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Meillet et la poésie indo-européenne Author(s): Françoise Bader Source: Cahiers Ferdinand de Saussure, No. 42 (1988), pp. 97-125 Published by: Librairie Droz Stable URL: http://www.jstor.org/stable/27758396 . Accessed: 13/06/2014 19:43 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Librairie Droz is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Cahiers Ferdinand de Saussure. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.2.32.49 on Fri, 13 Jun 2014 19:43:05 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Meillet et la poésie indo-européenne

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Meillet et la poésie indo-européenneAuthor(s): Françoise BaderSource: Cahiers Ferdinand de Saussure, No. 42 (1988), pp. 97-125Published by: Librairie DrozStable URL: http://www.jstor.org/stable/27758396 .

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Fran?oise Bader

MEILLET ET LA PO?SIE INDO-EUROP?ENNE

1. Donn?es chronologiques: 1.1. travaux de Meillet; 1.2. accueil qui leur fut

r?serv?; 1.3. instruments de travail de Meillet. 2. Originalit? de Meillet: Meillet et Vendryes. 3. El?ments m?triquement pertinents du syst?me de la langue: 3.1. ?limination

du ton; 3.2. syllabe et fin de mot. 4. Unit?s m?triques: 4.1. vers (non pas pied, explicitement; pas de mention du

colon); 4.2. strophes. 5. Coupe. 6. Syllabe: 6.1. r?gles fixant le rythme quantitatif de la m?trique (temps faible

u u et u ; opposition d'un d?but libre, et d'une fin invariante: caract?ris?e par une cadence et une syllabe anceps); 6.2. vers ? nombre de syllabes fixe: 6.2.1. variations h?rit?es: catalexe; ac?phalie; 6.2.2. innovation grecque: ?galit? u u = ?.

7. ?Origine indo-europ?enne des m?tres grecs?: 7.1. premi?re ?tape: vers

?oliens; 7.2. seconde ?tape: vers iambico-trocha?ques; 7.3. hexam?tre

d'origine ?g?enne. 8. Restes de vers indo-europ?ens ailleurs qu'en sanscrit et grec: 8.1. limites

fix?es par Meillet ? son ?tude; 8.2. iranien; 8.3. latin: 8.3.1. saturnien; 8.3.2.

allit?ration; 8.4. baltique et slave; 8.5. v?racit? de la doctrine m?trique de Meillet; 8.5.1. ses successeurs; 8.5.2: voix discordantes.

9. Po?sie et prose m?l?es.

10. Meillet, la po?sie et la culture intellectuelle des Indo-Europ?ens.

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1. La po?sie, ? savoir surtout (mais non uniquement) la m?trique, est, dans les ?tudes indo-europ?ennes, un domaine mineur en apparence; mais c'est un domaine o? Antoine Meillet fut un novateur dynamique, comme j'essaierai de le montrer, et qu'il explora pendant un bon quart de

si?cle, ainsi queje vais d'abord le rappeler.

1.1. Il est notable que Meillet ait fond? toutes ses recherches de m?trique sur une uvre de jeunesse: alors que ses travaux s'?chelonnent de 1888 ?

1937, c'est de 1897 que date l'article ?De la partie commune des P?das de onze et douze syllabes dans le M?ndala III du Rigveda?. Peu de temps apr?s, en 1900, il consacra ? la m?trique iranienne une grande partie (p. 269-276) de son article ?La d?clinaison et l'accent d'intensit? en

perse?. Mais c'est plus tard qu'il fondera la m?trique indo-europ?enne, en

comparant v?dique et grec: les deux dates ? retenir sont celles des deux

?tapes par lesquelles se fera cette comparaison: 1913, date de la premi?re ?dition de VAper?u d'une histoire de la langue grecque, avec le chap. IV de la seconde partie ?Les origines de la m?trique grecque?; 1923, ann?e o?

parut le petit ouvrage de 79 pages (mise en forme d'un cours profess? au

Coll?ge de France, les lundis soirs de 1921-1922): Les Origines indo-euro

p?ennes des m?tres grecs (? compl?ter par la liste de fautes d'impression donn?e par Meillet dans le BSL 24/2, 1923, 50-51); y est acquise la d?monstration d'une parent? entre vers grecs et v?diques, explicitement ni?e en 1897 ~ ce qui ?tait d?j? une fa?on de poser la question de la l?gi timit? de la comparaison. Une cinqui?me date sera ? retenir: 1925, ann?e de la publication des Trois Conf?rences sur les G?th? de TAvesta, faites ?

Upsal au d?but de mars 1924: dans la seconde, ?La composition des

G?th??, est abord? un autre probl?me de technique formelle h?rit?e, le

m?lange de vers et de prose. On versera enfin au dossier la lettre de No?l 1929 que Meillet adressa ? Jakobson, pour lui dire la joie qu'il ?prouvait au sujet des recherches que celui-ci entreprenait alors sur la m?trique slave, et qui ?tait comme la cons?cration des siennes propres, si souvent

ignor?es ou d?cri?es jusque-l?.

1.2. Ce que Gauthiot dit en 1913 (La fin de mot en indo-europ?en, p. 214) de la ?note? ?crite par Meillet en 1900 -

?g?n?ralement pass?e sous silence? -

est, en effet, si vrai qu'en 1972, J. Kury?owicz, ?tudiant ?Le m?tre des G?th?s de l'Avesta?, ne la cite m?me pas. Le silence s'?tait fait d'abord autour du livre de 1913; et Meillet semble en avoir ressenti d'autant plus d'amertume qu'il se sentait s?r d'avoir mis en uvre une

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bonne m?thode: en 1920 (par ailleurs ann?e o? parut la seconde ?dition

de Y Aper?u), il ?crit:

?Dans un bref chapitre qui n'a gu?re ?t? discut? jusqu'ici (A. M., Aper?u... [1913] 151 et suiv.), on a essay? de montrer comment les vers strophiques ?oliens concordent avec les vers v?diques? (?M?trique ?olienne et m?trique v?dique?, 16-17);

dans la troisi?me ?dition de cet Aper?u, qui date de 1930, il se plaint ?

deux reprises du mauvais accueil fait ? ses Origines; p. xvn (? propos de

ces derni?res, dans la bibliographie cit?e):

?Sans doute les hell?nistes sont, pour la plupart, rest?s sceptiques vis-?-vis des conclusions de cet ouvrage; mais je crois y avoir appliqu? correctement les m?thodes de la grammaire compar?e et les principes de la rythmique? ;

et encore, p. 148-149:

?L'indication [des concordances entre vers v?diques et grecs] a ?t? accueillie avec scepticisme ou du moins avec r?serve par beaucoup de compa ratistes; quant aux sp?cialistes de la m?trique grecque, la plupart jusqu'ici ont

?vit? d'en faire ?tat: une th?orie qui fait abstraction de l'isochronie est propre ? choquer, bien qu'elle soit d'accord avec des doctrines antiques comme avec

la pratique de beaucoup de musiciens modernes?.

Et, de fait, les ?r?serves?, mod?r?es de la part d'un Otto Schroeder

(1924), se font refus sous la plume d'un Paul Maas (1924), qui use d'argu ments qu'on jugera pour le moins ?tranges

- comme la possibilit? que des

peuples de langue et de culture diff?rentes aient eu une m?me forme de

vers -; exprim?es de mani?re polie par G. Ibsen (1924-25), elles devien

nent d'une ironique agressivit? chez Arthur Platt (1924). L'un de ses d?tracteurs - Platt -

reproche ? Meillet de n'avoir pas cit?

l'ouvrage essentiel, il est vrai, pour la connaissance de la m?trique

v?dique: E. Vernon Arnold, Vedic Metre in its historical development

(1905), en grande partie ? tort: c'est sur ses propres recherches, ant?

rieures, de 1897, que Meillet s'est toujours appuy?, recherches philolo

giques tr?s minutieuses sur les diverses s?quences de longues et de br?ves

? la fin des p?da de tristubh et de jagati, respectivement vers de onze et de

douze syllabes, en fonction de la place de leur c?sure, qui peut varier

(apr?s la quatri?me ou la cinqui?me syllabe). Sur quoi pouvait donc

s'appuyer Meillet?

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1.3. L'on doit, d'abord, se rappeler que Meillet avait ?t?, ? l'Ecole

pratique des Hautes Etudes, un ?l?ve de Louis Havet, dont il parle en ces termes dans la n?crologie qu'il en fit (Annuaire de VE.P.H.E. 1925 =

Linguistique historique et linguistique g?n?rale II, 200-205):

?Il avait ?t? charg? d'enseigner la m?trique. Et il la concevait en linguiste, qui voyait la r?alit? des mots et des phrases rythm?es derri?re la lettre des r?gles. Tous ceux qui, comme moi, ont suivi cet enseignement ? la fois rigide et d?licat y ont pris d'inoubliables le?ons de m?thode linguistique... La cons cience de L. Havet aurait suffi ? faire de lui le plus pr?cis des ma?tres. Il me souvient qu'il m'avait charg?, durant une ann?e d'?tudes o? je n'ai cess? de le suivre, de r?diger un cours qu'il faisait sur la m?trique de Plaute. Apr?s avoir r?dig? une le?on sur une question difficile, je lui soumis, un jour, avec ma r?daction, une objection qui me semblait d?cisive; imm?diatement L. Havet a accept? l'objection que lui faisait avec timidit? un jeune ?tudiant et, pour un d?tail qui ne le satisfaisait pas, un cours fortement ?tudi? n'a jamais paru.?

