettre 'historien u

confluent

des

connaissances,

e lui

donner un rôle

d'organisateur

Ou sinon

d'organisateur

du moins... omment

diriez-vous

R.D.

-

De coordonnateur. l

faut mettre

en contact

toutes

ces

disciplines ui

forment'histoire t

qui peuvent

nrichir onsidérable-

ment la recherche

historique.

Ainsi

les

grains

sous

champs

magné-

tiques

différents.

e même a réflexion e

cet historien

nglais

qui

dit

le X'

siècle est

plein

de lentilles. 'est vrai

que parmi

es acides aminés

absolumentnécessaire

la

vie,

l

y

en a huit

qui

sont fournis

ar

la

nourritureormale, t le neuvième st difficile trouver t se trouve

en

particulier

ans les lentilles donc un

changement

e

régime

limen-

taire,

ou

l'apport

de ce neuvième cide

aminé

par

des

végétaux

peu

nombreux,

pourrait partiellement xpliquer

des

variations d'ordre

biologique.

Je ne

crois

pas

en fait

que

les lentilles oient

spécialement

en

cause,

mais cela

attire 'attention ur l'un des

nombreux acteurs

de

la

physiologie

e

l'hommedans l'occidentmédiéval.

l

s'agit

là de

touches

multiples.

Il vous semble

donc

urgent

de

faire

un tableau

général

ou du

moins

d'essayer

de rassembler vec le maximumde

puissance

tous ces éléments-là.

R.D.

-

Exactement.

l

y

a

quand

même n

Allemagne,

n

Angleterre,

en Union

Soviétique,

des

gens qui,

au

moins

ponctuellement,

ont

intéressés

ar

cet

aspect.

D'ailleurs en Union

Soviétique,

ls

devraient

être

encore

plus puisqu'il s'agit

là du

support

matériel

de l'infra-

structure e l'histoire

humaine,

t

de la

pensée.

Dans

votre ivre vous dites

pourtant

propos

de la malaria

que

les historiens

avent

bien

tout cela.

Page

94

«

On voit combien

paraît simpliste

pour

un historien u

un

écologiste

e

principe

de la cause

unique (...)

l'histoire

que

bien des médecins roient

pouvoir

ssimiler la

simple chronologie

.

R.D.

-

Les historiens

avent,

omme es

écologues,

a

pluralité

des

causes

sans

jamais

arriver connaître u même chercher

connaître

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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11

l'ensemble es

causes

repérables.

Mais

je

parle

ici de certains

médecins

qui

s'essaient à faire de

l'histoire

u du moins dont les

ouvrages

et

leurs

titres)

peuvent

faire croire

à leurs lecteurs

qu'ils

sont à

compo-

sante

historique.

i

l'un

de vos étudiantsvous

disait,

par

exemple

Kerenski

'est demandé

si,

sans

Raspoutine,

énine

aurait

triomphé.

La

question

mérite

d'être

posée, que

lui

répondriez-vous

Que

la

question

ne

mérite

d'être

posée

que

si

on

veut faire

de l'histoire

comme

au

temps

d'arrière

grand papa

Kerenski,

equel

d'ailleurs

n'était

pas

historienni

biologiste,

ar

il

aurait

pu déjà

connaître

e

fameux

paradoxe

de Darwin les vieilles filles

nglaises

ont

permis

a

maîtrise

de

l'Angleterre

ur

les mers en effet

lles élèvent

des

chats

qui mangent

es

souris,

esquelles mangent

des larves

de

bourdons,

ceux-làmême

qui

fécondentes

trèfles,

rincipale

ourriture

es bovins

dont la

viande

rouge

sert

à

fortifieres

équipages

de

Sa

Gracieuse

Majesté

Cette

succession de causes

partielles,

onsidérées

chaque

fois comme

uniques,

aboutit ainsi à

un résultat diot.

Même chose

pour

ce

«

paradoxe

de

Raspoutine

.

Le

tsarévitch tait

hémophile

Raspoutine

rrivait

arrêter

ertainesde ses

hémorragies,

a tsarine

reconnaissante

ubissait

son

influence

t

à son

tour

influençait

e

faibletsar, equel aurait pu laisser Lénine dans le néant en faisant

réaliser

temps

es

réformes

rgentes

t

indispensables

u en

faisant

d'une

main ferme xécuter

es

révolutionnaireses

plus dangereux

u,

inversement,

n

n'acceptant

pas

de

prendre

'initiative 'une mobili-

sation

générale,

ui

menaitdirectement

la

guerre

ontre

'Allemagne

et à

«

août

quatorze

...

Cela fait

des décennies

que

les historiens

connaissent

ette

chaîne

de

causalités

partielles

parmi

les mille

et

mille

raisons de

la Révolution

'Octobre.

Bien sûr aucun

spécialiste

des maladies du

sang

ne

pourra

écrire

que

l'hémophilie

t

Raspoutine

sont

responsables

de

la

Révolution

russe. Mais la manière de privilégier ne cause ou ime chaîne de

causes et

d'effets,

u même

une faible

pluralité

de

causes,

est une

démarche

qui

n'est

pas

historique

mais

qui

s'apparente

à celle de

Pasteur dans le

domaine

de la

biologie,

t

donc du milieu

pastorien.

Or

Pasteur,

ui

a révolutionnéa

médecine,

n'était

pas

médecin mais

normalien,

'est-à-dire

mathématicien,

hysicien

t

chimiste,

ciences

une cause

entraîne

bien

un

effet.

e la

même

manière,

vous avez

le

bacille

de

Koch,

donc vous

avez la

tuberculose

le bacille de

Hansen la

lèpre

le

bacille de

Yersin la

peste,

etc. Si

la cause

cesse,

cesse l'effet

pécifique.

e

ce

point

de vue la

médecine

pasto-

rienne

qui

continue s'illustrer

ans de

nombreux

domaines

a

une

démarche bien différente e celle de la nouvelle histoire c'est

d'ailleurs e

contraire

ui

serait

anormal.

Et, redisons-le,

l

ne

faut

pas

que

l'on

s'imagine

faire de

l'histoire

i l'on

replace

des

chapelets

de causes

uniques

dans un

cadre

chronologique.

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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12

Vous

opposez

à

cela,

dans leur

propre

champ

en

quelque

sorte,

l'exemple

de la malaria

qui,

dans

le

cadre

des

maladies,

montre

qu'en

fait

l

y

a des choses

plus complexes.

R.D.

-

Justement. t

il

y

a des médecins

qui

ont aussi

compris

que,

en

histoire,

l

n'y

a

pas

de

cause

unique,

ni même de cause

prin-

cipale.

J'admire

beaucoup par exemple,

e

professeur

Sournia,

qui

a

écrit vec

beaucoup

de

nuanceset

de finesse

n

ouvrage

ur

Histoire

et

médecine.

l

n'a

pas

repris

'exemple

des cours

d'amour,

des retraits

lignagers, e la civilisation t du culte de la femmeau XIIe siècle

dans

le

Sud-Ouest

rançais,

ui

coïncident

n

gros

avec

la

répartition

des

groupes sanguins

et la

ligne

des 50

%

de

sang

0,

pour

ne

pas

souligner

'évidence

que

les autres

pays

qui

connaissent ette

répar-

tition n'en ont

pas pour

cela connu à la même

époque

des cours

d'amour. Mais

il

vient

d'écrire,

avec

J. Ruffiéun autre

ouvrage,

Les

épidémies

dans

l'histoire,

ont

j'admire

tout autant

la

science,

l'équilibre,

a

pertinence

t

que

je

cite

toujours

avec

éloge.

Autrement

it,

dans votre

programme

e collaboration ntre

es

sciences,

l

n'y

a

pas

seulement ne

question

d'information,

l

y

a

aussi

une

question

de

méthode.

R.D.- Oui. De même

que

des historiens e

peuvent

as

s'improviser

médecins,

e même la

plupart

des médecinsne

peuvent

s'improviser

historiens ans avoir

auparavant

fait

quelques

études d'histoire

bien

que

ce

soit une tradition

qui,

au siècle dernier

donné

quelques

bons

ouvrages)

que

le

médecin,

rès

cultivé,

st en

particulier pte

à écrire

des livres à

sujet

historique.

Donc il

vous

semble

que

l'historien st

privilégié, arce

que

c'est

lui

qui

est au nœud des causes.

R.D.

-

Peut-être

ue

d'autres,

non

historiens,

iraient

ue

ce sont

eux qui sont privilégiés mais c'est vrai. On retombetoujours sur

cette

question

d'étudier

'espace

dans le

temps.

Et

comment,

ans

cette

trajectoire,

nscrivez-vous

otre

ivre ur

Venise

R.D.

-

C'est

que pour

ma

thèse,

e

me suis

promené

dans toute

l'Europe,

de Séville à

Moscou,

de

l'Angleterre

la Méditerranée.

t

pour

le

commerce

es

fourrures

t

l'histoire

conomique

de l'occident

médiéval,

'ai

résidéà

Venise,

t

longuement

ravaillé ans

ses archives.

Pour

y

avoir vécu

tout

un

long

hiver,

d'octobre à

mai,

j'ai

trouvé

Venise une

ville extrêmementttachante t

j'ai

pensé

que

son

exis-

tence était un vrai miracle,qu'aucune des causes traditionnellement

avancées

(milieu

ou

histoire)

ne

pouvait

expliquer.

Cet événement

urbanistique

xceptionnel

ne semblait

mériter

un cours

à la Sor-

bonne

et ce

cours

qui

a eu lieu

en 1968-69t

que

je

faisais en même

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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13

temps

que

les

travaux

pratiques

a tellement

ntéressé es

étudiants

que

certains n

ont

parlé

à un

éditeur.

J'ai demandé

à ce

que

mon

excellent

mi

Braunstein efît

es

chapitres

du

milieu,

parce que

je

n'avais vraiment

as

le

temps.

Voilà

comment

ela

s'est

passé

: mon

séjour

à

Venise,

mon

émerveillement,

e cours

à

la

Sorbonne et

la

multiplicité

es

travaux

pratiques.

Voilà

la

chaîne des

causes

R.D.

-

La

chaîne...

uelques-unes

es causes

du

faisceau

qui

porte

ce livre.

Vous vous

rattrapez

R.D.

-

Ce

n'est

pas

une

chaîne

parce que

les

origines

ont

diffé-

rentes.

Je suis

allé à

Venise,

bon... s'il

n'y

avait

pas

eu

68,

e

n'aurais

pas

fait e

cours à la

Sorbonne

parce que je

n'aurais

pas

eu le

droitde

faire

un

cours,

tant

l'époque simple

maître-assistant.t si

je

n'avais

pas

été à

Paris VIII

Vincennes,

e

n'aurais

pas

eu

pour collègues

et

amis

J.

Julliard t M.

Winack

qui

ont insisté

pour que

je

fasse ce

livre

puis

si

je

n'avais

pas

eu Braunstein omme

camarade

en

khâgne,

E.N.S.

et Ecole

française

de

Rome,

et

s'il n'avait

pas

travaillé sur

Venise, e

ne lui

aurais

pas

demandéetc. Un

grand

nombrede causes

convergentes,

ais

indépendantes.

Tout cela

ne

fait

pas

une histoire

rès déterministe.n somme

il

n'y

a

que

vous,

et moi

parce que

vous

venez

de me

le

raconter

qui pouvons

xpliquer

omment ous

avez

fait

ce livre ur Venise.

R.D.

-

Il

y

a en

plus

de

très

nombreuses

utres raisons

je

n'ai

dit

que

celles

qui

se

présentaient

mon

esprit.

Vous demandez

ussi

pourquoi

'ai

choisi

e commerce

es

fourrures,

omme

sujet

de thèse

d'état.

l

y

a

également

ne série de

hasards. D'abord le choix

de

mon

regretté

maître,

Maurice

Lombard,

qui

faisait des

cours

excep-

tionnelset semait les idées en un rayonnementerpétuel. l était

venu

faire des

cours

d'agrégation

l'Ecole Normale

Supérieur,

ur

les

Royaumes

Barbares

puis

sur les Abbassides.J'ai trouvé

que

c'était

un

professeur

xtraordinaire

je

me

suis

renseigné

t

ai

appris

qu'il

avait

un

enseignement

l'Ecole

Pratique

des Hautes Etudes.

J'y

suis

allé,

très étonné

d'y

être

généralement

eul,

sauf les fois

Jacques

Le Goff

ouvait

y

venir,

depuis

Lille,

ou Robert

Philippe depuis

son

lycée.

Et un

jour,

il

a

parlé

des fourrures ans le monde

musulman.

J'ai

trouvé

ela tellement

aptivant

ue je

me

suis

demandé

'il n'était

pas

possible

d'étudier

e

même

problème

dans le

monde occidental.

Maintenant

ourquoi ai-je

été attiré

par

les fourrures

Ce sont

je

pense des grainesqui sonttombéesdans un sol fécondet qui y ont

germé.

l

y

aurait eu à ce

cours

cinquante

auditeurs,

mais

pas

moi,

peut

être

n'y

aurait-il

amais

eu de

thèse sur

le

commerce

des four-

rures

n Occident

la fin

u

Moyen

Age.

l

n'y

a

là aucun

déterminisme.

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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14

Donc

ce livre

sur

l'histoire es

animaux,

l

est

au

carrefour

e

deux

grands

thèmes.

D'une

part,

tout

ce

que

Lombard

dévelop-

pait

sur

l'importance

es

commerces,

tc.,

et

d'autre

part

votre

intérêt

our

les

animaux.

R.D.

-

Il

y

a

aussi le fait

que

j'étais

germaniste

t

russisant,

t

que

la

fourrure

m'attirait

ers e

monde

germanique

t

russe. Là

aussi,

j'avais

envie

d'étudier

e

vieux

russe,

e

moyen

bas-allemand

tc.,

mais

sans

quitter

'Espagne

ou

l'Italie

que

j'aimais

beaucoup.

Il

y

a

des

raisonsde

toutes

ortes.

Mais

..

R.D.

-

...et

aussi le

fait

que pour

être

Professeur

'Université,

e

Moyen

Age

me

semblait

ntéressant,

ue j'avais

envie d'être

Professeur

d'Université.

t si

je

n'étais

pas

entré à

l'Ecole

Normale

Supérieure,

je

ne

l'aurais

pas

été.

Il

faut

éviter

de se

répandre

dans

l'accessoire,

uoique

l'acces-

soire,

de ce

fait,

devienne

ransparent.

R.D.

-

Mais

c'est très

mportant

Si

je

n'avais

pas

commencé

par

faire

aupe

avant

de faire

khâgne,

on

seulement

e

n'aurais

pas

gardé

le

goût

des

sciences

«

dures

,

mais

je

n'aurais

pas

choisi la

disserta-

tion llemande u concoursde L'ENS ; j'aurais pris a versiongrecque

entré

comme

germaniste

L'ENS,

j'ai

eu

la

possibilité

d'aller

étudier

en

Allemagne

Et en

Allemagne

e

suis

allé à

Hambourg

ù

j'ai

étudié

le

vieux

russe.

Il

y

a

tellement e

choses

à

considérer.

Vous

êtes très

exigeant

vec

l'historien.

R.D.

-

Mais

il

y

a

des

historiens

ui

font

dmirablement

'histoire

des

grands

hommes,

'histoiredes

batailles,

de

l'économie,

tc.

Ceux-

sont

absolument

ndispensables.

t

puis

il

y

en a

qui

cherchent es

racines

plus profondes

ces

batailles

ou

à

ces faits

économiques.

ls

ne sont

pas

meilleursmais leurs

recherches u

leurs

approches

sont

différentes.ar exemple, e fais partied'unegénération ù l'on expli-

quait

tout

par

des

courbes de

prix

maintenant,

e

crois

que

les

courbes de

prix

sont

toujours

aussi

fondamentales,

mais

qu'elles

n'expliquent

ien

elle sont au

contraire a

synthèse

e

tous ces fac-

teurs

dont

nous ne

connaîtrons

amais qu'une

infime

partie

mais

dont,

grâce

à elle

nous

pourrons

spérer

n cerner

quelques

autres.

Il

vous

semble

donc

qu'un

des

moyens 'apercevoir

uelque

chose

en

histoire,

'est de ne

pas

se

précipiter

ur

tel

ou tel

type

de

cause,

mais

d'essayer

d'en

conserver u

d'en

valider a

diversité

R.D.

-

C'est ce

qu'il

y

a

de

plus

fondamental.

Dans votre façon de vous occuper des animaux,on sent la

volonté

de mettre n

valeur

cette

diversité.On

sent bien

dans

votre

ivre,

ès le

début,

uand

vous

insistez

ur

l'histoire

ropre

des

animaux,

une

façon

de débouter

oute

causalité

inéaire

Page 17: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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15

R.D.

-

En

effet.

es animaux ont

un

chapitre ypique,

t

en même

temps

une

façon

d'atteindre

mieux es

lecteurs

u'une

histoire

u

paléo-

magnétisme

ar

exemple,

qui

aurait

été

un ours absolument

nven-

dable.

La zoohistoire

st

plus

attirante

et

j'ai

beaucoup

de

plaisir

à

la

recherche

conographique).

C'est

par

qu'il

fallait

commencer

et

j'espère

que

quelques-uns

e

mes élèves

vont continuer.

Et dans

quelle

voie

?

R.D.

-

Pour commencer,a zoohistoire. 'est ce qui parle

le

plus,ce

qui

est

susceptible

de donnerdans les années

qui

viennent es

résultats

es

plus

féconds.

C'est

vrai

qu'en

France,

maintenant,

a

zoohistoire

est en route.

Du moins

l'archéo-ostéologie,

'étude

des

ossements

parce

que

là,

on

est très

bien

formé

grâce

à la

paléon-

tologie,

t

puis

au

fur

et

à

mesure

que

les

fouilles

médiévales

pro-

gressent,

u

plus

exactement

epuis qu'on

ne

jette

plus

à

la

poubelle

tous

es ossements

'animaux,

epuis qu'on

ne

détruit

lus

les couches

médiévales

pour

arriver

la

couche

antique qui

pendant

ongtemps

a

uniquement

ntéressé,

n

a de

plus

en

plus

de

matériaux,

vec

des

gens

qui

sont

capables

de les

interpréter.

l

n'y

en a

pas

beaucoup.

La zoohistoire st plus neuve que l'ethnobotaniqueu que la paléo-

botanique,

t

peut

se

développer

rès

rapidement.

Mais

il

faut

pousser

aussi

l'étude

dans le

temps

des

facteurs

bio-

tiques

et surtout

ssayer

de voir comment

out

s'emboîte.

C'est

cela

au fond

qui

m'intéresse

c'est

ce

que j'appellerais

«

l'écohistoire

,

l'histoire

u milieu

ou

histoire

de l'environnement

ien

que

chaque

expression

ouligne

un

peu

trop

que

l'homme

st

le centre

du

monde

(écologie

vient

mêmede oïkos

qui signale

a

maison)

..ilfaudrait

rouver

un

mot

meilleur

u'

«

écohistoire

pour signaler

'histoire

des

phéno-

mènes

naturels.

Aprèsvotrecolloque vous avez l'intention,u pointde vue des

institutions

e chercher

donner une

assise

à

ces

rencontres

de savants

de

différents

orizons

R.D.

-

J'aurais

bien

voulu,

mais

je

crois

que

ce n'est

pas

possible

de

penser

créerun

«

Centre

nternational

e Zoohistoire

ou,

encore

mieux,

d'Ecohistoire

Paris.

Je sais

bien

que

les

étrangers

eraient

contents

i

la France

en

créait

un ils

accepteraient

eut-être

même

d'aider un

peu

car

Paris

est une

ville

extrêmement

entrale t

agréable

comme

point

de rencontre

ntre

Allemands,

nglais,

taliens,

Espagnols

et,

bien sûr

Américains

u

Européens

de

l'Est mais

je

ne vois

pas

comment n pourraitdébloquerles créditsnécessaires.On va voir

beaucoupplus

modestement

e

20

uin

ce

qu'on

peut

fairedans

le cadre

du

CNRS et du

PIREN

(Programme

nterdisciplinaire

e

recherches

sur

l'environnement).

Page 18: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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16

A

noter

cependant ue

le

Ministère

e l'Education Nationale vient

de créer

pour

la

rentrée

prochaine

l'Université

aris Vili un

DEA

(Diplôme

d'Etudes

Approfondies)

'Histoire

de

l'Environnementt des

phénomènes

aturels,

nimé

par

des historiens t des

géographes

mais

en

liaison étroite

vec les

sciences de

la

Nature et

de la Vie.

Nous

espérons qu'un

certain nombre d'étudiants

de

toutes

ces

disciplines

sera

intéressé.

Et le

résultat e

tout

cela,

comment

'imaginez-vous

Une

gigan-

tesqueencyclopédie

R.D.

-

Je

pense qu'il

faut

bien

commencer

ar

un manuel de

base,

qui

rassemble

tout ce

que

l'on sait

de manière très

dispersée.

Il

faudrait

e mettre

une

douzaine de

spécialistes

et

écrire

un

livre

de

500

à

600

pages

qui

soit

parfaitement

ondé

scientifiquement.

uis,

dans une démarche mmédiatement

ostérieure

u concomitante réer

des

équipes

ntégrées.

es Russes en

ont

effectivement

ais ils

publient

peu

ou du moins l

est difficile

'obtenir eurs

publications.

n

trouve

de notre côté

qu'ils

ont

quelques

a

priori,

de

même

que

nous

parais-

sons être

champions

d'idées

capitalistes

et

bourgeoises.

l

faudrait

donc, u moinspour

a

France,

enter

e constituer

ne

équipe intégrée,comme l en existe

déjà pour

a

préhistoire,

omme l commence s'en

mettre

ur

pied pour

la

protohistoire

t

le

monde de

l'Antiquité

las-

sique.

C'est là

que je

redeviensmédiéviste t

moderniste,

ar

c'est

pour

ces

périodesque

nous

n'avons rien. Peu de fouilles

t,

quand

on

passe

à travers

es

niveauxdes

XIX

et

XVIIIe

siècles,

c'est

bien

rare

que

l'on

fasse

attention

la faune ou à la flore

nous

avons

heureu-

sement

les

préoccupations

des

géographes

et de très

nombreuses

études

rédigées

partir

de

sources

écrites.De mon

point

de

vue,

le

grand

hiatus

dans

l'étudedu milieu

t

en

particulier

e

la

faune

'étend

de

Charlemagne

ou

des invasions

barbares)

à la

Révolution

rançaise.

Il faudrait oncun Manuel Généralqui, au moinspour cettepériode,

attire 'attention

es historiens

ur

cet

aspect

de l'histoire.

En

fait,

e

n'est

pas

un

«

aspect

»

de l'histoire

R.D.

-

Si,

parce

que

les historiensdoivent continuer faire ce

qui

leur

plaît

et

à étudier ussi

bien

les batailles

que

les

groupements

humains,

etc.

tout

cela,

c'est de l'histoire.C'est

quand

même un

«

aspect

de

l'histoire

ue

d'essayer

de mettre

outes

ces

études dans

une

vue

globalisante.

Du

côté

des

mathématiciens,

n

tire notre

chapeau

au

groupe

Bourbaki

ou à Weierstrass

ui

ont

essayé

de

refondre

es

mathématiques,

ais

il

fallait

bien

qu'il

y

ait

des

mathé-

maticiens ussi géniaux,que ce soit Fermat,ou Cauchyou autres,

qui poussent

a

recherche

mathématique

ans

tel

ou

tel

domaine.C'est

pareil,

l

n'y

a

pas

de hiérarchie

il

y

a

plusieurs

manières

de

faire

avancer

l'histoire,

ar

la

base

comme

par

les

couches

superficielles.

Page 19: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-9-automne-1985 19/155

17

Cependant

on

petíř

ontestera

comparaison

Il

semble

plus

vrai-

semblable

qu'un

secteur

particulierpuisse

avoir sa

légitimité

parce

gwe

on

homogénéité,

n

mathématiques

alors

qu'on

envi-

sage plus difficilement

u'un

secteur

historique

puisse

s'isoler

pour

trouver n soi-même es

faisceaux

de causes

dont

vous

montrez

u'ils

sont

toujours

l'œuvre

R.D.

-

Mais

il

faut

quand

même

connaître

es événements.

l

faut

que

des

historiens

défrichent 'événement.

i

Ton ne

connaît

pas

l'événement,e n'estpas la peined'en chercheres causes. Les mathé-

matiques

me

sont venues

tout

de

suite à

l'espritparce

que j'ai

beau-

coup

aimé les

mathématiques,

u l'histoire

des

mathématiques

mais

je

tiens

quand

même à la

comparaison.

l faut bien

que

des

collègues,

qui

peuvent

voir du

génie,

défrichentes

événements,

u établissent

des

faits,

vec la

pluralité

des

causes

qui

semblent es

avoir

portés,

avant de

pouvoir

en

rechercher

uelques

autres,

plus profondes

t

mieux

achées,

par

un

simple

ravailde routine

t

à

partir

d'un

nouveau

questionnaire.

Pour

faire

se

correspondre

t s'emboîter

es

savoirs,

vous

n'avez

pas

tout à

fait

répondu

ma

question

ur

l'encyclopédie

après

le Manuel qui est le pointde départ comment e pratiquerait

ce

genre

de savoir

R.D.

-

Une fois

que

ce

Manuel,

ue

ces

quelques principes

eraient

définis

ar

un

groupe

de

savants,

l

faudrait

éunirdes

équipes

pour

étudier

des

événements

déterminés.

Ce

qui

manque

surtout,

pour

l'instant,

e sont les bonnes

questions

à

poser;

on

peut essayer

d'en

réunir ne série

nouvelle,

ne

espèce

de

questionnaire

our

l'ensemble

de

l'histoire

umaine.

i les bonnes

questions

sont

posées

aux

spécia-

listes,

ls donnent e bonnes

réponses.

Dans

le

cas

du blé

qui pousse

différemment

elon le

champ

magnétique,

n s'adresse

à

des

gens

spécialistesdu magnétisme, es gens spécialistesde botanique,de

pédologie,

de

climatologie,

galement

e

sociologie

ou

d'anthropologie

historique

on

élabore un

modèle

et

on

y

ajoute

le

champ

magnétique

qu'il

y

avait

à

l'époque. Ça

donne

quelque

chose

ou

ça

ne donne

rien

c'est

une

question qu'on

pose.

Elle ne

donnera

probablement

ien,

parce qu'il y

a

d'autres

causes

qu'on

ne connaît

pas

et

qui

étaient

aussi

importantes

ue

le

paléomagnétisme...

t au

fur t à

mesure

qu'on

trouve

es

correspondances,

n accroît

e

questionnaire

e base

et

donc

les demandes

adresser

aux

spécialistes.

Autre

xemple,

'armée

austro-hongroise

e

la

guerre

1914-18 st la

seule dont

on

puisse

étudier

à

peu près

les

groupes sanguins,pour

la bonneraisonque les pionniers ans cettediscipline, andsteiner t

son

équipe

étaientde

Vienne.

On

en

a,

paraît-il,

'assez bonnes

archives

et il

semble

qu'il

serait

possible

d'en

tirer

u moins

plusieurs

entaines

de

milliers

de données

pour

cette

mosaïque

de

peuples

que

rassem-

Page 20: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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18

blait cet

Empire, après

les

grands mélanges

du

Moyen Age

et de

l'époque

moderne

mais avant les événements es

récentes

décennies.

Et si l'on arrive à tracer

une carte

hématologique,

ui

est

déjà

de

l'histoire,

n

peut également

hercher

savoir

non

seulement

i elle

s'expliquepar

l'histoire,

mais encore

si elle

peut (partiellement)xpli-

quer

certains

faits

historiques.

On

peut imaginer u'au fur

et à

mesure

que

ces

registres

de

causes

se

complètent eu

à

peu,

on

finissepar

avoir sinon tous

les filsdu faisceau..

R.D.

-

...on

ne les aura

jamais,

mais

on

pourra

mieux

expliquer

un

certainnombrede

phénomènes istoriques ui jusque-là

n'étaient

ue

constatés.

Et

je

me

demande si

parfois

cela ne nous

donne

pas

une

meilleure onnaissance

de l'avenir.Par

exemple,

i nous revenons

ux

animaux,

et en

particulier

ux

criquets,

a connaissance du

présent

a certes

précédé

celle du

passé

mais le

passé

a

largement

onfirmé

que

c'était dans les

régions

grégarigènes

u'il

fallait

et

qu'il

faudra)

intervenir

our

se

défendre

ontre eurs invasions.

Dans de nombreux

cas

l'étude

historique

des facteurs de l'environnement

eut prédire

ce

qui

risque

de se

passer.

Et

plus

on

ira,

plus

on

pourra

se

poser

de

questions ur le passé à la lumièredu présentmais aussi sur le futur

à la suite

du

passé.

On

a

l'impression ue plus

vous

montrez

es

chances

qu'on

a de

saisir

'enchevêtrement

es

causes,

en

même

temps,

ous

montrez

de

la

même

façon

qu'il

va

«

en rester

.

R.D.

-

Il

y

a

effectivement

n

hasard. Rien ne

peut

«

expliquer

Venise. On connaît

un

certain nombre

de

causes,

mais aucune de

fondamentale,

i a fortiori e faisceau

explicatif.

n va connaîtrede

plus

en

plus

de causes

portant

un même

événement

mais,

dans l'état

actuel des

choses,

l

en reste

d'inconnues,

t

d'inconnaissables,

u'on

appelle e hasard.

Propos

recueillis

par

F.

Jacquesson,

le 12

juin

1985

Page 21: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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YVONNE REGIS-CAZAL

LA

PAROLE DE

L'AUTRE

Jusqu'à

ce

que

vacillent es droits

de

la

langue paternelle...

R.B.

Depuis

le

IX* siècle et

la Réforme

arolingienne

1),

l'Eglise

doit

faire face à une

situationde

clivage

inguistique.

e

peuple

chrétien,

dans la

mesureoù est

avérée 'irréductibilitée la

langue vulgaire

u

latin,

apparaît

divisé

désormaisentre itterati ceux

qui

maîtrisent

le latin angue avante,angued'Eglise et ceuxqui ne le comprennent

plus,

es illitterati

S'imposent,

lors,

d'autant

plus,

a

nécessité t l'ur-

gence

de la

pastorale.

Entre

e culte d'une

Parole révéléedans la

forme

même

qui

l'a

transmise,

ans son

mystère

ui

en confirmea

sacralité

et ce devoir

évangélique

vers ses

destinataires es

plus

urgents,

ne

distorsion

'instaure.

Sur le

mode

du

compromis,

ans

un

but

d'efficacité,

lusieurs

olu-

tions furent

doptées

la

prédication

n

langue

romane

(2),

la

glose

et

le

commentaire voire a

traduction

ure

et

simple

sont

autant

de

moyens

de redoubler n

texte atin devenu

ncompréhensible.

ans

cette ntreprisea languevulgaire emeure tilitaire,épendante ormel-

lement du latin

vis-à-vis

uquel

elle entretient

n

rapport

de

redon-

dance.

l

s'agit

de

suppléer

l'opacité

du latin

pour

es

profanes

ar

la

multiplication

es canaux

d'expression.

e ce

point

de

vue,

a

dramati-

sation de

la

liturgie,

e

l'Ecriture

ainte

occupe

une

place

exemplaire.

De

façon

analogue

au

catéchisme

ar l'image,

pour

enseigner

t

émou-

voir,

'Eglise oint

e

geste

à la

parole.

Le

drame,

genre

ssentiellement

(1)

On considère raditionnellement

ue

les

recommandationsu concile

de

Tours

de 813

marquent

'étape

finale e la

prise

de

conscience e

l'oppo-

sition ntre atin t languess) vernaculairess). Nous en rappelonse textecélèbre «Et ut easdemhomiliasuisque perte ransferretudeatn rusti-

caniRomanam

inguam

ut

Thiosticam,

uo

facilius

uncti

ossint ntelligere

quae

dicuntur.

(2)

M.

ZINK,

La

predication

n

langue

omane vant

300,

aris,

976.

Page 22: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-9-automne-1985 22/155

20

polyphonique,urimpose

u

texte,

a

mimique,

a voix. l

y

avait dans

cette

convergence lace pour

cette

voix

particulière,

mmédiate

et

efficace,

elle de la

langue populaire.

Le

bilinguisme

'introduit ans

le drame

iturgique.

Pour

certains,

a

langue

romane

pparaît

-

comme dans

les

autres

productions

ittéraires

orgées

n milieu

ecclésiastique

asservie au

latin,

dépendante

ous forme de

glose.

Toutefois,

'ensemble de ces

drames ne

peut

se réduire à une

simple

entreprise

e

vulgarisation.

Tout au contraire,e mélangedes languesobéit à une volonté esthé-

tique particulière.

'irruption

e

la

langue vulgaire

ntroduit

ne autre

parole,

celle

de

l'effusion

yrique

qui

contredit t

complète

e texte

narratifatin.Par

là-même,

e

bilinguisme

enoue vec des fins

pédago-

giques.

En

effet,

es interventionsuscitent n mode de

participation

de l'auditoire adicalement

utre,

non

plus

intellectuelmais émotionnel

et

-

semble-t-il voulu tel. La

langue

profane,

yrique, étérogène

u

discours

dramatique,

n

dessine

es

limites,

écupère

t

met

en scène ce

qu'il

exclue

l'expression

ittéraire t

profane

de la douleur

person-

nelle. Ce

faisant,

a

langue vulgaire permet

une

identification,

ne

participation

ur le mode de la reconnaissance. nséré dans le

drame,

le refrainroman en signale sous la formede la citationlittéraire

profane,

'extérieur.

ais cet

extérieur,

l

le ramène

dans le drame sous

la

forme

d'une

image

de la

littérature

rofane.

Ce

que

le

bilinguisme

des drames donne à

voir,

c'est moins

a

consciencedouloureuse

d'un

clivage

que

la maîtrise réussie mais

peut-être

ans avenir

de deux

traditions, atine,

narrative

t

sacrée

d'une

part,

profane,

yrique

et

romaned'autre

part.

L'usage

de la

langue

vulgaire

Les

drames

iturgiques

ont

les héritiers

e

ces

amplifications

er-

bales d'un

passage

de l'Ecriture

que

l'on nomme des

tropes

(3).

Ils

apparaissent

u IV*

siècle,

'épanouissent

ous la Réforme

arolingienne.

Sous forme

d'introduction,

'interpolation

u

de

conclusion,

ls

se

greffent

ur le

rituel

iturgique

xistant,

n utilisent

a

théâtralité. es

rites

uniquementgestuels

comme

la

Depositio,

déposition

du

corps

du Christ

et

VElevatio,

e

dimanche

de

Pâques

sont

complétés

par

(3) Sur l'originedes drames iturgiquese reporter l'articledeH.F. MULLER,

Prehistory

fthe medieval rama theantecedentsf the

Tropes

nd

the

conditions

f their

pparition

,

in

Z.R.Ph.,

XLIV,

p.

544-75,

1975.

(4)

Tous

ces textes ont

recensés

ar

K.

YOUNG,

The drama

of

the

medieval

hurch,

ome

pour

es

origines,

ome

pour

e texte

es drames.

Page 23: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-9-automne-1985 23/155

21

la

Visitatio

sepulchri

où est

amplifié,

dramatisé,

le

dialogue

de

l'Evangile

entre

es femmes t

l'ange

du

tombeau,

ntre Madeleine et

le

Christ

4).

La

constitution u

corpus

dramatique,

rèsbien

représenté

à

partir

du

XIe

siècle,

se fait donc sur le mode de

l'interpolation.

a

transition st aisée entre a

dramatisation

'un

passage

narratif t la

farcitured'un

texte

latin,

lui

aussi

préexistant,

l'aide de

gloses

romanes.

C'est ainsi

qu'à partir

du XI*

siècle,

à

côté des

drames

latins,

apparaissent

es drames

bilingues.

ls sont

peu

nombreux.

e

plus

ancien

est

un

remaniement

ilingue

d'une dramatisation e

la

parabole des Vierges sages et des Viergesfolles, e Sponsus. Il date

du XIe

siècle.

Ensuite,

u XIIe

siècle,

on trouveune farciture omane

des

répons

de la

Septuagésime,

uivie d'une

dramatisation

ous forme

de

glose

du sermon

attribué

Augustin

«

Vos,

inquam

convenio o

Judaei...

,

plus

connu

sous le nom de Procession des

prophètes,

'en-

semble

porte

e

titrede Ordo

repraesentationis

dae ou Jeu

d'Adam

Proches de ce

dernier

par

bien des

aspects,

viennent nsuite

un

frag-

ment

de

jeu,

La

sainte Résurrection insi

qu'une

Visitatio

sepulchri

provenant

u monastère éminin

'Origny-Sainte-Benoîte.

eux drames

bilingues,

ne

Résurrection e

Lazare

et un Miracle de saint

Nicolas

dont l'auteur

nous est

connu sous

le

nom

d'Hilaire,complètent

'en-

semble 5). Six drames,donc,

qui

utilisent iversemente

mélange

des

langues.

Un

corpus

malgré

tout dont le

petit

nombre

nterroge.

De

ce

groupe

de

textes,

es

historiensdu théâtre n'ont

souvent

examiné

ue

le

plus

célèbre,

e Jeu d'Adam en ont étendu es caracté-

ristiques

ux autres

œuvres

bilingues

n ce

qui

concerne

plus

particu-

lièrement e rôle et la fonction e la

langue vulgaire.

Or,

dans

ce

drame,

a

langue

profane

st

à

la

fois

complètement

ubordonnée ux

répons

atins

qui précèdent

hacune de ses

interventionst totalement

émancipée

ussi dans la mesure ù elle

assure,

eule,

e

discoursdrama-

tique.

Le

jeu

est une dramatisation u Liber

responsalis

de

Grégoire

le Grand,plus précisément e la liturgie u dimanchede la Septuagé-

sime. De ce

texte atin sont extraits

ept répons

dont six

apparaissent

dans

la

première

partie

du drame

-

Adam et Eve

au Paradis

puis

chassés

-

tandis

qu'un

seul concerne e meurtre

d'Abel. Ces

répons

entretiennent

n

rapport

autoritaire vec le texte

roman. En

effet,

rien

n'est

dit

par

la

langue vulgaire

qui

ne l'ait été

par

le

chœur,

n

latin.

Considérons

es

premières épliques

du Jeu

entreAdam et

Dieu,

elles

traduisent

e texte

iturgique ui

les

encadre

(5) L.P.THOMAS, e Sponsus, aris, 951.

P.

AEBISCHER,

Le

mystère

'Adam

Ordo

repraesentacionis

de),

Textes ittéraires

rançais,

enève,

964.

J.G.

WRIGHT,

a résurrectionu

Sauveur,

.F.M.A.,

aris,

1974.

J.J.

HAMPOLLION-FIGEAC,

ilarii

versus t

ludi,

Paris,

1838.

Page 24: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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22

«

Formavit

gitur

ominus

hominem e

limo terrae

t

inspiravit

n

faciem

ejus spiraculum

vitae et

f

ctus est

homo

in animam

viventem

(6).

Quo

finito icat

Figura

Adam

Adam

Sire

Figura

Fourmé

e

ai

De limo terre.

Adam

Bien le sai

De même la finde la scène

Tunc

Figura

manu

demons ret

paradisum

Ade,

dicens

Adam

Adam

Sire

Figura

Dirrai

toi mon avis.

Veez cest

ardin

?

Adam Cum

ad nun?

Figura

Paradis.

Adam Mult

par

est bel

Figura

Jel

plantai

e asis.

Qui

i

maindra erra mis

amis.

Jol toi comand

por

maindre

por

garder.

ce

qui

correspond

la

suite

du

premier épons

u

au débutde la scène

«

Plantaverat

utem

Deus

paradisum

voluptatis principio,

n

quo

posuit

hominem

uem

formavit.

Le

patronage

du

texte atin

est tel

que

la

mise en

dialogue

est

bien

maladroite.

La

langue

vulgaire

redouble

'information onnée

par

le

chœur

comme

le

montre a

réplique

d'Adam

«

Bien

le

sai ».

Les

latinismes

omme

«

de

limo terre

soulignent

a

dépendance.

a

langue

vulgaire,

ci,

traduit

mais elle reste

encadrée

par

le texte

liturgique

latin. l est vraique nousavons choisi e début et la finde la première

scène,

c'est-à-direes

points

de

contact entre es

deux

langues.

C'est

qu'ils

sont

révélateurs e la

subordination e la

langue vulgaire

au

latin,

de

sa

fonction

ssentiellement

ulgarisatrice.

ntre ces deux

groupes

de

répliques,

e

placent

es

dialogues

entre Adam

et

Eve

qui

n'émanent

pas

du

texte atin. Ils

sont

pure

création du

dramaturge

médiéval et ce sont eux

qui par

leur

vivacité et leur

pittoresque

assurent a

qualité esthétique

du

jeu,

en

justifient

e

succès

jusqu'à

nous. Mais

plus

de

mélange

des

langues

ci.

Ces

parties

authentique-

ment

dramatiques

du

jeu

sont

véhiculées

ar

la

seule

anguevulgaire.

(6)

«

Le

Seigneur

modela

'homme

vec de la

poussière rise

du sol.

Il

insufflaans ses narines'haleine e

vie,

t l'homme

evint

n

êtrevivant.

Gen.

I,

7,

trad,

œcuménique.

Page 25: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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23

Le

Jeu d'Adam est à

peine

un drame

bilingue,

es hésitations

des

éditions

modernes

n

témoignent.

es

plus

anciennesne donnent

ue

l'incipit

des

répons,

a

pièce

devient

française,

es

plus

récentesresti-

tuent

'intégralité

e la

leçon

liturgique,

e

faisant,

lles révèlent

un

texte

double.

Texte

attachant

t

révélateur

u fonctionnement

e la

farciture

7)

mais

qu'il

serait

trompeur

e

prendrepour

modèle du

fonctionnemente la

langue

profane

n

contexte atin. Elle

s'y

révèle

redondante t subordonnée la

langue

d'Eglise.

La sainte Résurrection

et

la

Visitatio

epulchri

d'Origny-Sainte-Benoîte

ont semblables

cet

égard.De telsdrames, 'ils rendentomptede l'avenirde l'évolution u

genre

(la

présence unique

de la

langue

vulgaire

quand

elle se sera

annexé ce domaine

religieux)

ne disent rien

de

l'utilisation

des

res-

sources

dramatiques

t

esthétiques

u

mélange

des

langues.

Pour

résoudre

e

problème

de la

communication,

e l'éducation

religieuse

ans une société

bilingue,

ôt ou

tard

l'Eglise

aura recours

à la

traduction,

e

plus

en

plus

à la

langue

profane.

Mais

du terme

de cette

évolution

ue

nous

connaissons,

l ne faudrait

pas

déduire

que

les œuvres

bilingues

ont

autant

d'étapes

transitoires ans une

histoire littéraire

conçue

linéairement.

ien

souvent,

pourtant,

es

historiens u théâtre eligieux nt vu dans le bilinguismeittéraire,a

marque

d'une

telle transition u latin des drames

primitifs

l'ancien-

français

des

mystères.

es drames

bilingues,

ls les ont

appelés

de

façon

révélatrice

semi-liturgiques

. La

chronologie

e

confirme

as

une telle

hypothèse.

u

cours

du XIIe siècle on trouve es

trois

types

de

drames, atin,

roman

et

bilingue.

Une fois de

plus,

comme

pour

la

littérature

rofane,

n n'assiste

pas

à

une

genèse,

e

plus

ancien drame

bilingue,

e

Sponsus,

est aussi

un de celui où

le

mélange

des

langues

est le

plus

savant.Le

drame

bilingue,

hronologiquement,'occupe pas

de

position

médiane.On ne

peut pas,

non

plus,

attribuer

l'apparition

de la

languevulgaire

ne fonction

e

sécularisation.

Il est vrai

que

le drame naît

dans

l'église

pour

s'acheminer ers

le

parvis,pour

s'installer

nfin ur la

place

et dans les rues de la

ville.

Mais cette sortie

vers

le

profane

ne

s'accompagnepas

systématique-

mentde

l'usage

de la

langue

vulgaire.

Au XIVe

siècle,

bien

après

nos

drames,

une Présentation

e la

Vierge

fut

donnée dans

la ville. Elle

était en latin

uniquement.

Des indications de mise en scène

très

détaillées

précèdent

e texte

du drame.

Tout à

la fin

de cet

ordo,

son

auteur

pensant

au

peuple d'Avignon

qui

la

représentation

tait

destinée,

autorise

une

traduction

n

quelque

sorte simultanée des

paroles

de Marie et des autres

acteurs

(7)

Voir,

ce

propos,

'excellentrticlede William

NOOMEN,

e Jeu

d'Aaam,

aris,

971.

Page 26: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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24

«

Et

notandum

uod

carmina

de

Laudibus

Virginis uprascripta

ue

per Angelos

t

personas

alias

suprascriptas

lta voce cantabuntur

seu

proferentur,

evotísima unt

ac

certe lacrimabilia

pre

devo-

tione

maxime fidelibus

grammaticam ntelligentibus

sed

quia

vulgaris populus grammaticam

non

intelligit,

i

videtur ex

e-

diens

(8),

et Nostra

Maria dulcíssima in

cordibus devotorum

suorum

per

gratiam

nspiraverit,

ranslatari

poterunt epetacta

carmina in

vulgāri

dictamine t

vulgariter

imili

modo dictari

poterunt

(9).

Le lieu de la

représentation,

on caractère

profane

ou

religieux,

a

langue utilisée sont trois paramètresessentiels dans l'évolution du

drame

médiéval mais ils ne

se combinent

as

obligatoirement,

ont

loin en tout

cas d'être

univoques.L'apparition

de la

langue vulgaire

dans les drames

bilingues

révèle

davantage

une maîtrise

grandissante

des

techniques dramatiques

qu'une

sécularisation

de leur contenu.

Il

existe des

jeux

où les deux

langues

se

répartissent

elon les

person-

nages.

Les

plus

sacrés,

es

personnes

divines

et

les saints

n'usent

que

du

latin,

es

plus

profanes

ne

s'expriment

u'en

langue

vulgaire.

Dans

le but

de

différenciere discours de ses

personnages,

e

dramaturge

a utilisé les ressources d'une société

bilingue.

Ainsi,

le marchand

d'onguents

u

Sponsus

ne

parle jamais latin,

au

contraire es autres

acteurs. Mais dans des drames

uniquement

atins,

Yunguentarius,

création

médiévale

est

déjà présent.

S'il

est

signe

de

sécularisation,

la

langue vulgaire

ne le crée

pas.

Il

parlait déjà

un

registre

bas,

quotidien

du latin.

Longtemps

onsidéréecomme une variante

popu-

laire,

«

rustique

,

du

latin,

a

langue

romane continue

en

jouer

le

rôle

(10).

Elle

souligne,

plus

efficacement.

e théâtre est un

genre

polyphonique,

a

langue populaire

y

a

sa

place

comme

les

humbles.

Outre a fonction

roprement

echnique

e

caractérisation 'un

person-

nage,

elle facilite

ans doute l'identification

opulaire.

Nous verrons

plus

loin

que

dans ce but elle

met en

œuvre

d'autres

moyens.

Une

autre

parole

: L'effusion

lyrique

La

langue vulgaire

ntretient

ans

les

drames

examinés

plus

haut

un

rapport

de

dépendance

vis-à-vis

u

latin. Pour bien

des

historiens,

(8)

C'estnous

qui soulignons.

(9)

Manuscrit

atin,

.N.

17330,

°

18r

24r,

dité

par

Young,

p.

cit.,

p.

202-208.

Remarquons,

nfin,

ue

si

les vers ités

plus

hauts la

louange

de la

Vierge ue

doivent

hanter

u

dire haute oix

es

anges

u

les

autres

personnages

entionnési-dessus uscitenta

piété

et même es

larmesde

{)iété,

peuple

c'est

ordinaire

urtout

uprès

ne le

comprend

des fidèles

pas,

ui

on

omprennent

pourra,

i

e

on

atin.

le

juge

ais,

nécessaire

uisque

e

peuple

rdinaire

e le

comprend

as,

on

pourra,

i on le

juge

nécessaire

etque la trèsbonneViergeMarie nspire e sa grâce e cœurde ses fidèles,

traduire

es mêmes ers

en

langue

vulgaire

t les dire de la même

façon

dans

a

langue

u

peuple.

(10)

Sur

l'évolution

es

termes

ésignant

a

langue

vulgaire,

ous ren-

voyons

l'article

e H.J.

MULLER,

On the use of the

expression

lingua

romana"

rom

hefirsto the

ninth

entury

,

in

Z.R.Ph.,

LIII,

p.

9-19,

923.

Page 27: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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25

elle

s'y

réduit.

econdaire,

ncadrée

quand

elle

glose

des

répons

atins,

ressource

technique

uand

elle individualise e

parler populaire

d'un

personnage,

lle

n'est

que

recours

bligé

-

il faut

se

faire

comprendre

des illiterati ou

langue

pittoresque.

l

est,

cependant,

es

drames

où elle

signale

moins

a

langue

de l'autre

qu'une

autre

parole

et une

autre ittérature. es drames où

elle

n'est

plus

asservie,

tilitaire

mais

complémentaire.

elle revient

une autre

fonction

ue

n'assume

pas,

que

ne

peut

assumer e latin

faire

place

à

l'expression

e

la

douleur

personnelle.

Ces

drames

se

signalentpar

le fait

que

la

langue

vulgaire

ne

constitue

ni

le discours

unique

d'un

personnage

ni une

reprise,

une

glose

du

latin. L'alternance

y joue

au

sein

d'une même

réplique.

On

touche

dans ces œuvres

véritablement

ixtes à l'utilisation

sthé-

tique

du

bilinguisme.

ls sont

peu

nombreux

ans

ce

genre

déjà

faible-

ment

représenté.

rois seulement Le

Sponsus,

La

résurrection

e

Lazare

et

Le

miraclede saint Nicolas. Le

mélange

des

langues

n'est

pas,

dans ces

trois

pièces,

e fait de

tous

les

personnages.

