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Mathieu Sadet Master Urbanisme et aménagement /// Spécialité Design urbain sous la direction de Madame Brigitte Bertoncello Institut d’Urbanisme et d’Aménagement Régional d’Aix-en-Provence Aix-Marseille Université Mémoire de fin d’études 2013-2014 La pratique du skateboard sur l’espace public : génèse et apports du skateboard au design urbain, illustrés par le cas de Bordeaux

Mémoire M2 design urbain _ skateboard

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Mémoire de fin d'étude sur la pratique du skateboard et les formes urbaines

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Mathieu Sadet

Master Urbanisme et aménagement

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Spécialité Design urbain

sous la direction de Madame Brigitte Bertoncello

Institut d’Urbanisme et d’Aménagement Régional d’Aix-en-Provence Aix-Marseille Université

Mémoire de fin d’études

2013-2014

La pratique du skateboard sur l’espace public :

génèse et apports du skateboard au design urbain,illustrés par le cas de Bordeaux

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Mathieu Sadet

Master Urbanisme et aménagement

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Spécialité Design urbain

sous la direction de Madame Brigitte Bertoncello,directrice et professeur à l’Institut d’Urbanisme et d’Aménagement Régional d’Aix-en-Provence

Institut d’Urbanisme et d’Aménagement Régional d’Aix-en-Provence Aix-Marseille Université

Mémoire de fin d’études

2013-2014

La pratique du skateboard sur l’espace public :génèse et apports du mouvement au design urbain,

illustrés par le cas de Bordeaux

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Je tiens tout d’abord à remercier ma directrice de mémoire, madame Brigitte Bertoncello, directrice de l’Institut d’Urbanisme et d’Aménagement Régional et professeur à l’Université d’Aix-Marseille, pour ses conseils, ses encouragements, et son ecoute attentive malgré mes remises en question soudaines.

Je souhaite envoyer des remerciements à l’ensemble des enseignants de la spécialité Design urbain, et en particulier à madame Frédérique Hernandez et monsieur Angelo Bertoni pour leur rigueur, la qualité de leurs enseignements, pour avoir porté avec ferveur et engagement cette spécialité.

Je remercie ensuite l’ensemble des personnes qui se sont prêtées au jeu des entretiens. Elue, responsables et concepteurs, ils m’ont permis de rencontrer un large panel des acteurs de la fabrique urbaine. Que soient donc remerciés Madame Elizabeth Touton, adjoint au Maire de Bordeaux en charge de l’urbanisme opérationnel, Madame Michèle Laruë-Charlus, directrice générale de l’aménagement à la Ville de Bordeaux, Monsieur Christophe Ernoult, directeur général de la vie urbaine et de la proximité à la Ville de Bordeaux, Monsieur Jean-Philippe Gardère, directeur des espaces publics et des déplacements à la Ville de Bordeaux, Madame Cavaillole responsable de la programmation de la voirie à la Ville de Bordeaux et Monsieur Fabien Pedelaborde, architecte.Je remercie également chaleureusement Sophie Bayce et José Branco architectes urbanistes à l’a’urba, qui m’ont beaucoup aidé pour cette étude, d’une façon ou d’une autre.

Un grand merci à tous les skateurs rencontrés à Bordeaux, et il y en a, Binouze, Gauthier, Bran, Franck, Thibaut, Antoine, Bareo, etc … Un merci particulier à Léo Valls, skateur professionnel, pour sa passion, sa bonne humeur, son militantisme pour un skate libre et inclusif, pour le temps qu’il a consacré à me parler de son regard sur la ville, la sécurité, le partage de l’espace public et la découverte de nouveaux paysages urbains.

Parce qu’il m’a fait découvrir le skate il y a 20 ans et qu’il a partagé avec moi son expérience depuis 1989, je ne pourrais pas oublier de le citer ici. Sois remercié Grégoire.

Merci à mon entourage: mes parents, pour l’aide et la relecture, à la fratrie et mes amis pour leurs encouragements et leur aide.

Enfin last but not least, un grand merci à Laura, R et M, pour avoir supporté pendant 2 ans ma soif de connaissances, mes absences, mes humeurs, les charrettes, et avoir toujours soutenu, même dans les moments de difficulté, mon engagement dans l’apprentissage de l’urbanisme.

Remerciements

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Rouler, glisser, sauter, crisser, slalomer, fléchir, se redresser, déraper, tomber... jusqu’à quel âge cela est-il toléré ? Dans quelle partie de la ville cela est-il autorisé ? Parce que je n’ai pas de réponse à ces questions, et qu’elles m’habitent depuis 20 ans, je garde toujours une lueur d’espoir d’y répondre un jour. Rouler sur un skateboard et faire du skateboard c’est pas pareil. « Faire du skate », « tu fais du skate ? », « viens on va skater » ça n’a de sens que si on a roulé avec ses amis sur des sale planches bruyantes qui font peur aux bourgeois, si on a passé l’après-midi à essayer de rentrer une figure, si on s’est fait jeter de la place parce que les riverains ne supportaient pas les bruits qu’on faisait - en fait ils détestent probablement les jeunes …. mais nous on s’en fiche, on regarde les anciens, on essaye de faire comme eux, on a peur de rien mais on a du respect à revendre à ces aînés qui font des sauts énormes, qui glisse sur les rampes d’escalier, et qui ont le regard froid et blasé des types qui ont plus rien à prouver. Et puis un jour, c’est nous ces types, on a vieilli, les nouveaux venus nous semblent être des gamins et puis on continue quand même à se faire plaisir, on garde toujours une planche qui roule à peu près, même si on sait que « c’est fini tout ça ». Bon en fait c’est jamais fini.

En 2011 la chaîne franco-allemande Arte diffuse un documentaire sur le skate, intitulé skate stories, composé d’images d’archives, et d’entrevues de skateurs qui ont tous au minimum trente ans, et qui assument de vivre leur passion. Entre do-it-yourself, poésie, art, nostalgie et romantisme, le documentaire retrace une partie de l’histoire du skate et démontre pourquoi « skateur un jour, skateur toujours ». Je décide alors de construire une rampe de skate dans mon jardin.

La même année, je dois faire un stage pour ma licence professionnelle en paysage. j’ai la chance de faire mon stage chez Constructo, un bureau d’étude en architecture qui réalise des skateparks. Les deux architectes sont passionnés, et je redécouvre un univers de jeunesse revisité vingt ans après par des adultes, des professionnels, des architectes; sérieux et tout. Et ils ne sont pas seuls. Il y a tout un réseau de passionnés d’urbanisme, d’architecture et de skate, qui travaillent avec les municipalités, de Bordeaux à Bruxelles, de Marseille à Barcelone, pour des projets d’équipements sportifs. Du coup, je trouve le potentiel énorme, et je rédige un mémoire sur le sujet. Malgré un léger décalage avec le contenu de la formation, le travail est bien accueilli. Lorsque je le relis, je découvre que mon désir de me plonger dans l’urbanisme étant prégnant, alors que j’ignorais que j’allais poursuivre mes études dans cette voie.Puis je découvre la formation d’urbaniste, et le design urbain, à l’occasion de deux années à temps plein, en immersion totale dans l’apprentissage des bases théoriques, historiques, sociologiques et réglementaires, avant d’aborder la spécialisation, intense, riche et passionnante.

Voilà venu le temps de l’achèvement d’un cycle universitaire. Et puisqu’on doit choisir un sujet d’étude qui nous intéresse et qui permette de soulever des problématiques liées à notre spécialité je souhaite tirer deux oiseaux avec une pierre, comme disent nos amis anglais :rendre encore un hommage à une sous-culture qui me berce depuis plus de 20 ans, et surtout, en évitant les clichés, la monographie et les erreurs d’appréciation, faire le lien avec les éléments fondamentaux d’étude du design urbain et ce avec une rigueur scientifique.

Ce qui suit est le résultat de mes réflexions et de mes recherches.

Préface

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Sommaire

I. La gestation _ L’émergence d’une culture urbaine

II. La négociation _ L’ambiguïté de la ville pour tous

1.1 Roulez jeunesse

Préface

2.1 Vivre la ville : entre matière et dématérialisation

1.2 Des vagues au bitumes

Introduction

1.3 «skateboard» ou «planche à roulettes»?

1.4 Entre rupture et continuité, le skate prend son envol

1.5 De l’ombre à la lumière

1.1.2 Les jeux de roule et de glisse pour découvrir la ville

2.1.2 Le skateur, la forme et la fonction

1.2.2 L’urbanisme moderne de Los Angeles : une écologie du skate

1.3.2 Skateboard fever

1.4.2 Reprendre la rue

1.5.2 Regarde la jeunesse dans les yeux1

1.1.1 Les sports de glisse : des salons à la rue

2.1.1 Le spot : territoire sensible

1.2.1 Une journée sans vague

1.3.1 Le débarquement de Biarritz

1.4.1 Comment le ollie inventa le skate moderne

1.5.1 Quand on veut noyer son chien ...

1.1.3 Fini de jouer : une révolution nommée uréthane

2.1.3 Une représentation rhizomatique de la ville

1.2.3 Un exercice de style

1.4.3 La copie VHS, le réseau social 20 ans avant «youtube»

1.5.3 Mode et effet de mode

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III. La co-construction _ Faire la ville avec le skate

2.2 La ville à l’épreuve de la glisse urbaine : rejet ou passion?

2.3 Le skate, une plus-value pour la ville ….

3.1 Bordeaux, si t’es skate …

2.4 … Ou une « pathologie urbaine » ?

2.2.2 Le paysage urbain pour décor : la recherche esthétique des vidéos

2.3.2 La valorisation des espaces sous-utilisés

3.1.2 Réinventer le déplacement

Le bruit

La pergola

Prévenir

2.2.1 Jouer c’est résister

2.4.2 Quelle réponse face aux problèmes d’usage ?

2.3.1 Une ambiance urbaine

3.1.1 Une ville marquée par la culture surf

2.4.1 Des symptômes avant-coureurs

2.3.3 Un oeil sur la rue

3.1.3 Une configuration qui facilite la glisse?

Un sentiment d’insécurité

La place Fernand Lafargue

Contraindre

Des dégradations

La rue Sainte-Catherine et ses abordsMériadeck

Punir

3.2 Quand le skate fait tourner les bétonnières3.2.1 Streetpark: les raisons d’une controverses

La perte des racinesLa perte de libertéLa perte de créativite

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Panser les plaies urbaines

Ouvrages

Réenchanter le bitume

Articles

Créer l’évènement

Sitographie

3.2.3 Intervenir dans la ville pour la réinventer: la greffe architecturale3.2.2 Skate plaza: un pastiche d’espace public

3.3 Le skate dans les projets d’espace public: études comparées

3.3.2 La place de la République à Paris

Références filmographiques

3.3.1 La Landhausplatz à Innsbrück

Références bibliographiques

3.3.3 La place Pey-Berland à Bordeaux

Pour aller plus loin

Table des figures

AnnexesGlossaire

Bibliographie /// Références documentaires

ConclusionTable des matières

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I am deeply disturbed by the hypocrisy of City Council. After decrying the drugs and crime of our young people, it then adopted legislation forbidding the one harmless thing that young people had developed strictly on their own, the wonderful national network of skateboarding focusing on LOVE Park.

Edmund Bacon (1910-2005)Directeur exécutif de la Philadelphia City Planning Commission, 1949-1970, concepteur du LOVE Park.

D’après l’architecte Jan Gehl, un espace public doit être animé pour être accueillant (il parle de «riche expérience urbaine »1). C’est aussi le point de vue de Nicolas Soulier pour qui le jeu des enfants dans une rue est le signe d’une rue «en bonne santé»2. C’est probablement en anticipant ces principes que les architectes de Snøhetta ont dessiné l’Opéra National de Norvège à Oslo, récompensé par le prix européen d’architecture (remis par la commission européenne et la fondation Mies van der Rohe). Le chef de projet de l’agence Simon Ewings s’est directement adressé à des pratiquants de skate pour choisir des revêtements et concevoir des formes, afin de rendre le bâtiment « roulable »3. Un parti pris explicité par une série de panneaux-logo montrant (ironiquement) et autorisant les pratiques sportives, « au milieu de ce cadeau pour la ville ». On peut également citer les inspirations de Zaha Hadid4, l’agence Bruxelloise L’ESCAULT5 ou encore l’agence autrichienne LAAC6. Ce type de forme architecturale veut expérimenter l’architecture jouable, imprégner sa réalisation de ludisme, et imposer la négociation de l’espace public aux usagers (skater-roller-vélo-trottinette/piéton). A contrario, certaines communes installent des dispositifs antiskate (gestion « hard ») et/ou s’équipent de skatepark (gestion « soft ») afin d’empêcher (de limiter) la pratique des sports de glisse sur le mobilier et l’espace public. A Montpellier, la mairie a même saboté l’architecture de Ricardo Bofill à coup de meuleuse pour éviter la pratique du skate7! Au regard de cette confrontation dans la façon de faire/gérer l’espace public, on comprend que les rapports usages sportifs/ville évoluent. Les pratiquants s’adaptent, dans un flou artistique chargé de non-dits, qui sous-tend des questionnements. Doit-on exclure ou intégrer certaines pratiques urbaines dans l’espace public ? Doit-on et si oui peut-on les réglementer ? Le skateboard fait-il partie des modes doux ? Sa pratique valorise-t-elle ou fragilise-t-elle la qualité urbaine ? Et-ce un vecteur d’animation qualitatif ou un vecteur de nuisance ? Les pratiquants sont-ils des individualistes incapables de partager l’espace ou des expérimentateurs critiques et exigeants qui apporte une valeur ajoutée (ou les deux à la fois) ?

1 Jan Gehl, 2010 « Pour des villes à l’échelle humaine », Ecososiété.2 Nicolas Soulier, 2012,« Reconquérir les rues», Ulmer.3 Wired Magazine 24 novembre 2008.4 Le Phaeno Science Center est conçu pour recevoir des piétons et des skateboarders.5 La très sérieuse agence d’architecture et d’urbanisme a co-conçu le skatepark des Ursulines à Bruxelles et réalisé une étude sur la glisse urbaine pour la région bruxelloise. Son fondateur, Olivier Bastin est actuellement Maître d’architecture pour la région bruxelloise (fin du mandat en septembre 2014)6 LAAC a conçu la Landhausplatz a Innsbruck, dont la topographie, les courbes et les matériaux sont une invitations à la glisse urbaines spontanée. Cf. 3.3.1.7 Raphaël Zarka dans « Qui sera le maître ? » de Sylvain Robineau,film (FR) 30’ - 2010.

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Introduction

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Jeune, le pratiquant de skate n’a qu’une maigre conscience de la notion de l’espace public, qui souvent s’apparente plus à une défiance de l’autorité (dont les autres usagers) qu’à la moindre idée d’appropriation. En vieillissant, ils comprennent (et apprennent) le vivre ensemble, et certains réinterrogent leur pratique au regard d’un prisme plus intellectuel, plus enrichissant. Ceux-là deviennent artistes, urbanistes, architectes, designers, concepteurs. Leur maturité professionnelle a permis l’émergence (encore fraîche) de réflexions sur la façon de concevoir l’espace public. La crise environnementale est venue renforcer ce paradigme. Les prises de consciences écologiques ont remis au goût du jour les modes de déplacement dits « doux », on pense entre autre au vélo comme mode actif, ou au tramway pour les transports en commun. Conjointement, ces deux modes de déplacement ont entraîné un remodelage de l’espace public, et notamment de la voirie, dans les grandes villes françaises. Plus d’aires piétonne, animées, moins encombrées par les voiture, plus de vélos, plus de trottinettes : les autorités compétentes ne peuvent plus stigmatiser le skateboard.

Par ailleurs, l’ouverture récente de la nouvelle place de la République conçue pour tous les usages urbains 1, et l’inauguration (également récente) du premier espace de glisse dans une rue publique 2 à Paris sont des indicateurs d’une transformation de la façon de « faire l’espace public ».Cependant la place du skateboard dans la ville n’est pas clairement définie : toléré mais écarté, accepté mais seulement pour se déplacer, écologique mais nuisible... Au regard de cette situation ambiguë, et de projets comme l’opéra d’Oslo, la question qui se pose est : Comment la pratique du skateboard influence les aménagements urbains actuels et la conception d’espace public en particulier ?

Bien entendu la motivation qui me pousse à choisir ce sujet n’est pas uniquement l’intérêt que j’y porte, mais aussi les circonstances dans lesquelles je termine mon cycle d’étude universitaire. Tout d’abord, j’ai déjà conduit une étude pour un mémoire en licence professionnelle d’infographie paysagère. Cette étude portait sur la conception de nouvelles structures de skate en béton, leur traitement paysager, et la possibilité d’en faire des lieux attractifs pour la population. Actuellement j’effectue mon stage de fin d’études dans une agglomération dont le travail sur les espaces publics est nationalement reconnu, et où j’ai moi-même observé une véritable négociation dans les usages, et une scène «skate» grandissante. Partant de ce constat, j’ai souhaité ne pas rester sur des a priori subjectifs et questionner mon intuition par un travail de recherche documenté et une investigation méthodique.

Au titre de travail universitaire, nous allons tenter de démontrer que la pratique du skateboard a des influences sur la fabrique de la ville, et que ces influences pourraient être des outils de la conception de la ville et ses espaces « en creux »3.

Pour pouvoir le démontrer il importe dans un premier temps de comprendre comment la ville a fait émerger la pratique du skateboard. En effet c’est une discipline qui est née de la ville, et qui dans sa pratique courante et son imagerie lui reste indéfectiblement liée. Elle appartient simplement à qu’on appelle la (ou les) culture(s) urbaine(s). Pour en saisir la substance nous étudierons son émergence en tant que phénomène urbain, et surtout la façon dont les acteurs de la ville l’appréhendent depuis son apparition. Dans cette partie, nous verrons comment les pratiquants, novateurs, vont peu à peu faire de la ville leur terrain de jeu, jusqu’à s’en faire exclure. Pour ce faire, nous regarderons l’évolution historique de la pratique, et de la culture qui l’entoure, en parallèle à sa progression dans la conquête de la ville. Cette partie nous permettra de comprendre comment

1 We expected to see skateboarding and we asked around to try to get a sense of how the skateboarding community might react. An interview with TVK. www.stephankirkland.com.2 Jacques Boutault, maire vert du IIe arrondissement de Paris, Le parisien éd. du 08 décembre 2012.3 Les creux de la ville sont ses «vides»: c’est ce qui reste de sa surface une fois l’empreinte des bâtiments inscrite au sol..

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un groupe culturel se façonne une image, un style de vie et son histoire, par rapport au contexte urbain. En retour nous etudierons aussi la manière dont les usagers du cadre urbain reçoivent et perçoivent cette culture, sans forcément la comprendre. Nous interrogerons les notions d’appropriation et du jeu sur l’espace public, de détournement et d’exclusion. Il s’agit d’une approche historique, sociologique et anthropologique. Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons à la prise en compte du skate dans la ville, dans un processus de négociation. En effet, il s’agira de comprendre comment une pratique sportive reconnue, qui n’a que la ville comme terrain parvient à s’imposer comme un usage parmi les autres de l’espace public. Et comment à partir de là, la ville peut et doit considérer les pratiquants. Consommateurs, perturbateurs, acteurs ... il nous faudra identifier le rôle que la pratique du skateboard et de ses pratiquant ont en terme d’usage. Ce sera pour nous l’occasion de cerner les outils de l’urbanisme que la pratique du skate peut mobiliser. Dans cette partie nous verrons qu’elle ouvre un champ d’investigation de l’espace urbain qui lui est propre. Elle génère des ambiances, elle mobilise les sens, et crée sa propre esthétique. Nous aborderons avec précautions ces notions, car bien que fondamentales, elles ne constituent pas l’objet in fine de la recherche. Nous comprendrons aussi la difficulté de cadrer une discipline qui n’a pas de cadre précis, et les enjeux pour les communes en matière de sécurité, d’équipement et de gestion de la voirie. Pour cela nous nourrirons notre recherce d’éléments de réflexion sur la théorie de la composition urbaine, sur l’approche sensible mais également politique de la ville. Par ailleurs nous mobiliserons la recherche vidéographique afin de mener des observations sur l’esthétique, ou simplement sur les pratiquants eux-mêmes. Enfin nous rencontrerons des pratiquants afin de recueillir leur témoignage, ainsi que les acteurs de la création de l’espace public, au travers de différents champs de compétence.

Enfin nous examinerons des cas de réalisation (ou d’interventions) d’espace public où la prise en compte du skate a été influente, voire essentielle. Dans cette partie nous verrons également la dimension opérationnelle du skateboard dans l’espace urbain. Que ce soit au travers d’intervention micro (jointoyage1), ou macro (skatepark), ou encore événementielle.

Notre objectif pour cette dernière partie est de compléter l’approche sensible et équipementière de la deuxième partie par une approche opérationnelle, participative et conceptuelle. Ici nous chercherons donc à démontrer si les enseignements tirés de nos parties théoriques se vérifient in situ.

Le choix de Bordeaux « la nouvelle mecque du skate »2s’est imposé naturellement. La connaissance du terrain, la possibilité d’être sur place, et surtout la politique de la municipalité en font un véritable cas d’école. Skatepark immense intégré aux aménagements des quais, surf-culture omniprésente, politique de mode doux appuyée, scène professionnelle très développée, et avant-gardiste, vie culturelle riche et foisonnante, tous les aspects indispensables à la réussite d’une culture du skate sont réunis.

Dans cette partie nous comparerons différents aménagements d’espaces publics multi-usage. Nous mènerons une étude de terrain restituée par la photographie. Nous mobiliserons aussi certains comptes-rendus d’entretien avec des professionnels de l’architecture ou l’urbanisme ayant participé à une opération de ce type. Par ailleurs, des exemples de diverses origines géographiques serviront également à étayer notre propos. Nous mettrons aussi en place une comparaison des aménagements au travers d’une grille d’analyse multi-critères.

1 C’est une pratique courante dans les vidéos de montrer qu’on prépare les lieux (balayage, bouchage des trous). Mais c’est aussi une façon de rendre accessible un mur, un plan incliné en maçonnant une courbe.2 Sud-Ouest, éd. du 7 mars 2012.

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Le skate est parfois considéré comme un art, un sport, un jeu, une contre-culture, une sous-culture. Nous pensons qu’il est un peu tout cela à la fois, mais qu’il a produit au travers de son histoire une sous-culture, faites de codes vestimentaires, de graphisme, d’univers et de jeu vidéos, de musiques et de films. Aussi nous nous référerons tout au long de notre étude à des morceaux choisis de la culture populaire et de la sous-culture propre au skateboard. Les effets de mode ont parfois donné l’occasion à cet objet de trouver une place, un peu opportune, dans des récits, des films, ou des spectacles. Entre underground et récupération commerciale, ces bribes de l’histoire de la planche à roulettes, depuis le sidewalk surfing jusqu’à l’hover-board1 volant, permettrons de faire des allers-retours entre constructions théoriques et observations sociologiques.

1 Planche de skate fictive issue de la trilogie Retour vers le futur de Rober Zemeckis.

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I. La gestation _ L’émergence d’une culture urbaine

1.1. Roulez jeunesse

1.2 Des vagues au bitume

1.3 «Skateboard» ou «planche à roulettes» ?

1.4 Entre rupture et continuité, le skate prend son envol

1.5 De l’ombre à la lumière

«two hundred years of american technology has unwittingly created a massive cement playground of unlimited potential, but it was the minds of 11 year olds that could see that potential.»

Craig Stecyck 1975

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1.1.1 Les sports de glisses : des salons à la rue

Il est de notoriété publique que le skateboard est un descendant du surf1 (UCLA, 2010) mais nous devons aussi admettre qu’il est un héritier du patin à roulettes, lui même descendant du patin à glace2. En effet, l’analogie avec le surf est visuellement évidente, alors que dans l’utilisation tout sépare le patineur du skateur : la position en mode de roulement est latérale (faciale en patin), la planche est détachée du corps, la planche peut effectuer des mouvements de façon indépendante. Certes l’un et l’autre sont des modes de déplacements en milieu urbain. Cependant, si leur évolution et leur démocratisation sont similaires dans les cinquante dernières années, le patin à roulettes, lui, est non seulement antérieur, mais sans l’objet lui-même, le skateboard n’existe pas. C’est en effet le corps même du patin (roues et platines) qui permet de constituer la première « planche à roulettes »3 (Zarka, 2011:22-23).

L’invention du patin à roulettes remonte à la fin du XVIIIème, quand le Belge John Joseph Merlin, fervent patineur à glace souhaitant pratiquer son activité favorite en été, crée le premier prototype.

1 La chanson Sidewalk surfing (litt. « surfer le trottoir ») de Jan and Dean, 1964, classé 25 sur 100 dans les charts, encourage les surfeurs des trottoirs, à reproduire sur le bitume les figures propres au surf (Quasimodo, Coffin) 2 Pour Zarka, le skateboard est un mélange des sports alpins, californiens, athlétiques et acrobatiques.3 Une fois le patin séparé en deux, les 2 pièces qui tiennent les roues sont vissées sous une planche de bois sur laquelle on peut se tenir debout et rouler. C’est la forme primitive du skateboard actuel.

1.1 Roulez jeunesse

fig. 1. Garçon montant sa planche à roulettes avec un patin séparé en deux. Source: Ralph Morse. 1947.

Dans notre étude sur l’influence du skateboard sur les aménagements urbains, il nous faut démontrer l’étroite relation qu’il y a entre la pratique de l’un et la forme de l’autre. En effet, le skateboard ne trouve pas sa place ailleurs que dans les villes, contrairement à la marche, au vélo ou même au roller. Il s’agit donc de comprendre la raison de cet ancrage. Est-ce l’objet lui même qui est déterminant, ou est-ce celui qui roule dessus ? Répondre à cette question implique de dresser un portrait culturel de la pratique et du pratiquant (pour comprendre la personne). C’est pourquoi nous proposons dans cette première partie d’aborder notre étude par une approche historique et sociologique. Un plan chronologique permettra d’examiner l’évolution de l’objet lui-même et de la façon dont il est utilisé, et les parenthèses sociologiques nous seront utiles pour connaître les interactions ville/skate au cours du temps. Notre investigation sera donc essentiellement constituée de recherche documentaire. Nous nous orienterons vers des études de sociologie, mais aussi vers des images d’archives, des archives de journaux et des films traitant du sujet de la glisse. Nous nous référerons à l’ouvrage de Raphaël Zarka, «Une journée sans vague. Chronologie Lacunaire du skateboard», en conservant toutefois le prisme de lecture de l’urbanisme.

