Mélenchon Durcit Le Ton Sur l’Euro Pour 2017

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    Mélenchon durcit le ton sur l’euro pour2017PAR LUDOVIC LAMANTARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 26 JANVIER 2016

    Ses proches assurent que la ligne du Parti de gauchen’a pas bougé, et que l’accord de juillet sur la Grècen’a fait que « clarifier » les choses. Mais le sommet du« plan B » à Paris a confirmé la radicalisation de Jean-Luc Mélenchon sur la monnaie unique.

    Dans La Malfaçon (Les liens qui libèrent), essai publiéen amont des élections européennes de 2014, FrédéricLordon avait consacré l’un de ses chapitres les plusmordants à « ce que l’extrême droite ne nous prendra

     pas ». L’économiste vedette y attaquait de front despans de cette gauche critique française « terrorisée àla pensée du moindre soupçon de collusion objective

    avec le FN » et qui, dès lors, se montrait incapable des’approprier un sujet à ses yeux capital pour en finiravec l’austérité : la sortie de l’euro.Les débats organisés samedi et dimanche à Parisdans le cadre du « sommet du plan B » ont permis

    de constater le chemin parcouru depuis 2014 parcertains secteurs de la gauche française. Encore sonnéepar l’accord intervenu l’été dernier entre Athènes etBruxelles, la formation de Jean-Luc Mélenchon a misles pieds dans le plat, et convié à ses débats, entreautres intervenants, près d’une dizaine d’universitaireset activistes partisans d’une sortie sans attendre de lamonnaie unique.

    [[lire_aussi]]

    De ce point de vue, le sommet, tout en claironnantles vertus de l'internationalisme, marque une nouvelleétape dans le durcissement de Jean-Luc Mélenchon surla question stratégique de l’euro. S’il se refuse toujoursà appeler d’entrée de jeu à sortir de la monnaie unique,l’intéressé n’a jamais mis en scène de manière aussinette la nécessité de travailler à des scénarios précis desortie de l’euro. La stratégie du PG s’appuie sur deuxpiliers. D’abord, tout faire, une fois au pouvoir, pourrenégocier les traités et sortir l’Europe de sa trajectoire« austéritaire »  (c’est le plan A), et en cas d’échec,

    sortir de l’euro (le plan B). L’intuition de Mélenchon,

    après l’échec de Syriza à Bruxelles, c’est que lui seraitd’autant plus influent dans les discussions avec Berlin

    sur un éventuel plan A (pour la construction d’un europlus démocratique, en résumé) qu’il aurait préparé leterrain, de manière crédible, à un scénario de sortie (leplan B). Il faudrait donc tenir les deux ensemble – leA et le B.Dans son discours de clôture dimanche, entre deuxsaillies contre les « insectes bureaucratiques »  etautres « névrosés du marché », le fondateur du partide gauche a jugé que « l’euro n’est pas l’Europe», et rappelé que neuf des États membres de l’UE

    avaient choisi de rester hors de la zone euro. Mais ila estimé, dans le même temps, que la monnaie uniquen’était qu’« un petit bout [de] cette chaîne que nousvoulons rompre », en référence à l’ensemble des traitéseuropéens, qui enferment à ses yeux l’Europe dans unprojet nocif d’inspiration ordolibérale, imposée parBerlin.« Par rapport à 2014, tout a radicalement changé 

    du point de vue de la perception des choses, et en

     particulier en ce qui concerne la compréhension des

    mécanismes néfastes provoqués par l’euro, aussi bien

    du point de vue économique, que démocratique »,se réjouit l’universitaire Cédric Durand qui avait, luiaussi, signé un essai musclé en 2014,  En finir avecl’Europe  (La Fabrique). « Politiquement, les chosessont encore un peu difficiles à articuler », nuanceDurand, qui comptait parmi les intervenants samedi àParis.« L’accord avec la Grèce en juillet a modifié la

     perception d’un certain nombre de camarades sur 

    l’euro. La question n’est plus un tabou », reconnaît

    Jacques Généreux, proche conseiller de Mélenchon.Il assure toutefois que « la position du PG n’a paschangé » depuis la résolution sur l’euro en 2011 (lireici  ou là), et préfère parler d’une « clarification »,par rapport à la campagne du Front de gauche de2012, où « il y avait une ambiguïté, qui rendait notre

     position difficile à comprendre [notamment]  parceque les communistes ne voulaient pas faire de l'euro

    un sujet de la campagne ». « Après la crise grecque,on ne peut plus être dans l’ambiguïté », tranche-t-il.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/dossier/grece-le-bras-de-fer-europeenhttps://www.mediapart.fr/journal/economie/220116/un-sommet-du-plan-b-pour-rompre-avec-cette-europehttp://www.alternatives-economiques.fr/la-malfacon--monnaie-europeenne-et-souverainete-democratique_fr_art_1298_68128.htmlhttps://www.mediapart.fr/journal/international/dossier/grece-le-bras-de-fer-europeenhttp://www.jean-luc-melenchon.fr/arguments/resolution-du-parti-de-gauche-sur-l%E2%80%99euro/https://www.lepartidegauche.fr/identite/3823-resolution-sur-leurohttps://fr.wikipedia.org/wiki/Ordolib%C3%A9ralismehttps://www.mediapart.fr/journal/international/dossier/grece-le-bras-de-fer-europeenhttps://www.mediapart.fr/journal/economie/220116/un-sommet-du-plan-b-pour-rompre-avec-cette-europehttp://www.alternatives-economiques.fr/la-malfacon--monnaie-europeenne-et-souverainete-democratique_fr_art_1298_68128.htmlhttp://www.mediapart.fr/node/605247http://www.mediapart.fr/node/605247http://www.mediapart.fr/