Par ailleurs, en 1897, pour l'?tude du m?tre v?dique qui lui servira

toujours de r?f?rence, Meillet disposait uniquement du livre de Hermann

Oldenberg, Die Hymnen des Rigveda, I Metrische und textgeschichtliche Prolegomena (1888). Pour le grec, il ne cite pas, sauf erreur, Theodor

Bergk, Ueber das ?lteste Versmass der Griechen (1854); mais l'on trouve, dans la bibliographie de 1913, le nom de Wilhelm Schulze, Quaestiones epicae (1892), et cursivement, dans l'ouvrage de 1923, qui ne comporte pas de bibliographie syst?matique, ceux de Louis Havet, Cours ?l?men taire de m?trique grecque et latine (1886), P. Masqueray, Trait? de m?trique grecque (1899), Henri Weil, Litt?rature et rythmique grecques (1902), Thomas Dwight Goodell, Chapters on Greek Metric (1902), Otto

Schroeder, Vorarbeiten zur griechischen Versgeschichte (1908), U. von

Wilamowitz-Moellendorff, Griechische Verskunst (1921), K. Meister, Die homerische Kunstsprache (1921), cit? pour sa conception de l'hexam?tre comme emprunt?, qui est aussi celle de Meillet, ind?pendamment (1923, p. 60, note 1).

Enfin, en mati?re comparative, il ne pouvait avoir connaissance lors du cours qu'il professa au Coll?ge de France, et qui est ? la base de son

ouvrage de 1923, de l'article, paru la m?me ann?e, d'Ernst Leumann, ?Zur indischen und indogermanischen Metrik?, article dont l'auteur

ignore d'ailleurs superbement l'ouvrage de 1913, puisque c'est sans citer Meillet qu'il dit ? propos du vers v?dique de instubh (p. 78): ?Letztere heisse ich in ihrer griechischen Form kurzweg 'die sapphische Zeile'?,

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point qui fait pourtant partie de la d?monstration de Meillet (cf. 1913, p. 148). Cependant Meillet cite les deux seuls de ses pr?d?cesseurs dignes de retenir son attention: R. Westphal, ?Zur vergleichenden Metrik der

indogermanischen V?lker? (1860), et H. Usener, Altgriechischer Versbau, ein Versuch vergleichender Metrik consacr? essentiellement ? l'hexam?tre

(1887) -

ouvrage sur lequel on lira avec fruit Enrico Campanile, ?La Metrica comparativa d'Hermann Usener? (1982).

2. Par rapport ? ces derniers, Meillet innova. Laissons, d'abord, la

parole ? J. Vendryes, qui s'?l?ve, en termes voil?s, contre le mauvais accueil fait au savant par les critiques, dans le compte rendu qu'il donna lui-m?me de l'ouvrage de 1923 (Vendryes 1923); et laissons-la lui longue

ment, car sa plaidoirie est ? bien des ?gards encore d'actualit?:

?Pour en saisir toute la nouveaut?, il suffit de se rappeler la place que tient la

m?trique dans les ouvrages de grammaire compar?e; elle n'est jamais trait?e que comme une science auxiliaire apportant au linguiste un compl?ment d'information. Il existe des ouvrages de grammaire compar?e o? la m?trique est ainsi utilis?e, mais il n'existe pas d'ouvrage de m?trique ?crit par un

comparatiste. Or, M. Meillet s'est propos? de b?tir une th?orie comparative de la m?trique indo-europ?enne, d'annexer ? la grammaire compar?e des

langues indo-europ?ennes une province nouvelle qu'on pourrait appeler la

m?trique compar?e. L? est la premi?re originalit? de son livre. Il n'y a pas de raison en effet - et l'on devrait s'?tonner que M. Meillet ait eu le besoin de s'en justifier

- pour que la m?trique, consid?r?e en elle-m?me, ne b?n?ficie

pas des ressources de la m?thode comparative. Si elle en a ?t? priv?e jusqu'ici, c'est sans doute pour la m?me raison qui a tenu si longtemps les philologues classiques en d?fiance ? l'?gard de la grammaire compar?e, ? savoir la diffi cult? d'acqu?rir la possession de disciplines sp?ciales tr?s touffues pour en

d?gager des vues d'ensemble. Un bon hell?niste a peine ? croire qu'il lui soit utile de devenir indianiste ou iranisant pour scander les po?mes hom?riques. Mais M. Meillet donne la preuve que la connaissance du Veda ou des g?th?s de l'Avesta est aussi n?cessaire ? l'interpr?tation de la m?trique que la langue d'Hom?re.?

Quant au passage suivant, il demande ? ?tre replac? dans son contexte

historique:

?La date et la nature des documents font que le domaine de la m?trique compar?e est plus restreint que celui de la grammaire compar?e. Du moins peut-on distinguer dans la m?trique des peuples indo-europ?ens deux types principaux: l'un, occidental, d?fini par la comparaison du saturnien latin et

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du plus ancien vers irlandais ou germanique; l'autre, oriental, que nous fait

conna?tre surtout la comparaison des m?tres grecs et hindous. Ce deuxi?me

type est visiblement plus ancien que l'autre, et plus conforme au type linguis tique de l'indo-europ?en. C'est de celui-ci seul que traite M. Meillet. Le

simple rapprochement des faits grecs et hindous produit des r?sultats saisis sants.?

En effet, d'une part, Meillet est, par la date de ses ?tudes, un homme

du XIXe si?cle; et la comparaison du grec et du v?dique, h?riti?re de la

tradition qui fonda la grammaire compar?e, n'avait rien que de banal

quand Meillet jeta les assises de sa comparaison m?trique, en 1897; en

1913, ann?e de VAper?u, il ne faisait qu'entrer dans la modernit? compa

rative, par suite des circonstances elles-m?mes, puisque c'est l'ann?e o? il

?tudia le tokharien (?Remarques sur les formes grammaticales en tokha

rien B?), langue connue depuis peu (c'est de 1908 que date l'article de

Sieg-Siegling qui devait la faire conna?tre, avant que le hittite ne f?t

d?chiffr?, en 1916). -

Ensuite, Meillet a partag? la conception d'un indo

europ?en occidental, ainsi notamment dans Les Dialectes indo-europ?ens

(1908), issus d'un cours profess? au Coll?ge de France en 1905-1906,

chap. I ?Le vocabulaire du Nord-Ouest?, qui comprend le baltique et le

slave, outre les langues cit?es par Vendryes; celles-ci sont remarquables d'un certain point de vue, par la prise en compte du germanique, qui

d?passe la conception d'un italo-celtique, partout sous-jacente dans le

Dictionnaire ?tymologique de la langue latine, d'A. Ernout et A. Meillet,

ainsi, p. ex., que dans le Trait? de grammaire compar?e des langues clas

siques, par A. Meillet et J. Vendryes (p. 11). -

Enfin, la ligne de d?mar

cation trac?e par Vendryes s'estompera gr?ce aux provignements de la

m?trique compar?e de Meillet, ? travers Watkins pour l'irlandais, puis Cole pour le saturnien.

3. L'originalit? de Meillet est d'avoir montr? que les structures m?tri

ques d?coulent de la fixation des structures de la langue par des r?gles, transmises oralement, en m?me temps que l'autre grande caract?ristique de la po?sie indo-europ?enne, l'emploi de formules, que Meillet ?voque ?

propos de la seule ?pop?e hom?rique, ?po?sie de gens de m?tier, faite avec des formules apprises? (1923, p. 61). Et nous allons voir, successi

vement, quelles sont ces structures linguistiques, puis les fixations qu'en a fait la m?trique.

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3.1. Parmi les ?l?ments m?triquement pertinents du syst?me de la langue, Meillet ?limine ce que nous appellerions maintenant les ?l?ments supra segmentaux, ? savoir F'accent' propre des mots, dans la langue, puisque c'est un ton, un accent de hauteur, et non un accent au sens moderne

(1913, 145; 1923, p. 8-9; et plus tard, ?Th?orie du rythme et du ton en

indo-europ?en? [1931], article consacr? essentiellement, il est vrai, ?

l'absence du r?le du ton dans le d?veloppement des alternances). Il ne

semble pas que Meillet ait vu que l'accent pouvait se substituer ? la

quantit? au temps fort, par suite d'une ?volution (au contraire, e.g. Watkins 1963, p. 218; West 1973, p. 174), puisqu'il exclut du champ de la

m?trique compar?e ?toute langue o? le rythme quantitatif se lie ? la place du ton? (baltique et slave), ainsi que les ?langues o? est intervenu un

accent d'intensit? fort?, irlandais ancien, germanique (1923, 12; 13). Il ne

semble pas non plus s'?tre pos? le probl?me des rapports du vers et de la

phrase, non seulement quant ? l'existence m?trique d'enjambements et de

synaphies, mais aussi pour un fait que j'enseigne pour ma part: la fin de vers est indiff?rente ? la quantit?, comme la fin de phrase est indiff?rente ? l'accent, puisqu'on y trouve des ?l?ments toniques et atones; il est vrai

que Meillet n'a pas fait la diff?rence entre les uns et les autres dans son

analyse m?trique, d'une part, et que, de l'autre, il croyait ? la libert? de l'ordre des mots dans la phrase (Introduction ? V?tude comparative des

langues indo-europ?ennes1 [1934], p. 365: ?L'ordre des mots avait valeur

expressive, et non syntaxique; il relevait de la rh?torique, non de la gram

maire?), alors que j'ai essay? de montrer (BSL 81, 1986, 71-120) que cet

ordre ob?issait ? une structure m?lodique de la phrase bien d?finie, et

pouvant comporter tant?t trois, tant?t deux segments (toutes proportions

gard?es comme le vers peut comporter soit trois soit deux colons, selon

Jakobson et Watkins). Dans la m?trique, Meillet a vari? pour ce qui est de Y ictus: il en niera

l'existence en 1923 (p. 10), o? son syst?me comparatif laisse en majeure

partie de c?t? le g?thique, pour lequel il conclut, en 1900, apr?s un

examen d?taill? de l'accent d'intensit? iranien (?tant?t sur la p?nulti?me et tant?t sur l'ant?p?nulti?me suivant que la p?nulti?me est longue ou

br?ve?, p. 269):

?L'accent attest? par la m?trique g?thique... r?pond ? l'ictus du sanscrit dont la place est r?gl?e par la quantit?. Il semble ainsi qu'il soit l?gitime de reporter le point de d?part de cet accent jusque dans la p?riode indo-iranienne et sans doute jusqu'? l'indo-europ?en. Le fait que la quantit? influe sur la place qu'il

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occupe est une survivance de l'?poque indo-europ?enne o? le rythme ?tait

purement quantitatif? (p. 277).