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Dès lors, et jusqu’en 1860, le modèle va évoluer pour être de plus en plus maniable, dans une configuration à roues alignées1 . Garcin et Legrand vont être les artisans de sa popularité, et Garcin est même à l’initiative du premier lieu dédié à cette discipline. Il ouvre une école du patin dans un gymnase (aménagé), construit en 1828 dans le bassin de la Villette. La forte ressemblance avec le patin à glace, forme et lieu spécifique (patinoire), en fait un sport à sensations et une discipline spectaculaire, réservée à une élite. Cet élitisme va se renforcer, avec l’évolution du patin. Les roues sont placées deux à deux sur des essieux en parallèle en 1963 par Plimpton (Zarka 2006 : 12). D’autre part la pratique a lieu désormais sur des skate-rinks2. En 1876 on en compte une soixantaine à Londres. À Paris on en trouve une quinzaine. Ces patinoires souvent luxueuses, étaient fréquentées par l’aristocratie ou par des étudiants. Nous remarquons que les disciplines de glisse urbaine actuelles descendent de disciplines pratiquées en premier lieu dans des équipements conçus spécifiquement à cet effet.Les roues d’alors sont le plus souvent de bois et s’usent rapidement lors des contacts et des frottements sur les essieux. L’invention du roulement à billes va révolutionner l’utilisation des patins. Ils sont utilisés pour la première fois par l’Américain Levant Marvin Richardson qui adapte le procédé aux roues en 1884. Dès lors, la pratique peut être transposée sur un trottoir, ou une chaussée, mais avec une maniabilité encore sommaire. Au tournant du siècle, le patin connaît une désaffection progressive, mais la création d’une fédération internationale3 en 1924 permet de le faire évoluer en tant que sport reconnu, avec ses championnats. Si sa pratique perdure au cours du XXème siècle, les fluctuations de mode et le désintérêt du grand public, vont peu à peu en faire un jouet, uniquement bon à amuser les enfants. Or les enfants, plus que les adultes, comprennent vite le formidable terrain qu’est la rue pour développer la pratique du patin à roulettes, et des autres sports de glisse.

1.1.2 Les jeux de «roule» et de glisse pour découvrir la ville

En France jusque dans les années 1950 les nombreuses rues pavées des centres-villes, rendent difficile la pratique du patin. Lors de la reconstruction, conséquence des bombardements de la seconde guerre mondiale, l’utilisation de l’asphalte sur les chaussées et les trottoirs va rendre possible la glisse, chaussée de patins à roulettes, sur la voirie. Par ailleurs, la rue est le support d’activité de glisse, ou de « roule », par excellence. Patin à roulettes, patinette, bicyclette4 ou caisses à savon sont depuis les années 1930 des accessoires courants des jeux des enfants (plutôt mâles) sur le domaine public (Zarka, 2006).

1 A la façon des rollers inline ou en-ligne majoritairement utilisés aujourd’hui.2 Sorte de gymnase avec un plancher de bois sur lequel on évolue en patinant, l’équivalent d’une patinoire sans la glace.3 La Fédération Internationale de Roller-Sport regroupe plus de 100 fédérations nationales.4 La démocratisation du vélo date de la fin du XIXème.

fig. 2. Illustration d’un skaterink de Chaussée-d’Antin. Source: La semaine des constructeurs. 1876

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De fait la pratique de ces sports, d’abord contingentée à des lieux spécifiques (pistes pour les voiturettes, parcs pour les vélocipèdes, skate-rinks pour le patin à roulettes) va progressivement s’émanciper de la carapace du lieu spécifique pour se développer dans un espace plus proche (Monnet, 2012), et prendre une cadence plus quotidienne, c’est le passage du sport au jeu. Nous devons ici rappeler l’importance de la rue dans l’univers de l’enfance. Espace de jeu, espace de soustraction au confinement du foyer, espace d’échange, de découverte de soi, des autres (Calogirou & Touché, 2000), le monde extérieur, ainsi que son exploration, est essentielle à l’apprentissage de l’altérité. Si la découverte peut être accompagnée dans un premier temps par les parents, elle doit être aussi l’occasion pour l’enfant de se confronter à une forme d’autonomie dans ce rapport naissant à la société. Jouer avec ses camarades dans la rue est à la fois une façon de découvrir ce monde étranger, mais aussi une façon de se l’approprier. C’est dans ce rapport que l’enfant peut commencer à affirmer une identité « propre » détachée de la présence de ses parents. Enfin, l’espace public constitue bien évidement ce maillon dans la chaîne des déplacements quotidiens, et autorise des pratiques que ni l’école, ni le domicile familial ne peuvent offrir. Formidable terrain de jeu, immense, vivant, à la fois connu et imprévisible, adaptable, l’espace public se prête à toutes les interprétations, tous les scénarios, toutes les explorations (Laurent, 2005). Les plus jeunes apprécient particulièrement ces moyens de déplacement à roulettes (UCLA, 2010).

Parmi ceux-là on compte les patins, les voiturettes construites dans les garages, et les trottinettes, objets solides et particulièrement efficaces sur les trottoirs, mais aussi réservés aux classes les plus aisées (Zarka, 2009). Alors que la mode est au bricolage des caisses à savons, certains enfants bricolent des trottinettes de fortune. Ils fixent sur une planche les deux parties d’un patin à roulettes scindé en deux, une caisse en bois en guise de potence1 sur laquelle ils ajoutent deux poignées de bois sommaire. Ces scooter-skate2, connaissent un véritable succès aux Etats-Unis au cours de la première moitié du XXème siècle. Les enfants parcourant les rues sur ces simili-scooters à 4 roues sont loin d’imaginer que ces constructions de bois vont bientôt être modifiées, pour perdurer sous une forme plus minimaliste, mais aussi plus maniable.En retirant le guidon de fortune, la planche à roulettes, libre, devient un objet de mobilité à la pratique plus périlleuse au départ, mais plus riche en sensations.

Cette évolution, simple mais révolutionnaire, a d’ailleurs largement inspiré le réalisateur Robert Zemeckis. Dans sa trilogie culte Retour vers le futur, le skateboard est un objet récurrent de l’histoire. Il apparaît dans sa forme aboutie (planche à roulettes), sa forme primitive (scooter-skate) et sa forme futuriste (hover-board, une planche sur coussin d’air).

1 La forme est assez similaire au scooter type Vespa.2 Le scooter désigne le 2-roues motorisé, mais signifie aussi trottinette/patinette en anglais.

fig. 3. Garçon sur son sooter-skate. Source: Ralph Morse. 1947.

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Le héros, Marty Mac Fly est un skateur, et le skateboard est l’élément-clé de certains dénouements. Dans le premier épisode, on voit Marty Mac Fly arracher le guidon d’un scooter-skate pour en faire une simple planche de skate, qu’il utilise pour fuir ses poursuivants, sous les yeux ahuri des passants.

fig. 4. L’évolution du skateboard revisitée par Hollywood. Le scooter-skate des années 1950, le skate des années 1980, et une «anticipation» du skate volant en 2012! Source: Retour vers le futur I & II. Robert Zemeckis. 1985, 1989.

1.1.3 Fini de jouer : une révolution nommée uréthane

Jusqu’au milieu des années 19601, si ces pratiques connaissent un véritable essor2, elles n’en demeurent pas moins contraignantes et n’offrent pas l’ « ivresse de la vitesse » propre à la glisse que l’on rencontre en surf, ski, luge, voiturette ou patins sur piste. Elles sont contraignantes car la faible adhérence des roues aux revêtements de la rue oblige le patineur à être sans cesse dans un effort de poussée, seules les descentes autorisent le repos des mollets. Ce manque d’accroche se traduit également par des vibrations incessantes, accompagnées d’un bruit aussi difficile à supporter pour celui qui l’entend que pour celui qui l’émet. En effet, les roues d’alors ne sont pas encore à même d’offrir sur la surface irrégulière du béton, du macadam ou (pire) des pavés un confort équivalent aux revêtements lisses et homogènes des gymnases (parquet de bois, linoléum). Jusqu’au début du XXème siècle, différents matériaux sont testés pour les roues par les grands inventeurs du patin : bois, corne, caoutchouc, laiton, voire ivoire ; à partir de cette époque et jusque dans les années 1950, les matériaux les plus utilisés sont le bois pour les roues de patineurs professionnels, et le métal pour les patins d’entrée de gamme. A partir de 1960, les roues d’argile viennent compléter la liste des explorations pour la recherche d’une meilleure glisse3. Les composantes et techniques de fabrications s’améliorent afin d’amoindrir les vibrations et de rendre le patinage plus agréable, mais le roller-skate est un peu en perte de vitesse dans une société qui se modernise, et en pleine évolution des mœurs. Cependant, la découverte des roues en uréthane au début des années 1970 va faire basculer le monde de la glisse dans la première phase de sa modernisation, et va surtout marquer l’évolution vers le skate « moderne ». A ce moment, un industriel de la polymérisation dessine des modèles de petites roues qu’il extrude, mais, peu convaincu, il abandonne l’idée. Lorsqu’un ami de son fils, Franck Nasworthy, tombe sur la première série, il lui demande la permission de les adapter sur un modèle de skateboard qu’il va concevoir4. L’industriel accepte, et très vite, les essais s’avèrent plus que concluants. En effet, non seulement la souplesse de l’uréthane lui permet d’absorber les chocs et secousses dus aux imperfections des revêtements, mais en plus elle lui confère une accroche qui fait littéralement adhérer la planche au sol. Évidement, la sensation de glisse en devient totalement différente. Franck Nasworthy, qui n’y connaît rien en polymérisation, lance la première fabrique de skateboard complet tirant parti de ce nouveau matériau. Le succès est immédiat, au point que l’industrie du roller-skate, sur le déclin, va s’en trouver relancée également.

1 Dans le livre The concrete waves Brooke indique une baisse des ventes et la fermeture de fabriques de skates à partir de 1965.2 Plus de 50 millions de skateboards sont vendus entre 1963 et 1965 (Zarka , 2006).3 Ces roues, appelées « clay wheels » sont en fait un alliage d’argile, de papier et de « broyat » de coquilles de noix.4 Eric Weiss in Washington Post du 17 août 2004.

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1.2.1 Une journée sans vague

Le retentissement de l’effet « uréthane » va non seulement relancer la pratique du skateboard, en tant que jouet, pour « jouer » à se déplacer, mais également faire évoluer le skateboard dans une nouvelle dimension : la recherche de sensations. Sa nouvelle glisse souple, son adhérence confortable, sa vitesse qui s’en trouve augmentée, et sa forme oblongue, lui confèrent les atouts d’un surf sur le bitume. Il est logique que les habitués des vagues des plages de Santa Monica (Californie) s’approprient l’objet (Brooke, 1999). Même s’ils s’essayent déjà à la transposition des figures du surf sur les plans inclinés des écoles américaines et les rues en pente1, ils ne se doutent pas encore que l’uréthane va apporter un tel changement de sensation. Ils sont les premiers à repousser les limites d’une pratique améliorée. On peut parler d’une pratique « augmentée ». Si à la base, une planche avec des roulettes permet un déplacement linéaire, passif et peu confortable, l’accroche apportée par les roues en uréthane autorise des virages avec des dérapages amortis: la recherche d’une glisse prolongée, contrôlée, devient l’intérêt principal du skateboard. Logiquement, des surfeurs qui maîtrisent la glisse d’une planche qui colle aux vagues en arrivent à calquer les mouvements d’une planche de surf sur une planche à rouler sur les trottoirs2. Les virages, la maîtrise des déséquilibres/équilibres, l’ivresse de la vitesse, les dérapages contrôlés, les flexions et autres contorsions sont très vite adaptés à cet engin, urbain, sur des descentes de rue en pente. Ainsi les surfeurs sont les premiers à outrepasser la linéarité et une certaine monotonie de la pratique du sidewalk surfing, ils vont le faire évoluer jusque dans la dénomination sous laquelle il est vendu : on parle désormais de « skateboard ». Pendant que les roues en uréthane aident à développer la popularité du skateboard et sa pratique par tout un chacun, les surfeurs y voient une espèce d’alternative à la planche de surf notamment les journées où l’océan n’offre pas ou pas suffisamment de vagues. Ils peuvent ainsi palier le manque d’adrénaline et de sensation qu’ils ne trouvent pas, exceptionnellement, sur l’eau, en se confrontant aux vagues pétrifiées de l’asphalte et du béton.

1.2.2 L’urbanisme moderne de Los Angeles : une écologie du skateboard3

Dans le livre Freeride, Raphael Zarka expose les données géographiques et les contraintes urbanistiques de Los angeles. idéales pour l’émergence du skateboard en tant que discipline à part entière. Elles sont essentiellement liées au relief, et au rapport de la Cité des Anges à l’eau : génie constructif et génie hydraulique.

1 Les premières transpositions de figures du surf au bitume remontent à 1959 (Zarka, 2006:15).2 Cette évolution est racontée en détail dans le documentaire Dogtown and the Z-boys. La « légende » des Z-Boys (Z pour zéphyr, la boutique qui les fournissait en surf et en skate), une bande de jeune paumés, grandissant au sein de familles aussi décomposées que le parc d’attractions en ruine des plages de Venice où ils surfent.3 Emprunté à Tiphaine Tazi-Kani à propos du territoire, ses infrastructures et ses zones d’intensification.

1.2 Des vagues au bitume

fig. 5. Skateurs testant les plans inclinés d’une école califor-nienne. Source: Hugh Holland. 1978

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D’une part l’évacuation des eaux nécessite des conduites, canalisations et canaux dont les formes proposent un terrain de jeu pour la glisse urbaine (les « concrete wave ») ; d’autre part, l’urbanisation des collines a nécessité de nombreux raccords de niveaux, généralement des pentes de béton idéales1 à l’expression de ces pratiques sportives. Par ailleurs, la voracité de la ville qui déborde sur son environnement proche, a fait s’étendre son urbanisation (quartiers résidentiels desservis par des kilomètres de ruban de goudron), sur un territoire gigantesque.

Un territoire dédié à l’usage de la voiture et dont Banham explique comment l’apprivoiser en 1971 :

«A Los Angeles, le design, l’architecture et l’urbanisme parlent tous la langue du mouvement. La mobilité l’emporte ici sur la monumentalité à un degré tel (…) que cette ville ne sera jamais bien comprise de ceux qui ne peuvent évoluer à leur aise dans sa texture urbaine diffuse, ni se couler dans le flux de cette vie sans précédent.»2

Ce constat est repris en 2001 par Iain Borden, historien et professeur d’architecture et de culture urbaine à la Bartlett School of Architecture, qui ajoute :

«Les skateurs de Los Angeles ont tout d’abord compris l’espace comme un phénomène préexistant, se déplaçant au long des trottoirs de la ville et de ses alentours, à la manière dont les automobilistes locaux dépendaient de leur côté du réseau routier.» (traduit par TiphaineTazi-Kani, 2014)

Par ailleurs, le skateboard, moyen de déplacement de l’enfance, trouve également son intérêt dans la forme urbaine de la ville étalée, où il est la solution d’extraction au paysage pavillonnaire vers des lieux plus animés, le downtown3 ou le CBD4 (Whyte, 1973 et Gehl, 1996). Enfin, il nous faut rappeler également que ce sont les piscines vidées (pour cause de sécheresse en 1976) qui ont servi de tremplin à l’explosion du skate et à l’évolution de la pratique au cours des années 1970 (Brooke)5; or ces piscines symbolisent aussi l’urbanisme individualiste et privatisé des riches collines d’Hollywood.

1 Les banks, littéralement flancs, se trouvent souvent sur la voirie ou les équipements, telles les écoles, que l’on voit dans de nombreuses videos de skateboard.2 Traduit de Banham Reyner. The architecture of four ecologies. Berkeley : University of California Press. 19713 La «ville-centre».4 Central Business District. 5 Le magazine Thrasher (novembre 1981), dans un article très documenté, explique simplement comment repérer les piscines privées (signes extérieurs, vues d’avion) et comment y accéder, par effraction. Le ton facétieux, fun et libertaire contraste avec les titres qui font froid dans le dos : « On being a pool mercenary » ou « Opération : infiltration ».

fig; 6. Chris Miller dans la «pipe» d’évacuation des eaux du célèbre Mount Baldy. Source:J. Grant Brittain. 1980

fig. 7. Seuls comprennent Los Angeles ceux qui peuvent y évoluer à l’aise. Source: Creative Commons ATIS547.

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Ces villas sont infiltrées par des groupes de skateurs, profitant de l’interdiction de remplir les piscines. S’invitant par effraction, ils skatent les courbent des piscines rondes américaines. Cinquante ans après on skate toujours des bowls, conçus exactement comme ces piscines Pour Emily Chivers Yochim, le skateboard est largement imaginé comme une quête de la classe moyenne des zones pavillonnaires1, ce à quoi Borden ajoute que le modernisme des zones pavillonnaires de Los Angeles et des autres villes de la façade océanique californienne permet aux surfeurs frustrés de retrouver la sensation d’être sur la mer2.

1.2.3 Un exercice de style

Les roues de polyuréthane ont certes fait évoluer la planche à roulettes vers une plus grande mobilité, mais elles vont aussi rendre sa pratique simplement plus agréable, plus souple. Aussi, lorsque le nombre de pratiquants augmente, une compétition dans les prouesses techniques se met en place (Brooke). Dès lors, l’objet n’est plus envisagé seulement comme moyen de mobilité, mais aussi comme objet mécanique à maîtriser3. Certains pratiquants se lancent dans des numéros de slalom, d’équilibre sur un ou deux skateboards, d’équilibre de l’objet lui-même sur deux roues (sur l’avant, sur l’arrière, voire sur les côtés), de concours de saut par dessus une barre-témoin (la difficulté consiste à retomber sur la planche qui continue à rouler au sol), et de glisse dans diverses positions (baissé, accroupi voire allongé). Ces pratiquants que l’on appelle tricksters (Zarka, 2006) sont les avant-gardistes du freestyle, une pratique qui consiste à littéralement jongler avec la planche de la pointe des pieds, sur une surface relativement réduite (nécessitant très peu de mouvement de glisse). Ils témoignent dès le début du skateboard d’un antagonisme prégnant qui existe encore de nos jours. Un antagonisme qui oppose plusieurs façons de pratiquer, de vivre la discipline, voire plusieurs cultures attenantes à la pratique elle-même. Ceux pour qui le skateboard est une transposition du surf à la rue, considèrent les défis de figures de style comme une imposture, une ineptie. Il est vrai que la dimension acrobatique de cette pratique en fait une espèce de numéro de foire, voire de cirque, mais contribue également à le rendre populaire, voire familial, et l’éloigne de l’esprit rebelle du surf des débuts (Nettleton, 2014). Au freestyle, moins basé sur la vitesse et la sensation, on reproche aussi son style chorégraphique (parfois mis en musique), plus proche du patinage artistique4 que du street-skating. Néanmoins, il nous semblait judicieux d’en rappeler l’importance dans l’histoire du skateboard. Tout d’abord, c’est à sa plus grande figure internationale, Rodney Mullen, que l’on doit le ollie-pop8, la figure de base du skate tel qu’il est pratiqué aujourd’hui (et depuis trente ans). D’autre part, le freestyle, en tant que performance, était alors une attraction, et apportait une véritable animation urbaine.

1 Notre traduction.2 Id.3 Zarka définit trois obstacles dans l’acrobatie du skate : l’obstacle externe (l’objet par-dessus lequel on saute), l’obstacle-objet (le skate lui même lorsqu’on le fait tourner pour rentrer une figure), et l’obstacle-humain (l’athlète lui-même lorsqu’il tient un équilibre).4 Jeremy Daclin in Skate Stories.

fig. 9. Jay Adams (1961-2014) dans une piscine vide. Source: Glen E. Friedman.1976

fig. 8. Le message radical et explicite de Thraser Magazine.Source: Thrasher Magazine. 1982

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En effet, nécessitant peu de place, s’accommodant d’une surface relativement lisse, peu dangereuse pour les spectateurs ou pour l’environnement, les numéros de freestyle trouvent une place de choix sur le domaine public où il est alors relativement toléré. En animant l’espace public le numéro du freestyleur contribue à la création d’une ambiance vivante et ludique, à l’instar des danseurs, mimes, clowns, musiciens (Adamkiewicz). Cette capacité d’adaptation a permis l’organisation d’événements sportifs sur des lieux publics, particulièrement appréciés des passants. C’est d’abord sous cet aspect que le skateboard va débarquer sur le Vieux Continent.

1.3 «skateboard» ou planche à roulettes ?

1.3.1 Le débarquement de Biarritz

Nous avons vu que certaines contraintes géographiques avaient favorisé le développement de la pratique du skateboard en Californie en général, et à Los Angeles en particulier. Alors qu’en France le patin à roulettes existe depuis presque 200 ans, les amateurs de glisse ignorent tout de l’explosion du skateboard outre-atlantique et aucun signe avant-coureur ne permet de témoigner d’un engouement proche, ou d’un intérêt en sommeil. Le skateboard arrive en France, comme le coca-cola et les chewing-gums, lorsque des Américains ont l’idée d’amener cet objet dans les soutes de l’avion qui les amène sur notre sol. En 1964, à l’occasion d’une tournée, une team de surfeurs américains vient faire une démonstration commerciale de ses produits sur la côte basque. Un des surfeurs de la team emmène avec lui une douzaine de skateboards, qu’il distribue aux surfeurs locaux1. La réception est immédiate, les skateboards s’arrachent et se vendent comme des petits pains, et les fans de glisse découvrent cet objet roulant avec enthousiasme.En 1966, Le journal de Tintin (n°916) publie un article intitulé : « Acrobaties pour une planche à roulettes, le Roll’surf ».

1 Claude Queyrel in Skateboard stories (2011).

fig.10. Rodney Mullen dans une chorégraphie acrobatiqueSource: Jim Goodrich. 1980

fig 11. Avant d’être subversif, le skateboard a été le roll’surf. Source: Le journal de Tintin. n°916. 1966

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1.3.2 Skateboard fever

Moins de 10 ans après les événements dits de « Mai 68 », le skateboard est au centre d’une frénésie populaire, à la fois commerciale et médiatique, mue autant par le besoin de consommation d’une société qui découvre l’hédonisme libéral-libertaire américain, que par le fantasme de liberté qu’offrent les sports dits « californiens »1. En effet le skateboard, fraîchement débarqué de la côte pacifique des Etats-Unis va bénéficier d’un phénomène encore récent en France : la consommation de masse, entretenue par une promotion efficace, notamment dans la presse Jeunesse. Les jeunes constituent en effet un nouveau segment de marché, aux moyens encore faibles, mais au fort potentiel (Stratton, 1992). Même si le skateboard n’est pas symbolique de la société de consommation, il n’en demeure pas moins une très belle réussite d’implantation durable de la culture américaine et de l’ « American Way of life »2 en France. Les reportages sur le sujet deviennent une tarte à la crème dans les médias, Thierry Dupin devient le premier professionnel français payé pour faire des démonstrations en 1977, démonstrations qui se tiennent sur les parkings de supermarchés et places de foire dans les villes de province sous le regard éberlué des badauds3. A la question « pourquoi as-tu commencé le skate ? », Gégoire4, ancien pratiquant aujourd’hui médecin, considère que

«Le fait que ça vienne des Etats-Unis, de la Californie m’a particulièrement attiré. C’était une vraie pratique sportive, à mes yeux, mais qui n’avait rien à voir avec des activités qu’on pratique en club, en équipe, en salle. C’était l’opposé des cours d’EPS. Tu voyais une vidéo, des anciens en faire, tu étais directement conquis. C’était Ça et rien d’autre.» Grégoire. ancien skateur. 2014

Le skate est directement vu comme un sport, ne serait-ce que par sa commercialisation, qui se fait dans les magasins spécialisés et les rayons d’articles destinés aux sportifs. Par ailleurs, il répond à la définition du sport, en proposant jeu, lutte contre soi et les autres, et effort physique intense (Calogirou et Touché, 1995).Comme il n’existe pas de structure pour supporter ce type de sport, et comme les villes n’offrent pas le même confort de glisse que les villes américaines, les pratiquants recherchent les lieux capables d’offrir espace, longueurs plates, inclinés ou non, et surfaces lisses (Dorville et Sobry, 2006). On les retrouve donc sur des parkings de supermarchés, terrains de sport, grandes places et esplanades. Ainsi l’esplanade du Trocadéro va être un lieu prisé des pionniers parisiens. Dans un registre plus pointu, qui s’apparent plus à l’exploration urbaine, les bassins de la tour Eiffel, quand ceux-ci sont vides, c’est à dire très rarement, offrent une configuration adéquate. Autant l’esplanade du Trocadéro est un terrain évident, autant les bassins concernent surtout les puristes, ceux qui guettent la moindre opportunité d’inclinaison, de courbes à exploiter en milieu urbain, ceux qui, tels les pionniers californiens, surveillent les vidanges des piscines privées pour s’y précipiter5.

1 Pociello (1981) et Loret (1995).2 Les acceptations multiples de ce vocable vont de la réussite individualiste à la quête du bonheur et de la liberté. C’est ce sens que nous admettons ici. Cependant, nous verrons que le skate, sous-culturel, est aussi un objet anti-conformiste qui remet en cause un désir de réussite mis en avant dans cette expression.3 Thierry Dupin in Skate stories.4 Nous avons rencontré Grégoire à Bordeaux. Ancien skateur, il a commencé le skate dans les années 1980 à Nancy, puis a fini ses études à Bordeaux.5 Cf. part 1.2.2.

fig. 12. Pierre-André Sanizergue dit PAS, au «Troca», quand il n’était pas encore un homme d’affaire californien. 1984. Source: http://www.endlesslines.free.fr

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1.4.1 Comment le ollie1 inventa le skate moderne

Nous avons vu comment l’adhérence des roues a permis au skate d’évoluer, pour passer de jouet à support de glisse et vecteur de sensations. Nous allons à présent comprendre comment une révolution copernicienne va au contraire faire littéralement décoller la planche du sol, et lui conférer une nouvelle forme de pratique, qui constitue la seconde grande évolution du skate. Même avec des millions de pratiquants, le skate ne dépasse pas le phénomène de mode. Dans l’espace urbain sa pratique reste limitée au numéro de freestyle, au downhill2 et aux déplacements discontinus3. C’est surtout sur la rampe que la pratique se développe. D’une part, les canalisations4 et leurs pentes vertigineuses permettent de pratiquer la descente en carving, d’autre part l’explosion de la pratique (suite à la commercialisation des roues de polyuréthane) pousse les municipalités à développer des équipements de glisse. Or, en France5 comme aux Etats-Unis6, la plupart des équipements de glisse sont uniquement basés sur la courbe et la descente : des rampes, des bowls, des snakeruns, des sortes de champs de bosses ; rien de plat ou d’orthogonal. La courbe permet de prendre de la vitesse et d’augmenter la recherche d’équilibre permanente, source d’adrénaline et qui confère au pratiquant le respect et l’admiration. Sur les rampes, comme sur les bowls, un rebord (margelle de piscine ou tube de métal dit coping) permet d’exécuter des exercices d’équilibre avec la planche. Les pratiquants vont alors développer une longue liste de figures dites tricks au coping . Glisser avec le nez de la planche, sur le centre de la planche, sur les supports des roues ou sur un seul, deviennent les classiques des figures développées. Dans un esprit de dépassement des limites, certains vont alors jusqu’à essayer de sortir littéralement de la rampe, en dépassant le rebord. C’est l’exploit qu’accomplit Alan Gelfand en 1977. Alors qu’il skate un bowl, de façon spontanée il parvient à effectuer un petit saut qui lui permet de s’affranchir un instant des contraintes de la gravité. Il exécute un claquement de la planche sur son arrière, et se retrouve au-dessus du rebord, la planche comme collée sous ses pieds, puis atterrit dans la courbe sur sa planche. Il vient d’inventer le saut en skateboard, la figure va prendre son surnom le ollie7. Quelques années plus tard, Rodney Mullen transpose cette figure au sol, et invente quasiment le street . Saint-Grâal du novice, le ollie (holly?) est ce qui sépare le skateur du commun des mortels, ce qui paraît totalement impossible, jusqu’au jour où l’on parvient avec étonnement à faire décoller sa planche, les quatre roues au dessus du sol. Le ollie est aujourd’hui la base de toutes les figures du modern(e) skate. Mais plus qu’une simple figure de base, et ô combien difficile, il est aussi l’articulation entre une pratique discontinue de la glisse urbaine et une glisse sans discontinuité. C’est ce qui permet de s’affranchir des obstacles et des entraves à la glisse : bordures, marches, plaques d’égout, nids de poule, tranchées et trous.