'ange

Gabriel

et

l'Epoux

du

Sponsus

encadrentde

tirades latines les

répliques

bi-

lingues

des

Vierges

t

le discours omandes marchands. ne hiérarchie

se dessine, ci entre les degrés de sacralité des personnages. aint

Nicolas

dans

le Miraclede saint Nicolas n'utilise

ue

le

latin,

e

barbare

aussi

quand

l

parle

à

l'imagereprésentant

e saint u début insi

qu'à

la

fin

uand

l

décidede

se

convertiru christianisme.ntre es

deux,

lors

qu'il

est seul devant a cassette

vide,

l

fait alterner es

deux

langues.

Marthe

t

Marie,

es

sœursde Lazare

déplorent

a mortde leur

frère n

répliquesbilingues

mais

répondent

n latin aux

Juifs,

u

Christ

et

à

Lazare

qui

n'usent

que

de cet idiome. La

répartition

u

bilinguisme

et

du

monolinguisme

e révèle

pas

seulement

es

degrés

de sacralité

mais aussi des différences'intensité

ramatique.

En

effet,

a

langue

profane

'intervient

u'à

des moments

récis

et

toujours

emblables

- dans le déroulement e l'action.En fait,elle interromptt immo-

bilise le discours

dramatique,

'entraîne ers ce

qui

-

historiquement

et

techniquement

lui est une tentation t

une menace l'effusion

lyrique.

Dans un

premier emps,

ne concordance

emarquable

pparente

es

répliques

bilingues

elles ne

jaillissent

de

la bouche des

personnages

que lorsqu'ils

ont seuls. Le

bilinguisme

st

toujoursmonologué.

Marie

puis

Marthe

uand

Lazare est mort

et

que

le Christ

arde,

e barbare

dérobé,

es

Vierges

follesdémunies vant

'arrivéede

l'Epoux,

tous

ces

personnages

brusquement

onfrontés

eux-mêmes nt recours au

bilinguisme. udemeurant,l s'agitmoinsd'unesolitudede circonstance

que

de

la

constatation

'une

perte qui

apparaît

irrémédiable.

itons

à la

suite,

our

en

souligner

a

ressemblance,

e début de

ces

premières

répliques

bilingues

Marie,

œurde

Lazare,

au vers

25

de la

pièce

Page 28: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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26

«

Ex

culpa

veteri

Damnantur

osteri

Mortalesfieri.

Hor ai

dolor,

hor est

mis freremorz

por que

gei plor.

»

Les

Vierges

folles

qui

n'ont

pas

su rester

veillées

«

Nos

virgines,

uae

ad

vos venimus

negligenter

leum

fundimus

ad vos orare, orores, upimus

ut

ad

illas

quibus

nos

credimus.

Dolentas

Chaitivas

Trop

i

avem

dormit.

Le

Barbare,

enfin,

onstatant

e vol

«

Gravis

ors

et dura

Hic

reliqui

plura,

sed sub mala

cura

Des

quel

domage

Qui

pert

a

sue

chose,

purque

n'enrage

»

Le

bilinguisme

pparaît

avec

la

perte,

humaine ou d'un

objet.

Si les

personnagesontseuls sur scène, 'est qu'ils ontperduce qui justifiait

leur

rôle

même. La

trame atine

de ces

drames est

bâtie sur la circu-

lation

de

l'or,

de

l'huile,

du

frère

aimé. L'action

est

scandée

par

la

crainte

de la

perte,

a

constatation,

a

réparation

ou

son caractère

irréversible

ans le

cas des

Vierges

folles.

Or,

les

répliques

bilingues

occupent

ne

place

centrale,

près

l'exposition

t

avant e dénouement

latins,

elle de la

crise. Mais

pour

dire a

perte

et le

vide,

e latin et le

roman

de ces

répliques

mixtes

ne

recourent

as

aux

mêmes

moyens,

au même

discours.Ce

serait

simple

rapport

de

glose,

de

redondance

entre es deux

idiomes,

a

langue

vulgaire

serait

dépendante

omme

dans les

drames

du

type

du Jeu

d'Adam.Mais

il

n'en est rien.

Le latin

est narratif,a languevulgaire e fait chant yrique.Tous deux disent

la douleur

mais

de

façon

différente

t même

contradictoire.

onsidérons

la

suite de la tirade

bilingue

de

Marie

«

Per cibum

vetitum

Nobis

interitum

Constat

mpositum

Hor

ai

dolor,

hor

est mis

freremorz

por que

gei

plor.

»

L'ensemblede

la

réplique

est

forméde

quatre

couplets

composés

de

trois vers atins et de troisversromans.Au latinrevient 'explication

doctrinale e la

morthumaine

«

Ex

culpa

veteri

,

depuis

a

première

faute,

es

hommes ont

mortels. e

cette

origine

onnue t ici

reconnue,

découle une

histoire ollective ù

Marie

s'inscrit

«

nobis .

Le

person-

Page 29: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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27

nage

s'inclutdans le

groupe

des

«

posteri

donc des

«

mortales

.

Le

vocabulaire

est

savant,

es

personnes

des verbes sont

au

pluriel,

a

syntaxe

elie

passé

et

présentpar

des

prépositions

ui

instaurent

ne

fatalité,

n

processus

historique

mais aussi une

responsabilité,

ex

»,

«

per

».

Marie,

en latin

rappelle

la

doctrinechrétienne

ur

la mort

humaine

ui

en adoucit

e scandale

puisqu'elle 'explique.

L'expression

de sa douleur

st à

proprement arler

difiante. ais à

quatre

reprises,

les vers romans viennent ontredire e

processus

narratif.

a

parole

qu'ils

véhiculent

'est

plus

collective

mais individuelle. e

qui émerge,

massivement, ans les partiesromanes, 'est la premièrepersonne

dans les formesverbales

«

hor ai dolor

,

par

le

possessif,

«

mis

ir

r

»,

par

la

présence

du

pronom

personnel

ujet,

souvent

nexprimé

en

ancien-français

ais

ici,

nsistant,

rédicatif

t

redondant,

por

que

gei

pior

». Ceci

est d'autant

plus

remarquable ue,

lorsqu'elles

utilisent

le

latin

pour

s'adresser

ux autres

personnages,

arthe t

Marie

parlent

ensemble.

Elles sont les sœurs

de

Lazare,

indifférenciées.

uand

elles

alternentes

langues,

lles retrouvent

ans

l'expression

e leur

douleur,

une

parole

individuelle.

Formellement

ussi,

les vers

romans

se

signalent

par

leur

hétéro-

généité.

Le mètre est alterné

4/6/4.

e vers médian

reprend

'hexa-

syllabe

atin

qui précède.

C'est,

au demeurant,ui

qui

rappelle

'infor-

mation

Lazare est mort.

es deux vers

qui

l'encadrent ont

plus

brefs

-

4

syllabes

ils

ne

disent

rien mais redoublent

ne

gestuelle

de

la

douleur

par

le cri. ls

s'opposent

l'explication

istorique

ar

un

rappel

têtu

du

présent

«

hor

répété

deux fois.

Au

lieu de

monnayer

n

événement

n

étapes,

en causes et en

conséquences,

ls

superposent

la

douleur

et sa cause

pour

revenir la

douleur.

Le

latin, ui,

tentait

de

donner

a

raison

de la mort. Les

vers romans disent

e

présent,

le refus de

l'Histoire,

ls

sont doublement

autologiques,

is-à-vis u

geste

qu'ils

prolongent,

ntre

eux

parce

qu'ils

ne font

que

se

répéter.

S'ils tiennent u cri,encorebien prochedu corps,c'est aussi dans la

mesure

où ils sont

composés

quasiment

de

monosyllabes,

u'ils

sont

moins délivrance

d'un sens

que

variation

ur un

couple

de

sons,

le

/o/

ouvert

t le

/R/.

eur musicalitémême es

oppose

au

latin comme

le

lyrique

'oppose

au narratif.

Une

parole,

dans les vers

romans,

aillit,

sur

le

mode

du

lyrisme.

Elle se

place

aux limites

du

discours

dramatique

atin

qui répète

a

doctrine,

a

position

de foi.

Elle

récupère

insi un mode

d'expression,

délaissé

par

le latin.

Hétérogène,

étérodoxe,

uisqu'elle

tourne

e dos

à

l'explication,

l'histoire

ollective,

lle

correspond

dans le

drame

liturgique

u moment

ù

la

foi

vacille,

où les héros sont bien

près

du

désespoir.Elle n'est toutefois as hérétique ar la suite du drame se

chargera

de

réparer

a

perte,

de montrer 'efficacité

ivine,

n

instant

remise n

question.

Mais les

personnages

ans leurs

répliquesbilingues

sont

parfois

bien

proches

du

blasphème.

Ces

monologues

nt

en

effet

Page 30: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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28

parfois

un destinatairemais

il

est

absent ou sourd

aux

suppliques.

C'est

le

Christ,

'image

de saint Nicolas

qui

devait

garder

e

trésor,

qui

par

leur

retard,

eur

démission nt

permis

a

perte,

a mort et

le

vol. Alors es

personnages

clatent n

reproches,

n

menaces

dans les

vers

latins,

mais le refrain oman

en révèle l'inutilité.Ainsi Marthe

à Jésus

«

Si

venisses

primitus

dol en ai

Non esset gemitusBais frere, erduvos ai »

Les moments

bilingues

ont autant de mises

en scène d'une tension

entre

deux discours Le discours

dramatique,

ocialisé et

orthodoxe t

l'effusion

ndividuelle ourde aux

explications.

ette dernière st

véhi-

culée

par

la

langue

populaire,

elle facilite

ainsi l'identification

hez

l'auditoire. lle dramatise

es

objections

11),

théâtralise

a révolte t

la douleur.Nous sommes oin du

compromis,

'est dans

leur

différence

essentielle,

ans

-

semble-t-il

leur rréductibilité ême

que

les deux

positions

et les deux

langues

sont confrontées. 'est dans

la

tension

que

nous voudrionsmontrer

entrifuge

t

centripète ue

se dit

la

leçondu drame.En prenante risquede laissersurgir ne autrevoix,

contradictoire

t

désespérée, 'Eglise

illustre ce

qui

la divise

-

la

bi-polarité

inguistique

,

cerne les résistances

que

rencontre

on

entreprise

missionnaire

'éducation u

peuple.

« Moins

la trace

d'une fissure

que

le double

aspect

ďune

unité »

(12)

Sur le

plan

formel

omme sur celui

du

sens,

la

langue

vulgaire

s'oppose au discours atin. Si cetteopposition e transforme n ten-

sion,

si elle est

féconde,

'est

qu'elle

est

redoublée,

renforcée

ar

le

mode

d'apparition

e la

langueprofane

l'interruption

t la récurrence.

(11)

L'Eglise

'est

trouvée onfrontéerèstôt

-

dès le IXe

siècle

au

problème

e la

participation

es laïcs à la

composition

e

tropes

estinés

à

élargir

e

corpus

iturgique.

a

méfiancest de

règle

à

l'égard

de ces

compositionsrivées.

our

des raisons 'orthodoxie'abord.

Quand,

la fin

du VIIIe

siècle,

e

triomphe

éfinitifu rituelromain

emble

mettre in

aux tendances

ovatrices,

'interdictione maintient

our

des

raisons,

ette

fois-ci,

e

puretéinguistique.

n

passe

d'une

ormulation

«

Quod

non

portet

plebeiospsalmos

n

ecclesia antare

(Francfort,

94,

canon)

à

«

Non

oportetb idiotispsalmos omposios et vulgares ici in ecclesiis. L'exi-gence inguistique'emporte.ette xclusion es « idiotae - ceuxqui ne

maîtrisent

as

le

latin,

vaut en fait

pour

une

incitation

our

les

lettrés,

même aïcs.Ce

qui explique

'essor,

partir

u IXe siècle

des

compositions

liturgiquesar

es

laïcs.

(12)

Paul

ZUMTHOR,

ntroduction la

poésie

orale,Seuil,

1983,

.

96.

Page 31: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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29

En

effet,

ous les vers romans

de

nos

drames

forment efrain. ette

caractéristiqueppartient

la seule

anguevulgaire.

e latindes

drames

même

unilingues

'est

jamais répété.

Ceci

reste

vrai

pour

des

pièces

latines fort

proches

de nos textes

par

le

sujet.

On

trouve ainsi

dans

une

Suscitado

Lazaři

provenant

de

l'abbaye

de

Fleury

des

amplifi-

cations sous

forme

d'ornementsittéraires

ans la

bouche des sœurs

de

Lazare à la mort de ce dernier.Le moment

est

semblable,

a

tonalité exclamative

ussi,

c'est aussi un

monologue

adressé

à

un

absent

«

Care

frater,

rater

arrissime

Legem

mortis am

passus

pessime

Nos

liquisti.

Propter

rimipeccatum

hominis

Generalis ormentu

riminis

Iam

sensisti.

(13).

Il

y

a

bien un

vers

qui

se détache

par

sa brièveté. 'est une caractéris-

tique

formelle ssentielledu

refrainmais

il

n'est

pas répété

(14).

La

présence

du

refrain au contraire

es autres critères

ue

nous avons

dégagés

dans la

première artie

-

est exclusivementiée à

l'usage

de

la languevulgaire.Nous avons vu que le romanajoutaità l'explication

doctrinale

t collectivede la douleur

une

autre

parole.

L'immobilité

de

cette

dernière

le

refrain lôt

chaque strophe

atine

remet

donc

en cause

l'efficacité ême du

discours

atin

puisqu'il

est

sans influence

sur elle.

Explications

ationnelles,

nventaire es

biens

perdus par

le

barbare,

reproches

dressés à

qui

a

permis

la

perte,

tout ceci est

suspendu

par

le retour de

l'expression

ffective,

rraisonnéede

la

douleur.

Le

désespoir

n'est

pas

muet

grâce

à

la

présence

de

la

langue

romane mais

il

est

sourd au

discours

atin

qui l'organise.

L'intrusion e

la

langue vulgaire

xerce donc

une

force

centrifuge

sur

le

discours

dramatique

atin. Une

tension

'établit dans le

drame

bilingue,d'une part entre parties latines qui disent la présence,

l'échange,

ui

mettent

n

scène

une

éducationdes

personnages

t les

parties

bilingues

ui expriment

a

perte

et le

désespoir, éché suprême

et,

d'autre

part,

u sein des

répliques

bilingues

ntreun

aménagement

de l'absence

dans une économie et sa formulation

rute,

parasite

et

menaçante.

es tiraillements

ais

aussi cette

complémentarité

ettent

(13)

Les autres ifférences

oulignées lus

haut demeurentci

les

deux

sœurs

parlent

nsemble,

u

pluriel

t

rappellent

e

discours octrinal

ui

justifie

a mort umaine.

(14)Ceci souffrene exception pparente. a malédiction inale de

l'Epoux

dans le

Sponsus

est redoublée

ar

troisvers romans.Mais ils

renouentvec

un

procédé

e

glose

et redisenta condamnationatine.

ls

reprennent

ependanthématiquement

e refrain

ui

a scandé out e drame

sous la

forme

«

Alet

Chaitivas Alet malaureas

»

lui

restituant,

n

fine

une

dimension

ramatique.

Page 32: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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30

en

abyme

la

situation de

représentation

u

drame,

les

compromis

auxquels

le

plie

sa

fonction

édagogique.

l

faut tenir

compte

de la

parole

de

l'autre,

de ceux

qui

ne

comprennent

ue

la

langue profane

tout en

l'encadrantdans un

discours orthodoxe t

édifiant.

i l'on

considère a

structure

'ensemble,

es

répliques

ilingues

'ont

amais

le

derniermot.

Elles

qui

occupent

e

centre

u

drame,

lles

aissent

place,

à

la

fin,

u

dénouementatin. l faut

dire

que

c'est e Christ

ui

dénoue

ce

que

son absence

ou son retard

-

voire l'imminence

e son

arrivée

dans le

Sponsus

-

avait noué. C'est

saint Nicolas

qui

restitue e

trésor

que son imagen'avaitpas su garder.Et dans nos piècesbilingues, es

personnages

'expriment

oujours

n

latin.Comme l

se doit.

Ce

retour

de la

langue

cultuelle

ssure aussi

-

mais

pas

seulement

la

transi-

tion

avec la

suite de l'office.

ne

indication e

l'auteur

précise

s'il faut

entonner e Te Deum ou le

Magnificat

la fin

de

la

représentation.

En

milieu

ecclésiastique,

e latin

reste la

langue

dominante

uquel

il

faut

revenir,

our longtemps.

l

y

a donc

retour

du

latin

parce qu'il

y

a

réparation

de

la

perte

et

-

pourrait-on

ire

-

rétablissement e

l'ordre

dramatique)

un

instantmenacé

(15).

Ceci

est

particulièrement

net dans

la

Résurrection

e

Lazare

les

répliques

atines

sont

intro-

duites

par

«

dicent,

die

t

»

-

elles sont

parlées

-

tandis

que

les

momentsbilingues ont chantées « cantans,cantabit indiquent es

didascalies.Fortifié

n cela

par

les

oppositions

narratif

s

lyriquequi

le

traversent,

'est

déjà

le

bilinguisme

n son

entier

qui

suspend

le

discours

dramatiqueglobal,uniquement

atin.

Mais la

parole

narrative

encadre

le chant. Laisser une

place

à ce

dernier,

'est

engager

une

participation

ouvelle de l'auditoire.

Ceci se fait

par

l'identification,

outenue

par

une

meilleure

com-

préhension.

our édifier

e

vulgaire,

l

fautmettre n

scène

son

erreur,

le

désespoir,

onner

n

spectacle

ce

qui

le menace

ou ce

qu'il

vit la

perte.

D'abord

la

misèrede l'homme ans

Dieu,

ensuite e

salut

par

le

miracle. Si l'Eglise utilise deux modes d'expression ussi différents

sur

tous les

plans,

c'est

qu'il

ne lui

faut

pas

seulement

nseigner

mais

aussi émouvoir.

Dans

le but

de saturer tous

les

moyens

de

partici-

pation

de

l'auditoire,

lle

ajoute,

à une

compréhension

ntellectuelle

du

message

essentiel

ransmis

n

latin,

une

identification

ffective

ar

l'effusion,

e

chant,

e

langage

du

corps

et la

langue

vulgaire.

Dans

ce

souci

de

complétude,

a

langue

profane,

onc e

refrain,

première

ue

hétérogène

t

contradictoire,

eut

par

d'autres voies

que

le latin

dispenser

a

même

eçon.

mmobilisateur

t

toujoursrépété,

l

ressasse

et

martèle

à où le latin

prend

du

temps,

e

sert de la

temporalité

dramatique

pour

convaincre.Le drame

de

l'Epoux,

le

Sponsus

est

(15)

Nous

renvoyons

ci

au séminaire

e Bernard

Cerquiglini

ur

la

Parole

féminine.

Page 33: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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31

scandé tout au

long

par

le même et

unique

refrain

«

Dolentas

Chaitivas

trop

avem dormit .

Or,

ce vers roman

xprime

out

autant

que

la

parabole

dramatisée

en

son

entier e

caractère

rrémédiable,

irréparablemalgré

es

suppliques

-

qui

forment vec

les

réponses

qu'elles

suscitent

'unique

action du

drame

-

de la

perte.

Le

dialogue

qui

prend place

entre

l'avertissementnitial de

l'Ange

qui

sert

de

prologue

t la

malédiction inalede

l'Epoux,

est

composé

de

strophes

de

quatre

vers atins

auquel

le remanieur u

XIe siècle a

joint

un vers

roman. En

latin,

es

Vierges

folles

disent leurs

efforts

our réparer

leurnégligence,ue ce soit auprès de leurs sœursplus prudentes u

auprès

des marchands

'huile

également ompatissants

t

impuissants.

Une

situation,

ne

action,

un dénouement.

outefois,

e

refrain

oman

dénonce le caractère

illusoire d'une

réparation

éventuelle.Dès son

apparition,

l

dit

la

résignation

es

Vierges

folles alors

que

la

strophe

latine

présente

eur

requête

auprès

de leurs sœurs

«

Nos

virgines,

uae

ad

vos

venimus,

negligenter

leum fudimus

ad

vos

orare, sorores,

upimus

ut ad illas

quibus

nos credimus

Dolentas Chaitivas Trop i avem dormit.

Ce

refrain

era

repris

la

finde

chaque

strophe, ar

les

Vierges

folles

bien

sûr

mais aussi

par

les

Vierges sages

et les

marchands.Seule

concession la

nécessité

du

dialogue

dramatique,

n

changement

e

personne:

«

Dolentas Chaitivas

Trop

i avet dormit . Sous ces deux

formes,

l

revient nze

fois. Constatation

mmobilisatrice,

aralysant

l'action,

l

court-circuitee déroulement

ramatique

en

rappelant

e

caractère néluctable e la damnation inale.

A

le bien

considérer,

oute

la

portée

schatologique

u drame de

l'Epoux

est

annoncée,

ès

l'appa-

rition

de la

langue

profane, ar

le

refrain.

A

qui

ne

comprenait ue

lui - et sans préjugerde ce qu'un spectateur gnorantdu latin en

comprenait

éellement,

ans

négliger

e

rôle d'une

imprégnation

udi-

tive

soutenue

par

une

connaissance

globale

du canevas

-

à

qui,

donc,

n'entendait

ue

la

langue vulgaire,

a

leçon

du drame

cependant arve-

nait. Par la

répétition

t

par

l'émotion.

Mais

pourquoi, ustement,

e refrain Si l'on

comprend, ourquoi

redire Il

n'est

amais

latin et la

langue profanen'apparaîtque

sous

cette forme.Sans doute

parce que

le

refrain,

our

les auteurs des

drames

bilingues

mblématisenon

plus

la

langue profane

seulement

mais

la

littérature

ui

l'a vue naître.

l

est

le

signe

nécessaire t suffi-

sant, emble-t-il,

e la littérature

aïque.

Il

est

vrai,

au

demeurant,

ue

la reprise yrique st une des caractéristiques es créations ittéraires

romanes,

u

moins à ses débuts.

La fonction u refrain st de

recon-

naissance,

n cela

il

facilite ussi

la

participation.

l

est

par

structure

autonome

et

mobile,

l

circule dans les

drames.

Ces deux

critères

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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33

On

pourraitmultiplier

es

exemples,

d'Aude

devant le cadavre de

Roland à

Blancheflore.

u

moment ù la

langue

profane uspend

par

le

refrain,

e

flux

dramatique

atin,

outes es œuvres

profanes ui

ont

forgé

t

transmis e cliché de la

déplora

ion féminine ont

sollicitées.

Le

refrain deux rôles

Véhicule

de la

langue profane,

dans sa

dimension

yrique

t

répétitive,

l

favorise ne

participation opulaire.

Par

ses

voies

propres,

a

langue

vulgaire

onfirmea

leçon

du

drame.

Sous la

formede citationsde

la

littérature

rofane,

l

dépasse

cette

fonction dentificarice. Le

jeu

de la

reconnaissance u

cliché

qui

le

compose est savant. La littérature laquelle il renvoie aussi. La

réception

de

l'œuvre

bilingue

e fait donc à

plusieurs

niveaux. Celui

de la

mise en scène des

tensions

t de leur

résolution ntre

a

foi

et le

désespoir,

ntre

'inscription

ans

une

histoire hrétienne

ollective

t

la

révolte

ndividuelle,

ntre e

profane

t le sacré. Mais

elle

peut

aussi

-

les deux

plans

ne sont

pas

exclusifs

'un de l'autre

-

donner ieu

au

plaisir

esthétique

e la

pratique

de l'intertextualité.

n même

objet

remplit

la fois son

contrat

iturgique

t accueille

ce

qui

lui

est

radicalement

xtérieur.

l

dessine

par

le

mode de

confrontation es

langues

es limitesde la littérature

eligieuse

out en donnant e

spec-

tacle de sa maîtrise de

la

littérature

rofane.

l

s'agit

bien

d'une

maîtrise

puisqu'il

en fournit ne

image,

un modèle

pertinents.

Qui

pourrait

ouloir t réussir ne telle

entreprise

Nous ne connais-

sons

malheureusement

resque

rien des

auteurs de

drames

bilingues.

On les

suppose

au

confluent

e deux

traditions,

ans

une

position

parti-

culièredonc

pour

le

Moyen

Age.

Un seul nous

guide

un

peu

il

s'agit

d'Hilaire

qui

composa

la

Résurrection e

Lazare

et

le

Miracle de

saint

Nicolas.

On sait

qu'il

futun

temps

'élève

d'Abélard,

n le

trouve

au

Paraclet

en 1125

puis

à

Angers.

es autres œuvres

non

dramatiques

sont de

types

savant,

goliardique

t

satirique.

l use du

mélange

des

langues

dans un but

parodique

parfois.

Ce n'est

visiblement

as

le cas

dans ses drames. Il reste que pour parodier l faut extrairede son

modèle ses

caractéristiques

ignificatives.

n

personnage

proche

des

Goliards...D'autres œuvres

bilingues,

rofanes

t non

dramatiques,

e

rencontrentans le recueil des CarminaBurana Un

personnel

avant,

donc,

au

croisement

e

l'Eglise

et

du

monde. Les

plus

à

même

sans

doute

pour

mettre n scène

un

clivage

inguistique

t

littéraire oire

social. La belle

harmoniede leurs

productions

émoigne ue

c'était

en

toute connaissance e cause.

La

position

de

l'Eglise

médiévale en

matière de

langue

liturgique

oscille entre e

pragmatisme

t

la

méfiance. ans

un but

d'efficacité

pédagogique,

lle recourt assez tôt

aux

langues

vernaculaires

pour

commentert enseigner. e latin reste- pour longtemps langue

de

mémoire,

e citation

de

l'Ecriture. a

langue

vulgaire

st

apparue

comme

un recours

obligé pour

se

faire

comprendre

de

l'auditoire.

Obligé

t

cependant

ncadré t

contrôlé. 'est ainsi

qu'elle

glose,

traduit

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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34

parfois

e

texte

atin. Cette fonction

ulgarisatrice,

ui

rend

compte

de

l'usage majoritaire

e la

langue

populaire

en milieu

ecclésiastique,

est

cependant

dépassée parfois.

La

langue

romane

accède

à la

drama-

tisation

de la

liturgie,

out

à fait

émancipée

du discours

atin. Au lieu

de

lui servir

d'équivalent

opulaire,

a

langue

vulgaire

ui

oppose

une

autre

parole,

un

autre mode

du dire. En l'accueillant

n tant

que

tel,

le discours

atin de

l'Eglise

mesure ses

limites.

Langue

de

l'Histoire,

de la

doctrine,

e la

présence

et

de la

narration,

l

charge

a

langue

vulgaire

e

l'expression

ndividuelle,

yrique,

-historique

e la

douleur.

Ce faisant, l met en scène cela mêmequ'il cherche organiser la

premièrepersonne,

e

manque

de

foi,

le

corps

et

le cri.

Toujours

interrompu,

l

pèse

les résistances

our

-

peut-être

mieux es lever.

Par

ce

détour,

n

effet,

e drame

récupère

un

autre mode de

lecture,

non

plus

intellectuel

mais affectif

t

émotionnel,

ne

participation

ar

l'identification

t

la reconnaissance.

e

spectateur

médiéval

assistait,

aux moments

ilingues,

la confrontation

e

deux

littératures,

ans

les

lamentations

es

personnages,

l réentendait

es

douleurs

profanes.

Pour faire

reconnaître,

l

faut

bien connaître.

Les drames

bilingues

émeuvent

ar

le fait

même

qu'ils

sont

peu

nombreux,

u'ils

sont

une

expérience. omment aire servirchacunedes deux traditionsmédié-

vales à

un mode

différent

'expression

de

l'expérience

eligieuse

du

doute

et

de la

foi,

de la

perte

et des retrouvailles.

'Histoire

montre

que

le

genre

bilingue

st

sans descendance.

es

drames

sont en

marge

de

l'évolution,

ls

correspondent

ependant

un

goût

que

nous

croyons

profondément

édiéval

de

l'hybride.

Page 37: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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Annie DELBEY

EXPLIQUER.

JUSTIFIER

Grammaire et

poétique

de la

cause

en ancien

français

La cause

semble

une

notion

grammaticale

amilière,

marquée par

des outils

grammaticaux

ien

connus

car,

por

ce

que puisque

sans

compter

es

que

et

quant

propres

à

l'ancien

français.

Pourtant

que

recouvre

cette

notion

Quelle

importance

ui

accorde

la

littérature

médiévale

du

XP siècle

au

XIIIe

siècle?

(1).

Sans

préjuger

des

réponsesqu'un logicien

ou

un

historien

es

idées

pourrait

pporter

ces questions, e linguiste eut observer e sens, l'emploi, e fonction-

nement

des

outils

pour

en

décrire

tout

d'abord

la fonction.

Quand

a-t-on

ecours

à

un

enchaînement

ausal

?

Pour

apporter

les

motifs

des

faits

que

l'on

narre,

des

actes

que

l'on

fait,

si

l'on

suit

la définition

u

Robert

«

Ce

par

quoi

un

événement,

ne

action

humaine

rrive,

e

fait

. Nous

verrons

ourtant

ue

c'est

à le

plus

mince

domaine

ù

la

cause

apparaît.

a

fonction,

ans

la

littérature

édiévale,

c'est

avant

tout,

de

prouver

que

ce

que

l'on

dit est

justifié

2)

:

il

est

légitime

'ordonner,

'interroger,

'affirmer

ce

sont

ces

actes

de

parole,

u-delà

même

du

contenu

nformatif

ur

lequel

ils

portent,

ue

la cause viendraexpliquer.Ainsi, a cause en ancienfrançaissemble

manifester,

n

permanence,

e la

part

des

personnages

'unrécit omme

du

narrateur,

a

volonté

de

convaincre

ou

plus

hypocritement

e

persuader

que

l'on

a

le droit

de

dire

ce

que

l'on

dit.

Enonciateur

et

destinataire

ont

nscrits

ans

la

lettre.

C'est

cette

fonction

ragma-

tique

la cause

vaut

davantage

u

niveau

du

«

dire

que

du

«

dit

»,

1.

Les

orientations

t

les

conclusions

e

cet

article

ont

e reflet

'un

doctorat

e

troisième

ycle

n

préparation

Paris-IV.

2. Cette

opposition

dire-dit

ainsi

que

l'orientation

ragmatique

t

certains

ermes

e

cet rticle

ont,

n

particulier,

éférence

Oswald

UCROT,

Direetnepas dire, aris, éd.,1980tLe dire t le dit,Paris, 984.

3.

Ces

analyses

'appuient

ur

e

dépouillement

unetrentaineœuvres

de

genre

ivers

es

XP

au

XIIP

siècles

épopée,

oman

n

vers

t

en

prose,

hagiographie,

istoire,

exte

idactique.

os

exemples

envoient

ux textes

es

Editions

hampion

auf

orsque

nous

précisons

a

référence.

Page 38: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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36

de

la

parole

parlant

d'elle-même

ue

des

informations,

ue

nous

voudrions

'abordmettre

n

lumière.

Certes,

n constate

d'un

siècle à

l'autre

ou

d'un

genre

l'autre des

variations

qui

-

sans toucher

e sens ou

l'emploi

de ces

mots

-

affectent

eur

fréquence

elative.Nous

nous

proposons

de

voir dans ces

variations

moins es

progrès

'une

angue

rchaïque

llantde la

parataxe

«

primitive

à une

multiplication

es coordonnants

t,

mieux

encore,

des subordonnants

u'une

marque

des

différences

'enjeux

des textes

littéraires

ux-mêmes

en

particulier

n indice des

problèmes

que

faitsurgir, u XIIIe siècle, 'apparition e la prose.Les différencese

fréquence

refléteraient

oins

une évolutiondes outils

de

la

langue

qu'une

évolution

e

la littérature lle-même

3).

La cause

en ancien

français

: ses fonctions

Peu soucieuse

d'exposer

eulement

e

motif

d'un

acte ou d'un

fait,

la

langue

de

nos textes

fait une

place

assez

restreinte

por

ce

que.

C'est

pourtant

e seul

mot

qui

insiste ur

la relation

de causalité entre

deux faits, iant fortementes propositions omme le montrent er-

taines

particularités

yntaxiques

ui l'opposent

car

/

que

/

puisque

/

quant.

Ces derniers

ont une

valeur

pragmatique

ensible

aussi

bien

lorsqu'ils

expliquent

un

acte

qu'un

acte de

parole

ils

s'opposent

cependant

entre

eux

par

la

place

qu'ils

accordent à

la

parole

de

l'autre

4).

Le motif

«

Por

quoi

?

Parce

que...

»

:

informer

A la

question

portant

ur

le

contenu,

eul

por

ce

que

est

apte

à

répondre, ormisdes cas rarissimes ù car le remplacepar commodité

métrique.

Sa

fonction

st

donc

d'abord

informative.

l va de

plus

placer

la relation

ausale

au

centre

du

message.

Ainsi,

cet outil

peut

être

précédé

d'un

adverbe

Et

quand

il

vit

ce,

si

conmença

trembler

our

a

paour

qu'il

avoit

de cele

grande

beste,

et

meïsmement

our

ce

quii

avoit oï

dire

la

sainte

fame

que

ele n'avoit

onques

veü

beste

sauvage

(5).

Vie

de sainte

Marie

l'Egyptienne,

,73,

Ce

n'est

donc

pas

seulement

e

rapport

de causalité

qui

est

posé

ici

4. Pour

a

commodité

e

l'exposé,

ous

désignerons

ésormais

ar

«

p

»

et

«

a

»

les

propositions

eliées

ar

un outil

ausal.

5.

Edition

embowski,

enève,

977.

Page 39: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-9-automne-1985 39/155

37

mais le fait

que

cette cause est

essentielle.

Confrontonsmaintenant

deux

phrases

p

est

négatif

(I)

Richart rova l'autel

apoié

Ne lessa

mie

por

ce

qu'iert

el

mostier

Le

poing

senestre

i

a mellé el

chief.

Couronnemente Louis 1937

6)

(II)

En ceste

terren'iert

l

por

nos tochiez

Quar

i

bor ois

li

vorroient idier.

ibid.

2050

Dans le

premier

as,

la

négation

porte

à

la

fois

sur le verbe de

p

et

sur la

relationde cause

à effet le

personnage

ne renonce

pas

à

agir,

violemment. tre

au cœur d'un édifice

acré

(q)

devrait

tre

un motif

pour

renoncer la

violence

p)

mais cetterelation e

causalité virtuelle

n'a

pas

été

actualisée d'où

«

non

p

»

(et

«

non

p

por

ce

que

»).

In

II,

au

contraire,

a

négation

orte

xclusivementur

p

;

quar

introduit,ui,

la

cause tout à fait

déterminante

e

«

non

p

». Confrontons ncore

deux

phrases

nterrogatives

(III)

Biau

Sire

Deux

est

ele venue et

s'en est eie alee

pour

ce

queeie ne me trouva

Vie de

sainte Marie

l'Egyptienne

X, 57,

9

(IV)

Comment

asseras

tu

a

moi

Car

point

de

passage

n'i voi ?

ibid. 1157

(III)

fait

porter

la

question

sur

l'enchaînement ausal

«

q

a-t-il

entraîné

p

?

»

alors

que

(IV)

questionne

xclusivement ur

p.

Ainsi

vec

por

ce

que,

le lien

causal

unissant

p

et

q apparaît-il

uffi-

samment

fort

pour

être

objet

d'interrogation

u de

négation

t

pour

être modifié

ar

un

adverbe.Ce

qui

n'est

pas

le cas avec car. La

même

démonstrationeutse fairepour opposerpor ce que à que mais aussi

à

puis que

et à

quant.

On

peut

encore

opposer

es

deux

types

de

liaison

lorsque p

est enchâssée comme

proposition

omplétive,

ar exemple

derrière e verbe

croire

(V)

et si

grant

fianche nt en

chel ansconne

que

il

croientbien

que

nus

qui

le

port

n

batalle ne

peut

estre

desfis,

t

pour

chou

que

Marchofles e le

portoit

mie

a

droit,

réons

nous

qu'il

fu

desconfis.

Clar

LXVI,

20

(VI)

je

croi bien

que

ce soit

il,

car il

resemble

molt bien

mon

seignor.

QuesteSt Graal 3,32

6.

Edition .G.

Lepage,Genève-Paris,

978.

Page 40: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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38

Dans

(VI)

«

car

q

»

justifie

croire

que p

»

:

on formule

n

jugement

sur

p

puis

on

apporte

la

preuve

de son exactitude.

Au

contraire,

dans

(V),

le

jugement

orte

non sur

«p»

mais sur

«p parce

que

q».

Il ne

s'agit

pas

de

prouver

ue

Marchofle

été vaincu

-

c'est un

fait

avéré

par

la narration

ui précède

mais d'énoncer

'opinion ue

tel

fait

est

la

cause

de cet échec.

On

pourrait,

n

outre,

vérifier

ue

dans

chacun

de ces

exemples

a

causalité

exprimée

ar

por

ce

que

concerne

des actes

-

des contenus

par opposition ux actes de paroles

-

trembler,

enoncer

agir,partir,subir a défaite.Dans chaque exemplecomprenantar c'est l'acte de

parole

-

affirmer,

nterroger

qu'il s'agit

de valider.

On

pourra,

certes,

objecter

que por

ce

que

peut,

lui

aussi,

justifier

n

acte

de

parole

(l'ordre

en

particulier)

t

qu'à

l'inverse,

ar

et ses

acolytes

peuvent

ntroduire

e motif

'un acte. Il

n'en

reste

pas

moins

que

ces

mots,

outre eur fonction

nformative,

uront

alors

-

même dans

cet

emploi

un

rôle

pragmatique.

or ce

que

restant

eul

capable

de

faire

fusionner

n

une

seule les

deux

propositions

t de

donner

ainsi

la

relation

ausale comme

objet

de

la

communication.

Le

motif informer

t convaincre

Car,

fréquemment

ommutable

vec

por

ce

que

dans les

variantes,

est

susceptible

e

répondre

même i c'est

exceptionnel

à

por

quoi.

Il est

porteur

d'information

otivant e

contenu.

Pourtant,

l

paraît

bien souvent

donner

a raison d'un acte

pour apporter

a

preuve

de

sa

véracité.

Ainsi,

dans les formules

uasiment

rituellesde

l'épopée,

à

la

première

ersonne

du

présent

u du

futur

u

type

Servirai

Dieu,

car talens

m'en

est

pris.

MoniageRenouart,

Le motif

de

l'engagement

agir joue

surtout

omme

garantie

de la

promesse.

Car

apparaît

ainsi derrière

ne formule

roche

de

l'illocu-

toire.

De

même

lorsque,

dans un

dialogue,

'interlocuteur

ustifie

a

réponse

Boort,

avez

vos esté

a cele

assemblée

-

Dame, oil,

fet-il.

Et

veïstes

vos

Lancelot

vostre

cousin?

-

Dame,

nenil,

car

il n'i fu

mie.

-

Par mon

chief,

ait a

reïne,

i

fu.

Mort

Roi Artu

34,

5

Car introduit la fois e motifde l'acte nié et un jugementde vérité

sur

son

énonciation.

n

peut gloser

a

réponse

des

deux

façons

1)

je

ne

l'ai

pas

vu

la raison

en est

qu'il

n'y

était

pas.

2)

Je ne l'ai

pas

vu.

Ce

que je

vous

dis

est

vrai la

preuve

en

est

qu'il

était

impossible

Page 41: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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39

de

le voir il

était

absent.La

première

olution

onstituant ne

lapalis-

sade,

Tinterlocuteur

nterprétera

e

message

dans le second sens.

C'est

ce

que

fait

a

reine

qui

s'attaque

à la

preuve

non au

fait

ni

à

la

cause.

On

exhibe

e

motif e

l'acte,

voire a

condition

écessairede réalisation

si

p

est

au

futur,

our

affimer

a

véracité.

Nous vaincrons ar

nous

sommes es

plus

forts .

Puis

que

et

quant peuvent

ussi

introduire

e motifde

p

mais

leur

valeur

pragmatique

st

encore

plus

nette.Par

leur valeur

temporelle,

évidente

pour

quant

et encore

sensible en

ancien

français

pour

puis

que, ces motsposentle fait dans le réel. De plus, le jeu des temps

verbaux

établit

une relation

antérieur-postérieur,

ccompli-inaccompli

entre

q

et

p

;

l'antériorité e

q

-

marquée par

le

sémantismemême

de

puis que

(après

que)

-

lui

confère,

ès

lors,

valeur

de cause mais

d'une

cause

-

nous venons

de

le

voir

-

bien

posée

dans le réel.

Une

observation

étaillée

faitde

plus

apparaître,

u

point

de vue de l'ordre

des

mots,

une

large

dominante e

l'antéposition

e

la subordonnée e

qui

renforce

ncore sa valeur

d'antériorité,

onc

d'origine.Ajoutons

que

cette

subordonnée

n'apporteplus

une

information

ouvelle mais

reprend

n

élément u

message

déjà

connu.Cette

aptitude

la

reprise

coïncide vec une autrecaractéristique e ces outils ils entrent,rès

fréquemment,

ans un

dialogue

s'opposent

«

je

» et « tu ». Dans

«

puis que,

quant q,

p

»

q reprendra

rès

souvent

n

acte ou une

parole

de

l'allocutaire

andis

que

p

concerne e

locuteur.

Acte

réalisé antérieurement

onc cause

réelle,

déjà

énoncé donc

admis,

partant

de l'acte ou de la

parole

de

l'autre donc

indiscutable,

le motif

que

présentent

puis

que

et

quant

apparaît

comme une

contrainte

néluctable t indéniable.

ls sont ainsi

des

marqueurs

privi-

légiés

des

rapports

de

force

jouant

sur la

polyphonie

e

renoncia-

tion

(7),

«

p

puis que q

»

énonce la

soumission

du locuteur

(qui

énonce

p)

à l'allocutaire

qui

énonce

q)

dont es

paroles

sont

rapportées

dans q par le locuteur ui-même

-

«

Sire

quens,

car

ostés Nicoletevotre

filóle

(...)

-

«

Sire,

fet

li

visquens,

ce

poise

moi

(...)

Mais

puis que

vostre

volenté

est et

vos

bons,

je

l'envoierai

en tel

tere et en

tel

païs,

que

jamais

ne

la

verra de

ses

ex.

»

Aucassin

t

Nicolette, V,

4

et

10

Le

pouvoir

oercitif e l'ensemble era

d'autant

plus

fort

que,

comme

dans

l'exemple précédent, ,

très

fréquemment,

era

entendre

une

demande,

n

ordre,

une

volonté.

La

subordonnée

eut également

aire

référence

la force nexorable u

destin.Dans les

deux

cas,

la

phrase

établit une hiérarchie, lle marque la soumission, a « défaite du

7.

Cf.

DUCROT,

e

dire

t le

dit,

p.

cit., .

171 t suiv.

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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40

locuteur.

Mais en

expliquant

cette soumission

par

une

obligation

à

laquelle

il ne

peut

échapper

-

la

subordonnée

égitime

du

même

coup

son acte

et

rend sa

«

défaite

honorable.Un

duel

verbal

à

qui

perd

gagne.

La

cause

explique

donc souvent

une décision-acte

ui

se

fait

tandis

qu'on

l'énonce on est

déjà

dans

le domaine de la

parole.

La

légitimation

d'une

parole

:

justifier

une affirmation

Par des stratégies t avec des intensités rgumentativesiverses,

car(qué),

puis que(quant)

vont le

plus

souvent servir à

justifier

non

les

faits,

es

actes,

mais

la

parole

elle-même véracitéd'une

affirmation,

légitimité

'un

ordre,

d'une

question.

Dans cet

emploi,

e retrouve

'opposition récédemment

otée entre

car/que

et les

conjonctions 'origine emporelle

u

pouvoir

à

la

fois

coercitif

t raisonneur.

'antériorité

emporelle xprimée

doublement

par

le connecteur

t,

bien

souvent,

e

jeu

des

temps

verbaux,

a

reprise

d'un

message

connu

t/ou

dmis

-

faits

que

nous avons

évoqués

précé-

demment

permettent

e

présenter

e contenu de la subordonnée

commeun

argument

rréfutable

our prouver

a vérité.Le constat

au

niveau des faits sert de fondementour le dire

Puis

qu'il

est

morz,

moult avons

bien mené a fin

ce

por quoi

nos

feusmes

a

envoiez.

Tristan,

8,

14

8)

Partantde

prémisses

dmises,

e

raisonnement

résente

a conclusion

comme

devant

également

tre

admise. L'enchaînemente donne alors

comme

un mécanisme

riend'étonnant ce

que

la

conjonction

uis que

apparaisse,

avec

une

fréquence

nhabituelle,

ans un texte comme

Le roman de

la

Rose,

particulièrement

ans des contextes

appuyant

sur la logiqueou les règlesdu jeu d'échecs.

Ces outils

ouent généralement

ans

le

dialoguepour

faire dmettre

à

autrui

a vérité

du

jugement

que

l'on

porte,

bien

souvent,

ur les

actes

de celui-ci.

Ainsi trouve-t-on

lus

rarement ette

polyphonie

e

Ténonciation

emarquée

dans le

cas d'une décision.

l ne

s'agit plus,

pour

le

locuteur,

de

justifier

a décision

personnelle

par

la

volonté

de

l'allocutaire

le

point

de vue est

opposé

on

justifie

e

jugement

que

l'on

porte

sur l'interlocuteur

partir

de ses actes. La

parole

est

donc

toute

entière

u

juge,

le locuteur.

e

rapport

de force

s'inverse.

On

ne

trouve

ertes

pas

dans tous

les cas une illustration

ussi nette

de

ce schéma

pragmatique.

Pourtant

a

plupart

des cas de

figure

marquéspar le jeu des personnes erbales t des énonciateurs euvent

8.

Edition .

Blanchard,aris,

976.

Page 43: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-9-automne-1985 43/155

41

s'y

ramener.

Jugement

e

soi-même,

ur

soi-même,

our

soi-même,

dans un

monologue

entrecoupé

de

«

fet-il

,

«

dit-il

,

qui

tient

du

dialogue pas

vraiment ntérieur

jugement

ur un

groupe

auquel

on

appartient,

faire

admettre ce

groupe jugement

ur une

situation,

un

tiers

ou

soi-même evant autrui

dans

tous les

cas,

le but

est de

convaincre.

Même

lorsque,

très

rarement,

a troisième

ersonne ppa-

raît

dans un

passage

narratif,

a

personne

convaincre st encore

-

c'est

l'auditeur,

e lecteur. La

force

argumentative

e

ces mots

venant,

non de ce

qu'ils

introduisent ne nouvelle

nformation,

ais

au contrairede ce qu'ils s'appuientsur un élément connu par le

message précédent

u

admis

grâce

au

bon

sens,

ls

entrent acilement

dans les

lapalissades

-

Et

puis que j'arai

la

teste

caupee ja

mais

ne

parlerai

a Nicolete

me douce amie.

Aucas

in, XI,

18

La

lapalissade

semble le

point

extrême

ui,

par

son

comique

même,

à la

manière d'une

caricaturerévèle

le

sens

profond

de

puis

que

:

faire

de

la

preuve

une

évidence

pour

entraîner 'adhésion u

jugement

que l'on porte

-

et mieux agir sur l'interlocuteur.'évidencepeut

également

tre iée à la situation e discours la « causale» intervient

pour

justifier

'énonciation u

message,

non

plus

même du

point

de

vue de la

vérité,

n référence u

monde extérieurmais

par rapport

u

déroulement u

discours ui-même

-

Et

puis

qu'a

Fortune

enons

Quant

de s'amor sermon

enons

Dire t'en veill

fieremerveille.

Roman de

la

Rose,

4807

Puis

que

et

quant

sontdonc des

éléments e la

langue

qui

font

ntendre

la parole.Car (et que) permettentgalement e justifiera parole qui

précède.

La

légitimité

e dire

p

sera

affirmée

ar

«

car

q

»

selon

l'un

des

schémas uivants

1)

p

car

(conséquence

de

p)

2)

p

car

(description

e

p)

3)

p

car

(motif

e

p)

4)

p

car

(existence

e

p)

1)

On

pourra

d'abord

prouver ue

p

est

vrai,

réel

en affirmant

ue

sa

conséquence

existe réellement. i

la

conséquence

est

réalisée,

es

prémisses

ne

peuventque

l'être

également

il

n'y

a

pas

de

fumée

sans feu

-

De

l'esploitier

Gadifers

e

hasta

car au matin si com l'aube creva

desous

Aiete

i

paiens

ariva.

Moniage

Renouart,

293

Page 44: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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42

On

voit

que

la

«

cause

»

au niveau du dire

s'appuie

sur la

conséquence

au niveau

des faits. Cette

confusion

es deux

notions n'est

propre

à

surprendre

i

pour

car ni

pour que

l'étymon

atin

quare

est consé-

cutif.

Que

exprime réquemment

n ancien

français

a

conséquence.

On

sera

parfois

insi amené à hésiter ntre

conséquence

d'un

procès

à un

autre et

preuve

d'une

parole

par

une

autre.

2)

Très

fréquemment

ussi,

a

preuve

de la véracité

assera

par

une

explication,

tablissant ne relation

d'équivalence

ntre

p

(ou

l'élément

à

justifier

ans

p)

et

q

:

q

va

développer

n

apportant

es

détails,

une

plus grandeprécision,e contenu émantiquede p :

-

Je vos mostrerai a riens

el mont

que

vos

amés

plus

car

c'est

Nicolete

vo duce aimie.

Aucassin,

XL,

43

La

relation ntre es deux

propositions

e

rapproche

ensiblement 'une

apposition

on voit là encore l'ambivalence

e

que

laissant

mal dis-

tinguer

aleur de

preuve

car)

et

complétive

savoir

que).