3.2. Ce rythme, qui fonde la m?trique quantitative, faisait d?j? partie des

pr?occupations du jeune savant, dans sa th?se de 1897 (n? 1 de sa biblio

graphie du BSL 38, 1937): Recherches sur l'emploi du g?nitif-accusatif en

vieux slave (p. 184 et suiv.)1. On s'arr?tera d'abord aux deux ?l?ments de la langue pertinents pour

le rythme du vers que sont, pour Meillet, les syllabes, en leur succession de

longues et de br?ves, de nombre fixe pour un type de vers donn?, et le

mot, en sa fin, par le statut sp?cial de laquelle s'explique la coupe. D'une part, les th?oriciens du langage qu'ont ?t? forc?ment les m?tri

ciens indo-europ?ens ont d? r?fl?chir aux deux segmentations possibles de la cha?ne de la phrase, par mots, mais aussi par syllabes (en raison du

sandhi), comme ont d? le faire bien plus tard les autres th?oriciens du

langage qu'ont ?t? les sp?cialistes des ?critures (lesquelles s?parent

parfois, non seulement les mots, mais aussi les syllabes, ainsi les ?critures ? ponctuation syllabique d'Italie).

Quant ? Meillet, pour ce qui est de la syllabe, il faut le compter au

nombre des modernes qui se sont en premier int?ress?s ? elle. Pour le

mot, et l'importance accord?e ? sa fin, on ne peut pas ne pas penser ? la

th?se de R. Gauthiot, La fin de mot en indo-europ?en, parue l'ann?e de

VAper?u, en 1913. On conna?t, en effet, la sorte de symbiose intellectuelle en laquelle vivait le ma?tre et son ancien ?l?ve, devenu son ami, tu? ? la

guerre:

?J'ai une pudeur ? parler de Robert Gauthiot. Depuis le jour o? il est venu ? mes conf?rences de l'Ecole des Hautes Etudes, en 1896, nous nous ?tions

accoutum?s ? parler ensemble. Il n'y a presque pas un de ses travaux que je n'aie discut? avec lui quand il en formait le premier projet, quand il le pr?pa rait, quand il l'ex?cutait. Il n'y a presque pas une de mes id?es queje ne lui aie soumise, qu'il n'ait discut?e, qu'il n'ait enrichie de ses observations, pr?cis?e

1 ?Si ce livre portait une d?dicace, on lirait ici le nom des deux ma?tres qui ont dirig? mes ?tudes de linguistique, M. Michel Br?al et M. F. de Saussure; depuis que j'ai ?t? initi?

par eux ? la grammaire compar?e, leurs encouragements et leur active sympathie ne m'ont

jamais fait d?faut; les titres qu'ils ont acquis ? ma reconnaissance ne sauraient ?tre expri m?s?, dit, dans la pr?face ? ce livre, Meillet, qui d?diera son Introduction ? l'?tude compa rative des langues indo-europ?ennes ? son ma?tre genevois, pour un anniversaire (?A mon

ma?tre Ferdinand de Saussure, ? l'occasion des vingt-cinq ans ?coul?s depuis la publication du M?moire sur le syst?me primitif des voyelles dans les langues indo-europ?ennes?).

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par ses objections, ou soutenue de faits nouveaux. Quand j'essaie de parler de lui, il me semble queje parle un peu de moi-m?me? (BSL 20, 1916, p. 127-132 =

Linguistique historique et linguistique g?n?rale II, 194-199).

Et Meillet r?fl?chissait depuis longtemps au sujet de la th?se de

Gauthiot, dont il a d? suivre de pr?s l'?laboration, comme l'indique Gauthiot (p. 3):

?M. Meillet a cit? le traitement particulier des finales comme un exemple de

linguistique g?n?rale dans sa le?on d'ouverture au Coll?ge de France? (1906)... ?et dans son Introduction, il a dress? un tableau succinct des effets de cette r?gle g?n?rale en indo-europ?en, qui sont comme l'esquisse claire et sobre du pr?sent travail (Introduction3, p. 117 et suiv.). Par la suite, cette

empreinte n'a pu que s'accentuer: car ce sont mes deux amis MM. A. Meillet

et J. Vendryes qui ont lu et relu cette ?tude.?

Enfin, ?Le rythme naturel de l'indo-europ?en? (titre du chap. III du livre de 1923) donne lieu ? des variations ?tudi?es en 1920: ?Sur le rythme quantitatif de la langue v?dique? (1920 b). Meillet y montre que, si le

principe du rythme est le m?me en sanscrit v?dique et en grec ancien, le caract?re particulier du rythme diff?re: le v?dique recherche le rythme

iambico-trocha?que ( - u - u ), et ne fait que tol?rer le rythme dactylique;

le grec ne recherche pas particuli?rement le premier, au contraire du

second, ayant ainsi un rythme tant?t binaire tant?t ternaire, au contraire de celui du sanscrit, essentiellement ternaire. Meillet tirera parti de cette

structure linguistique comme ?l?ment d'explication de la substitution

m?trique de deux br?ves ? une longue en grec par suite d'une innovation

(le probl?me m?trique grec ?tant probablement ? l'origine de sa recherche

linguistique).

4.1. ?La t?che du m?tricien est de d?terminer comment les r?gles s'appli quent au mat?riel fourni par la langue?, dit Meillet (1923, p. 7); nous

allons l'examiner en trois ?tapes: segmentation; constituants; compa raison.

Et, d'abord, la segmentation, en vers et strophes, mais non en pieds. ?M. Meillet commence par d?truire l'id?e habituelle de la division du vers

en temps ?gaux?, dit Vendry?s dans son compte rendu de 1923. A cet

?gard, Meillet a fait une r?volution, en commen?ant par lui-m?me. En

1897, croyant ? la notion de pied, et ? celle d'ictus, il ne pense pas possible de pouvoir comparer les vers de jagafi et le trim?tre iambique:

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Page 11: Meillet et la poésie indo-européenne

106 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)

III 2, 1 b, ghrt?m na p?it?m agn?ye jan?masi yEsch. Ag. 1113, ?iT(xpY?|Jioiai ?eaqp rois ?jjL?ixotv??,

bien qu'ils aient l'air de se recouvrir exactement (jusque dans-la place de

la coupe), mais par hasard: le trim?tre iambique est divis? non en six

pieds, mais en trois m?tres de deux pieds chacun, comparables non ? six

mesures de 3/8, mais ? trois mesures de 6/8; et c'est un hasard si le p?da cit? peut se couper en pieds comme un vers grec:

?En effet, un vers qui n'est pas destin? ? ?tre chant? sur une m?lodie mesur?e en conservant son rythme ne conserve pas n?cessairement le retour du temps

marqu? ? intervalles ?gaux ou sensiblement ?gaux: l'h?mistiche d'alexandrin

classique fran?ais peut avoir son ictus secondaire indiff?remment sur les

seconde, troisi?me, quatri?me syllabes. Comme l'a montr? Oldenberg, Die

Hymnen 1 et suiv., la place des ictus dans les p?das v?diques est sujette ? de

l?g?res variations, ce qui exclut la division en pieds? (p. 290-91);

et (p. 300): ?Le p?da sanscrit a une libert? rythmique qui est ?trang?re au vers grec et, dans l'ensemble de leur structure, les deux types diff?rent d'une mani?re essentielle?.

L'obstacle ? la comparaison est tomb? en 1923, sous l'influence,

probablement, de lectures post?rieures ? son premier article:

?Si on fait abstraction de la r?gularit? des pieds, il est possible de comparer le vers grec ancien au vers v?dique: en effet, le vers v?dique n'est pas divisible en

pieds. Il ne devient comparable au vers grec qu'? partir du moment o? la th?orie du vers grec n'est plus domin?e par le pied. Or, M. von Wilamowitz

Moellendorff a ?nonc? la formule capitale, que ?le vers est plus ancien que le

pied?. Oldenberg (Zur Geschichte des Sloka, Nachrichten de l'Acad?mie de

G?ttingen, Phil. hist. Kl., 1909, p. 220) affirme avec raison qu'il ne faut pas chercher dans le ?Singsang? en quoi consistait la d?clamation v?dique des mesures ?gales, et il ajoute cette formule excellente: ?Singsang ist kein

Gesang, und auch Gesang erweist nicht Tatgleichheit?. La comparaison du vers grec et du vers v?dique met ce principe en ?vidence? (1923, 30).