1 Figure qui consiste à sauter avec la planche calée sous les pieds, les quatre roue en l’air.2 Descente d’une pente raide, si possible avec des virages. Exercice perilleux.3 Rouler, marcher, rouler, grimper, marcher, rouler, etc.(..) Les obstacles, les marches, les changements de revêtement oblige à interrompre la glisse pour marcher la planche à la main.4 La canalisation de Mount Baldy offre une profondeur vertigineuse.5 Construction en béton du park de La Villette et Beton Hurlant à Issy-les-Moulineaux en 1978.6 Plus de 400 skateparks en 1979 ...7 Borden décrit le ollie en tant que « impact-adhesion-ascension ».

fig. 13. Impact Adhérence AscensionSource: Thrasher Magazine. 1982

1.4 Entre rupture et continuité, le skate prend son envol

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Son invention correspond à deux faits importants dans l’histoire du skate. D’abord, en s’affranchissant de la contrainte de la gravité, le skate s’affranchit aussi de son ascendant, le surf, ce qui est chargé d’une forte symbolique. D’autre part, fait totalement indépendant, le début des années 1980 correspond à la deuxième chute du nombre de pratiquants et des ventes de planches. Mais celle-ci est importante1. Cela se traduit par un véritable désamour soudain des médias, de la « ringardisation » d’une mode éphémère et de l’abandon/destruction de nombreux skateparks (la gabegie des marchés de la construction/municipalités mal informées).La rue peut être reconquise. Avec une pratique de la glisse sans interruption brutale, les skateurs découvrent un moyen de se réapproprier le terrain originel, la rue2. Dès lors, le domaine public devient une alternative aux skateparks, rampes figées, systématiques et normées. Offrant obstacles à franchir, bordures à monter (ou à descendre), déclivités, plans inclinés, la rue se présente comme un véritable terrain d’exploration (exploitation). Ce grand changement, à la fois dans la pratique, mais surtout dans le lieu de la pratique est perçu par Tiphaine Tani-Kazi comme son essence

«...sensible et conjonctive (...) lorsque grâce aux roues d’uréthane (…) il s’émancipe de conditions techniques restreignantes (…) l’uréthane permet de conquérir les surfaces « naturelles » et poreuses (littéralement, mais aussi en terme de pratique) de la ville (par opposition aux surfaces artificiellement lisses des piscines puis des skateparks, c’est à dire produites pour être lisses), et d’en faire une expérience sensible...» Tiphaine Tani-Kazi.2014.

La légende raconte qu’un groupe de skateurs s’étant fait refuser l’entrée dans un skatepark privé, ceux-ci ont commencé à rouler sur le parking par provocation. En exécutant des sauts au-dessus des obstacles et en glissant sur les bordures de béton comme ils l’auraient fait sur la margelle d’une piscine, ils ont mis à plat une discipline née de la déclivité et de la courbe3 (Zarka, 2009). C’est la naissance du street-skating (ou « street-skate » ou encore « street »), embranchement de la discipline qui s’entend par la suite comme une opposition à la rampe (et par conséquent on va opposer les streeteurs aux ramp-riders). Cette discipline qui, comme son nom l’indique tire son essence de la rue, consiste dans un premier temps à rouler sans destination spécifique, mais en observant les aspérités du décor pour y réaliser différentes figures (selon le niveau, et selon la configuration)4. Tout est vecteur de défi, le mobilier urbain, les emmarchements de vitrines, les entrées de caves inclinées, les dalles soulevées par des racines, les dépressions charretières. Il s’agit de la phase exploratoire de cette discipline naissante. Passée la découverte, les pratiquants commencent à connaître les recoins de leur quartier, et la discipline passe au cran supérieur. Les mouvements deviennent plus précis, les échecs plus durs, les figures plus hautes, plus longues, avec plus de rotations, la technique s’affine. Certains vont alors passer plus de temps sur un obstacle, un escalier, un plan incliné parce qu’ils y trouvent un plus grand intérêt, de meilleures conditions d’amélioration de leur style. Ces endroits sont des spots, des points de rassemblement, d’entraînement, mais aussi de repos, d’intimité ou de mise en scène, bref ce sont à la fois des endroits de compétition et de sociabilité (Calogirou et Touché, 2000).

1 Aux Etats-unis des skateparks sont rasé pour cause de non-rentabilité, et le nombre de professionnels passe de 175 à 15 en 1980.2 Le premier numéro de Thrasher Magazine a pour ligne éditoriale le retour aux origines, la rue et la découverte/adaptation au terrain, quel qu’il soit.3 L’histoire de John Lucero et ses copains, légende urbaine ou réalité, raconte qu’ils seraient à l’origine de l’évolution vers la rue, le streetskate.4 C’est ce dont témoignent les premières vidéos de la Bone Brigade, officiant pour la compagnie de skate Powell-Peralta. Décomplexées et totalement surannées, ces vidéos, qui contiennent bien plus que ce qu’elles prétendent montrer, sont composées de séquences où la « brigade » roule, longuement, dans un contexte urbain, tout en sautant et enchaînant les figures sur chaque muret, banc, fontaine, ou chaque variation du trottoir. Ils ont une pratique nomade.

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1.4.2 Reprendre la rue

Si les skateurs glissent dans la rue, ils s’y amusent, mais il est difficile de dire qu’ils jouent : ils s’y déplacent en profitant des aspérités qu’offre la ville. Pour eux, la ville est vue dans sa matérialité physique uniquement. Elle est un assemblage de surfaces planes, de formes glissantes, de creux, de bosses, de mobilier, plus ou moins praticables, et en dernier lieu d’activités autres que la leur.

Le/la « street »1 devient un champ d’investigation à part entière, et les techniques se peaufinent. On glisse progressivement sur une protection d’arbre en tube métallique, puis sur une barrière de sûreté, et enfin sur une main courante, même très courte. Dès lors une certaine sédentarisation gagne la discipline : le déplacement, même acrobatique, est toujours essentiel, mais on peaufine la réalisation des figures en terrain connu. Ces terrains connus, les spots, offrent chacun des caractéristiques bien particulières qui les rendent uniques et spécifiques. A Bordeaux, on va à « Mériadeck » pour ses « plans incl’ », au « palais de justice » pour son flat, à « Pey-Berland » et « Darty » pour les curbs, à la « Pergola » pour ses trois marches, au miroir pour ses cinq marches… C’est la configuration des lieux qui en détermine la fonction (assurer du fun), comme s’ils n’existaient, aux yeux des skateurs, que pour ça, et que pour eux. Et surtout, ils imposent à ces lieux une fonction autre que celle que le concepteur lui a attribuée. C’est en substance ce que nous explique Zarka : C’est par le jeu, la recherche du plaisir (avec tout ce qu’elle implique d’égoïsme), que les skateurs court-circuitent l’usage préétabli de certains espaces. Pour eux la ville est un terrain de jeu, ou de sport, c’est selon. Cependant, à l’image d’un terrain de sport (ou de jeu), ils y voient leurs propres règles, et des zones à usages différents. Il y a les lieux intéressants à skater (le mobilier et l’architecture sont les pleins, les surfaces plates pour les figures au sol et la prise d’élan sont les vides2), les lieux où il est difficile voire impossible de skater, et les lieux de sociabilité3 (Jeffries, Messer & Swords)4. Ce n’est jamais que l’application du système d’un stade (jeu/hors-jeu/gradin) sur un espace plus complexe, mais sur lequel les usagers apposent chacun leur filtre. A l’image du Parkour, le skate favorise une appropriation de la ville avec des usages détournés, mais dans une recherche de divertissement, et non de trouble à l’ordre public ou de vandalisme5.

«Il y a eu cette époque, début des années 1990, quand plus personne n’allait sur les rampes. Je voulais y aller, mais personne ne venait. Le rendez-vous était en ville, on se filait rendez-vous à tel endroit, puis on roulait. Plus exactement on streetait: rester à un endroit était moins interessant que rouler; découvrir la ville en roulant.» Grégoire. ancien skateur.2014.

Malgré le questionnement et la lecture intéressante qu’elle propose, cette pratique pose cependant quelques problèmes avec la sécurité publique. Les autorités ne s’attaquent pas spécifiquement au détournement du mobilier.

1 Le nom de la discipline tire son nom du lieu où elle est pratiquée, et du style qui en découle.2 La théorie figure-ground développée par Trancik dans finding lost space.3 La sociabilité prend deux formes : soit le lieu est passant, et les rencontres avec des gens extérieurs au milieu sont systématiques, soit le lieu reçoit peu de passage, et les échanges se font sur une marche, un muret lors du repos (le « chill »).4 Dans l’étude Playing Outdoors: The importance of the city as a playground for skateboarding and parkour, Michael Jeffries, Sebastian Messer et Jon Swoerds demandent à des skateurs de dessiner leur carte mentale de la ville. Il ressort de l’étude des résultats que les skateurs représentent systématiquement les lieux où l’architecture et le mobilier leur permettent de jouer avec leur planche. Il y a également les lieux où ils vont croiser les autorités qui sont à éviter. Et enfin il y a les lieux où le passage assure la rencontre avec des connaissances, des connaissances de connaissances, etc.5 Le graffiti vandale est l’exemple même du détournement qui vise à faire se retourner l’usage du mobilier contre celui qui l’a installé. Peindre la faïence blanche des stations de métros est un exemple de provocation.

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La vitesse du skateur, de l’objet lui-même lorsqu’il ripe, le bruit et les stigmates laissées sur leur territoire deviennent rapidement une source de conflit entre les skateurs et les dépositaires d’une autorité publique ou privée (gardien de la paix/gardien d’immeuble). Connaissant une baisse de popularité, la pratique commence à être pointée du doigt et au debut des années 1980, l’éviction pure et simple des skateurs des centres villes se met doucement en place. Ceux-là ne sont pas d’accord, et une résistance s’organise. Aux Etats-Unis la répression violente et systématique est moquée par l’industrie renaissante du skate : bien décidée à reconquérir un marché, la compagnie de planches Powell-Peralta sort une série de vidéos dans laquelle la Bone Brigade roule et skate en ville. Ces vidéos ont pour noms « Ban this » (« interdisez-le »), propaganda » (« Propagande ») ou « public domain »1 (« domaine public »). Et la compagnie lance un slogan, qui deviendra la revendication internationale de tous les skateurs : « Skateboarding is not a crime ». Tandis que de nombreux skateparks sont abandonnés, voire rasés, les vidéos Powell-Peralta vont témoigner d’un changement de cap de la discipline, et probablement la faire évoluer, par exemple en France.

1.4.3 La copie VHS, le réseau social 20 ans avant « Youtube »

Depuis son arrivée sur le sol français, le skateboard a toujours suivi l’exemple du maître à penser en la matière, les Etats-Unis. Bien que le modèle de base soit la Californie, avec ses plages, ses shorts « fluo » et son esprit surf, le rapprochement citadin du skate va le faire émerger dans les grosses villes américaines, devenant à leur tour source d’inspiration (le style New-york, le style Portland, le style Philadelphie). Alors que le skate va progressivement passer de sport californien à culture urbaine, les pratiquants vont suivre l’évolution et la progression des professionnels d’alors par les vidéos. Les magasins officiels reçoivent ces cassettes VHS avec les fournitures importées des Etats-Unis, et en vendent quelques exemplaires, généralement assez cher2. Il faut dire que ces documents, véritables archives de l’Histoire du skate sont un must-have-seen pour tout skateur qui se respecte. En effet, lors des visionnages, entre amis, les vidéos sont disséquées dans les moindres détails car :

- les figures des skateurs professionnels qu’on y voit sont évidement une source d’inspiration, et un marqueur des tendances

- les vêtements qu’ils portent, fixent les règles du style vestimentaire

- les musiques créditées font l’objet d’un culte d’un groupe très fermé

- les spots pratiqués sont des références à connaître lors d’un voyage éventuel

- certaines séquences sont tout simplement considérées comme des « classiques ».

1 Ce nom a été repris pourune exposition (tendance) sur la culture « skate » qui à eu lieu en 2011 à la Gaîté Lyrique à Paris.2 Plus de 100 francs, pour une durée de 30 à 50 minutes, parfois en format NTSC donc en noir et blanc.

fig. 14. L’autocollant «skateboarding is not a crime», qui re-couvre le panneau d’interdiction, qui recouvre le trottoir, etc.Source:John Grant Brittain. 1980.

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Au travers de ces marqueurs culturels, nous nous attarderons sur un en particulier. Ces vidéos sont essentiellement tournées sur des espaces publics. En visionnant ces vidéos, l’œil expert des skateurs repère non seulement les formes architecturales du lieu, murets, marches, poteaux, pentes, mais également les possibilités de jeu propres à l’endroit (dépression charretière, front de banque, place, parvis d’église, allée piétonne) et également les marqueurs urbains à proximité (sculpture, fontaine, obélisque, église, tour, etc.). En fait il se forge une image d’un lieu qu’il n’a vu qu’au travers de l’objectif d’une caméra, s’en fait sa propre représentation mentale, et finalement acquiert une sorte de culture de la forme urbaine des villes, principalement américaines. Un skateur français au milieu des années 1990 sait faire la différence entre la forme dense et orthogonale de l’urbanisme New-Yorkais, la forme ouverte aérée et ponctuée de grandes places de Philadelphie, la forme vallonnée et colorée de l’urbanisme de San Francisco ou la démesure et le caractère fonctionnel de l’urbanisme de Los Angeles. La vidéo tient donc à la fois du manuel technique, du guide culturel, du reportage touristique et du documentaire géographique1. Support « motivationnel » et lien avec le continent originel, la vidéo aide la population des skateurs, réduite à peau de chagrin, à résister et continuer la pratique, sans barrière, sans règle, sans limite.

1.5 De l’ombre à la lumière

1.5.1 Quand on veut noyer son chien ...

Devenu un marché juteux, le skateboard à son apogée connaît un essoufflement mondial, le troisième de son histoire, en 1991- 1992 (Weyland, 2002). Bien sûr la baisse absolue de vente de planches est plus importante aux Etats-Unis, mais en France la pratique tourne au ralenti. Conséquence d’une nécessaire prise de risque, de la violence des chutes, du manque de professionnalisation, certains pratiquants français « raccrochent » définitivement la planche une fois passée la jeunesse. En parallèle, le prix du matériel, le faible retour sur investissement, la difficulté, la faible exposition médiatique ne créent pas de turn-over, entraînant une baisse des effectifs.

Au début des années 1990, les pratiquants français restants sont alors les plus motivés et les plus radicaux2. S’ils sont de moins en moins nombreux3, le niveau est correct. Par ailleurs, ce faible effectif trouve de moins en moins sa place dans des villes où il subit une faible exposition. De plus, les skateurs ne sont plus dans une recherche de mobilité, mais de pratique intensive sur des spots, ce qui signifie qu’ils se sédentarisent et occupent l’espace urbain de façon prolongée et bruyante. Cette époque correspond aussi à la montée du phénomène des « bandes »4 (Bacqué et Madzou, 2008), ce qui a pour effet de jeter le discrédit sur les jeunes traînant en groupe. Dans leur radicalité, leur style de vie, et leur comportement frondeur, les skateurs entrent doucement dans la spirale de l’exclusion.

1 Et de l’archive historique ; d’où l’importance de la vidéographie dans cette étude.2 Radicaux dans le style vestimentaire, dans la répétition obsessionnelle et perfectionniste des figures, et dans leur opposition à la Règle.3 Les chiffres du marché du skate commencent à être notables lorsqu’il devient un business lucratif au milieu des années 1990. Avant, il est difficile d’avoir des chiffres fiables pour les Etats-Unis, et encore plus pour la France. Dans Chronologie lacunaire du skateboard, Raphael Zarka établit le constat qu’en 1991 « le marché (du skateboard) subit une nouvelle baisse de régime » p.59, et qu’en 1992 « Une baisse des ventes affecte le marché mondial ».4 1989 et 1990 sont marquées par la mort d’Omar Touré pour son appartenance supposée à un gang, par de violents affrontements entre bandes rivales au centre commercial de la Défense, et par la casse en marge de manifestations lycéennes imputée aux groupes de jeunes venus de banlieue qualifiés à tort et à travers de « bande de zoulous ».

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1.5.2 Regarde la jeunesse dans les yeux1

A partir de cette époque, le skateboard connaît à la fois une diminution du nombre de pratiquants, mais aussi une radicalisation de ceux-là. Dans les vêtements, depuis son appropriation de la rue, le skateboard a outrepassé le style surf-culture, aux couleurs bariolées, au style de vie sain où le corps sculpté rappelle les plages, pour rentrer dans sa propre culture, où le corps est caché par des vêtements larges, et sombres pour se fondre dans la grisaille citadine. Dans le discours, la contestation prend le pas sur le fun. Ce qui peut être vu comme un symbole de l’évolution de cette époque est la video « Big pants, small wheels »2. Les pantalons extra-large (empruntés aux codes du hip-hop) s’opposent aux shorts acidulés, et les petites roues permettent de faire des figures, pas de rouler dans l’esprit du sidewalk surfing.Passées les trente glorieuses, le monde connaît une vague de politique libérale où les non-productifs tendent à être exclus socialement évidement, mais visuellement aussi. Il va de soi que les skateurs sont persona non grata dans les centres villes. Peu nombreux mais bruyants, jeunes mais non-productifs, inoffensifs mais inquiétants, oisifs mais peu consommateurs, dans une société en voie de disneylandisation (Belmessous, 2009) où le beau fait vendre, où la ville se privatise (Mangin, 2004), leur statut se fragilise. Cependant, au regard du nombre de pratiquants, les municipalités qui veulent régler le problème jouent sur deux tableaux, dans un seul but, l’exclusion pure et simple des centres. D’une part la police est amenée à faire partir les squatteurs des places publiques qu’ils occupent, au nom du trouble à l’ordre public, mais d’autre part les municipalités, démarchées par des commerçants qui sentent le filon, vont concéder quelques centaines de mètres carrés inoccupés à l’extérieur du centre pour y installer des modules, soit des plans inclinés, tables et autres courbes.

Ces skateparks de pacotille3 offrent 3 spécificités :

- ils sont créés sur des surfaces bitumées offrant une accroche allant du moyen au très mauvais (pour les roues, en revanche une très bonne accroche pour les mains),

- la pauvreté des formes primitives qu’ils reproduisent est à mille lieues de la plus simple entrée de résidence offrant une combinaison de 3 marches+rampe+muret,

- ils sont situés à proximité de grands ensembles où l’on considère alors encore le skateboard comme un objet de luxe. Grégoire témoigne :

«Quand j’ai commencé le skate, on allait au «bowl» à Champ-le-Boeuf; c’était à côté de la grosse cité du coin ça craignait vraiment. J’étais gamin, j’avais des beaux vêtements d’un « petit bourge » du centre ville, ça ratait pas, y’avait toujours des embrouilles avec les gamins de la cité qui se sentent provoqués. Grégoire, ancien skateur.» Grégoire. Ancien Skateur.2014

Ce niveau de médiocrité dans l’offre est la simple traduction formelle du mépris affiché pour des jeunes qui « ne méritent pas » la ville centre. La sanction est immédiate : non seulement les skateparks ne sont pas utilisés, mais les skateurs vont tout simplement continuer à rouler en ville de façon ostensible, pour montrer leur désintérêt de ce qu’on leur propose.

1 Cette supplique lancée par le groupe NTM en 1993 nous montre que le skate ne fait que souligner le fossé existant entre ce que la société pense être bon pour les jeunes et ce que les jeunes veulent vraiment.2 Les magazines spécialisés parlent désormais de la période 1990-1992 comme de la «big pants/small wheels era»3 Le magazine Thrasher publie dans une rubrique intitulée Pièce of suck, le meilleur du pire des réalisation d’équipement de glisse.

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1.5.3 Mode et effet de mode A partir de la fin des années 1990, la pratique du skate connaît un nouvel essor. Celui-ci est à la fois la cause et la conséquence d’une médiatisation sans précédent dans les campagnes publicitaires, mais aussi par les jeux vidéos. Lancée en 1999 sur plateforme de Sony, la playstation, la licence Tony Hawk Pro Skate propose une simulation innovante du skateboard sur console. Particulièrement irréaliste dans les exploits des personnages (tous inspirés et tournés par des grands noms du skate), le jeu séduit tout de même par sa vitesse immersive, la reproduction des figures, et encore une fois par le réalisme des spots dessinés, qui se trouvent être des reproductions assez conformes de fragments de ville. Si l’urbanisme de ce type de jeu n’est pas le sujet de cette recherche, il n’en demeure pas moins un type de représentation urbaine à la fois cartoonesque, bénéficiant aussi d’un travail de modélisation remarquable. En parallèle à la sortie de ce jeu qui se cale à peu près sur la reprise de l’industrie, les publicitaires vont également sentir la tendance et mettre du skate « à toutes les sauces », pour vendre des téléphones, des voitures, du gel, du soda ou du déodorant. Une marque, préparant sans doute le terrain, va même jusqu’à faire une campagne militante, en faveur du droit à skater dans les espaces publics..1

Dans un même registre, de nombreuses marques de « textile pour le skate » vont également chercher à conquérir des marchés un peu plus larges que leur cible habituelle. Cela va beaucoup contribuer à rendre le style vestimentaire du skateur de moins en moins spécifique, de plus en plus passe-partout. Le style « skate » fait vendre, et de nombreux adolescents tentent de « s’y mettre » parce que tout le monde en fait, plus ou moins. Le skate perd doucement de cette imagerie rebelle, les parents « vigilants » conduisent leurs enfants en voiture sur les lieux de skate, s’étant assurés qu’ils portent bien les protections et les vêtements que le vendeur leur a conseillés. Qu’on ne s’y trompe pas, les « oreilles de cochons », les briquettes et autres dispositifs anti-skate fleurissent toujours sur le mobilier, le skate garde une image de passion d’adolescents, et les mairies continuent de pratiquer la politique de l’autruche. Mais cet engouement, cette augmentation de l’usage de la ville, et ce besoin ordinaire de pratiquer un sport, contribuent peu à peu à faire émerger un dialogue entre les associations de skateurs et les mairies.

1 Nike, marque honnie des skateurs, a lancé une campagne inventive, où des sportifs, footballeurs et basketteurs, voyaient leurs cages et leur paniers barrés de barres de métal similaires à celles qui empêchent la pratique du skate par endroit. Le slogan est « imaginez si tous les sportifs étaient traités comme des skateurs ». Aujourd’hui Nike SB est une des marques phare du marché des chaussures de skate.

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Conclusion de la partie I

Golem urbain, surfeur du bitume, le skateur est cet « adolescent » à mi-chemin entre l’innocence de l’enfance et la maturité de l’age adulte. A l’enfant il emprunte le rêve, la magie du spectacle, et l’ivresse du jeu. De l’adulte, il a le désenchantement, l’amertume et le désir d’accomplissement. Dans la pratique solitaire du skateboard il donne « corps » à ses envies, dans la découverte grégaire de la ville il prend conscience du monde qui l’entoure. Sport d’adolescent, le skateboard est à leur image, difficile à comprendre et à canaliser. Proche du roller, de la trottinette, on ne le considère pas comme un engin de déplacement, mais comme une confrontation radicale entre une liberté légitime sur la mer, ou dans la neige, et un cadre urbain peu en accord avec cet état d’esprit. Paradoxalement, le skateboard a toujours évolué pour répondre au mieux à l’évolution de la ville et de la société. Plus la ville s’étale, et plus il devient mobile, fluide, capable de conquête, par la technique et la technologie. Pourtant, née des formes urbaines de l’urbanisme le plus détouché de l’interaction humaine qu’il soit, la pratique du skateboard préfigure lucidement le retour des modes doux et la nécessaire (ré) appropriation des espaces publics. Cela démontre en substance une possible adéquation entre une pratique ludique et écologique et nos centre-ville contemporains qui redécouvrent le tramway, la place piétonne multi-usage et la ville-événement.

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II. La négociation _ L’ambiguïté de la ville pour tous

2.1 Vivre la ville : entre matière et dématérialisation

2.2 La ville à l’épreuve de la glisse : rejet ou passion?

2.3 Le skate, une plus-value pour la ville ….

2.4 … Ou une « pathologie urbaine » ?

Through such compositions, skateboarding brings back that which strictly economistic Marxism evacuates – it brings back the dream, imaginary and «poetic being,» what one skater called the «skate of the art.»Iain Borden. 2001.

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Dans notre première partie nous avons démontré que, de la ville, pouvaient émerger des pratiques à la fois sportives et ludiques, et que paradoxalement elles ont des difficultés à se faire accepter en tant qu’usage autorisé « dans la ville ». Nous avons aussi pris conscience que face à ces pratiques émergentes, notamment la glisse1 en milieu urbain, on ne peut pas faire disparaître la poussière en la cachant sous le tapis, et que tôt ou tard les problèmes de gestion de l’espace (public/privé) finissent par refaire surface. La ténacité du skateboard à rester en milieu urbain est semblable à la détermination des skateurs pour exécuter des figures, même avec un poignet plâtré, une cheville foulée, ou les tibias bleuis. Aussi, en France, après une décennie de jeu du chat et de la souris entre les skateur et les municipalités, au début des années 2000 émerge doucement l’idée qu’entre les deux un dialogue peut être instauré, du moins qu’il puisse y avoir une prise en considération des uns par les autres. La possibilité d’une prise en compte, qui dépasse la radicale élimination du problème2, est le résultat d’un événement structurel (les skateurs professionnels vieillissent et leur revendications sont celles d’adultes, citoyens et/ou contribuables) et conjoncturel (la culture skate s’implante dans les campagnes publicitaires et devient « marchandisable »). De fait, certains skateurs s’organisent en association (et peuvent discuter avec les mairies), d’autres font des études (et placent le skate au cœur de sujet de recherche), se reconvertissent

en devenant consultants, ou deviennent athlètes professionnels et font vendre des chaussures ou des t-shirt (ils sont alors « rentables »). Nous allons donc voir dans cette deuxième partie comment le dialogue se met en place, d’abord du point de vue des skateurs au travers du regard qu’ils posent sur leur environnement. Pour cela, nous nous baserons sur des travaux de sociologie contenant des témoignages, et nous nous appuierons aussi sur les entretiens dirigés passés à l’occasion de cette recherche. Ensuite nous étudierons les rapports du skateboard à la ville, et vice versa. En prenant du recul, nous examinerons d’abord ce que produit la pratique du skateboard sur la ville en terme phénoménologique et en terme physique. C’est un travail qui repose à la fois sur une recherche documentaire, mais également sur des observations in situ, restituées au moyen de photographies. Enfin nous étudierons la façon dont les acteurs de l’urbanisme considèrent cette pratique (notamment les aspects à prendre en compte dans la gestion de la ville) que ce soit au travers de la réglementation, de la conception, ou de la programmation. Il s’agit ici de renseigner notre étude par des constats émis in situ, des recherches documentaires et surtout des entretiens menés auprès des responsables chargés de répondre à ces questions.