3)

Lorsque

le

verbe est au

futur,

u

conditionnel u modalisé

par

un

verbe comme

pooir,

'affirmationon actualisée est

cependant

pré-

sentéecommevéridiquegrâceà un car qui introduit en les présen-tant comme vrais - le motifou la conditionde réalisation.Or la

«

cause

»

existant

réellement,

e

temps

verbal se

charge

de

l'inscrire

dans

la

réalité,

a

conséquence

ne

peut

tarder survenir

il

n'y

a

pas

de

feu sans fumée. On inverse e

premier

schéma

dégagé

mais en

conservant

a visée démonstrative

Bataille avrez vos en estes

tuz fiz

Kar a vos oilz

veez

les Sarrasins.

Roland

1130

9)

4)

Pour

ustifier

on

assertion,

n

peut

enfin irectement

aire réfé-

rence sa réalité l'énonciation 'estpas justifiée ar rapport d'autres

faits

1

et

3)

ni en

justifiant

on contenu

par

une

explication

2)

mais

par

une autre énonciation

ffirmant

ue

ce contenu

xiste

à

l'exclusion

de tout

utre

que

l'on

pourrait maginer

En

Loquiferne

tant

i

enfes més

-

Car Picolet

'i

avoit

apportés

Par le cornant

e roi Thiebaut 'Esclers

-

Que

il

est

grant

t furnis t

menbrés.

Moniage

Renouart,

56

La

parenthèse yntaxique

ntroduite

par

car n'est

pas

en

relation

d'équivalence vec ce qui précède,ni de conséquence.On ne peut pas

9.

Edition

Moignet,

aris,

972.

Page 45: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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43

non

plus

dire

qu'il s'agit

de

la

cause

car ce

qu'elle

affirme

e n'est

pas

la cause

d'un

long séjour

a tant més

»)

mais ce

qui

fonde

pure-

ment a

possibilité

e l'énonciation l'enfant tait à.

C'est,

des

quatre

schémas

d'emploi

de

car,

celui où

l'on

perçoit

e

plus

nettement

a

parole

se commentant

t se fondant lle-même.

r,

on

peut

statistique-

ment constater

une dominancedes deux

premières

personnes

et

du

style

directou

indirect

apportant

es

paroles

dans

les

contextes

ù

apparaît

car. Pourtant n

n'a

pas

à être

surpris

de son

apparition

ans

le récit

la troisième

ersonne

il

permet

n

effet de

façonanalogue

à sonparonymemar- de faire ntendrea voix du narrateur ommen-

tant

a narration.

ar

est

un des éléments e subversion e

l'opposition

discours/récit

uggérée

ar

Benveniste.

Justifier

n ordre

La cause

justifiant

n

impératif

ou

ses

équivalents)

pparaît

encore

une

fois dans

un

contextemanifestant

es

rapports

de force

entre

interlocuteurs.'ordre

place

-

ou

prétendplacer

-

l'allocutaire

dans

une alternative béissance/désobéissance.a « cause» survient lors

pour

mieux

contraindre 'interlocuteur

choisir

a

soumission.

C'est

-

inversé le schéma

qui permet

u locuteur e

justifier

a décision

par

la

soumission

la

volonté

de

son

interlocuteur.

n

pourrait

dire,

en

simplifiantue

«

je

:

tu

»

se

substitue

«

tu

je

».

encore,

des

nuances

pparaissent

elon es

différentsonnecteurs.

ar semble

parti-

culièrement

pte

à

exprimer

e

qui

justifie

'ordredu

point

de vue du

locuteur.Aussi

e

trouvera-t-on

rès

fréquemment

uivi

d'un verbe à

la

première

ersonne.L'opposition

vec

por

ce

que

est

particulièrement

nette dans

une

phrase

comme

Ohi Ogier, enés moi covenant

De mon

neveu,

por

ce

qu'il

est enfant

Car nule

rien el siecle

n'aim

e

tant.

Aspremont,

804

car

ajoutant

a cause

subjective

ce

qui

est motif

bjectif.

En aucun

cas,

car ne

peut s'appuyer

ur la

parole

de l'allocutaire.

On

pourra,

n

revanche,

e référer

la

parole

d'un

tiers

pour

former

un raisonnement

'autorité n

s'appuyant

ar exemple

ur

un

proverbe.

On trouvedonc

es schémas

1) (Fais p) car «une raisonqui paraîtdéterminanteu locuteur, u'il

assume

et

qui,

éventuellement,

ui est

personnelle).

2) (Fais

p)

car

(X

dit

que)

avec

(X

^

de

l'allocutaire)

u

(Fais

p)

car

(tel

fait).

Page 46: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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44

Les schémas seront

plus

variés avec

puis

que

1) (Fais

p)

puis que

(une

raison

qui

m'est

personnelle,

e

le

veux).

2)

(Fais

p) puis

que

(tu

dis

que).

3)

(Fais

p) puis que

(X

dit

que,

tel

fait).

Dans tous les

cas,

la

justification

tant

présentée

ar puis que

comme

une

vérité,

'ordre

pparaît

comme

e fruit

'une déduction

la caution

de

l'enchaînement

ogique

donne

ainsi

à l'ordre

une

pleine

valeur

d'obligation

néluctable,

ondé

qu'il

est

non sur

l'arbitraire

mais

sur

la

raison.

Outrecetteforce

oercitive

énérale,

uis

que

(ou

quant)

prend

une valeur argumentativepécifique t redoutable orsque la subor-

donnée

reprend

es

paroles

de l'interlocuteur.

n retrouve

à

la

poly-

phonie

de l'énonciation

voquée précédemment

propos

de

la

justifi-

cation

d'un acte

-

ce

qui

renforcea

symétrie

es deux

constructions.

La

phrase

fonctionne

ans ce cas comme

un

piège.

Le

locuteur

'appuie

en effet ur les dires

ou la

pensée

de

l'interlocuteur

qui

est aussi

celui

que

l'on veut faire

obéir.

Or,

en utilisant

son

vouloir

comme

prémisses,

n

présente

'ordre

comme découlant

de

la

volonté

même

de celui

qui

le

reçoit.

Cela ôte ou

prétend

ôter

la

possibilité

d'un

contre-argument

égitimant

n refus

d'obéissance

l'interlocuteur e

peut nier ce pointde départ qui est sa proprepensée. Il lui faudradémontrer

ue

la déduction

pérée

par puis que

-

qui

a l'allured'un

mécanisme

ogique

imparable

n'est

que

la

conclusion

tirée

par

le

locuteur

elon ses

intérêts

ropres.Argument

élicat dans

la mesure

où,

nous

l'avons

vu,

par

sa

valeur

temporelle

'antériorité,

ar

le

temps

et le mode des

verbes

qu'il

régit,

uis

que

donne

'enchaînementntre

subordonnée

t

principale

comme nécessaire.

Il

lui restera

comme

défense

a

possibilité

de faire

valoir

que

le

point

de

départ proposé

résume

a

pensée

en la

manipulant.

insi,

dans le

dialogue

où la

mère

d'Aucassin

veut

convaincre

elui-ci

de

prendre

une

épouse

autre

que

Nicolette,

l'argument

Puis

qu'a

moulliéte vix traire

pren

femme

de haut

parage.

Aucas

in,

II,

11

Aucassin

pourra

toujours

répondre

qu'on

ne

reprend

pas

son désir

avec

exactitude,

l

ne

veut

pas

«

se

marier mais

«

se

marier

avec

Nicolette

. Il

lui faudra

prouver

ue

dans

«

je

veux

me marier

avec

Nicolette

,

l'essentiel

du

message

est

a)

je

ne

me

marierai vec

personne

d'autre

qu'avec

Nicolette,

et

non

b)

je

veux

me

marier.

Or,sa mèrepourra toujours ui rétorquer ue l'essentiel st bien (b).

Et,

en

effet,

e

présupposé

d'un

message

ayant

pour

premiers

ritères

l'invariance

la

négation

t à

l'interrogation,

b)

semble

bien être

le

présupposé

des

paroles

d'Aucassin

la réduction

pérée par

la mère

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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45

est,

au moins

à

première

ue,

légitime.

a

comtesse est un

monsieur

Jourdain

e

la

pragmatique.

n

utilisant

ar on cherche

faire

obéir

en

mettant

n

avant sa

propre

pinion

utiliser

uis que permettra

e

légitimer

'ordre

par

l'opinion

de celui

qui

le

reçoit.

Justifier

'interrogation

L'interrogation

onstitue

ussi,

en

elle-même,

n acte

de

langage

contraignantelle obligeou veutobliger utrui répondre. es connec-

teurs

dits de

cause,

en

justifiant

a

question,

viennent

enforcer ette

contrainte

légitimer

e fait

que

le

locuteur e

pose

une

question,

'est

contraindre,

ès lors

que

la

question

est

légitime,

'interlocuteur

répondre.

armi

es divers

outils,

eul car

intervient

our

ustifier

ne

question

véritable.

l

met

en

avant

l'importance ue

revêt a

question

pour

e locuteur

finde

rendre

a

réponse

nécessaire

on

retrouve à la

relation

privilégiée éjà

observée

entre car et le

locuteur

Le

fil

Karlon

qui

je

ma foi

pievi,

Ou

le troverai Car

forment

e désir.

Couronnemente Louis,1423

Dans le cas

de

l'interrogation

ite

oratoire,

a

nuance

coercitive

st

encore

plus

nette la

question

pour

seul

but de

faire vouer à

l'inter-

locuteur

'impossibilité

e

réaliser e

procès

sur

lequel porte

'interro-

gation.

La

proposition

ntroduite

ar

un

outil

causal,

expliquant

e

motif

de cette

mpossibilité,

ient

prouver

u'aucune

réponse

positive

n'est

envisageable

Coment

orai

sormonter

spremont

Quant

ai

perdu

mon

destrier

rragon

Aspremont,

618

L'interrogationustifiée ar puis

que permettra

dans une

énonciation

polyphonique

de

formuler n

raisonnement

ar

l'absurde.

Partant

d'un

postulat

repris

à

l'interlocuteur t

qu'il

pose

momentanément

comme

vrai,

e

locuteur,

l'aide

de

puis que,

tire

es

conclusions

ui

sont ainsi

présentées

omme

conséquences

néluctables

Puis

qu'amors

ne sunt mie

bones

Ja mes n'ameré

d'amors fines

Ainz

vivrai

toujourz

n

haines

Roman de la

Rose,

4618

L'interrogationmanifeste ependant e doute et la réprobationdu

locuteur,

ttitude

u'il

veut

faire

partager

son

«

adversaire : il

le

force

répondre

la

question

tout en lui

montrant

ue

celle-ci

ne

se

pose qu'en

raison de

son

postulat

nitial.

'il

est anti-naturel

t absurde

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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46

de vivre

dans

la

haine,

force est

d'admettre

ue

la

condamnation

e

l'amour est

également

bsurde. La

réponse

ne

peut

être

que

négative.

Or

il

est

impossible pour

l'interlocuteur

e nier la

conclusion sans

admettre 'absurdité du

point

de

départ

que

constitue sa

propre

pensée.

Nous

voyions

dans la

lapalissade

le

point

d'aboutissement e

la

tendance

de

puis que

à

présenter

a cause

-

ou la

preuve

comme

absolument raie. On

peut

voir

dans

le

raisonnement

ar

l'absurde e

symboled'une valeur pragmatique spécifiqueà ce mot enfermerautruidans sa

propre

pensée pour

le convaincre e ses contradictions.

«

Convaincre

. Ce

terme,

avec

ses

connotations

uridiques,

nous

semble résumer a

fonction

ssentielle

ssignée

à la

cause en ancien

français.

On ne

cherche

pas

tant

à

démonter,

xpliquer

'enchaînement

des faits

-

c'est le rôle

prédominant

'un

por

ce

que

bien minori-

taire

-

qu'à justifier

ans cesse

ses

paroles.

Justification,

arole,

c'est

d'abord

à

ces

deux

notions

ue

se rattache

'idée

de cause.

L'étymologie

pour

cette

fois

ne

trompepas

:

cause,

raison sont bien

liées

au

dis-

cours,

au

procès.

«

Causari c'est

alléguer,prétexter,ustifier

une

parole

pragmatique.

Les fonctionnementspécifiques ropres ces outils sontconstants

du Saint

Alexis

la

prose

du XIII* siècle.

Cette

affirmation

e

prétend

certes

pas

renvoyer

une uniformité e

l'expression

e la cause dans

la

langue

correspondant

cette

époque.

Une

telle

inférence,

utre es

contestations

méthodologiques u'elle

peut

soulever,

négligerait

n

l'occurrence

eux

paramètres

la

diachronie t

l'hétérogénéitétylis-

tique qui

-

s'ils n'influent

as

sur

le

sens des

différentsutils

-

jouent

sur leur

fréquence

relative.Si l'on

perd

en

cela

l'espoir

de

reconstituer

'image

de

l'expression

e la

cause,

cela

doit d'autant

plus

stimuler mieuxcerner

'usage

que

la

littérature

ait

de ces

outils,

t

par là, la poétiqueque peuttrahir n tel usage.

Cause et

poétique(s)

Une

poétique

ou des

poétiques

du textemédiéval La

cause

semble

révélatrice ces deux niveaux elle manifeste n certain

rapport

de

l'artiste son texte t à son

public

mais

aussi les

enjeux

divergents

e

textesformellementifférents.

La

dominancedes

«

coordonants

car,

que

-

pour reprendre

a

terminologieabituelle est nette et permanente. ertes, es mono-

syllabes,

ar

leur brièvetémême dans une littérature

n

majorité

ver-

sifiée,

e

prêtent

ien à tous les

usages.

Pourtant

e

phénomène

ous

paraît

surtout

ymptomatique

'une littérature

ui

participe

à «un

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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47

type

de culture dominante rale

»

(10)

et

qui prétend

dire le vrai.

Car est lié à

la

parole

comme e

montrent

ussi

bien ses

emplois

ordre,

question,

xclamation

ue

l'on

justifie)

que

son association

fréquente

avec

les

première

t deuxième

personnes

u

les

temps

du

présent

à l'inversede

por

ce

que

lié

à

la

non-personne

il)

et

au

passé.

Cette

oppositionque

l'on

pourait

faire

apparaître

avec

précision

dans

des

tableaux

statistiques

ous semble résuméedans

le

passage

suivantoù

la cause intervient uccessivement

ans le

style

direct

puis

dans le

commentaire u narrateur

-

«

Tornons

ui

les

chiés des

chevaux,

ar s'il nos

prent

l

travers,

il

nos metra

a trop

a mal

».

Et

ce

disoit-il

or

ce

qu'il

quidoit

del duc

que

ce

fust

Guillaumes

des

Bares

(11).

Par la

voix

du

personnage,

ar

suivi du

présent ustifie

un

impératif

de

première ersonne

por

ce

que permet

u narrateur

'expliquer

u

passé

les

actes

de

son

personnage.

e

fonctionnement

e car confirme

ainsi

l'opposition

discours/récit

uggérépar

Benveniste

mais

-

tout

à la fois

-

la subvertit

dans

la

narration

même car

qui

vient sans

cesse

justifier

'énonciation

éintroduit

e narrateur t inscritdans le

texte on rapport u public, u sens dramatiquedu terme.Ainsi,dans

une littérature ù

«

l'énoncé est

indissociablede l'énonciation

(12),

tout

récit est en même

temps

discours.

Zumthor,

mettant

n

relief

dans

l'ouvrage

ité

le

caractère

dramatique

d'une

littérature

ui sug-

gère

toujours

un

dialogue

virtuel ntre es deux

pôles texte-récepteur

note,

p.

42

«

La

poésie

médiévale

est

poésie

en situation et

cette

situation st inscrite ans le

code,

à une

profondeur

elle

que

le texte

nous

apparaît

d'une extrême

auvreté

n

indices

y

renvoyant xplicite-

ment.

L'omniprésence

e car

semble être

un de ces indices.

Par

ailleurs,

e souci de

prouver

on

dire

participe

comme

le recours

aux

autorités

u à

l'antiquité

e la matière de ces

«

protestations

e

véridicité (13) d'une littératureui a pourtâched'exprimera vérité

globale

du monde.

«

Parole

souveraine,

manation

'un

Verbe,

objet

de

foi

(14).

Pourtant ette domination

énérale

recèle des écarts

significatifs

car

que

détiennent

n

monopole uasi

absolu dans les

épopées

es

plus

anciennes t les

poèmes

religieux

u

type

du Saint Alexis.

l

n'y

a aucun

10.Cf.

P.

ZUMTHOR,

ssai de

poétiquemédiévale,

aris,

1972,

.

38.

11.

L'anonyme

e

Béthune

récit

n

prose

de

Bouvines)

écitdes Histo-

riens es Gaules t de la Francet. XXIV,citéparG. DUBY,Le dimanchedeBouvines, aris, 973, . 250.

12.

Cf.

P.

ZUMTHOR,

p.

cit.

p. 41,et,

en

general,

our

ce

qui

concerne

le

caractère

'oralié et de

véracité,

'ensemble

es

chapitres

et II.

13.

bidem,

.

35.

14.

bidem,

.

38.

Page 50: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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48

por

ce

que,

non

plus,

dans Le charroi

de Nîmes ou La

prise

d'Orange.

A

l'inverse,

a

proportion

e ces mots

par

rapport

por

ce

que

s'abaisse

singulièrement

ans

des textes

historiques

n

prose

du XIII*

siècle

Grandes

Chroniques

e

France,

récits

de Clari et de

Villehardouin. a

très

faible

présence

e

por

ce

que

dans

a

première

atégorie

eut

certes

s'expliquerpar

des facteurs

métriques

t

historiques

étroitessedu

décasyllabe,

yntaxe

rchaïque

privilégiant

a

parataxe

ou

-

à tout le

moins

-

la

coordination

ar

maladresse manier

es

subordonnants.

Mais ce

choix

syntaxique

nous

paraît

tout autant

révélateurde la

vision du mondequ'exprimentes textes.Dans un univers -temporel,

régi par

le

plan

divin et

éternel,

a

causalité

événementielle

e

peut

qu'être

dérisoire.

Auerbachdécèle

dans

la

narration

pique qui

«

évite

de condenser t d'articuler

ationnellementes

faits

au

profit

d'une

disposition

ontinue,

uxtapositive

...)

et dans

laquelle

les relations

causales

et

même

temporelles

'estompent

(15)

l'indice d'une

concep-

tion

figurative

e l'histoire

ui,

selon

lui,

domine a

littérature cci-

dentale des débuts de l'ère chrétienne u XVIe

siècle. Dans

cette

perspective,

out événement errestre 'est

pas

la

conséquence

d'un

autre événement

ppartenant

u

même

plan

terrestre,

mais

un

signe,

la

«

figura qu'il convient 'interpréter,ar une correspondancepiri-tuelle, ommel'accomplissement'un événement istorique ntérieur

qui

le

préfigurait.

e

qui importe

lors ce n'est

pas

la

connexion orizon-

tale entre es faits de

ce

monde mais leur

interprétation

la

preuve,

non le motif

16).

On

a d'ailleurs

souvent

noté

que

cette

syntaxe

«

rustique

,

peu

fournie

n

outils de causalité

marque,

en

revanche,

plus fréquemment

es relationsde

conséquence

nous serions tentée

de voir à un autre ndice du but

assigné

à

cette

ittérature

il

s'agit

non

d'expliquer

es

faits

mais

d'enregistrer

es

gesta

Dei.

En

outre,

ar est

particulièrementpte

à relierdes

propositions

ux

plans temporels

istincts,

aisantfusionner ans une même

phrase,

a

temporalitéu récit u passé et le présent ommun u récitant t à son

public

qui

réactualisent e

passé

(lors)

en

un

présent

or)

Lors

vosist estre a

Chartres u a

Blois

ou a

Paris,

en

la

terre

e

roi,

quar

or ne set de lui

prendre

ouroi

Prise

d'Orange

30

15.Cf.

AUERBACH,

imesis, aris,

977.

16.

bid.

pp.

84-85

La liaison

orizontale,

'est-à-dire

emporelle

t

causale,

se

dissout,

e hic et nunc

n'est

plus

un

simple

élément 'un

processus

terrestre, ais en même emps, uelquechosequi a toujours té et quis'accomplitans le futur. Procéder insic'est établir ne relation ntre

deux

événements

ui

ne

sont reliésni

temporellement

i

causalement,

ne

relation

u'il

est

impossible

e

postuler

aisonnablementans

a

dimension

horizontale

...)

On

peut

eulement

tablir e

rapport

n

rattachant

es deux

événements

erticalementla

providence

ivine...

Page 51: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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49

BeranrdGuenée

rappelle

que,

pour

l'historien

hrétien,

l

n'y

a

qu'un

temps,

u

point

qu'à

la

fin du

Moyen Age

encore,

es

bibliothèques

anglaises

réunissentdans une même

catégorie

livres d'histoireset

prophéties

17)

l'épopée

et le

chant

religieux

'inscrivent

leinement

dans cette achronie. a fusion

emporelle

eut

se doubler d'une ambi-

guïté

uant

à

l'énonciateur,

uperposant arole

du

personnage

t

parole

du narrateur

De grantoutrage commença parlervers

Looys,

ar servit 'ot assez.

Le charroide

Nîmes

129

Le récit

en

tant

qu'énoncé

des

événements

e

fond

alors avec son

énonciation,

aisant

pénétrer

es auditeurs dans

l'a-temporel

ù ils

rejoignent

es

actants

de

l'Histoire.Car

participe

ainsi à cet

enjeu

majeur

de

l'épopée

révéler

à

la

communauté es

valeurs,

intégrer

l'accidentel

«

une

intemporalité

riomphante,

une

durée

éternelle,

dans

la

présence

t

le

chaud

dialogue

virtuel,

u

chanteur t

de ceux

qui

Técoutent

(18).

En revanche, orsque l'histoire e libère de sa fonctiond'hagio-

graphie aïque présente

ans

les

œuvres

en

vers comme

Brut

ou

Guil-

laume le Maréchal

-

même si elle reste véhicule

d'idéologie

-

les

faits et leur enchaînement

rennent

de

l'importance.

a

proportion

de car

/que

par

rapport por

ce

que

est d'environ 9

dans La

Chanson

ďAspremont,

6 dans le

Roland

11,5

dans

Le

Couronnement e

Louis;

or elle est

de 4

dans les

ouvrages

de Clari

et de

Villehardouin, ,5

dans

une trentaine e

chapitres

es Grandes

Chroniques

livre

,

chapitres

à

24,

ivre

I,

chapitres

à

10).

L'écart est

frappant

la causalité

n'est

plus

seulement

rovidence

dire. Cette

fréquence lus

importante

e

por

ce

que

coïncide avec

un

tournantdans le

genre historique,

u

XIIP siècle. On constate, n effet lors,une double sécularisation e

l'histoire

qui, échappant

au

quasi monopole

des

moines,

est

écrite,

bien

plus

souvent,

n

langue

vulgaire,par

des laïcs

ou

des

clercs

s'adressant un

public

de laïcs. Ce

goût

nouveau d'un

public

aristocra-

tique

manifeste oit le souci de célébrerun

lignage

oit une

curiosité

pour

es

événements,

n

particulier

es événements

ontemporains

19).

B. Guenée

note,

ce

propos, 'importance

e la croisade dans

le chan-

gement

du

goût

du

public

et,

partant,

de

l'historiographie

20).

Ce

17.B. GUENEE,Histoire t culture istoriqueans 'Occidentmédiéval,Paris, 980, p.20-21.

18.P.

ŽŪMTHOR, angue, exte, nigme, aris, 975, .

239.

19.G.

DUBY,

Le dimanche e

Bouvines,p.

cit.

pp.

185-186.

20.B.

GUENEE,

op.

cit.

p.

360

voir

ussi

pp.

363-364

our

e

goût

des

laïcs

pour

'histoire

u XIII®

iècle.

Page 52: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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50

regain

d'intérêt

our

«

l'actualité

s'accompagne

d'un

souci accru des

relations

causales.

Jusqu'alors,

'historien

médiéval,

iant

histoire et

théologie,

n'explique

pas

tant les faits

par

des causes

particulières,

terrestres,

ue par

la

cause

générale qu'est

la

volonté divine. Cette

attitude ommence se modifier

u XIIIa

siècle

où l'on

prend

davan-

tage

en considération 'enchaînement aturel des faits

(21).

Nobles,

crivant

our

eurs

pairs

es aventures

ontemporaines

u'ils

ont

vécues,

n

l'occurrence

a

Croisade,

Clari et

Villehardouin

emblent

caractéristiques

u renouveau du

projet historique

à leur

époquel'importanceccrue du nombrede por ce que dans leurs textesmani-

feste

grammaticalement

ettemutation.

On

pourrait,

ependant,

'étonner e voir une

régression

elative

de

car dans deux

œuvres

où,

fait

peu fréquent

u

MoyenAge,

'auteur se

nomme

pour

témoigner

ur

son

temps

sa

place

semble

prépondérante

dans

l'œuvre et

cela

devrait

nfirmer

os

hypothèses

oncernant

a

relation

privilégiée

ntre car et la

parole.

Ce

paradoxe

nous semble

justement

ypique

d'un certaindessein du

narrateur

rapporter bjec-

tivement,

hronologiquement

es faits

dont l a été le témoin

t

qu'il

a

appris

en se référant des

témoignages

récis.

Daniel Poirion

montré,

à proposde Villehardouin,ommente narrateur ssimileen récit es

multiples

iscours

que

lui

livre sa documentationt

qui

ont contribué

à

la

marchedes événements

22).

Son œuvre st

témoignage

ersonnel,

œuvre

de

mémoire,

ertes,

mais aussi

et

surtout

olonté

d'ordonner es

faits.

«

Son récit cherche

à

développer

tout

ce

que

contiennent e

cause

et d'effet es

discours

qui

ont conduit

les

croisades

où l'on

sait»

(23).

D. Poirion

oppose

cette volonté

organisatrice,

ui

tend

à

dépasser

a

subjectivité

e

l'auteur,

la manière

de

Joinville

il

n'est

pas

indifférente noter

que

les car

prolifèrent

hez cet

auteur

qui

utilise

pourtant

ui

aussi,

la

prose.

On

comprend,

u même

coup,

que

l'accroissement

elatif

u

nombre

des

por

ce

que

dans

la

prose

histo-

rique du XIII* siècle,ne peut s'expliqueruniquement ar la liberté

syntaxique

u'offrirait

a

prose,permettant

des articulations

onjonc-

tives

plus longues

de s'insérer ans

le tissu

de la

phrase.

On

constate,

d'ailleurs,

ue

d'autres

genres

de

prose

ne

comportent as

uniformé-

ment

ce

phénomène.

l

faut

donc

bien

y

voir

une volonté

propre

à

l'historien,

ans

ces

textes,

e s'effacer evant

es faits

pour

en

exposer

l'enchaînement

ou de feindre

e le

faire.

Ce

type

d'écritnous

paraît

ainsi,

dans

la littérature

n

ancien

français,

e

plus proche

d'une

mimesis.

Montrer,

e

ne

peut

être

qu'une

façon

de

raconter,

t cette

21.

bidem

p.

207

211 t

362

n

particulier.

22.D.

POIRION,

«

Les

paragraphes

t le

pré-texte

e Villehardouin

,

Langue rançaise,

°

40,

décembre

978, p.

45-59.

23.

bidem

.

57.

Page 53: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-9-automne-1985 53/155

51

façon

consiste

la

fois à

en dire le

plus

possible,

t

ce

plus

à le

dire

le

moins

possible

...)

feindre e

raconter,

'est

feindre e

se

taire

(24).

L'historien

e faisant

plus

impersonnel,

es

indices

grammaticaux

e sa

voix,

comme car se

font

moins

fréquents.

La

prose

romanesque

t

didactique

du XIII* siècle

partage-t-elle

e

dessein

La situation

tatistique

st variable

la

proportion

e car

que

par

rapport por

ce

que

est

supérieure

10

dans

Le

Roman

de

T

ristan

en

prose

ou

La

Quête

du

Saint Graal mais elle s'abaisse

à 5 ans

dans

La Mort Artu t

davantage

ncore dans

des mises

en

prose

de

textes,

à l'origine, ersifiésommeLe Roman du Graal.Il y a là une diversité

dont

on

pourrait

tirer

argument

our

voir dans

cette forme

e

seul

reflet

éridique

de

la

parole

médiévale,

'irrégularité

es

fréquences

trahissant a liberté nsaisissable

du vécu

ainsi

la

prose

serait

e

lieu

privilégié

our

saisir

la

langue

vierge

de toute

«

écriture

,

de toute

déformation

tylistique.

n

y

rencontrerait

nfin

non la cause filtrée

par

le dessein

poétique

d'un

genre

mais

la

cause

«

telle

qu'on

la cause

»

au XIIP

siècle.

Il nous semble

pourtant ossible

de

discerner

es

constantesdans

l'utilisation

e la cause

en

prose

romanesque

t

didactique,

onstantes

qui sont autant d'indicesd'une poétique de cette prose qui reste àdéfinir. a

comparaison

des versions n vers et en

prose

d'un même

récit

-

comme

Le Roman de

l'Estoire dou Graal

de Robert

de

Boron

(25)

et la version en

prose

du manuscrit

de Modène

(26)

ou

La vie de Sainte Marie

l'Egyptienne

27)

dans

les versions

T et

X

-

nous

paraît,

cet

effet,

clairant.

n

constate

n double

phénomène

la

diminution

es coordonnants

ar

que

en

prose

on

passe

respectivement

dans ces

deux textes

de 112 à 53 et de

41 à

33)

mais,

conjointement,

l'apparition

de

ces connecteurs

n

prose,

là où

le vers

emploie

la

parataxe.

La

mise en

prose

semble insi

appliquer

propos

de car

que,

un

double

principe

resserrer

e texteen

supprimant

es

détails,

des

commentaires,n condensant lusieursphrasesen une seule,remanie-

ments

qui

entraînent

a

disparition

e car

mais,

orsque

deux

propo-

sitions existant

en vers sont

conservées

en

prose,

conservation

u,

éventuellement,

pparition

d'un

mot de liaison.

Tendance,

d'une

part,

à l'effacement

u

narrateur,

l'absorption

du discours

en

récit,

que

l'on

voit

nettement

l'œuvre

quand por

ce

que

se substitue

car,

le

récit

mpersonnel

la

parole

-

Judas

rie

«

Bien

le

tenez,

Car

il

est

merveilles orzhom.

Robertde Boron 388-389

24.G.

GENETTE, igures

II

, Paris, .

187.

25. Edité

par

W.A.

Nïtze, aris,

983.

26. Edité

par

B.

Cerquiglini,

ans,

1981.

27. Jbdition

embowsKi,

oir

upra.

Page 54: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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52

-

Et Judas lor crie

«

Tenez lou bien. Et ce

lor dist

il

por

ce

que

il

lou savoit

mout a fort.

Robert

de

Boron,

C.

22

(9)

Le manuscrit versifié

uperpose

la

voix du

narrateur

à

celle

du

personnage,

n l'absenced'une

ponctuation

igoureuse

la

prose disjoint

nettement

es deux énonciations t transformea

parole

en un récitoù

por

ce

que accompagne

a

troisième

ersonne.

a

place

de car

est

ainsi

amenée à

se

restreindre.

Mais, simultanément,ne autre tendance se fait jour celle qui

consiste

à

multiplier

es

connexions

yntaxiques

pour compenser

a

perte

de

cohérence

u'entraîne

a

disparition

e la

rime,

du

rythme,

du

distique.

Ainsi aux vers

-

Joseph,

r ne t'esmaie

mie

La vertuDieu

has

en aïe.

Robertde

Boron,

R. 731-732

se substituentes

propositions

oordonnées

-

Joseph,

Joseph,

ne t'esmaiertu

mie,

car la

vertu

de

mon

pere

te regardera.

Robert

de

Boron,

C.

27

(16)

L'apparition

de

car,

en

prose,

n'est

pas

liée

au

goût

du

détail,

à

la

volonté

d'ajouts

«

réalistes mais

au

désir de créer une forme ussi

cohérente

ue

le

vers,

ans les contraintes u mètre se libérerde

la

versification,

our

mieux

entrer dans le carcan de

la

syntaxe.

La

comparaison

des deux versionsdu

Roman du Graal

fait

apparaître

n

prose

12

car

correspondant

n

vers à une

parataxe.

Sur ces 12

car,

un

seul

correspond

l'ajout

d'un

détail,

7

relientdes

propositions

ui,

en

vers,

forment

n

distique,

2

permettent

e

marquer

le

début d'une

énonciation, se rapprochent 'un rôle de ponctuation. ar participe

ainsi,

comme

d'autres

connecteurs,

'une volontéd'établir

une liaison

que

suffisait maintenir a

rime

on

constate,

par

exemple,

dans le

passage

suivant a double

apparition

de car et de

qui:

-

Vous

veez

ci,

dist

il,

seigneur,

Les

messages

'empereeur

Savoir

welent

ues

hons estoit

Cius

qui

on Jhesu

peloit

Qui

de la

loi se feisoit

ires.

On

leur

ha dist

qu'il

estoit

mires

Robertde

Boron,

R.

1417

-

Segnor

veés ci les messagesa l'empereor ui vuelent avoirqui

cil est

que

vous

avés

ocis,

qui

ert

sire de

li loi. Car

l'empereres

a

oï dire

qu'il

estoitmolt buens mirres.

Robert

de

Boron,

C. 38

(26)

Page 55: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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53

Dans une

prose qui

ne

tolère

plus

les

ambiguïtés

ur

le

locuteur,

ar

peut

également

ntrer

armi

es

dispositifs ui

délimitent vec

netteté

les

changements

ans l'énonciation

ainsi

apparaît

un

car

exhortatif

que

l'on dit

souvent

réservé

u

styleépique

-

Com

l'oīrent,

En leur

cuers tout s'en

esjoïrent

«

Enseigne

nous

comment 'aruns

Ibid.,

R.

285

-

Et

quant

i

Juïf

'oïrent

ue

il

enfragnoit

a

loi,

si en

orent

grantjoie, et il li disent « Car nous ensagniéscomment nous le

porons

prendre

.

Ibid.,

C. 20

(10)

La

syntaxeproduit

un

substitut ce

que

marquaient

a

clôture du

mètre t le

changement

e rime.

Dans ce

rôle de

bornage

du

discours,

car

se

rapproche

d'un dernier

ype d'emploi

il

fonctionne omme

substitut 'une

ponctuation.

es vers

peuvent,

n

effet,

e

passer

des

deux

points

ouvrantune déclaration

xplicative

n

apposition

la

fin

du

mètre

marquée

par

la rime

suffit

indiquer

e

rapport.

La

prose,

privée

de

cette

possibilité,

tilise car

- volentierse direi,

Cet

essemble

en

Perrun

peurei

Aussi

comme

'iaue ordoia

Des

premiers

iez

c'on

i

lava

(...)

Ibid.,

R. 341

-

Çou

est

l'essamples

Pieron,

ar

tout aussi

com

li

eve fu

orde des

premiers iés

(...)

Ibid.,

C.

On

pourrait

montrer

ettemême

fonction,

out la

fois,

de

délimitation

et

de cohésion

dans 6 des 7 car

qui

apparaissent

dans

la

version

X

de

Sainte

Marie

l'Egyptienne.

Certes,e textemis en prosen'estsans doutepas un texte n prose

normal la

réécritureend

rendre

'œil

critique, oussant

supprimer,

dans

le domainede

la

cause,

toute

explication ui

ne

paraîtrait

xister

que pour

les besoins de

la

rime

ou du

rythme

ainsi

peut

disparaître

ce

qui

semble

une cheville

-

laue

buvoient ient

aine,

Car ele n'iert

pas

de fontaine.

Vie de Sainte

Marie

l'Egyptienne,

. 723

-

(...)

et buvoient

yaue

moult mauvaise

Ibid., X,

31

(8)

On pourrait xpliquer à, nous semble-t-il,e plus faiblenombrede car

dans ces textes

que

dans les

romans

écrits

directement n

prose.

Il

n'en

reste

pas

moins

que

ces

réécritures

ous

renseignent

ur le

souci

dominant

du

prosateur

coordonner.

Ainsi,

même si sa

voix

s'amuït

Page 56: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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54

par

le

développement

u

récit u détriment

u

discours,

es car restent

nombreux.

n

chasse

le

commentateur

ais

le commentaire

éapparaît

par

souci

d'unité.

Nicolas de Senlis

expliquant

es

raisons

qui

l'ont

poussé,

au début

du XIII"

siècle,

à traduire

n

prose

La

Chronique

du

PseudoTurpiti

déclare

dans sa

préface

«

Nus contes

rimés n'est verais .

Aussi

la

prose, porteuse

d'une

plus

grande

vérité,

supprime-t-elle

es car

qu'amenaient

es seules contraintes

métriques

mais elle

ne

peut

se

passer

d'un

instrument

ui

lui

permet

de

proclamer

a

vérité

de sa

parole et de rivaliser vec l'unitéformelle u mètre.Suppressionou

adjonction,

ans

les deux cas

triomphe

e souci de

la vérité. ouci

de

vérité t non de réalité

l'expansion

e

por

ce

que

n'est

pas

comparable

à

ce

qu'elle

est en

prose historique.

Ainsi l'étude de la cause semble fournir u confirmer

ertaines

directions

e recherche ur

les

particularités

e

la

prose

romanesque

plus

faible

présence

du

narrateur,

estriction t délimitation e

la

parole,

volonté e cohérence

'appuyant

ur es ressources e la

syntaxe.

Dans ce

domaine,

omme

dans

l'épopée

ou

l'histoire

n

prose, 'expres-

sion de

la

cause reflète

moins

un

système

de

langue que

les

options

d'une forme ittéraire. utant e poétiquesdivergentes.Reste

pourtant

'unité

profonde

d'une «littérature»

qui,

confiante

dans

la Voix n'est

pas

encoreEcriture

Parole

qui

est avant

tout

com-

mentaire,

a cause est là

pour

ustifier

on

pour

expliquer,

our

prouver

le

dire.

«

Savoir

consiste

donc

à

rapporter

u

langage

du

langage.

...)

A

tout

faire

parler.

C'est-à-dire faire

naître

au-dessus

de

toutes les

marques

e discours

econd

du

commentaire.

e savoir

n'est

ni de

voir

ni

de

démontrer,

mais

d'interpréter»

28).

28.Cf.

M.

FOUCAULT,

es

Mots et

les

Choses

1966,

.

55.

Page 57: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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Katherine FRIZZA

LE

LAI DE

DOON,

OU LE

FONCTIONNEMENT DE

LA BRIÈVETÉ

«

Il

est interdit

entrer ans

ce

jardin

avec

des

fleurs

la

main

(1).

Au

seuil

de la

littérature

médiévale,

l

conviendrait e se

souvenir

de

cette

consigne,

t de

suspecter

appellation

e

récit

bref,

ui

fleurit

maintenant

ous les

plumes

les

plus

autorisées,

de venir

tout droit

de

notre

littérature

moderne.Car si l on

considère

ce

que

recouvre

ce genre, ssez récemmentpparu dans le domainemédiéval, t qui

semble

désormaisfaire

oi,

on voit se

côtoyer xempla,

vidas,

lais

et

fabliaux.

Autantde

genres spécifiques,

ossédant

chacun

une

tonalité,

un

imaginaire

t

une

écriture

articulière.

quel

titre

eut-on

ubsumer

ces

différents

enres

en un

seul

?

Leur commune brièveté

Cela

saurait-il

uffire

Il

y

aurait

pourtant

ien des raisons de s en satisfaire.

ace aux

lais

et aux

fabliaux

uxquels

nous avons restreint otre bservation

2),

la

critique

depuis

J. Bédier avait

depuis

longtemps

ffectué

e

rappro-

chement t

mis

en œuvre a

comparaison,

n

constatant

t

en

se basant

sur

leurparenté dans le temps lais et fabliaux pparaissent t dispa-raissentensembleentre e XII* et le XIII siècle dans leur forme

emploi

de

l octosyllabe,

t brièveté

ommune

d une

centaine de vers

à

mille

vers).

Mais ce

rapprochement

evait conduire un divorce.La

critique

est en

effet

ttachée

à

la

thématique

e ces

genres

le

lai,

évoluant

dans

un

univers

courtois où

la

matière

celtique

donnait e

cadre des

histoires, autre,

e

fabliau,

mettant n scène un

monde

quotidien,

éaliste

dit-on,

ù le rire et la

grivoiserie

aisaient

oi.

1.

J.

PAULHAN,

es

Fleurs

de

Tarbes,

u

la

Terreur

ans les Lettres

Gallimard.2.MARIEDE FRANCE Les

Lais,

éd. J.

Rychner,

hampion,

aris,

977

Lais

anonymes

es XII

*

et XIII*

siècles

édition

ritique

e

quelques

ais

bretons

par

Prudence

O Hara

Tobin,

Droz,

Genève,

976;

Les

fabliaux

français

u

Moyen

Age

éd.

Ph.

Ménard,

roz,Genève,

979.

Page 58: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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56

Partant

de

là,

J. Bédier

3)

concluait

un

divorce

plus

fondamental

encore celui

du

public

pour

les

lais,

un

public

noble et

nourri ux

règles

courtoises

pour

les

fabliaux,

n

public bourgeois

u

populaire,

au rire

facile,

ux

exigences

ittéraires

moindres.

es

grandes

ritiques

qui

suivirent,

elles de

Per

Nykrog

4)

et

de Jean

Rychner

5)

restèrent

dans

le

sillage

ouvert

par

J. Bédier. Elles s attachèrent

n considérant

conjointement

ais et fabliaux démentir

ette

cission,

t

à reformuler

les

rapports

entre ces

œuvres et leur

public public

beaucoup

plus

homogène

elon

P.

Nykrog,

ui par

ailleurs

menaçait

les frontières

existant ntre ais et fabliaux,œuvrescapables d adaptation tylistique

en fonction u

public

auquel

elles étaient ues.

Ainsi

la

notion de

«

récit

bref

sous

laquelle

on associerait

ces

genres

en vertu d un caractère formel

met un

terme à ce débat

de

type

thématique

t socio-littéraire.e

genres

nnemis,

ais et

fabliaux

devenaient

enres umeaux.

A ce

stade,

la

critique

s est

faite

plus

discrète,

peu

soucieuse

de

justifier

e

regroupement,

en

explorer

a

pertinence,

est-à-dire e

regarder

ces œuvres

à la lumière de leur

brièveté,

t de

montrer

comment

et

aspect

commun,

mais secondaire

priori pouvait orga-

niser de manière imilaire a narration e ces récits.Si la brièveténedoit rester

qu un

caractèreexterne ces

genres,

a notionde « récit

bref» est vide. Il

convient

donc

de sonder un

peu

les arcanes

de la

brièveté,

e se demander i une

commune

rièveté

mplique

des modes

de fonctionnement

t des écritures ommunes

u lai et au fabliau.

En

considérant

ci

le

seul Lai de Doon

(6),

nous

nous sommes

appliquée

à

repérer

ur

quels points

de

la

narrature

ouvait

influer

la brièveté

e ce lai

(seulement

86

vers).

Si

l on tient

compteparallè-

3. J.

BEDIER,

Les

Fabliaux,

ibl.

de l Ecole des Hautes

Etudes,

Paris,

1898.

4.

PER

NYKROG,

es

Fabliaux

études

d histoireittérairet

de

stylis-

tique

médiévale,

unkaarg,

openhague,

957.

5. JEAN

RYCHNER,

Contribution

l étude des

fabliaux,

ariations,

remaniements,

égradations,

roz,Genève,

960,

ol. 1.

JEAN

RYCHNER,

Les

fabliaux,

enres,

tyles, ublics

,

dans Littéra-

turenarrative

imagination,.U.F.,

Paris,

1961,

.

41-52.

6. Le Lai de

Doon,

dité

par

P.M.O Hara

Tobin,

p.

cit.

En voiciun bref

résumé

La Demoiselle

rgueilleuse,

éritière e

Daneborc,

oumet ses

prétendants

une

épreuve

traversée

e la mer

cheval)

vouée,

édoublée

par

une autre

non avouée les

prétendants

ont

ccueillis,

n leur

propose

de dormir

ils

en meurent. oon

passe

outre a

premièrepreuve,

t

déjoue

la

seconde

ui

est un

piège.

La Demoiselle

ontinue e refuser a

main,

et soumet

oon à une nouvelle

preuve

mortelle

il survit.

a

Demoiselle

doit e

marier.

près

e

mariage,

oon abandonne

n lui confiant

n anneau

qu elle devraremettreu filsqu elle porte, orsqu il era en âge d êtreadoubé.Doonpart.Plusieurs nnéespassent,onfils raversea merpour

venir

riompher

ans

le

pays

de son

père.

Ayant ppris

existence

e ce

ieune

t

valeureux

hevalier,

oon

e rencontre

ansun tournoi son fils

st

le

plus

fort,

mais

Doon

reconnaît

anneau.

ls retournent

nsemble

uprès

de la Demoiselle

rgueilleuse.

Page 59: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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57

lement

de la

longueur

de l histoire

qui

se

déroule

sur

plus

de

vingt

ans),

il

convient

e se demander

de

quelle

économie

narrative

se

le

texte

pour

résoudre

e

hiatus entre

emporalité

u récit

ou

diégétique)

et

temporalité

e l aventure

ou

intradiégétique).

l faut

bien

que

la

«

façon

de dire soit

sur-signifiante,

our

compenser

a

brièveté

du

récit.Le

récit,

dans

le creuset

de

l écriture,

ans sa

«

matérialité

,

dit

Paul

Zumthor,

e doit

de

doubler,

e

supporter

t d enrichir

e

signifié.

Nous avons concentré

notre

attention ur

l organisation

es

diffé-

rents ypesde discours direct,ndirect,t pseudo-indirectibre,pourceux

qui présentaient

ne

ambiguïté

en cherchant voirde quelle

manière leurs

enchaînements,

eurs alternances

pouvaient

servir

la

narration

rève,

et

d une certaine

manière

y

suppléer.

Le choix

d un

discours

plutôtqu un

autre,

consacré

à

un

personnage

lutôt

qu un

à

un

autre,

repose

sur

une

volonté

signifiante

ui

vient

doubler,

et

parfois

même

dépasser

le récit

même.

De cette

manière,

n

pouvait

avancer

que,

faute

de

place,

e

récit

bref ravaillait

es

moyens

expres-

sion,

sa

matérialité,

n

vue d un

complément

e

signifiance.

Dans

le

peu

d espace/

emps

textuel

mparti

au

lai,

les

éléments

narratifs

ont

être

organisés

n

vue d une

efficacité

aximale

le

sens

des discoursva doubler le sens de l histoire la valeur propre de

chaque

type

de discours

direct,

ndirect

t

retransmis)

omme

a nature

de leurs

enchaînements t

de

leur succession

nous

paraissent

redire,

à leur

niveau,

a structure

niveau

muet,

mperceptible,

ais

cepen-

dant

parlant.

Une

analogie

s établit

d elle-même

ntre

la structure

urbaine,

qui

faute

d espace,

utilise

la

hauteur,

es

étages

et le sous-

sol,

et

le récit

bref,

ontraint

ne

pas

s étendre,

ui produit

du

sens

à

chaque

degré

de sa

construction.

L histoire

st

avant tout

celle

d un

rapport

de force

engagé

entre

la Demoiselleorgueilleuse, vide d indépendance,t ses prétendants,soumis à une mortelleet

maligne

épreuve.

Doon aura l heur et le

malheur

d en

triompher.

n

passe

d un

état où

la Demoiselle

orgueil-

leuse est

«

supérieure

à

Doon,

à

un état

inverse,

ù elle se

trouve

en

position

e

faiblesse, t,

plus généralement,

e

la mésentente

nitiale

qui

déclenche

e

lai

à

la concorde

finale. e

discours

direct

orrespond

à la

position

de

supériorité

e

celui

qui

le

tient,

par

rapport

au(x)

autre(s)

personnage(s)

il

est,

ogiquement,

éservé

la demoiselle

u

début

du récit.

Parallèlement

e discours

ndirect raduit

a

faiblesse

de

celui

à

propos

duquel

on en

use,

c est-à-dire

elle de

Doon

à l ouver-

turedu lai.

L ordredes discours,redoublant analysede la tramediégétique,

permet

e

repérer

uatreépisodes.

Le

premier

écrit

a donnée

nitiale

la demoiselle

y

affirme on

indépendance

n refusant

e

mariage.

Le

défi

qu elle

lance aux

prétendants

st retranscrit

n

discours

direct

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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59

opposition,

n

établissant

oncorde t

égalité

de

statut

ntre es

person-

nages.

Un tel exercice

n a d ailleurs

pas

lieu directement

ntre Doon

et la

demoiselle,

ésormais exclue

de

la

parole,

mais entre

Doon

et

son

fils,

plus apte

à

se

placer

sur le même

terrain

(guerrier

ou

discursif)

ue

son

père.

L ensemble

de

ce

quatrième

pisode

est

placé

sous le

signe

du

discours

direct,

enforcé

ar l usage systématique

e

prolepses

8)

:

aussi

bien les

paroles

de Doon

que

celles

de son

fils

sont

jugées dignes

d une relation

exacte,

qui

insiste

sur

leur statut

équivalent.

L extrêmehabiletéavec laquelle la narrationutilise les discours

dépasse par

sa

perfection

a seule économie

de la brièveté.

e

principe,

selon

equel

s établit

un

parallèle

entre

e sens de

l histoire t

la valeur

de ces discours

et de leurs

enchaînements,

érited être étudiée

dans

ses

nuances.

Le cas du discours

évoqué,

tout

d abord,

attire

particulièrement

l attention

en

effet,

l

est

porteur

une neutralité

u

d une

ambiguïté

assez forte

t ne se conforme

as

à

la

simple

mathématique

u renver-

sement. our se

servir

des

catégories

e G.

Genette,

e discours

voqué

correspond

une scène

de

dialogue

traitée

de manière

«

sommaire

,

et où

la narrationne cède

pas

la

place

à

la

représentation.

r le

sommaire ésume, où sonévidentntérêt our e récitbref. l permet,

sans

les

gommer,

e

passer rapidement

ur certains

propos,

néces-

saires à la

compréhension

u

déroulement e

l action mais

cependant

tenus

en

second

plan.