Et un peu plus haut (p. 29-30), dans un passage qui montre la grande culture musicale de Meillet:

?Beaucoup de m?triciens semblent convaincus qu'il leur faut trouver dans tous les vers antiques des mesures exactes, comparables ? celles de la musique des modernes, et qu'on n'a scand? une pi?ce de vers anciens que lorsqu'on a

r?ussi ? la d?couper en pieds de valeur ?gale comme on d?coupe en mesures, au moyen de barres, un morceau de musique. Il y a l? une erreur fondamen

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Page 12: Meillet et la poésie indo-européenne

F. Bader: Meillet et la po?sie indo-europ?enne 107

tale qui vicie notamment les deux pr?cis fran?ais sur la mati?re, celui de M. L. Havet et celui de M. Masqueray. Et m?me des m?triciens qui comme M. von

Wilamowitz-Moellendorff, se rendent compte de l'extr?me souplesse de la

rythmique grecque, ne formulent pas nettement le principe qu'il n'y a pas lieu de chercher dans un vers grec des mesures ?gales entre elles; pas lieu, par cons?quent, de vouloir d?couper chaque vers en pieds.

L'erreur provient des habitudes de la musique classique. Cette musique est tout enti?re fond?e sur des rythmes r?guliers, qui s'expriment par la r?gu larit? des barres de mesure. M?me un musicien dont le rythme est infiniment

souple et d?licat et dont les instruments dominants, l'orgue et le clavecin, excluent les diff?rences d'intensit? ou n'en comportent que de restreintes, comme J. S?bastien Bach, pr?sente sa musique avec les formes d'un rythme

r?gulier. Les musiciens de la fin du xvnr si?cle ont des rythmes stricts, forte ment marqu?s, assez monotones, surtout dans le style italien, qui, pour la plus

grande partie du public, a repr?sent? l'essentiel de la musique durant une

grande partie du xixc si?cle. R. Wagner a pu avec raison reprocher ? la

musique d'op?ra fran?aise de son temps des rythmes de contre-danse.

L'op?rette est ?crite tout enti?re avec des rythmes de danses simples. Mais ces

types o? le rythme est souvent d'une monotonie et d'une brutalit? obs?dantes ne sont pas toute la musique.

On sait maintenant qu'on peut ?crire de la musique en variant les

rythmes et en les contrepointant. Des modernes ?crivent sans barre de

mesure, l? o? ils emploient des rythmes libres. Les m?lodies gr?goriennes n'ont pas non plus de barres de mesure, parce qu'elles ont un rythme libre. La

musique chorale du xvie si?cle ne para?t pas encore se laisser d?couper en

mesures fixes.

Le pr?jug? de la barre de mesure, devenu en m?trique le pr?jug? du pied de dur?e constante a tout fauss?. La m?trique moderne admet des vers libres o? ne figure aucune mesure de valeur constamment la m?me. Il en a d? ?tre

de m?me de la m?trique antique.?

4.2. Le pied ne sera donc pas l'un des ?degr?s de segmentation? de la

m?trique, pour reprendre l'expression de Jakobson (1951, p. 55) ? propos du slave, o? ces degr?s sont, selon l'auteur: le pied, le colon, le vers. Du

colon, Meillet ne s'est pas occup?, au contraire de ses successeurs, Jakobson (notamment 1951, p. 34, pour les trois colons t?trasyllabiques des vers de douze syllabes en serbo-croate, et les deux colons t?trasylla

biques des vers de huit syllabes), et Watkins, qui reconstruit les lignes de

d?marcation de ces colons, initial jusqu'? la coupe, m?dian entre la coupe et la cadence, final dans la fin du vers (cadence + anceps), dans les vers

longs, avec disparition du colon m?dian dans les vers courts (1963, p. 201,

217, notamment). Mais on notera l'importance accord?e par Meillet ? la

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Page 13: Meillet et la poésie indo-européenne

108 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)

strophe, non seulement, comme on le verra, pour la comparaison de

l'iranien au v?dique, mais parce qu'elle a, semble-t-il, jou? un r?le impor tant dans le principe, sinon dans le d?tail, de sa comparaison entre grec et

v?dique: le premier des chapitres comparatifs de 1923 (Chap. V ?Vers

v?diques et vers grecs de la chanson?) commence ainsi:

?Les vers grecs qui se pr?tent le mieux ? ?tre compar?s ? des vers v?diques sont les vers lyriques de la chanson. Dans les deux cas, on est en pr?sence de

vers faisant partie de strophes? (p. 31);

et peut-?tre encore plus explicitement en 1913:

?Certains m?tres grecs se laissent rapprocher des m?tres v?diques. Les m?tres

v?diques ?tant strophiques, c'est ? des types strophiques qu'il convient de les

comparer? (p. 146),

o? la comparaison, laissant encore de c?t? les types iambiques, ?cart?s en

1897, ne portera, en une premi?re ?tape, que sur la comparaison de la

m?trique grecque ?olienne ? la m?trique v?dique.

5. Et c'est aux constituants m?triques que j'en viens maintenant, l'un qui rel?ve de la fin de mot, la coupe, les autres des syllabes, cadence et isosyl labisme.

Passons rapidement sur ce qui rel?ve de la fin de mot, la coupe, dont

la place peut varier l?g?rement, pouvant se trouver p. ex. ? la quatri?me ou ? la cinqui?me syllabe dans les vers longs de jagatl ou de tristubh, comme Meillet l'a montr? dans le d?tail en 1897; insistons seulement sur

le fait curieux que, tout en attribuant ? l'hexam?tre une origine ?g?enne, Meillet le compare aux vers longs du v?dique pour la coupe, ? deux

reprises: en 1897, il signale que

?Les p?das coup?s apr?s 4 ont tr?s souvent - environ dans les deux tiers des cas - une seconde coupe apr?s 7 syllabes. Cette coupe secondaire r?pond ? la coupe principale de quelques strophes de l'Avesta (G?th? Vahist?isti) et

rappelle l'hephth?mim?re des Grecs,?

et la coupe (principale) apr?s 5, la penth?mim?re grecque (p. 274); en

1923 (p. 58); ?La coupe, consistant en une simple fin de mot, est du m?me type que la coupe du vers v?dique. Elle offre la m?me variation de place, portant sur une

seule syllabe: entre les deux coupes de l'hexam?tre, il n'y a qu'une syllabe de diff?rence, et encore est-ce une syllabe br?ve. Or, ? prendre le vers v?dique de

11 ? 12 syllabes dans son ensemble, il semble bien que, de m?me, la

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Page 14: Meillet et la poésie indo-européenne

F. Bader: Meillet et la po?sie indo-europ?enne 109

cinqui?me syllabe sur laquelle porte la diff?rence de place de la coupe, occu

pait en g?n?ral (non pas n?cessairement toujours) un temps faible.?

6. Insistons davantage sur l'autre constituant du rythme m?trique, la

syllabe. C'est, en effet, la succession des br?ves et des longues, identiques pour la prosodie en grec et v?dique (est longue toute syllabe comportant une voyelle longue, une diphtongue, ou une br?ve devant groupe

consonantique), qui fonde le caract?re quantitatif de la m?trique, et les

caract?ristiques du vers autres que la coupe, essentiellement au nombre

de deux.

6.1. L'une est que la succession des longues et des br?ves est soumise ?

des r?gles. Ainsi, le rythme g?n?ral du vers i.e. est fond? sur la r?partition de u et de u u au temps faible; les syllabes longues du temps fort peuvent ?tre s?par?es soit par une soit par deux br?ves. Mais ce qu'il y a de plus

important, c'est l'opposition de deux portions dans le vers: l'une initiale, libre quant aux variations de quantit?s vocaliques; l'autre finale, au

contraire invariante: elle comprend une cadence, fixe, avec une syllabe finale anceps, p. ex. u u - - dans le cas du par?miaque (dim?tre anapes

tique catalectique en termes de m?trique grecque) qui jouera un grand r?le dans les recherches, non de Meillet, ? vrai dire, mais de ceux qui, sur

ses traces, consolid?rent les fondations de la m?trique compar?e, Jakobson et Watkins. Pour ce qui est de Meillet lui-m?me, on soulignera

que c'est cet aspect de la m?trique qui retint en premier son attention,

puisque ?la partie commune des P?das de 11 et de 12 syllabes dans le

M?ndala III du Rgveda? en est la fin, ? laquelle il consacre son article

philologiquement tr?s minutieux de 1897, o? il examine les d?tails quan titatifs des s?quences diverses qui suivent la coupe (r?sum? dans 1913,

p. 147; 1923, p. 33-35).