2.1 Vivre la ville : entre matière et dématérialisation Les streetskaters, puisque c’est essentiellement d’eux dont nous parlerons dans cette partie, ont dès la naissance du street un rapport conflictuel avec le cadre urbain. Les slogans punk/nihilistes des débuts du street radical3, « skate and destroy »4, « skate or die »5 sont la preuve d’un hédonisme égoïste tout autant que d’un nihilisme destructeur. Si, bien évidement, nul n’est tenu de prendre au pied de la lettre ces injonctions peintes ou stickées6, le message à décoder en filigrane est qu’en dehors d’une planche de skate, bien peu de choses ont réellement de valeur à leurs yeux. C’est une des raisons pour laquelle les skateurs ne voient en la ville qu’un assemblage d’objets que le hasard a placé sur une surface roulante, ici, là ou là. Les utiliser dans un usage détourné, les dégrader, les salir, les peindre ou les recouvrir d’autocollants ne pose aucun problème pour ces jeunes qui ne trouvent un moyen d’expression que dans cette pratique (Bäckström, 2007).

1 Dans le cas de la planche à roulettes, le néologisme « roule » serait plus cohérent, toutefois le skateboard est assimilé aux sports de « glisse » terrestre.2 Interdire et verbaliser, comme c’est le cas aux Etats-unis, sans rien proposer relève d’une volonté d’élimination.3 C’est-à-dire coupé et opposé de la pratique en skatepark et sur rampe.4 Titre du groupe The Faction (1984), slogan du magazine Thrasher, parodiant le nom de la stratégie militaire des Américains lors de la guerre du Vietnam, chercher l’ennemi et le détruire, search and destroy.5 Nom d’un jeu vidéo de 1988.6 Le graffiti/slogan et le collage d’autocollants font partie de cette sous-culture.

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Cela a largement contribué à les cataloguer parmi les autres « pathologies urbaines»1 des centres-villes (avec les assises pour mendiants, les abris pour SDF, les recoins obscurs pour les prostitués, drogués, dealers). Mais au fil du temps, les skateurs les plus âgés s’assagissent et font figure de « grands frères ». Ils sont consciemment les usagers privilégiés d’un spot qu’ils souhaitent garder en bon état, et inconsciemment les médiateurs idéaux entre leur groupe et ce qui les entoure (lieux/usagers)2. Par ailleurs, pour que le plaisir de skater dure, il importe d’apprendre les règles du « vivre ensemble ». Lors de l’apprentissage de la vie, la bande d’amis importe plus aux yeux du skateur que ce qui est autour ; en grandissant il accepte de s’ouvrir au monde extérieur, et de considérer les autres usagers pour ce qu’ils sont, et non plus comme des obstacles/entraves à son évolution3. Cela passe par une prise de conscience d’ « être dans la ville », qui dès lors peut créer un véritable rapport « à la ville ».

2.1.1 Le spot : territoire sensible

Le regard que porte le monde du skateboard sur la ville, présente un réel intérêt dans la recherche sur le design urbain parce qu’il remet en cause la fonction du mobilier, de l’architecture, et plus généralement des espaces de voiries. Globalement les espaces « skatables » sont appelés des spots, c’est à dire des points, comme pour mieux en marquer la dématérialisation en tant qu’espace urbain. Ce point (de repère, de rencontre, d’échange, de contact4) n’est vécu et habité que pour ce qu’il représente et non son usage souhaité. Mais paradoxalement la valeur qu’il représente aux yeux des skateurs est suffisamment forte pour qu’il soit renommé de façon spontanée et sensible. Sensible car orientée par une forme, une particularité, une ambiance ; mais aussi parce que ce nom fera alors écho, pour les personnes qui l’ont appelé ainsi, à des souvenirs de jeunesse pour le reste de leur vie. Les hommages à la place Justin Hermann à San Francisco (surnommée « Embarcadero » ou EMB par les skateurs) que l’on trouve sur internet5 témoignent du fort ancrage psychologique qu’ont ces personnes à ce lieu. HDV (place de l’Hôtel de ville) à Lyon, Darty6 et Mériadeck à Bordeaux, les Vagues (esplanade Kennedy) à Nancy, le Windy spot ou l’hubba hideout à San Francisco, la Fontaine (ou la Tonf’, fontaine des Innocents des Halles) et le Dôme (Palais de Tokyo) à Paris. Ces lieux, qui ont parfois mal vieilli (parfois à cause des dégradations occasionnées par les skateurs mais parfois aussi parce qu’ils en sont partis...) ont une histoire et une forme que les skateurs sont les plus à même de documenter. Des anecdotes, des événements tragiques, des parties et autres soirées improvisées, des querelles en tout genre, des étrangers raillés ou intimidés par les locaux, des touristes effarés ou enthousiastes, des drames, de franches rigolades, des amitiés viriles : c’est aussi cela qui se joue sur les marches, les murets de ces lieux où l’on passe sans s’arrêter, où l’on s’arrête quelques instants sans imaginer la force de leur mémoire. A une échelle plus fine, tous les aménagements que ce lieu comporte deviennent de fait les éléments d’un parcours, ou même simplement un spot dans le spot. Thrasher Magazine a édité une photo panoramique de la place Justin Hermann à San Francisco7. Sur ce document richement commenté on découvre le nom qu’ont donné les skateurs locaux à chaque architecture émergente8 de la place. Il va de soi que les locaux proposent, les autres disposent. Des skateurs du monde entier sont allés à San Francisco pour skater le little three9 , le big three, ou le gonz gap10 , avec une connaissance pré-établie du site11 qui n’a rien à envier à la collection Lonely Planet.

1 Nous utilisons ici ce terme dans le sens des problèmes que la ville engendre et qu’elle doit régler, et nom comme des maux. Ce sont des pratiques apparaissant spontanément en milieu urbain au détriment de certaines règles de bonne conduite, voire légales, et souvent stigmatisées.2 La présence d’un adulte avec des jeunes, connu d’eux, dans un espace ouvert à tous est rassurante, voire sécurisante.3 Cf. entretien Léo Valls, skateur professionnel bordelais.4 Contact avec les autres, contact/impact avec la ville.5 Le blog www.thechromeballaccident.com met en ligne des centaines de pages d’archives de journaux de skate. Parmi celles-ci se trouve un article intitulé « RIP EMB ».6 Cf. entretien Fabien Pedelaborde. Par évolution des baux commerciaux, les « bancs » de Darty sont devenus les bancs de Tati ; il n’empêche que le nom d’origine est resté.7 Thrasher magazine de mai 1993.8 Par opposition au plat, tout ce qui émerge est potentiellement source d’inspiration et d’acrobatie.9 Trois petites marches.10 Un gap est un vide entre deux éléments construits.11 Cf. partie 1.4.3.

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fig. 15. Place Justin Herman. San Francisco. L’«Embarcadero» commenté.Source: Thrasher Magazine.

fig.16. Place de l’Hôtel de Ville. Lyon. Source: Fred Mortagne.2013

fig.17. Place de l’Hôtel de Ville. Créteil. Source: Jean-Louis Boissier. 2008

fig.18. Fontaine des Innocents. Paris. Source: Jean Miaille 2013

fig.19. Le «Dôme». Palais de Tokyo. Paris. Source: Raphael Aupy ; 2008.

fig. 20. Le conservatoire. Bordeaux. Source: yogan muller 2005

fig. 21. Esplanade Kennedy. Nancy. Source: www.googlemaps.com.2013

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La forme L’usage attendu La perception du skateur ....... ....... Et son usage

2.1.2 Le skateur, la forme et la fonction

Le skateboard arrive à se nourrir de son environnement urbain, car il possède la force d’utiliser aussi bien les vides que les pleins. Les pleins (volume, surfaces) permettent de rouler ou de glisser, les vides (ruptures) forcent la manœuvre de décollage ou de réception : les interruptions, les trous, les dépressions, les changements de matière se prêtent forcément au décollage de la planche comme pour survoler ce vide, pour montrer qu’il n’y a pas que le contournement, il y a aussi la confrontation physique et mentale. La peur de rater et la rage de réussir convergent vers la tentative d’essai malgré tout. Le skateur développe tout un panel de figures dans le contexte urbain, or ce panel augmente au gré des propositions de l’environnement Ces propositions que sont à la fois l’architecture des bâtiments et les aménagements de l’espace extérieur, mobilier compris :les aménagements comportant des murets, des dépressions, des plans inclinés, des trottoirs, des terre-plein plus ou moins rapprochés, des bordures d’arbres ; les éléments de mobilier : des bancs, des rampes d’escalier, des bacs de plantation, des butées de parking, des protections d’arbres, des poubelles, des potelets, des bordures de plate-bande, des rangements de vélo, etc. Pour le skateur ces éléments du paysage urbain sont autant d’occasions de jouer. C’est à dire(,) qu’il voit la forme avant la fonction. Or c’est précisément le rapport entre l’une et l’autre qu’interroge le skate.

Si vous arrachez le tissu du parapluie, reste-t-il un parapluie ? (...) Du fait qu’il ne peut plus remplir sa fonction, le parapluie n’en est plus un. Il peut bien y ressembler, il se peut que dans le passé il en ait été un, mais maintenant il s’est transformé en autre chose. Or, le mot est resté le même. Paul Auster _ Cité de verre

Pour le skateur qui s’apprête à glisser dessus, le banc n’a pas cessé d’être un banc, simplement sa fonction d’assise est reporté à un usage ultérieur ; elle ne l’intéresse pas autant que sa fonction sportive immédiate. Et lorsqu’il le détourne à des fins de performance, alors le banc perd sa fonction initiale l’espace de cet instant. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’origine anglo-saxonne du skate est si importante dans ce rapport aux objets du quotidien. Aux yeux du skateur, la main courante d’un escalier n’est pas une main courante, ni une rampe, mais un handrail. Or, si la signification du mot handrail est connue des Américains, pour le skateur français (ou de n’importe nationalité (ou ailleurs), puisque c’est un langage international1, le mot handrail désigne la barre de métal attenante à l’escalier et induit la possibilité de glisser dessus. Le propre du skate est de remettre en cause la fonction d’un objet telle qu’elle avait été définie par son concepteur. Mieux (ou pire selon le point de vue), il développe un nouvel usage pour un objet qui au contraire voudrait inciter à un type de comportement spécifique ; pour emprunter le terme de Michel Foucault, on pourrait parler de « la polyvalence tactique des usages » (Nicolas-Le Strat, 2008). En se comportant de la sorte, il est comme un électron libre dans une société où le marketing et la sûreté tentent d’influencer nos comportements par la forme2.

1 Les noms des figures et des obstacles ont conservé leur origine anglo-saxonne.2 Cf part. 2.2.1

fig 22. La forme, la fonction, l’usage. Source: M.S. 2014.

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2.1.3 Une représentation rhizomatique1 de la ville

Pour le skateur la ville est donc le support de cette activité, et par extension elle peut être considérée comme un terrain de jeu à explorer. En ce sens le skateboard est bien plus proche du « parkour »2 que du roller. Probablement parce que, comme le « parkour », il profite mieux des rugosités de la ville et y cherche plus d’accroches que ce parent (très) éloigné (à commencer par le fait qu’une surface lisse de 10m x 10 m et une marche sont déjà exploitables pour le skateur, très peu pour le roller qui a besoin de prise d’élan et/ou d’obstacles conséquents). Nous parlons de terrain à explorer, car le skate se nourrit également d’une soif de découverte de nouveaux spots, pour varier les exercices, casser la routine. Le skateboard propose donc cette approche exploratoire du milieu urbain. Bien que très autocentrée, sa pratique permet de développer une véritable acuité quant aux formes, aux matériaux, aux revêtements, aux usages, aux populations3, à la fréquence de passage des services municipaux, bref une connaissance méticuleuse des usages et de la gestion de l’espace public (Wooley & John). Léo Valls, skateur professionnel bordelais nous dit que ce qui lui plaît c’est

rouler, rouler, rouler, puis se poser sur un spot, enchaîner quelques figures, et repartir. On se retrouve au palais de justice, on s’amuse sur le flat, on bouge on va au curb de Darty, en espérant qu’il ne soit pas occupé, puis on avise.

Cette façon de parcourir la ville, comme une errance dynamique et interactive, nous rappelle la « dérive » des situationnistes. Bien évidement les passerelles entre ce courant littéraire radical et le skate sont nombreuses (Benett, 2011 et Mac Mahon, 2013), mais l’approche psychogéographique de l’exploration de la ville nous semble essentielle à relever. Pour Guy Debord4, chef de file du courant situationniste, la Ville5 telle qu’elle existe de son vivant, est d’un ennui mortel. Conçue pour mieux contrôler les masses, vidée de ses Apaches, Zazous et Excentriques, consacrée au spectacle (la société de consommation), la Ville est avant tout un outil d’asservissement et d’aliénation. Le courant situationniste/Guy Debord propose donc de libérer la société par la révolution. Bien que sa prose soit datée, la critique du fonctionnalisme6 et de la privatisation de la ville qu’il développe est non seulement visionnaire, mais peu portée à la connaissance du grand public (du moins pour cette raison). Avant le Grand Soir, le mouvement littéraire propose tout de même des alternatives à l’ennui quotidien et notamment de multiplier les occasions de se rencontrer et festoyer sur l’espace public7. Pour cela, il met au point un outil, la dérive, et un résultat, la carte psychogéographique.

1 D’après Outlaw collectives, inspiré de Gilles Deleuze et Felix Guattari dans Mille Plateaux. Le modèle descriptif et épistémologique du rhizome s’oppose au modèle arborescent. Le skateboard comme le rhizome procède par « variation, étalement, conquête, prise, piqûre » .2 Le « parkour » est un « art du déplacement » né dans les années 1990, qui consiste à se mouvoir dans un espace, plutôt urbain, hors des chemins préétablis. Ce faisant, l’architecture et le mobilier s’apparentent alors à un parcours d’obstacles, d’escalade et de gymnastique. Le « traceur » (pratiquant du « parkour ») se sert de toutes les aspérités comme d’appuis.3 Selon qu’il recherche des spectateurs, ou au contraire qu’il craigne poussettes, personnes âgées, enfants en bas âge.4 Guy Debord (1931-1994) écrit le texte fondateur du mouvement en 1957.5 La Ville c’est toujours Paris. Saint-Germain-des-Prés et le Quartier Latin sont le berceau du courant situationniste, qui deviendra l’International(e) (Situationniste).6 Les Situationnistes n’avaient pas de mots assez durs pour parler du fondateur du Mouvement Moderne, rebaptisé Le Corbusier Sing-Sing, et de son urbanisme, qu’ils affirmaient être orienté par les directives de la police. 7 Au travers de la revue libre Potlach, de la revue l’Internationale Situationniste, des écrits de Guy Debord ou encore Raoul Vaneighem, les Situationnistes proposent un « urbanisme unitaire » basé sur l’affirmation d’un espace urbain ludique et un maniement du détournement architectural.

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Pas n’importe quelle carte routière… Une carte qui révèle plus qu’elle ne signale. Une carte qui est servie plus qu’elle ne sert. Une carte qu’on détourne et qui justement facilite le détournement (le détournement, je le précise est aussi une activité situationniste). Une carte qui en dit plus qu’elle ne croit sur ce qu’elle représente.1

Des individus partent explorer la ville en se laissant aller, au gré du ressenti qu’ils éprouvent en fonction de l’environnement immédiat, des formes architecturales et urbaines. Selon la composition urbaine et les individualités, les adeptes de la dérive se sentent plus ou moins à l’aise, les rapports se créent ou disparaissent, les émotions et ressentis sont forts ou non. Une fois les lieux présentant des opportunités de rencontres et d’occupation spatiale relevés, une carte, à mi-chemin entre la carte mentale et le collage, est établie, elle sert alors de plan stratégique pour qui veut fuir la routine oppressante et provoquer la rencontre festive/militante (Sadler, 1999). Or, cette dérive et cette carte mentale, c’est ce que pratiquent et produisent les skateurs (John, 2001) par leur mouvement incessant. Leur fluidité les aide à se fondre dans la ville qui « est un fluide, sa forme liquide étant définie par les trajets que les gens empruntent » (Murrel Graeme).Eva Peels dans « Skateboarding in Amsterdam : An urban Geography » affirme qu’ils créent « leur propre liberté dans leur façon d’utiliser l’espace et d’éviter l’autorité » et les imagine en nomades modernes ce qui fait écho à l’idée que

l’espace sédentaire est strié, par des murs, des clôtures, des chemins entre les clôtures, alors que l’espace nomade est lisse, seulement marqué par des traits qui s’effacent et se déplacent avec le trajet.2 Deleuze et Guattari

En voyant la ville comme un ensemble d’espaces fragmentés qu’ils relient par des lignes, les « path » de Kevin Lynch3 ils proposent leur propre grille de lecture, mais également une nouvelle manière de la vivre.

1 Thierry Paquot. Le jeu de carte des Situationnistes. CFC, juin 2010, n°204. pp.51-56.2 Deleuze Gilles et Guattari Félix. Mille Plateaux. Paris : Editions de Minuit, 1980. p. 472.3 Dans L’image de la cité Kevin Lynch analyse les représentations mentales qu’ont les habitants de leur propre ville. Il étudie des cartes mentales qu’ils dessinent. Sur ces cartes synthétiques, les chemins (« paths ») sont des lignes rejoignant des nœuds (nodes), des quartiers (districts) ou des marqueurs urbains (« landmarks »).

fig. 23. The Naked City. Source: Asger Jorn et Guy-Ernest Debord. 1957

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2.2 La ville à l’épreuve de la glisse : rejet ou passion? Bien qu’il y ait une pose « rebelle » dans la pratique des sports de glisse, une idéologie liée à la liberté, l’anticonformisme et le refus d’un cadre réglementé, ses pratiquants ne formulent pas pour autant une critique de la société dans laquelle ils vivent. Au contraire, certains ont totalement investi les codes du libéralisme mercantile1 qui s’opposent aux valeurs du do-it-yourself et du groupe. Récupéré par de grosses compagnies2 cotées en bourse, le skate n’échappe pas à la règle, et son industrie succombe aussi aux valeurs du marketing, du placement produit et de l’incitation à la consommation. Au travers de la mise en scène, des acteurs de ce milieu n’hésitent pas à mettre en avant le rejet de tout idéal politique et une liberté hédoniste, qui profitent par effet de levier aux idéologies dominantes telles que la spéculation, la consommation, la publicité, entre autres. Mais si les skateurs ont toujours évité l’engagement politique (à moins de considérer le mouvement punk comme politique), en revanche, leur utilisation des centres urbains à des fins de performances acrobatiques peut non seulement mettre en place le cadre d’une analyse critique de la ville contemporaine, mais aussi les fondements d’une appropriation citoyenne.

2.2.1 Jouer c’est résister

Parce qu’ils détournent les objets de la ville de leur fonction principale, ils dématérialisent la ville pour recréer une succession de formes géométriques sur lesquelles ils pourront évoluer. Alors que tout dans la ville est construit, bâti, scellé, fixé dans un but précis décidé par les architectes, urbanistes3, gestionnaires, propriétaires, le skateur ne se sent pas concerné. Pour lui les éléments sont détachés du contexte dans lequel ils se trouvent. Une dépression charretière, un dispositif anti-stationnement et la marche d’une vitrine d’un magasin proposent, non la même forme, mais la même occasion de se servir de sa planche pour exécuter une figure. Les différents éléments architecturaux sont perçus non comme ce pour quoi ils sont dessinés, mais pour les caractéristiques qu’ils offrent : matériaux, hauteur, angle, épaisseurs, rapports entre les éléments de la structure, longueur. Dans ce détournement nous nous accordons à penser qu’il y a aussi subversion et transgression. Les dispositifs anti-skate nous montrent que le skate est parfois considéré comme un indésirable. Or ces ajouts, semblables aux dispositifs anti-site4, pointent du doigt la réalité des centres-villes aux rues franchisées. Ces rues sont de véritables tapis roulant vers le bonheur marketé, et leur gestion nécessite une chasse aux pauvres, aux non-consommateurs, aux fous, aux marginaux. En détournant les marches de marbres, les entourages de vitrines et les barrières de protection, les skateurs remettent en cause la fonction marchande de la ville. Ils récupèrent à leur compte ce qu’elle produit. En jouant avec elle, ils retournent son architecture incitative et dissuasive contre elle-même. De la même façon, les vidéos de skate américaines nous montrent des figures réalisées souvent dans les CBD5, devant les sièges de grandes compagnies. Parce que l’architectures des bâtiments et de l’accueil extérieur emploie un vocabulaire massif, géométrique, rigide (et donc autoritaire), les skateurs y voient un théâtre de performances particulièrement adapté à leur outil : granit, marbre, arêtes tranchantes, acier, escaliers, dénivelés, orthogonalité. L’expression architecturale des trusts fait terrain de jeu.Le jeu semble d’autant plus subversif que le caractère de ces aménagements tend à vouloir tout contrôler :

Les caractéristiques du design communément présent sur les places du nouveau centre des

1 Sponsoring/promotion/consommation.2 Nike et Quicksilver pour citer les 2 plus importantes.3 Dans le cadre réglementaire.4 D’après la collecte de photographies de systèmes défensifs établie par Arnaud Elfort . https://www.flickr.com/photos/7211263@N02/sets/72157602377494963/detail/.5 Central Business District, littéralement le quartier des affaires.

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affaires - introversion, fragmentation, escapisme, ordre et rigidité – sont cohérents avec des objectifs de contrôle, de protection, de filtrage social, de conditionnement de l’image, et de manipulation des comportements des usagers.1 (Loukaitou-Sideris and Banarjee, 1998)2

Plus près de chez nous constatons que la froideur de l’architecture d’un quartier d’affaire, son aridité en interaction et la pratique du skate se retrouvent confrontées dans une configuration identique, ici à Grenoble:

On est dans un espace qui a été conçu pour permettre aux gens de marcher relativment rapidement, les surfaces ne sont jamais glissantes... Ils ont conçu un espace fonctionnel où l’on veut que les gens marchent, il n’y a pas d’endroit pour s’arrêter. (...) il n’y a personne, pas de rencontre, personne ne se rencontre, les seules qui se rencontrent ce sont les skaters, c’est-à-dire ceux qui ont des roues.3

1 Notre traduction.2 Loukaitou-Sideris Anastasia et Banarjee Tribid. Urban Design Downtown: Poetics and Politics of Form. Oakland : UCP, 1998. 348 p.3 Paola est une personne interrogée à propos d’Europole, un important quartier d’affaire de l’agglomération grenobloise. In Thomas Rachel, Balez Suzanne, Berube Gabriel & alii. L’asseptisation des ambiances piétonnes au XXIème siècle. Entre passivité et plasticité des corps en marche. Rapport de recherche n° 78. 2010. Grenoble. CNRS - CRESSON.

fig 24. Glisse sur un muret à Los Angeles. Source: MS à partir de capture vidéo : Modus Opérandi (2000). 2014

fig.26. Glisse sur une main courante à Vancouver. Source: M.S. d’après Capture vidéo : Goldfish(1993). 2014.

fig 25. Le contexte urbain du «Downtown LA».Source: www.googlemaps.com. 2014.

fig. 27. Le contexte urbain du «Downtown Vancouver».Source: Vancouver (B.C.). Social Planning Department.1986

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Cette subversion pointe du doigt, non pas l’image de ces grands groupes, mais plutôt l’impact direct de celle-ci sur l’espace public. Elle déborde jusque sur la rue, pour être vue de tous, quitte à privatiser le paysage urbain. Or un des fondamentaux du skateboard est précisément de jouer sur l’ambiguïté de la frontière public/privé. Le skateur profite d’une faille du système pour s’inviter dans la partie. En jouant dans le paysage urbain il retourne la ville à son avantage. Pour reprendre les mots de Taro Nettleton, doctorant en philosophie, il est le grain de sable qui vient gripper « le doux fonctionnement de la ville et de sa banlieue1 ». A la façon des gens que Whyte2 filme, et qui doivent faire preuve de créativité pour contourner le caractère dissuasif de certains aménagements (Howell, 2001), les skateurs usent de tactiques pour détourner le design défensif et donc stratégique, des entrées d’immeubles du centre. La confrontation stratégie/tactique, métaphore que l’on doit à Michel de Certeau3, est ici la métaphore du rapport défense/résistance ; une résistance non pas à la consommation, mais à la forme par laquelle elle se manifeste sur le domaine public.

2.2.2 Le paysage urbain pour décor : la recherche esthétique des vidéos

La dimension intellectuelle du skate ne s’arrête pas à l’analyse comportementale, puisque pour de nombreux skateurs reconvertis et artistes, la ville est avant tout un sujet de recherche qu’ils explorent au travers de leurs réalisations. Alors que la photographie s’est, depuis le début du skate, nourrie d’une démarche esthétique, la vidéo, destinée à faire connaître les marques de planches4, s’est essentiellement focalisée sur la dimension commerciale. Dans un premier temps. Accordons à l’une comme à l’autre qu’elles sont, si ce n’est une démarche artistique, une énorme ressource de documents sociologiques et anthropologiques. Depuis1995, la marque de planches californiennes de renommée mondiale « Girl skateboard » apporte à ses vidéos promotionnelles une dimension artistique au travers de petits courts-métrages qui viennent se glisser entre deux parts5. Ces petits clips, qui font référence aux classiques du cinéma, de la pop culture et de la littérature6, sont de véritables œuvres filmiques qui contribuent à élargir le champ d’investigation culturel du skateboard. Jusque là cantonné aux cultures punks puis hip-hop donc à des influences plutôt musicales, le skate aborde sa maturité par le biais artistique du cinéma. Cela n’a rien d’un hasard, Spike Jonze, réalisateur oscarisé, fait partie des membres fondateurs de la marque citée précédemment et a commencé sa carrière par des vidéos de skate. Par ailleurs, l’objet et sa pratique ont une grande place dans les films des réalisateurs Larry Clark, Gus van Sant ou Harmony Korine. Réalisateurs talentueux et reconnus, leur intérêt pour la vie des adolescents et leur corps changeant trouve dans le skate le symbole d’une jeunesse désœuvrée souvent, perdue parfois, en quête de soi toujours. Que ce soit chez les jeunes (vraiment perdus) de Kids (1995), de Gummo (1997) ou de Paranoïd Park (2007), le skate est un un moyen de découvrir la violence de la ville, autant que la violence du changement hormonal. Le corps, les mouvements, le détournement, la forme architecturale, le rapport d’échelle, la découverte géographique, l’exploration spatiale sont autant de domaines de recherche photographique où le skate trouve aisément sa place. Depuis quelques temps, ce type de recherche imprègne le travail vidéographique d’une compagnie indépendante basée à Bordeaux, Magenta Skateboard. Pour Léo Valls, skateur professionnel, qui travaille (entre autres) pour Magenta, le cadre d’une vidéo et l’action qui s’y déroule, sont complémentaires,

1 Notre traduction.2 The social Life of Small Urban Spaces, 1979.3 De Certeau Michel. L’invention du quotidien : 1 Arts de faire. Paris. Gallimard.4 C’est toujours le cas, à la différence qu’aujourd’hui ces vidéos sont de grosses productions (caméra, effet spéciaux, campagne promotionnelle).5 Anglais pour partie ou participation, d’un membre de l’équipe à la vidéo. « Séquence » est également employé.6 Un des courts-métrages de la vidéo « Mouse » est inspiré de la bande dessinée d’Art Spiegelmann, Maus.