Le

discours

voqué

et son utilisation

elèvent

e

la

hiérarchisation

es

séquences

narratives,

ssentielle l économie

du

récitbref.

Dans le lai de Doon

si l on s en tenait

ce

que

l histoire t

l épreuve

que

la demoiselle nstaure semblent

être,

les

scènes transmises

u

discours

évoqué

devraient être

au discours direct.

Théoriquement

c est-à-dire,

i la demoiselle

ne trichait

pas,

ne

pipait pas

l épreuve.

Et, à lui seul, le discours évoqué offreun indice de suspicion si

l épreuve

était dans la traversée

de

la

mer,

pourquoi

le récit n en

ferait-il

as

plus

de cas ? Mais

la tricherie e

la

demoiselle

st double.

La

première

use,

est

l épreuve

dissimuléedu sommeil.

Doon

ayant

déjoué

le

piège

du

sommeil

mortel

demande la

récompense

due

aboutissement

ormal et

primordial

e

l épreuve.

Or la demande

du

«

covenanz

est

au discours

évoqué.

Ensuite,

a demoiselle

redouble

l épreuve,

e

qui

explique

l effacement es succès

précédents.

Ayant

triomphé

e cette

econde

preuve,

oon obtient

ettefois satisfaction

c est

encore e discours

évoqué

qui

est en

usage.

La fin

n est

pas

elle

devrait

être;

d autres

finalités,

autres

intentions ont en

jeu.

8. Nous

utilisons ette

notion u

sens

défini

ar

BERNARD

CERQUI-

GLINI

dans la

Parole

médiévale,

ditions

e

Minuit,

aris,

1981.

Page 62: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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60

Ces

trois

fins

de récit

possibles

et

chaque

fois

différées évèlent

l existence un

ordre

apparent

de

motivation,

t d un

ordre dissimulé

(et

réellement

onducteur)

ans le récit. Ces

ordres

répondent

irec-

tement ux

fausses ntentions t aux

intentions

achées des deux

prota-

gonistes.

Dans la

premièrepartie

du

récit,

c est la

demoiselle

qui

impose

un

ordrefactice t un

ordre

réel,

apparent

t le caché.

Après

la

seconde

épreuve,

est Doon

qui

gère l apparent

t

le

caché,

ordre

double,

de

l immédiat t

du

lointain.

Le

récit

va

au-delà

de sa

fin

annoncé le

mariage.

Les deuxrusess inscrivent ans la matérialité u

récit,

par

le biais

de

ces

discours

évoqués,

qui trompent

attentede l auditeur.Ecrire

ces fausses

fins au

discours

évoqué

revient les

dénoncer

mmédia-

tementet

«

stylistiquement

comme

fausses. Le

paradoxe qui

naît

entre

attented un

moment

final

et donc

culminant t l effacement

avec

lequel

on

les

traite,

elance

mmédiatement

e

récitvers sa suite

et l on

peut

noter

que

la

narration

n use

pas

des

moyens

courants

(intervention

u

narrateur)

our ndiquer

une

suite de

l intrigue.

Muet-

tement,

mécaniquement,

e

discours

évoqué

relance e

récit,

n

faisant

l économie de

toute

explication.

L attente

trompée

du lecteur se

détrompe la compréhensionmplicite et insensible de la valeur

du

discours

mployé.

En

ce

qui

concerne

es discoursdirects t

indirects,

a situation st

beaucoup plus

simple

le

personnage

n situation

de force

bénéficie,

on

l a

dit,

du

discours direct de manière

exclusive.Ce

partage

des

discours

déjà

été

établi en ce

qui

concerne es

rapports

de

la

demoi-

selle

orgueilleuse

t de

Doon

il

reste à voir

comment

e

postulat

se

comporte

ans la

relationfinale t conclusivede

Doon

et

de son fils.

Ce fils st à la fois

chargé

de

conquête chevaleresque,

t de recon-

quête

affective

celle

du

père).

Il

œuvre à la

fois

pour

lui et

pour

ses

parents sa missionest de ne vaincreson père (chevaleresquement)

que

pour

mieux soumettre a mère

(affectivement).

lus,

de rétablir

ce faisant a concorde.Porteurde

l anneau,

igne

de

circularité,

l

est

le

messager

e

la

réconciliation,

e la

réunion,

ont a

figure ymbolique

est

aussi celle de

l anneau.

Doon et

son fils

s affrontent

n

tournoi,

gnorant

un

comme

l autre

identité

espective

e leur

adversaire. e filsde

Doon est victo-

rieux.Cette situation

mbiguë

se

reflète,

u niveau

des

discours,

par

l utilisation

un

intermédiaire,

t d une

prise

de

parole

de

Doon au

style

ndirect

« ...Doonfet e vallet mander

que

il

venist lui

parler.

»

(vers 233-234)

Ce n est

qu ensuite

ue

le

dialogue

pourra

s établir

directement

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62

récit

auprès

du discours

directne

disparaît

u à

la

dernière

éplique

celle

qui,

instaurant a

réconciliation,

met

fin,

ustement,

u

récit.

Si

chaque

discours

revêt,

par

ce

qu il

est,

un

sens

qui dépasse

ce

qu il

dit,

agencement

es discours ntre

eux,

au niveau

de

l ensemble

du

texte,

st aussi

porteur

de sens.

L assemblage

des

différents

ypes

de discours

déploie

une

signifiance

laquelle

nous allons nous

attacher.

Le

rapport

de force

qui

pose l impossible

nion

de Doon et de la

demoiselle

orgueilleuse,

a

discorde

dont

est

faite leur

relation

se

trouvent critsnon seulementpar l histoire,mais aussi par l énon-

ciation. l

semble

à ce

point

de vue fort

ymbolique

ue

les

échanges

entre Doon et la demoisele ne

se

fassent

amais

sur le même

plan.

Au discoursdirectde

l une ou de l autre ne

correspond amais

que

le

discours ndirect.

eur communicationst

toujours

discursivementis-

jonctée.

Ce

phénomène

éécrit

a

discordedes

personnages,

épend

de

la

situation

de

tromperie

t

de

ruse

qui

par

ailleurs

gère

l ensemble

des

échanges

discursifs.

La ruse

consiste

bien

à mener

quelqu un

ou

quelque

chose en un

but

donné,

tout

en le lui

laissant

ignorer.

On

ne

parle

que

d un

but

factice, n parvenant u but visé et caché. Elle impliquedonc un jeu

sur

les

finalités,

uvrant ur des êtres ou

des choses

qui,

eux,

sont

fixes. Elle

commande

qu en

sa

fin,

un

parcours

signifiant ui

se

donnait

pour unique

s avère double.

Que

l ime

des finalités e

soit

que

le

moyen

de

l autre. Reste

enfindans

la ruse

l obligatoire

présence

d un

être

oué, dupé.

Dans la

ruse,

e sens se

déplace

le

sens est là

précisément

ù on ne

l imaginepas.

Or,

dans Doon

tour à

tour,

a

demoiselle,

oon,

et

le narrateur e

montrent usés. La

demoiselle n

truquant

t en doublant

épreuve

elle

n est

pas

là où

elle se

pro-

clame être

dans

la

traversée,

mais,

en

fait,

dans le

sommeil).

Plus

généralement,

a finalité

est

pas

de

se trouver n

époux,

mais de

les

éliminer. oon alliant a force l ingéniosité e dortpas,puis triomphe

de la seconde

épreuve.

Mais son

défi,

ui

consiste

partir

u

moment

où il a

triomphé,

attaque

au

fondement e la

ruse

de la demoiselle

sa

volonté

d indépendance.

oon,

après

avoir

conquis,

décide

qu il

doit

à

son

tour

être

conquis

il

laisse cette

tâche

à

la

demoiselle

mpre-

nable,

qui l accomplit ar

l intermédiairee

son

fils. l

ruse

en

dédai-

gnant

a

dédaigneuse,

n

abandonnant

pour

être

reconquis,

t

pour

mieux

triompher.

A trne

use en succède

une autre c est ce

qu explique

a

disjonc-

tion des

discours,

ui

en

provient

ailleurs

directement.

a

demoiselle,

puis Doon, ayantchacun des desseins cachés,n entrentamais dans

une

relation

franche

ils

s échappent

mutuellement.

a

dernière

séquence

du

récit,

n réunissant es

égaux potentiels,

oon

et son

fils,

marque

aboutissement e la

ruse et

la

mise

au

jour

du dessein

caché.

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63

D une

manière

significative,

anneau

de

reconnaissance

ue

porte

le filsde

Doon

est

aussi

le

signal

et le

symbole

de

la

réunion

t

de la

réconciliation. est

par

l intermédiaire

e

la ruse et de

l anneau

que

se

forge

une entente éelle. S il

faut

ces

médiateurs ans

l histoire,

l

en

faut

aussi

dans

le

passage

du récit

au

discours,

es

prolepses,

comme,

plus

concrètement,

l

faut entremise

un

valet

pour

que

le

dialogue

commence.

Jusqu aux

16

longs

vers

narratifs e

Doon,

l inter-

vention

du

narrateur st

au

cœur des

échanges.

Ce

n est

qu à

la

dernière ntervention

u

fils

vers

271

«

-

Sire,

fet

l,

s est

vérité.

)

que le discoursdirect établit ans le recoursdu narrateur les paroles

du fils

succèdent,

narrativement

ans

rupture,

celles

de

Doon.

La

parole,

à

l image

de

l anneau,

circule une

parole

franche,

e

même

nature et

sans

intermédiaire,

riomphe

t

s impose

en

même

temps

que

la concorde installe.Cette

parole

franche

tant

rétablie,

e

récit

se

tait,

comme

s il n était

généré

que par

ce

conflit.

Esthétiquement

t

symboliquement,

anneau

régit

la

structure

finale au cercle de la

bague correspond

elui de la

parole

et celui

des

êtres.

Le

texte,

n son

début,

mettait u

contraire n scène

(et

en

écriture)

image

de

la

disjonction

t de

l incommunicabilité,

ont

ce

vers

paraît

une

belle

inscription

«

Baiart

erre,

e

cisne vole.

»

(vers

145)

La

répartition

es discours en fait

e

porte-parole.

insi es

discours

sont-ils

oublement

orteurs

de

sens

par

ce

qu ils

disent et

par

la

manière

dont ls le disent.Dans l ordredu

récit,

our adopter

a termi-

nologie

de E.

Benveniste,

es discours

font

objet

d une

mise en scène

muette,

ui

raconte

ncore,

sa

manière,

histoire.

L étude

des

discours

en

leur

nature

propre

ne

peut

se

départir

d une

observation

ur a

nature t la

signification

e

leurs

agencements.

La

volontéde faire

ressortir

n

premier lan,

a

volonté

de

varier,

ui

entrepour beaucoupdans le souci de brièveté,ont ici les guidesdes

choix

qui s opèrentpour

la retransmission un

dialogue.

Non seulement

fficaces

u

point

de vue de

la

brièveté,

ar

leur

aspect

partiel,

t

leurs variations

e

style,

es discours

des

personnages

ne se contentent

as

de surcoder

e

récitbref. ls en

organisent

e

sens,

orchestrenta

progression

t

son

dénouement. es

discours

en

disent

donc

plus

qu ils

ne

sont

pparemmenthargés

de

dire.A

la findu

texte,

la

réconciliation

este si

implicite, u il

convientbien de

penser

que

sa

compréhension

mane

directement e celle de

la

naturedes

discours.

L énonciation

ouble,

u

dernier

moment,

énoncé

la narrature

rend

le relais

de

la

narration.

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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Jean-Charles

HUCHET

L' «

AMOR

DE LONH »

DU GRAMMAIRIEN

Avec

ses

quelque cinq

cents noms de

troubadours,

es deux

milleseptcentspièces réparties ur à peinedeuxsiècles et demi, a lyrique

occitane

médiévaledemeureune

des

textualités es

plus

denses et

les

plus

importantes

e

l'Occident.

Alors

que

le

MoyenAge

avait

disparu

de la

scène

culturelle,

'intérêt onstant

qu'elle

ne

cessa

de

susciter,

de Jeande

Nostredame

Sade,

de

Stendhal Péladan et

à

Ezra

Pound,

tient ce

qu'elle

parvint

s'identifier la

langue

même

de

l'amour.

Que

cette

poésie

ait

enté ses

plus

chastes

efflorescences

t

ses

louanges

mariales sur

les

pièces

obscènes du

comte de

Poitiers

constitueun

paradoxe,

bientôt doublé

d'un

second

l'amoureux

pourpris,

la

«

reverdie

appelait,

u XIIe

s.,

au

renouveaudu

désir,

ne

laisse

plus

éclore, u XIVe s.,qu'unefleur e rhétorique. e testament ans lequel«

Amors édicté

es lois aux

mainteneurs e la culture

roubadouresque

n'est

qu'un

édifiant

raité

de

grammaire.

Aux affres u

désir et aux

folies du

corps,

les

Leys

d'Amor de

Guilhem

Molinier

substituent

l'amour de

la

langue.

Cet

austère

infléchissemente

la

«

firiamors

,

qui

paraît

épouser

la

courbe

descendantedu

désir

satisfait,

ourrait

n'être

que

l'avatar

ultime d'une

décadence

de la tradition

roubadou-

resque,

impulsée

par

la

reprise

en main

idéologique

et

religieuse

consécutive la

Croisade

contre

es

Albigeois

1).

Dans

le

prologue

de

la

version

courte

(2)

de

ses

Leys

d'Amors

G.

Molinier

reconnaît e

pouvoir

moralement

épressif

dévolu à

la

1.

C'est,

implifiée

l'extrême,

a thèse

de R.

NELLI.

Cf.

L'Erotique

es

troubadours,

ééd.

Paris,

10/18,

974,

.

2,

p.

75-198.

2.

La version

ongue

es

Leys,

n

cinq

ivres

Ms. X,

Toulouse,

Archives

de

l'Académie

es Jeux

Floraux,

00.007),

ommencée

ers 1328

t

terminée

vers

1337,

été

éditée

par

A.F.

Gatien-Arnoult

Las

Flors del

Gay

Saber

estier

dichas as

Leys

d

Amors, vol.,

Toulouse,

841-48).

ette

ditionne

satisfait

lus

aux

exigences

hilologiques

nous

y

recourons

ependant,

faute

d'avoir

eu

accès à

l'édition

artielle

e

cette

version

ournie

ar

G.

GonfroyLa

Rédaction

ongue

n

prose

des

Leys,

Thèse

pour

e

doctorat

de

ycle,Poitiers,

981).

La

version

ourte,

n

trois

livres

Ms. Z,

Toulouse,

Archives e

l'Académie

es Jeux

Floraux

500.006),

onstitue

a

version

éfinitive

n

prose

des

Leys

commencée

n mai

1355,

lle

a été

achevée u débutmai 1356Ed. J.Anglade, as LeysdAmors,Manuscritde l'Académiees JeuxFloraux, vol.,Toulouse-Paris,919-20).e manus-

crit Y

(Barcelone,

iblioteca

entral,

39) contient,

u

folio 82

recto au

folio 157

verso,

une

rédaction n

vers

des

Leys

exécutée

e 1337

1343

(Ed.

J.

Anglade,

Las Flors

del

Gay

Saber

,

Membriese

l'Institut

'estudis

catalanes,

/2,

926,

. 33-121).

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65

grammaire

t voit dans

la

«

fin'amors

un

excès,

un dévoiement

ď

«

Amors

qu'il

faut redresser

«

L'autra

razos es

per

refrenar

os avols deziriers

els

dezonestz

movemens

del enamoratz

e

per

essenher

de

qual

amor devon

amar»

(Gatien-Arnoult,

p.

cit., ,

p.

2).

«

La dernière

aison

(de

composer

es

Leys)

a été

de

réprimer

es

désirs insensés

et les

mouvements éshonnêtes

es

amoureux

et

pour enseigner

e

quel

amour

l convient 'aimer

.

De

quelles

vertus

«

thérapeutiques

et

«

pédagogiques

les lois de

la

grammaire

ont-elles

otées

pour

ainsi

dissiper

e malaise

qui

entoure

«

Amors

?

pour

ainsi s'identifier

celles ď

«

Amors

enfinrendue

à son essence

? Dans le

livre de

la

version

ourte,

G.

Molinier

épond

à cette double

question par

une

allégorie.

Les

Leys

ď Amors

y

appa-

raissent

comme

la formalisation

e la

«

Gay

Scienza

»,

elle-même

émanation

e

«

Philozophia

représentée

coma

una

dona

de tan

gran

valor

e nobleza

(Anglade,

,

p.

72).

Objet

du désir

épistémologique,

«

Philozophia

remplace

a

«

domna des

«

antics trobadors

. Elle

se

divise en troisdisciplines en « logical (la logique), « natural (les

sciences

naturelles)

t

«

moral

(l'éthique).

a

«

Grammatica

,

où sont

édictées

es

«

leys

,

fait

partie

de la

«

scienza

logical

qui

abrite tous

les

modes de

formalisation.

'autre

part,

grâce

à

un

rapprochement

«

étymologique

comme es

aime le

Moyen

Age,

«

Philozophia

équi-

vaut à

«

Amors

:

«

Philozophia

e

deshen

e.s

deriva

d'aquesta

dictio

greca

"philos"

que

vol dire

Amor,

per

so Amors

pot

esser

dicha

mayres

de

Philozophia

er

que premierament

avemmostrat

u'es

Amors

ue

tractat

philozophia

(Anglade,

,

p.

72).

«

Philosophie

rovient

t dérivedu mot

grec

"philos" qui

veut dire

"Amour",

c'est

pourquoi

"Amour"

peut

être dite

mère

de Philo-

sophie

et

c'est

pourquoi

nous

avons montré

qu'amour

traite de

philosophie

.

La

«

grammatica

,

dans le

temps

où elle édicté es lois

de la

langue,

promulgue

elles

de

l'amour.

L'allégorie

mage

une

logique

et fictionne

une continuité ntre

e redressement

«

Amors

et la

grammaire,

à

la

critique

n'a voulu voir

qu'une

rupture,

voire un reniement.

Soumettre

a

langue

et l'amour

une

même

oi,

n'est-ce

as proposer

a

langueà l'amour fairede la langueun objet d'amour et,d'unmême

geste,

nviter

se retourner

ers l'excès des

«

avols

deziriers

qui

laissent

«

Amors

sans

lois,

en

proie

à

l'indicible,

fin de dévoiler e

fantasme

upportant

e désir

du

grammairien

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66

La

«

fin'amors

»

et le «

sobreplus

»

Les

«

avols

deziriers

ls

dezonetz

movemensdel

enamoratz

vitu-

pérés

par

G. Molinier ne laissent

pas

de

nous

ramener

au

«

juoc

d'amor

auquel

le

comte

de

Poitiers,

premier

troubadour

connu,

conviait on

auditoire.Avec

génie,

e

troubadour réussi à fairenaître

l'érotique

a

plus

continente e toute

a

culture ccidentalede

«

gab

»

obscènes.

L'obscénité

dévoile e malaise sexuel où s'enracine a

«

fin'

amors et en nomme a cause du côté de la femme.Dans Companho,

farai

un vers

covinen,

e comte se déclare

partagé

entre« dos cavais»

qu'il

lui

faut chevaucher

si

l'une

des

juments

accepte

d'être

montée,

l'autre

«

dei bailar

si

defen

(v. 15) (3),

se dérobe

à l'étrille.Le

sens

sexuel de la

métaphore

se dévoile dans l'avant

dernière

«

cobla

»,

lorsque

les

deux

juments

cèdent la

place

à

deux

femmes

Agnes

et

Arsen. a

proximité

honétique

es deux noms

4)

donne

penserqu'il

s'agit

d'une même

figure

édoublée,

d'une

image

de la femme

divisée

par

la

jouissance

qu'en

tire e comte

et

incomplètement

ossédée.

Le

«

jauzimen

pris

au

corps

de

la femmene livre

pas

le

secret

de son

altérité

cf.

a bestialité

des

«

cavais

»)

mais,

à

l'inverse,

élimiteune

partd'insaisissable ui est aussi un indicible. Lo fach , l'acte sexuel,

n'est

pas

rapport,

t la sexualité 'avère

marquée

d'une faille

magée

par

la

division e

la

femme.

'image

demeure

ependant

n

instrument

impropre

la saisie de ce

qui

se dérobe elle fait

voir,

dans un autre

registre.

La faille

sexuelle

n'est

pas représentable,

u domaine

de

l'imaginaire.

Les

«

dos

cavais

»,

Agnes

et

Arsen,

réapparaissent

ous

les

traits

d'Agnes

et

Ermessen,

que

le

comte,

déguisé

en

pèlerin,

doit

foutre

«

cent

et

quatre

vinz

et ueit

vetz

(

Farai un

vers,

pos

mi

soneh,

v.

80).

La

part

dérobéeest excès. Marcabru

onne

contre es

«

putas

ardens

dont

les

«

con

son

deziron

e raubador

(5) ;

la dame

avec

laquelle

tensonneMontandévoile, vec une impudeurnégaléeau MoyenAge,

la

nature

sexuelle

de cet excès

«

canc

de fotrenon sui assazonada

e ai

tengut

os

anz

un

capellan,

e(s)

clergues

tota

sa

masnada

»

(6)

«

jamais

de foutre

e

ne

suis rassasiée et

j'y

ai

employé

durantdeux

ans un

chapelain,

es

clercs

et

toute

sa

domesticité.

3.

Ed. N.

PASERO,

Guglielmo

X

ďAquitania.

oesie,

Modena,

973.

4.

Cf.

D.

RIEGER,

«

Guillaume

X

d

Aquitaine

t

1

déologie

rouba-

douresque. emarques

ur

l'emploi

des noms

propres

hez le

"premier"

troubadour, Romania, I, Paris,1981,t notre rticle Obscénitét "fin'amors"

,

à

paraître

ans la Revuedes

Langues

omanes.

5.

MARCABRU,

es l estornei

on

sobhda,

éd. J.M.

Dejeanne,

oulouse,

1909,

.

9.

6.

Eu venh vas

vos,

Senher,

fauaa

levada,

éd.

I.

Cluzel,

Mélanges

Rostaing, iège,

974,

.

161,

. 3-5.

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68

poraines

retiennent ous

le

terme

de

«

réel

(8).

L'éro

ique

et

la

poétique

des troubadours

peuvent

se lire comme

l'édification 'un

rempart

ontre

ce

«

réel

»

dont l'obscénitédéfinit

a

nature sexuelle.

Au

plan

de

l'érotique,

a

crainte du

«

réel

»

conduit à

renoncer

au commerce exuel.

Le

«

fach

devient

e

«

sobreplus

,

au

sens

de

ce

qui

est

en

trop,

promesse

ncertaine

lus

que

réalitévécue. Le

«

jauzi-

men est

exclu de

l'ordreď

«

Amors

:

«

Ben sai

c'anc de

lei

no.m

auzi,

Ni ja de mino.s auzira»«

Je

sais bien

que

je

n'ai

jamais

joui

d'elle

ni

qu'elle

ne

jouira

jamais

de

moi

»

dit JaufréRudel

(9),

et

remplacépar

la

valorisation

es

plaisirs préli-

minaires

qui

maintiennent

ntacte a tension

du désir où s'enracine

le chant.

BernartMarti

supplie

Dieu de le laisser embrasser

a dame

«

Mas si.m vaïlla Dieus

la bais

»

(10)

Raimon

Rigaut

vante crûment

la

supériorité

u

baiser

«

Per

qu'ieu

am

mais baisar soven

Que.l

con,

qu'amorta

o talen

(11)

« C'est pourquoi e préfèrea boucheque je baise souvent u con

qui

tue le désir .

Bernart

de

Ventadorn éclame e droit de

caresser

«

Ara

cuit

qu'e.n

morrai

(...)

si.lh

bela lai

on

jai

no

m'aizis

pres

de se

qu'eu

la

manei..

(12)

«

Présentement,

e

crois

que je

mourrai

...)

si la belle

ne

m'accueille

pas

là où

elle

couche afin

que

je

la

caresse

.

Arnaut e Mareuil oue le désirqui metà l'abri de la jouissance

«

Mais am

de vos lo talen e.l désir

que

d'autr'

aver tot

so c'a

drut s'eschai

(13)

«

J'aimemieux e désir de vous

que

d'avoir d'une autre tout ce

que

reçoit

un amant .

8.

Cf. J.-Cl.

MILNER,

L'amour

de la

langue

Paris,

1978 t Les Noms

indistincts

Paris,

1983.

9.

No

sap

chantar

ui

so

non

i,

ed. A.

Jeanroy,

es

Chansons e

Jaufré

Rudel,C.F.M.A., aris, 974,

. 25-26.

10.

Amar

dei,

éd. E.

Hoepfřner,

es Poésiesde

Bernard

Marti, .F.M.A.,

Paris, 929,

.

24.

11.Tota

domna

que.m

don s'

mor,

d. P.

Bec,

Burlesque

t Obscénité

chez es troubadours,aris,1984, . 54,v. 16-17.12.Poitzpreyatzme, senhor, d. M. Lazar,Les Chansons 'amourde

Bernart

e

Ventadorn,aris, 964,

. 30-34.

13.Si

cum i

peis

an en

raiga

lor

vida,

éd. R.C.

Johnston,

es

Poésies

lyriques

u troubadour

rnault e

Mareuil,

latkine

eprints, enève,

973,

v. 19-20.

Page 71: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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69

La

«

fin'amors promeut

une

éthique

de

l'affinage

u désir

(Guiraut

Borneilh

parle

de

«

fin

talan esmerai

)

conduisant

un culte de la

souffrance.e troubadour

ouit

de la croix d'un désir voué à l'insatis-

faction t

mime,

dans la

langue

du

poème,

'acte

auquel

il a

renoncé.

La

sensualité

erceptible

hez

maints roubadours e doit

pas

leurrer

elle ne

témoignepas

d'un

débordement

e lascivité

en

cela elle ne

fournit

as

un

reflet es

comportements

moureux

réels),

elle ne fait

que

rêver,

l'optatif,

ces

débordements elle

ignifie

a

langue

du

poème

de

l'incandescence

u désir et

conduitun deuil heureux

de

la

jouissance. Plus réaliste,Matfred'Ermengautntroduira, la fin du

XIIIe

s.,

le

«

fach

dans le

cadre

du

mariage

cf.

Le Breviari

ď

Amors,

v.

32656-62).

enoncement

l'adultère,

ui,

mal

gré

qu'en

ait nombre

de

critiques,

ut

a

pierre

d'angle

de

la

«

fin'amors

,

le

mariage

ontient

le

«

jauzimen

dans un cadre

symbolique

suffisamment

ort

pour

domestiquer

es

effets

e

«

réel . Le

«

fach

n'apparaît plus

comme

le lieu de la désunion e l'homme t

de la femme

uisque

Dieu

garantit

le succès

de la

rencontre

l'enfant naîtreen

fournira

ltérieurement

le

signe.

La

«

fin'amors

oscille entre

e

sacrifice

u

«

jauzimen

et

l'élévationde

garde-fous

ymboliques

onstituant

n renoncement

son

esprit.L'art poétique des troubadours 'enracine ui aussi au cœur du

malaise sexuel dévoilé

par

l'obscénité.

L'excès de

lubricité dont

le

misogyne

rédite

a femme

ui revient omme un

trop peu

affligeant

sa

propre

sexualité.Le

mari

refusant,

hez Guilhem

de

Saint

Didier,

de donner e

«

sobr

plus

»

à son

épouse

est

déclaré

carent

par

celle-ci

le comte de Poitiers

voit une dame

lui

reprocher

'insuffisance

e

dés

vostre

datz

son

menuder

)

l'empêchant

e

redoubler a mise

(«et

ieu

revit vos

a

dobler

)

(14).

A

celui

qui

connaît

a

défaite

dans

le

«

juoc

dousa

»,

il

ne

reste

plus

qu'à

se montrer maistre

erta

dans

l'art

du

«

trobar

,

à

inventer

n «vers»

(cf.

les

«

Farai un vers

..»),

puis à vanter es talentsde poète (« ieu portd'aicel mester a flor ,

Ib.,

v.

4),

commeil a exalté ses méritesd'amant

ieu soi be d'est

mester

, Ib.,

v.

39).

«

Fotře et

chanter 'avèrent

ncompatibles,

insi

que

le

laissent

deviner

es termes

volontairement

mbigus

de

cette

«

cobla

»

échangée

par

Peire Cardenal

et

Uc de Maensac

«

E

quan

vos enformatz

on

gant,

Autre

nforma

son)

lauri

Dont

vos

anatz

brezanejant

(15)

«

Et

tandis

que

vous

lui enfilez

on

gant,

un autre

ui enfile 'oreille.

C'est

pour

cette

raison

que

vous

grommelez

.

A la

place

d'une

copulation

une

«

cobla

»,

une

strophe,

mot

dont

l'étymologiequivoque de « copulare ) assure e passage du sexuelau

14.Ben

vueill

ue sapchon

i

pluzor.

. 51-52.

15.

Ed. P.

Bec, op.

cit.,

p.

45,

v. 10-12.

Page 72: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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70

poétique.

La

copulation

des mots

et

des

sons,

génératrice

e

l'ivresse

du

«

joy

»,

maintiendra ans le

poème

la

fiction e l'union

des

corps

dans

le

«

jauzimen

. L'

«

entrebescar

e

los

motz

donnera à voir

l'enlacement

«entrebescar»)

des

corps

dans

l'amour;

la

langue poé-

tique,

affinée

par

le

désir

insatisfait,

ente

de

suppléer

au malaise

sexuel

«

C'aisi vauc

entrebescant

Los motz e.l

so afinant

Lengu'entrebescadaEs en la baizada.»

(B.

Marti,

Bel m'es lai

latz

la

fontana

v.

60-63)

«

J'enlace

les mots

et

j'affine

a

mélodie,

comme la

langue

est

enlacée

dans le baiser ».

Il

appartiendra

la

poésie

de solder es

comptes

du

con

(cf.

Companho,

tant

ai

agutz

ďavols

conres du comte

de

Poitiers)

par

un

compte

des

syllabes

du

«

compas

»

(du vers)

la dérisoire

rithmétique

e la futu-

tion,

ncertaine

pproche

du

«

sobr

plus

»,

cédera la

place

à

la virtuo-

sité

métrique

qui

fait,

plus

que

la

thématique

moureuse,

'essentiel

de

cette

poésie.

La

rythmique,

ont

se soutient

'écriture

poétique,

délimitera a place du « sobreplus et en délivrera, u-delà des mots,

dans le

pur eu

musical.

La

langue

et le «

sobreplus

»

Lubricité

t

tromperie

'équivalent

la

quête

effrénée

u

«

jauzi-

men

conduit

es femmes u

mensonge

«

Eyssamen

on domnas trichans

E sabon trichar t mentir,

Per

que

fan

los

autrus enfans

Als

maritz

enere

noyrir,

(Marcabru,

Hueymaisdey

esser

alegrans

v.

22-25)

«

Les

dames sont

également

rompeuses

t

elles savent

tromper

t

mentir,

'est

pourquoi

lles font

arder

es

enfants es

autres leur

mari

.

Le

mensonge

st la

part

dérobée

de la

vérité

t

de

langue

appelée

à la

dire.

Dans le même

temps,

e

«

fach

divise

a vérité t

la

langue

il

délimitedans la

langue

un

«

sobreplus

(du

«

réel

)

à

quoi

les

mots

manquent.

n

d'autres

termes,

l

y

a du

«

réel

»

dans la

langue parce

qu'il y a un « réel» sexuel.ChezMarcabru, e dévoiement e la vérité

par

les mauvais troubadours

qui

font le

jeu

de

«

Fais

Amors

,

ď

«

amar

»,

de

l'amour

sensuel,

se lit dans la

brisure

affectantes

mots

Page 73: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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71

«

E

fant os

motz,

per

esmanssa,

Entrebeschatz

e

fraichura,

(Per

savi.l

tene ses

doptanssa

v.

11-12)

«

et

font,

ar

à

peu

près,

es mots entremêlés

e

brisures .

Divisé,

e

plan

sémantique

de

la

langue

est

la

proie

du

«

sobreplus

;

les

connotations exuelles du verbe

«

entrebescar font

s'équivaloir

la

faille

du

langage

et la division exuelle.La brisure

des mots

met en

péril

a

production

u

sens les

«

fais

amadors

acceptant

e

«

fach

accordentqu' «Amors s' mor ia » (Ib., v. 52), qu'Amourdevienne

amoureux.

A

terme,

'ensuit une confusion

généralisée

du

langage

«

Costans es

costanssa

,

Constantdevient

constance,

e oui

s'enlace

au

non

Entrebescat

oc e no

»,

L'iverns

vai e.l

temps

'aizina,

v.

40).

Impossible

dès

lors de discriminer

e nom

propre

du

nom

commun,

le

masculin

du

féminin,

e

oui du non la

langue

est vouée

au chaos.

Le

«

sobreplus

de la

langue

se

présente

omme un

défaut

de

discer-

nabilité,

'absence de

«

leys

(de lois)

permettant

e fonctionnement

du

principe

de

contradiction

«

hoc

»

vs

«

no

»)

à

partir

duquel

se

déploient

es

paradigmes

outenant ous

les niveaux

de

la

langue.

Le

«

sobreplus apparaît

simultanément

omme

une

déchirure

(une

brisure),une insuffisanceadicale,et comme le non structuré e la

langue

il

porte

en

lui

l'exigence

'une combinatoire

tructurante

ont

la

«

ley grammaticale

ournirait

'épure.

On le

voit,

il

n'y

a

pas

rupture

ntre e

champ

du

«

jauzimen

et

celui de

la

langue

ce

qui,

dans

l'un

et

dans

l'autre,

touche

au

«

sobreplus

demeure ndicible

et

passible

d'une formalisation

raçant

a limite d'oubli

à

partir

de

laquelle

un discours est

possible

et la sexualité

heureuse.

Les

gram-

maires

occitanes,

ui

éclosent

u

XIIIe

s.,

apparaissent

omme

autant

de

façons d'apprivoiser

e

«

sobreplus

de la

langue,

au même

titre

que

la

«

fin'

mors

déploie

son

érotiquepour

oublier

e

malaise sexuel

où elle s'enracine.

e

parallélisme

utorise

e

grammairien

jouer

les

moralistes t la grammaire tenter e rémunérera faille sexuellequi

affecte

ussi la

langue.

D'où,

sans

doute,

ces

«

grammaires

rotiques

,

dont a tradition atine

se

renouvelle

n

langue

d'Oc.

La

nomenclature

grammaticale

resse

ainsi

la taxinomie

es

postures

moureuses

«

Midons

m'es

emperativa

Car

mi

consent

optatiu,

E

si.m

fos

indicativa

Que.m

mostres on

conjunctiu,

For' amors

infinitiva

E

quar

em

correlativa,

Volgra

de mi

far

actiu

E de lei fairepassiva. (16)

16.Cobla

d'un bâtarddu roi

d'Aragon,

d. P.

Bec,

op.

cit.,

p.

129-30,

v. 1-8.

Page 74: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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72

«

Ma

Dame m'est

mpérative

ar

elle me

permet

'optatif,

t si elle

m'était indicative et me

montrât

son

conjonctif,

nos

amours

seraient

nfinitives et

comme

nous

sommes une

corrélative,

e

voudrais moi

me

rendre ctif

pour

la

rendre

lle

passive

.

Les

termes

grammaticaux

la

rime,

ous

empruntés

la

morphologie

du

verbe,

nventorient

es

modalitésd'un

«

procès

amoureux

qui

ne

se

réalise

pas

;

la

grammaire

'entretient

as

l'illusion

d'un

accomplis-

sement

de

l'acte

mais,

à

l'inverse,

ouligne

une désunion

radicale,

rapportéepar

l'alternance

des

rimes

en

/a/

et

/iu/,

la

différence

sexuelle t au « sobr plus» incarnépar le plus grandnombrede rimes

féminines

cinq

en

/a/

pour

trois

en

/iu/).

Convoquée

au secours de

la

poésie,

la

grammaire

rend

acte du

non

rapport

structural ntre

les

sexes.

L'équivoque

propre

à

chaque

terme met en valeur un des

thèmes

de la

«

fin'

mor

»

:

l'inexorabilité e la Dame

imperativa

),

la

valorisation u

désir

«

optatiu

)

aux

dépens

du

«

fach

,

a

prégnance

de la

pulsion

scopique

visant

l'inaccessible

objet

cause du désir

(«m

mostres

son

CON-junctiu

)...

Lorsqu'elle

leste

d'imaginaire

es

paradigmes

n

empruntant

la

«

fin'amors

ses

thèmes,

a

grammaire

échoue à

rémunérer

a faille

exuelle.Elle

n'y

parviendra ue

dans son

champpropre, n affinantes

«

leys qui définissenta combinatoiredont se soutient a dimension

ymbolique

de la

langue,

sans

laquelle

rien

n'est

articulable,

a vérité

e

mêle

au

mensonge,

'

«

entrebescat

hoc

e

no

».

L'apparition

des

grammaires

occitanes

prend

acte de

l'échec de la

«

fin'amors

à

oublier e malaise

sexuel mis à

jour

par

les

pièces

obscènes de

quelques

troubadours.

Que

les

grammairiens

soient aussi

des

poètes

(cf.

Raimon Vidal de

Besalu,

Joffre e

Foixa,

Raimon du

Cornet,

Guilhem

Molinier...)

souligne l'impuissance

du

«

trobar à

rémunérer n

défaut sexuel et

témoigne

de

la

volonté

de

le traiter

dans le

champ propre

de la

langue,

sans référence

la

sexualité.Cet

infléchissemente la

pratique troubadouresque,

utre

qu'il explique e moralismed'un G. Molinier, ignel'avènement e la

linguistique

ccitane.

es derniers

ers

de la

Doctrinaď Acori de Terra-

magnino

e

Pise

(fin

XIIIe

s.)

illustreraiente

changement

e

perspec-

tive.

Après

avoir étudié la

morphologie

u substantif t du

verbe,

l

achève sa Doctrinaen

suppliant

es

amants d'intercéder n sa

faveur

auprès

de la Dame

sans merci

ui

lui

a

inspiré

e traité urant eur

sépa-

ration

cf.

v.

803-08) 17)

le texte e clôt sur le mot

«

Acort dont le

double

sens

de

«

traité

,

de

«

genrepoétique

,

et ď

«

accord

(gram-

matical et

sexuel),

de

«

concorde

,

assigne

au

traité de

grammaire

a

fonction 'établir

a

«

concorde entre es

sexes,

où elle

manque.

17.Proemi e Doctrina

Acort,

d. J.H.

Marshall,

he

Razos

de Trobar

of

RaimonVidaland associated

exts,

ondon,

972,

.

29-53.

Page 75: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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73

Le

troubadour,

le

grammairien

et la

«

ley

»

L'activité

du

grammairien

rolonge

elle

du troudabour.

e

propos

de Raimon

Vidal de

Besalú

(début

du

XIIIe

s.)

se

veut

résolument

pédagogique

ses

Razos

de

trobaront

pour

but de

faire

connaître

e

«

corpus

troubadouresque,

quais

trobadors

n

mielz

trobat

t

mielz

ensenhat

et

«la dreicha

maniera

de

trobar

(18).

Le troubadour

détient

un savoir

sur le

«

trobar

et la

«

parladura

qui

lui donne

corpsque le grammairiene propose

de recueillir

t de

divulguer.

a

créationd'un concourspoétiquepar les septmainteneurs u «Consis

tori del

Gay

Saber

»

de Toulouse

en 1323

n'a

d'autre

fonction

ue

de

faire

venir de

«

diversas

partidas

de

la terra

d'Oc

»

«

mant

trobador

am lor

dictatz

(

Les

Leys

ď

Amors,

éd.

Anglade,

,

p.

13)

et

d'en

recueillir

e savoir

afin

de

préparer

es

«

leys

de

la

«

Gay

Scienza

».

Dans tous

ces

traités,

a maîtrise

du

troubadour

ur

la

langue

n'est

affirmée

ue

pour

être

aussitôt

démentie,

ue jusqu'au

point

l'on

dévoile

a faille

qui

la

mine

«

veses

molt dels

trobadors

faillir

per

no

saber en llurs

trobar

»,

dit Jofre

e Foix à

(fin

XIIIe

s.) (19).

Sujet

à

l'erreur,

ujet

de

l'erreur,

e

troubadour

oit

céder

le

pas

au

gram-

mairien, ésormaisdétenteur e toutle savoir sur la langue en tant

que

sa

pratique

a faitexister

n dehors

de ses

incarnations

ittéraires.

Objet

étudiable,

a

«

parladura

naît de

la décision

du

grammairien

qui, supposant

ne

«

droiture

appelée

à

faillir ans

toute

performance,

la rend

autonome,

rréductible

ux

«

cansos

»

et aux

«

sirv

ntes

elle

prend

orps.

L'arbitraire e

cette

«

droiture

la

dreicha

maniera

de trobar

)

fonde a

«

ley

permettant

'épurer

a

«

parladura

utilisée

dans

les

pièces.

La

«

fina

parladura

,

tout comme

la

«

fin'

mor

»

produite

par

l'affinage

«

Amors

à

partir

de

l'obscénité,

'identifie

à

la

«

ley

,

au

titre

de ce

qui

se

déduit

des

poèmes,

à

un

«

objet

»

sans

consistance,

dreyt

nien

,

ou

«

objet

»

d'un

«

amor de

lonh

.

La

«parladura « fina , tout comme 1' « amor de lonh de Jaufré

Rudel

(20)

est

l'objet

d'un

désir,

e

produit

d'une

tension,

'un

travail

qui,

l'identifiant

la

«

ley

,

en fait

un

pur jeu

formel,

ne

combina-

toire.

La

«

fina

parladura

incarnerait

a dimension

ymbolique

de

la

langue.

Le concours

poétique

instauré

par

les mainteneurs

e

Toulouse

connut,

ous

dit e

prologue

de

la version

ourte

des

Leys,

un

immense

succès.

Les

nouveaux

poètes,

se

mettant

l'école

des

«

antics

troba-

dors

»,

produisirent

antde

pièces

que

les

juges

eurent

es

plus grandes

difficultés

départager

es

concurrents.

'impossible

réapparaît

ici

18.

Razos

de

Trobar,

d. J.H.

Marshall,

p.

cit.,p.

2.

19.

Regles

de

Trobar,

d.

J.H.

Marshall,

p.

cit.,

p.

56.

20.

Cr.

Lanquan

U

jorn

son

ione en

may.

Page 76: Medievales - Num 9 - Automne 1985

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74

sous

la forme

'un

impossible juger

une

textualité

ui,

passant pour

être 'héritière irectede celle

attribuable ux

«

antics trobadors

,

la

métaphorise

t

incarne un

«

sobreplus

. Dans sa

profusion

t son

renouveau

narchique,

a

production roubadouresque eprésente

'im-

possibilité

e

discriminere

«

bon

»

du

«

mauvais

,

le

«

poétique

du

«

non

poétique

,

e

«

grammatical

de

1'

«

a-grammatical

.

Le

prologue

désigne

dans

l'exubérance

roubadouresque

n

impossible

structurer.

La

langue

des

«

antics

trobadors

supporte

donc le non

structuré,

e

non

réflexif,

e

«

sobreplus

de la

langue,

ce

qui jouit

de sa

propre

proliférationans l'exercice d'une poésie sans théorie et en attente

d'ime

«

ley

,

de

l'édification

'une

grammaire

e la

langue

du

«

trobar

fixantdans

une taximonie

a

part

de

discernable.

Voici ce

que

dit

G.

Molinier

«

aquestas

leys

d'amors fam

per

so

que

ayssi

hom

puesca

trobat

plenierement

ompilât

e

ajustai

tos

so

que

denan era

escampat

e

dispaers

(Gatien-Arnoult,

,

p.

2)

«

nous avons fait

ces lois

d'amour afin

que

chacun

puisse

trouver

entièrement

éuni

et

rangé

avec

ordre

ce

qui auparavant

était

épars

et disséminé .

Les Leysmettent n terme la dispersion,tructurenta diversité t

rendent

isible

ce

que

l'exubérance

le

«

sobreplus

)

et

le morcelle-

mentrendait

mystérieux

«

Et encaras

per

autra razo

per

so

quel

sabers

de trobar o

qual

avian

tengut

escost

i

antic trobador

t

aquo

meteyst

uen

havian

paužat

escuramen

puesca

hom

ayssi

trobar claramen

(lb.)

«

Nous

avons

encore

eu

une autre

raison c'est

afin

que

cette

science

de

"trouver",

que

les

antiques

troubadours uraient tenu

cachée,

ou

qu'ils

n'auraient traitée

qu'obscurément, uisse

être

clairement

onnue

de tous

».

Les Leysdéfinissentes conditions e lisibilité es troubadourspartant,

elles

ménagent

ans

la

langue

a

place

d'un

métalangage

«

Quar

ayssi

poyra

hom

trobar

mots

enssenhamens,

motas

doc-

trinas as

quais

degus

dels anticz

trobadorsnon

han

pauzadas

»

(Ib.)

«

Aussi

l'on

pourra

voir

bien des

règles

et

bien

des doctrines

ui

n'ont

été

posées par

aucun des

anciens troubadours .

Prospectives,

es

«

leys

informeront

a

pratique

à

venirdu

«

trobar

,

rétrospectives,

lles rendrontisible ce

qui

a

déjà

été

«

trouvé

;

elles

visent

structurer,

e bout

en

bout,

e

champ

du

«

trobar

,

à ordonner

et à contenir e « sobreplus .

Le même souci de mise à

distance

de

l'impossible,

e

conjuration

de ce

que

nous avons

appelé

le

«

réel

,

œuvre dans la définition e

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75

la

«

parîadura

et dans la délimitation

éopolitique

de la

«

lenga

d'Oc ».

A Vidal commence

ar

définira

«

parîadura

naturals

ni drecha

del nostre

ingagne

en circonscrivant

ne

aire très

large

(elle

inclut

la

«

Franza

»)

baptisée

«

lemozi

:

«

Totz hom

que

vol

trobarni

entendre eu

primierament

aber

qe

neguna parîadura

non es

naturals

ni

drecha del

nostre

lingage,

mais acella

de Franza et de Lemosi et de

Proenza et

d'Alvergna

et

de Caersin. er

qe

ieu vos die

qe, qant

ieu

parlarai

de

«

Lemosy

,

que

totas

estas terras ntendas t totas lor vezinas et totas celias

que son entreellas» (op. cit.,p. 4)

«Tout

homme

ui

veut "trouver" et

comprendre

oit tout d'abord

savoir

qu'aucune

langue

n'est

plus

naturelle et

correcte

pour

"trouver"

que

celle

de

France,

de

Limousin,

de

Provence,

d'Au-

vergne

et de

Quercy.

C'est

pourquoi,

e

vous dis

que

quand

je

parlerai

de

«

Limousin

,

il

conviendra 'entendre outesces

terres,

leurs

voisineset

celles

qui

sont entreelles.

»

Terme

générique,

e mot

«

lemozi

rassemble il

homogénéise

t

gomme

les

failles

géo-linguistiques

la

«

parîadura

doit

former n

tout.

Le

«

lemozi

désigne

moins une

langue

que

le

lieu

fleurit

a

poésie

dans

laquelle

s'incarne a

«

parîadura

;

cette

région

poétique

se divise

en

micro-aires

orrespondant

ux différents

enres poétiques«

parîadura

francesca

al

mais et

(es)

plus

avinenz a

far

romanz

e

pasturellas,

mas cella de Lemosinval mais

per

far

ver e cansons

et serventes

(op.

cit.,

p.

6)

«

la

langue

française

st

meilleure

t

plus apte

à faire des romans

et des

pastourelles,

e

«

limousin

à faire des

chansons

et des

sirventes .

Le

«

lemozi

se définit ontre a

«

parîadura

francesca

,

dans

le

jeu

d'une différence.

G. Molinier

pécifie

ussi

la

«

îenga

d'Oc

»

en fonction

des terri-

toiresoù elle est

parlée

« Los autres han en lor arrest

Nostras LEYS

ques

Oc

oz

O

dizon,

Cum

so

per

so

que

mi

els s'avizo

Li

Peyragosc

.lh

Caerci

Velays,

Alvernha,

emozi,

Rozergue,

otves,Gavalda,

Agenes,

Albeges,

holza

Yssamens son

de nostra mers

Carcasses,Narbona,

Bezer

E

tug

cil

que

son

lor sosmes

E

Montpeslier

t...

(Anglade,

I,

p.

178-79).

«

Les autres ont en leur

jugement u'appartiennent

nos

lois

les

contrées ui disent Oc" ou "O", comme on s'en aperçoitmieux

avec

le

Périgord,

e

Quercy,

e

Velais,

l'Auvergne,

e

Limousin,

e

Rouergue,

e

Lodevois,

e

Gevaudan,

'Agenais, 'Albigeois,

e Tou-

lousain.Sont

aussi de notre oi

Carcassonne,Narbonne,

éziers et

tout

ce

qui

leur

appartient,

e

même

Montpellier

t...

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76

Cette délimitation e

la

«

lenga

d'Oc

»

s'effectue

râce

à

un double

retranchement,

ui

porte

en

premier

ieu

sur les marchesorientales

les terres

l'est du Rhône

Provence

t

Dauphiné)

ne sont

pas

nommées,

et

sur la marcheméridionale

la

Catalogne

st exclue en

second

ieu

à l'intérieurmême

du domaine

par

le

rejet

du

gascon

défini omme

«

lentgaje

estranhs

(21)

«

Et

appeļam lentgatge

stranh

francés,

ngles,

espanhol,

gaseo

lombart,

avares,

ragonés

granre

'autres

(Anglade,

II,

p.

164).

«

Nous

appelons angues étrangères

e

français, 'anglais,

'espagnol,

le gascon, le lombart, e navarrais, 'aragonais,et une grande

quantité

d'autres

.

G.