6.2. L'autre caract?ristique concerne le nombre des syllabes et l'isosyl labisme: un type de vers donn? comporte un nombre de syllabes fixe, et il

y a, ? cet ?gard, des types variables. Ce sont des vers longs, de douze

syllabes (vers de jagatl), et de onze syllabes (v. de tristubh) qu'a examin?s

Meillet en 1897, dans l'?tude d'o? sortira, en 1913, la comparaison des

vers de strophes saphiques et alca?ques; il y ajoutera en 1923, pour la

comparaison des trim?tres iambiques, les octosyllabes indiens, vers de

gayat? (strophe de trois vers) et ?'anustubh (quatre vers), ? finale u - u -

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110 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)

(comme dans les vers de jagatl, et, avec la derni?re syllabe en moins, dans

les vers de tristubh), mais aussi - u - ^ (p. 52-53), ainsi que les vers de la

dvipad? viraj (? double pentam?tre), pour rapprocher, au moins de loin,

les s?ries de dim?tres ou de m?tres ?ambiques termin?es par un m?tre

catalectique (1923, p. 54). Les successeurs de Meillet s'engageront dans la

voie qu'il a trac?e. Jakobson d?gagera l'existence d'un d?casyllabe en

slave commun, notamment dans l'?pop?e, et peut-?tre dans certains

chants lituaniens; il en d?montrera l'origine indo-europ?enne, conforme

aux principes ?tablis par Meillet, et plus particuli?rement avec le par?

miaque grec, fr?quent dans les proverbes et formules rituelles: en raison

de ces emplois Jakobson appellera ?vers gnomico-?pique? ce d?casyllabe h?rit? (1951, p. 64-66). Watkins exhumera d'autres h?ritages, group?s en

quelque sorte autour de la coexistence de vers longs et de vers courts

(souvent associ?s en strophes, strophes o? ils alternent; strophes isosyl

labiques termin?es par un vers court, qui leur sert de clausule): grand nombre de m?tres grecs, longs et courts, d?riv?s du par?miaque, dont ils

ont la cadence; existence, en irlandais ancien, de vers longs de sept

syllabes, courts de quatre, avec des variantes de six et huit syllabes dans le

premier cas, de cinq et trois dans le second (Watkins laissant de c?t? le

probl?me de la parent? du vers irlandais et du saturnien latin, ?voqu? par

Vendryes [1923, p. 48] et repris par Cole [1969, p. 66-73]); identit? de structure des vers longs et des vers courts, d?finie par l'identit? de la

cadence, et par des proc?d?s m?triques h?rit?s qui modifient le nombre

des syllabes. Ces proc?d?s sont l'un, la catalexe, ? la fin du vers, l'autre,

Yac?phalie, en son commencement.

6.2.1. D?s 1897, Meillet a d?fini les rapports des vers de jagatl et de

tristubh, comme ?tant ceux qu'on appellerait en grec de vers acatalec

tiques ? catalectiques; il y reviendra en 1913 (p. 147-148), pour ?tablir la

parent? des vers lesbiens - saphique et alca?que

- avec les vers v?diques en particulier de tristubh (onze syllabes), puis en 1923 (p. 33), ? propos, en

outre, de la parent? entre trim?tre iambique (sans r?solutions) et vers de

jagatl (douze syllabes), ainsi que de variations grecques entre vers longs de seize et quinze syllabes, ou courts, de huit et sept. Comme au sujet du

pied, il a recours ? une comparaison avec la musique (1923, p. 33):

?Le proc?d? qui consiste ? poser l'?quivalence d'une noire prolong?e, f "

, et d'une noire plus une croche, f V est normal en musique. L'emploi de ce

proc?d? dans le vers chant? n'a rien de surprenant. Dans un vers parl?, la

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F. Bader: Meillet et la po?sie indo-europ?enne 111

catalexe serait peu admissible; et en effet le trim?tre iambique n'est pas cata

lectique. Mais l'exactitude avec laquelle le proc?d? v?dique se superpose au

proc?d? grec est remarquable.?

En revanche, Meillet ne s'est pas int?ress? ? l'ac?phalie, ? partir de

laquelle Watkins rend compte de l'identit? de structure entre vers longs et

courts: ce dernier reprend l'opposition d?gag?e par Meillet entre libert?

du d?but du vers, et fixit? de sa fin: la libert? est non seulement celle des

variations quantitatives des syllabes, ?tablie par Meillet, mais celle de leur

nombre, dont la variation (jointe ? la catalexe) rend compte de la coexis tence de vers longs et de vers courts, apparent?s par leurs cadences.

6.2.2. En regard des deux proc?d?s h?rit?s que sont la catalexe et

l'ac?phalie, une innovation peut avoir contribu?, en grec, ? changer le

nombre des syllabes d'un type de vers donn?, comme l'hexam?tre, qui peut avoir de douze ? dix-sept syllabes (1913, p. 150), ou comme le

trim?tre iambique, qui peut avoir une longueur comparable ? celle des vers v?diques de douze syllabes, ou en comporter plus, quatorze par

exemple (1923, p. 51): ?L'?galit? u u = - en grec?, titre du chapitre VI de

l'ouvrage de 1923, qui y s?pare la comparaison avec les vers v?diques des ?vers grecs de la chanson? (chap. V de 1923)

- appellation alors pr?f?r?e

? celle de ?vers lesbien? de 1913 (e.g., p. 148) - et des vers iambico

trocha?ques (chap. VII), ainsi que de l'hexam?tre (chap. VIII, o? l'on trouvera aussi une ?tude du distique ?l?giaque, avec son second ?l?ment

?auquel on donne le nom bizarre de pentam?tre? [p. 70]), des vers

anapestiques (chap. IX), de ceux de la grande lyrique (chap. X). Cette

s?paration dans le plan refl?te l'?volution de la pens?e de Meillet.

7. Sa conclusion sera que:

?Le type m?trique de la lyrique de la chanson, le type iambique et le type trocha?que, sont donc issus d'un seul et m?me type indo-europ?en dont les vers v?diques de 8, 11, et 12 syllabes ont conserv? l'image plus fid?lement que les types grecs? (1923, p. 54-55).

Mais ce r?sultat sera acquis en deux temps.

7.1. En 1913 (chap. IV ?Les origines de la m?trique grecque?), il fonde la

m?trique compar?e en rapprochant des vers v?diques de jagati et de tristubh des vers grecs qui ignorent cette ?galit?: il s'agit des vers ?oliens,

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112 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)

compar?s aux vers v?diques ?tudi?s en 1897 pour leur caract?re stro

phique, le nombre (onze ou douze) de leurs syllabes, l'opposition qu'ils manifestent entre la libert? de leur commencement et la fixit? de leur fin

(et sur laquelle Meillet reviendra en 1920, ? propos d'un fragment d'Alc?e sur papyrus publi? par Wilamowitz en 1914, pour souligner le bien-fond?

de ses vues de 1913 dont, un peu bless?, il regrette qu'elles aient ?t? g?n? ralement ignor?es: ?M?trique ?olienne et m?trique v?dique? [1920, p. 16

17]); la seule diff?rence entre vers v?diques et vers ?oliens est dans la

pr?sence ou l'absence de la coupe, ce que Meillet expliquera en 1923 par l'innovation rythmique de la langue grecque ?tudi?e en 1920, qui consiste

? adopter la s?quence u u ?vit?e par le v?dique (?Sur le rythme quantitatif de la langue v?dique? [1920 6, p. 193-207]), et qui a des r?percussions dans la m?trique. L'une est le caract?re non n?cessaire de la coupe dans le

vers ?olien (1923, p. 47):

Le rythme du grec ?se trouvait ?tre plus ?tal?. A nombre de syllabes ?gal, un vers grec ?tait donc plus court qu'un vers v?dique. On s'explique ainsi la seule diff?rence importante qu'il y ait entre le vers v?dique de jagafi et de tristubh et le vers ?olien, alca?que et saphique. Les premiers ont une coupe oblig?e, les seconds n'en ont pas. Ceci tient ? ce que les premiers sont, pour le sentiment

rythmique, plus longs que les seconds: en v?dique et en grec, les vers courts n'ont pas de coupe oblig?e.?

On ne sera peut-?tre gu?re enthousiasm? par cette explication. Mais, en tout cas, l'autre r?percussion m?trique de l'innovation rythmique est

s?re: il s'agit des ?changes entre deux br?ves et une longue fr?quents dans

les m?tres non ?oliens.

7.2. Et, dans la deuxi?me ?tape de la fondation de la m?trique compar?e, en 1923, c'est certains de ceux-ci - les vers iambico-trocha?ques

- que

Meillet rapprochera de vers v?diques, tout en indiquant, en introduction

au chapitre o? il les ?tudie (1923, p. 48):

?A partir d'ici, la comparaison des types grecs avec les types v?diques devient

malais?e, parce que l'on ne trouve plus de correspondances exactes. N?an

moins, la comparaison est encore susceptible d'?clairer beaucoup de particu

larit?s?,

ainsi, pour le trim?tre iambique, la coupe, sujette ? occuper deux places

diff?rentes, comme en v?dique; le nombre des syllabes, identique ? celui

des vers de jagafi (abstraction faite des r?solutions); la structure ryth

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mique opposant la libert? ancienne du d?but de vers, restreinte, mais qui a laiss? des traces (p. ex. - u au lieu de ^- en d?but de vers), et la rigueur

plus grande de la fin, attest?e par la loi de Porson, au moins pour un cas

particulier: quand le vers se termine par un trisyllabe, Pavant-dernier pied doit ?tre pur; par ailleurs, le trim?tre scazon, employ? par le po?te ionien

populaire Hipponax a une finale - ^, qu'on trouve aussi dans l'octosyllabe v?dique, de caract?re ?galement populaire. Et, apr?s avoir ?tudi? d'autres

types iambiques, Meillet montre que les types iambiques et les types

trocha?ques sont deux normalisations distinctes issues d'un m?me type initial, voisin du type v?dique: ils sont identiques par leur finale,

- u ̂ , distincts par leur d?but (^

- u -, dans l'iambique; ^ u ?, dans le

trocha?que), par suite de l'innovation grecque qui fait alterner pieds purs et impurs dans le m?tre. On est donc bien loin du travail de 1897, o?