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…l’une n’a pas de sens sans l’autre. Quand je vais filmer par exemple, le skateur et moi savons ce qu’il va faire comme figure, où il va aller. Mon boulot c’est pas seulement tenir la caméra, c’est regarder comment les joints du dallage vont créer un rythme en roulant, comment va s’insérer la grande tour dans le grand angle, comment les éléments du cadre donnent du vertige ou au contraire étirent la surface au sol. Nos vidéos de skate sont toutes conçues en partant de ce principe, c’est un boulot énorme. Léo Valls1

En regardant la ville au travers d’une caméra, souvent munie d’un fisheye2, ces skateurs apportent une dimension sensible à la pratique, qui devient presque un prétexte. A ce degré de considération pour le paysage urbain, la limite sport/art devient de plus en plus ténue. C’est presque un art dans le sens où il réalise une performance à la fois spectaculaire et cinégénique à partir d’un environnement figé, brut.

2.3 Le skate, une plus-value pour la ville...

2.3.1 Une ambiance urbaine

De par son caractère sportif, alliant équilibre, jonglage et performance, le skate peut être un spectacle (Adamkiewicz), l’espace public devenant alors la « scène » (Goffman, 1973)3 où le corps et l’objet se produisent. C’est d’ailleurs majoritairement dans des endroits très passants que s’entraînaient les skateurs de première génération4. Cela est simplement dû au fait que ce soit une pratique sportive « sans facilités » (Bach, 1993), c’est à dire qu’on ne pratique pas dans un endroit spécifique : les pratiquants recherchaient des espaces ouverts et plats, comme de grandes places (exemple : le Trocadero à Paris). Si au départ les mouvements fluides et souples impressionnaient les passants, l’évolution technique du sport donne aujourd’hui à voir une pratique aussi contrôlée que difficile à suivre. La maîtrise du corps et de l’objet avec lequel les pieds jonglent, permet la réalisation de figures de très haute technicité. D’un geste efficace, le skateur prend son élan, roule, et décolle soudain du sol en poussant sa planche du bout des pieds. La planche comme en lévitation fait plusieurs tours sur elle-même avant de se recaler sous les pieds du jeune homme, qui atterrit avec style. Les pratiquants entre eux recherchent ce style (Laurent, 2010), indispensable si l’on veut que la figure soit validée par les autres. Aux yeux des spectateurs, la réussite compte plus que le style de l’acrobate. Peu importe la difficulté, pourvu que le spectacle soit présent : ce sont l’ivresse de la vitesse, les mouvements du corps dans l’exécution, la façon d’anticiper la réception qui comptent. Une animation a priori libérée de la contrainte des règles, mais régie par une organisation propre à ses acteurs5. Le skateboard produit également des sons, qui rythment l’espace sonore et permettent de localiser l’activité. Se fondant parfois au loin dans le théâtre sonore urbain, ces bruits sont reconnus et perçus par le nouvel arrivant skateur comme des signaux de localisation de l’endroit « où ça se passe », où ses pairs se retrouvent. Pas forcément apprécié quand il arrive au beau milieu d’une conversation débutée dans le calme, le bruit sec de la planche qui retombe par terre est supportable pour qui désire se rapprocher et observer/apprécier le spectacle. Les personnes appréciant le spectacle finissent par ne même plus faire attention au bruit, à ne plus l’entendre.

1 Cf. entrevues en annexe.2 Objectif à grand angle qui permet de faire rentrer plus d’éléments dans le champ et de les rendre plus impressionnants.3 Erving Goffman, sociologue, a étudié les interactions sociales. Dans La mise en scène de la vie quotidienne (Paris : éditions de Minuit, 1973), il analyse les individus et les relations qu’ils ont entre eux, et les compare à un jeu de rôle, comme si le monde était une scène de théâtre. En déroulant ce fil, il étudie scrupuleusement les individus en tant qu’acteurs et les comportements en tant que rôles.4 Cf. partie 1.3.2.5 Comme dans tout groupe, des règles de conduite tacites se mettent en place entre les pratiquants.

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Que l’on apprécie ou pas les pratiques de la glisse, l’animation d’une place rend toujours celle-ci plus désirable. Plus désirable car attractive (le monde attire le monde), plus désirable car plus sûre aussi (Gehl, 2010). Au milieu des autres usagers, les glisseurs urbains contribuent à la création d’une ambiance vivante, urbaine et humaine. Par ailleurs, les pratiques de la glisse sont à la fois spectacle, mais elles sont aussi une forme de jeu. Or le jeu est important dans la ville, car il répond non seulement au besoin d’une société de loisir, mais permet d’apprécier la dimension inclusive des espaces en terme d’usage. Voilà pourquoi on tend doucement à redonner à la ville une fonction ludique (Lefèbvre, 1968)1. Baby-foot à Paris-Plage, échiquier au jardin du Luxembourg, jeu de quilles et de pétanque en vogue chez les trentenaires, démocratisation des pratiques d’équilibristes… autant de mises en scène du jeu, qui créent un sentiment de détente, favorisent l’appropriation et la rencontre. Alors que les métropoles en devenir jouent la carte de l’espace public, il est bon de rappeler que ces dynamiques sociales contribuent à sa production2 (2012, Monnet).

2.3.2 La valorisation des espaces sous-utilisés

Les skateurs peuvent apporter de l’animation sur une place publique.Mais le skateboard n’est pas qu’une activité qui se montre. En constante recherche de nouvelles topographies, de matières lisses, d’enchaînements d’obstacles/surfaces/vides, le skateur peut se retrouver à pratiquer des milieux/lieux où seul l’usage détourné qu’il apporte s’accommode de l’aménagement. Recoins, interstices, centres d’affaires vides (la nuit par exemple), impasses, espaces. Nous avons constaté qu’ils (les skateurs) produisent de l’espace par les mouvements qu’ils effectuent sur des objets a priori inappropriés (Borden, 2001). La création d’espace qui résulte du détournement des objets et de l’appropriation spatiale peut s’avérer être une véritable plus-value pour certains de ces lieux, délaissés, aussi bruts que peu usités. S’ils acceptent de s’attarder en des lieux à l’aménagement minimal, c’est parce qu’ils profitent aussi de l’étendu de plat pour leur pratiques. Eux restent là où les autres ne font que passer. Lorsque Jean-Noël Consales, maître de conférences en urbanisme et paysage, dit que « ce qui fait qu’un endroit est un lieu, c’est que l’on peut le nommer »3, nous pouvons identifier comme des lieux de nombreux aménagements connus sous le nom d’usage que leur ont donné les skateurs locaux. Certes nous avons vu que tous les spots reçoivent un nom d’usage, mais certains deviennent même des références après que des vidéos tournées sur place les ont montrés sous un jour nouveau. C’est le cas de nombreux sites, mais l’exemple d’Islais Crek Promenade à San Francisco est probablement l’exemple le plus parlant.

It is known as Third and Army by skateboarders. Longshoreman call it Pier 84. Locals just think of it as Islais Creek. No matter its name, it is an area experiencing ongoing urban and environmental renewal. _ s.n. www.artandarchitecture-sf.com/

C’est une promenade aménagée à l’initiative de l’association Friends of Islais Creek4 dans une crique portuaire dévastée par le tremblement de terre de 1906. Chaotique, sauvage, peu attractive, cette crique a accueilli d’importantes usines avant d’être une zone désertée à cause d’un environnement trop dégradé et incertain. Lors d’une manœuvre accidentelle des employés de la Muni ont percé une conduite d’évacuation. Les eaux usées se sont déversées dans les eaux de la crique, rendant celle-ci totalement insalubre et infréquentable car polluée. Les services d’aménagement de la ville et les riverains

1 Dans le droit à la ville, le philosophe Henri Lefebvre constate que la ville nouvelle, produit du fonctionnalisme, oublie précisément une fonction : la fonction ludique (celle-ci propose une réappropriation du centre-ville et s’oppose à la fonction « se récréer » du mouvement moderne).2 Monnet Jerôme ; Ville et loisirs : les usages de l’espace public. Historiens et géographes, juillet-août 2012, n°419. p. 201-3 Par opposition ce que l’on ne peut nommer est un non-lieu.4 Soutenue financièrement par le Sierra Club, la compagnie municipale des transports (Muni), le département des travaux publics, la commission des équipements publics, le port de San Francisco et la société Caltrans.

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ont toutefois lutté pour que le paysage soit valorisé et les berges aménagées. Après un travail colossal, des aménagements ont permis d’accéder à nouveau aux berges et de profiter du spectacle unique de cette crique à l’intérieur des terres. La promenade aménagée à cette occasion propose une sorte de minimalisme dans la forme, qui fait écho à la simplicité des matériaux. Pourtant le style emprunte à la fois au brutalisme et au modernisme dans l’étendue des dalles et les boursouflures de béton peintes en gris, mais aussi au style art-déco dans la rondeur des épaisses rambardes d’acier blanches (qui rappellent l’univers maritime) et des épaisses marches grises. Minérale, nue de toute végétation, la promenade dégage une idée de la désolation nuancée par des effets de style quasi-artistique. Purement fonctionnelle, cette œuvre à la gloire du béton aura son heure de gloire en tant que témoin d’une époque mais surtout en tant qu’exemple de génie de la banalité. Bien que celle-ci soit peu visuelle, peu visible en fait, et forcement peu attractive, les détails que l’on y découvre ne cessent de questionner notre curiosité et de faire appel autant à notre bon sens (« pourquoi ? ») qu’à notre imaginaire (« et si… ? »), et d’y attribuer malgré tout un charme magnétique... Cette promenade est décrite comme « a semi-abandoned concrete promenade, along a canal on Tulare Street » par un blogueur du site CBSSF. Il est vrai que le contexte, un site anciennement industriel délaissé, invite plus à la mélancolie et la désolation qu’à l’enthousiasme. Et pourtant, la promenade va connaître une fréquentation record à partir de 1995. Selon une rumeur rapportée par Skateboarders Magazine, c’est en recherchant un nouveau spot, peu après la destruction de la place Justin Herman, que Mike Carroll, skateur professionnel, a découvert le potentiel de la promenade comme terrain de jeu (Stecyk, 1975). Les gros murets, les bancs de béton formant un sol bloc linéaire, les marches épaisses et longues, les gros tuyaux d’acier en enfilade, et cette configuration de l’espace, 300 mètres de dalle de béton lisse, sont chargés de promesses athlétiques et acrobatiques. Très vite Islais Creek Promenade apparaît dans les vidéos, et, de façon systématique et cyclique, les skateurs affluent, d’abord de la ville, puis des Etats-Unis, puis du monde entier. Les skateurs l’appelle « third and army », pour sa proximité avec le croisement de Third Street et d’Army Street (devenue Chavez Street), bien que physiquement elle ne donne sur aucune des deux. La reconnaissance de ce lieu est telle, qu’il est aujourd’hui indissociable du skate, dans sa fonction, comme dans la gazette du quartier1. Véritable skatepark en gestation2, la promenade a atteint le statut de lieu, voire de haut-lieu (Adamkiewicz, 2010), le jour où les skateurs y ont posé leur planche. Pour nous convaincre, en dehors d’une visite sur place, une simple recherche sur le moteur de recherche www.google.com fait ressortir cette appropriation aussi surprenante qu’ordinaire3 : pour trouver des images de la promenade, la recherche « third and army skate » donne plus de résultats que « Islais creek Promenade ». Depuis 1995, l’association Friends of Islais Creek tolère les skateurs (qui ont au passage « amélioré » certaines parties du spot) à condition qu’ils ne laissent pas de déchet, ou qu’ils ne taguent pas les murs.

1 Cf. Annexes.2 Jusqu’au jour où ses qualités intrinsèques sont révélées.3 Surprenante car inopinée, ordinaire car les skateurs ont ce désir de vouloir connaître le moindre recoin de leur ville.

fig.28 La promenade d’ «Islais Creek». Source: http://www.whyelfiles.com/wf-navigator/2013/02/16/3rd-and-army .2014

fig. 29. Comment une promenade s’est transformée en skate-park. Source:. https://www.flickr.com/photos/bartondamer. 2009

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Dans la même ville, les skateurs ont également transformé (aussi fait d’) une ancienne installation militaire en skatepark. Fort Miley a été le spot apparaissant dans presque toutes les vidéos filmées à San Francisco entre 1990 et 1995. C’est une ancienne réserve militaire, construite entre 1899 et 1906, et presque entièrement détruite en 1935. Ce qu’il reste de Fort Miley est un entrepôt de stockage dont le toit semble être tout droit sorti de l’imagination d’un concepteur de skatepark.

Plus près d’ici, la ville de Bordeaux possède une très jolie promenade, à côté du palais de justice. Plantée d’arbres disposés en alignement le long d’un mail, elle est agrémentée de bancs à l’ombre, d’un bassin qui apporte de la fraîcheur au site et dans le revêtement sont insérés des plaques de métal sur lesquelles sont inscrits les articles de notre Constitution. Située sur l’arrière du palais de justice, elle offre également une vue sur l’imposante tour du fort du Hâ1, cependant bien intégrée à l’échelle de la composition. Une halte agréable, autant qu’un lieu le long duquel on passe mais où on s’arrête peu. Entre la tour, le tribunal et l’alignement d’arbres, est aménagée une grande surface, aérée et dégagée. A proximité du bassin se trouve nt des range-vélo, et l’accès par ascenseur au parking souterrain. Le reste de l’espace est vide. Cependant, son aspect lisse et ses bancs attirent les skateurs locaux les dimanches après-midi. Pourtant, il est bien fermement stipulé, par un panneau que le skateboard est interdit. « Et si tu te fais prendre par la police municipale c’est 60 € d’amende » dit Léo, écœuré2. Il n’y a rien à dégrader sur cette place, le mobilier de pierre est inaccessible au débutant et peu utilisé par les skateurs expérimentés, juste une grande dalle lisse et plate. « On vient ici tous les dimanches, c’est grand, il y a de la place, ça roule et on dérange personne ». Si ce n’est les riverains, qui se sont plaints de bruit à la nuit tombée. Pourtant c’est bien le jour que les contraventions sont distribuées. Lorsque nous nous sommes rendus sur les lieux, le temps de quelques photos, la place était très animée malgré le repos dominical et les congés d’été, des touristes se sont arrêtés pour photographier le cadre, les skateurs ou les deux.

1 Vestige du Fort détruit, à la place duquel se trouve l’actuelle École Nationale de la Magistrature.2 Cf. entrevue Léo Valls en annexe.

fig; 30. Le bâtiment de stockage de Fort Milez. San Francisco.Source : Sean King.2007

fig. 32. Le parvis du Palais de Justice. Vide. Source : M.S. 2014

fig.31 Comment une promenade s’est transformée en ska-tepark. Source : Sean King. 2007

fig. 33. Des Skateurs bravent l’interdiction. Source : M.S.2014

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Un autre groupes de skateurs est passé, s’est arrêté un moment et puis est reparti ; la fiabilité du point de rencontre évite d’innombrables appels téléphoniques pour savoir où, quand et qui rejoindre. Une fois tout ces jeunes gens repartis, ils ont laissé la place comme ils l’ont trouvée, spacieuse, vide et inanimée.

2.3.3 Un œil sur la rue

Dans le cas de « third and Army », les skateurs ont non seulement révélé le lieu et ont largement participé à sa reconnaissance mondiale, mais ils ont également rendu plus sûr un site à l’écart de l’animation de la ville, et donc potentiellement territoire d’accueil de pratiques marginales. Selon le constat de Jane Jacobs1, plus il y a de personnes sur un espace public et plus celui-ci est sûr ; une exposition au regard, l’œil sur la rue, gêne les éléments perturbateurs et apporte un sentiment de sécurité. Cet œil sur la rue, c’est précisément ce que cherchent à éviter ceux qui profitent de l’absence de passage et d’observateur pour des activités illégales, prostitution, vente ou prise de drogue, pour ne citer que les phénomènes les plus courants. La présence de skateurs seulement, ne serait pas nécessairement une contrainte pour ces activités, puisque ceux-là sont plutôt considérés comme des marginaux que comme des citoyens responsables. Mais, d’une part les clients potentiels tiennent à rester à l’abri des regards, et d’autre part, une activité comme le skate est non seulement bruyante, mais elle peut attirer l’attention de la police et la faire venir rapidement sur place. A rebours les skateurs sachant pertinemment que ces activités peuvent être surveillées estiment qu’elles n’ont pas leur place sur leur territoire et les en chassent lorsqu’elles n’ont pas déjà disparu. C’est le cas à « third and army »2, c’est le cas à Portland3, ça a été le cas à Justin Hermann Plazza. A côté de la place se trouvait un autre spot appelé l’hubba hide-out. C’est un escalier avec grosse main courante, sur lequel des centaines de skateurs se sont fait photographier en train de descendre en skate. Le nom que les skateurs lui ont donné signifie littéralement la planque (hide-out) des dealers (hubba en argot américain). En effet cet escalier très peu emprunté débouchait sur une place de briquettes rouges, déserte la plupart du temps. La configuration du lieu le rendait totalement invisible depuis l’extérieur, et donc idéal pour la vente de produits illicites, d’où le nom logiquement trouvé. Depuis que les skateurs l’ont investi, les dealers en sont partis. Sur la Place JFK à Philadelphie où le skate est interdit et passible d’une amende de 300 €, les riverains regrettent la présence quasi permanente des jeunes pratiquants qui assuraient une présence sécurisante le soir.

1 Jacobs Jane. Déclin et survie des grandes villes américaines. Marseille: Edition Parenthèses. 2012. (Collection Eupalinos).2 Où les riverains ne souhaitent pas que le skate soit interdit.3 Où des skateurs ont construit un véritable skatepark sous un pont, permettant à un délaissé urbain d’être habité.

fig 34. L’hubba Hide-out, anti-skaté. San Francisco. Source: Nobuo Iseki 2006

fig.35. L’hubba hide-out, désanti-skaté. San Francisco. Source: Sean King. 2007

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2.4 … Ou une « pathologie urbaine » ?Indésirables, exclus, les amateurs de sensations fortes sur le mobilier urbain ont des difficultés à trouver un endroit qui leur offre du confort sans les cadrer. Pourquoi investissent-ils autant d’énergie et de temps dans ce qui semble n’être qu’un hobby comme un autre ? Sans doute parce que le skate n’est peut-être pas qu’une pratique sportive, même si elle en a de nombreuses caractéristiques. Découverte de soi, découverte des autres, découverte de la ville ; mais aussi rencontres imprévues, soirées improvisées et aventures urbaines. Plus qu’une équipe de sport, un groupe de skateur a des airs de tribu moderne. Avec des codes, des comportements et des pratiques que les personnes de l’extérieur ne comprennent pas. C’est sans doute une des raisons pour laquelle les municipalités ont parfois du mal à établir le dialogue, et lorsqu’il est engagé, à écouter ; et surtout à comprendre. Nous avons montré que les skateurs ont un attachement à la ville qu’ils ne savent pas exprimer autrement que dans l’exercice de leur passion. Nous allons essayer de comprendre à présent comment les acteurs de la fabrique de l’espace urbain perçoivent cette pratique qu’ils admettent sans la tolérer. Pour cela nous allons établir un inventaire des problèmes que le skate peut générer, et dans un deuxième temps comment y répondre.

2.4.1 Des symptômes avant-coureurs

Nous passons ici en revue les raisons pour lesquelles le skateboard est considéré comme un trouble à l’ordre public, motif généralement invoqué pour son interdiction.

Le bruit

Un des inconvénients majeurs de la pratique du skateboard, celui que l’on perçoit avant même d’être confronté aux skateurs eux-mêmes est probablement le bruit que produisent les planches. Un des problèmes en terme de bruit provient de la réalisation des figures, ce pour quoi on l’utilise. Bien sûr le claquement du bois sur le sol lors de la détente retentit sèchement et peut être gênant dans un environnement calme ; mais le plus bruyant est probablement l’atterrissage raté sur la planche, véritable détonation résonnante où la planche vient frapper le sol sous le poids de l’athlète retombant. Les échecs représentant tout de même la majeure partie du challenge (sinon la réussite n’est pas triomphale), ce sont aussi des bruits de raclement, voire de crissements de roues que subissent les riverains. Un skateur chevronné qui enchaîne les figures proprement et les atterrissages amortis sur les roues est nettement moins bruyant qu’un skateur débutant. Si l’on y ajoute la dimension esthétique, il est évident que le spectacle quelque peu ridicule des figures ratées s’ajoutant aux bruits indigestes de la planche retombant sur la tranche ou le bois, ne créent pas des conditions de partage de l’espace (physique et sonore) idéales. Les riverains de la rue Cladel à Paris en payent le prix actuellement1 ; bénéficiant de la présence de module de glisse dans leur rue, piétonne, ils ont constitué une association pour dénoncer la pratique du skate le soir, et le bruit des planches particulièrement audible dans une rue sans circulation. « Il faut qu’on puisse souffler, que l’on puisse aussi ouvrir nos fenêtres » demande Elisabeth Garcia au nom du collectif de commerçants, riverains et usagers de la rue. Le bruit du skateboard peut sembler, pour quiconque ne fait pas de skate, être une nuisance, voire une agression. Il y a tout d’abord le claquement de la planche au sol, qui se produit aléatoirement mais de façon répétée et incessante. Ce bruit sec qui retentit plus ou moins fort selon la configuration des lieux peut s’avérer particulièrement gênant pour les riverains, qu’ils habitent là ou qu’ils y travaillent. Par ailleurs, au delà du bruit des skateurs sédentaires, qui restent sur un spot, le skate produit également diverses sonorités lorsqu’il roule, sonorités qui varient selon la nature du revêtement.

1 « Les skateurs glissent, les voisin subissent » in Le parisien du 19 février 2013

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Les vibrations d’une planche en mouvement résonnent dans le bois et produisent plus ou moins de bruit en fonction du revêtement : bitume, enrobé, pavés plats, dalles de marbre, béton ciré, béton brut, plaques de fonte, pavés autobloquants, briquettes, etc. Des plus lisses aux plus rugueux, ces matériaux offrent une accroche variable. Plus elle est importante (exemple sur un marbre lisse ou un béton ciré), plus l’effort de poussée est faible et plus le bruit est sourd et « agréable », et inversement. Même un skateboard de bonne facture ne permet pas de s’affranchir d’un bruit caractéristique, à la limite d’un bruit de raclement, lorsque l’on roule sur une chaussée d’enrobé. Mais ces matériaux sont également soumis à des principes de pose qui nécessitent des raccords, lesquels créent des interstices plus ou moins importants, et plus ou moins espacés. A chaque interstice, raccord, transition, les roues produisent un claquement, qui se transforme en pétarade dès que l’on passe sur des pavés, par exemple. La vitesse joue sur le rythme de ce martèlement involontaire mais non accidentel. Les bruits de roulement des skateboards se fondent très bien dans le volume sonore que génère le trafic automobile ou la rumeur de la ville (sonneries de téléphone, conversations, tramways, klaxons, haut-parleurs commerciaux, cris d’enfants, travaux,...) mais ils sont plus problématiques dans les zones apaisées. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a été interdit devant le palais de Justice à Bordeaux, où les riverains se sont plaints du bruit, notamment à la tombée de la nuit1

Le skate dérange à cause du son qu’il crée, et de l’espace sonore qu’il occupe, mais aussi par la stupeur qu’il provoque. C’est un son qui surprend par son agressivité, et qui provoque un stress par anticipation. Le bruit qu’il produit induit une vitesse, or le différentiel de rythme peut être ressenti comme une agression par les promeneurs, flâneurs et piétons rêveurs. Le bruit du skateboard est à la fois gênant par ce qu’il est, mais aussi par ce qu’il dit.

Un sentiment d’insécurité

Le skateboard a aujourd’hui adouci son image de sport rebelle2. Cependant son aspect grégaire, son interdiction réglementaire par endroit, et sa culture flirtant parfois avec le nihilisme, ont largement contribué à lui coller une réputation sulfureuse et le dépeindre comme étant une pratique à la limite de la délinquance3. Cette réputation volontaire ou involontaire suffit cependant à créer un malaise chez le passant, d’autant que celui ci peut être considéré comme une gêne occasionnelle. Il est vrai que l’espace que s’approprie le skateur lui paraît comme légitime car chaque élément du parcours lui est fonctionnel. Il est donc peu partageur lorsqu’il se lance pour exécuter une figure. Il se revendique propriétaire de sa trajectoire le temps de son exécution ; prioritaire par l’exercice en cours, et l’inertie. Cela n’aide pas toujours au partage équitable de l’espace. En outre, le skate, avant l’apparition des premiers vrais skateparks4, se pratiquait sur des spots qui devenaient d’emblée des territoires appropriés. La fontaine des Innocents à Paris, la place de l’Hôtel de ville à Lyon, le conservatoire André Malraux à Bordeaux, le Palais de Tokyo à Paris … ces spots mythiques des années 1990 étaient des lieux de pèlerinage, pouvant devenir des lieux de conflit5. Regards soutenus, railleries, imitations, intimidations, coupures de trajectoire, interjections6 : la mise en scène du contrôle des lieux crée des tensions et un climat anxiogène. Le phénomène de « la bande » peut aussi inciter des individualités correctes et éduquées à s’emparer des codes de la petite voyoucratie et abuser d’incivilités, regards sombres et jurons à l’égard des passants. Cela est d’autant plus facile que la planche à roulettes peut se transformer en un clin d’œil en arme de combat de rue des plus barbares. Le film de Larry Clarck, Kids est très démonstratif à ce sujet.

1 Cas évoqué par Vincent Ernoult, responsable de la vie urbaine et de la proximité à Bordeaux.2 « Now that every ones loves skaateboarding and it’s on every tv ... » annonce une publicité pour un skate libre de la compagnie Real. 3 Georges Bush, alors Président des Etats-Unis, a déclaré à propos des skateurs : « Just thank God they don’t have gun. » in Thrasher Magazine, 1992.4 Ceux conçus par des personnes compétentes dans les domaines nécessaires (architecture, ingénierie, skateboard).5 Dans un article sur la place Justin Hermann à San Francisco, Thrasher Magazine rapporte que l’ambiance n’était pas « cool » et qu’il y avait des bagarres quotidiennes.6 Situations vécues et rapportées, et ne concernant que Paris.