Molinier

relègue

dans les

marges

de

la

«

lenga

d'Oc

»,

le

«

réel

»,

le

«

sobreplus

,

en

l'enfermant ans la

catégorie

de 1'

«

estranh

.

Circonscrit,

pprivoisé,

'

«

estranh n'entrave

lus

l'activité

du

gram-

mairien

la

«

ley

qui,

jusqu'alors,

a fonctionné omme

pur pouvoir

de

discrimination,

ourra prendre

a

«

parladura

dans

le

filet

ymbo-

lique

tissé

par

le

déploiement

e ses

paradigmes.

La

«

parladura

,

comme

«

Amors

,

est enfin

«

fina

,

pure,

sans

faille,

à

l'abri d'une

faillitemesurable l'aune de la sexualité.Tout de

la

«

parladura

et

ď «Amors pourradonc se dire,puisqu'elless'avèrent ans au-delà,sans «

sobreplus

résistant la

symbolisation.

a «

parladura pourra

ainsi

être toute

possédée,

comme cette

«

dita nobla

poderoza

e

vertuoza

Dona trobar

(Anglade,

,

p.

9),

grâce

aux

«

leys

qui

l'édictent.Posséder toute

la

langue grâce

aux

«

leys

pour

oublier

que

la

«

domna

,

ou

«

Amors

,

ne

peut

l'être

toute,

telle serait

la

visée du désir

du

grammairien.

La lettre et

le

tout de la

langue

Circonscrite ans ses limitesgéographiques t administratives,a

«

lenga

d'Oc

»

peut passer pour

le

«

tout

de la

langue.

L'instrument

d'approche

de ce

«

tout

sera la lettre.Pour

G.

Molinier,

l n'est

de

langue

qu'écrite.

Les

Leys

ignorent

a distinction

u

signifiant

t

du

signifié.

haque partie

du discours

st définie imultanément

n termes

phonétiques,morphologiques

t

sémantiques.

Ainsi le

«

son

»

intéres-

sant G. Molinier

ignifie

t

peut

s'écrire

«

ses

votzno

pot

hom

forma

araula

e entendem e

votz

significativa

ques puesca

escriure

(Gatien-Arnoult,

,

p.

10).

«

sans

un

son,

on ne

peut

former

e

parole

et

nous entendons

ar

son qui signifiet puisse s'écrire .

21. Cf.

R.

LAFONT,

Les

"Leys

'Amors"

t

la

mutation

e la conscience

occidentale

,

Revuedes

langues

omanes,

ontpellier,

976,

.

13-59.

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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77

La lettre

se définira lors

comme

part

indivisibledu son

pouvant

s'écrire

«

Letra votz es no devisabla

E

per

escriure onvenabla

Letra

per

miels esser

exposta

Es menor

part

de votz

composta

(Gatien-Arnoult,

,

p.

12)

«

La

lettre st un

son non

divisible,

ui

peut

s'écrire.La lettre st

encore

mieuxdéfinie

insi la moindre

artie

d'un

son

composé

.

Son

lien au

sens

apparaît

lorsque,

prise

dans la série des

nombres

u

»,

«

dos

»,

«

tres

),

«

u

»

signifie

'unité. Matrice de

la

langue,

a

lettre

noue en

elle la

parole,

'écriture

t le

sens,

et

organise

a série

des

nombres.

Aussi n'est-il

as

surprenant

ue

la lettre

ègle

a norma-

lité

grammaticale,

ue

son

parcours

définisse

e

«

barbarisme

,

le lieu

commence

1'

«

estranh

,

l'impossible,

n

l'espèce

du

non-gramma-

tical.

G.

Molinier e

définit n

ces termes

«

Barbarismes se

fay

regularmen

n

quatre

manieras

per

mer-

manen,

per ajustamen,

er

mudamen,

er transportamen

e

letra,

de sillaba o de tempse d'accen (Gatien-Arnoult,V, p. 4)

«

Le

barbarisme a

lieu

ordinairement e

quatre

manières

par

adjonction,

par

suppression,

ar

mutation,

ar

transposition

e

lettre,

e

syllabe

ou

d'accent .

Ainsi,

ar

adjonction

de lettre

«

vertuos

engendrera

vertudos

,

par

suppression

colombier

produira

colomier

,

par

mutation

e lettre

«

Catarina

donnera

Catalina et

par

transposition

n aura

«

cramba

pour

«

cambra

(Ib.,

p.

9).

Le mouvement

narchique

de

la

lettre éins-

talle

l'impossible

u

cœur de la

langue

cadré

par

une

structure

ont

les

pôles

sont

«

mermamen

,

«

ajustamen

,

«

mudamen

et

«

trans-

portamen

,

il

délimite

cependant

en

creux ce

qui

appartient

la

langue et ce qui doit lui demeurer estranh . Etendu au syntagme,

le

mouvement

narchique

de la

lettre

ngendre

e

solécisme

«

Quar

barbarismes s vicis

ques

fay

es

dictio e

solecismes es

vicis

ques

fay

en

oratio.Et en

ayssi

barbarismes e

fay

en

respieg

de

sengles

dictios e

soloecismes

n

respieg

de

motas

dictios mal

pauzadas

en

oratio»

(Gatien-Arnoult,

V,

p.

6).

«

Car le

barbarisme st un

vice de

mot,

et

le

solécisme

un

vice de

discours.

Ainsi

e

barbarisme lieu

par

rapport

à

un

seul

mot,

et le

solécisme

par

rapport

plusieurs

mots

qui

sont

mal

placés

dans le

discours .

La normalité rammaticale,a « ley de la « lengad'Oc» et ď «Amor ,

dépend

donc

du

bon

réglage

du

mouvement t

de la

place

de la

lettre

tous les

niveaux du

discours.La

position

de la

lettre

permet

de dire ce

qu'est

la

«

ley

et

d'enfermer

ans

une

combinatoire

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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78

l'impossible

ui

y

contredit.

a

lettre,

n

tant

qu'épure

du

«

tout de

la

langue,

permet

de maîtriser

e

«

sobreplus

en

le soumettant

ux

règles

d'une combinatoire.

L'hégémonie

e

la

lettre 'étend

au

domaine

de

1'

«

inventio

poé-

tique qu'elle

règle

uivant

une

logique

serrée,

ue

seul décrit e livre

V

de la version

ongue

des

Leys.

Dans

le

prologue

du

premier

ivre,

G.

Molinier,

vant de donner

une

définition

énérale

du

«

trobar

Trobar es

far

noels dictais

en romans

fis

be

compassai

, I,

p.

6

;

« Trouver 'est faire une nouvellecomposition,n romanpur et bien

mesuré

),

distingue

eux

manièresde

«

trouver

:

par

hasard

per

aventura

)

et

par

effort

«

per

bona cura

»,

Ib.

p.

9).

Le

premier

mode

de

«

trobar

repose

sur

la

rencontre,

ur le

surgissement

nopiné

la

rencontre

moureuse,

ou l'éclosion

de

la

jouissance,

en livrerait

a

structure.

l

paraît

désigner

1'

«

inventio

troubadouresque

radition-

nelle,

celle

d'un

comte

de Poitiers

par

exemple, ui

«

trouva un vers

en dormant

sur le dos de son

cheval

qu'enans fo

trobatz

en

durmen/sus

n

chivau

)

(22).

Cheval

qui

n'est

pas

sans

faire

penser

aux

juments-femmes

es

pièces déjà

évoquées.

Ce

n'est

pas

celui

qui

intéresse

G.

Molinier,

ans

la mesure où rien ne

peut

s'en dire faute

d'une « ley qui le cadre.Par contre,e secondmode de « trobar est

l'objet

d'un

long

développement

ans

la

seconde

partie

du

livre V.

G.

Molinier a

inventorier

es

moyens

de faire

surgir

une

«

canso

»

ou

un

«

vers

de

rien,

non

pas

un

«

vers

qui

ait la substance

du

«

rien

,

comme

elui

du comtede Poitiers

hantant

e

«

dreyt

nien

(cf.

«

Farai

un vers de

drey

nien),

mais un

«

vers

qui,

grâce

à des

règles

précises,

se

détache

du

silence,

éclose

sur

fond

d'impossible.

remière

âche

chercher

quatre

espèces

de rimes

hom deu

primieramen

ercar

quatre

manierasde rimes

,

Gatien-Arnoult,,

p.

377).

La

rime

s'avère

soumise

au

régime

de

la lettredans

la mesure

où elle constitue

me

certaine suite

de

syllabes

(«Rim

es

certz

nombres

de

sillabasi, II,

p. 140) et la syllabe le son de plusieurslettres (« Sillaba votz es

lettres

, ,

p.

146).

La

«

trouvaille

des

rimes

a

donc

s'organiser partir

des

lettres

de

l'alphabet

le besoin de

rimes en

«

aris

»

conduira à

inventorier

ous les mots

en

«

aris

»

commençant

ar

«a»

adver-

saris

»...),

puis

tous

ceux

commençant ar

«

b

»

breviaris

)

et ainsi

de suite.

L'ignorance

omplète

du

lexique peut

être

compenséepar

la

généralisation

u

procédé.

Ainsi

pour

trouver

es rimes en

«

ori

»,

on

ajoutera

d'abord

a lettre

a

»,

mais

«

aori

»

ne

signifiant

ien,

n inter-

calera

alors

la lettre

«

b

»,

«

arbori

ne

signifiant

oujours

rien,

la

lettre

c

»

remplacera

e

«

b

»

pour produire

e mot

«

acori

»

qui

a un

sens. Les rimes

«

trouvées, il ne resteraplus qu'à compléter

e

qui

22.

Cf.

Farai

un vers

de

dreyt

ien,

. 5-6.

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79

précède

dans

le

vers en

respectant

es

«

leys

de

l'accentuation,

e la

grammaire,

e la

rhétorique

t de la

bienséance. Le

poème

devient

alors

une

expansion

de la lettre.Ce

formalisme

igoureux

oumet

a

poésie

à une

combinatoire

ui

la

transforme n

«

tout .

Il

combat

à la fois

a

«

trouvaille

surgie

nopinément

omme

a

jouissance

et le

silence,

es

impossibles

dire. Soumettre

'

«

invento

»

poétique

à

la

logique

formelle

e

la

lettre 'inscrit ien

dans le cadre

de ce

renfor-

cement

ymbolique

ui

vise à colmater

dans la

langue

e

«

sobreplus

qui peut

difficilement'être dans la

sexualité.

L'amour voué à la

langue

par

le

grammairien

médiéval

produit

la

fictiond'une

langue

sans

«

sobreplus

remémorant

'indépassable

faille sexuelle

qui

laisse l'hommeet la

femme u seuil

d'une

union

totale.Prise dans les

rêts des

«

leys qui

édictent,

a

langue peut

ainsi

s'offrir

l'amour comme

objet

de

substitution,

ais

d'un

«

amor

de

lonh

,

dont la

perfection

era

pâlir

l'aura

de

la

«

domna et

tiendra

éloigné

de

l'amourhumainet de

ses

imperfections.

CAHIERS

DE LA

CINEMATHEQUE

Numéro

42-43

LE

MOYEN

AGE

AU CINÉMA

Une

imagerie

et

des

structures

mentales

L'Histoire

imaginaire

• Cinéma et littérature

Cinéma

et

chevalerie

Une vision

du

monde

L'héroîc

fantasy

et les

mythes

médiévaux

Pour

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Les

Cahiers de

la

Cinémathèque

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34

13

13

poste

333

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François

JACQUESSON

DARÈS,

VOYAGEUR

DU

TEMPS

ou

:

Comment

revint

le

roman

Position

du

problème

Le

statut

des

romans

à

l'antique

au

XIIe

s.

Le

roman

français

commence avec

les

intrigues

ombinées des

œuvres

n

vers

de

la fin

du XIIe

siècle. Dans cette

genèse,

es

romans

«

à

l'antique

jouent

un

rôle

critique,

puisque

c'est

grâce

au

décor

antique

que

va

se

former

a

distance

nécessaire

une lecture

qui

soit

à la

fois

passionnée

et non

engagée

romanesque.

Le

narrateur, ui,

va trouver ans l'immense épertoire es histoires réco-romainesne

variété de

personnages

t de

thèmes

qui

en

disent

ong

sur sa

nou-

velle

liberté

à

l'égard

des

pressions

contemporaines

pour

lui

aussi,

c'est

une

évasion.

Mais dans un

cas comme

dans

'autre,

ette

uverture u

romanesque

manifeste

ne

transformation

es habitudes u

des

nécessités ntellec-

tuelles

si

l'épopée

assure la

cohésion

d'un

groupe

social,

comme elle

le

faisait

depuis

Gilgamesh

d'une

façon

quasi

sacrale,

le

roman

sort

du

clan et

suggère

entre

ecteurs

des

connivences

ifférentes.

'héri-

tage épique

s'y

marque

encore

dans le fait

que

souvent ces

conni-

vences

sont

sentimentales il

en va

ainsi

de

nos

jours quand

un film

ou un livreforme, cause de ses « qualités dramatiques, une sou-

riante ou

tendre

confraternité

mais

ce

genre

de

drames

«

roma-

nesques

,

s'il

convoque

un

instant

es

frayeurs,

es

charges

de

mystère

pour

les

laisser

partir

ils

sont

nos boucs

émissaires,

nous

donnent

pour

un

soir l'illusion

de

la

grandeur,

t

passent

prestement

u

pathé-

tique

à

l'oubli.

Nous

ne

gardons

ientôt

ue

le souvenir

'avoir

éprouvé

cette

grandeur

Aristote ût-il té

surpris

Aussi le

sentiment

emble-t-il

tre

l'effort

ontinué

par

quoi

la

religio

qu'entretient

'épopée,

se

transforme n

une

socialité

plus

abstraite,

ù

prêtres

t rites

s'absorbent

dans le

courant

variable

des

métaphores.l est indubitable ue le roman a joué un rôle essentiel

dans l'éveil

et

la

subtilité

roissante es

individus il

le

joue

toujours.

On

y

voit

vivre

'autre en

soi. L'acte de la

lecture,

vant

même

qu'il

fût

silencieux,

tait un acte

majeur

d'intériorité.

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81

Dans

l'épopée,

l'autre

reste l'autre.

Même si l'on

en

porte

le

prénom,

n

n'est

pas

Roland,

en tout

cas

pas

celui

qui

vainquit

sa

mort

à

Roncevaux

on est

plutôt

le

«

furioso .

L'enfant

mime

les

gestes

du

héros,

son

masque,

et il

envie ses

armes,

comme

déjà

Perceval

e

faisait.Mais le

héros

de

l'épopée,

ustement,

e fait

rien

de

toutcela :

il

est

simplement

e

héros.

Que

Perceval

désire

'héroïsme,

montre

éjà

tout ce

qui

le

sépare

de

l'épopée.

Le roman

qui

porte

son

nom

indique

très

bien,

dans la

différence

ntre

ui

et

Galaad,

ce

qui

était

en

jeu.

Le caractère

«

appris

de

Perceval e

disqualifie

uand

il

s'agitd'entrer e plain-pied ans le mythe. n ce sens l'épos précède

le

roman,

non

pas

tant

chronologiquementquoique

bien

sûr cet

aspect

ait son

importance

nos

yeux)

qu'ontologiquement.

e

même

qu'aux

yeux

de Saint-Preux l

y

eut une

Nature,

d'ailleurs encore

présente.

Donc

le roman a besoin d'un

arrière-plan.

e

«

décor

dont

nous

parlions peut

bien être

hasardeux,

l

n'est

pas

artificiel,

u

contraire.

Que

les romans

l'antique

des années 1160

nous

semblent

eu

archéo-

logiques

ou,

comme

n dit

un

peu

vite,

rès

peu

«

vrais

,

démontre

ue

c'était

moins

une

filiation tudiée entre

Rome

et leur

siècle,

qui

semblaitnécessaire, i une stratigraphieontinue,u'unefiliation abu-leuse avant

l'Amérique

u Tahiti, 'AncienMondefut e

premier

des

NouveauxMondes.

Grâce à

la

distance fabuleuse

qui

les

séparait

de

l'Antiquité,

os

romanciersdu XII* siècle

purent opérer

la

rupture

d'avec

l'épopée,

qu'elle

fût celle

du

clan,

de la

région,

u

de

l'empire,

t ils

apprirent

à

substituer,

ans

des

intrigues

e

complexité

roissante,

e

vertige

de la

profondeur

ndividuelle

l'enivrement e la

gloire.

Il

faudra

attendre e

XVII*

siècle,

au roman

comme au

théâtre,

our que

cette

thématique

trouve

une

formulation

éellement

nouvelle

Don

Qui-

chotte ou le Cid en sont

le

débat. Le

point

de

départ,

t

comme

le

terraind'expérience e cette littérature omanesque, st le romanà

l'antique.

l fallut à

peu près

une

vingtaine

'années

pour qu'on

ose

passer

du

prestige

de

l'antique, qui

servit

de

tremplin,

ux

espaces

fictifs e

la matièrede

Bretagne.

Ce

passage

était

celui

de

l'histoire

à

la

légende,

t

correspondit

un

accroissement

écisif de

l'audace

de

la fiction. l est certain

que

ces

romanciers

'avaient

pas

idée

de

ce

que

nous

appelons

'histoire

nous

allons

reparler

e

cette

question),

mais

il

est

certain ussi

qu'ils

faisaient

a

différencevec

la

légende

une

fois

la

matière

antique quittée,

ls

n'y

revinrent

lus.

Le

pas

était fait.

Ainsi es

quatre

romans à

l'antique

que

nous

connaissons

urtout,

le roman de Troie,Eneas le roman de Thèbes et les versionscom-

plexes

du roman d'Alexandre

ont-ilsun rôle

très

particulier

dans

notrehistoire

ulturelle. ls furent

es

quatre

temps

complexes

d'une

révolution

rofonde

dans l'ordre des

sensibilités,

ls

furent

es

expé-

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82

riences ittéraires ù le

goût

de

l'intrigue,

t

sa

valeur,

'emportaient

sur la

valeur de la force

t du

droit,

t même

sur

la

noblesse,

ui

est

le

droit

de la

valeur.Enfin l

y

eut

à

plus long

termeune

conséquence

étonnante.

Dans

l'épopée,

comme

dans

le droit

archaïque,

tout réclame sa

compensation

des

morts

de

part

et

d'autre,

parce

que

le

combat est

la

forme

a

plus

intense

de

l'échange,

a

plus

haute. Roland retarde

de

sonner,

t

admet

le

massacre de ses

compagnons, roupe

contre

troupe,parce qu'il

sait

que

ces

pyramides

de

sacrifices

éciproquess'unissent n un seul monument,ue sa mort finalementouronne

mais

il

sonne,

t ce

son attirera

Charlemagne

u

pied

de ce monument

pour qu'il

ait un

sens,

et

qu'au

delà

de lui la

mort

du

corps

de Roland

s'équilibre

dans le

supplice

de Ganelon.Ce

retard

est le

génie

de

la

Geste,

comme le

retard de

la

parousie

est le sens

génial

du monde

chrétien.

Mais dans l'univers

roman,

e Dernier Jour avait

un

sens

concret,

t la

grandeCompensation

urait lieu.

Dans l'univers

ui prend

forme n

cette

finde XIIe

siècle,

comme

après

qu'un

décalage

minime

d'un

objet

fortuit ans

le

kaléidoscope

change

a

géométrie

e la

vision,

e

délai de la

compensation

u

le

retardgagné ur la mort hangenta dimension la qualiténouvellede

la

fictionntensifie

a

vérité

du

réel,

mais

en

déroute

e coût la mort

sublimen'est

plus

tant une

mort

retardée

qu'une

mort

maginée

on

parle

de

trésors,

'horizons ù

la

vie n'est

pas

comme

ci Alexandre

alla

plus

loin

que

ce

qui s'appelle

loin Enée

vécut

des

temps qu'on

ne

pouvait

classer

-

à

tel

point

que

Dante choisit

Virgile

pour

guide,

faute

d'oser e

situer

dans

l'espace

des Cercles.

La

guerre

de

Troie,

convergèrent

ous les

temps

de

l'Antiquité éroïque,

utune

assemblée

l'événement

épasse

le héros

dans la mémoire

elle

dépasse

d'autant

l'économie

de la

rédemption.

a fiction non seulement e caractère

d'irréalité

quoi

on

la

réduit,

mais

enseigne

une

théologieparticu-

lière en elle, 'esprit pprendà prendre n compte 'irréel t l'infini.

On va si loin

qu'on

n'en revient

plus.

Un roman est

un

voyage

dont

on

ne revient

lus.

Un romanest

un

voyage

dont on ne revient

amais.

Le

coup

de

pistolet

de

Werther,

ix

siècles

plus

tard,

nscrira

oncrète-

ment

mais

fera retomber

ans

le drame

le

roman

populaire

naît de

là)

cette

évidence

usque

là sentie.

Alors a mort

se

métamorphosera

de

nouveau.

Situation

romanesque

de

Darès

Sur les quatreromans à l'antique, rois sontfaitsd'aprèsnature

l'auteur

de 1Eneas

avait sous

les

yeux

l'Enéide,

e

roman de Thèbes

est

une

transposition

e la Thébaide

de Stace les romans

d'Alexandre,

dont

'histoire

st

plus

complexe,

eposent

ussi

sur des œuvres

nté-

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grales,

inon

ntègres.

e roman de

Troie,

de

Benoît

de

Sainte-Maure,

est

toutdifférent.es

24000

premiers

ers

reposent

ur les

vingtpages

d'un texte

atin,

vraisemblablement

raduit

du

grec,

et

qu'une

préface

attribuée Cornelius

Nepos

(sous

forme 'une ettre

Salluste)

attribue

à son tour à

Darès de

Phrygie,

uerrier

ommé

par

Homère dans

le

camp

troyen.

epos

(ou

l'imitateur

ui

en tient

ieu)

dit avoir

retrouvé

par

hasard le

manuscrit

rec

en fouillant

ans une

librairied'Athènes.

Un

tel

goût

de la

supercherie

ittéraire conviendrait

plusieurs

époques

de

l'histoire

omaine,

t nous verrons

u'il

y

a

mieux

à

faire

que se perdre n conjectures.

Le

plus

intéressant,

'est

la dilatation hurissante u

texte,

ans son

«

utilisation

par

Benoît.

A vrai

dire,

beaucoup

de choses sont éton-

nantes

dans cettecourtehistoire atine si Benoît

y

a

eu

recours,

'est

qu'il

tenait

la

source essentielle ur

la

guerre

de

Troie,

et

cette

source

était,

elon la

préface

atine

nterprétée ar

lui,

bien meilleure

qu'Homère, qui

ne chanta les faits

que

longtemps

près

eux. Darès

était

un

vivant témoin.

Aussi naïve

qu'en

soit

la

formulation,

'idée

n'est

pas

si fausse l'étude des

cycles

épiques grecs

montre

qu'en

effet xistaitun

montage

ncyclopédique

ont les

Byzantins

nous ont

conservé es

résumés

chématiques, ui

couvrait 'ensemble

u

matériel

historico-légendairerec. Ce montage mythographiqueaisait défaut

précisément our

es

épisodes

traitésdans l'Iliade

et

l'Odyssée,

omme

si le

prestige

es œuvresd'Homère avait déclassé les

épisodes

corres-

pondants

des

«

poèmes

cycliques

. Glorifier arès contre

Homère,

comme e fait

e

pseudo-Nepos,

'est

revaloriser

'entreprise

ncyclopé-

dique

aux

dépens

des

prétentions oétiques.

Bien

sûr,

glorifier

arès contre

Homère,

à

l'aube du siècle des

encyclopédies,

omme

e fait Benoît de

Sainte-Maure,

'est

prendre

un

brillant

pari

sur les

temps.

Que

ce

pari

ait été

gagné

alors,

et

que

l'œuvre e

Benoît,

utre on

grand

uccès

auprès

des

lecteurs

t

traduc-

teurs, it pu êtremenée à bienmalgré a longueur,montre a situation

exceptionnelle

u texte ource est-il

un

vestige

des

anciennes

parties

perdues

du

Cycle grec,

-t-il

té effectivementetrouvé

ar

l'historien

abréviateur ornelius

Nepos,

ou

même un Romain

qui

sut mettre n

valeur ces

vingt

pages

? Voilà des

questions qui préoccupent epuis

fort

ongtemps

es

spécialistesd'Antiquité.

Mais

en

fait,

e texte

en

question

est si

court,

t dans un

latin

si

rudimentaire,

u'il

offre

eu

de

prise

à

l'analyse grammaticale

t aux

procédés

ordinaires

e datation

tylistique.

n lui dénie

régulièrement

toute

valeur

ittéraire,

vec le même zèle

qu'on

a

pour

s'étonner

ar

contraste

e sa

singulière

osition

historique.

e

livretde Darès

«

Sur

la chutede Troie De excidioTroiae, échappe à l'analysecomme il

échappe

au

temps.

Né on ne sait

comment,

mais

paré

encore

aujour-

d'hui

de

l'aura du

témoignage

rchaïque,

omme un témoin

balbutiant

et maladroit

es

temps

révolus,

l a

secrètementraversé e

temps

pour

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éclater oudain en

pleine

umière omme a

source fondamentale 'un

des

premiers

omans

de notre

histoire

uropéenne.

Même la

préface,

elle-même

rophétiquement

omanesque,

u

pseudo-Nepos

ouche

uste

ce

texteretrouvé

ar

hasard

semble

n'avoir

pas

d'histoire.

t en

effet,

s'il nous

revient ommeun

texte

ntérieur

Homère,

equel

est comme

la

conquête

de l'écriture

ar

la

Grèce,

l nous faut

admettre,

urcroît

de

paradoxe,

ue

nous avons

là un

texte

préhistorique.

Nous verrons

u'il permet

ne sorte

d'étiologie omparée

e

l'histoire

et du roman.

Physiologie

de la résurrection

En

vérité,

ous avons des traces de

l'existence u

De

excidio

Troiae

avant Benoît. Darès

est cité

par

un

compilateur grec, Antipater

d'Acanhos

dans

un

fragment

ité

par

Ptolémée

Hephestion,

ui-même

conservé

par

Photius,147a26)

et son

résumé

est utilisé

par

la

chro-

nique

de

Frédégaire

du

VII*

s.

(édictée

par

Gaston

Paris,

dans

Romania III, 1874, . 138-144,uis dans Script,rerumMerov.,

t.

II,

Hanovre, 888,

oir

annexe).

Notre Darès

commence

par

raconter 'histoire

es

Argonautes

ui,

dans

leur routevers

a

Colchide,

bordent

n

Troade

et

sont

repoussés

par

le roi Laomédon

injure que

Hercule

ne

tolère

pas

: il

revient

ar

la suite

mettreTroie à

sac et

emporte

Hésione;

Priam reconstruit

Troie et envoie

deux ambassades

successives

pour

réclamerHésione

la

seconde,

conduite

par

Alexandre-Paris,

evient avec

Hélène;

la

Guerre

e déclenche.

arès

poursuit

on récit

notons

u

passage

qu'il

ignore

ou

néglige

'épisode

du

cheval de

Troie)

jusqu'à

la

prise

de la

ville,

uivie

des

funérailles

'Achille.

enoît,pour poursuivre

on récit

par les retoursdes héros,utilisaalors un autretexte, lus consistant,

attribué

elui-là

Dictys

de Crète selon

un schéma

similaire

celui

de Darès.

Toute

l'efficace u

récit de Darès tient

la

façon

dont

il

organise

la succession

des événements.

'est

parce

qu'il parvient

donner a

forme

a

plus

compréhensive

la série a mieux

rganique

d'événements

qu'il

a

pu

ainsi,

de

même

qu'une

graine

oncentre ous forme codée

»

la

plante

antérieure

pour

rejaillir plus

tard,

à

la

fois

«

voyager

à

travers

e

temps

et

ressurgir

ussi

puissamment.

e texte de Darès

tire

sa

puissance

de sa

syntaxe

curieusement

udimentaire,

omme

nous verrons commesi à une époque avancée de l'histoire u latin

(puisque

c'est

le

résumé

en latin

que

nous

connaissons)

a

résorption

dans

une

phraséologie

rchaïsante

ngageait

une

façon

de

repliement,

une

intériorisation

u

propos

et

une

paradoxale

subtilisation ormelle.

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Naturellement,

es

implications historiques

de ce

processus

sont

considérables

si,

en

des

moments

péciaux

d'une

tradition

ulturelle,

la

poursuite

d'une élaboration

prend

une

forme de

contraction,

e

sectorisation rchaïsante

e

la

syntaxe

ppliquée

à une

imagerie égen-

daire élevée

au

rang

de

témoignage,

'est dire

que

la

tradition

e

prépare

à

quel

degré

de

conscience ou

plutôt

comment e trans-

forme 'idée mêmede conscience

ans ce cas

?)

une

sortede

nymphose,

une

léthargie

ou,

pour

conserver

'image botanique,

une dormance.

Comme on

sait,

beaucoup

de

la

civilisation omaine

ntique

s'assimile

à un suicide,à une disparition onsentie,dont l'évolutiondu style

littéraire ans le latin

chrétien

opulaire

est une

des formes.

Que

ce

suicide ait des

aspects

de

léthargie

alculée

transformea

perspective.

Ce

qu'il

faut examinerdans

cette

perspective,

'est

«

comment n

en

est venu là

»,

comment

e

produisit

t s'effectua

e

pseudo-Darès.

Une

première

version

de

l'enquête

mène

dans

la

littérature

recque,

une

seconde,

en

précisant

es

analogies

entre e

processus

antique

et

le

médiéval,

«

remonte vers le XIIe

s. et forme a

perspective

n

question

en

décrivant a

résorption

u

temps

«

entre

temps

.

Techniques

:

Homère

et les

mythographes

Les histoires

de Troie connaissent ne

dispersion

upérieure

dans

ce

que

les

Grecs et les Gréco-romains

nt raconté

des

causes de

la

Guerre.Ce

propos

conduit faire 'histoire

de l'Histoire.

Pour le Priam

d'Homère,

e sont

les dieux

qui

sont cause de la

Guerre.Au chant III

de

l'Iliade,

qui

ouvre une chance de

règlement

du conflit

ar

le

combat

ingulier

t solennel

de Ménélas et d'Alexandre-

Paris,

Priam

disculpe

Hélène

«

Pour

moi,

tu

n'es en rien

responsable

pour

moi

plutôt

es dieux sont

responsables»

v. 164).

Et

de

fait,

es

dieuxdétournente combatsingulier, phrodite érobe Paris et force

Hélène

à le

rejoindre,

andis

que

Héra marchande

vec Zeus le sort

de

Troie.

Le

même thème e trouve

mûri

au chant

VII,

quand

Hector

défie es

Grecs

et

que

le

sort

désigne Ajax,

fils de

Télamon,

pour

le

combattre la

nuit survient ans

qu'ils

aient

pu

se

vaincre,

t

Nestor

en

profite our proposer

une

trêve,

u'on

utilise

pour

construire n

mur dont Poséidon e montre

aloux

c'est lui

qui

bâtit autrefois

our

Laomédon e

rempart.

eus le

rassure

et en

profite

son tour

pour

interdire ux dieux d'intervenirésormais.Pendant e

temps,

des nefs

venues

de Lemnos

-

où Jason

autrefois,

n route

pour

la

Colchide,

laissa un

fils

apportent

u

vin

aux

Grecs.

Le défi d'Hectoraura une issue différée ans son combat ultime

contre

Patrocle

qui

entraîne e

sort d'Achille

en

même

temps que

l'effondrement

irtuelde

Troie. Le

jeu

des retards

thématiques

hez

Homèreest

indissociable

u retarddes dieux leur

responsabilité

eur

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pèse,

ils

en

éprouvent

a

gravité

cette

«

humanité des dieux homé-

riques,

si souvent

moquée,

est

un

ressort essentiel

de l'œuvre.

La

technique

de

composition

e l'Iliade est dans

l'organisation

es inter-

ventions

réciproques

d'un

monde

dans

l'autre,

deux mondes aux

passions

similaires,

t

pourtant

trangers.

'est

pourquoi

e

point

de

départ

en est

le

mot

mênin

«

colère,

passion

de

l'esprit

,

qui

donne

la

tonalité e l'œuvre et non

pas

le

jugement

e

Paris.

Homère

évite ou détourne 'effet inéaire des causes

elles sont

pour

lui

autant

verticales,

des dieux aux hommes et

inversement,

qu'horizontales, vénementielleshez les dieux ou les hommes le

poème

est leur tissu.

On

trouvedans l'Iliade

beaucoup

d'éléments

ui

deviendront éterminants

ans le récit de

Darès,

La

chute

de Troie

si l'Iliade

ne

cite

pas

cette histoire

d'Hercule maltraité ors de son

passage

avec

es

Argonautes,

t revenumettre sac

la

cité

de

Laomédon,

pour emporter

Hésione comme

un

contrepoint

'Hélène,

elle

n'ignore

pas

Laomédon

ni

ses

rapports

vec Hercule.

Au

contraire,

'est là

un

des

arrière-plans

ui

jouent

un rôle

important

ans l'histoire trois

facettes n sont

évoquées.

D'abord ce

mur

que

Poséidon

construisit,

puis

Hercule cherchant es

chevaux de

Laomédon,

enfin e

rempart

qu'Athéna ida

les

Troyens

construire

our protéger

Hercule

contre

un monstreamphibie.Les efforts es mythographes,ont le plus

complet

st

Kerenyi, our

organiser

ne seule histoire

vec des

frag-

ments

qui

se chevauchent

t

s'excluent,

emblent

gnorer

comment

précisément

es

mythographies

aissentainsi

par bouturage

t

varia-

tions

si Hercule est

un doublet de

Poséidon,

l est difficile e

les

inclure dans

une

histoire

unique.

Hésione n'est

pas

un cheval dire

qu'elle

est une forme

du thème du cheval aide

à

comprendre

es

histoires,

on

pas

à

raconter

ette histoire

cf.

tableau

I).

Du

point

de vue

d'Homère,

ui

n'a à

craindre

de

personne

n

fait

de

composition

hématique,

ette

confusion

es

plans apparus

à des

endroitsdistincts u poème joue un rôle déterminant ans l'impres-

sion

de

décor

volumique

d'où

l'intrigue

entrale

e détacheet

acquiert

un relief

propre.

A la

limite,

l est

utile

que

ces

arrière-plans

oient

contradictoires,

on seulement

arce

qu'un

beau désordre

st un effet

de

l'art,

mais

afin

que

ces facettes restent

des

facettes,

t ne se

constituent

as

en

système

e causes

contraignantes

ui

paralyseraient

le libre

eu

des dieux et

des hommes.

Pour

le

mythographe

ncyclopédiste,

'imbrication es récits

n'est

réductible

un récit

unifié

que

si des thèmes

superposés par

leur

genèse,

t distincts

nsuite

par l'agglomération

e faits

qu'ils

concen-

trent

utour

d'eux,

omme Poséidon

et Hercule avec

chacun eur

mur,

sont considéréscomme successifs.Et même c'est l'inversequi est

encore

plus

vrai la

mythographie

oit

ustement

on ordonnancement

des faits

ce

qu'elle

transforme

n successivité

arrative ne

superpo-

sition

«

généalogique

:

ce

qui

est

homologue

devient

argument

de

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liaison. La

superposition

aradigmatique

st

«

traduite

syntagmati-

quement

d'abord Poséidon a été

trompépar

Laomédon,

puis

il

s'est

fâché et

a

envoyé

e monstre

ui

«

explique

l'intervention

'Hercule

à

qui

l'on

promet

n

récompense

es chevaux

soustraits Poséidon et

(dédoublement

raduit

n

coordination)

Hésione

lequel

Héraclès sera

à son tour

trompé.

Critique

la

mythologie

vue

par

Euripide

Ce

dédoublement

hématique,

ar

reflet,

st le

principe

même de la

prolifération

mythographique.

l

rend

compte

de l'extraordinaire

richessede

textes

égendaires,

e la

logique

embalée

du

conteur.Ainsi

avons-nous aris

dédoublé en

Alexandre,

on ambassade

préfacéepar

celle

d'Anténor,

es

errancesde

Ménélas

(dans

l'Odyssée

dédoublant

celles

d'Ulysse,

t Circé

sur l'île d'Aia

dédoublée

par

la Médée de Jason

sur

Aiaia,

sans

parler

du

rapport

entre

la

délivranced'Hésione

par

Hercule et

celle

d'Andromède

ar

Persée,

du

doublage

d'Hercule

par

Télamon

dans

l'assaut

contre

Troie,

etc. On trouverade ces doubles

fonds

d'autant

plus qu'on

en cherchera.

Euripidea magistralementcrasé cettetechniquemaniaque en en

démontrant

e

fonctionnement

ans son Hélène celle

de Troie

n'était

qu'un

double,

un

fantasme,

a

véritable

était

en

Egypte,

terre des

mages

elle

attendait

ue

les dieux se

lassent de

jouer,

et

qu'on

lui

rende

son

Ménélas. La

combina oire

mythographique,

n

aplatissant

les

superpositions

on

pourrait

ire

plus

flatteusementen

inventant

a

successivité),

détruit cette

position

de

partenaires

la

fois intou-

chables

et

contemporains u'avaient

les dieux réduits à l'état

de

cause,

eursdébats

t tâtonnements

'arbitrage

eviennent

ncompréhen-

sibles

et

gratuits.

es

querelles

des

dieux,

essentielles

hez

Homère,

deviennent candaleuses dès que ceux-cideviennent es initiateursrigoureuxt univoquesdes actions humaines.Ce

parcours

théologique

de

réduction ausale

qui

est décisif

dans

la

genèse

de

l'intellectualité

antique,puis

de

la

nôtre,

peut

être

parfaitement

uivi à travers es

grandstragiquesgrecs.

l

aboutit chez

Euripide

à mettre n

évidence

l'absurdité e la

prédiction,

orollaired'un

pessimisme

pieux.

Il

n'est

pas

étonnant

ue

ce soit

précisément

ar Euripide que

nous connais-

sions le mieux le thème du

Jugement

e

Paris,

qui

fait

apparaître

crûment

a

causalité linéaire divine au

début

sont les

dieux,

et ils

jouent.

Dans son

chapitre

sur

Dictys

de Crète

(Homer,

the

origin

&

the

transmissionOxford1924,rééd. 1969, h. VII) T.W. Allen concluait

que

Dictys,

qui

devait

être

l'écrivain

crétois

Anténor,

ransmet a

version

raditionnelle

e

la

Guerre t du

retourdes

héros

jusqu'à

la

mort

d'Ulysse,

ersion

omparable

celle des

anciens

cycles

épiques

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qu'Homère

au

contraire

remodelé ette

matière

sa

façon

dans ses

deux

poèmes.

Qu'en

somme

a

«

préface

disait

vrai

en

ce

qui

concerne

l'antériorité

e

Dictys

sur

Homère. Le

même raisonnement

'appli-

querait

à Darès.

Mais

le défautde ce tableau

est

qu'il n'y

a

pas

de

vérité

des

Cycles

épiques,

ni

d'authenticitén

un sens

recevable.

es travauxde

Severyns

(Le

cycle

épique

dans l'école

d'Aristarque, iège,

1928)

t

de ses

élèves,

ou de G.L.

Huxley

Greek

pic poetry,

aber, 1969)

mettent n

évidence

la

difficultée ramener

ous ces thèmes

t variations

une

«

matière

grecque unifiée, 'est-à-dire une Histoire.Mieux encore,ou pire

nous

avons vu comment

e

processus mythographique

uppose

un

trucage,

ù les

épisodes

se dédoublent

our

s'enchaîner.

ès

lors,

la

simplicité

e

mythographe

u'Allen

prêtait Dictys,

st une

simplicité

truquée

elle fournit

ne concaténation

lausible

d'événements

arce

qu'elle

en omet

d'autres,

omme

nous le

verrons ans le

détail.

Homère

paraît

stylistiquement

ostérieur

u fait

que

nous

pouvons

percevoir

la

logique

de ses choix

en étudiant

a

composition

e son

œuvre,

andis

que

nous ne

percevons as

les raisons

de

Dictys

ou de

Darès,

qui

nous

paraissent

n

conséquence

plus

naïvement

onstruits,

onc

plus

vrais

parce que moins artistes, t donc plus fidèles une véritétoujours

supposée

antérieure.

Si nous

apercevons,

n

examinant

e

processus mythographique,

comme

déjà

Strabon

'avait entrevu

n

rapprochant

ia de

Aiaia,

que

s'il

est

moins artiste

l

n'en est

pas plus

vrai

et même

qu'à

l'inverse,

comme

'a montré

uripide,

l

est

la

production bligée

du

faux,

lors

il

n'y

a

pas

d'antériorité

tylistique

ui

tienne

le conte est

de tous

les

âges,

Darès s'enfuit

nouveau

hors

du

temps.

Toujours

de nouveau es

doublages

n reflet

ntraînent,

ar

réduction

de

la

similitude

hématique

un

«

point

commun

,

l'induction

équen-

tielle

de la

mythographie.

u

superposable

paradigme

sortent

es

syntagmes uccessifs l'un et l'autre s'ouvrent t se ferment omme

des

ciseaux.

Quand

Lacan utilisa

pour

sa

description

e

l'inconscient

les axes

en

croix

de

Jakobson eux-mêmes

aits

paradigmes

,

avait-il

lu Homère

Développement

de

l'historiographie

Corollaire

de

la

critique

de la

mythographie,

'élabore

l'historio-

graphie.

Quand

les versions

roliférantes

eviennent

ontradictoires,

t

les contradictions

idicules,

e souci

est de

ramener

a

dispersion

du

fantasme l'honnêteté u vrai. Pour l'historiographelacé devant e

pullulement

es

on-dit,

e

moyen

est de

les

comparer,

puis

de

les

réduire,

a fin

est

de les

ramener

une cohérence

les versions

mul-

tiples

deviennent

lors

autant

d'arguments

e

critique

nterne

pour

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rétablir e

qui

fut,

d'où la

contradiction st

absente.

Remarquons

ci

qu'entre

'histoire

u'on

ordonne

dans

une

perspective

istorienne

t

celle

qu'on compose

dans une

perspective

omanesque

le

mot

«

his-

toire»

a

encore

en

français

es deux

sens),

la

différence st

moins

d'abordde méthode

ue

d'objet,

omme n

voit

trèsbien chez

Hérodote,

contemporain 'Euripide.

Et

la différenciationltérieure es méthodes

peut

n'être

qu'une conséquence

de la différence es

objets,

ou

de la

prise

de

conscience,

ans

doute liée aux

implications olitiques,

de la

différencees

objets.

Dès

lors,

a

différenciatione

la

«

méthode

histo-

rique» connaît plusieurs stades et avatars. Si l'on en trouveune

première

ormulation

hez

Thucydide,

'est sous une formede vaccin

il

faut

parvenir

dégager

un

acquis

(

ktêma

qui

ait

la soliditédu vrai

dans

la

fluence es

apparences

t

des

forces ù

l'on vit

c'est

pourquoi

cet

acquis

est un

modèle,

un

enseignement our

l'éternité ktêma es

aêi

.

Il en résulte

que

cet

acquis

est

fragmentaire,

ne

île,

comme

la

cité

grecque.

Avec le

développement

e

l'aristotélisme,

t l'alexandri-

nisme,

'enseignement

istoriqueprend

des formes

plus

ambitieuses

l'historiographe

e

peut

plus

considérer eulementdes

fragments

ui

aient eu

un

rôle

décisif,

uisque

le

système

du monde

oblige

à consi-

dérer a variétédes modes

de

décision,

t la

polyvalence

es influences.

En somme, l n'y a alors d'histoire ue totale,puisque la cohérence

n'a

pas

d'autre sens

(nous

retrouverons

u

XIII* siècle

cette coïnci-

dence entre

ristotélisme

t

encyclopédisme).

'où des œuvres comme

celle de Pline

l'Ancien,

'Histoirenaturelle Naturae historiarum ibri

le

mot

latinisé historia

tient encore du sens

d'Hérodote,

u

celle

de

Diodore de

Sicile,

a

Bibliothèquehistorique qui

retraçait

'histoire

depuis

les

origines

usque

vers

60 av.

J.C.,

oit

presque

le

temps

de

sa

rédaction.

Le

projet

seul d'une

telle

histoire,

uppose

la

possibilité

pratique

de réduire out

événement

sa

vérité,

t

la

vérité

des événements.

Diodoreprêtedoncune attention articulièreux groupementsvéne-

mentiels,

ui

sont comme a

syntaxe

de sa vérité.

C'est

chez lui

que

nous trouvons 'articulation

omplexe

des trois Gestes

Argonautes-

Hercule-Troie,

ans

l'épisode

de

Laomédon,

rticulation

ui

trouvera

sa forme éfinitivehez Darès.

Le

traitement iodorien

voir

tableau

II)

commence

dans

le

cadre

des

Travaux d'Hercule

(premier

volet,

que

nous

appellerons

A dans

la

suite),

en

IV,

32.

«

Car

partant

avec Jason

vers

la

toison d'or et

ayant

tué

le

monstre,

l

avait été frustré

ar

Laomédon

des chevaux

convenus

n

récompense,

e

quoi

il

sera

question

dans

l'histoire

des

Argonautes

;

la liaison est

simple

ce

passage

avec Jason se

présente

commeun Travail non récompensé,t Herculerevient ur Laomédon

après

l'expédition

e Jason tout comme

plus

tard,

cette

affaire

lle-

même

une fois

réglée,

l

reviendra ur la

récompense

que

lui

doit

Augias

(IV,

50)

le schéma

est

clair,

quoique

ambitieux.

«

Retardé

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alors

par l'expédition

ntreprise

vec

Jason,

et saisissant

plus

tard

un

moment

avorable,

l

marcha contreTroie . Diodore

insère ci une

variation

d'opinions

ur la

flotte

ui

accompagnait

Hercule. Mais

ce

qui

n'est d'abord

qu'une

variation n

passant,

ussi bizarre

qu'elle

soit

(puisqu'il

semblait

clair

que

la flotted'Hercule était

justement

elle

des

Argonautes

Argo)

se révèle ensuite être tout

un

changement

e

programme.

n

effet,

ors de la remised'Hésione à

Télamon

pour prix

de sa

vaillance,

t

du

royaume

e Troie à

Priam

pour prix

de sa neutra-

lité,

l n'est

plus question

des

Argonautes,

eulement 'Hercule.Ensuite

de quoi Diodorepoursuit e récit des travauxdu héros.

L'histoire es

Argonautes

ient nsuite

B),

et est coordonnée omme

prévu

«

Des

Argonautes,

uisque

Héraklès

partit

n

guerre

vec

eux,

il

serait convenablede traiter...

(IV, 40).

Venant

d'Iolkos,

longeant

l'Athos t

Samothrace,

es héros

essuientune

tempête ui

les

pousse

sur

le

mont

Sigée

(IV,

42,

2).

Là,

en

débarquant,

ls trouvent

une

jeune

fille ntravée.

A

ce

point,

nouvelle

rupture

hronologique,

ette

fois

en flash-back

la

demoiselleraconte

qu'à

ce

qu'on

dit

«

Poséidon

s'étaitfâchécontreLaomédon cause

de la construction es murailles

de

Troie et avait

envoyé

e

monstre,

tc. Survient onc

Héraklès

qui

apprend ette histoire cette «péripétie dit le grec) de la bouche de

la

jeune

fille,

a

délie,

et va offrir Laomédon ses servicescontre

e

monstre,

tc. Il

convient

yntaxaménon

dit le

grec

un mot du

même

groupe

que

«

syntaxe

)

avec le

roi

qu'il

prendra

au retour Hésione

et les chevaux.

Au retour

B2:

IV,

49),

passant l'Hellespont,

es voici

en

Troade.

Héraklès envoie

ses

messagersqui,

malgré

'avis isolé de

Priam,

sont

jetés

en

prison,

tc.

La

ville est

prise

d'assaut.

Le

tour

est

joué

: la

prise

de

la ville

s'est déroulée cette

fois au

retourdes

Argonautes.

t le lecteurest

persuadé que

le

retard de

la

« livraison est dû au voyageen Colchide, omme Diodore le suggé-

rait

en A

(IV,

32,

2),

ce retard

qui

justifiait

u'on

ne

parlât

de

cette

affaire

u'avec

l'histoire es

Argonautes

u retourde

qui

s'affirme

a

fraudede Laomédon.

Naturellement,

n

examen

précis

maintient

es

doutes

décrits n

A,

malgré

'adroite

omposition

e B

1

avec

B 2

(aller,

puis

retourdes

Argonautes),

t de

A

avec B entier en

B,

au retour

des

Argonautes,

Héraklès est bien

sûr

accompagné par

eux,

alors

qu'en

A,

si mentiond'eux est faite

en

tête

et

plus

loin

en

raccord

(IV,

40),

il

n'en

est en

pratique pas

question.

Nous

avons

noté

les

scrupules

de Diodore.

De

plus,

en

A il

n'est

question que

de

chevaux,

en

B

surtout 'Hésione

nous

savons à ce

propos

que

Homère connaît

les versionsdivergentesui entraînent ci l'auteur à mettredans la

bouche

d'Hésione,

comme

une note en bas de

page,

le

récit

des

murailles

royennes).

iodore

s'ingénie

donner

ne

version

homogène,

en

signalant

honnêtementes

divergences

omme des

«

variantes

:

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énioî

paradédôkasin

«

certains ont

rapporté

de

leur côté

que...

»

(IV,

49,

7).

Sa

méthode

st subtile

parce que,

au lieu

de

passer

sous silence

les

variantesou de les

juxtaposer

en histoires

distinctes,

l

les coor-

donne

en

entretant

a

confusion ur

les

deux

types

d'erreur n

jeu.

Après

voir

été

trompé,

éraklèsreviendra vec

une

flotte

après

avoir

touché

e

Sigée

à

l'aller,

es

Argonautes

e toucheront e

nouveau

au

retour

dans le

premier

as,

il

y

a

fraude,

ans

le

second

le

délai

du

voyage.