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    Dans les couloirs de la Maison de la chimie samedi,le mini-débat entre Mélenchon et Lordon occupait une

    bonne partie des conversations. À lui seul, cet échangeimprovisé résume bon nombre des complexités etdes hésitations, autour d’une question emblématiquedes déchirements de la gauche sur l’Europe. Lors deson exposé (voir son intervention dans la vidéo ci-dessous), Lordon a cherché, sans surprise, à radicaliserl’orientation du « sommet du plan B », c’est-à-dire à convaincre ses promoteurs qu’un plan A– toute réforme de la zone euro – était d’embléecondamné. Parce que « l’idiosyncrasie monétaire

    allemande »  reste « le verrou des verrous », ou,pour le dire autrement, parce que la « complicationordolibérale allemande » rend caduque toute tentativede reconstruire « un euro démocratique ».[media_asset|eyJtZWRpYSI6eyJpZCI6IjU2YTY4ZTY1YTVjOTU5YWI3YThiNDU2NyIsInBhdGhfaGFzaCI6Ijc4OWMxZWZhDans ces conditions, mieux vaudrait « gagner dutemps », éviter de tomber dans  « un plan B commebroutille », et passer à la sortie de l’euro, en défensed’un « internationalisme réel », c’est-à-dire « lacoordination des gauches européennes pour travailler 

     partout à l’événement de la rupture, et de la sortie,

    et pousser celui qui sera le premier en position de

    l’effectuer ». À l’attention de ceux qui n’avaient pasencore bien reçu le message, Lordon a martelé enconclusion : « Avant de partir en guerre, il vaut mieux être au clair sur les buts de guerre. Sauf pour 

    les amateurs de tisane, le ramassage des queues de

    cerises n’a aucun intérêt. Il appartient donc désormais

    à la gauche du plan B de savoir si elle veut de

    l’infusion, et puis bonne nuit, ou bien si elle a enfin

    retrouvé le goût de la vraie politique. »Présent dans la salle, Jean-Luc Mélenchon a applaudià tout-va. Mais il a marqué, plus tard dans la séance,quelques points de désaccord, afin de défendre, coûteque coûte, les chances de succès d’un plan A (voir sonintervention dans la vidéo ci-dessous). Si on l’écoutebien, le désaccord de Mélenchon ne porte pas tant (etc'est nouveau) sur l'analyse de fond des mécanismesnocifs à l'œuvre, mais bien plutôt sur la manièred'expliquer la situation au grand public. Voici donc sa

    principale réserve : même s’il peut suivre les analyses

    d’un Lordon, il serait contre-productif de les défendretelles quelles dans l’espace public, en raison de «

     paramètres cachés », qu’ont tendance à oublier lesuniversitaires.

    « Aucun plan n’est possible s’il n’est porté par un haut 

    niveau d’action populaire. (…) Il faut que les largesmasses comprennent quels sont les enjeux. Cela n’a

     pas d’intérêt de surgir sur la scène en disant purement 

    et simplement “nous allons sortir de l’euro”, parce

    que cela revient à fétichiser la question de l’euro, sans

     permettre d’en comprendre le mécanisme diabolique

    d’aliénation des peuples », a-t-il affirmé. Plutôt que

    d’asséner des vérités universitaires, il y aurait tout untravail de conviction à mener auprès de l’opinion, sil’on en croit le stratège Mélenchon, qui imagine « un

     plan B » qui « part de la mobilisation populaire ».[media_asset|eyJtZWRpYSI6eyJpZCI6IjU2YTY4ZGM5YTVjOTU5N+IiwidHlwZSI6InJpY2gifSwib3B0aW9ucyI6eyJsZWdlbLe fondateur du parti de gauche continue aussi depenser que « la préparation des dirigeants » politiquespeut jouer, et donc qu’il existe encore des marges de

    manœuvre pour gagner des batailles au cœur de lamachine bruxelloise. En clair, là où l’exécutif grecs’est pris les pieds dans le tapis, un gouvernementfrançais pourrait parvenir à ses fins, en raison deses aptitudes à la négociation musclée, ou plusprosaïquement de l’importance de son économie. «

     L’Histoire est faite par des êtres humains, pas par 

    des machines, ni par la mise en œuvre mécanique

    des théories. C’est un être humain qui s’assoit en

     face d’autres pour négocier, et s’il n’a en lui aucune

     pratique de la négociation, aucune foi dans le rapport 

    de forces, aucune confiance en lui-même, aucune

    volonté de s’appuyer sur le mouvement de son peuple,

    alors il est perdu. »

    D’autant que la France, deuxième économie de lazone euro, « 18 % de l’économie européenne », auraitdavantage d’arguments pour tenir tête aux Allemands :« Nous sommes forts de 2 000 milliards de dettes

     parce que nous pouvons décider de ne pas les payer 

    », a-t-il balayé. C’est exactement le même argumentqu’a utilisé, à l’été 2015, l’Espagnol Pablo Iglesias

    pour expliquer qu’en cas de victoire de Podemos aux

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    législatives, il s'en sortirait bien mieux que son alliéAlexis Tsipras à Bruxelles : l’Espagne pèse beaucoup

    plus lourd que la Grèce si l’on s’en tient au PIB et àla dette. Depuis, Iglesias a pris soin d’éviter le sujetpendant toute la campagne des législatives jusqu’àfin décembre (ce qui lui a plutôt bien réussi dans lesurnes). Mélenchon, de son côté, semble bien décidé àfaire de l’euro l’un des axes de sa campagne en 2017.

    Boite noire

     Modification de l'article mardi matin.  Jean-Luc

    Mélenchon est présenté comme le « fondateur »  duparti de gauche, et non plus le « patron » - si l'on s'entient aux statuts officiels du parti.

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