Meillet croyait fortuite l'identit? de structure de vers comme R. V. III 2, 1 ft, et yEsch. Ag. 1113.

7.3. Les autres ?tapes de la d?monstration comparative ne seront pas atteintes, qu'il s'agisse de la grande lyrique ou de l'hexam?tre, auxquels

Meillet attribue une origine ?g?enne, ce qui ne revient pas ? expliquer l'inconnu par du connu, et ce qui comporte, au moins pour l'hexam?tre,

quelques contradictions: existence de coupes, comme en v?dique (1897, p. 274; 1923, p. 58); existence de - u u ? c?t? de -

u, caract?ristique du

v?dique et du vers ?olien (1923, p. 35); innovation rythmique grecque consistant dans l'adoption de deux br?ves ?vit?e par le sanscrit, o? le

rythme de la langue ?d?cide de la pr?f?rence accord?e ? telle ou telle forme donn?e par l'analogie plut?t qu'il ne fait cr?er des formes vraiment nouvelles? (1920, p. 207), ce qui pourrait ?tre dit aussi de la m?trique hom?rique, et du caract?re de la langue qui en est le corollaire (1923, p. 58-60, reprise de l'article ?Le t?moignage de la langue hom?rique et les

exigences du vers? [1916, 28-30] - et ce qui devient chez Nagy [1979,

p. 615]: ?The discovery made by Antoine Meillet ... that in early Indie

poetry, new metrical trends did not tend to create new phrases?: on ne

pr?te qu'aux riches); nombre de syllabes identique, abstraction faite des

r?solutions, comme dans le cas du trim?tre iambique, ? celui du vers de

jagatl; grand nombre de formules que se transmettaient les po?tes (1923, p. 61), et qui, si elles sont h?rit?es, peuvent l'avoir ?t? parfois dans leur sch?ma m?trique, ainsi skr. sr?vas ?ksitam et kX?os <x<p6i/rov, pour prendre l'exemple qui est ? la base du livre de Nagy (1974)

- celui-ci proc?dant ?

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114 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)

une reconstruction interne de l'hexam?tre ? partir de m?tres grecs (lyri ques), apr?s d'autres, comme Watkins (1963, p. 202, n. 1: identit? des

cadences du par?miaque et du dactyle: - u u-^), et West (1973, p. 169,

n. 10: ?It might be derived for example from a pherecratean and ex

panded reizianum, ^ x - u u -

x|x-uu - uu ?, welded together and

regularized in rythm through. Note occasional epic lines beginning u-,

- u -, u u u ??).2

8. Parce qu'il n'a fond? la m?trique compar?e que sur le rapprochement du v?dique et du grec, ou plut?t des seuls types ?oliens et iambico

trocha?ques, Meillet a reconnu les limites de cette comparaison (1923,

p. 18): ?Il y a inconv?nient ? fonder une th?orie sur la comparaison de deux t?moi

gnages seulement. La restitution d'un point de d?part commun ne ressort en

effet que de la comparaison de trois t?moignages au moins: l? o? il y a diver

gence entre les deux t?moignages compar?s, le choix est arbitraire. On s'efforcera ici de parer ? cet inconv?nient dans la mesure du possible.?

La question est donc maintenant de savoir dans quelle mesure.

8.1. Meillet n'a fait qu'aborder le probl?me ?Des restes de vers indo

europ?ens? (titre du chap. II de 1923) pour des raisons pratiques et des

raisons th?oriques. Les premi?res, qu'on s'explique bien si l'on songe ? la

quantit? de travail requise par l'?tude du mat?riel de chaque langue, se

devinent dans la lettre qu'il adressa le 25 d?cembre 1929 ? Jakobson, qui lui avait soumis le projet du travail qui devait voir le jour en 1951 :

?Je suis bien heureux de voir que vous apercevez le moyen de relier le m?tre de la chanson baltique et slave aux m?tres indo-europ?ens. J'avais bien l'instinct que la question se pose. Mais, faute de travaux pr?paratoires, je n'ai

pu y toucher.?

Quant aux raisons th?oriques, il les expose en 1923 (p. 12): toutes les

langues autres que le v?dique et le grec ?offrent des innovations telles

qu'une comparaison est exclue? : langues o? le rythme quantitatif se lie ?

la place du ton, comme le baltique et le slave; langues qui poss?dent un

accent d'intensit?, comme le germanique et l'irlandais ancien; langues o?

les finales sont alt?r?es, comme l'arm?nien et le tokharien.

2 Je n'ai pu avoir acc?s ? N. Berg, ?Parergon metricum: der Ursprung des griechischen Hexameters? (1978).

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F. Bader: Meillet et la po?sie indo-europ?enne 115

?Les seules langues qui, en dehors du v?dique et du grec ancien, pourraient entrer en consid?ration sont le latin ancien et l'iranien ancien. En fait, il ne sera possible d'en tirer que peu de donn?es utiles? (1923, 13).

8.2. La comparaison du latin est moins ?labor?e chez Meillet que celle de

Y iranien. Pour celui-ci, Meillet indique les convergences, et les raisons des

divergences. Les convergences concernent les strophes - notion qui avait

jou? un grand r?le dans la premi?re ?tape de sa d?monstration de la

parent? des vers v?diques et des vers ?oliens -: la plupart des strophes

g?thiques recouvrent des strophes v?diques par le nombre de vers, le

nombre de syllabes de chaque vers - l'on est loin de 1900, p. 270: ?Il est...

tout ? fait inadmissible qu'un vers soit d?fini seulement par le nombre de

ses syllabes? -, et la place de la coupe (1913, p. 149; 1925, p. 37-38), ainsi

que certains types de vers, comme les vers de onze syllabes dans les

g?th?s (particuli?rement ?tudi?s en 1900), ou ceux de huit dans l'Avesta

r?cent. Les divergences concernent la disparition de la m?trique quanti tative, et ses cons?quences: disparition expliqu?e par le fait que le rythme

quantitatif de la langue s'est alt?r? en iranien, comme l'indique Meillet ?

ses d?tracteurs (1913, p. 149; 1923, p. 15-16; 1925, p. 38), ce qui entra?ne une fixation de la coupe, d'une part, et, de l'autre, une importance plus

grande accord?e au mot qu'? la syllabe (1923, p. 16), si bien que les

anciennes cadences syllabiques sont remplac?es par des s?quences o?

c'est le nombre de syllabes de chacun des mots en cha?ne (2 + 2 + 3, cf. 1923, p. 76) qui compte; la succession des s?quences syllabiques form?es par des mots avait ?t? minutieusement ?tudi?e dans l'article de

1900, auquel, sauf erreur, Meillet ne se r?f?ra jamais dans ses ?tudes

m?triques ult?rieures, au contraire de ce qu'il fit pour celui de 1897.

8.3. Le vers latin a retenu l'attention de Meillet sur deux points: un type de vers, le saturnien, et un ph?nom?ne, l'allit?ration (qui n'a ?t? fix? comme proc?d? m?trique ? proprement parler qu'en germanique, o? les vers sont li?s les uns aux autres par des imp?ratifs allit?rants rigoureux: voir, e.g., West, 1973, p. 179).

8.3.1. Au sujet du saturnien, Meillet dit des choses contradictoires; ainsi

(1923, p. 77): ?Le saturnien n'a pas un nombre de syllabes fixe. Mais il a une coupe n?ces

saire vers le milieu, et la r?partition de mots de longueurs diverses y joue

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Page 21: Meillet et la poésie indo-européenne

116 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)

manifestement un grand r?le ... Le saturnien latin est sans doute issu des

m?mes types qui ont abouti dans l'Inde aux vers de jagati et les tristubh, en Gr?ce aux vers alca?que et sapphique, d'une part, au trim?tre iambique, de l'autre. Mais ? Rome comme dans la m?trique de l'Avesta, la quantit? a ?t? sacrifi?e, et le nombre m?me des syllabes a cess? d'?tre fixe?

(Meillet ne fait pas intervenir la catalexe, ni, a fortiori, l'ac?phalie); et

1923, p.15:

Le ?r?le particulier de l'initiale suffit ? faire que le vers original du latin, le saturnien, ne soit pas comparable aux vers v?diques et grecs anciens?.

8.3.2. C'est qu'il ?tait alors sous l'influence de la th?orie de Juret

(cf. Meillet 1923, p. 14), selon qui la syllabe initiale a pris en latin une valeur sp?ciale, par laquelle Meillet explique aussi l'allit?ration, fr?quente par ailleurs chez Ennius, dont certains exemples cit?s, e.g. :

accipe Jaque /idem/oedusque/eri bene /irmum,

contredisent l'explication que donne Meillet de l'allit?ration, puisque celle-ci se trouve aussi bien ? l'int?rieur qu'? l'initiale. On peut s'?tonner

que Meillet, qui a mis lui-m?me en ?vidence des traits communs ? l'indo

europ?en occidental, ait li? l'allit?ration latine ? ce qu'il consid?re comme une innovation prosodique de la langue, alors que Thurneysen avait

publi? en 1895 une ?tude ??ber westindogermanische Alliterations

poesie?;3 et on peut penser qu'au lieu de voir dans l'allit?ration latine une

innovation (comme aussi, d'ailleurs, Watkins pour l'allit?ration irlandaise

[1963, p. 219]), il aurait pu y reconna?tre un h?ritage formel, connu, ? son

?poque, pour le grec (Christian Riedel, Alliteration bei den grossen grie chischen Tragiker [1900], dissertation d'Erlangen dont Meillet pouvait

disposer ? la biblioth?que universitaire, o? elle se trouve encore), ainsi

que pour le sanscrit et le lituanien, ?tudi?s ? cet ?gard par Krause (?Die

Wortstellung in den zweigliedrigen Wortverbindungen? [1922, p. 77-129, 'Exkurs I: Zur Alliteration', 121-123]) que Meillet cite, mais pour ?carter l'anciennet? du ph?nom?ne; l'on peut, aujourd'hui, y ajouter des exem

ples anatoliens (voir plus loin): l'allit?ration (initiale et int?rieure) cons

titue, avec la rime qui en est la contrepartie finale - et avec le vers - une

technique formelle h?rit?e.