Les deux

histoires,

es deux

thèmes,

ne sont conciliables

que

si l'on fait passer adroitementa fraudepour le délai lui-même à

l'aller

on est

trompé,

u retour

on se

venge

-

et le

processus

est

d'autant

plus

convaincant

ue

la

vengeance

est bien un

retour,

un

combat

retardé.

Mais

ce n'est

pas

tout à fait ce

qui

se

passe.

En

B,

la version

a

plus

«

complète

,

la

fraude

n'a

lieu

qu'au

retour,

uand

les

envoyés

d'Héraklès

sont

incarcérés,

t

la

vengeance

st

immédiate. e

rapport

avec le

voyage

ller ne

tient

u'à

la

supposition ue

Laomédon médite

cette fraude

depuis

le

premier

passage,

et c'est cette

supposition

ue

le

dissentiment

ppuyé

de

Priam,

raude ans

une

fraude

qui

deviendra

le délai au-delà du délai le ferment e la secondeGuerre), hercheà

étayer.

Inversement,

i nous isolons la version

A,

où Héraklès

réclame des chevaux

pour

prix

d'un

de ses

Travaux,

on retour vec

une

flotte,

ombreuseou

non,

se fait de

Grèce,

parce que

la force

étonnée

par

la ruse est

allée chercher à-bas du

renfort. utrement

it,

la

collusion des deux

histoires,

iées

thématiquement,

st

opérée par

Diodore non

pas

dans une successivité

mythographique,

ais dans

un subtil

système

de

«

superposition

es

manques

:

les histoires

e

chevauchent ans

l'identité réée du

parcours

d'un

voyage

vec le délai

d'une

vengance.Coupant

n

deux

chaque

histoire ous

prétexte

u'elle

regarde

'autre

«

...il

sera

question

dans l'histoire es

Argonautes...

),

Diodoresuperpose n fait eurcoupemême.La « convention ( yntaxa

menon)

du

retour,

vec

Laomédon,

st bien une

syntaxe.

Pour l'ordonnateur onsciencieux t

érudit,

comme

Diodore,

les

symétries

ui

sont comme l'effet e la

production

proliférante

es

histoires

apparaissent

d'autant

plus

nettement

u'on

cherche à les

relier.

Plus on veut

y

repérer

une linéarité

définitive,

lus

elles

se

cristallisent

éométriquement.

ais

tandis

que pour

les

mythographes

la liaison des

événements

n'est

possible que

dans la

ressemblance

qu'ils produisent,

iodore a à rendre

ompte

du

produit

la continuité

qu'il

ordonne

n'est

plus

une

concaténation

ibre,

mais une

lecture

calculée.Non

plus

des

histoires,

mais une

Histoire

Cette lecture diodorienne nagnorisis n grec ressemble assez à

notremot

«

lecture au

sens

pédant

«

d'interprétation

)

est

une inter-

prétation

véritablement n ce

que

son discours

historique

reconnaît

dans

chaque

histoireune

partie

d'une autre

qui

lui

est

conséquente

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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92

elle

lit,

au rebours de

l'induction

mythographique,

omment

haque

histoire

articipe

'une autre et

opère par

cette

homologie ui apparaît

dans la

disposition

nterne e ses

péripéties

u

histoires,

a

cohérence

globale

de

l'Histoire.Pour

lui,

l'homologie

onstatée st

une

conjonc-

tion,

t la

syntaxe

n

est

la

synthèse,

andis

que pour

le

mythographe,

chaque

ressemblance onstatée st

l'argument

'une

disjonction,

t la

production

'une

nouvelle

histoire

n

parataxe.

On

peut

faire

des

observations

imilaires

propos

de

l'histoire es

géométries,u desmathématiques. 'abord l s'agitde lierdes figuresen effet

haque

figure

racée sur le sable est un

arrangement

e traits

comme

toute

autre

figure

toute

figure

oit donc

ressembler

toute

autre au

moins

par

un

point

ou un

trait. l

y

a

là comme

e matériel

de base de la

géométrie,

n train

de se

définir.Mais

quand

il

s'agit

de

bâtir une

science,

comme

Diodore bâtit

une

Histoire,

alors le

parcours

des

figures

possibles

doit

découvrir,

u-delà

des

«

lieux

communs de

ces

parcours,

es

articulations e ces

lieux,

donc la

nécessitéd'un

système

ohérent

ui

épuise

le

possible,

t non

plus

des

recettes

graphiques.

C'est ce

que

montre

parfaitement,

ans toute sa

force

polémique,

a

première

ommunis

ententia

d'Euclide,

premier

tempsde l'alexandrinismeQuae eidem aequalia, et adinvicem unt

aequalia,

soit

à

peu près

«

deux

éléments

dentiques

un

troisième

sont

égaux

entre eux

». Ce fameux

principe

st

exactement

'arrêt de

la

production

mythographique,

ù

deux histoires

ui

ressemblent ime

troisième

ont

précisément

our

cette

raison

différentes

ntre elles.

Diodore

de Sicile

est,

vec Nicolas de Damas

et

Denys

d'Halicarnasse,

un

des

grandspersonnages

e

langue

grecque

de

ce siècle de

Cicéron

où monta le

goût

des

biographies,

es

généalogies,

t

des

histoires

historiennes. ais il

n'est

pas

moins certain

que

son habileté

pour

le

«

digest

,

voire sa

philosophie

du

«

compact

,

préfigurant

oèce et

Cassiodore. Car dès que la diversitéde l'histoire st ramenée à un

parcours,

i

complexe

oit-il,lle est

proche

de ressembler un

bagage,

ce

que

la

Préface

de

Diodore disait

déjà

clairement

«

Un

enseigne-

ment

qui comprend

n une

composition

'un

seul

ensemble

yntaxis

le récit des

faits,

permet

la fois une

lecture

alerte et une

assimi-

lation

facile,

continue t

complète.

l

en

ressort

finalement

ue

cet

enseignement

st

supérieur

ux

autres de même

que

le

tout est

plus

utile

que

la

partie,

t

ce

qui

se tient

plus

utile

que

ce

qui

est

divisé

en

outre,

e

qui

met

au

point

es

temps,plus

utile

que

ce

qui

ignore

dans

quelles

circonstances

n a

agi

».

Darès l'anachronique

Diodore

ne traversaita

première

istoire e

Troie

que

comme

une

étape

de son

parcours,

t

parce

que l'épisode

de

Laomédon ui

faisait

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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93

une

liaison

historique

ntre

a

geste

d'Hercule t

celle

des

Argonautes.

Pour

Darès,

ces calculs sont une

introduction

xemplaire

u

thème

de

Troie,

qui

est devenu le

symbole

du drame

historique,

omme

en

témoignent

es Carmina

Burana Le thème

des

Argonautes

de

quoi

il

part

est

bientôt courté

Demonstrare os

qui

cum Jasone

profecti

sunt non

nostrum st:

sed

qui

vult eos

cognoscere Argonautas

égat

Faire la

liste de ceux

qui

sont

partis

avec

Jason,

n'est

pas

notre

propos

mais celui

qui

veut es connaître

eut

ire

"Les

Argonautes"

,

ch.

2)

de

même

que

Diodore renvoieén

tois

Argonautaïs

aux

Argo-

nautes alors qu'il parle d'Hercule. l est probable que le renvoi de

Darès

vient,

sinon de la

segmentation

même

que

fait

Diodore,

du

moins un

exposé

des histoires

ui

suit sa

Bibliothèque

Darès

en effet

ne va

pas pas

raconter

'expédition

Diodore,

n

A,

renvoie

B

;

mais

la

raconte

ntre et

B2)

repoussés

du

rivage

de Troie

par

la

méfiance

de

Laomédon,

es

Argonautes

partirent

pour

la

Colchide,

s'empa-

rèrent

de

la

Toison,

revinrent hez eux»

(ch. 3)

et c'est

ensuite,

donc

depuis

la

Grèce,

ue

Hercules

graviter

ulit

rege

Laomedonte

ontu-

meliose

sese

tractatum,

t

eos

qui

una

profecti

rant Colchos

cum

Iasone

«

Hercule

supporta

mal

d'avoir été honteusement

raité

par

le

roi

Laomédon,

ui et

ceux

qui

étaient

partis pour

la

Colchide

avec

Jason . Herculeva à SpartealerterCastoret Pollux, Salaminepour

Télamon,

Phtie

pour

Pélée,

à

Pylos pour

Nestor voilà

manifestement

la

génération

'avant a Guerre

de Troie

il

prépare

douze

navires et

des

soldats.

Quand

tout est

prêt,

l

convoque

es amis

susdits

comme

avait

faitJason

par

lettre)

t

ils

se

transportent

u

Sigée.

Là,

Castor,

Pollux et

Nestorrestent

arder

a

flotte Laomédon fond

sur eux

avec

de la

cavalerie

pendant

e

temps

Hercule

est monté

l'assaut d'Ilion

ce

qu'apprenant,

aomédon

fait

demi-tour,

oit les

Grecs

arriver

sa

rencontre,

t

est tué

par

Hercule. Comme Télamon

était entré le

premier

dans

Ilion,

Hercule

ui

attribueHésione. Le butin

est

chargé

sur les navires,et on s'en va. TelamónHesionam secum convexit,« Télamon emmenaHésione avec lui ».

Priam,

qui

était en

Phrygie,

apprend

tout cela bientôt

t revient Trois

(cf.

tableau

III).

Tel

est le traitement

ue

fait Darès de

notrehistoire.On

remarque

que

toutes es

discordances

ntre ui

et

Diodore

ont trait ux

éléments

qui

prennent

e

l'importance

ans la version

B

de celui-ci la

légende

d'Hésione

et la

trahisonde Priam.

Que

cette

composition

n

A-B

ait

existé

dans

l'archéologie

e

Darès,

cela est

patent,

dans la

mention

non

ustifiée

'Hésione,

dans le

rôle

ex

machina de

Priam,

t dans la

mention

'un

récitdes

Argonautes

ui,

dans

l'idée

de

l'auteur,

ouvait

être

plutôt

ultérieur

u'extérieur.

e

fait

nouveau

qui

en

résulte,

'est

la résorptionn un temps uniquede la conjonction ar quoi Diodore

rassemblait

t

composait

on Histoire.

Pour

bien

des

critiques,

e

De

excidio

Troiae est un

résumé. Le

style

de

ses

phrases,

à vrai

dire,

suggère

fortement ette

hypothèse

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95

différente

et

implique

e

texte dans un

destin différent.

La

technique

du

De

excidio Troiae

-

et il

faut

bien

lui

en recon-

naître

une

si

Ton

veut

s'expliquer

son

succès

à la fois

secret et

immense

se

comprend

mieux

ous

ce

nouvel

angle.

Constansremar-

quait

encore

ibid.

p.

193,

n.

2)

que

les

subordonnées inales

y

étaient

fort

rares en

effet,

e

simple

ien

du

sujet

à

l'objet,

ou

du

sujet

au

prédicat,

ient ieu

d'orientation

emporelle

l'intention

e

cède à

l'his-

toire

orientée,

t

les

consécutives ont

dans les consécutions. e

temps

comme

dimension

ndépendante

'efface

n

même

temps que

les

struc-

turesdioscoridiennes, ais dans leur élan les archesentre es événe-

ments

et

leurs

vides

disparaissent our

ne laisser

que

le

plein

ou

le

plat

il

en

va de

même

dans l'art

impérial,quand

la

perspective

s'aplatit

dans

les

mosaïques,

les

bas-reliefs,

es

peintures. Après

l'historiographie

ioscoridienne,

'ensemble evient

ontractable

uisque

nulle

variantene

peut plus

interférer

ainsi

Darès est-il

une sorte de

Diodore

voué à

l'hypertélie.

Avec

cette

trange lasticité

late, ui

n'est

ni la

syntaxe

istorienne,

ni

la

parataxe profuse

des

légendes,

mais

glissement

isé des

faits

sur

eux-mêmes ans un

temps

t

une

intention

éduits

l'extension u

discours,

e De

excidio

Troiae,

récit

de

la

fin

d'un

monde,

devenait

immune u temps ui-même. on curieux« archaïsme syntaxiqueui

faisait

un

sauf-conduit

'anachronisme,

t cela en tout

temps

de

la

latinité,

u

de la

grécité

'il

s'en trouveune forme

grecque

similaire.

En

d'autres

termes,

'absorption

du

temps

dans

l'historicité élesco-

pique

de

sa

syntaxe,

ropre

à

la

contraction

voyez

en

annexe les

remarques

ur l'extrait

e la

Chronique

de

Frédégaire)

u à la dilata-

tion,

réalisaitune

sorte

de

machine

voyager

ans le

temps.

C'est cet

aspect

qui

va

maintenant

xiger

notre

ttention.

Darès, le temps, et le roman

L'attribution

e

ce texte

«

panchronique

à un

guerrier

e l'Iliade

témoigne,

u'elle

fût

volontaire u

hasardeusement

ancée,

de l'effet

qu'il

a

pu produire

ur les

contemporains

e l'attribution l'anachro-

nisme radical du

texte,

ussi

calculé

qu'il

nous

paraisse

maintenant,

ne

pouvait manquer

d'être

compris

d'abord comme

«

primitif

;

c'est

d'ailleurs

le

sens lâche du mot

«

anachronique

.

Dans le contexte

culturel

ui procède

des

Lumières,

a

primitivitéupposée

du

texte

e

glissait

vers deux

pôles, l'archaïque

ou le

barbare,

t c'est

en

effet

e

débatqui s'est institué. e texte taitorganisépourfuir a civilisation,c'est son

premier

mouvement.

Un

mouvement

imilaire,

mais

pour

des raisons

différentes,

st

celui du

roman.Avant a

découverte es

premiers

apyrus

ittéraires,

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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96

les

grands

romans

grecs

étaient

presque

unanimement

repoussés

vers les siècles tardifs. 'est

aussi un

papyrus

du IP

siècle

qui

a

fait

reconnaître

'historicité

u texte

de

Dictys,

en même

temps que

la

vérité

artielle

de

la

préfaceromanesque

ui

le

disait traduitdu

grec.

Les

préfaces

du De excidio

Troiae,

la fameuse lettre

de

Nepos

à

Salluste sur sa trouvaillechez un

libraire

d'Athènes,

u celle

des

Ephemeridi

belli

Troiae,

cette histoire d'une tombe

ouverte

par

un

tremblement

e

terre,

ù

l'on

trouvades

tablettes

n vieux

caractères

grecs

(ordinairement

nterprétés

omme

phéniciens),

ans un

coffret,

ont un caractèreromanesque qui a « repoussé aussi les critiques.

Les

plus

honnêtes,

pourtant,

avaient fait

remarquer

que

la Vie

d'Apollonius

e

Tyane signalait

n tel tremblemente

terre,

ustement

sous le

règne

de

Néron et l'exhumation 'un tel texte

n'aurait

pas

été

plus

extraordinaire

ue

le retour

du

Phénix,

dont

parle

Tacite.

On a

reconnu,

uoique

la

langue grecque

alexandrine e

rende

pas,

elle

non

plus,

facile la datation

stylistique

ou

philologique,que

beaucoup

de ces

romans

devaient tre

contemporains

u Haut

Empire.

En même

temps,

'extension e la

recherche

istorique

ux

«

faits

de

civilisation» a montré

que

beaucoup

d'éléments

concrets dans ces

romans,

qui

paraissaient

décor

fantasque,

trouvaient ette

fantaisie

dans le roman, t beaucoupde supportdans la réalité.Nous avons vu

de

notre côté

que

la

possibilité

du

roman,

ses

conditions la fois

mentales t

linguistiques,

ort de la transformatione la

mythographie

en

historiographie,

uisque

cette transformation

orrespond

à la

formation 'ensembles ordonnés

ou,

pour reprendre

e

lexique

de

Diodore,

la formation 'une

syntaxe énérale

du texte

ce

que

nous

appellerions

a

composition.

Au

temps

de

Diodore,

qui

est aussi le

temps

des soucis

archéologiques,

out est

prêt pour

les

romans

composés

Il

est bien connu

qu'un

roman

est

une

mise en

scène

du

temps

on en saisit chez Diodore,au carrefour u Roman et de l'Histoire(dans

l'ambiguïté

du mot «histoire ), la

genèse.

Le romanest une

conjonction

des

temps,

une

composition

et cela

différencie adica-

lement

on

historiographie

e cette successivité

ar

déboîtements

ui

faisait

la

mythographie

es contes. Mais

lorsque,

comme dans le

De excidio

Troiae,

a

composition

insi

acquise

se résume ou

plutôt

se

résorbe

en une

successivité

nouvelle,

e relief du

temps

en est

exprimé,

t

rejeté

en

préface

dans

la

mise

en

scène

archéologique

u

texte

ui-même,

on

plus

dans

son étoffe. e

plus,

le texte

acquiert

en

effet,

ar

cette

résorption éléscopique

'une Histoire ses

formules,

une

«

téléchronie

,

un

au-delàde

ce

tempsqu'il transporte par quoi

il se trouve n deçà du temps.Une composition insi contractée, 'est

une

composition ui

vient de

loin,

et les lecteurs de

«

Darès

»

en

avaient

parfaitement

onscience,

out comme

le vrai

ou faux

Népos

qui

le

découvrit

hez

l'antiquaire

thénien.

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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97

Le

plus

intéressant

ans toute

cette

histoire st

que

«

le

système

a

fonctionné

,

que

ce

projectile

ancé

par

contraction

travers

e

temps

en effet raversé n

temps

aussi résorbé

que

lui-même 'était.

La

machine à

voyager

dans le

temps

existe,

et son moteur

est

un

«

moteur

langage

.

De

même

qu'impliquée

dans une

forme

u une

phrase,

e trouve a

qualité

d'oubli

qui

la fera

«

surgir

en un

autre

temps

je

me

rappelle...

),

de

même

la

syntaxe

truquée

de Darès

est

une

machine contraction

ui

résorbe

e

temps,

ngendre

'oubli,

et

se

retrouve au-delà à

déplier

sa

composition

dans la

syntaxe

romanesqued'où elle provient. e dépliantchez Benoît.

Car

il

y

a cette

symétrie

ans

le destin

de

Darès,

que

les conditions

de sa contraction ont inverses de celles de son

épanouissement

contracté à

partir

d'une

historiographie

omanesque,

l

se

déploie

sous

formed'un roman

historiographique.

e sorte

que

nous

pouvons

mieux

apercevoir

le

«

fonctionnement

e

la

machine

,

et mieux

comprendre

es

conditions

d'apparition

du

roman,

en

cette fin de

XII* siècle dont nous étions

partis.

Le De excidio

Troiae n'est

pas

un

simple

résumé,

nous l'avons

vu,

pas plus

que

les bas-reliefs

e

Septime

Sévère ne sont une

projection implifiée

es reliefs

d'Auguste

ou de

Trajan l'aplatissement yntaxique

n'est

pas

un

sous-produit,à peineun produit il est une méthode.Nous avons vu quels stades

successifs 'ont rendue

possible,

et nous

voyons

maintenant ombien

cette méthode

ontient es conditions dès

qu'on

la

déploie,

elle

rend

ce à

partir

de

quoi

elle

a

été

contractée mais cette

symétrie

ui

apparaît

a

posteriori

st

complémentaire

'une

asymétrie ngagée

a

priori

dans

la facturede

Darès cette

réduction

tait

certainement

anti-romanesque,

e voulait

rupture,

e même

que

les Pères de

l'Eglise

grecque

ou latine s'accoutraient

d'une

grammairepasse-partout,

t

d'autant

plus

violemment

u'ils

connaissent

mieux

la belle

langue

du roman.

Ce

passe-partout

ut

efficace,

t

démultiplia

sa

façon

le

rêve romainde l'Empire.

Cette subversion

ar

réduction onservait insi

la

mémoirede ce

contre

uoi

elle se faisait.De sorte

que

la

polémique

de la

Renaissance

contre e

«

Moyen

Age

se voit subvertie

son tour

par

ces renais-

sances

démultipliées

u'une

observation

lus

attentive

econnaîtdans

l'épaisseur

des

moyens

ges

encore,

e

temps

est

tuilé. Et si

la

technique

de Darès

se

révèle

opératoire,

'est

que

le

temps

ui-même

n'a

pas l'intégrité

ue

lui

supposse

la

notion

d'époque.

Ces

âges

sont

moyens

utant

qu'ils produisent

es méthodes.

On

pouvait

dans un

premier emps

restituer

ne

«

évolution

,

et

dire

que

les réciteurs u

rédacteurs

d'épopées

ou

de

contes avaient

« peu à peu» atteintune « suffisante habileté dans la manipulation

des

épisodes

successifs

pour

que

»

se

présente

'ambition e

compo-

sitions

plus

vastes.

Qu'en

somme,

forced'exercices vec des

épisodes,

on est

passé

à la

composition

es

péripéties,

t du

conte

au

roman,

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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98

ou de l'anecdote l'Histoire.Et donc

que

ce recours u

décor

antique

fournissait,

omme

nous disions

au

début,

'alibi

(au

sens

propre

du

terme l'exostisme voire

'utopie)

d'un terrain

neutre

composer

loisir.

Que

cet exercice sur

l'antique,

à son

tour,

«

rendit

possible

les

compositions

ans-filet,

irectement

ans la

fiction,

ue

sont les

romans

arthuriens le roman

ayant

finalement

écouvert

qu'il

pou-

vait créer son

propre

terrain.

Oui,

mais cette

perception

rogressante

u

progressiste

e

l'Histoire

n'est

qu'une image

elle occulte ce fait essentiel

à

l'Histoire

que

le

temps ui-même varie dans les méthodes u récitou de l'intelligence.

L'évolution u

«

peu

à

peu

»

a

l'avantage

de décrire e

rapport

entre

eux

de certains

tades,

de certains

points

nodaux

mais en faisant

des

étapes

sur

un

chemin,

lle isole un

temps

prioriqui

serait comme e

tapis

roulant

dans un seul

sens)

de

cette

évolution

alors

que

juste-

mentces différents

oints

nodaux

varaient

ussi

sur

le

traitement u

temps.

La

démultiplication

'histoires imilaires

ordonne

la

successivité

myhtographique

le

temps

de l'itération

'y

défférencien

répétition

u

en variation. 'est

pour

e

temps

ui-même,

n

temps

de

différenciation.

Ces variantes ont nterrogéesontradictoirementar 'historiographe

qui

les

compose

dans une

syntaxe,

ù le

temps

ui-même

st

composé.

Ainsi

'Histoire,

omme

le

Roman,

sont-ils

e

temps

de la

mémoire,

comme

hez

cet Hercule

qui

se souvint

'une

njure,

u de ce

qu'on

lui

devait.

Résorbédans des

formules

ue

la

composition

mit à

jour,

e

Roman/

Histoire e

métamorphose

n

manuel,

n

«

digest

;

le récit e linéarise

en

un

seul

trajet

nécessaireet

suffisant andis

que

le récit

ui-même,

achrone,

ésorbant e

temps, 'y

confond.

Nous le retrouvons

onc,

télé-

chrone,

ur

la

trajectoire

u

temps.

Le cas de Darès met en évidence ue « l'évolution en question des

traverses,

u

plutôt

des recours.

Ce ne sont

pas

des retours

puisque

nous avonsvu comment

ouent,

pposées

comme

deux faces de

la

même

vitre,

'asymétrie

olémique

et la

symétrie

ranique

de l'effetde la

résorption.

uand

Benoît de Sainte-Maure

éveloppe

es trente

mille

vers

du

Roman

de

Troie,

l

ignore

Diodorede

Sicile,

Héliodore,

t même

le

texte

d'Homère

parler

de

«

renaissance tient

de

l'imposture,

e ce

côté de

la vitre.Mais

de

l'autre,

'énorme ittérature

ui

«

dépend

de

lui

(voyez

Sommer,

History

of

the

Troy

legend,

ou

plus

récemment

M. R. Scherer

The

legends

of

Troy

n

art and

literature, 963),

Guido

delle

Colonne

par

exemple,

u le

Recueildes histoires e Troie de Raoul

LefevredontCaxtontira le premier ivre mprimé nglais,déploieun

volume

mental où

l'on saisira

la

profondeur

u

rapport

à

l'antique,

réhistorisé.

Le

temps

e

joue

dans les

formes

u

langage.

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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99

Ánnexe:

Traitement

de l'affaire en contexte

mérovingien

On trouve

dans une série de mss. de la

Chronique

de

Frégédaire,

parmi

ceux

qui

contiennent

es

«

Continuations

,

une Historia Daretis

(ou

Daregitis)

Frigii

De

origine

Francorum.G. Paris

l'a

éditée

d'après

3 mss.

en

1874,

t Krusch dans

les M.H.G.

(

Scrpt

Merov.)

sur

8

mss.,

enprenant ourbase le VaticanusReg.Christ. 13,du X* siècle.Le titre

montre

éjà

qu'il s'agit

d'un

montage énéalogique

ésireux,

partir

de

la

Grèce

fabuleuse,

assant par

la

généalogie

omaine elon

Jérôme,

e

montrer

'antiquité

es

Francs.

Deux

grandes

différences

éparent

ette

chronique

de Darès.

1)

Cette

hronique

u

plutôt

ette

«

histoire

,

qui

part

comme

Darès

de la

légende

des

Argonautes

mais

ignorant peu

près

tout

d'Argo

t

des

moyens

de la

conquête, ue

Darès

ne

lui

indiquait

guère),

ne

cite

Hercule

aucun moment.

lle

sort

ainsi

complètement

e la

volonté

de

synthèse iodorienne.

2)

Sa

syntaxe

st

notablement ifférentee celle

de

Darès,

dont elle

n'est

certes

pas,

là où elle s'en

inspire,

n résumé.Les

phases

y

sont

aussi

longues

ue

le narrateur

ime

'intrigue.

n voici e début.

Eodem

itaque tempore pud

Grecorum

egna, que

instar mare

magnum

irata

vel sita

sunt,

egnum

sic)

primus

t maximus etias

celeber

habebatur

omnesque reges

Grecorum

uasi imperio

ubia

ceníes,

eius Consilio boedientes

erebant

Eratque

ei

proximus

x

fratre

enitus

am

defunctis

uprestis

sic,

pour

superstis)nepusque

illius

regis

ason

nomine,

ir

egregius

tque efficax,

trenuus

uippe

etprocerus, tilisvaldeConsilio,orde et animoferocissimo

En

comparant

vec

le début

de Darès

(

Pelias rex

in

Peloponeso

Asonem

fratrem

abuit Aesonis

filius

erat

Iason,

virtute

praestans),

on

comprend arfaitementourquoipar exemple

e

biographe

e Saint

Didier

VIP

siècle,

textefinVIII* siècle

Ed.

Pompardin,

icard,

1900)

pouvait

rouver

xagérée

on ubertatem

loquii gallici,

t

juger

utile

que

nitorem ermonis

ravitas

omana

temperarei

Il semble

que

sous

ime

orthographe

elâchée,

es beaux

esprits

d'avant

a

gravité

arolingienne

aient

adoré

les

beaux discours.Mieux

encore,

l est

probable

que

l'élan

de

leurs

phrases

(avec

fréquentes

uirlandes

d'appositions,

t

propo-

sitions similairementonstruites traversdes collectionsde complé-

ments

irconstanciels),

n réduisant

e hasard de

la

place

des

mots,

it

été

corollaired'une

dégradation

es

déclinaisons,

vec certaines

bizar-

reries

yntaxiques

ues

précisément

une

sorte

d'emportement

ral

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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100

Haec

(l'arrivée

de

Jason)

audiens

Laodemon,

pater

Priamo rex

Troianorum,

duenisse navale

evectioneGrecorum xercitum

due-

nisse

sie)

in

terram uam Priamum

egem

f

lium

uum,

um hostile

apparatu

contra eos

perrexit.

De sorte

que

les

complications u'entraînait

a

présence

d'Hercule

étaient

ncompatibles

vec

cette

façon

de

raconter.

epoussé

par

«

Lao-

démon

,

Jason

va

en

Colchide,

pille

le

royaume, rend

la

Toison

et

revient

a

présenter

«

Pélias

»

avec

le

récitde ce

qui

s'est

passé

à

Troie.

In predio regale sororemPriamo rege filia Laodemonisregis,

Hesionam

nomine,

ülchram

nimis,

legantům tque

decoram

valde

repperiunt

psamque captivatam

um

magna

praeda

et

multa

spolia

in

Gretiam

erduxerunt.

Aprèsquoi

Priam

essaie de la

récupérer,

n vain Alexandre

nlève

Hélène à

Cythère,

tc.

Cette

histoire st nettement

evenueun

«

récit

des

temps

mérovin-

giens

. La

contraction

ntense

aractéristique

e

Darès,

qui

parvenait

à conserver nterrelation

des trois

gestes

(Argonautes

Hercule

-

Troie)

exigeait

une

différenciationtricte

des

cas

;

ici,

la linéarisation

de l'histoire

gagné

son

contenu,

a

composition

ernaire

ssue de

Diodore est réduite une causalité binaireArgonautes Troie. Nous

sommes u bord de la

mythographie

t des

montagnes ycliques

de

la

mythologientique.

Tableaux

TABLEAU I :

Technique mythographique

a) Poséidonbâtit e mur Laomédon e trompe Poséidonenvoie

le

monstre

chevaux)

a

-f

b)

Héraklès

bâtit e

mur.

b)

Héraklès

tue le monstre Laomédon

le

trompe

Héraklès

attaque

Troie

(Hésione)

Le

tout

se trouve ous

la forme uivante

Poséidon

bâtit e

mur

chevaux)

Laomédon

e

trompe

Poséidon nvoie e monstre

Hésione

est

exposée

Héraklès tue le monstre chevaux et Hésione) Laomédon le

trompe

Héraklès

ttaque

Troie Télamon

prend

Hésione

Alexandre-Paris

rend

Hélène

2*

Guerrede Troie.

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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101

TABLEAU II

:

L'exposé

de

Diodore

(historiographie

encyclopédique)

Les

2

thèmes combiner

a)

thèmed'Hercule t de Troie

Héraklès vient chercher

es chevaux.

Trompé,

l

revient vec

renforts.

b) thèmede Jason et de Troie.

Jason

passe

à Troie

en allanten Colchide.

Chassé,

l

repasse

au

retour.

Le traitement

A)

Geste d'Hercule.

l

part

contreTroie

car

H. et

J.

passant

à

Troie,

H. tue

un monstre.

. le

«

frustre es

chevaux

convenus

voyez

le

récit des

Argonautes

).

H.

«

retardé

ar

l'expédition puis

«

saississant

un moment

avo-

rable

»,

revient ontreTroie.

Flotte u 6 navires Récitdu doublecombat Oïlée Télamon

(mer)

(terre)

Héraklès

(contre

Laom.)

B)

Geste des

Argonautes

IV, 0),

«

puisque

H.

partit

en

guerre

avec eux».

B1

(IV,

2).

Poussés

vers le

Sigée,

ils

débarquent,

rouvent

Hésione

récit.H.

la

délivre,

ffre

L. de tuer

e

monstre

chevaux

promis.

Hésione ditqu'elle suivra H.H. laisse toutà L.

jusqu'à

son retourde Colchide.

Expédition

ers a Toison.

B2

(IV, 9)

au

retour,

H. envoie

Iphiclès

et

Télamon

chercher e

dépôt.

L.

les

jette

en

prison,malgré

'avis de

Priam

qui

leur

facilite

a fuite.

Evadés,

ls annoncent

la flotte

'attaque

de L.

Combat

H.

tue

L.,

la ville est

prise

par

Télamon,

etc.

«

Certainsdes anciens

poètes rapportent

ue

Troie

fut détruite

«

pour

des chevaux

par

H.

seul,

partit

vec 6 navires et

non

«

avec les

Argonautes.

(IV, 9, )

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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102

TABLEAU

III :

Schéma des

premières pages

de

«

Darès

»

Pélias,

aloux

de

Jason,

'envoie

uérir

a toison.

Jason,

ue

ses amis ont

assuré

de

leur

soutien,

es

prévient.

L'équipe

s'en

va

sur

l'Argo,

fait escale

au

Sigée,

dont

elle est

chassée

par

L.

L'auteurnote en quelquesmotsque la toisona été prise.

H. a du

ressentiment

ontreL.

Il

s'assure e soutiende ses

amis.

Il les

prévient

tous

s'embarquent

e

Grèce,

vec 12 navires.

Combatdouble

près

de la

flotte,

t diversion ur terre.

.

est

tué.

Pillage.

H.

attribue

Hésione à Télamon. ls

s'en

vont.

Priamrevient

Troie,

u'il

rebâtit. éclameHésione.

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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Marie-Laure LE

BAIL

LE DROIT

ET L'IMAGE

:

SUR UN CAS

D'ESSORILLAGE

Bien

que n'ayant usqu'à

présent

uscité

que peu

d'intérêt

uprès

des

historiens

u

droit,

'iconographie

es chartes

de

coutumes

méridionales

constitue

n

champ

d'étude

prévilégié

our

l'anthropologie

istorique.

Par les

symboles

u'elle

met en

jeu

dans

la

représentation

u

supplice,

par

les

significations

ue

l'on

peut

en extraire

n termes

de confessions

involontaires,

émoin

des réalités

uridiques

«

matérielles

mais aussi

du

regardporté

sur

elles,

elle

apparaît

parfois

plus

révélatrice

ue

le

discours

crit.

L'image

que

nous avons choisie

d'analyser

llustre

'un de

ces

châti-

ments

qu'au

XIXe siècle les

humanistes

ualifièrent

nanimement

e

barbare l'essorillage. 'essorillage anctionnee plussouvent u Moyen

Age

le vol de faible

mportance.

l est attesté

dans les

coutumes

de

l'Agenais

1),

à Marmande

milieu

XIV*

siècle),

à

Gontaud

début

XIVe

siècle),

à Montréal

milieu

XIIIe

siècle),

à Mézin

(début

XIV siècle

vol entre

20 et 60

sous),

dans les

Coutumes

du

Quercy,

Ca arc où

en

1316

un

vagabondn'ayant

plus

d'oreilles

voue

que

l'une

d'elles

a été

coupée

à la suite

d'un vol de 8 deniers

Cahors et

l'autre

pour

le vol

d'une

serpe

dans les

Charentes

2),

mais aussi

dans le

nord

de la

France,

dans le

bailliage

de

Senlis au début

du XVe siècle

(3).

Il semble

donc

que

cette

pratique

ait été

largement

épandue

dans

la

majeure

partiedu pays et

durant 'ensemble

de

la

périodequi

nous intéresse

(XIIIe-XVe

iècles).

L'image

est extraite u

corpus

de

miniatures

ui

enlumine

'un des

manuscrits es

Coutumesde

Toulouse,

e

manuscrit atin

9 187

de la

Bibliothèque

nationale.Ce

manuscrit,

édigé

sur

parchemin

la fin

du

XIIIe

siècle,

mesure

427

mm

de

hauteur sur

270 mm de

large

et

compte

47

feuillets

critsd'un

seul

jet par

une même main

en

grosse

écriture ite

méridionale.

'image

a été exécutée

dans l'un des

espaces

initialement

révus

pour

a

transcription

u commentaire

es coutumes

1.

Paul

OURLIAC

et

Monique

GILLES,

Les

Coutumes e

l'Agenais,

tome .Montpellier,976,01p. tome , Paris,Picard, 981,98p.

2.

L.

D'ALAUZIER,

Causerie ur les Coutumes e Cahors.

Les

péna-

lités

,

Bull.

Soc.

Lot.,

LXXVII, 1956,

.

26-31.

3.

B.

GUENEE,

Tribunauxt

gens

de

justice

dans e

bailliage

e Senlis

à la

fin

du

Moyen

ge

vers 380vers

550),

trasbourg,

963,

87

p.

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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105

hommes

figurés

ebout

aux

effets

roduitspar

l'écart des

positions

se

conjuguent

eux

causés

par

la

similitude es situations.

Les

doigts

pointés

du

juge,

représenté

a bouche

fermée

t

les

lèvres

serrées,

montrent

vec

autorité,

non

pas

une

chose

visible,

ni

un

objet

existant,

mais

ce

qui

doit être. Le

juge

prescrit

a

norme,

prononce

a

«

règle

mpérative

,

la

«

formule

ui

règle

e sort

,

il dit

le

droit

(4).

Il donne ici l'ordre à ses subordonnés

d'accomplir

une

action dont

on connaît a nature

parce qu'elle

est

déjà

en

voie de

réalisation. e condamné 'est substitué

u

juge

dans

le rôle

de

person-

nage essentiel. Sa positioncentrale dans cette partie de l'image le

désigne

omme

principal rotagoniste,

elui autour

duquel

va se déve-

lopper

l'action. Encadré

d'un côté

par

le

soldat,

de

l'autre

par

le

bourreau,

a

condition

de

prisonnier

e fait aucun

doute.

Prisonnier

dans

l'espace,

l

l'est

aussi réellement son

corps

est

l'objet

d'une

prise

de

possession

mise en

évidence

par

la

pressionopérée par

chacun des

gestes figurés

le

geste

du bourreau dont

la

main droite est

posée

sur

l'épaule

du

condamné,

e

geste

du

soldat

dont le

pied gauche

recouvre

'extrémité u

pied

droit

du

coupable.

Les

effets

onjugués

de ces

deux

relations

gestuelles

onfèrent

u

condamné,

privé

de sa

liberté

d'agir

et

engagé

dans

une

action

dont

il

n'est

pas

le

maître,

un statutd'objet manipulé.

Ce

face à face des

regards

t

des

positions

ntre e

juge

et le

groupe

des trois hommes

fig.

1) (5)

donne à la

scène une

singulière

uto-

nomie.Construite sur

elle-même

,

pause plutôt

que

révolution ans

le

mouvement

énéral

de la

gauche

vers la droite

de

l'image,

elle

suggère

n huis-clos ont 'ouverture ur l'extérieur

aît de la

rupture

qu'instaure

sur le

plan

formel a

représentation

dos

à

dos

»

du

bourreau

et du

trompettiste.

elui-ci,

ont la

proximité

vec la

scène

précédente ignifie

eut-être

e

peu

de

temps qui

sépare

la sentence

de

son exécution

t donc l'immédiateté u

châtiment,

eprésenté

e

profil,es jambes l'une devant 'autre,plus ou moinspliées, le pieden arrièrene

reposant

ue

sur la

pointe,

mime un

déplacement,

elui

que suppose

l'annonce

publique

du

supplice.

L'action

véritable,

ttendue tout au

long

de la

trame

picturale,

n'est

figurée

u'à

l'extrémité roite

de

l'image.

Cette mise

en

fin

de

lecture

n'apparaît stratégique,

e

désigne

le

supplice

comme

épisode

décisif,

ue

si l'on se

place

sur le

plan

de

l'organisation

lastique

de

l'espace (fig.

1).

La

direction

rédominante

de

«

gauche

à droite

,

définissant

e

fil

du

récit,

ecoupe

ci le

jeu

des

4.

E.

BENVENISTE,

Vocabulaire

es

institutions

ndo-européennes

Paris,

Ed. de Minuit, 969,ome ,p. 107-110.5.Relevé inéaire t simplificateurmise en évidence es principales

lignes

e construction

le sens

prédominant

e

lecture

e

gauche

droite,

l'interruption

e ce

mouvement

énéral

figurée

ar

le

changement

e

direction es

regards

t

des

positions

es

pieds, 'élargissement

u

champ

visuel.

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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Figure

1

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-9-automne-1985 109/155

107

forces

graphiques

«

du

plus

étroit

au

plus

ouvert

.

Le

mouvement

vertical

de la dernière

scène,

figurépar

les fortes dimensions

du

bourreau

dont

e

sommetdu crâne et la

pointe

des

pieds

constituent

les

pôles

d'un

champ

immenseface

auquel

la

petitesse

du condamné

contraste

ingulièrement,ouligne 'ampleur

de

cette ouverture.Aux

effets

roduits

par

cette verticalité

oudaine

s'ajoutent

ceux nés de

la

rupture

de

la trame

horizontale,

aille

qui s'opère

entre les

deux

dernières

séquences

et

que

suture

partiellement

a

présence

d'une

trompette. 'oblique que

matérialise elle-ci

dans

son inclinaison end

compte

de cet

élargissement

u

champ

visuel et

pictural

en faisceau

où le

regard

ne se

fixe

pas

mais

se

déploie.

La distance insi

instaurée,

renvoyant

celle

parcourue

ar

le

trompettiste

omme

u

temps

coulé

entre

'annoncedu

supplice

et son

exécution,

ignifie

urtout

a

néces-

saire mise

à

l'écart du

châtiment,

a

crainte

d'une

contaminationvec

cette

sorte

d'expiation mpurequi

réunit

orps

et

sang.

Nous n'insis-

terons

pas

davantage

sur ce

qui

est

désormais

un

topos

historiogra-

phique,

savoir e

tabou du

sang,

à

la

fois exécré

l'Eglise

n'a-t-elle

as

horreur u

sang

?)

et

vénéré

Cf.

le

sang

du

Christ).

Nous reviendrons

plus

loin

sur

sa

responsabilité

ans la

représentation lutôt

négative

de certainesde nos figures e bourreaux.

L'organisation lastique répond

en définitiveux

exigences

du récit

proposées par l'image,

à savoir la

punition

comme

la

part

la

plus

montrée

u

processus pénal

médiéval.

L'exécutionde la

peine,

reven-

diquée par

le

pouvoir,

st au centre

même

de la

procédure

udiciaire

la

punition,

nstaurée

n

scène,

conclue a narration

t le crime.

L'essorillage

mis en scène

n'apparaît pas

comme le

déploiement

d'une force

rrégulière

u

sauvage

mais

plutôt

comme une

technique.

Celle-ci

répond

à certaines

xigences

formelles u nombre

desquelles,

inévitable

orollaire,

a

souffrance.es

multiples

manifestationse lisent

dans l'exagération

es traitsdu

visage (fig. ) et concernent

ussi bien

le

nez,

busqué,que

le

front,

rop

haut,

ou encore e

menton,

n

galoche,

les

sourcils,

a

bouche,

es

cheveux.

Autant

d'éléments

qui

permettent

d'en

apprécier

l'importance

comme

d'en

souligner 'ambiguïté.

insi

'angle

formé

par

l'orientation

des sourcils à l'extrémité

esquels

se détache a

prunelle

dessine

un

mouvement

scendant

dentique

celui de l'ensembledu

corps, qu'ac-

centue la

ligne

quasiment parallèle

du

front,

imulant

a

colère,

la

douleur,

mais aussi

la volonté e se

soustraire

l'emprise

u bourreau.

(Nous

soulignerons

ans la suite de

l'exposé

l'importance

de cette

attitude).

a bouche

ouverte,

es dents

pparentes,

éritables

igurations

sonores, chèvent e donner u personnage n aspectparticulièrement

redoutable.

La

souffrance ont le bourreau s'est fait

«

l'anatomiste

immédiat

apparaît

alors comme

«

élément onstituant e la

peine

,

jouant

«

au terme

de ce rituel

judiciaire

le rôle

d'une

épreuve

Page 110: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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108

Figure Condamnédernièrecène

ultime

(6).

La vérité clate

sur ce

visage

dont

les déformations

en-

voient de

manière

plus

ou moins

explicite

aux anomalies

d'ordre

psychologique,

ocial,

moral dont souffre

e

personnage.

La

position

de

profil

manifeste

ci

plus

que

tout

autre

élément

'identité

de

la

personne

eprésentée.

ne

étude

plus globale

de

l'iconographie

médié-

vale

révèle en effet

u'en

règle

générale

ucun

personnage

de

qualité

n'est ainsi

représenté.

i l'on considère

ue

sur l'ensemble

des

person-

nages

figurés,

rois

d'entreeux

seulement

ont

représentés

e

profil,

qu'au

nombre

de

ces

trois

figurations,

l

faut

soustraire

celle

du

trompettisteont nous avons vu qu'elle était entièrementéterminée

par

le mouvement

e la

marche,

es deux

figures

estantes,

elle du

bourreau

de

la

première

cène,

celle

du condamné

de la

dernière,

apparaissent

omme

des

exceptions.

a valeur

de cette

position

n'est

alors

plus

accidentelle

mais

essentielle,

on

plus

liée à

une

conjoncture

passagère

mais

correspondant

ien à

une altération

profonde

de la

nature.

L'auteur de

la

représentation,

idèle

cette

équation

fondamentale

de

la

pensée

et de

l'imagerie

médiévales n vertu

de

laquelle

l'ordre

figure

e

bien et le

désordre

e

mal,

révèle

ainsi

la nature résolument

négative

du

condamné.

Ses

traits

crispés,

a

dispositionparticulièrede sa chevelure

comparable

celledu coupablede la première cène),

6. M.

FOUCAULT,

urveiller

t

punir

Naissance

de la

prison,

aris,

Gallimard,

975, .

49.

Page 111: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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109

en désordre

ous forme

de flamèches

aunes

laissant

e

front

dégarni,

référence

mplicite

u feu

de

l'enfer,

e

désignent

omme vecteur

du

mal,

identique

au démon

décrit

par

Raoul

Glaber

(7)

comme aux

possédés

et à tous

ces

personnages

de démesure

si

bien

représentés

dans

la

sculpture

omane

8).

La mise en scène

du

supplice,

ouant

ici

sur la

perméabilité

es

frontières

ntre

deux

mondes,

terrestre t

infernal,

aisse deviner

ce

que

sont ces

peines

de

l'au-delà,

montre

a

gravité

de

ce

qui

se

joue

dans

l'éternité.

u châtiment

errestre

la

punition

divine,

l

n'y

a

qu'un pas.

Si les scènes de suppliceinfernal alquées sur les châti-

ments terrestres

ont

nombreuses,

l n'est

qu'à

se

rappeler

a masse

des

réprouvés

condamnée à

être

bouillie,

enfouie,

ou

pendue,

nous

n'en

avons trouvé

ucune

qui

nous

rappelle

e

supplice

de

l'essorillage.

Peut-être

e

parallélisme

ne

s'établit-il

ue

dans

les cas de

peine

de

mort

seul

le condamné

à

mort serait

obligatoirement

oué

aux

géhennes.

Offrant

chacun le

spectacle

de son

devenir,

e

supplice signifie

ici

l'irrémédiable estinée

du

condamné

ui

crie et se révolte

n vain.

«

Assailli

à la fois

par

les

douleurs

physiques

t

par l'angoisse

devant

le sortqui l'attend,l se trouvedans l'incapacitéde réagirdans le bon

sens

les démons

e

pressent,

es attaches

terrestres

'empêchent

e

se

repentir

(9).

La

culpabilité

ransparaît

ans

cette humanité

pitto-

resque,

cette

prolifération

u

monstrueux,

éritable

nomalie

perçue

comme

présage

qui,

en

violant

l'ordre

naturel des

choses,

souligne

l'infidélité

u

coupable

aux

principes

hrétiens,

a double

irresponsa-

bilité,

devant Dieu

et devant es

hommes.

Le

spectacle

du

supplice,

antichambre

e

la

mort,

uscite

et

entretientci

la

peur

de celui

qui

y

a décelé

a

parodie

du

Jugement

ernier

figuration

uccessivedu

juge,

de

la

trompette,

u

châtiment).

l invite lors à l'examen

de

conscience,

à

penser

la fin

ragique

de l'homme

mort ans

préparation,

réfléchir

sur ce passage périlleuxqu'il n'est permis de franchir u'au prix

d'une

constante

vigilance

de l'âme et du

corps.

Cette

mise

en

image,

dialectique, appelle

'illustration

ue François

Villon fit dans l'un

de

7.

«

Une

espèce

de

çetit

homme orrible

voir...de stature

médiocre

avec

un cou

grêle,

n

visage

macié,

es

yeux

fort

noirs,

e front

ugueux

et

crispé,

.. la bouche

proéminente,

es

cheveux

érissés n broussaille...

(Raoul

GLABER,

es

histoires,

,

1).

8. Nous

pensons

otamment

ux

chapiteaux

e

l'église

de la Madeleine

à

Vézelay

le désespoir

t la luxure

la

figure

u

désespoir

st

représentée

les

cheveux

n forme

e

flammes,

a

bouche

uverte,

es

dents

pparentes

et

la

langue irée),

a

légende

e Saint Benoît

un

démon

rès

semblable

à celui évoquépar Raoul Glaberoffre l'imaginatione Saint Benoît,

brûlant

e

volupté,

a

femme

u'il

a

aimée

dans

sa

jeunesse)]

et de

la

Cathédrale

aint Lazare

à

Autun

La

pendaison

e

Judas].

9.

J.

DELUMEAU,

e

Péché et

la

Peur,

a

culpabilisation

n

Occident,

XIII'-XVIII*

iècles

Paris,

ayard,

983,

.

72.

Page 112: Medievales - Num 9 - Automne 1985

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Ill

les traits

de

Tun

s'oppose

à l'animalité

de

l'autre. Ces différences

témoignent

'une double

ambiguïté.

La

première

ient

aux

multiples

ignifications

e

la

souffrance.

i

«

les douleurs

d'ici-bas

peuvent

valoir

comme

pénitencepour alléger

les

châtiments e

l'au-delà

,

elles

peuvent

aussi

figurer

la damna-

tion

imminente et

«

loin

de

gager

une absolution

future

,

signifier

l'irrémédiablebandon

du

coupable

aux

mains des

hommes

11).

Autant

d'aspects,

autant de

réponses

à

ces

«

moments

de

vérité

que

l'on

interroge temps

de

la

sentence,

emps

de

l'exécution,

n

y

décèle

tour à tour 'innocence t le crime, e présent t le futur,'ici-baset

l'éternel.

Chaque

trait du

visage,

chaque

grimace,

e

corps

soumis

ou

le

corps qui

résiste,

tous ces

éléments

acquièrent

valeur

de

signe.

La seconde

ambiguïté

elèvede

l'exemplarité

u

supplice.

La

plura-

lité

d'impressions

roduites,

e

sentiment

'un condamné

«

plus

mau-

vais

que

l'autre

,

renvoient ux

principes

de ce

que

Michel Foucault

appelle

«

la

liturgie unitive

u

supplice

(12).