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Dans les faits divers, les accidents reportés sont surtout les accidents mortels suite à une collision entre un skateur et un véhicule motorisé. Néanmoins, les vidéos de skateboard des années 1990 sont riches de rixes entre skateurs et passants/justiciers ou gardiens1 ; la planche, si elle ne sert jamais d’arme car elle tue, représente une menace des plus dissuasives. Pour autant, concernant l’insécurité, il s’agit moins aujourd’hui de la menace d’intimidation ou de querelle que de la menace, justifiée, du choc accidentel. La vitesse du skateur lui donne une inertie qui rend délicate la maîtrise totale des mouvements, et dangereuse la collision avec d’autres usagers. Enfin, il peut aussi arriver qu’un accident du revêtement stoppe net la planche et fasse trébucher le skateur, qui par contre-poussée projette la planche. Le skateboard projeté violemment peut blesser une personne se trouvant sur la trajectoire. Cette peur panique nourrit bien évidement l’esprit dès que le bruit spécifique du skate se fait entendre sur l’espace public.

Des dégradations

Mais si le skateboard, qui ne blesse généralement que celui qui est dessus, est aussi peu souhaité dans sur les espaces publics, c’est surtout pour les dégradations qu’il occasionne sur le mobilier, l’architecture, les ouvrages ou encore les œuvres publics2. Nous séparerons ces dégradations en deux catégories :

- les salissures :

Elles sont soit dues à la pratique du skateboard, ou sont une conséquence de la présence des skateurs sur les lieux. Dans un cas, nous remarquons que toutes les pièces du skateboard peuvent laisser une marque (le caoutchouc des roues, le métal des essieux ou la peinture du dessous de la planche3) ; dans l’autre il s’agit soit de déchets laissés sur le site, ou de marques d’appropriation tels que des autocollants, des traces de marqueur ou de bombe aérosol.

- les altérations :

Ce sont des traces d’érosion non naturelles, généralement dues à la glisse sur les trucks4, le grind (grind signifie moudre en anglais). Les trucks sont des pièces d’acier, qui par le poids et la vitesse arrachent de minuscules éclats de pierre ou de béton. Les passages à répétition des skateurs ont généralement pour effet d’arrondir des arêtes à angle droit, mais également de « creuser » la ligne droite, à la façon des marches usée d’un escalier.

Ce type de dégradation est un réel problème pour les municipalités, mais aussi pour les sociétés privées qui ont la responsabilité des ouvrages se trouvant sur l’espace public. Que ce soit le bien privé ou le bien public, la dégradation, même si elle n’est que partielle et superficielle est une raison évidente de vouloir chasser les skateurs des lieux susceptibles de les attirer, et d’être abîmés. Fabien Pedelaborde, architecte, affirme que c’est « assez désagréable de voir l’espace que l’on a conçu, dégradé dès son inauguration5 ». Ce vieillissement accéléré, volontaire mais pas forcément souhaité, est une vraie source de tracas pour les aménageurs de l’espace urbain et pour ceux qui en assurent la maintenance (ou en payent les dégradations).

1 Le degré de lecture de ces séquences dérangeantes et démagogiques est subtil à définir. Cependant pour la compagnie qui vend la vidéo l’effet est triple : posture rebelle, posture nihiliste et effet marketing garanti.2 Roth Wiggin Vanessa et Bicknell Leanne. For us this things are more : skateboard and public art. AICCM Bulletin, 2011, volume 32. pp 163-1703 Les dessins (autrefois sérigraphiés) des dessous des planches de skate constituent un trésor d’art graphique et de pop culture inimaginable, et font régulièrement l’objet de livres et d’expositions.4 Les essieux supportant les roues.5 Cf. entretien Fabien Pedelaborde en annexe.

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Le mobilier, les ouvrages coûtent cher et sont là pour contribuer à une certaine qualité urbaine. Aussi est-il préférable d’en prévenir la dégradation plutôt que d’en supporter les réparations ou le remplacement. Du côté des skateurs, le principe de dégradation est assez flou. Certes ils ont conscience d’abîmer le mobilier, mais aussi de lui apporter de nouvelles fonctions. Et la notion de dégradation due à un jeu, un sport, ne semble pas mauvaise (Borden, 2001 et Howell, 2001), puisqu’elle n’est qu’une conséquence de ce jeu, et non sa raison d’être. Certains, adeptes du slogan « skate and destroy », estiment que c’est une posture punk, que l’altération du mobilier est inéluctable, que ce soit aujourd’hui ou dans 20 ans. Enfin, une quelques poètes y voient plus un hommage au monde dans lequel ils vivent, aux paysages dans lesquels ils évoluent. Les dégradations occasionnées ne sont pas plus laides que la publicité qui envahit leur ville, pas plus laides qu’un urbanisme libéral qu’ils rejettent, et aussi belles que les stigmates de la ville vieillissante dans laquelle ils aiment plus que tout dériver.

2..4.2 Prévenir, contraindre, punir : quelle réponse apporter aux problèmes d’usage ?

Le skateboard en ville n’est pas que le jeu, l’animation, ou le détournement. C’est aussi une donnée d’usage supplémentaire à ajouter à la liste des usages attendus, plus conventionnels et plus fréquents. Il appartient donc aux différents acteurs de la fabrique urbaine d’intégrer cette donnée dans la programmation, la commande, la conception et la gestion des espaces publics. Pour Jean-Philippe Gardère1, directeur du service de la voirie de la Ville Bordeaux, le cas du skateboard est effectivement complexe à gérer. Complexe car il faut traiter avec intransigeance, pour être efficace, une pratique appréciée des plus jeunes, donc des plus inconscients, et dont la menace n’est que potentielle2. Dans tous les cas, c’est le confort du plus grand nombre qui importe, et les municipalités ne veulent pas prendre des chemins de traverse : pour aller du point A vers le point B, le chemin le plus rationnel est la ligne droite. Pour gérer le problème du skate, il faut tout d’abord que le skateur comprenne où il n’a surtout pas le droit d’en faire. Pour cela il existe trois façons de procéder :

Prévenir

Pour éviter les dégradations sur le mobilier, la première solution est, lors les choix d’aménagement d’envisager des formes architecturales qui préviennent un usage malveillant. Cette stratégie appartient au domaine du design des espaces publics appelé prévention situationnelle3. «Depuis quelques années on prend en compte les « pathologies urbaines » dans les aménagements, on évite les formes immédiatement prises d’assaut par les skateurs, les coins à pisse ... »4.

1 CF. Entretien Jean-Philippe Gardère en annexes.2 Se déplacer sur un skate est un usage accepté sur les trottoirs, le skateur est considéré comme un piéton.3 Issue des travaux de recherche de Ronald Clarck, professeur en criminologie dans le New Jersey, qui a développé dans les années 1980 la théorie du choix rationnel. Selon cette théorie, l’environnement immédiat a une influence sur la propension à passer à l’acte (malveillant).4 Samuel Stambul, architecte chez Constructo, à propos de l’émergence de la notion de pathologie urbaine dans la maîtrise d’ouvrage/d’œuvre. Propos recueillis en 2011 à l’occasion d’un travail de recherche précédent.

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Le revêtement du sol peut être une solution apportée pour empêcher la glisse par exemple. Lorsque Jean-Philippe Gardère évoque la place Jean Moulin à Bordeaux, nous saisissons le rapport tendu entre skateurs/aménageurs, qui doivent les uns et les autres recourir à des contournements permanents, à la façon d’une bataille psychologique.

«Les skates s’étaient appropriés le mobilier de la place voisine. Les mêmes bancs ont été posés sur la place Jean Moulin. Mais la différence se trouve au sol. Place Jean Moulin ce sont des pavés, pas des dalles. Les stries rendent leur pratique plus inconfortable.» Jean-Philippe Gardère, Directeur des espaces public et de la voirie à la ville de Bordeaux.

Ou alors cela peut se traduire par l’absence de mobilier incitatif, tout simplement. Ainsi Fabien Pedelaborde, qui a dessiné le cours Victor Hugo regrette la faible quantité de bancs que l’on trouve sur le cours. Cependant il reconnaît

Nous avons pu mettre 3 beaux bancs habillés par des artistes à proximité de la rue Sainte-Catherine. A peine une journée après leur pose les skateurs étaient déjà dessus. Sur une autre place que nous avons conçue, les bancs installés ont été enlevés préventivement, à la demande de la mairie. Fabien Pedelaborde, architecte1.

Il faut ici nous interroger sur la question de la politique des usages que l’on souhaite développer: les bancs sont indispensables à la qualité, au confort des espaces publics, peut-on les supprimer au nom de l’ordre public ? La question est plus pernicieuse qu’elle n’en a l’air. Car si en effet, les skateurs apprécient particulièrement les bancs de marbre, ces bancs attirent aussi d’autres personnes que la société ne souhaite pas voir : sans domicile fixe, vagabonds, mendiants2, …

Contraindre

C’est probablement l’aspect le plus dérangeant dans l’escalade entre les deux parties : le dispositif dit « anti-skate »3. Le principe est de rendre impossible la pratique du skate par une transformation subtile du mobilier ou de l’aménagement. Plus ou moins subtile, car ce dispositif, qui saute aux yeux des skateurs attentifs, peut ne pas éveiller le moindre soupçon de l’affrontement qui se déroule pour le passant lambda. Plus ou moins subtile, car ce dispositif, conçu et vendu par des sociétés bienveillantes, se veut une façon élégante de proposer une réponse efficace, immédiate, aux nuisances du skate. Il s’agit ni plus ni moins d’évincer les indésirables en leur mettant littéralement des « bâtons dans les roues ». La manière la plus usitée est de recouvrir les parties à protéger, les arêtes, d’éléments métalliques en forme de L, qui s’emboîtent sur le profil, fixés avec des vis, de la colle et appelés « pig ear ». Il s’agit aussi parfois de coller des barres de métal de façon aléatoire mais rapprochée sur une surface lisse, ou même de tailler des encoches sur l’arête. Dans le court-métrage Qui sera le maître ? Raphaël Zarka, enseignant en Ecole des Beaux-Arts, artiste plasticien et pratiquant, cite les cas du sabotage de l’architecture de Ricardo Bofil à Montpellier, où les gestionnaires de l’espace public ont simplement découpé des stries à la meuleuse dans les arrête des murets pour empêcher « toutes dégradations ». La pratique du skate justifie-t-elle ce sabotage/sabordage ? Barbare, cette méthode offre l’avantage ou l’inconvénient d’être quasiment irréversible. Que ce soit par la striation, ou l’adjonction d’anti-skate, on se rapproche des fameux systèmes défensifs qui rendent impossible la station horizontale sur les bancs, devant les magasins, ou devant les entrées d’immeubles.

1 Cf. entrevue Fabien Pedelaborde en annexe.2 Nous avons observé en juillet 2014 que les bancs du cours Victor Hugo (un spot que les skateurs appellent « Darty ») étaient occupés par une population marginale accompagnée de chiens. Entre ces deux groupes tribaux un roulement de fait s’est imposé, quand les uns y sont, les autres n’y vont pas.3 L’anti-skate a officieusement donné lieu à une désinence verbale, les skateurs disent qu’un spot a été « anti-skaté ».

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Ces aménagements peuvent parfois s’avérer à la fois inutiles et dangereux. Dans le cas des spots du quartier Meriadeck à Bordeaux par exemple, un aménagement visant à gêner la glisse est au contraire transformé en parcours d’obstacles par/pour les skateurs. L’anti-skate, abhorré des skateurs tant il semble pervers, est généralement d’une redoutable efficacité. La transformation d’une architecture nette et accueillante en objet inutile et repoussant est-elle une nécessité ? L’entrave est mauvaise dans le sens où elle est une réaction ostentatoire et provocante, brandie comme un décret interdisant tout usage non souhaité, mais sans se dévoiler au regard de tous. En occupant une surface minimale, la gêne est maximale. La violence subie n’a d’égale que celle qui consiste à les enlever à l’aide d’un levier, type pied de biche. La pratique est peu courante en France, mais quelques fois exercée aux Etats-Unis1 (Nettleton, 2014), lorsqu’une production vidéo le nécessite. Au-delà de la contrainte pour le skateur, l’anti-skate nous évoque surtout la violence de l’architecture défensive en tant que telle. Au travers de cette stratégie visant à protéger le mobilier, nous lisons le filtrage des usages, et donc des personnes, autorisés à tel ou tel endroit. L’exemple flagrant est un type de muret-banc couvert de plusieurs barres dans le sens de la largeur. On s’assure ainsi que le banc ne servira pas de module pour les skateurs, mais au passage on le rend impraticable, du moins très inconfortable, en station horizontale. Peu à peu, en développant les dispositifs anti-indésirables, on développe un urbanisme de l’exclusion. Il nous semble que c’est le désir de plus de sécurité qui devient alors une pathologie urbaine. Allant à l’encontre des principes de l’œil sur la rue de Jane Jacobs, ou de l’espace défendable d’Oscar Newman2, les théoriciens3 de la prévention situationnelle préconisent au contraire un espace facilement contrôlable et organisé en premier lieu par/pour la sécurité.

1 Par apport à la notion de tactique de de Certeau, il s’agit presque ici d’une guérilla urbaine.2 Oscar Newman. Defensible space. People and design in the violent city. 1972.3 Ronald Clarke et la théorie du choix rationnel, James Wilson et Georges Kelling et la théorie de la fenêtre cassée.

fig. 36. Une plaque de métal suffit à couper la course d’un skate. Source: M.S. 2014

fig. 38. «Remplir» un «coin à pisse», puis le rendre inska-table. Aménagement de l’absurde. Source: M.S. 2014

fig. 37. L’aménagement dissuasif se transforme en jeu de parcours. Source: M.S. 2014

fig. 39. Ceci était une piste de skate. Source: M.S.2014

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Punir

Enfin, il existe la réglementation pure et simple qui permet l’interdiction sur les endroits visés. Cette interdiction peut résulter de différents motifs :

- plainte des riverains

- constat de dégradation du mobilier

- simple mesure préventive selon la fréquentation des lieux.

Dans ce cas, le périmètre de jeu est déclaré zone interdite au skateboard, ce qui se traduit par l’installation de panneaux restrictifs. Une fois ces panneaux mis en place, la municipalité fait constater que l’interdiction est respectée par des rondes de police municipale, habilitée à verbaliser en cas d’infraction. Malgré une importante somme due, les amendes ont du mal à dissuader de cette pratique interdite tant elles semblent illégitime aux yeux des premiers concernés. Pour Léo Valls, ça ne peut pas fonctionner : «Ils nous mettront des amendes, mais on continuera à skater, pour leur montrer que ça ne sert à rien, que ce n’est pas la bonne solution.»1

Les municipalités ont leur part de responsabilité quant à ce qui se passe sur la voie publique dont elles ont la gestion. Ce sont elles qui nettoient quand il y a des déchets, elles qui ont la charge d’évacuer l’eau, elles qui doivent faire en sorte que la circulation soit assurée. A ce titre, ce sont aussi elles qui veillent à la sécurité des usagers de la voirie. C’est pourquoi elles fixent un règlement de voirie, qui, comme la loi, est censé être connu de tous les usagers. A Bordeaux, le règlement est simple, le skateur est considéré comme piéton, il lui est donc, en principe, interdit d’emprunter la route, et interdit de « jouer » dans les zones protégées par un panneau « interdit au skateboard ».

1 Cf. entrevue Léo Valls en annexe.

fig. 40. Simple, mais efficace ? Source : M.S.2014 fig. 41. Arêtes errodées.. Source : M.S.2014

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Conclusion de la partie II

Plus qu’un simple jouet pour adolescents désoeuvrés, le skateboard envahit la vit des pratiquants comme il envahit les centres-villes. Pour le pire, et pour le meilleur. Le skateur doit souffrir pour accomplir des performances, c’est peut-être à ce titre qu’il se permet d’en infliger à la ville. Pas franchement violent, mais pas tendre non plus, c’est avec patience et passion qu’il tente de maîtriser cet outil sauvage. Sauvage parce qu’il cherche les sentiers non défrichés, sauvage parce qu’il refuse de se plier à un règlement. Sauvage parce qu’on en a décider ainsi. Cependant, la maîtrise de la planche, une fois acquise, donne des « ailes » à celui qui sait s’en servir. Déconnecté du sol, il ne se déconnecte pas du cadre qu’il sait parfaitement analyser et dont il évalue le potentiel presque instantanément. Qu’il n’utilise pas le mobilier comme il est d’usage de le faire, peu importe, sa présence révèle déjà une forme de confort et le caractère ludique du lieu. C’est d’ailleurs pour cette raison que sa présence n’est pas souhaitable en certains lieux. Ces lieux dont l’image repose sur un fonctionnement humain maîtrisé, contrôlé. Joueur et passionné, le skateur n’est pas totalement irresponsable, et sait utiliser la forme de la ville à son avantage, que ce soit pour lui, ou pour montrer aux autres. Catalyseur d’ambiance et révélateur d’oasis urbaines (dans le sens de zone fertile en milieu aride), prisme de lecture et sous-culture, le skateboard redéfinit la notion de « ville pour tous » avec une insolente certitude. Celle d’apporter des réponses à des questions qu’on ne pose pas. Le skateboard souligne de ses courbes fluides les ambiguités de la forme et des usages urbains et nous invite à poser ces questions afin de mieux cerner la ville que nous voulons.

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III. La co-construction _ Faire la ville avec le skate

3.1 Bordeaux, si t’es skate …

3.2 Quand le skate fait tourner les bétonnières

3.3 Le skate dans les projets d’espace public: études comparées

«Skateboarding is not protest or activism, but is more like what Michel de Certeau described, in the Practice of everyday life, as a «spatial practice». Skateboarding is a «certain play within a system of defined places.»(1984, 106).» Ocean Howell. 2001

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Nous allons à présent observer l’impact que la pratique de skateboard peut avoir sur les aménagements urbains, au travers de l’exemple de notre terrain d’étude, la ville de Bordeaux. Nous commencerons par étudier le contexte historique, géographique et urbain au travers d’entrevues d’anciens skateurs1, une recherche documentaire sur l’histoire de l’urbanisme à Bordeaux, et un travail d’observation et de photographies in situ. Nous observerons ensuite ce qu’une communauté de skateurs peut apporter à la ville notamment en terme d’équipements de glisse, mais surtout d’espaces publics. Et enfin, nous étudierons comparativement la réalisation de trois grands projets de places publiques, et la façon dont le skate interagit avec, que cela soit voulu ou non. Les places étudiées sont d’anciennes places centrales et monumentales, à l’atmosphère pesante (en trafic ou en symbole), et qui n’étaient que de lieux de passages. Elles ont toutes les trois été réaménagées entre 2003 et 2013, et sont situées dans trois ville différentes.

3.1 Bordeaux, si t’es skate …La métropole Bordelaise possède une forte analogie géographique et culturelle2 avec le berceau du skate : la proximité d’un océan et le développement précoce d’une surf-culture régionale3. Fournie dès le milieu des années 1970 en skatepark de béton, la région est vite devenue une pépinière de jeunes talents de la glisse. Depuis cette époque jusqu’à aujourd’hui, la pratique du skate n’a jamais cessé à Bordeaux, croissant exponentiellement à partir du milieu des années 2000, jusqu’à l’explosion de la scène résumée dans le titre d’un article de Sud-Ouest : « Bordeaux, nouvelle place forte du skate en Europe »4. Pour reprendre l’analogie avec le sud Californien, c’est la coïncidence d’éléments conjoncturels et structurels qui a permis l’émergence de cette pratique.

3.1.1 Une ville marquée par la culture surf

Alors que les planches de skate arrivent en France par Biarritz, c’est à partir de Bordeaux qu’elle vont commencer leur conquête de la France. Le fait que les Bordelais aient un pied dans l’Océan, et la proximité de Biarritz, qui n’est qu’à deux heures de route, créent des échanges dans le petit milieu du surf. Passionnés de l’un ou enthousiasmés par l’autre, les amateurs se croisent en 1976 dans les deux premières boutiques qui vendent des skateboards. Or ces deux magasins, des surfshops, se trouvent l’un à Biarritz, et l’autre à Bordeaux. Les surfeurs sont nombreux dans la région, et ils vont être les premiers à expérimenter l’application des mouvements du surf de l’eau vers le bitume.

Dans un entretien, Gil de la Pointe, consultant en design5 pour Sole Industry et ancien skateur Bordelais, se remémore avec nostalgie ses débuts :

«Je décide de m’essayer au skate en 76 après avoir vu un reportage télé de 5mn sur le skateboard en Californie. J’ai été tout simplement fasciné par cette vision d’un monde nouveau : les courbes des skateparks en béton,(...) la vitesse, la gestuelle, la ressemblance avec le surf(...) j’habitais en banlieue, donc il fallait aller en centre ville et plus précisément ça se passait aux terrasses du Front du Médoc, quartier Mériadeck, à l’époque tout fraîchement rebâti, voire pas encore terminé.» Gil de la Pointe6

1 Tirées du site www.bordeauxcitéskate.com. Cf. annexes.2 Stéphanie Plasse et Laura Guien voient également une forte analogie entre Los Angeles et Marseille, dans un article intitulé « Marseille pourrait devenir la Los Angeles du XXIème siècle ? », consultable sur Slate, http://www.slate.fr/story/74591/californication-marseille-los-angeles.3 Bordeaux et Los Angeles sont également jumelées, et depuis 50 ans, et Bordeaux fait partie du réseaux des 25 « Sister-Cities » de la Cité des Anges.4 Laurie Bosdescher. Bordeaux nouvelle place forte du skate. Sud-ouest, 7/03/2012.5 Il est le créateur de la PAS House, un studio habitable et skatable.6 Gil de La Pointe – Concepteur de la PAS House. Cf. entretien en annexe.

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Encore une fois, le parallèle avec l’urbanisme fonctionnaliste de Los Angeles se révèle : c’est l’architecture moderniste du Quartier Mériadeck1, comportant une galerie commerciale, des immeubles de logements et des tours de bureaux sur une dalle, alors en chantier, qui offre la proposition de terrain la plus ludique. Les revêtements des allées surélevées offrent une meilleure adhérence que les rues pavées du centre ancien, les palissades de chantier et les parpaings permettent de créer des modules de fortune à plan incliné. Pratiqué la nuit, lorsque les ouvriers ne travaillent pas, le skate s’implante pour de longues cessions nocturnes, et durablement, de façon grandissante. Le quartier Mériadeck, et sa dalle appelée « Fronton du Médoc » forment ainsi les fondements du skate à Bordeaux. A partir de 1978, des skateparks sont construits dans la région, à Claouey, Saintes, Biscarosse. Les skateurs s’y retrouvent et commencent à former un petit réseau. Dans ce contexte, Jim Lalondrelle2 décide de venir s’installer à Bordeaux pour ses études après une rencontre avec des habitués de Mériadeck. Arrivé à Bordeaux, il se lance dans l’associatif, et va monter une rampe de skate avec le soutien de Monsieur Bines, l’adjoint au sport et à la jeunesse du Maire Jacques Chaban-Delmas. Dans la lancée il se lance dans la publication d’un fanzine qui fédère les skateurs français, et d’un événement, le « trophée bordelais ». Celui-ci connaît un tel succès que l’association va compter 150 licenciés, et que des Américains viennent à Bordeaux pour skater la rampe qu’ils ont créée. Celle-ci apparaît d’ailleurs dans la vidéo américaine Ban this. En 1991, Jim Lalondrelle, Gil de La Pointe et d’autres skateurs se lancent dans le réaménagement du skatepark de Claouey, et l’événement qu’ils y organisent reçoit de nombreuses teams américaines. Alors que les anciens se tournent vers d’autres activités, les jeunes futurs talents vont continuer à skater à Mériadeck, mais vont aussi fréquenter d’autres spots où s’entraîner, s’améliorer, rechercher la performance. Au cours de cette transition, marquée par la fin de l’ « ère Chaban », les projecteurs vont se tourner vers Lyon ou Paris3. Mais pendant que les jeunes skateurs bordelais exploitent l’architecture de Front du Médoc ou du Conservatoire, Alain Juppé, dont la mandature commence en 1995, veut réveiller la belle Endormie avec un grand projet qui prépare la métropole. Sa stratégie est d’une redoutable efficacité : avec les aménagements des espaces publics attenants aux lignes de tramway, il souhaite à la fois profiter d’un vide structurant majeur, la Garonne, pour faire sortir les Bordelais du centre, et réaménager les axes et places structurantes du centre pour le rendre plus désirable, le sortir de sa noirceur minérale. Les finalités étant de reconnecter le centre-ville à son fleuve, puis par extension à la rive droite, ancien site industriel et territoire de projet ; et de recomposer l’espace public autour des vides que comprend la trame urbaine dense. L’ouverture quasi simultanée des lignes A et B du tramway (2004/2004) permet de repenser l’espace public de la ville-centre dans son ensemble. Entre l’aménagement des quais de la Garonne (Michel Corajoud), et la refonte des cours Victor Hugo, Alsace-Lorraine et la Place Pey-Berland4, la ville connaît une mutation qui la rend plus désirable par ses habitants, et plus « roulable » pour ses skateurs. Entre la promenade des quais aménagée pour les modes actifs, les revêtements du centre et la pose d’un nouveau mobilier, surtout des bancs, la ville propose désormais une incroyable variété de terrains de glisse. Dans un premier temps, l’appropriation de la ville par les skateurs est plutôt un signe de réussite. L’animation, le spectacle, l’invention de l’espace qu’ils créent, fascinent, amusent, divertissent. Ils font vivre les aménagements dès leur inauguration. C’est spécifiquement à partir de cette époque que vont émerger les nouveaux visages du skate bordelais ; l’association « Board’O » est créée en 20045.

1 Cf. partie 3.1.3.2 Cf. entretien Jim Lalondrelle en annexes.3 Les skateurs influents de Paris ont presque tous des pro-modèles (une planche à leur nom) et les skateurs de Lyon se font connaître par une vidéo où ils réalisent des performances comparables à celles de professionnels américains.4 Cf. partie 3.3.3.5 Par Laurent Rosain, rugbyman professionnel, avec l’aide de jeunes skateurs bordelais, dont une des figures montantes Léo Valls.

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Lorsque des Bordelais se font sponsoriser par des marques d’outre-Atlantique1 c’est une consécration. La ville est de retour sur le devant de la scène. La construction d’un skatepark sur les quais de Garonne, en 2006, va littéralement faire tripler le nombre de pratiquants2. Le skateboard suscite un engouement tel, qu’en 2009, à l’occasion d’un événement de célébration de l’espace public, Evento, des skateurs sont amenés à investir la ville3, et assurent le spectacle pendant une semaine. En 2012, la marque de skate indépendante « Magenta skateboard » installe ses quartiers généraux à Bordeaux, suivie un peu plus tard par la rédaction du mensuel « Sugar », un magazine à tirage important sur le skateboard. Cette même année, à l’occasion d’une exposition, le Centre d’Art Plastique Contemporain fait installer une rampe de 40 mètres de long dans la double nef de l’entrepôt Lainé.Enfin, toujours en 2012, consécration de cette pratique par la ville, une rampe est installée place Pey-Berland devant l’Hôtel de Ville où se tient une exposition. Une exposition qui a pour titre : « Bordeaux, Cité-Skate ».