3 L'allit?ration a ?t? ?tudi?e par Saussure: cf. J. Starobinski, Les mots sous les mots

(Paris: Gallimard, 1971), p. 21-22 (saturnien); p. 38-40 (germanique).

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Page 22: Meillet et la poésie indo-européenne

F. Bader: Meillet et la po?sie indo-europ?enne 117

8.4. Enfin, il est un autre groupe de langues pour lequel Meillet a amorc? une ?tude de m?trique compar?e: les langues baltiques et slaves, ?limin?es

(1923, p. 12) en tant que le rythme quantitatif y est li? ? la place du ton, mais sans grande conviction; cf. p. 13:

Comme les langues baltiques et slaves ?ont gard? une structure archa?que, que l'accent ancien a gard? sa place dans certaines, et notamment en litua

nien, tout en changeant partiellement de nature, et que le type indo-europ?en de civilisation s'y est ?limin? tardivement, en partie ? l'?poque historique, il y aura lieu de se demander plus tard en quelle mesure les vers lituaniens, lettes, serbes, etc. continuent les types indo-europ?ens?;

et ? nouveau dans la conclusion de l'ouvrage (p. 77-78):

?On ne peut esp?rer retrouver le vers indo-europ?en avec des alternances

quantitatives en lituanien, apr?s que l'accent y a si fortement alt?r? la quan tit? par la tendance ? allonger la voyelle br?ve accentu?e et que les fins de

mots ont subi un abr?gement. A ceci pr?s, les chansons lituaniennes conti

nuent sans doute des types indo-europ?ens, et l'on y trouve des vers ?piques de 8 syllabes... Le vers lituanien garde [dans une chanson que Meillet cite] comme un reflet des types indo-europ?ens et peut-?tre une ?tude attentive y d?c?lerait-elle quelques traces relativement pr?cises d'usages anciens.?

8.5.1. On conna?t la r?ponse apport?e aux questions que se posa Meillet sur l'opportunit? d'une comparaison fond?e sur deux termes seulement, et sur la possibilit? d'une extension de cette comparaison aux langues baltiques et slaves: elle fut donn?e par Jakobson, qui conclut son ?tude de 1951 en proclamant:

?The testimony of the third witness to the foundations of the Indo-European verse may now join those of Greek and Vedic? (p. 66).

Jakobson eut un ?mule qui, comme lui, crut ? la justesse des vues de Meillet: Watkins, qui, en 1963, amplifia la comparaison du grec, et fonda celle de l'irlandais, apportant un quatri?me t?moignage; et la cha?ne se

continue, par l'?tude de Thomas Cole, ?The Saturnian verse? (1969) qui, sans se r?clamer de Meillet, s'inspire directement de Watkins, et pour qui le saturnien est un vers syllabique, s?par? en deux colons, dont le second est plus court que le premier, et assez proche du vers celtique (ce qu'avait pressenti Vendryes, non cit?, en 1923); auparavant, l'anatolien (qui fournit les plus anciens exemples de rime) avait commenc? ? ?tre explor? par R. Gusmani, en 1964, puis en 1975 (avec bibliographie des travaux

ant?rieurs), selon qui le nombre des syllabes des vers lydiens les plus

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Page 23: Meillet et la poésie indo-européenne

118 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)

fr?quents rappelle des caract?ristiques de m?tres indo-europ?ens comme le tristubh v?dique ou l'hend?casyllabe saphique; on y trouve une pause correspondant ? la fin du mot; et si les allit?rations y sont sporadiques, l'assonance vocalique y est fr?quente; allit?ration et rime se trouvent,

beaucoup plus t?t, dans des vers louvites comprenant deux h?mistiches

chacun, mis en ?vidence par Watkins (1986, p. 59). Toutes ces donn?es

(moins, ?videmment, la derni?re, de fra?che date) ont amen? l'hell?niste M. L. West ? croire, avec un enthousiasme qu'il faut peut-?tre temp?rer, en un ? Indo-European M?tre? (1973).

A peu pr?s ? la m?me ?poque, des comparatistes se sont engag?s dans des voies neuves. Dans un article consacr? essentiellement ? la fonction de bl?me social qu'ont pu exercer les po?tes indo-europ?ens par leur

po?sie satirique, D. Ward (?On the poets and poetry of the Indo-Euro

peans? [1973]), revient, non ? Meillet, mais ? Westphal (1860), qui a

rapproch? des strophes de gayatri, tristubh et jagatl les emplois qu'ont fait des dim?tres ?ambiques et des trim?tres catalectiques et acatalectiques

Archiloque et Hipponax; ceux-ci se rattachent, par le contenu de leurs

uvres, ? une tradition h?rit?e de la po?sie d'invectives, repr?sent?e dans

le Rig-Veda, en latin, en vieil irlandais, en germanique, et appartenant ?

l'une des cultures que des anthropologues nomment des ?shame cultures?. - Se r?clamant de Meillet, G. Nagy, en 1974 (Comparative Studies in

Greek and Indic Meter), a mis en relation les deux voies d'acc?s ? la po?sie

indo-europ?enne: la m?trique compar?e, ? laquelle restera attach? le nom

de Meillet; la recherche des formules comme skr. sr?vas ?ksitam / kA?os

?qpBiTov, commenc?e par A. Kuhn d?s 1853 (??ber die durch nasale

erweiterten Verbalst?mme?); on trouvera de nombreuses autres formules

h?rit?es chez R. Schmitt, Dichtung und Dichtersprache in indogermanischer Zeit (1967): Nagy a essay? de d?terminer des sch?mas m?triques h?rit?s ?

partir de cette formule.

8.5.2. Des voix discordantes se sont ?lev?es nagu?re encore contre la

m?trique compar?e telle que l'a fond?e Meillet; on en retiendra deux.

L'une est celle de l'un des plus brillants ?l?ves de Meillet, J. Kurylowicz: tout se passe comme si celui-ci avait cherch? ? se d?barrasser de l'ombre

d'un p?re rarement nomm? (1962, p. 89), qui a pourtant eu une grande influence sur sa m?thode, comme suffirait ? le montrer le titre de son livre

Metrik und Sprachgeschichte (1975); et, non sans paradoxe, Kurylowicz se

r?clame de Jakobson (cf. 1962, p. 87), qui, lui, n'a pas reni? le ma?tre.

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F. Bader: Meillet et la po?sie indo-europ?enne 119

Quant ? E. Campanile (1979), il se montre hypercritique ? l'?gard des

r?sultats obtenus par Meillet, Jakobson, Watkins, consid?rant que des

trois traits pertinents de la m?trique compar?e d?gag?s par Meillet, et

exploit?s par ses ?mules - c?sure, cadence, isosyllabisme -, seul le premier

(et encore, imparfait) pouvait ?tre consid?r? comme h?rit?. C'est que

Campanile privil?gie l'approche formulaire de la po?sie indo-europ?enne, s?rement beaucoup plus riche pour la connaissance de la culture indo

europ?enne, mais ni plus ni moins importante que la m?trique pour celle de la po?sie.

Meillet ne se d?sint?ressa pas de cet aspect de la po?sie: Milman

Parry reconna?t l'influence qu'a eue sur lui le ma?tre, et le remercie (en m?me temps que M. Croiset et A. Puech), dans 1'?Introduction? de sa

th?se (1928, p. II); et si Meillet ne parle que rapidement des formules que se transmettaient les po?tes (1923, p. 61), en les qualifiant de gens de

m?tier (ce qui donne ? penser qu'il croyait ? l'existence d'?coles de

po?tes), c'est tr?s probablement parce qu'il d?sira, non pas ?largir la voie

qu'un autre, Kuhn, avait trac?e bien avant lui, mais travailler en pionnier dans le domaine de la po?sie, importante ? ses yeux, on le verra, parce

qu'elle t?moigne de la culture intellectuelle des Indo-Europ?ens.

9. Concernant la po?sie, il a commenc? ? d?fricher un autre domaine o? il n'a gu?re ?t? suivi, sinon par Vendryes, avec qui il travailla si souvent

(cf., de ce dernier, ?Sur un caract?re traditionnel de la po?sie celtique? [1930]): le m?lange de prose et de vers. Meillet l'?tudia dans la seconde des Trois Conf?rences sur les G?th? de TAvesta, ?La Composition des G?th?s? (1925). Peut-?tre s'inspirait-il de Hermann Oldenberg

- l'auteur des 'Prol?gom?nes m?triques' sur lesquels il fonda son ?tude de 1897 -

qu'il ne cite pas (au contraire de Vendryes [1930, p. 231]), et qui a ?tabli

(1885, p. 59): ?Dass in einer Reihe von F?llen allein die metrischen Bestandteile derartiger

Akhy?nas - vornehmlich sind dies die in dem Zusammenhang der

Erz?hlungen verflochtenen Reden und Wechselreden - von Anfang an in festem Wortlaut fixiert und ?berliefert worden sind; die Prosa dagegen, welche jene Verse verband und zu den dialogischen Partien die Angabe der tats?chlichen Vorg?nge hinzuf?gte, fehlt entweder ?berhaupt in der ?berlie ferung oder ist doch nur in einer j?ngeren Traditionsschicht als die zugeh? rigen Verse, durch die Hand von Commentatoren, auf uns gelangt?.