Le

châtiment

mprime

sa

marque

à

la

victime

c'est son

exécution

ui

la

désigne

de manière

univoque

comme

sujet

négatif.

La cicatrice

nfamante

aissée

sur le

corps

du

coupable souligne

définitivementon altérité.Au mêmetitre ue celui à qui on a apposé

le

fer

rouge,

percé

l'œil ou

brûlé

la

bouche,

'essorillé

devient 'exclu

visible

d'une société

qui

est

avant tout

celle

du

paraître.

Le

supplice

s'écarte

alors

de toute

volonté

réconciliatrice.

quivalent

ci-bas de

la

décomposition

es

corps

au-delà

de la

mort,

l s'en

éloigne

quant

à

la

finalité.

i l'une

vise à

la

réintégration

u

corps

des

élus, l'autre,

paradoxalement

urificateur,

'amorce

aucune

«

résurrection ociale

».

La trace

qu'il

laisse

sur

le

corps

du condamné

s'avère

indélébile

chacun

se souviendra

du

spectacle

de la torture

t de

la

souffrance,

du

pouvoir

démesuré

ui

s'est exercé

sur

le

corps

du

coupable.

L'évi-

dence

du

déséquilibre

une

simple

valuation es

dimensions

e chacun

des protagonistes e cettedernière cène suffisant prouver a dissy-

métrie)

onfirme

a

supériorité

ant

uridique

que

matérielle t

physique

d'un

pouvoir

dont a

légitimité

épend

aussi

de cette

publicité

faiteau

«

fonctionnement

olitique

de

la

pénalité

(13),

aussi

proche

de l'œuvre

de

justice

que

de

l'épreuve

de force.

L'image,

figurant

e

coupable

encadré

d'un soldat

et d'un

bourreau,

rend

compte

de

ce dualisme.

Le

déploiement

e

force

qu'incarnent

es

deux

personnages

émoigne

e

la

pluralité

es

rôles tenus

tout

au

long

de

la

procédure.

a

première

cène s'intéresse

la nature

des

person-

nages

et

à la fonction

ue

l'usage

leur

assigne.

Ainsi le soldat ne

devrait

pas

avoir

à

se

servir

d'une

épée

rangée

dans son fourreau

t

de ce fait seulement arantede l'ordre par contre, e bourreau dont

11.M.

FOUCAULT,v. cit..

d. 50.

12.M.

FOUCAULT,

p.

cit.,

p.

38.

13.M.

FOUCAULT,

p.

cit.,p.

53.

Page 114: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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112

l'épée

de

justice

brandie

oue

le rôle d'un

attribut,

evra

névitablement

agir.

Cette

double

figuration

e

l'épée

conduit à une

appréciation

différentiellee l'avenir.A

la nature

hypothétique

'une

action dont

la réalisation béit

à tout

un

jeu

de

probabilités,

envoie a certitude

de

l'accomplissement

utur 'une autre.

Cette

première équence

définit

ainsi les

limites déales d'une situation

qu'elle

ne

figure as.

Il

faut

attendre

a

dernièrescène

pour

en

visualiser

es

multiplesaspects.

Cette

partie

de

l'imagereprésente

n

combat,

ertes

gagné

d'avance,

mais dont n'est

pas

tout

à fait exclue la dimensionde lutte. D'un

côté il met un termeà celle que se sont livrés le condamné et le

pouvoir

tout

au

long

de la

procédure

cette clôture est

figurée

ci

par

la mise

en

fin de

lecture,

l'extrémité roite de

l'image,

de la

scène

de l'exécution. 'un autre

côté,

e

supplice

exacerbe

ce moment

de

lutte,

e définit omme

temps

fort

d'une

action

au

déroulement

stéréotypé.

l

n'y

a aucun doute

sur

la

signification

e

l'attitudedu

condamné

représenté

a tête en

arrière)

comparable

à celle

décrite

par

Bernard

d'Angers

ans

les Miraclesde Sainte

Foy

Gerbert

ppose

une

longue

résistance,

e débat

vigoureusement,

gite

vivement a

tête

de côté et d'autre sous

la

pression

des

doigts

de

ses bourreaux

14).

Ce

qui

se

joue

ici

relève

de

l'affrontementl'affrontemente

deux

types

de violence, 'une régléeet légitime, elle de la justice incarnéepar

le

bourreau,

'autre

illégale

et

sauvage,

celle du Mal

incarné

par

le

condamné.

Figure

Bourreau

dernière

cène)

Le couteau

que

tient e bourreau

ans la main

droite,

a main

gauche

étantoccupée à tenir 'oreille,n'est plus perçucomme attributmais

14.A. BOUILLETet

SERVIERES,

Sainte

Foy,vierge

t

Martyre,

odez,

1900,

.

451-453.

Page 115: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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113

comme

moyen,

nstrument

'une action

qui

s'effectue

ous

nos

yeux.

Inversement ce

que

nous

avons constaté

dans

la

première

cène,

c'est ici

l'action,

a

manipulation

echnique,

qui

est

privilégiée

u

détriment

e

l'agent

fig.

).

Les traits

de ce

dernier,

uasiment

nexpressifs,

ontribuent

déper-

sonnaliser

'exercice

d'un

pouvoir

qui

se veut

anonyme.

Les formes

arrondies

du

menton

t

de la tête sont

la

marque

d'une

indifférence,

celle

qui

caractérise

e mouvement

mécanique

de

la main

qui

sectionne.

A la maîtrisedu geste répondcelle de l'expression.

e

bourreau dont

l'impassibilité

contrasteavec le désordre

apparent

du

visage

du

condamné,

pparaît

alors

dans toute

a

légitimité.

on

image ustifie

elle

seule

l'acte

de

justice

celle-ci,

roide et

impersonnelle,

olle

au

personnage,

xécutant

ans

visage.

L'assurance

du bourreau e

lit encore

dans le contraste

u'instaurent

les

positions

des

différentes

arties

du

corps.

Le

profil

de la

moitié

inférieure

éterminé

ar

le sens de

l'action

s'oppose

à

la

position

de

trois-quart

e la moitié

supérieure.

out se

passe

comme

si l'auteur

avait voulu conserver

son

personnage

a

valeur

positive

d'une

posi-

tion

de

trois-quart

éniée

au

coupable

représenté

e

profil.

Celui-ci,

apparemmentmmobile, es jambes parallèles,serréeset droites, e

trouve

pourtant

dans une

position

instable,

comparable

à celle

du

pendu,

a

pointe

des

pieds

tendue,

ne

reposant

nulle

part.

Cette sou-

mission

du

corps

coupable

à la

pesanteur symboliserait

'idée de

chute,

n accord avec

celle de

péché.

Si

de

ce

corps

à

corps,

le

bourreau est

sorti

indemne,

ertaines

images

de notre

corpus

(B.N.

ms.

lat.

9187)

prouvent

u'il

n'en est

pas toujours

insi. L'examen

rapide

de

la

série

de

couples

«

condamné

(1)

-

bourreau

2)

»

que

nous

présentons

fig.

5)

(15)

montre

u'il

fait

parfois

'objet

d'un

désaveu

dentique

celui

qui

touche e

condamné.

Une

étude

comparative

e

chacune des

figurationsui

en sont faites

dans notre

mage

sembleconfirmeretteambiguïté. a seconderepré-

sentation

ont nous avons

remarqué 'expression

mpassible

contraste

en effet

vec

l'impression

e

sévérité

roduite

par

la

première fig.

).

Le nez

busqué,

e menton

marqué,

a lèvre

proéminente,

a bouche

en

retrait,

a

position

de

profil,

roduisent

es

mêmes effets

égatifs

que

ceux mis

en évidence ors

de

l'analyse

des deux

représentations

de

condamné.

Justice

t crime e

côtoient ans

cette

partie

de

l'image

où nous

ne

sommes

pas

sûrs

de

pouvoir

dentifiere

mal aussi claire-

15.

Mise

en évidence e similarités

ans la

représentation

es

visages

des couples«condamné-bourreau(deux premiersouples) t «condamné-

spectateur

(dernier

ouple).

Le

spectateur

t le bourreau ont assimilés.

Le

premier

articipe

u

même itre

ue

le second

l'acte

de

justice.

En

fonction

es critères

éfinis

ans

l'analyse,

es

bourreaux t

le

spectateur

apparaissent

plus

mauvais

que

les condamnés

cf.

visages

marqués,

très

«

découpés

,

de

profil).

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116

De

là,

ces différencesonstatées

dans

la

double

figuration

u

couple

condamné-bourreau

d'un

côté,

le

bourreau

représenté

n état et le

condamné

pitoyable,

e

l'autre

e bourreau

représenté

n

action,

t le

condamné

démoniaque,

hacune de ces

représentations

orrespondant

à un momentde la

procédure udiciaire,

tantôt

'énoncé de la

sen-

tence,

antôt 'exécution

ublique

du châtiment

18).

Nous concluerons

n

insistant ur

la

pluralité

d'aspects

du châti-

ment

mise en évidence

par

cette ecture.

Situé

à la limite du bien et

du

mal,

touchantde

près

au monde

infernal,

e châtimentn'en est

pas

moins une

pratique

juste.

En

punissant

e

coupable,

l

participe

l'ordonnance

u monde terrestre.

Occasion

de désordre le condamnéhurle

-

il

acquiert

sa

légitimité

au sein d'une

image qui,

composée

de scènes

successives,

e châtiment

précédé par

l'énoncé de la

sentence,

st

celle de

la

justice,

donc de

l'ordre.

Ainsi

chaque

scène

a son

importance

aucune n'est

prétexte

ou alibi

plastique.

L'organisation

e

l'image

en

séquences

soudées

les

unes aux

autres

oblige,

tant au niveau

de la

perception u'à

celui de

l'analyse

héorique,

une

compréhensionragmentée.

haque partie

de

l'image

doit être confrontée

un

autre ensemble

qui

voit

ainsi

sa

significatione préciserpar le jeu des correspondancest des oppo-

sitions

19).

Cette

perception

équentielle

e

l'image

renvoie différentes

oncep-

tualisations

du

temps,

parfois

contradictoires.

u

temps

de

l'action,

du

ugement

sentence),

e

l'annonce

t

de

l'exécution,

'oppose

e

temps

de la

réflexion,

elle du

juge,

du

condamné,

u

spectateur,

mais aussi

le

temps

à

venir,

ui

est celui

de la

justice

suprême.

L'image

n'est alors

plus

un

espace

seulement

voqué.

Il

importe

davantage

ue

l'on croie à

sa réalité.Le

juge

est

bien là

devant

nous

et

l'espace

reste à

parcourir,

e nous

à

lui,

de lui à l'exécution

e

la

sentence.

Ce

qui,

semble-t-il,

ntéresse

'auteur,

'est

la véritédu récit

qu'il propose, etterelationfantasmagorique'un supplice aperçu,au

service

de

laquelle

il met toute entière

une

«

intelligente

fficacité

visuelle .

Au besoin d'abuser

les sens

pour

faire vrai s'allie

alors la

simplicité

onventionnelle

u trait. Le dessin

privilégie

a sensibilité

comme

forme e

connaissance,

omme

moyen

de

reconnaissance

e la

culpabilité,

u bien

et

du mal. La

charge

contenue

dans

chacune de

ces

figures

st alors

efficiente

elle n'est

pas

une

simple

indication

mais

l'amorce

de

l'interprétation.

'image prend

clairement

position

par

rapport

u

sujet

représenté.

lle

proclame

'idée de

justice

tout en

18.Si la publicité es audiences st encore ttestée la findu MoyenAge,elle reste toutefoismoins mportanteue celle de l'exécutione la

sentence

laquelle

oute a

population

e

la

juridiction

oit assister.

19.Cette

nécessité

st

parfaitement

émontrée ans

les travauxde

Jacques

t Ariette

AUCHE,

a bataille

u Louvre

u la

leçon

de

peinture

Contribution

l'analyse

e

l'Espace

pictural

Diplôme

HESS,

Toulouse,

983.

Page 119: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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117

nuançant

es formesde son

exercice.Par

le statut

qu'elle

se

donne,

indépendante

u texte

écrit,

lle

se définit

omme

e

reflet otalement

subjectif

de la réalité.

Le dessin ne résulte

pas

d'un

hasard

mais

bien d'une volonté

de

schématisme ont es

stéréotypes

nt valeur de

signe.

La

simplicité

e

l'image,

on

absence de

cadre,

son

plan unique,

la

proportion

elativement

aible

de

personnages,

n font un

espace

dont

la

rigueur

ejoint

celle

de la

loi.

La

lecture

inéaire de

l'image

se

calque

sur

l'immuabledéroulement

'un

scénario

Cf.

la

systéma-

tique

de

la

procédure

t de

la

pénalité)

stigmatisant

'idée

maîtresse

d'unesouffranceégale,d'unebonnesouffrance,éniant u corpstoute

morbidité,

e

moralisant

omme

'eut

fait

a

règle

de

droit.

Page 120: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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Chiara FRUGONI

Odile REDON

ACCUSÉ GUIDO RICCIO DE FOGLIANO,

DÉFENDEZ-VOUS

Vous vous

rappelez

ce

chevalier,

ous

le

connaissez

bien.

Appelé

ur

les

pages

des livres

d'histoire

l

répond

militairement

«

Moyen

âge

présent

». Vous savez

qu'un

jour

autrefois

1328,

'est écrit

sous

les

pieds

de son

cheval)

il était arrivé

glorieusement

Sienne,

retour

d'une brillante

xpédition

ans

les arides collines

du Sud.

Depuis

long-

tempsdonc l chevauche n fresque u hautd'unmurdu Palais Public

de

Sienne

sa

photo

est

partout,

vec

pour légende

«

Guido

Riccio

de

Fogliano

à

Montemassi,

ar

Simone

Martini,

328

.

Au

premier lan

au

centre,

Guido

Riccio,

bâton

de commandement

en

main,

profil

uté,

conduit

on cheval vers

la

gauche

de la

fresque.

L'homme

t

la bête ne

font

u'un

-

«

une statue

équestre

(1)

-

vêtus

des mêmes

draperies

ux armes

de

l'homme. a

position

déséquilibrée)

des

pieds

du

cheval a

déjà

éveillé

l'attention;

a statue

risquait

de

tomber.

A

gauche

la forteresse e Montemassi

coiffe

une éminence

rocheuse,

ntourée

d'une

palissade

garnie

de lances dressées

elle se

trouvedevant Guido Riccio mais déplacée en arrière-plan. errière

Guido

Riccio,

ur

le même

plan

que

Montemassi,

ne construction

ui

ressemble

à

une forteresse

erait

la

tour

d'assaut

battifolle

)

construite

ar

les

assiégeants

pour prendre

Montemassi sur sa tour

gauche

flotte

a

Balzana,

la

bannièrede

Sienne,

mi-partie

lanche et

(1)

C'est a définition

onnée ans

Giugurta

OMMASI,

elVHistoriei

Siena,

G.B.

Pulciani,

enise

1625,

ivre

X,

p.

319

«

Gli

fu fattohonorata

sepoltura

San

Domenico,

ssendo

per

prima

tato honorato

ella

Repu-

blica

d'una statua a

cavallo

dipenta

nella Sala

delle Balestrehora

del

Conseglio i manodi SimonMartini ommo ittore e' suoitempi, tanto

amico

del

Petrarca,

he si vede

fin'hoggiopra

l

Mapamondo

on

l'impresa

di

Montemassi

. La

même

expression

statua

equestre

est

reprisepar

Guglielmo

ELLA

VALLE,

Lettere anesi

sopra

e belleArti G.

Salomoni,

Rome

1785,

ome

I,

p.

88 lui-même

e

réfère G.

Tommasi.

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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/';-=09 )(8*

=-0/']

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http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-9-automne-1985 122/155

120

noire,

l'opposé

a

bannière ux

armes

de Guido

Riccio. Sur la

droite

le

campement

es

armées

siennoises st

établi

pour

l'essentiel

u

pied

des

collines,

l'angle

en bas

à droite

de

la

fresque.

es

tentes

lternent

avec

des

vignes

bien

alignées,

bien

taillées. Au

fond,

e ciel

est d'un

bleu

nocturne.

Aucun

être

vivant

n'anime

cette

scène,

car

l'homme et le cheval

sont une

statue la

forteressen'est

pas

défendue,

es tentes et le

«

battifolle

sont vides.Le

peintre

glacé

l'image étrange

'une

guerre

sans

cadavres, ans ruines t sans plaisir.Mais l'imagenoue un charme,entreces durs paysages,cette

guerre

abstraite,un chevalier

pétrifié,

et

nous,

spectateurs

'un

autre

âge,

confortés

ependantpar

les sécu-

rités de

l'histoire Simone Martini

bien

peint

sur ce

mur,

en

1330,

la

prise

de

Montemassi,

éalisée en l'an du

Seigneur

1328

par

Guido

Riccio de

Fogliano,

apitaine

de

guerrepour

la

république

de Sienne.

Or

les

sécurités ont menacées le

doute,

d'abord

honteux,

explosé

en

1977,

uand

Gordon

Moran,

méricain

t chercheur n histoirede

l'art

a

commencé

contester

'identité ntre a

fresque

offerte nos

yeux

et celle

qui,

le

2

mai

1330,

ut

payée

16 livres

Maître Simone et

qui

représentait

Montemassi t Sassoforte

2).

Et

depuis

1977

Moran

accumule es preuves, énouant es charmes t déchaînant es fureurs.

La

polémique

active la recherche. ur

le même

mur,

au

registre

inférieur,

e

travail des

restaurateursmet

à

jour

en

1980

une

fresque

jusqu'alors

nconnue un

village, ignifié

ssentiellement

ar

son

église

et

un

palais

fortifié,

merge

du

rocher.

A

droitedu

palais

s'appuie

ime

tour

basse

grossièrement

maçonnée

un

arbre est

planté

dedans. Le

village

est

entouréd'une

palissade

de bois dans

laquelle

s'ouvre me

porte.

Devant

cette

porte,

deux

personnages

n

robe

longue,

comme

on la

portait

u

début

du XIVe

siècle,

changent

n

regard

t

des

signes.

L'homme

de

droite

commande

de son

corps

l'entréedu

village

ceint

de l'épée, il la souligneen y appuyant a main gauche.De sa main

droite evée

il

accueille

'autre homme

qui

ne

porte pas

d'armes mais

tient

en

sa main

gauche

des

gants.

s'interrompt

rutalement a

fresque,coupée par

la

surimposition,

n

1529,

du

Saint

Ansano de

Sodoma.

Face

à

cette

scène

«

abrégée

un

nouveau

charme

se

noue,

dans

l'extrême

affinemente la

couleur

et du

dessin,

celui

de

l'inconnu

à

nommer.

t

si l'on

retrouvait

à Guido

Riccio?

(2)

Gordon

MORAN,

An

nvestigation

egarding

he

Equestrian

ortrait

of Guidoriccioa

Fogliano

n the

Siena Palazzo

Pubblico

,

dans

Paragone

333,XXVIII,

1977,

p.

81-88

nous

renvoyons

cet

article

our

a biblio-

graphie

t

les

sources.

Page 123: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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121

Un

personnage

contesté

On

sait

que

ce

magnificus

miles

appartenait

une noble famille

de

Reggio

Emilia. En

avril 1327 l

fut élu

capitaine

de

guerre

de

la

république

e

Sienne

pour

six mois il

resteradans

cette

charge, égu-

lièrement

éélu,

pendant

ix

ans et demi

(3).

En

ces

années,

gouvernée ar

les

Neuf,

Sienne est sur le versant

guelfe

de

l'Italie,

alliée des

Florentins.

on essentieleffort e

guerre

regarde,

au Sud

et au

Sud-Ouest,

a

Maremme,

sa

«

frontière

,contestée n ses pointsfortspar les seigneurs ocaux que viennent

soutenir

es

tenants

e

l'Empereur

ouis de

Bavière,

es

troupes

de son

puissant

allié

lucquois,

Castruccio

Castracani,

ou les forces

pisanes.

La

puissance

de

Sienne,

ffirméeà sur

le

terrain,

st

renforcée

ymbo-

liquement

par

la

figuration

ur

les

murs

de

son Palais Public des

«

castelli

faits

siennois

déjà

en 1314

Giuncarico

Montemassi et

Sassoforte n

1330,

Arcidosso t

Castel del Piano en 1331

4).

Or

Guido

Riccio

a

dirigé

'offensive

ontre Montemassi

les chro-

niques

et

les

histoires iennoises ui

attribuent

e

mérite

principal

de

la

victoire

emportée,

'est-à-dire e la reddition

égociée

de la forte-

resse, e 27 août 1328, près septmois de siège (5). Le 2 mai 1330, es

services

de

la

Biccherna nt

payé

un

maîtreSimone

«

pour

avoir

peint

Montemassi t

Sassofortedans le

Palais de la

commune

(6).

Notons

que

ces termes du

paiement spécifient

es

forteresses

mais

où est

Sassoforte

)

et

non

e

capitaine.

Et

les

chroniques voquent

eulement

les fêtes élébrées

Sienne à

l'annoncede la

victoire.

Les Neufdu

gouvernement

aintiennentonc

eur

confiance Guido

Riccio.

Mais,

à travers e

triomphalisme

iennois des

chroniques,

n

perçoit

ue,

passée

la

phase périlleuse

e

la

conjonction

ibeline

ntre

Castruccio et Louis

de

Bavière,

les

opérations

guerrières

tendent

autantou

plus

à

razzier e

«

contado

de

Pise

qu'à

gagner

t assurer a

fidélité es forteresses u Sud.

En avril

1329,

e

capitaine

de

guerre articipe

la

répression

ontre

le

«

popolo

minuto de Sienne ému

par

la famine.

(3)

Voirnotamment

rlando

MALAVOLTI,

elVHistoriai

Siena,

S. Mar-

chetti,

enise

599,

éimpression,

orni

968,

e

partie,

ivre

V, pp.

86-94.

(4)

Ces

documents

ont ités t commentés

ar

Max

SEIDEL,

«

Castrum

pingatur

n

palatio

1. Ricerche

toriche

iconografiche

ui

castelli

dipinti

nel

PalazzoPubblico

i

Siena

,

dans

ProspettivaXXVIII,1982, p. 17-41,.

25.

(5)

Le

long

iège

e Montemassist

rapporte

ussi

par

Giovanni

ILLANI,

Istorie

iorentine,

.

Bettoni,

ilan

1834,

ivre

X,

chapitre

9,

p. 341,

t

101,

§.

rentine

49

cependant

?)

ne nomme

illani

pas

trop

Guido

réoccupé

Riccio.

de montrer

'importance

e l'aide

orentine

)

ne nomme

as

GuidoRiccio.

(6) Cf.note4 et Agnolo I TURADEL GRASSO, ronaca enese,dansRerumtalicarumcriptores,uova dizione, V-6,d. A.Lisini, . Iacometti,

Bologne

939, .

496

«

Montemassi

Sassoforte

i féro

dipegnare signori

Nove

di

Siena a

l'esenplo

ome

rano,

quali

furo

ipenti

el

palazo grande

di

sopra

nella

sala,

e

fu

il

maestro imonedi Lorenzoda Siena ottimo

maestro,

u

d'aprile

330».

Page 124: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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122

En

1330 t

1331,

e

versant

Ouest du

Mont Amiata et

la Maremme

de

Grosseto sont

agités

par

le nouveau

vent

impérial

de Jean

de

Bohême,

allié à

la fronde

permanente

des comtes

Aldobrandeschi

de

Santa

Fiora.

Guido Riccio est

sur

le front

il

prend

Scansano

et

Castel del

Piano

et

s'attaque

à

Arcidosso

qui

se rend

après

un

long

siège,

en

août 1331. Commentant

a

guerre

d'Arcidosso,

es

chroni-

queurs

émettent eurs

premiers

doutes

Guido

Riccio

aurait,

sans

raison

apparente,

efusé

e combat

aux

troupes

des comtes

et du

roi

Jean.

Aurait-il té acheté

(7)

?

Les

Siennois

décident

ependant

e faire

peindre

Arcidosso,

cansano

et Castel

del Piano

le

peintre

MaîtreSimone ra sur

place

les observer

dans la

fin

d'août

(8),

et

il

sera

payé

le 14 décembre

pour

avoir

peint

Arcidosso

t

Castel del

Piano. Entre es deux

dates,

e

18

novembre

331,

Sienne

a fait

a

paix

avec les

comtes

Aldobrandeschi t

négocié

avec

eux la restitution

e

Scansano

(qui

ne

sera donc

pas peint)

et

l'acqui-

sitiondes

seigneuries

e

Castel del Piano et Arcidosso

9).

En décembre

1332,

Guido Riccio

attaque

sans succès Massa

Marit-

tima

mais,

près

de

Giuncarico,

l

remporte

ur

les

troupes

alliées de

Massa et de Pise,une victoire ssez glorieuse our ui valoirune entréesolennelle

Sienne,

a consécration e la chevalerie t ime

prime

de

500

florins

'or.

Cependant

'armée

pisane

maintient a

pression

sur

le

contado

siennois

de Massa

elle remonte

presque jusqu'à

Sienne,

en février

t

mars

1333,

mettant

feu et à

sang

les

«

castelli et les

villages,

sans

que

le

capitaine

Guido Riccio

juge

bon

d'y

mettre

obstacle.

Les

chroniques

siennoises

censurent ette

passivité

et de

(7)

Cronaca

nonima el

secolo

XIV dans

R.I.S.,

n.e.,

XV-6,

ité

«

E

Guido

Ricci

nostro

hapitano

i

giente

'arme

non

volse che

vi

s'andasse,

e la chagioneonsi seppe ma

in Siena ne

fu un

grande

omore

nperochela gientede'Sanesifu moltopiù che quella de'chonti. per questo la

brighata

enne

he Guido

Ricci

s'intendesse

ho' loro e lui

ne

portò

grande

biasimo

,

p.

146 et

Agnolo

I

TURA,

ité

«

E

l'oste

de'

Sanesi

che

era

presso

tre

miglia,

entendoa

venuta

i

quelli

di Santafiored

Arcidosso,

si

mossero

er

conbattere

o'

loro,

'1

capitano

misser

Guido

Riccio non

volse,

la

cagione

on

si

sepe

e certo rano

rotti

conti,

erochè

Sanesi

erano

più

altretanti

meglio

n

punto.

Unde

l dettomisser

Guido

Riccio

portògran

biasimo

,

p.

503. Et

plus

loin

Agnolo

appelle

«

E anco

fe'

Suando

re

l

detto

ra a

castello

ste

d'Arcidosso,

che lo'

potea

assò

contastare,

ornire

e

e

e

non

enti

lassarlo

e' Conti

fornire,

i Santa-

e

peruando

re

l

detto

astello

he lo'

potea

contastare,

non assarlo

fornire,

per

li

più

si crede

he

muneta

icavasse

a'

nemici

,

p.

511.

(8)

Ce

déplacement

st

payé

en

septembre

ar

les

services e

la Bic-

cherna

«

Maestro imone

dipegnitore

ie

avere adì

VI

di setenbre

er

VII

di che stete

n

servigio

el Chomune

hon

un chavallo

uno

fante la

tera

d'Arcidoso

di

chastello

el

Piano e

di

Schançano,

avene

pulicia

da

Nove,mesi scitanel dì f. 33 a ragione i venticinqueoldial dì, lib. 8 e

s.

15

,

cité

par

M.

SEIDEL,

article

ité,

p.

34,

note97.

(9)

Il

Caleffo

vecchio

del

Comune

di

Siena

IV,

éd.

M.

Ascheri,

G.

Cecchini,

.

Forzini,

.

Santini,

ienne

984,

ctes

1081-1087,p.

1835-1853,

et acte

1101, p.

1811-1813.

Page 125: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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123

nouveau mettent n doute l'honneurdu

capitaine

(10).

Pourtant es

Neuf le

réélisent ncore une

fois,

mais ils l'envoient e refaireune

vertu

aux

dépens

des

villages

pisans

d'où

il

revient,

crit Malavolti

«plus

riche de butin

que

chargé

de

gloire».

Orlando

Malavolti,

qui

publie

son Histoire de Sienne

en

1574,

ustement 'interroge

ur ce

personnage ui, longtemps

onoré

de la

confiance e

Sienne,

a

quitte

en

septembre

1333

«

con

poco

honor suo e

poca

sodisfattione ella

città».

Il

rapporteplusieurs

hypothèses,

e

lâcheté,

de

corruption

u

trahison,

mais

il

reste

perplexe,

ar

il lui

semble

impossible qu'un

personnage restigieux,ongtemps onorépar la communede Sienne,

ait

pu

tomber dans une telle

ignominie.

l

préfère penser que

la

Seigneurie

des Neuf lui avait dicté une

stratégie

de dérobade

que

l'ignorance

u menu

peuple

avait

interprétée

ontre on honneur

11).

Mais

sa

perplexité ejoint

nos incertitudes

'aujourd'hui.

Pourquoi

un

personnage

ussi douteux

aurait-il

ontinué chevaucher ur les

murs du

Palais

Public Avait-il ait autre chose

que

razzier des cam-

pagnes

et

prendre

l'usure des

forteresses

L'histoire

de

Sienne de

Giugurta

Tommasi,

publiée

posthume

en

1625,

st

peut-être

a

première

citer la

fresque

du Palais comme

représentationn gloirede Guido Riccio. Tommasi l'évoque en com-mentant a mortdu

capitaine,

ar Guido Ricciomourut Sienne où

il avait été

rappelé

dix-sept

ns

après

ce

départ

furtif.

ienne

lui fit

des

funérailles oûteuses t

grandioses

t Tommasi

joute qu'

«

il

avait

déjà

été

honoré

par

la

république

d'une

statue à cheval

peinte

dans la

salle des

arbalètes,

ujourd'hui

alle du

conseil,

de la main de Simone

Martini,

rand peintre

de ces

temps

et

proche

ami

de

Pétrarque,

ue

l'on voit encore

aujourd'hui

dans la salle de

la

Mappemonde

avec

l'expédition

e Montemassi

(12).

(10)

Agnolo

I

TURA, ité,

pp.

508-509,

otamment

«

La

gente

e'Sanesi

con misserGuidoRiccio sua gente e ritornaron Siena domenica dì28 di marzo 1333) parevano modo di sconfitti,on vergogna danno

del comuno

i Siena

p. 509).

G. VILLANI ite ussi cet

épisode eu

glorieux

des

guerres

iennoises,

n

«

oubliant

encore

Guido

Riccio,

storie

cité,

X-212,

.

386.Puis

Agnolo

I TURA ommentee

départ

e

Guido

Riccio

n

septembre

333

«

MesserGuido Riccio de la casa da

Fogliano

i

Regio,

capitano

e la

guerra

el comuno

i

Siena,

fini

l suo uffitio non

fu

più

rifermo

er

cagione

e

la

cavalcata he féro Pisani u

quel

di

Siena nnno

a

Rosia,

Ciupo

oro

capitano

ichiese

i

battaglia

l detto

misserGuido

Riccio,

lui non volse

conbattere,

he avea

più gente

di lui e

meglio

n

Sunto

note

on

7)

Or

come

antagio,

si

fusse,

ome

all'ultimo

n

dietro

di suo

eto

offitio

.

(Ici

si

a

portò

ernière

villanamente,

itation e

unto

note

)

Or come

i

fusse,

ll'ultimo

i suo

offitio

i

portò

illanamente,

à

dove

molti

inprocci

be

dal

popolo

minuto

da

altri

di

Siena,

partissi

l

detto

ì

28

di

settembre

on

poca

aude con

molti amarchie

partissi

non

pagò

a molti

ittadini

i Siena molti

denari

he

gli

avevanodato

di loro

robe

marcantie,

he fu n

somma i 2000 ibre

(p. 511).

(11)OrlandoMALAVOLTI,p.cit., epartie,ivreV, pp.93-94.

(12)

Voir e texte

riginal

lus

hautnote1 maisce

texte,

existant

as

dans e

manuscrit

utographe

e l'histoire

e

Sienne

de

Tommasi,

st une

glose

e

'éditeur,

f. a contributione Mario

Ascheri ansLa

Nazione

Siena)

du 28 mars

1985,

ous

le titre

Perché

'Economist

a

preso

un

granchio

.

Page 126: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-9-automne-1985 126/155

124

Au début du XVIIe

siècle,

malgré

es doutes

pesant

sur la mémoire

de Guido

Riccio

-

que

Tommasi

évoque

lui aussi

-

l'identification,

qui

a couru

plus

glorieusementusqu'à

nous,

était

donc

déjà

accomplie.

Guido Riccio à Arcidosso ?

Dans son

offensive ontre le Guido Riccio de Montemassi

13),

Gordon Moran

était

parti

de

cette

interrogation

le conseil de la

commune e Siene pouvait-ilontinuer se réunir, près 1333, ous le

regard (peint)

d'un

suspect

ou d'un

traître

La

réponse

étant

non,

Guido Riccio

n'était

pas

Guido Riccio.

Nous

allons

voir

que

la

restauration

t

l'étude de la

«

nouvelle

fresque»

peuvent

onfirmerette

condamnation.

n effet es

person-

nages

qui

y

sont

peints

ont

été,

certainementvant

1345

14),

masqués,

c'est-à-dire

ue

la

fresque

été

à

cet endroit

badigeonnée

e

peinture

noire

et

d'azurite,

i

soigneusement

u'en

1980-81

l

a

été

extrêmement

laborieux

pour

les

restaurateurs 'arracher

es

figures

l'oubli

auquel

elles avaient été

sciemment ondamnées.

Or si le village ci représenté taitArcidosso,e

personnage

rmé

pourrait

ien êtreGuido

Riccio

qui

justement

eçut

n 1331

des

comtes

Aldobrandeschi iovanni

et Stefano a

soumission

de

ce

«

castello

.

Guido Riccio

dont a

conduite,

Arcidosso

déjà,

n'était

ustement as

restée

u-dessus e tout

oupçon

t

qui

se trouveraitur e mur

marqué

de

la

damnatiomemoriae.

ette

fresque

erait donc celle

qui

fut

payée

à Simone Martini

en décembre 1331. Telle

fut

en

effet

a

première

orientation

e

la

commission

hargée

de

l'enquête

n 1980-81

le

village

représenté

essembleen effet

eaucoup

à

l'actuel

Arcidossoet nous

avons vu

que

Simone

fit e

voyage

pour s'inspirer

u

site réel.

Mais

cette dentificationondamnaite Simone Martinid'en-haut ui devait

pour

être

Simone,

Montemassi

t Guido

Riccio,

voir

été

peint

en 1330

alors

que,

au

contraire,

ecouvrant

a

partie

haute de

la

«

fresque

d'Arcidosso

,

il

lui était

nécessairement

ostérieur.

Un

point

pour

Moran

(13) Depuis

'article e

1977,

An

nvestigation...

cité,

Gordon

MORAN

a

plusieurs

ois

repris

t infléchi

es

arguments

t

ses

conclusions.

our

ou

contre

ui a

polémique

ait

age

n

Italie,

vec

des

prolongements

ux

Etats-

Unis. Un

exposé

récent

e

ses

positions

ans

Michael

MALLORY,

ordon

MORAN,

Precisazioni

aggiornamenti

ul

*

caso"

Guido

Riccio»,

dans

Bullettino

enese i

storia

atria,XCII, 1985,p.334-343.(14)A cettedate a été posée devant ettefresquea fameusemappe-

monde

ui

a donné

on nom

à

la

salle,

cf.

Agnolo

I

TURA,

ité

«

El

Napamondo,

he è in

palazo

de'

SegnoriNove)

di

Siena,

fu

fatto n

questo

anno

(1345)

f

celo maestro

Ambruogio

orenzetti

ipentore

a

Siena

,

p.

547.

Page 127: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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125

Mais

décidés,

contre

Moran,

à sauver le Guido Riccio de Monte-

massi,

des historiens

d'art ont

cherché

pour

la

«

nouvelle

fresque

un autre

peintre,

une autre situation.

Max Seidel a trouvé Giunca-

rico

(15)

dont

on sait

qu'il

fut

peint

en 1314

sur

les murs du

palais

public

et

dont la soumission

prétendument acifique

16)

correspon-

drait à

l'image

qui

nous

est

offerte.

omme artiste Luciano Bellosi

choisitDuccio

(17),

Enzo

Carli

propose

Memmo

di

Filippuccio,

e beau-

père

de Simone

au

moins

on reste en

famille)

18),

Cesare

Brandi

propose

Pietro Lorenzetti

19).

Cependant

Federico

Zeri,

John

Pope-

Hennessy, rigantiprennent artipour Moran. Et la valse des attri-

butions nous

conduit à

une certaine

perplexité

face

aux

méthodes

stylistiques.

Mais revenons

la

fresque

où nous

croyons

voir Arcidosso.

La

ressemblance

ntre a

fresque

t

le

site,

qui

a

justement

rappé

les

«

découvreurs

correspond

ffectivement

la

volontédu

gouverne-

ment

siennois

puisque

nous

avons

vu

qu'il finança

e

voyage

d'obser-

vationdu

peintre

imone.

On

peut

donc

parler

d'un réalisme

politique

de

la

peinture

l'homme

l'épée représente

ien celui

qui reçut pour

Sienne

la

reddition

d'Arcidosso,

nous

avons nommé

Guido Riccio.

L'homme au gant (brutalement oupé en deux par la fresque de

Sodoma)

sera l'un des

Aldobrandeschi,

e

gant soulignant

a

noblesse

et sa soumission

20).

L'azurite

respecté

Arcidosso,

ésormais

ntégré

u territoire ien-

nois,

et exécuté

la condamnation es

personnages.

Or

l'azurite est

justement

a

couleurdes traîtres à Venise

aussi

quand,

e 16 avril

1366,

(15)

Max

SEIDEL,

article

ité,

pp.

30

sq.

(16)C'est a thèse e MaxSEIDEL, article ité, . 30.Maison a constatéavec étonnement

ue,

dansle document u 30 mars1314

u'il publiepour

étayer

ette hèse

document

,

pp.

36-37)

n membre

e

phrase

été

sauté

qui

attestait

ustement

e

caractère

militairementontraint e la

soumis-

sion

de Giuncarico.

près

umque

d

acquisitionem

anquent

es

mots

dicte erre

uerit

abor

nonmodicus dhibitus

ersonarum

iribus

orporis

t

armorum nsistentibusirca

acquisitionem

la citation

ontinue nsuite

correctement

prefatam

t

stuaium

etiam

sapientium.

oir à ce

sujet

M.

MALLORY,

.

MORAN,

rticle

ité,

p.

342.

(17)

Luciano

BELLOSI,

«

Castrum

pingatur

n

palatio

2. Duccio e

Simone

Martini

ittori

i castelli

enesi a

l'esemplo

ome

erano"»,

dans

Prospettiva

XVIII, 1982,

p.

41-65.

(18)

E.

CARLI,

La

pittura

enese

del

Trecento, ienne,Electa,

1981,

pp.

258-260.

(19)C. BRANDI, I restidi affreschicoperti Siena fanno iviverelMappamondootante, dans e CorriereellaSera,28 mars 1981.

(20)

On

peut

citer

l'appui

de cette

nterprétation

e défilé

es

nobles

qui,

es

gants

n

main,

urent

idélité Charles

'Anjou,

ans le Palais du

Peuple

San

Gimignano

fin

XIIIe

siècle).

ur la

symbolique

u

gant,

oir

B.

SCHWINEKÖRPER,

er

Handschuhm

Recht,

938.

Page 128: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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126

on décida

d'effacer

our

trahison

a

figure

du

doge

Marin

Faliero

peinte

dans la nouvelle alle

du GrandConseil

du

palais

ducal,

on

vou-

lut laisser cette

partie

du mur

vide,

peinte

en

bleu

pro

crimine

rodi-

tionis

21).

Moran

avait

remarqué

qu'un

sceau d'Arcidosso

mais sans doute

tardif

présente

une curieuse ressemblance

vec un

détail de la

fresque.

Le

sceau

représente

ne tour

émergeant

'une

large

base cir-

culaire à

deux

étages

du

premier

étage

s'élève

un arbuste incliné

vers

a droite

22).

Cette

figurationappelle

fort

a

tour

ronde

grossière-mentmaçonnée droitedu palais,d'où jaillitun arbre, ncliné ui aussi

vers

a

droite,

nique

élément

égétal

de ce

paysage

de

pierres

façonné

par

l'homme.Ce

détail de

la

fresquegarantissait

elon

Moran l'iden-

tification

u

village

avec Arcidosso.

Oui,

si le sceau est antérieurmais

nous

n'en

avons

pas

la

preuve.

Nous

pouvons

cependant reprendre

l'argumentation

e

Moran,

infléchie ans un

autre

sens.

Sur

le sceau

de

la Comunitas

Arcidossi,

ntre la tour et l'arbre

-

qui

peut

être

un olivier

un

écu

-

qui peut

être

la

Balzana de

(21)

G.B.

LORENZI,

Documenti

er

servire lla storia el

Palazzo

Ducale

di VeneziaVenise 868, ° 104.

(22)

Voir A.

SEDGWICK

WOHL,

The

case of

the

Century,

startling

Discovery

hips

away

at

the

Identity

f one of the

World's

most

famous

Frescoes

,

dans

Art nd

Antiques,

ctobre

984,

p.

68-73,

eproduction

u

sceau

p.

73

redessiné

our

nous

par

CécileArnould.

Page 129: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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Page 130: Medievales - Num 9 - Automne 1985

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128

la

bataille

du

Val

di

Chiana,

peinte

en

1364,

ur

le mur

qui

revient

angle

droit

droite

du

spectateur

e

plus

en

plus perplexe

25).

Le vieux

Guido

Riccio

Ce

cavalier

naguère

familier,

nous

commençons

à

le

regarder

comme

un

étranger,

t

un

étranger

ui

s'est

oué

de nous.

Nous

décou-

vrons alors des détailsétonnants.GordonMoran avait remarquéces

deux carrés

de

vigne

qui

alternent

izarrementvec les tentesdu cam-

pement.

Remontant

u

mot latin

vinea,

l

rappelait

ue

ce terme

peut

avoir

deux

sens

vigne,

mais

aussi

machine

de

guerre,

tructure

e

bois

construite

ar

les

assiégeants

pour

arriver

couvert

usqu'aux

remparts

26).

Sigismondo

Tizio,

dans

sa

monumentale

hronique

siennoise

n

latin,

omposée

u

début

du

XVI*

siècle,

nédite,

crivait

«

Les

Siennois

assiégèrent

a forteresse

e Montemassi

machinéis

c

vineis

oppugnantes

(27).

Mais

les

défenseurs

du

vieux

Guido

Riccio

citent

la

chronique

d'Agnolo

di

Tura,

écrite

en

italien.

Elle

rapporteque

les

Siennois

mirent e siège devantMontemassi e 21 janvier 1328, joutant « Le

dit ost resta

ongtemps

Montemassi,

e sorte

que

ceux

de

l'ost

mirent

une

grande

vigne

dans

le

campement

t ils

eurent

dans

le

campement

du vin

de cette

vigne»

(28).

Et

plus

loin,

après

avoir

exposé

la

prise

de

la

forteresse,

e

27 août

1328,

lle

conclut

«

Le

siège

avait

duré

sept

ans,

et

ils

y

avaient

mis des

vignes

(29).

La

chronique

videmment

pèche

sept

ans

pour

sept

mois,

ce

pourrait

tre

une erreurde

copiste,

mais cette

erreur

st

curieusement

elayéepar

le

discours

ur

la

vigne

et

le vin.

Or,

i

Agnolo

i

Tura écrit

bien

au XIVe

siècle,

a

chronique

e

(25)GiuseppeGAVAZZI, sperienze ul restaurodel «Guidoriccio,

communication

ue au

Colloque

ur

Simone

Martini

e mars

1985 Sienne.

La

superposition

u

«

vieuxGuido

Riccio

à la

bataille

du Val di

Chiana

est

admise

même

ar

L.

BELLOSI,

article

ité

p.

50

«

un

saggio

seguito

durante

lavori

i

restauro

u

una

stuccatura

ituata

ove fanno

ngolo

a

Í>arete

"battaglia

el

Guidoriccio

di Valdichiana"

quella

adaciente

ha

mostrato

u

cui

che

ippo

il

bordo

anni

di

segui

quest'ultimo

el

1373

Í>arete

"battaglia

di Valdichiana"

ha

mostrato

he il

bordo

di

quest'ultimo

affresco

i inoltra

er

un

centimetro

due

sotto

l livello

della

parete

del

Guidoriccio,

ome

se fosse

stato

dipinto

rima

.

BELLOSI,

pour

ustifier

cette

anomalie

,

invoque

uelque

remblement

e

terre.

(26)

Voir

M.

MALLORY,

.

MORAN,

Guido

Riccio

le

"vigne

i Monte-

massi",

dans

I Gallo

Nero

VI, mai-juin

983,

p.

11-12,

t aussi

VIOLLET-

LE-DUC,

istoire

'une

forteresse

,

Paris

1874, eimpression

.

Mardaga

978,

pp.

73

et 366.

___

(27) Sigismondo

IZIO,

Historiarum

enensium

om.

ll,

bienne,

iDiio-

tecaComunale, anuscrit III 8,p. 74. . .(28) Agnolo i JLKA, ite «La dettaoste a ivioniemasMi atc gì u

tenpo,

n modo

che

quelli

dell'oste

osero

una

grande

igna

n

canpo,

et

ebero

del

vino

di

quella

vigna

n

canpo

(p.

464).

(29)

bidem

p.

478)

«

eravi

tato

'assedio

ette

nni,

ne

vi

posero

e

vigne

.

Page 131: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-9-automne-1985 131/155

129

nous

est

connue

que

par

des manuscrits ardifs ce

passage

même

sur Montemassi

est

cousu

de

reprises,qui

sont

probablement

des

interpolations ostérieures.

es invraisemblables

ropos

sur la

vigne

pourraient

onc

avoir leur source soit

dans

une

chronique

atine mal

comprise,

oit dans

l'observation 'une

image...

nous revenons

notre

fresque.

Durant

les récents travaux

de

restauration

n s'est

aperçu

que

toute

la

partie

gauche

de la

fresque,

e

«

castello

de

Montemassi,

avait été refaite vant 1529,probablement la suite de dégâts pro-

duits

par

une

infiltration'eau. De même a été refaite a

partie

cen-

trale

du cartouche

portant

a

date

ANO DNI

MCCCXXVIII,

c'est-à-

dire MCCC.

Or comme le

notait le restaurateur

G.

Gavazzi,

ce

sont

justement

la

figuration

e Montemassi

-

qui peut

effectivement

rappeler

'actuel

«

castello

-

et cette

date

-

évoquant

la

victoire

de Guido

Riccio

-

qui permettaient

'identifierà

le noble

capitaine.

Ces

preuves

nt

perdu

eur

validité t le chevalier on sens.

Et

puis

il

y

a le fameux battifolle

,

plusieurs

fois

cité

par Agnolo

di

Tura

(30),

édificehérissé de tours sur

lesquelles

flottentes

ban-

nières

de Sienne et de Guido

Riccio. La restauration

montré

que

deux immenses annièresde Guido Riccio avaientété peintesen plus

de celle

qui

flotte

ur la

tour

de

droite,

ans

doute

pour

accentuer

l'identification

u

capitaine,

mais

troppour

a

vraisemblance

istorique

et

politique

(31)

elles

avaient donc

été aussitôt effacées.D'ailleurs

même

'image

actuelle

est

douteuse

la

république

de Sienne

pouvait-

elle

tolérer

ue,

en

son

proprepalais,

a bannière

d'un

simple

capitaine

de

guerre,

tranger,

lottât

la même

hauteur

que

la sienne

La

chroniqued'Agnolo

di

Tura,

dans

une de ses

reprises

sur le

«

battifolle

,

le

définit

«

bastion

fortifié omme

un

«

castello

;

or

«

battifolle

était un terme

d'usage

courantdans la

langue

toscane

du

MoyenAge, désignantnormalement n édificeen bois, provisoire,

construit

ar

les

assiégeants

32).

Dans un texte

du XIVe siècle

l'expli-

(30)

bidem, p.

464, 70,

74, 77,

78 certaines e ces

notations

ur

le

«

battifolle

sont

reprises

ar

Orlando

MALAVOLTI,

uvrage

ité 2e

partie,

livre

V,

p.

86

v

«

Al

capitano

de'Sanesi,

havendo

rovato l Castello

di

Montemassi)

ssai

forte i

sito,

di

muraglia,

ben

guardato, arve

poterlo

pigliar

più

facilmente

er

assedio,

che

per

assalto,

perciò

del

mese

di

gennaro

ggi

domandan

327

i

pose,

bastione

ome

ò

dicevano,

forte,

atto

n

di

attifolle,

terra,

ch'era

di

legname

imile

e

à

havendovi

uel

che

gennaro

ggi

domandan astione

forte,

atto

i

terra,

di

legname

havendovi

fatti ntorno

grandi

steccati,

non lassava

entrarvi,

è

uscirne,

lcuna

persona

.

(31)

Voir e

rapport

e restauratione G. GAVAZZI

e

juin

1981,

éposé

aussiau Kunsthistorischesnstitut e Florence.(32)Pouréclairere sens du mot«battifolleon peutciterunephrase

de

la

chronique 'Agnolo

I

TURA,

décrivante

siège

de Pistoia

par

les

Florentins,

con battifolli

con

gatti grilli

torri

di

legname

rmate

(p. 474),

tructures

rovisoires

onc

et non

pas

forteresses.e commentaire

de

MALAVOLTI,

ité

plus

hautnote

30,

va

dans

e même

ens.

Page 132: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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130

cation

du terme ne

s'imposait

pas

et

c'est seulement

la troisième

citation

ue

la

chronique

vance ime

justification

33).