3.1.2 Réinventer le déplacement

En terme de politique urbaine, le skateboard devrait être considéré pour ce qu’il est d’abord, une planche à roulettes, un objet roulant. L’aménagement des quais de Garonne à Bordeaux tend à démontrer que la multiplication des modes de déplacement actif permet à chacun de trouver la façon dont il préfère se déplacer. Bande cyclable, bande cyclable rapide, revêtement lisse, revêtement brut, pavé... tous ces matériaux dessinent et fractionnent la largeur des quais avec des seuils subtils. Ainsi chacun se crée sa trajectoire selon son véhicule, selon sa vitesse, mais l’espace reste toutefois accessible à tous et partout. Cet espace de convivialité, où chacun doit aussi négocier sa place, est une sorte de laboratoire de la circulation apaisée. Il s’agit d’une promenade, certes, mais la bande circulatoire des quais est aussi une voie de distribution pour les quartiers du centre, puisqu’elle offre une continuité et un confort inégalé. Cet aménagement est une véritable démonstration de la part de la municipalité d’une volonté de développement des modes doux. D’ailleurs, la ville de Bordeaux vient de s’équiper d’une flotte de drôles d’engins appelés Pibal, dont la promotion est assurée par la petite quantité mise en service, la construction (Peugeot les assemble) et le design atypique : dessiné par Starck, le pibal est un hybride entre le vélo et la trottinette. L’effet est garanti : d’une part la ville de Bordeaux crée un désir d’utilisation du vélo au profit de ce type de déplacement, et en mettant à disposition cette bicyclette hybride, elle propose une nouvelle expérience urbaine. Rouler, freiner, patiner, sauter, pédaler... les combinaisons que permettent le Pibal, offrent de nouvelles possibilités d’exploration, de dérive ou de trajectoire. Aller à son travail, faire des courses, rendre une visite, deviennent autant d’occasions de prendre des chemins de traverses et d’essayer les interactions possibles avec l’environnement et les surfaces de roulement.

1 Professionnel pour la marque New-Yorkaise « 5Boro » Guillaume Dulout a une planche à son nom, sur la quelle est représentée une bouteille de vin.2 5000 en 2011. D’après Julien Chauvineau, Président de l’association Octopus et moniteur de skate, dans une entrevue avec Sud-Ouest en date du 15/11/2011.3 Cf. partie 3.2.3.

fig. 42. Le pibal: trottinette et bicyclette. Source : Élise Henry. 2014

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De fait, la ville fait volontairement la promotion des glisses urbaines, et doit immanquablement se poser la question de savoir comment elle doit aller plus loin dans ces nouvelles pratiques écologiques, économiques, ludiques et porteuses de vitalités urbaines. Il nous semble important de noter qu’entre les vélos pliants, les trottinettes à moteur, les gyropodes ou encore les longboards, les municipalités qui souhaitent encourager les modes doux doivent considérer que le skateboard est une alternative envisageable.

3.1.3 Une configuration qui favorise la glisse ?

Interrogés sur le l’importance de la pratique du skatebaord dans leur ville, des skateurs bordelais répondent systématiquement par architecture, espaces publics, et matériaux1. Bien que ces réponses soient souvent imprécises, nous pouvons affirmer avec eux que la qualité des revêtements de la voirie et les dimensionnements des aménagements urbains la rendent à la fois confortable et fluide. Quand aux traces sédimentaires des époques architecturales présentes à Bordeaux, elles offrent cette rugosité environnementale, ces points d’accroche, ces spots où les skateurs aiment à tenter des figures. Par ailleurs, l’ouverture des lignes de tramway a marqué le début d’une politique d’apaisement du centre-ville, que les piétons ont réinvesti. La fermeture de nombreuses rues du centre aux voitures, les difficultés pour se garer, la diversité des dispositifs de location de vélo, l’offre de transports en commun ont permis de réduire la circulation automobile. Cela encourage les modes actifs, et le skateboard trouve naturellement sa place en ville. Entre deux arrêts sur un des nombreux hauts-lieux de la pratique du skate, les déplacements en skateboard sont fluides et continus. « Le climat, l’architecture, la motivation des locaux, la tolérance des riverains, tous ces facteurs ont contribué à une scène anormalement développée pour une ville de cette taille. » Charley Pascal2

Entre les trottoirs pavés, les voies carrossables en bitume, le « site propre » du tramway, en dalle de pierre grise à peine rugueuse) et les rues piétonnes au revêtement de pierre claire et lisse, le passage se fait en douceur et en souplesse. D’ailleurs, la rue Sainte-Catherine, la plus longue rue commerçante d’Europe, vitrine de la ville depuis son lifting en 2003, offre les aspects d’une piste de glisse urbaine remarquable3. Paradoxalement les skateurs que l’on cherche à canaliser hors des lieux fréquentés sont plutôt bénéficiaires des chics pierres qui recouvrent les trottoirs et rues piétonnes du centre. Cependant, si le déplacement en planche à roulettes est autorisé sur les trottoirs et rues piétonnes, ce sont surtout certains spots qui attirent particulièrement les skateurs Bordelais. La vue d’avion p.45 référence les endroits que les skateurs rencontrés m’ont décrits comme incontournables, et les traces sur les arêtes des murets le confirme. Quelques exemples de lieux habités par les skateurs

1 Cf entrevues tirées du site www.cité-Skate.com et entrevue réalisée dans le cadre de ce mémoire en annexe.2 Rédacteur en chef du magazine Sugar. Dans Zut ! Printemps/été 2014.3 Cette rue fait l’objet d’un parcours en skateboard pour un numéro de Métropolis sur la chaîne franco-allemande Arte, consacré à Bordeaux.

fig. 43. La Communauté Urbaine de Bordeaux encourage tous les modes actifs. Source: M.S.2014

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Matériaux de la ville de bordeaux

fig 44. Une impressionnante sélection de revêtements (roulant) et de calepinage. Source : M.S.2014

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Bordeaux, Skate - City?

fig 45. Une localisation centrale des lieux de rencontre de skateur. Source : M.S.2014. Photosatellite: Bing.com

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La pergola

Témoignage de l’architecture Art-Déco des années 1930, La Pergola est le théâtre du quartier Caudéran à Bordeaux. Dessinée en 1928 par Marcel Picard, architecte municipal, elle répond à trois besoins : salle des fêtes, gymnase et salle de réunion. Sur les photos on distingue la salle centrale, réservée aux cérémonies, et les ailes dédiées aux sports et aux bureaux.La façade, de même que les pièces de métal, rampe, huisseries et décorations, sont des éléments caractéristiques du mouvement Art-Déco. Pour les jeunes de Caudéran, le fronton du théâtre est un cadre idéal de pratique du skate. Les 3 marches, le carrelage lisse, le trottoir spacieux, les petits détails d’aménagement (bordures de trottoir glissantes, rampe d’accès PMR, plan incliné) et le faible passage de voitures (proximité de la Place de la Mairie) rendent le théâtre très attractif, mais pas pour la programmation de ses spectacles. On voit sur les détails les dégâts occasionnés par les skates, mais également les lézardes naturelles du revêtement. On admire au passage l’astuce du rangement à vélos installé opportunément.

Place Fernand Lafargue

Epicentre du phénomène « hipster »1 à Bordeaux, la place Fernand Lafargue est réputée pour ses bars et restaurants (très) branchés et pour sa population à épaisses montures de lunettes, moustache et barbe (pour les hommes), vélos à pignon fixe et longboards. Alors qu’elle tenait lieu de parking, à l’occasion de la piétonisation du centre-ville, sa situation centrale, et le fait qu’elle soit sur un chemin très emprunté, lui permet de bénéficier d’un budget de 700 000 € pour être transformée, en 2008, en place à caractère fortement piétonnier et cyclable. Quelques bancs sont posés, des arbres plantés, et une fontaine installée. La pierre calcaire lisse à la régularité d’un marbre de cimetière, et la topographie du lieu a engendré la création de 3 niveaux. La place est donc dotée sur sa partie haute d’un muret de sécurité (le niveau en dessous est à un mètre en dessous), d’un escalier, et de 3 marches au point bas. La fontaine et ses plans inclinés sont la cerise sur le gâteau pour les skateurs de passage.

1 A. Chaput. « Au revoir « bobo », bonjour « hipster » ». Direct Matin Bordeaux, 3 juillet 2014.

fig.47 Place Fernand Lafargue. Source : M.S.2014.

fig. 46 La Pergola à Cauderan; Source : M.S. Photo (gauche): http://skateuse-bdx.skyrock.com. 2014

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La rue Sainte Catherine et ses abords

La rue Sainte Catherine offre une descente à pente faible mais réelle. Aidée par le revêtement brillant de pierres sombres et claires, la descente se dévoile le soir. Le reste du temps elle déborde d’une foule qui vient faire du lèche-vitrine, et qui rend rendant parfois impossible la circulation à vélo. Lorsque les magasins ferment, la rue se révèle, et apparaissent ses innombrables entourages de vitrine et marches d’accès, sur lesquels les skateurs apprécient de faire grincer leurs essieux métalliques. Plus la pierre est dure et l’angle net, plus la glisse est douce et aisée.L’artère centrale de Bordeaux révèle également de nombreuses rues et place annexes, avec un traitement similaire de la surface. En se promenant le soir, quand le temps bordelais le permet, il est fréquent d’y croiser des freeriders.

Mériadeck

« Mériadeck c’était des bordels » aurait déclaré Jacques Chaban-Delmas pour défendre son projet de renouvellement urbain sur l’ancien « Front du Médoc ». Ce quartier, saccagé lors de l’extermination du dernier foyer d’Occupation allemande en Gironde (1945), était devenu insalubre et peu fréquentable. En 1955, Jacques Chaban-Delmas, Maire de Bordeaux et ancien résistant, souhaite réhabiliter les îlots insalubres et y reconstruire des logements neufs. Le projet envisagé suit les principes du Mouvement Moderne (porté par la force de lobbying d’Edouard Jeanneret dit Le Corbusier1). Entre les destructions dues aux bombardements et le besoin de logements, l’urbanisme du Mouvement Moderne apporte des réponses simples, argumentées et immédiates à une situation d’urgence. Un grand nombre de logements pour peu d’emprise au sol, une séparation voulue des fonctions2, des flux de déplacement séparés et des bâtiments écartés pour laisser l’air circuler3 : c’est la naissance de l’urbanisme de dalle. La maquette de Mériadeck, celle que présente le Maire aux bordelais, en est la forme aboutie. L’empreinte au sol des îlots à restructurer étant trop étroite pour y faire rentrer le projet, la rénovation fait place à une restructuration. Tout le quartier est rasé pour être reconstruit4. Les travaux débute en 1964. Le projet Mériadeck souhaité par le Maire se développe aussi dans un contexte particulier : la réorganisation administrative du territoire Français visant à développer l’autonomie des régions5. En 1965, Bordeaux devient une des huit « métropoles d’équilibre » souhaitées par le gouvernement6. Cela va permettre une extension considérable du projet avec l’aide financière de l’Etat. En 1970, Jean Willerval,

1 Principes d’urbanisme reposant sur le fait que la fonction dicte la forme.2 Et remise en question, si nous considérons les politiques urbaines actuelles de retour aux espaces publics.3 Et en finir avec « la tyrannie de la rue ».4 La Société Bordelaise Mixte de Construction et d’Urbanisme (1960) se voit confier la maîtrise d’ouvrage.5 Création du Statut de Préfet de région par décret du 14 mars 1964.6 Et préconisé par le rapport des géographes Jean Hautreux et Michel Rochefort en 1963, et la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Attractivité Régionale créée le 14 février de la même année. Le rôle joué dans l’aménagement du territoire par Olivier Guichard, à la tête de cette délégation,, est considérable.

fig 48. La rue Sainte Catherine, ses commerces, ses marches de marbre et ses «riders». Source : M.S. 2014

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architecte coordinateur chargé de « définir le parti architectural1», impose un plan en croix ainsi qu’une trame de 30 mètres pour les bâtiments, pour dégager l’espace au niveau de la dalle. Celle-ci, qui se trouve 6 mètres au-dessus du niveau des voitures est desservie par un réseau de passerelles stupéfiant. Le projet, qui se veut une petite Défense, est un véritable hommage au plan Voisin2. Décrié avant même le début des travaux3, il est achevé en en 1993, soit quarante ans après l’étude initiale. Ce quartier est le mal-aimé des Bordelais. D’une qualité architecturale contestable4, vieillissant mal, non-désiré, stérilisé de toute possibilité de rapprochement humain, le quartier Mériadeck est un « semi-échec » : malgré une intégration médiocre, un fonctionnement et des aménagements dépassés, les Bordelais ont fini néanmoins par l’accepter tel qu’il est5.

Mais le quartier Mériadeck est aussi très lié à l’histoire du skateboard à Bordeaux6. Dans la forme, tout semble plaire aux premiers skateurs bordelais : ses grands couloirs, ses cours administratives7 vides le soir, ses revêtements confortables pour l’époque, ses marches pour se reposer, et ses aménagements hétéroclites aux ambiances diverses. De la « Tour 2000 » aux passerelles, des marches d’escaliers aux plans inclinés, les aménagements paysagers des villes nouvelles et des extensions urbaines trouvent leur pleine expression dans ce quartier créé ex nihilo. Dans cet univers déroutant qui rappelle plus la banlieue qu’installe Stanley Kubrick dans Orange Mécanique que le bouillonnement de la ville moderne de Playtime de Jacques Tati, ce sont logiquement les groupes de jeunes qui parviennent à habiter l’espace. Fidèles depuis le milieu des années 1970, aujourd’hui encore ce sont eux qui apportent un peu de vie et font de ces aménagements des « espaces publics ».

1 Mais également de « préciser les hauteurs et volumes des édifices et d’approuver les dossiers de permis de construire ».2Signature urbanistique de Le Corbusier, le plan Voisin démontre la cohérence de l’urbanisme Moderne appliqué à Paris, connu pour ses immeubles cruciformes.3 Jacques Chaban-Delmas est obligé de monter au créneau : « Nous avons accepté le plan en croix et nous le porterons jusqu’au bout ». Cité par Michel Pétuaud-Létang. Mériadeck, défense et illustration des quartiers de peu.4 L’architecture de Mériadeck a été réenchantée en image en image par l’équipe de Flint architecture.5 A la fois centre commercial, administratif, résidentiel, culturel, sportif, le quartier Mériadeck rentre dans le périmètre du classement patrimonial de l’Unesco en qualité de laboratoire d’urbanisme et de témoin de la culture des années 1960, à juste titre.6 Cf. partie 3.1.1.7 Les bureaux de la Communauté Urbaine de Bordeaux y sont installés.

fig. 49. Le quartier Mériadeck et son insertion dans le tissu urbain bordelais. Source : M.S. photo: Bing.com. 2014

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fig. 50. Au cas où... Source: M.S. 2014

fig. 52. À côté de Mériadeck, d’autres spots. Source : M.S. 2014

fig. 51. La complexe de passerelles. Source:M.S. 2014

fig. 53. Au milieu des tours, jouent des enfants. Source :M.S. 2014

fig. 55. Les aménagements varient, les ambiances non. Source :M.S. 2014

fig. 56. Une forme primitive «skatable». Source: M.S. 2014fig. 54. Chasse-roue scié. Source M.S. 2014

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3.2 Quand le skate fait tourner les bétonnières

Jusqu’à la fin des années 1990 en France1, entre appropriation des aménagements publics, parfois privés, et cessions sur les skateparks locaux2, les skateurs ont un rapport passif à la ville. Passif dans le sens où ils acceptent ce qui est là. Des associations existent, mais elles ont du mal à être entendues dans les conseils municipaux. A partir de l’époque de la grande démocratisation du skate français (début 2000), des skateurs adultes partent en voyage aux Etats-Unis, et découvrent des skateparks architecturés, c’est à dire conçus et construits comme une œuvre d’architecture, et non comme une installation foraine, démontable en une journée. Les skateparks de béton existent depuis les années 1970 aux Etats-Unis, et en France quelques uns ont été construits au pic de la pratique du skateboard de la fin de cette décennie. Depuis les Etats-Unis, qui ont un marché du skate important3, voient des skateparks en béton pousser partout sur le territoire. Et il faut dire que les Américains ont de la place. En France, une méfiance vis-à-vis des « modes qui passent » et une méfiance vis-à-vis du béton (trop lié aux Modernes, trop « HLM » ou trop « industriel ») a étouffé toute entreprise un peu créative. Mais quelques skateurs créatifs, saisis par ce qu’ils découvrent outre-Atlantique, commencent à bricoler des modules dans des entrepôts ou hangars désaffectés et autres friches. Ils apprennent à apprivoiser ce matériau qui sait se montrer aussi pur et minimaliste qu’âpre et chargé. Convaincus que le béton permet des possibilités infinies (dans le domaine de la glisse urbaine) à qui est capable de les imaginer, ces skateurs vont en faire un incontournable des équipements de glisse, au point de créer un domaine d’expertise pluridisciplinaire : architecture, maçonnerie et skate.

3.2.1 Streetpark : les raisons d’une controverse

Les skateparks existants sur le territoire français au début des années 2000 reproduisent des formes primitives installées presque indépendamment les unes des autres au point que certaines structures de béton reprennent des formes de blocs modulaires (pyramide, courbe, plan incliné). Les constructeurs, amateurs de streetskate4, tentent de reproduire des formes plus proches des « modules » de la rue. Pour différencier leur structures des autres, ils appellent leurs créations des streetparks. La plasticité du béton permet toute les configurations, mais souvent celles qui sont mises en œuvre sont presque « banales ». Le skatepark des Chartrons, à Bordeaux, illustre cette banalité de la forme : les hauteurs des marches sont d’une dizaine de centimètres, celles des « trottoirs » mesurent une quinzaine de centimètres, et les « murets » entre trente et cinquante centimètres. On recrée, à coup de grands moyens, le vocabulaire urbain le plus ordinaire ; afin que les skateurs aient l’impression de sauter sur un trottoir, mais dans un cadre normé.Ils s’agit de reprendre des formes « idéales » proches de celles sur lesquelles les skateurs passent du temps en centre-ville, et d’en reproduire les dimensions en blocs de béton coffré ou projeté (puis taloché et lissé). Voilà pourquoi très vite, les constructeurs différencient le streetpark des autres structures5. Quelques audacieux se lancent dans l’aventure et font découvrir aux municipalités les possibilités du béton. Les avantages du skatepark de béton jouent en sa faveur : moins bruyant qu’une structure bois, absorbant mieux les vibrations, plus facile à travailler, pas forcément onéreux (ce sont les courbes qui coûtent cher), et surtout adaptable aux besoins des pratiquants qui de plus en plus définissent avec l’assistance à la maîtrise d’ouvrage les formes qu’ils souhaitent. Aux concepteurs de les adapter au contexte. Ouvert, ludique et agrémenté (poubelle, banc, parking, cheminement : c’est un investissement pour la commune) le skatepark

1 Aux Etats-Unis, où la professionnalisation existe depuis 30 ans, les skateurs sont plus structurés et se sentent plus légitimes. A Portland, à partir de 1990, des jeunes ont créé un skatepark entier sous un pont, sur un parking délaissé.2 Des structures modulaires cf. partie 1.3 Le marché est estimé à plus d’un milliard de dollars en 1997 par Tranworld skateboard business.4 Selon qu’ils préfèrent les rampes ou le skate de rue, ils se disputent la filiation du skate moderne. Venice et ses plans inclinés, ou Downtown LA et ses rues.5 Streetpark, flowparks, snakerun, bowl, ramppark forment l’ensemble des skateparks.

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est aussi un lieu de rencontre, de détente voire de fête, lorsqu’un événement comme un concours est organisé. Le skatepark des Chartrons à Bordeaux est particulièrement effervescent en raison du passage assuré par la promenade des quais. Systématiquement pris d’assaut par des enfants en trottinette, accompagnés de leurs parents qui attendent assis sur un muret, il fait office d’aire de jeu. Les jours de beau temps, nombreuses sont les personnes qui passent un moment à se reposer et à observer le spectacle libre des athlètes à roller, à skateboard ou à vélo. C’est aussi ce côté « espace animé/espace attractif » que cherchent à proposer les nouveaux créateurs de skatepark.

Skater c’est une activité qui contribue à la diversité, la vitalité et la sécurité des espaces publics. Les skateurs sont des touristes, des consommateurs et participent à la culture et l’économie des villes. Les skateurs étirent le temps passé sur les espaces publics. Beaucoup de gens qui ne skatent pas sont attirés par les endroits où des personnes skatent, juste pour observer l’activité. Anthony Bracali. Architecte.

Boosté par les demandes des pratiquants, et parfois de leur parents qui aimeraient avoir à disposition un équipement sûr pour leurs enfants, le marché des skateparks en béton va permettre de tirer l’offre vers le haut, ainsi que la demande et le niveau d’exigence. Certains skateurs architectes et concepteurs se permettent même de recevoir des prix d’architecture ! Leurs équipements très design, sont le plus souvent des streetparks. La qualité de la finition permet d’avoir une surface roulante, agréable, et un cadre de pratique presque parfait. Presque trop parfait. En effet, bien que très appréciés par la qualité et le plaisir qu’il proposent, les skateparks sont aussi visés par un certains nombre de critiques.

La perte des racines

Le skatepark dénature l’essence du skateboard, et du surf : un esprit libre et d’anticonformiste. Skater dans la rue, trouver des spots originaux, percevoir les possibilités que les autres ne voient pas, aller au-delà des contraintes pour la beauté du geste, pour le regard de la caméra. Tels sont les fondamentaux d’une approche radicale d’une discipline née dans la liberté. D’ailleurs une marque qui veut rester crédible ne peut concevoir de proposer une vidéo avec des séquence tournées en skatepark. Ça ne se fait pas. Moi j’ai jamais fait de skatepark, j’ai toujours skaté(er) dans la rue. Aujourd’hui c’est mon métier de skater et heureusement que j’ai toujours skaté la rue, sinon ça n’aurait pas marché (Léo Valls).

fig. 58. ... et un lieu de vie ouvert. Source : M.S. 2014fig. 57. Le skatepark, un lieu de pause... Source : M.S. 2014

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La perte de liberté

Entre les années 1980 et les années 2000, le skate n’a jamais été pris sérieusement en considération par les municipalités. A partir du milieu des années 2000, il y a une inversion des valeurs : non seulement les skateurs représentent une population à part entière, mais les nouveaux constructeurs de skateparks créent plus qu’un équipement sportif, un vrai lieu de vie. Mais, sur un principe partant d’une intention généreuse pour les communautés de skateurs, des municipalités ont compris l’opportunité du skatepark : interdire le skate partout ailleurs. Dans le mot skatepark, il y a park, qui est étymologiquement lié à l’idée de lieu clos ; comme si il s’agissait de mettre tous les skateurs dans un lieu où ils pourraient jouer avec leur planche à roulettes, sans encombrer la ville.

«Quand tu commences le skate, et que tu en fais dans la rue pendant plusieurs années, et que tu tombes vraiment amoureux de ça, c’est à dire pratiquer le skate dans l’espace public, dans la rue, tu te rends compte en prenant un peu de recul que le skatepark ça a été construit pour que toi tu puisses plus en faire dans la rue, et que le skatepark, pour beaucoup de skateurs de street c’est un peu une prison. C’est la (la) mairie qui te dit(s) tu vas là, t’es dans cette cage, tu en fais ici parce que toi tu veux faire un sport où il n’y a pas de règle, et nous ne sommes pas d’accord on y met des règles, et toi t’es obligé d’accepter ça. » Léo Valls1

La perte de créativité

Enfin, le skatepark, parce qu’il reproduit des formes, offre un schéma de fonctionnement préétabli. Les usagers peuvent faire preuve de tactique et d’imagination pour créer des lignes2 différentes, et qui dépassent l’imagination des concepteurs eux-mêmes. Cependant, de par sa forme figée, l’exploration du skatepark n’est pas extensible. Le terrain est tel qu’il est, il n’offre pas de surprise, de nouveauté, de changement ; contrairement à la ville, qui bouge, qui évolue, qui est en travaux, qui est aménagée, où l’on crée de l’art éphémère. La rue propose du défi, des architectures diverses, des vraies contraintes que le skatepark tente de gommer en proposant un univers fun et aseptisé.

«La pratique se fait dans la ville, pas dans un skatepark, même si c’est parfois agréable de s’y arrêter un peu. La vrai attraction du skate est de découvrir des spots dans la ville». Manuel Schenk photographe3.