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Page 25: Meillet et la poésie indo-européenne

120 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)

Toujours est-il que c'est par le m?lange de prose et de vers que Meillet

explique le fait que:

?Une g?th? de l'Avesta offre ... une s?rie de strophes qui se rapportent plus ou moins ? un m?me ordre d'id?es, mais qui ne semblent pr?senter aucune suite r?guli?re. Les d?buts de chaque morceau sont brusques; chaque strophe forme une unit?; mais d'une strophe ? l'autre il y a un hiatus; l'ensemble est incoh?rent... Pour rendre compte de la brusquerie des d?buts, M. Bartho

lomae a ?t? conduit ? admettre que les pi?ces en vers auraient succ?d? ? des pr?ches en prose, non conserv?s, qui auraient ?t? plus pr?cis et qui auraient

?clair? la partie versifi?e. Il faut aller plus loin. Les plus anciens textes boud

dhiques se composent de morceaux versifi?s, dits g?th?, reli?s par des morceaux en prose, plus ou moins brefs, qui les ?clairent. Plus on remonte

dans le pass?, plus la place de la prose semble petite. Mais toujours il y a de la prose. Pareille disposition expliquerait imm?diatement l'aspect singulier des

g?th? de l'Avesta. Il n'aurait subsist? que la partie expressive, rigoureusement formul?e, et par la suite versifi?e, d'une pr?dication dont la partie d'expos? courant, libre et sans forme arr?t?e, aurait disparu. D?s lors l'incoh?rence du

texte est une chose naturelle: elle tient ? ce que les liaisons n'ont pas ?t? transmises? (1925, p. 39-40).

Une fois encore, Meillet va ins?rer ces remarques dans un cadre

comparatif, indiquant que le m?me m?lange de prose et de vers se

retrouve en Irlande (et donnant l?, probablement, l'impulsion ? l'?tude de

Vendryes); ? Rome, dans la satire m?nipp?e, cultiv?e par Varron, et dans

le m?lange de m?tres du plus ancien th??tre, selon Tite-Live 7,2; dans la

litt?rature islando-norv?gienne; dans ?le drame grec o? des strophes lyri ques et des monodies lyriques sont intercal?es entre des morceaux versi

fi?s dans le type de vers qui, suivant le t?moignage d'Aristote, diff?re le

moins de la prose? (1925, p. 42); ?dans l'Avesta m?me, les sept chapitres en prose du Yasna qui pr?sentent la m?me graphie que les g?th?, comprennent des fragments qui se laissent d?couper en vers de huit

syllabes. Et l'Avesta r?cent est un m?lange de prose et de vers? (1925,

p. 43).

10. Il ne me para?t gu?re douteux qu'une logique interne ait pouss? Meillet, un an apr?s la publication de la derni?re de ses ?tudes m?triques, les Origines de 1923, ? examiner ainsi un autre fait concernant la po?sie

-

et, plus pr?cis?ment, l'insertion de textes po?tiques archa?ques dans une

prose plus r?cente -: en fondant la m?trique compar?e, il fut bien cons

cient de donner un instrument qui permettait d'acc?der ? la po?sie indo

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F. Bader: Meillet et la po?sie indo-europ?enne 121

europ?enne, une po?sie orale, comme il l'indique lui-m?me, en ouvrant encore une voie si souvent emprunt?e apr?s lui, le plus souvent par des

recherches formulaires, plut?t tributaires de l'autre chemin qui m?ne ? la

connaissance de la po?sie indo-europ?enne, celui que fraya A. Kuhn, pr?s d'un demi-si?cle avant Meillet: ?Il y avait une tradition orale de po?sie

indo-europ?enne que r?v?le l'identit? originelle des deux m?triques?, dit celui-ci (1913, p. 152), apr?s avoir rappel? que:

?Grecs et Aryens de l'Inde ont re?u de l'?poque indo-europ?enne une tradi

tion litt?raire ... [qui] ne comportait pas l'usage de l'?criture? (p. 151).

Mais Meillet n'aurait pas ?t? Meillet s'il n'avait ?t? au del? de la

po?sie dont les restes de la technique qu'il ?tudia ??tablissent l'existence et l'importance? (1923, p. 5):

?D?terminer la m?trique indo-europ?enne, c'est reconna?tre un ?l?ment de la civilisation indo-europ?enne... Si l'indo-europ?en s'est largement propag? en

Europe et en Asie, c'est que la nation qui employait cette langue, ou du moins l'aristocratie de cette nation, avait un sens d'organisation sociale et de domi

nation qui ne va pas sans culture intellectuelle?.4

Ecole pratique des Hautes ?tudes IVe Section Paris

Fran?oise Bader

4 L'esp?ce de solennit? fr?missante avec laquelle Meillet souligne ?la port?e de cette

conclusion? (1923, p. 3) am?ne ? se demander si en cette ann?e 1923, dont le mois de novembre vit s'accomplir le putsch de Hitler, Meillet n'avait pas eu connaissance des ?crits de Houston Stewart Chamberlain; la philosophie raciale de ce dernier fut expos?e en effet ? une ?poque o? Meillet pouvait facilement en avoir entendu parler (p. ex. La gen?se du XIXe si?cle, ?dition fran?aise par Robert Godel, Paris: Payot, 1913; Gesamtausgabe seiner Haupt werke in 9 B?nden, Munich: F. Bruckmann, 1923). Mais on sort du domaine de l'histoire de la linguistique.

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Page 27: Meillet et la poésie indo-européenne

122 Cahiers Ferdinand de Saussure 42 (1988)

Bibliographie

1. Antoine Meillet

1897: ?De la partie commune des P?das de onze et douze syllabes dans le M?ndala III du Rgveda?, JA 9e s?rie, p. 266-300.

1897 b: Recherches sur l'emploi du g?nitif-accusatif en vieux slave, Paris: E. Bouillon.

1900: ?La d?clinaison et l'accent d'intensit? en perse?, JA, 9e s?rie, 15, p. 254-276. 1906: U?tat actuel des ?tudes de linguistique g?n?rale. Le?on d'ouverture du cours

de Grammaire compar?e du Coll?ge de France, lue le mardi 13 f?vrier 1906 =

Linguistique historique et linguistique g?n?rale, Paris (r?impr. Gen?ve: Slat kine-Paris: Champion, 1982), p. 1-18.

1908: Les dialectes indo-europ?ens, Paris: Champion (nouveau tirage avec une introduction nouvelle et des additions. Paris: Champion, 1984).

1913: Aper?u d'une histoire de la langue grecque, Paris: Hachette. L'ouvrage a connu des r??ditions successives, parfois avec des remaniements, qui entra?

nent des changements dans la num?rotation des pages. Tout en le citant comme 1913, j'adopte la pagination de la 7e ?dition, avec bibliographie mise ? jour et compl?t?e par Olivier Masson. Paris: Klincksieck, 1965.

1913-1914: ?Remarques sur les formes grammaticales de quelques textes en tokharien B? (en collaboration avec S. L?vi), MSL 18, p. 1-31.

1916: ?Le t?moignage de la langue hom?rique et les exigences du vers?, BSL 20, p. 28-30.

1916 b: ?Robert Gauthiot?, BSL 20, p. 127-132 = Linguistique historique et

linguistique g?n?rale II, p. 194-199. 1920: ?M?trique ?olienne et m?trique v?dique?, BSL 22, p. 16-17. 1920 b: ?Sur le rythme quantitatif de la langue v?dique?, MSL 21, 193-207. 1923: Les origines indo-europ?ennes des m?tres grecs, Paris: P.U.F.

1923 b: Liste des fautes d'impression de l'ouvrage pr?c?dent, BSL 24/2, p. 50-51. 1924: Trait? de grammaire compar?e des langues classiques, par A. M. &

J. Vendryes; deuxi?me ?dition revue et augment?e par J. Vendryes. Paris: Champion, 1948.

1925: Trois Conf?rences sur les G?th? de VAvesta, faites ? l'Universit? d'Upsal pour la fondation Olaus P?tri. Paris : Librairie orientaliste Paul Geuthner.

1925 b: ?Louis Havet?, Annuaire de FEPHE = Linguistique historique et linguis

tique g?n?rale II, p. 200-205. 1929: Lettre cit?e par Jakobson 1951, p. 66. 1931 : ?Th?orie du rythme et du ton en indo-europ?en?, BSL 31, p. 1-7. 1932: voir Ernout-Meillet. 1934: Introduction ? V?tude comparative des langues indo-europ?ennes, 7e ?dition

revue par E. Benveniste. Paris: Hachette; 8e ?d., reproduction de la pr?c?

dente, avec une Pr?face de G. C. Buck, University of Alabama Press, 1964.

1938: Linguistique historique et linguistique g?n?rale II. Paris: Klincksieck.

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Page 28: Meillet et la poésie indo-européenne

F. Bader: Meillet et la po?sie indo-europ?enne 123

2. Autres auteurs

Arnold, E. Vernon, 1905: Vedic Meter in its Historical Development. Cambrige: Cambrige University Press.

Bader, Fran?oise, 1986: ?Structure de l'?nonc? indo-europ?en?, BSL 81, p. 71 120.

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