On

peut

donc

penser

qu'ici

comme

pour

la

vigne

un rédacteur

ardif serait inter-

venu,

ne

comprenant lus

en son

temps

e sens

du

mot

et

le

définis-

sant

d'après

l'observation

de la

fresque

car le

«

battifolle

de

la

fresque

st sans aucun doute

une forte onstruction

e

pierre.

ourtant,

à le

regarder

mieux,

l

apparaît que

le

crénelage

est localement n

bois

-

par exemple

ur la deuxième

our à

partir

de la

gauche

et sur

la

voie d'accès

aussi à

gauche

-

comme si

par

endroit

a

pierre

avait

été transforméen bois par une intervention âtive ugée suffisante

pour

changer 'impression

e

qui

regarde

de

loin

en

bas,

pour

donner

à voir

un

«

battifolle

plutôt

qu'une

forteresse.

l

n'est

pas

déraison-

nable

de

penser que

cette

modification

pu

intervenir

peu près

en

même

tempsque

celle de

la

date et de

Montemassi.

Qui

a

voulu

afficher uido Riccio a saisi

la date de son incontes-

table

victoire,

328,

t le

lieu,

Montemassi. l a

recouru ux

sources

de

l'histoire iennoise

t,

comme es

comptes

de

la Biccherna

apportaient

le

paiement,

n

mai

1330,

our

la

représentation

einte

de Montemassi

et

Sassoforte,

l a fait

peindre

deux forteresses.Mais à

regarder

lus

avantdans les sources, l voyaitbienque la date de 1328ne convenait

que pour

Montemassi

34)

puisque

Sassoforten'avait

été acheté

par

Sienne

qu'au

début de 1330

il insistait lors sur Montemassi t trans-

formait assoforte

n

«

battifolle

.

Plusieurs siècles

après

la

critique

d'art

suivit

e

même

chemin,

econnaissant

'abord Sassoforte

puis

se

résignant

la machinede

siège.

En

1985,

le

spectateur perplexe

Il est désormais assez convaincuqu'il voit Arcidossopeint par

Simone

Martini.

à-haut

l ne

sait

plus

et

même

es

historiens e

l'art

abandonnent

eu

à

peu

des

arguments

tylistiques

ui

se

sont révélés

insuffisants,

urtout

près

la récenterestauration.

lors sûrement

as

Simone,

mort

en 1344.

Montemassi ui

mais

repeint

et Guido Riccio

masquerait

un autre

capitaine.

Qui

?

Le

restaurateur

ropose

pour

la

date

(en

considérant

'espace

qui

reste

entre

ANO DNI et

VIII)

MCCCLXXVIII

ou

MCCCCXXVIII

il

faudrait chercher dans ces

années-là.

(33)Agnolo I TURA, p. cit.,p. 477 «Montemassissendo ssediatoda le genti e'Sanesi he v'avevanoatto nobattifolle,vero astia,murato

d'uno

castello

fortificatoloon

grossi

tecati

n modo

he da niuno anto

potea

ntrare

è uscire

i Montemassi

.

Cette

éfinition

araît

urajoutée

t

nous

renvoie

u texte

e

O.

MALAVOLTI,

iténote

30,

ui

atteste

bandon

au

XVI" siècle

du

mot

«

battifolle

,

justifié

ar

l'incise

«

come

dicevano

.

Page 133: Medievales - Num 9 - Automne 1985

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133

La marelle

Solutions

des

problèmes

roposés

dans le

numéro8

de

Médiévales

(elles

supposent que

les deux

joueurs

sont de force

égale

et,

bien

évidemment,

u'aucun

ne

commetde

fautes

d'inattention).

a. Le

nombre

minimum

st

de

six

coups.

Il

suppose que

le

joueur

jouant

en

premier

e tente

pas d'alignement

vant le

quatrième

oup,

mais

place

au contraire es

trois

premiers ions

sur des intersections

éloignées

es unes des autres (touten contrôlante

jeu

de son adver-

saire).

Sinon,

le

joueur

jouant

en second

se

livrera

à

un

blocage

illimité.

b. Si

aucun des deux

oueurs

ne commetde

faute,

ni l'un ni

l'autre ne

peuvent

gagner

avant

la

pose

de

son

cinquième pion

par

le

joueur

jouant

en second.La

partie

véritable e commence

u'après

ce

coup-là.

Les chances

de

gagner

du

joueur

qui n'occupe

pas

le

centre

sont

faibles elles existent

ependant

'il

réussit à

placer

deux

pions

sur

les intersections oisines

et

situées

sur

les

deux

carrés

autres

que

le

carré intérieurt le carré extérieur.

c. Oui.

Sur ce

type

de

figure,

e

joueur

jouant

en

premier

ne

doit

pas

perdre,

uel que

soit le

nombrede

pions que possède

son

adversaire.

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135

question

de

la

forêt,

ableau

déjà

utilisédans

un autre

ivrede

l auteur,

Racines

des

cathédrales)

ui

montre

travers

un réseau

complexe

de

flèches es liens entre

es éléments

ui

«

font

la forêt t

les facteurs

qui

la

font

évoluer.

Le

livre commence

n

évoquant

es

composantes

matérielles e cette forêt consistance

u

sol, faune,

égétation,

ocali-

sation,etc.,

et continue

par

la

description

es

différentesormes

de

son

exploitation,

e ce

qui peut

être considéré omme

e

plus

simple,

la

cueillette,

a

chasse,

usqu à

des utilisations

lus

sophistiquées,

éfri-

chement,

levage,

combustible,

our,

dans

un troisième

volet

passer

aux problèmesde législation t de politiqueavant de finir ur un

chapitre

onsacré la

place

de la forêtdans

l imaginaire

médiéval.

Le

système

interrelations

omplexes, éjà

évoqué,

n est

pas appli-

qué

seulement

ux

questions générales,

l

l est

à chacun

des

points

particuliers

voqués, toujours

présenté

sous

le

plus

grand

nombre

de facettes

possibles

quitte

à

s éloigner

momentanément

e

la forêt

elle-même.

insi,

par

exemple

est

exposé

le

système

de

la villefranche

qui

en

un

sens

donneau

paysan

une certaine

ibertéd action

en

même

tempsqu il

le

conduit

travailler

ans des

conditions

ui

sont

moins

bonnes

que

celles des

serfs...Un des

exemples

es

plus

curieux

dans

cette tentative e rendrecomptede toutes les raisons est celui qui

consiste

à

s interroger

ur

la

prépondérance

ersistante

e

la

cognée

sur la scie

pourtant

lus

efficace.

auteur

n y

cherche

pas

une

raison

unique,

une

explication

imple

et

finie

mais,

sans

tenterd en

mettre

une

particulièrement

n

avant,

il

expose

une somme

de raisons

-

matérielles,

eligieuses

uridiques,

financières... Une

telle forme

laisse aussi

place

à des

anecdotes

vivantes et

exemplaires

celles-ci

ponctuent

e

livre,

est l histoire

e la forteresse

e bois

du comte de

Bourbourg rigée

en

une

nuit,

aspect

ludique

de certaines

réglemen-

tations

ocales

concernant

e bois à brûler...

La profusion es informations empêchepas que l on voie aussi

se dessiner

es

grandes

ignes

de l histoire e la

forêt

acquisitionpro-

gressive

de biens

forestiers

ar

des

personnalités

on

seigneuriales,

changement

u tournant

u

XIIe siècle où

l augmentation

e la

popu-

lation commence

faire ressentir

omme

népuisables

es ressources

forestières

t

appelle

donc à

prendre

des

mesuresconcernant

avenir

de la forêt...

e thème

entraldu

livre,

e

«

revers de

la forêt st

bien

sûr celui

du

défrichage.

oland

Bechmann

en

précise

utilement

es

termes

t les

moyens.

ritiquant

es thèses

trop rapides

de

certainsde

ses

prédécesseurs,

l

souligne

à encore

l intrication

es

composantes

du

problème

t

relativise

es

points

de vue

traditionnelsomme

celui

du rôle dévolu ux moinesdans ces travaux u il ne fautpas dissocier

du fait

que

ceux-ci

ont

aussi

leurs

propres

chroniqueurs,

oubliant

pas,

par

exemple

d allier

au

besoin

de

nourriture ans les mobiles

du

défrichage

e besoin

de boisson

donc

de

vignes.

Tout

au

long

du livre

Page 138: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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136

aussi,

même

si

un

chapitre spécial

est

consacré

aux

problèmes

de

législation

lobale

de la

forêt,

st

évoquée

la

question

de la

réglemen-

tation oncernant ous

les

aspects évoqués, progressivement

nifiée t

couchée

par

écrit.

Si certaines

nformationsont

répétées

d un endroit

à

l autre de

l ouvrage

est

qu on

le

conçoit

un

peu

comme

un

manuel

auquel

on

se

reportera

our

tel ou

tel

aspect

de l histoire

e

la forêt.

Cependant

il

arrive

que

certainsfaits

soient

abordés

partant

d un contexte

rai-

ment trèsgénéraldont la définitione nous est pas forcémentndis-

pensable.

On

préférerait

arfois

davantage

d interventions

irectes

des

textesde

l époque

qui

en dehors

de

YOpusculum

uraliumCommodium

de

Pierre de

Crescence t

de

quelques

courts

extraits

de

romans ou

de

contes,

ont

peu

sollicités

on

appréciera,

n revanche

es

explica-

tions

d éthymologies

t de vocabulaire

ur

la

terminologie

e la forêt

qui apparaissent

la

fin de certains

hapitres).

Le dernier

chapitre,

ur

la

place

de la

forêt

dans

l imaginaire

médiéval

est assez

décevant

comparé

à

l ensemble

de

l ouvrage.

On

peut l expliquerpar

la volonté

de

l auteur

de nous

faire sentir

une

forêt

médiévale

matérielle,

ncrée dans

le

quotidien pratique

de

l homme

médiéval,

ar

sa volontéde lutter ontre

image

répandue

t

simpliste

de l homme

médiéval terrifié

ar

la forêt.

Pour ce

faire,

l

insiste

davantage

sur les

comportements

positifs

comme

celui

de

la vénération

e certains

arbres.

Cependant,

n aurait

pu

souhaiter

dans cet

ouvrage

par

ailleurs

si vivant

t

agréable

à

lire,

une attention

plus grande

ux

problèmes

e

l image

ou des

images

qu ont

de

la forêt

ceux

qui

y

vivent

t

l exploitent

u

Moyen

Age.

Christine

apostolle

Jean-Claude

onne,

L art

roman

de

face

et de

profil.

Le

tympan

de

Conques

Le

sycomore,

aris,

1985,

62

p.,

15

pl.

Il

est des

comptes

rendus

dont on

peut

penser qu ils

dispenseront

d une

plus

longue

ecture.

Ce n est

pas

le cas

pour

le

livre

que

Jean-

Claude Bonne

consacre

au

Jugement

ernier

de

l église

Sainte-Foy

e

Conques.

La

double

densité

de

l ouvrage

interdit

non seulement

l

constitueune explorationminutieuse u tympan, oussée aussi loin

et

aussi

complètement

ue

possible,

mais

encore la

rigueur

de la

démarche

nécessite

exposé

patient

de ses

principes

t la

critique

des

impensés

de

l histoire

e l art

traditionnelle.

Page 139: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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137

Surtout,

on

se

garderait

bien

de

priver

quiconque

de la fête

à

laquelle

nous

convie

ce

livre

à

moins

que

la

difficulté

une méthode

qui

se

cherche en

détourne

ertains mais

plaisir

ignifie-t-iloujours

facilité

)

: une

véritablefête du

sens. Car la

validité

de

la méthode

se

mesure au

fait

qu elle

produit

une densification

es

significations

de

l œuvre.

Par

là,

elle rend

notre

regardplus

aigu

en lui

donnant

voir

des

traits

énéralement

enus

pour non-signifiants

t mis au

compte

soit du

hasard,

soit d un

déterminisme xtérieur

du

cadre,

par

exemple), oit du stylepropre l artiste u à l époque,toutesnotions

qui permettent

e s endébarrasser

peu

de frais. e défide J.-C. onne

consiste

suspecter

u

sens aussi bien dans

l emplacement

une

ins-

cription,

ans

l arrondid un

visage que

dans

l identificationes

élus

et

des

damnés,

aussi

bien dans

l agencement

es

nuées

que

dans le

geste

du

Christ.

L exhaustivité

st

la

première

ondition une

démarche

our aquelle

aucun

élément

n est

ugé

marginal

u

seulement écoratif. our

garant

de

ce

principe,

n

remarqueque

le

plan

du

livre suit

pour

une

large

part

le

découpage

même des

pierres

qui

forment e

tympan.

La

première

artie

nalyse

es éléments

ui

structurenta

représentation

les anges, e Christ,a zone de partagedes âmes, les nuées,auxquels

s ajoutent

deux

éléments

non-iconiques,

e

champ

(le

cadre

architec-

tural à

propos

duquel

l auteur

critique

idée d une

soumission

de la

sculpture

l architecture t

montre es

relations

dialectiquesqui

les

unissent)

t

le

fond,

uquel chaque

figure

st,

d une

façon

u

d une

autre,

référée.

Dans la

seconde

partie,

les

mondes

célestes et

infernaux

prennent

lace

dans le

système

insi

articulé.

Une fois

reconnus t

décrits,

es

éléments

ui

composent

a

repré-

sentation

e

sauraient

tre us

à l aide

d un

dictionnaire

ui

donnerait

la

clé

d un

code fixé

une

fois

pour

toute

pour

l art roman.

A

l inverse,

l analysesyntaxiquede J.-C.Bonne suppose que chaque œuvre créeson

propre

code il

importe

donc de

porter

son

attention ur

les

rapports

qui,

au

sein

même

de

l œuvre,

nissent t

font

ouer

entre

eux

les

éléments

de la

représentation.

ar

exemple,

uffit-il

e

voir

dans le

geste

du

Christ

indication e

la

place

qui

revient ux

élus

d une

part,

ux

damnés

de

l autre,

uand

de

nombreux raitsen

enri-

chissent e

sens

(soumission

e

l avant-bras

roit la

mandorle,

uxta-

position

n

signe

de

promesse

de la

main

droite t du

phylactère

non-

çant

e sort

réservé ux

élus,

cassure du

poignet pérée

afin

de

pointer

la

voie en

chicane

qui

s ouvre vers le

haut

entre la

corniche

et la

croix,

association de la

main

gauche,

non

seulement

au

bas,

mais

encoreà la notionde fermeturear la positiondu pouce strictement

aligné

avec le

candélabre

enu

par

l ange,

tc.)

?

D autres

précautions

imposent,

omme

de tenir

ompte

de

la

struc-

turation u

champ

haut/bas,

entre/périphérie...)

t

plus

généralement

Page 140: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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138

des

règles générales

qui régissent

a

représentation

omane.

Ainsi,

a

discontinuité

ui

la caractérise

end

nopérants

etrains

modes de

per-

ception

utilisés

pour

l art des

périodes postérieures

il

n y

a

pas

d espace homogène

mais des

lieux

hiérarchiquement

éfinis.

ussi,

ntre

les

figures

u

les scènes

qui

y

sont

représentées,

n ne

saurait

définir

ni

rapport

de taille

ou

de

proximité,

i enchaînement arratif.

Si

ces

principes

de méthode aident à

lire

Conques,

inversement

l approche

du

tympan

permet

à l auteur de

définir

ix

grandes

caté-

gories yntaxiquesdésignant es « opérations lastiquessignifiantes)

dont e

jeu

combiné

st,

en

première pproche, roposé

comme

caracté-

ristique

de

l art

roman.

Ce sont

a

pliure

césure

marquée

par

un

axe),

le

compartimentageséparation

iolente es

termes),

e

franchissement

(qui

en est la

transgression

ocalisée),

a

fusion

soudure

entre deux

éléments

emblables),

a torsion

un

élément

partagé

entre

deux

pola-

rités

contraires)

t

Y

ntrecroisement

jonction

conflictuelle e

deux

éléments

istincts u

contraires).

A

Conques,

l

est

clair

que

dominent

les

catégories

de la

pliure

et du

compartimentage,

t

marginalement

du

franchissement,

andis

que

l entrecroisement

onstitueune

figure

interdite

ar

le

principe

même

du

Jugement

ernier.

L analyse

st

poussée

plus

loin,

u-delà des

motifs

dentifiés,

usqu à

la

prise

en

compte

du

graphe

encore

nommé

opo-gramme),

est-à-dire

de la matérialité

ui

distingue

haque

exécution d un

motif.

Ainsi,

quantité

de

graphes

différents

euvent ignifier

e motif nuée

». C est

précisément

ur

l analyse

méticuleusedes nuées

figurées

u

tympan

que

l auteur ente ette descente

u

plus

finde

l œuvre,

usqu au point

apparaissent

es traits

dont on ne

peut plus

décider ils sont

signi-

fiants u non

(une

infime ifférencentre

a

droite et

la

gauche,

par

exemple).

On reconnaît lors les

signes

d une résistance

du

matériau,

et

plus généralement

a

marque

du

procès

de

production

e

l œuvre,

commeà nu et non plus transmué n signe.En outre, art n a pas

seulement

our

but

de

produire

n

sens,

mais de

créer,

ur

un

mode

non-sémantisable,

ne

appréhension

u

monde

par

le

corps.

Elle s insère

ainsi

dans un

mode de

pensée par

le

rythme,

ne

«

musica

généralisée

qui

constituait

l une des

bases

anthropologiques

de

la

culture

médiévale .

L analyse

du

Jugement

e

Conques

montre

vec

quelle

rigueur

t

quelle

subtilité

père

a

pensée

plastique

t

impose

une réévaluation

e

cetteœuvre ascinante.

énéralement,

es

commentateurs

nsistent ur

e

pittoresque

es

détails,

a rondeur es

corps,

e naturalisme

es

gestes

et des regardspour rapprocher onques davantagede l art gothique

que

du

souffle

pocalyptique

ui

porte

es chefs-d œuvreomans.

L ana-

lyse syntaxique

prouve

au

contraire

a

très stricte

ppartenance

du

tympan

e

Conques

au

champ

de

la

plastique

romane.

Et,

si

la

formi-

Page 141: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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139

dable

originalité

e

l œuvre

ne

peut

être

esquivée,

lle doit être refor-

mulée

afinde

prendre

ens.

De

ce

point

de

vue,

a

démonstration

appuie

sur

les

indices

d une

ambiguïté

ui

travaille

œuvre,

lors

même

que

le

Jugement

st le

moment

ù le

Christ

père

la

séparation

bsolue du

Bien et du Mal.

Ainsi,

enfer

e

s oppose pas

terme

terme u

domainecéleste

il

est

porteur

d un

certain

nombre de

positivités

vitalité

carnavalesque,

dénonciation t en

même

temps

hommage

ux

gestes

du

travail,

pré-

sence sous les pieds de Satan d un «beau damné» dont le canon

physique

t

l attitude

ranquille

ont rien à

envier

ux

élus).

Surtout,

le

sculpteur

figuré,

n

position

de

franchissement

ar

rapport

l axe

séparateur

e

tympan,

n

«

rescapé

de

la 25eheure

,

arraché n

extremis

aux

griffes

e

Satan.

Tranché ui-même

ar

la

limite entre

les deux

mondes,

l

est le

symbole

de

l homme

pécheur

qui

s adresse le

tympan),

n

qui

le Bien et

le

Mal

sont mêlés et

qui,

malgré

tout,

era

sauvé.

Un tel

mélange

st cela

même

qui

caractérise e

présent

e

l Histoire,

au

contraire u

moment e

la

Révélation

schatologique

ù

l opposition

diamétrale u

Bien et du

Mal suffit

lire le

monde. Attaché

omme

toutes es imagesduJugementernier articulere présent t le futur,

le

temps

historique

t

le

temps

de

l au-delà,

e

tympan

de

Conques

tire son

originalité

e

la

place

considérable

u il

fait

à

l histoire la

catégorie

de

l intermédiaire

ue

le monde

force à

prendre

n

compte

se

donne

encore

à voir au

momentde sa

fin. Face aux

difficultés,

propres

au

système

féodal ou

relatives à

l émergence

de nouvelles

structures

ociales,

qui

sont

clairement

voquées

en

enfer,

e

tympan

réaffirmees

valeurs

bénédictines

raditionnelles

en

premier

ieu,

le

rôle

médiateur es

moines).

Ces

derniers ont

ubir au

combateschato-

logique

une

actualisation,

t

mêmeune

localisation

rès

poussée

(sainte

Foy,

montrée dans

son

église même,occupe une position-clé ansl économie du

Jugement).

tel

point

que

le Christ doit se

départir

de

sa

position

riomphale,

énéralisée

ans l art

roman,

our

accomplir

lui-même,

n

un

geste

dissymétrique

nique,

un

partage

plus que

jamais

problématique

t en

même

temps

nécessaire

pour

perpétuer

la

puissance

des

moinesde

Conques.

Le

triple

mérite de ce livre

est de

proposer

une

méthode,

d en

mettre n

œuvre

expérimentation

t

d en illustrer

a

réussite. Une

méthode

qui n appartient

as

en

propre

à

l auteur

puisqu elle

repose

en

particulier

ur

les travauxde M.

Schapiro

et

que

d autres n

savent

les vertus.Une

expérience,

uisque

pour

la

première

ois a

démarche

syntaxique insi définie emploieà rendre ompted une œuvreaussi

complexe,

ans

son unicitié

t sa

totalité.Un

succès

tant

l entreprise

est menée avec

brio,

déterminationt

finesse on

n en

finirait

as

de

rapporter

es savoureux

détails

que

l auteur

met en

lumière.

Page 142: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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140

Le

livre de J.-C. onne est un

guide

précieux

dans un

domaine

de

l art encore étonnamment

nexploré,

aissé

presque

vierge par

une

histoire

e

l art

dépourvue

outils,

énéralement

ondée ur le

principe

d une déroutedes

significations

t encombrée

ar

des modes de lecture

anachroniques.

Aussi,

l

n est

pas

abusif de

dire

qu avec

ce

livre nous

commençons

e voir l art médiéval.

Jérôme

Baschet

Monique

Bourin

-

Robert

Durand,

Vivre

au

village

au

Moyen

Age.

Les

solidarités

aysannes

du XIe au XIIIe siècle. Collection

a

passion

de

l histoire,

Messidor

/

Temps

Actuels, aris,

1984,

58

p.

Cetteétude claire aborde d une manière

riginale

a vie des

paysans

médiévaux

dans leur

village depuis

le

XIe

siècle,

où naissent

les

villages

et où se mettent n

place

deux

systèmes

d encadrement es

hommes la

paroisse

et la

seigneurie,usqu au

XIIIe

siècle,

période

la vie

villageoise

onnaît on

apogée,

avant de s essouffler.es auteurs

ont

choisi comme

trame

es

solidarités u

pratiques qui

amènent es

hommes

se

rapprocher

es uns des autres dans

le

cadre

du

village

quelles que

soient es

différencese

plan,

d aspect général,d apparte-

nance

géographique.

e thème articule utour de deux

grands

axes

-

les

types

de

rapprochement

es hommes

solidarités amilialesnotamment

ans

le

cadre de la cellule

conju-

gale qui

semble

être

la normeen

milieu

paysan

• solidarités

aroissiales,

nracinées utour de

l église

et du

cimetière,

se manifestantssentiellement

ar

les

pratiques

de dévotion

messes,

fêtes,

donations... et les institutions haritables

confréries,

ôpi-

taux,

éproseries...

sous

la

plus

ou moins

grande

autoritédu

curé

solidarités

illageoises

ace au

ou avec le

seigneur ui

impose

très

souventdes

usages

communs,

léments

uridiques

de

rapprochement

notamment

ans la

fixation

es coutumes

villageoises.

-

la

pratique

de

ces

solidarités,

u comment ont vécues ces formes

communautaires

par l opposition

u

monde

extérieur,

a

différence,

a méfiance

oire

le

rejet

de

l étranger,

ar

le sentiment

appartenance

une

même

communauté

ui

a

tendance

gommer

es

tensions

nternes

Page 143: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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141

par

les

pratiques agraires

notamment n

certains

ieux

-

moulin,

four,

pressoir,

ommunaux et

à certains

moments

de

l année

agri-

cole

-

moissons...

,

mais surtout

par

l intermédiaire

es

usages

collectifs

par l organisation

e la

défense,

e

la

justice

mais

plus

encore

par

l attitude ace à

la

seigneurie

anale afin d en

contrer es éventuelles

exactions

par

la créationd institutionsommunales

omme es assemblées

des

villageois,

lorissantesux XIIe et XIIIe

siècles,

périodeque

les auteurs

qualifient

e

«

démocratie u

village

.

Avec e

XIVe

et le

XVe

siècles surviente

temps

des

grandes

révoltes

paysannes

t de leur échec

qui marquent

e

temps

de

«

l ouverture

géographique,

ociale

et

peut-êtredéologique.

Les

exemples

qui

jalonnent

ce

livre,

pris

dans

l espace français

-

avec

quelques

aperçus

dans le monde

britannique

t

germanique

et dans

l espace

méditerranéen

deux

cartes

précisent

a

localisation)

permettent oujours

de

nuancer,

parfois

même

d opposer,

es

aires

géographiques.es conclusions es auteurs onttirées vec de multiples

précautions

afin d éviter toute

généralisation

busive. Cet

ouvrage

sérieux,

fruit

d une

enquête

et

d une réflexion

minutieuses,

met en

lumière n

aspect

assez méconnu e la

vie rurale les

villageois

cteurs.

Nicole

Defoug

ChiaraFrugoni, nalontana ittà.Sentimenti immagini el Medioevo

Einaudi,

Turin,

983.

On s est

déjà beaucoup occupé

de

l évolution

u

phénomène

rbain

à

travers

e

MoyenAge,

t

ce,

sous des

angles

divers

politique,

cono-

mique, organisation

e

l espace,

etc. La forme de réalité à

laquelle

s intéresse,

ans

l ouvrage

dont

il

est

question

ici,

l historienne

et

historienne es

images)

italienneChiara

Frugoni

est

celle

des

repré-

sentations

mentales. our cerner

u

plus

près

cet

imaginaire

médiéval

de

la

ville,

elle a recoursà

la

fois

aux

textes

et à la

peinture, xpli-

quantau débutde son livre ombien l lui paraîtrait rtificiel e traiter

séparément

es

types

de

documents ontc est

ustement

a

coexistence,

l éclairage réciproque

qu ils jettent

es

uns sur les autres

qui

cons-

tituent

ujourd hui

notre

hance de

saisir

quelque

chose de la

percep-

Page 144: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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142

tion médiévale

de

la

ville.

Images

et textes sont

donc

sollicités

en

proportions

gales.

On

tente

d en conserver

a

spécificité

t,

dans les

rapprochements

ui

s imposent,

e

ne

pas

les

prendre,

omme cela

a

trop

souvent

été

fait,

comme

simples

illustrations

u

commentaires

les

uns des autres.

Il existait

déjà

un

certain

nombred études

ponctuelles,

ur

la

ville,

vue

par

un auteur

particulier

u à

un

moment

précis

du

MoyenAge.

C est

un

aperçu

d ensemble

de la

conception

médiévale de la

ville,

d Isidore de Sévilleaux sermonsde Giordanode Pise, au XIV* siècle,

des ivoires

carolingiens

ux

fresques

des

Lorenzetti

u de

Masaccio,

que

veut

nous donnerChiara

Frugoni.

e

travail

ne

consiste

pas pour

autant faire

un

catalogue

des

images

et des textes e

rapportant

la

ville. C est

au contraire

ar

des

choix,

des

juxtapositions,

es confron-

tations habiles et

parlantes

que

l on tente

de mettreen

place

les

contours

de

ces villes

telles

qu on

les

voyait

u

Moyen

Age.

Pour

rendre

ompte

au

plus

près

des

changements

t des facettes

de

l image

médiévale de la

ville,

Chiara

Frugoni

travaille dans

un

jeu

de va-et-vient

ermanent

t serré non

seulement ntre

es textes

et les images peintesmais entre e généralet le particulier,ntre e

recours

ux

exemples

raditionnels

Isidore

de

Séville,

es

fresques

des

Bon et Mauvais Gouvernements

e

Sienne...)

t

l appel

à des documents

peu

utilisés

usqu alors,

ou

l interrogation

u

«

connu sous

un

angle

nouveau

le

panneau

de la Tentation

u Christ e la Maestà

de

Duccio,

par exemple).

L organisation

u

livre est

telle

qu elle

rend tout à fait

praticable

la

lecture

ndépendante

e chacun des

six

chapitres,

hacun

pouvant

être vu comme un

essai

autour

d un thème

particulier

citons

au

passage l analyse

très ntéressante

u rôle tenu

par l image

de la

ville

antiquedans l attitude e Théodoric l égardde Ravenne ch. 2), les

précautions

prises

pour

éviter anachronisme

ans le traitement u

genre

ittéraire

ypiquement

taliendes Laudes

civitatum

ch. 3).

L évo-

lutionde

l image

de la ville à travers e

Moyen

Age

ne

suivant

pas

ime

linéarité

hronologique imple,

l arrivera

réquemmentu un chapitre

«

revienne n arrière du

chapitre qui

le

précède par

le

choix de

certains

de

ses

textes u de ses

images

ainsi à

l époque

du

Bon et

du

Mauvais Gouvernement e

Sienne,

dans d autres contextes

picturaux

commecelui des

scènes de

la vie de saint Nicolas de Bernardo

Daddi,

la ville

pourra

être

figurée

d ime

manière

plus proche

de certaines

imagescarolingiennes

ue

de

celle

d Ambrogio

orenzetti des

peintres

commeFraAngelico tiliseront,ciemment ans doute,dans leurrepré-

sentation

de la

ville,

des traits

que

l on

aura

repéré

comme carac-

téristiques

de

périodes

bien antérieures.

outefois,

n

peu

de recul

fait

apparaître

la

perspective

chronologiquegénérale

qui

organise

Page 145: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-9-automne-1985 145/155

143

l ensemblede

l ouvrage.

n

pratiquant

ne lecture

ordonnée,

n verra

se

préciser

image

d une ville

plus

terrestre,

roître

on

humanisation,

émerger

u sein de ses

représentations

a

figure

umaine,

de

plus

en

plus

tangible,

e

plus

en

plus grouillante,

ar

le

biais du saint et

de

l évêque

d abord,

puis

du

donateur,

des différentes

atégories

de

la

sociétéurbaine t de leurs valeurs

aïques.

Temporellement

t

spatialement,

analyse

se

resserre

u fur et à

mesure

que

l on

avance dans le livre. On

part

d une

description

généralede la ville occidentalepost-antique,e ses muraillesprotec-

trices

et

omniprésentes ui

coupent

court à toute

autre tentative e

figuration,

e sa

référence

irecte

t

quasimentunique

à

la Jérusalem

Céleste,

mage

de la ville

qui change peu malgré

a variété des docu-

ments,

mage

où le détail

et

l anecdotique

n ont

pas

de

place.

Et l on

finit ur un

chapitre,

e

beaucoup

le

plus long,

entièrement onsacré

à

l analyse

de la

fresque

des Bons

et

Mauvais

Gouvernementsu

palais

public

de

Sienne,

nalyse

qu éclairent

es textes

ontemporains

u cités

par

des

contemporains.

a

findu

livre

s oppose

au début

qui

diversifie

les citations t les

images.

Mais si le

rapport

de l auteur à ses docu-

ments est

tel,

ce

n est

pas

que

l on

passe

d une volonté de rendre

compted une image généralede la ville au Haut MoyenAge à un

intérêt

our

une ville

unique

du

XIVe

siècle ce sont les

images

elles-

mêmes

qui

changent

t

impliquent

ette concentration

e l attention

aux

constructions

temporelles

t

répétitives

u début du

Moyen

Age

répondront

partir

de la fin du XIIIe

siècle,

des

œuvres

comme

la

Fontaine

Majeure

de Pérouse

ou les

fresques

des Bon et Mauvais Gou-

vernements e

Sienne

qui

sont

à

elles seules

de véritables

rogrammes

iconographiques,quivalents

n

quelque

sorte sur

le

plan politique

et

social des

grands

programmes ncyclopédiques

écrits

par

Emile

Mâle

pour

es cathédrales

rançaises.

Qu en avançantdans le Moyen Age, on voie, dans les nouvelles

images

de la

ville où

figurent

es éléments

architecturaux aracté-

ristiques

d une ville

particulière

t les citadinsdans

des scènes de leur

vie

quotidienne,

merger

es

valeurs urbaines

aïques

est

aujourd hui

une idée banale Una lontana città n est

pas

la

simple

llustration

e

cette idée. Une des

grandes

qualités

des

analyses

de Chiara

Frugoni

est de

ne

pas

«

croire les documents. lle nous

montre

ue

le

«

réa-

lisme

plus grand

de la

peinture

e la

findu

MoyenAge

est

tout aussi

fabriqué,

out aussi

éloigné

du réel

que

les murailles

plates

des minia-

tures

carolingiennes.

es

effets

des

Bon et Mauvais

Gouvernements

qui

se fontface sur les murs

du Palais Public

de

Sienne et où

l on

peut à son Dôme,à ses portes,reconnaîtrea ville,sont en quelque

sorte es

transpositions

aïques

et

terrestres es Paradis

et des

Enfers

des

images

de

Jugement

ernier.

a Sienne du XIVe siècle

qui

connaît,

on le sait

par

les

textes,

ne

période

difficile

émeutes

t de famines

Page 146: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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144

au moment où

Ambrogio

Lorenzetti

peint

les murs

de

son Palais

Public,

n est

pas,

sinon

par

des

détails comme ceux du costumeou de

l architecture,

ur les

fresques

que

nous

voyons

aujourd hui.

C est la

nouvelle

mage

du bien et du

mal,

de

la

perfection

t de l horreur

qu analyse

Chiara

Frugoni

en éclairant es

fresques

par

des textes

contemporainsRemigio

de

Girolami,

Giordano

da

Pisa)

ou

antiques

cités

par

des

contemporains

textes

d Aristote,

e

Cicéron...),

es nou-

velles valeurs

de

paix,

de

tranquillité,

ù chacun

vaque

gaiement

ux

occupations

ui

conviennent son

rang,

aleurs

qui

viennent

emplacer

une autre ville où la perfection tait synonyme e muraillesbien

closes

et

de

pierresprécieuses.

L expression

t ses

moyens

nt

changé

mais

c est

toujours

a ville déale

qui

est

peinte

la

manière,

emblé-

matique,

universelle,

iératique

est devenue

discursive,

lle

raconte,

multiplie

es

détails,

s organise

dans un cadre

qui

devientun

espace

et le lieu

d une

temporalité.

Une

des

grandes

réussites

du livre

de Chiara

Frugoni

est,

pour

décrirecete

nouvelle

ville

en

formation,

en

répéter

dans

sa forme

le

mouvement. n

est

pris

à

sa

lecture,

omme dans ces

images

des

XIV

et XV*

siècles

qui,

commençant

travailler a troisième imen-

sion,montrent la fois une villeou un édificedans son ensemble n

même

temps que,

encore

médiévale,

elles

échappent

aux

règles

du

point

de fuite

unique

pour

mettre n valeur tel ou tel

aspect.

Le livre

contient

9

images

noir et blanc de bonne

qualité

se

mêlent

es

représentations

rèscélèbres d autres

ui

le

sont

beaucoup

moins.

Ce

cahier est une

partie

essentielle e

l ouvrage.

l

donne

corps

par

les

agrandissements

e certains

détails,

les

juxtapositions

par-

lantes

qui

y

sont

faites,

au discours de Chiara

Frugoni.

Une

telle

exploitation

e

l image

serait à souhaiter

pour

bien

des

sujets.

On

y

abandonne es critères

de l histoire

e l art

classique,

on sait trouver

dansdes œuvres« secondaires un intérêt u pointde vue de l histoire

de la

figuration.

ême

si l on

passe parfois apidement

ur

des

analyses

formelles

ui,

à

être

développées

renforceraient

ncore e

discours de

l auteur,

n

y

dépasse,

c est

certain,

a

problématique

conographique

traditionnelle.

Christine

apostolle

Page 147: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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QUADERNI

MEDIEVALI

N° 19

-

giugno

1985

Mario

SANFILIPPO,

Ricordo

di

Raoul

Manselli

SAGGI

Paolo

GOLINELLI,

Dal santo

del

potere

l santo del

popolo

Culti

mantovani

all'alto

al

basso

Medioevo;

Walter

HABERSTUMPF,

Tra

Monferrato

Bisanzio

un testamento

del

1338 di

Teodoro

I

Paleologo MelitaCATALDI, arabola della poesia della natura Lettura

di

cinque

testi antico-irlandesi

II.

L'ALTRO MEDIOEVO

:

Fabio

TRONCARELLI,

«

Nella

mia

fine

è

il

mio

principio

. Il

fantasma

del Medioevo

n

Joyce

Ed. Eliot Mario

SANFILIPPO,

l

«

Parsifal

di

Wagner

a mito mito Vito

ATTOLINI,

Tre

altri Medievi

ugli

schermi

INCONTRI

AnnaLaura

TROMBETTI

BUDRIESI,

Politica e cultura

nell'Italia

di Federico

I

;

Raffaele

ORIO,

Icona e

linguaggio

eligioso

a

Bisanzio;

Andrea

ZORZI,

I

forestieri

elle realtà locali Massimo

VALLERANI,L'orìginedell'Università l'organizzazione el sapere;

Giovanna

PAOLIN,

Donne e uomini nella

vita

spirituale;

Sandra

ORIGONE, Genova,

Pisa e

il

Mediterraneo;

Rosa

Maria DENTICI

BUCCELLATO,

Tecnica e società

nell'Italia dei secoli

XII-XVI

LETTURE

Enza

COLONNA,

essicografia

mediolatina

Schede Incontri avvicinati

Libri

ricevuti

Direttore

Giosuè

Musca.

Redatori:

Pasquale

Corsi,

Raffaele

orio,

Vito

Sivo. Redattori

orrispondenti:

ranco

Cardini,

Massimo

Monta-

nari,MarioSanfilippo, iuseppeSergi, alvatoreTramontana.ndirizzo

della

redazione:

Giosuè

Musca,

Via

Che Guevara 37

D,

70124

Bari.

Telefono

80/510445.

Nel 1985

n fascicolo emestrale

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Dedalo

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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JOURNÉES

RÉMOISES

1984

«

LE

TEMPS ET LA

DUREE

AU MOYEN

AGE

ET A LA

RENAISSANCE

»

Colloque

organisé

par

le

Centre

de Recherche sur la

littérature

du

Moyen

Age

et de la

Renaissance

de

l'Université de Reims

les

28,

29 et 30

novembre

1984

Ce

colloque

était le

premier

organisé par

le

Centre

universitaire

rémois.

Des

participants

'étaient

déplacés

de

plusieurs

régions

de

France

et de

l'étranger our

y

assister. On a

généralement pprécié

qu'il

réunisse

médiévistes

t

seiziémistes,

abituellement

éparés

quand

il

s'agit

de

travaux

ntéressants

Le

thème,

ort

riche,

n'a

pas

été

épuisé

par

les

cinq

demi-journées

de

communications,

l

s'en faut.

Les

approches

n

ont été

fortdiverses»

Si

tous les

conférenciers,

u

presque,

rencontraient

e

temps

dans

son

aspect

grammatical,

eul

J. BATANY

n fit

e centrede

sa

réflexion.

a

fonctionittéraire u tempsfutplus souvent traitée par les médié-

vistes,

E.

BAUMGARTNER,

J.

CERQUIGLINI,

M.-G.

GROSSEL,

A.-J.

URDEL et

B.

GUIDOT,

sans

parler

de

plusieurs

seiziémistes).

D'autres

R. COLLIOT)

parlèrent

u

temps

comme cadre

d'événements

divers.

Mais cette

répartition

st

simplificatrice

l'excèset ne se

justifie

que

commefacilité

e

présentation

les Actesde

ces Journées

émoises

paraître

ourant1985 la

Librairie

Nizet)

rendront

lus

exactement

justice

aux

mérites

t à

l'originalité

e

chacun.On ne

sera

pas surpris

de

constater

que

le

temps

est

partout

mais

toujours

insaisissable.

Bien des

questions

intéressantes 'ont

pas

ou

guère

été

posées

il

reste à

interroger

es

musicologues,

es

philosophes,

es historiens.

Espérons qu'un secondcolloque sur le temps,un peu plus tard,com-

plétera

ce

qui

n'a

pas

été dit.

Peut-être

es travauxde novembre

984

à Reims serviront-ilse

points

de

départ

à de

nouvelles

recherches

t

favoriseront-ilse nouveaux

ontacts C'est le souhait

e

plus

cher des

organisateurs

u

colloque.

Les

prochaines

Journées

émoises auront ieu

en

janvier

1986 le

16

sera

une

journée

d'études sur Thibaut de

Champagne;

les

17,

18

et

19

serontconsacrées un

colloque

interdisciplinaire

ur

le Sonnet

à la Renaissance.

Pour tousrenseignements,'adresser YvonneBellenger u Danielle

Quéruel,

Faculté

des Lettresde

Reims,57,

rue

Pierre

Taittinger,

1100

Reims.

Page 149: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-9-automne-1985 149/155

-

ï

ARCHÉOLOGIE MÉDIÉVALE

TOME

XIV/ 1984

volumes nnuels

omprenant

es articles e

fond

souvent

surdes fouilles

écentes),

ne

chronique

vec notice

onsacrée

à chacun es chantiersuvertsnFrance t unbulletinritique.

à

propos

de

quelques

types

de

fibules nsées de

l'époque

des

grandes

nvasions

rouvées n Gaule

nécropole

t habitat

de Saint Jean

des

Vignes

à

Montfrin

Gard)

à

propos

de

quelques

exemples

de

pratiques

médicales t

chirurgicales

n

Basse Normandie

endant

e

MoyenAge

etc.

résumés

rançais-anglais

19

x

25 /432

p.

/broché

5 tabi. 8

cart. 105

pl.

fig.

u

phot.

ISBN

2-222-03323-3

60 F

librairie,

entes,

ublicité

295,

rue

saint

acques,

75005

paris

tél.

26.56,1

Page 150: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-9-automne-1985 150/155

L'ÉCRIT-VOIR

revue

d'histoire des arts

publiée par

le

Collectif

our

'histoire e

Vart

t

les Publications

e

la

Sorbonne

L'ECRIT-VOIR ouvre

ses

colonnes

aux

articles d'étudiants

et de

chercheurs fin

qu'ils

puissent

communiquer

un

plus

vaste

public

le

résultatde

leurs

travaux.

Par

la

publication,

es

maîtrises

et des thèses

soutenues

chaque année,

des

informations

oncernantles bibliothèquespécialisées, es centres e rercherchet des colloques

L'ECRIT-VOIR

tentede rendre

a

recherche

moins

obscure et

le

droit

à

la

parole.

Reste la

lecture de

6 numéros

déjà

publiés

:

N° 5

Approches

de

l'art

actuel.

6

Autour de

Jean Laude.

Dialogue

entre les

cultures.

N° 7 A paraître.

M.

Guillaume:

De

scriptione

Christi in

terra

/

E. Jollet D'un

sujet

générique

la

question

de

la

figure

dans les fêtes

galantes

d'AntoineWatteau

/

C.

Bernard

Textiles noirs-américains t Antil-

lais :

approche

d'un

art

contemporain

/

M.

Costantini

Un

moment

dans

l'histoire

du

nimbe

/

B.

Vouilloux: De l'écrit

à

l'image.

Esquisse

d'un

programme

/

L.

Kirby:

La femme

et le

train

dans

le

cinéma

primitif,

lassique

et

expérimental

(1895-1929) /

B.

Gervais Le

versant de la

création. Réflexions

ur

l'acte

créatif

de Hegel à Ehrenzweig/A. Günthert Détruire a peinture.Contri-

bution à l'étude d'une

logique politique

de

l'image

totalitaire

/

M.

Lamy

De l'œil

charnel à l'œil

spirituel

/

Trad.

P. Dubus.

E.

Panofsky

Nebulae

in

pariete.

Notes

sur

l'éloge

de Dürer

par

Erasme

/

Dossier

sur l'histoire de l'art en

Grande-Bretagne,

es

entretiens vec

F.

Haskell,

E.

H.

Gombrich,

L.

Nead,

A.

Potts.

8 A

paraître

Les

arts

visuels

et

la mort.

Figures

du

trépas,

figure répassée.

L'ECRIT-VOIR,

renseignements

et abonnements

(deux

numéros

100

F

pour

la France et 150 F

pour

l'étranger)

au

3,

rue

Michelet,

75006 Paris.

En

vente dans toutes

les

grandes

librairies.

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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A NOS LECTEURS

Si

la

revue

«

MEDIEVALES

»

vous

paraît

digne

d'intérêt,

outenez-la

n

vous abonnant

ou en renouvelant

votre

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Bulletin

d'abonnement

à retourner

:

Université

de

Paris

VIII

PUV

Centre

de Recherche.

Publication

«Médiévales»

2, rue de la Liberté

93526

SAINT-DENIS

CEDEX

02

Je

souscris

un

abonnement

deux

numéros

de

«MEDIEVALES»

(N°

10

-

Printemps

986

11

-

Automne

986)

France

:

92 Francs

(port

compris)

Etranger

105

Francs

(port

compris)

Je

souscris

un abonnement

quatre

numéros

de

«

MEDIEVALES

»

(N°

10

-

Printemps

986

N° 11-Automne

986,

N° 12

-

Printemps

987

N° 13

-

Automne

987)

France

: 175

Francs

(port compris)

Etranger

200 Francs

(port

compris)

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ecevoir

es numéros

uivants

(n*

1

à

3 :

30

F

;

n° 4 à

6

:

40

F,

ensuite

4

F)

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épuisé)

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ar

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de Recettes

PUV-Paris

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-

-

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VILLE

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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Nous demandons ux

auteurs de bien vouloir

présenter

eurs articles

en

respectant

es conventions

uivantes

-

Un article

ne

doit

pas dépasser

20

pages dactylographiées,

ouble

interligne,e 2000 signesenviron 30 1. de 65 s.). Les notes sont

présentées

la suite du

texte.

-

Les mots et

citations atines

sont

soulignés.

Les

références 'ou-

vrages

sont

indiquées

comme

suit. Pour les

livres E.

MARTIN,

Le

Moyen

Age

Paris,

1922. our es

articles O.

MAROTIN,

«

Le

Bas

MoyenAge

,

dans

Archives

u

Massif

central, X, 1915,

.

4-23.

-

Les

citations

ongues

constituant

n

paragraphe

ont

présentées

n

retrait,

n

simple

nterligne.

-

L'auteur

n'indiquera

pas

d'espace

supplémentaire

ntre deux

para-

graphes, auf s'il souhaite ndiquer medivisionparticulière e son

texte.

l

convient

lors

de

le

préciser

n

marge.

-

Il

est conseillé

de

prévoir

es intertitres.

-

Afind'obtenirdes

illustrations

atisfaisantes,

es

photos

éventuel-

lementfournies

oivent

tre

en

noir et blanc

et aussi

contrastées

que possible.

Important

en raison

des coûts de

fabrication

levés,

ucune

correction

d'auteur

ne

pourra

être

acceptée.

Nous

recommandons onc

de veiller

à ce

que

les textes

dactylographiés

e

présentent

ucune

imprécision,

même de détail.

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Imprimerie

raphosprint

44,boulevardFélix-Faure

92320

Châtillon-sous-Bagneux

Dépôt légal

4* trimestre

985

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8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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Rappelons que

sont

acceptés

volontiers

ous

manuscritsd'articles

concernant

es

sujets susceptibles

d'être traités

par

la

revue,

quand

même es

auteurs

ne

seraient

pas,

ou

pas

encore,

fficiellement

édié-

vistes. Les articles

seront

tous lus.

La

revue

se

réserve

e droit

de

publier

u

non.

Sont en

préparation

un

numéro sur les

voyages

dans

l'Orient

Byzantin,

ous la

direction

d'E.

Patlagean

et

un

numéro

spécial

sur

«

MoyenAge

et

Cinéma .

Toutes

les

suggestions

et

propositions

d'articles

sont

les bien-

venues.

LISTE DES LIBRAIRIES DEPOSITAIRES

DE

MEDIEVALES

Librairie

Saint-Michel-Sorbonne,0,

rue

de la

Sorbonne,

75005

Paris

Librairie

Gallimard, 15,

boulevard

Raspail,

75007 Paris

Librairie

Tschann,

84,

boulevard du

Montparnasse,

75006

Paris

Librairie

Autrement

dit, 73,

boulevard

Saint-Michel,

5005 Paris

Librairie

internationale

Picard,

82,

rue

Bonaparte,

75006

Paris

Presses Universitairesde France,49,bd Saint-Michel, 5005Paris

Librairie

Alphonse

Daudet-Alésia,

73,

rue

d'Alésia,

75014 Paris

Librairie Le

Divan,

37,

rue

Bonaparte,

75006 Paris

Librairie La

Hune,

170,

boulevard

Saint-Germain,

5006 Paris

Librairie

La

Procure,

3,

rue

de

Mézières,

75006 Paris

Librairie

Honoré

Champion,

7,

quai Malaquais,

75006 Paris

FNAC

Montparnasse,

136,

rue de

Rennes,

75006 Paris

FNAC

Forum,

Forum

des

Halles,

1 à

7,

r.

Pierre-Lescot,

5001

Paris

FNAC

Strasbourg,

La

Maison

Rouge,

22,

place

Kléber,

67000Strasbourg

Page 155: Medievales - Num 9 - Automne 1985

8/9/2019 Medievales - Num 9 - Automne 1985

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ISSN

0751-2708

SOMMAIRE N° 9 / AUTOMNE 1985

Page

Avant-propos

François

JACQUESSON

3

L'histoire ntre

e

Cosmos et

le Hasard

entrevue

vec Robert

DELORT

7

LANGUES

La

parole

de l'autre

Yvonne

REGIS

CAZ

AL

19

Expliquer

-

Justifier Grammaire t

poétique

de la cause

en ancien

français

Annie

DELBEY

35

Le lai de

Doon,

ou le fonctionnement

e

la brièveté

Catherine

RIZZA

55

L' «Amorde Lonh» du grammairien

Jean-Charles

UCHET

64