3.2.2 «Skate plaza» : un pastiche d’espace public

La «skate plaza»4 est à l’origine un projet qui ne se contente pas de proposer des formes sur lesquelles on peut s’entraîner, mais de les inclure dans un contexte « paysagé ». Elle est une réaction de skateurs lassés de retrouver des formes de type skatepark modulaire (donc plutôt orienté performance acrobatique), y compris sur des streetparks façonnés en béton, et donc censément plus proches de l’univers urbain et des formes architecturales qu’on y trouve. Nous souhaitons distinguer l’un et l’autre, par l’aspect décoratif, quasi trompe-l’œil.La skate plaza pastiche l’esprit du clinquant et du mauvais goût à la façon du hangar décoré de Venturi5. Elle propose de l’amusement dans

1 Cf. entrevue en annexe(s).2 De l’anglais line, une ligne est un enchaînement de figures, ou de mouvements en roulant, précis et calé sur une topographie connue et maîtrisée.3 Entrevue dans ZUT ! Printemps/été 2014.4 Nous remarquons ici l’ambiguïté du mot plaza. Alors qu’en France la place a une valeur symbolique et historique, le terme (italien) de plaza aux Etats-Unis désigne une « place » aménagée, paysagée.5 Dans l’enseignement de Las Vegas, Venturi propose défend une architecture reprenant des motifs et des fioritures d’époques différentes, quitte à exagérer l’effet décoratif, par opposition à la pureté du Mouvement Moderne. Il appelle

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un cadre saturé de décorations, de fontaines, d’aménagements paysagers, structuré par une symétrie classique, ou une dissymétrie contemporaine. A l’image des jeux vidéo de skate qui proposent une modélisation de la ville acidulée, nettoyé de ses rugosités et fun, la skate plaza a la prétention de recréer l’esprit des spots de streetskate historiques dans le cadre d’un équipement légalement skatable. Le concept est développé par Rob Dyrdek, skateur professionnel et entrepreneur habile, en Californie. Il s’agit de proposer des équipements de skate au design soigné, offrant de larges similitudes avec des lieux prisés du skateboard contraints légalement, le tout organisé dans un système logique et ludique. Ce principe permet à la fois de réunir sur un espace restreint plusieurs spots réputés et recherchés, de faire « revivre » des spots mythiques détruits, mais aussi d’apporter une note paysagère à une structure de béton et de métal trop fonctionnelle. Si une proposition louable cautionne une entreprise florissante et un filon juteux, il n’en demeure pas moins que l’idée de reproduire des fragments de ville, mobiliers, formes, architectures inopinément amusantes, interroge le rapport du skate à l’architecture. Tout d’abord, nous devons nous demander dans quelle mesure il est paradoxal de proposer des répliques de fragments urbains détachés de leur contexte, de leur environnement. Alors que certains spots de skate sont nommés en fonction du lieu où ils se trouvent («mission», «fort miley», «third and army», «wallenbergh school») quelle est la légitimité d’une reproduction ex-nihilo ? Nous avons vu que la relation des usagers au contexte immédiat est primordiale dans le ressenti de l’action. L’environnement détermine le lieu, et le skateur produit l’espace. Techniquement le dispositif architectural peut être répété et transposé ailleurs, mais le génie du lieu, le plaisir de la découverte, et l’exécution d’une figure (documentée ou non) n’appartiennent qu’à un seul endroit. La reproduction d’un escalier de la place Justin Herman présente-t-elle un intérêt sans le revêtement de brique rouge inconfortable, sans la rugosité du béton qui le rendait inaccessible, sans le passage incessant des usagers qui demande une plus grande virtuosité ? Nous soulignons ici que c’est parfois l’ambiance-même d’un spot qui le rend attractif, plus que la configuration des lieux ou le mobilier qui s’y trouve.Par ailleurs, la reproduction d’éléments architecturaux censés évoquer le souvenir de places ou d’infrastructure détruites, de destinations lointaines ou de mobilier « protégé », évoque plus volontiers le carton-pâte d’un décor de théâtre. Bien entendu, la reproduction elle-même peut s’avérer plus confortable à l’utilisation que la pièce d’origine : prise d’élan adapté, revêtement sans rupture, arête glissante. Cependant, l’amélioration voulue, la correction apportée à la forme originale la dénaturent en l’édulcorant. De la même façon qu’on ne peut proposer à quelqu’un de visiter Paris au Casino de Las Vegas ou dans l’attraction «Ratatouille» de Disneyland-Paris, on ne peut proposer à un skateur de retrouver les sensations de l’embarcadero sur un équipement neuf d’Hollywood. A moins de considérer sa pratique comme la reproduction sans cesse répétée d’une série de gestes vaine et vide de sens. Le contexte, le vécu de chacun, les interactions sociales et spatiales, la recherche de la faille qui permet l’appropriation « non-voulue », ne sont pas reproductibles sur une structure fabriquée de toute pièce. Il est difficile de dessiner un équipement à la destination d’une pratique sportive qui se nourrit des formes préétablies qui ne lui sont pas destinées.

cela l’architecture du « hangar décoré », en s’inspirant du Strip de Las Vegas qu’il définit comme un paysage du quotidien américain. Le « hangar décoré » est opposé au « canard », par laquelle il désigne le bâtiment fonctionnaliste dont la forme est dictée par la fonction (référence à une rôtisserie dont le bâtiment « est » un canard).

fig 60. Ed Benedict plaza à Portland. Equipement de skate perméable et vert. Source: https://maps.google.fr/maps.2014

fig. 59. Nouvel équipement bordelais, inspiré des skate pla-za, avec un semblant d’agrément paysager. Source:M.S. 2014

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3.2.3 Intervenir dans la ville pour la réinventer : la greffe architecturale

Les skateurs peuvent défricher des territoires vierges pour le potentiel qu’ils y trouvent. Les formes incurvées, le plat lisse, les plans inclinés enchevêtrés, des percées murales originales, des architectures de bancs en béton, offrent les promesses de figures techniques, d’approches inédites, de photographies spectaculaires et de vidéos novatrices. Cependant, il arrive parfois que le territoire offre moins qu’il ne promet. L’obstacle idéal, des marches à sauter, une courbe à monter peuvent voir leur intérêt réduit à néant pour cause d’accident dans le sol, une fissure, un raccord mal fait, un joint trop important ou un éclat sur la surface. Devant la difficulté à trouver des spots pour filmer des séquences vidéos, il est parfois plus simple de réparer soi-même le sol accidenté par un raccord de ciment frais mélangé sur place et appliqué directement. A l’inverse, certaines parties métalliques dépassant dangereusement d’un mur à proximité de la surface de réception peuvent être éliminées à la meuleuse. Encore une fois, nous rencontrons cette ambiguïté dans la pratique hors-piste du skate : à la dégradation du mobilier s’oppose un désir d’avoir un environnement lisse et sans défaut, pour sa pratique uniquement. Le skateur n’hésite pas à prendre la place de l’agent d’entretien de la voirie1, avec audace et détermination. Mais finalement cette démarche de réparation, pour ainsi dire citoyenne, bien que purement égoïste et intéressée, témoigne plus des difficultés de rendre la ville accessible à tous. Mais au-delà de la simple réparation, une vague d’auto-construction, basée sur une certaine facilité d’emploi du ciment, s’est formée depuis une vingtaine d’année. Le skatepark auto-construit de Burnside à Portland est sans doute à la base de ce mouvement, assez marginal en France, même si il se développe depuis un peu plus de 10 ans. Même sans talent de maçon, il est assez facile de construire une (plus ou moins) petite transition entre une paroi et le sol horizontal. Nous voyons ici un retour à l’esprit du skate des années 1970, avec une propulsion (plan horizontal) et une ascension (plan vertical). Il n’est plus simplement question d’utiliser l’environnement pour la forme qu’il offre, mais de pousser l’appropriation en voyant ce qui n’est pas, un évidement à remplir, une transition virtuelle à rendre « concrete »2. Il n’est plus question de réparation, mais d’optimisation, d’amélioration. A Bordeaux, sur la dalle de Mériadeck les skateurs ont toujours roulé sur des petits plans inclinés près de la « Tour 2000 ». Afin de la rendre plus praticable, ils ont non seulement découpé le chasse-roue installé, mais ont aussi maçonné une petite transition. Ils sont venus la nuit avec des seaux de béton, et ont créé leur propre spot dans un espace aride et figé. S’agit-il d’une dégradation ? Il s’agit pour nous de comprendre en quoi ces tactiques, qui s’apparentent à de la guérilla architecturale, influencent l’architecture de la ville, et si cela se fait à son bénéfice ou au contraire à son détriment. Pour le gestionnaire de la voirie cela est évidement vécu comme du vandalisme. Le graffiti qui est (entre autre) une application de peinture à plat sur les murs est déjà sévèrement poursuivi par les autorités lorsqu’il est pratiqué sans autorisation. Gageons que l’application d’un béton que seul un marteau-piqueur parviendra à casser est au moins aussi répréhensible qu’une projection colorée. Et pourtant ce type de concrétion urbaine peut être un véritable atout pour la production d’espace. Nous allons voir deux cas de figure où cela se produit. Tout d’abord, de par son caractère en dehors du cadre légal, il intervient généralement sur des endroits peu fréquentés : interstices urbains, délaissés, friches, terrains vagues, chantiers. Il parvient alors à transformer un endroit peu approprié, voire austère (une sorte d’envers du décor policé du centre ville) en piste de roulement ludique, fluide et animée. En ajoutant de la matière à l’existant, il rend possible l’existence d’un espace qui tient du non-lieu, le valorisant, lui donnant une utilité et une fonction visibles de tous.Ce type de greffe architecturale a été mis en valeur par la Mairie de Bordeaux en 2009, et a été l’occasion de faire se rencontrer maîtrise technique, performance artistique, performance urbaine et événementiel. Dans ce domaine, il s’agit plus de scénographier l’architecture et l’environnement urbain en mettant en valeur ses formes par la glisse, que de rechercher le cadre qui se prête pour un instant à la figure expérimentée. L’artiste cherche en effet à valoriser le site et à y créer une impulsion qui l’anime, dans un usage nouveau autorisé par son œuvre, qu’il juge d’utilité publique. C’est l’exercice auquel s’est prêté Raphäel Zarka en 2009 à Bordeaux

1 Le balayage des feuilles et l’évacuation des eaux stagnantes comptent parmi les tâches qu’un skateur peut être amené à accomplir avant l’action sportive.2 Concrete signifie béton en anglais.

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à l’occasion de l’événement Evento où il est intervenu en tant que plasticien. Alors que la valorisation de l’espace public est en chantier à Bordeaux depuis 15 ans, Evento enfonce le clou en célébrant la sérendipité dans ses rues.

«Composer la ville : c’est l’une des ambitions d’Evento, nouvel événement artistique biennal qui s’empare de tout Bordeaux du 9 au 18 octobre, à l’initiative de son maire Alain Juppé. Sculptures, vidéos, performances, expositions... Une soixantaine de projets prennent place au cœur raffiné de la cité classée au patrimoine mondial de l’Unesco, mais aussi dans ses faubourgs tristes. Son principe ? «Sortir du musée, pour provoquer des chocs esthétiques au gré du hasard, furtifs et imprévus comme des rencontres amoureuses»», résume le directeur artistique, l’architecte-artiste Didier Faustino».

Le principe de son intervention est de développer

« une pratique répandue chez les skateurs qui consiste à transformer légèrement l’architecture à l’aide de micro-constructions en béton pour la rendre praticable. Avec la collaboration de Constructo et d’un certain nombre de skateurs bordelais, il greffe de petites sculptures minimales bricolées sur une sélection de « spots » repérés dans l’agglomération bordelaise »1

1 Programme de l’événement Evento, avec l’accord et l’approbation de la Mairie de Bordeaux.

fig. 62 : Un des spots créés pour Evento. Source : http://playgroundsameo.blogspot.fr. 2009

fig. 64 : Un spot réinventé avec une extension de bois. Source : Damien Raveau. 2011

fig. 61. Dave Chambers skate une greffe architecturale spon-tanée à Portland. Source : http://www.typicalculture.com. 2012

fig. 63. Une cornière, et la jardinière devient un spot pour le skate. Source : M.S. 2014

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L’agence d’architecture Constructo, basée à Marseille, spécialisée dans les skateparks en béton est intervenue en tant qu’assistance à la maîtrise d’ouvrage. Sa connaissance des formes praticables (rayon des courbes, degrés d’inclinaison des banks, hauteur confortable des obstacles) a été mise à contribution pour rendre les installations praticables par le plus grand nombre. Par ailleurs sa grande maîtrise des techniques du béton a également été précieuse pour la mise en œuvre des formes créées, et notamment sur les finitions des bétons cirés. Le skateur-artiste Seb Daurel1 a également participé à ce trio d’experts ès architecture skatable par sa connaissance des sites, de la ville et de la scène skate bordelaise. Ainsi, durant le temps de l’événement, de nouvelles formes d’appropriation de l’espace public, de l’architecture, encouragées par des modifications simplistes (dans la forme et la mise en œuvre) ont été mises en avant au vu et su de tous, prouvant que détournement, transformation et sport de glisse peuvent amplifier l’expérience de l’espace public vécu. L’intérêt de ces structures est double, il permet à la fois de révéler la nature souple et fluide d’une architecture rigide et figée, mais aussi de souligner la dissémination dans l’espace urbain de zones de jeu, visibles uniquement à ceux qui veulent les voir. Les skateurs n’ont pas le monopole de la glisse. Tout un panel de moyens de locomotion à roulettes peut tirer profit de ces mini rampes de décollage, plans inclinés et transitions courbes : rollers, trottinettes, vélos, chaussures à roulette intégrée2. Par ailleurs, ces greffes urbaines peuvent très bien faire rêver d’initiatives citoyennes. La maçonnerie ludique peut autant trouver sa place sur l’espace public qu’un dessin de marelle, des poteaux de but improvisés avec des blousons par terre, ou encore une corde tendue entre deux arbres pour jouer au funambule.

3.3 Le skate dans les projets d’espace public : études comparéesParvenant à des constats similaires à ceux que nous avons établis dans la partie II, des architectes/urbanistes commencent à considérer le skate comme une pratique intégrée aux espaces publics d’aujourd’hui et y voient même une valorisation de l’espace ou de l’architecture. Aussi ils n’hésitent pas à intégrer des éléments fortement incitatifs (courbes, plans inclinés avec transition, barres métalliques, murets bien proportionnés, bancs design) et/ou à choisir des revêtements qualitatifs, et agréables à rouler. Parfois un peu plus involontairement que d’autres, cette façon de concevoir l’architecture est assez nouvelle, même si l’architecture inclinée est un concept déjà exploré3. Bien entendu, le skate n’est pas envisagé comme une fin, mais plutôt comme un moyen : ces aménagements ont surtout pour but d’encourager l’appropriation de l’espace par tous les usages et le mélange des genres ; simplement, en étant plus inclusif, le message est plus clair, et le parti pris annonce la couleur. Nous proposons de passer en revue trois espaces publics, situés dans trois pays, aux données programmatiques et aux formes différentes, où les skateurs trouvent leur place en harmonie avec les autres usagers.

3.3.1 La place Eduard Wallnöffer à Innsbruck

La place Eduard Wallnöffer est un agglomérat de symboles très forts pour la ville. Malheureusement, ces symboles sont rattachés à la face sombre de l’Histoire d’Innsbruck. Située en Autriche, la ville d’Innsbruck a

1 Artiste polyvalent, designer, pilier de la scène skate bordelaise, champion de France, Seb Daurel a apporté sa connaissance, son expertise et sa notoriété à de nombreux projets bordelais. Il a activement participé à Evento ainsi qu’à la dynamique de la friche « Darwin » dont il a dessiné le bowl.2 Ces chaussures avec une roulette sous le talon font littéralement glisser l’usager comme s’il flottait au dessus du sol.3 L’architecture oblique de l’architecte Claude Parent et du philosophe urbaniste Paul Virilio est un thème développé dans la revue qu’ils ont édité entre février et décembre 1966.

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monument aux victime de ces attaques. Elle est également marquée par la présence du bâtiment administratif du «Land» du Tyrol, à l’architecture fonctionnelle et brutaliste. Sa façode comporte trois balcon permettant la mise en scène autoritaire et mégalomane. Sur cette place, se trouve également le mémorial des Résistants français, marqué par une forme résolument triomphale (il a été dessiné par un architecte militaire français). Monumentale, cette place l’est dans sa forme, par les bâtiments qui la bordent, dans la grandiloquence de ses pièces d’art, dans le discours que renvoient les symboles. Place historiquement jeune, elle était devenue à la fin du XXème siècle, un square fréquenté par des dealers. Au lieu de faire table rase, le parti pris de l’agence LAAC a été de conserver ces symbole. En déroulant un tapis de béton blanc, ils assurent une cohérence et une unité à cet espace destructuré. En jouant sur la topographie, les concepteurs inscrivent les éléments gênants, comme la trémie du parking souterrain, dans les ondulations protéiformes de la nappe blanche. Ponctuée d’un graphisme végétal très fin, la pureté du blanc est adoucie par la finesse des détails, comme le mobilier, l’organisation de la circulation ou les jeux d’eau. Le drainage est assuré par les interstices entre les dalles coulées en place.

Incitative, cette place l’est sans aucun doute. Incitation à la glisse, au mouvement, mais aussi à la pause pour observer les usages de ce tapis de jeu urbain. Présentant des variations sur la forme de la courbe et du plan incliné, la place a dès son inauguration connu un succès auprès des skateurs locaux. Tous les professionnels traversant l’Europe, s’arrête à Innsbruck pour y tourner des images. Clairement conçue pour développer une forme ludique d’appropriation de l’espace, cette place est considérée comme un véritable skatepark.

fig. 65. La Landhausplatz avant les travaux. Source: Bing.com.2014

fig. 67. Le projet de LAAC/Siefel/Kramer vue en hauteur. Source : Günter Richard Wett. 2010

fig. 66. La Landhausplatz, un véritable skatepark. Source: Martin Herrmann. 2013

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3.3.2 La place de la République à Paris

Le nouvel aménagement de la place de la République, conçu par le bureau d’études TVK, part d’un principe simple : recréer un véritable espace public vivant et approprié sur cette place qui était entièrement consacrée à la voiture, puisque située à la confluence de boulevards haussmaniens, c’est à dire reliant des polarités éloignées. Elle est notamment desservie par le boulevard Beaumarchais en direction de Bastille, le Boulevard Voltaire en direction de Nation, l’avenue Parmentier en direction du Père Lachaise, le boulevard Magenta en direction des deux gares du Nord et de l’Est, et le boulevard Saint-Martin en direction de l’Opéra. De plus elle était coupée en deux dans sa largeur par l’axe Belleville-les Halles. La traverser était impossible à cause de l’épaisseur du cordon de voirie et des feux asynchrones. Servant de gros rond-point, captant les flux qui traversent la rive droite, trop monumentale et habitée par des marginaux, elle rejetait littéralement les piétons sur les côtés et avait perdu toute signification en terme de confort. Le projet de l’équipe TVK est tout simplement de remettre le piéton au cœur de la place, et de permettre aux différents usagers de s’y sentir chez eux. Or, comme souvent sur ce type d’aménagement, les premiers à visiter le chantier ont été les skateurs, qui ont pris d’assaut le confortable revêtement pour vérifier si les architectes-urbanistes avaient bien fait leur travail. Le succès a été immédiat. Pendant que les Parisiens ont redécouvert une place de la République telle qu’ils ne l’avaient jamais vu, aérée, aimable, ludique et marchable, les skateurs l’ont officialisée nouvelle place-to-be. Entre l’énorme surface en dalle de béton parfaitement roulante, les bancs, les murets des contours d’arbre, la scène et les volées de marches, les propositions sont nombreuses et forcément «malhonnêtes». En terme de mise en spectacularisation, le passage constant et les nombreuses possibilités de s’asseoir assurent la présence de spectateurs en permanence. De par sa taille, elle permet d’accueillir de nombreux pratiquants, voire très nombreux (1000 mètres carrés de plat). Enfin, l’habitabilité des lieux est entretenue par la présence de nombreux commerces d’alimentation à proximité ce qui permet d’assurer la fréquentation sur une longue durée. Nous pouvons ici parler d’un aménagement «skate-friendly».Pourtant, le chef de projet de la place de la République se défend d’avoir voulu privilégier le skateboard. « Nous avons voulu faire une place où tous les usages de la ville puissent se côtoyer, mais nous n’avons pas pensé spécifiquement aux skateurs. Bien sûr, ils font aussi partie des usages à envisager de ce type d’aménagement, mais nous ne nous doutions pas de cette appropriation immédiate. Cependant, nous sommes très heureux de voir que la place est appropriée par les skateurs, mais aussi par les nombreux autres types d’usagers, et que la cohabitation se passe très bien. »Cependant, bien que la cohabitation semble être un fait avéré, et que l’aménagement « fonctionne », des voix s’élèvent pour crier à la trahison, au scandale, au gaspillage. L’ancien Maire de Paris est accusé de jeunisme et d’avoir transformé un monument historique en piste de skateboard pour faire plaisir aux « bobos » parisiens. Aux nostalgiques d’une place historique polluée et impraticable, les concepteurs ont répondu par la lisibilité, l’exploration d’ambiance urbaine, les modes actifs et la contemporanéité, tout en conservant un aspect monumental. Aux innocents les mains pleines, cette monumentalité, les ambiances urbaines et les modes actifs nourrissent l’exploration urbaine des skateurs.

fig. 68. Marcher, skater, téléphoner, flâner, manger, regar-der... Source: TVK/Clément Guillaume ; 2013

fig. 69. ....Un espace pour tous les usages. Source : TVK/Clé-ment Guillaume; 2013

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fig. 70. La place de la République avant les travaux.. Source : TVK / Air images / Myluckypixel. 2013

fig. 71. La nouvelle place de la République. Source : TVK / Air images / Myluckypixel. 2013

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3.3.3 La place Pey-Berland à Bordeaux

En 1999, la création du tracé des futures lignes de tramway désigne la place Pey-Berland comme un accueil potentiel pour un arrêt majeur, car central et en limite de plusieurs quartiers spécifiques.La place Pey-Berland joue alors un rôle de grand rond-point, avec une présence automobile qui rend les lieux intenables. Ce n’est pas moins de quinze rues qui la desservent (le Baron Haussmann a été préfet à Bordeaux avant d’aller éventrer Paris).Pourtant elle forme l’écrin d’un monument religieux emblématique de la ville, véritable marqueur urbain, la cathédrale Saint-André. Celle-ci étouffe de sa monumentalité, posée dans son petit square ceint de voitures.

.ecalp al rus tnehcuobéd iuq seur sed selgna sel rap étnemgarf àjéd ecapse nu esividbus etnasopmi elliat aSCelle-ci souffre à la fois d’un gros problème de lisibilité, d’unité, et d’une perception immédiate médiocre. Le piéton n’y trouve pas sa place, s’y sent même en insécurité, et globalement rien n’est invitant de toute façon. Pourtant c’est aussi sur cette place que se trouve l’Hôtel de Ville.La Mairie de Bordeaux fait le choix de définir un projet d’espace public, en profitant des travaux du tramway. Le but est de permettre une gestion des flux entre la circulation du tramway, le passage des voitures vers le parking souterrain, et tous les modes actifs, en redonnant une lisibilité à l’ensemble Pey-Berland – Rohan - Jean Moulin, et en mettant en valeur les monuments, religieux et administratifs. C’est l’équipe du studio d’architecture King-Kong et de Francisco Mangado qui remporte le concours lancé en 1999. Pour Fréderic Neau, architecte et chef du projet pour King-Kong, travailler avec Francisco Mangado était indispensable : « Nous voulions son regard sur les grandes places à la Dalí, qu’on voit en Espagne, où tout est lié à l’usage. Ce sont les actions qui font les places, pas leurs murs. L’espace tel qu’il est utilisé nous importait. » Leur projet et de « dé-saturer les lieux », c’est à dire récupérer tout l’espace occupé au sol par la voirie automobile afin de redonner une cohérence à l’ensemble par un traitement architectural. Ils proposent d’intervenir sur : « l’unité par le sol, la revalorisation des perspectives principales et la mise en place d’éléments signifiants ».L’unité par le sol est créée par le revêtement de dalles de granit, de forme carrée, avec un côté légèrement oblique. Leur taille et leur disposition, perpendiculaire à la longueur de la cathédrale rythment la place, mais leur trame sa vamment ajustée évite « l’effet salle de bain ».La perspective est soutenue par les grandes banquettes de granit noir à l’arête biseautée. Monolithiques, sombres, longues, ces banquettes sont orientés parallèlement à la cathédrale, et étirent l’espace vers l’Hôtel de Ville. Elle sont revêtues d’une plaque de métal, et possèdent un néon intégré qui éclaire la place et dynamise l’espace.Les éléments signifiants sont d’une part les candélabres signés par Elizabeth de Portzamparc, et de grands mâts de métal équipés de spots. Ce design minimaliste, minéral, voire un peu sec, inquiète un moment certains bordelais, et alimente les détracteurs de tous horizons (comme pour la Place de la République à Paris).«Il faut que les gens s’approprient les lieux», rassure, confiant, Frédéric Neau, architecte du cabinet, responsable du projet. Au vu des skateboards qui pullulent et des terrasses qui s’étirent, les soirs d’été, c’est en bonne voie. »1

Car si le traitement, minéral, redonne la part belle au piéton, il attire beaucoup les skateurs. Des bancs de granit, « biseautés pour que les skates n’abîment pas les arêtes », sur des dizaines de mètres pour glisser, 25 000 mètres carrés de dalles lisses pour rouler, et un éclairage rétro-futuriste pour filmer la nuit. La place devient un lieu de rendez-vous et un lieu de passage obligatoire pour tous les skateurs bordelais. « Ce spot il est trop bien : les curbs c’est la perfection, un peu hauts mais ce sont de vrais curbs de pro. La surface de flat elle est top, et si vraiment tu t’ennuies, t’as une petite marche devant la cathédrale, pour faire des manuals » (propos de Grégoire, ancien skateur, recueillis sur la place Pey-Berland). Nous pouvons retrouver des traces de film, tournés de jour comme de nuit sur cette place. Sur ces films, les autres usagers, marchant ou assis, ne semblent pas perturbés par les figures exécutées à quelques pas d’eux.Cependant à partir de 2007, un grain de sable vient enrailler la belle mécanique gestuelle. Alors que les skateurs de Bordeaux revendiquent la création d’un skatepark béton comme il s’en fait des dizaines un peu partout en France, le centre ville de Bordeaux, qui brille par ses aménagements récents, est déclaré patrimoine mondial de l’Unesco. A partir de ce moment, le centre ville ouvre grand ses bras aux touristes de tous les

1 http://www.lexpress.fr/region/2-pey-berland_ 480579.html

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continents, mais souhaite leur réserver un accueil des plus tranquilles et des plus sûrs. La municipalité va donc profiter de la forte demande d’équipement de la part des associations de glisse pour leur construire une structure de glisse sur les quais. La condition est qu’il fasse place nette dans le centre ville, et ses espaces publics, bientôt estampillées « interdits au skateboard ». Aussi aujourd’hui, la place Pey-Berland, lieu de tous les usages, n’accueille plus les skateurs, qui se sont fait une raison. « C’est le meilleur spot de la ville mais qu’est-ce que tu veux, je vais pas payer 60 balles pour skater quand même! »1 Pourtant elle ne comporte aucune trace de dégradation, et ses banquettes ne sont jamais vraiment remplies. A croire que les touristes qui viennent s’y asseoir pour manger un sandwich laissent volontairement quelques mètres linéaires de granit libres, au cas où...

1 Gauthier, un skateur rencontré au skatepark des Chartrons.

fig. 72. La place Pey Berland encombrée par la voiture. Source Mairie de bordeaux. n.d.

fig. 74. La perspective vertigineuse de la banquette et l’arête tronquée. Source: M.S. 2014

fig. 73. La voiture a laissé la place au tramway, le sombre au clair, pour le projet de King Kong/mangado. Source Mairie de bordeaux. n.d.

fig. 75. Les éclairages contemporains au sol enchantent la nuit bordelaise qui redécouvre ses espaces centraux. Source : Christian Desile. 2007

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Conclusion de la partie III Sortie de l’eau pour s’installer sur le bitume la planche de skateboard accompagne l’architecture de la ville depuis près de soixante ans. Dans le contexte d’extension urbaine de l’ère de l’automobile ou du renouvellement urbain (ou des deux), le skateboard se satisfait ou s’adapte avec aisance et souplesse. C’est en partie dû à une étonnante attraction des corps l’un envers l’autre. L’uréthane des roues adhère aux surfaces bétonnées ou bitumées, le métal des essieux sait caresser la froideur du granit, et le bois glisse en douceur sur le marbre lisse. Peut-on parler là de l’alchimie des corps amoureux ? Nous pouvons en tout cas parler d’une adaptation, que ce soit dans les matériaux ou dans la forme. Utilisant les figures techniques de la courbe pour les milieux continus, et les figures techniques du plat pour les milieu de rupture et l’othogonalité, le skateur sait lire et comprendre la ville de façon presque spontanée. Dans l’architecture des villes, il joue avec la gravité sur les arabesque de la Landhausplatz à Innsbruck, comme il s’en libère sur les angles droits de la géométrique place Pey-Berland à Bordeaux. Mais si le skateboard sait se libérer de la force gravitationnelle, il n’en est pas moins soumis à la force centripète qui le pousse de l’extérieur vers le centre. Aussi, lorsque les autorités cherchent à le canaliser sur des modules préfabriqués aux formes primitives, il sait réinterpréter les formes et s’en servir pour mieux contourner les stratégies défensives qui se mettent en place (le petit morceaux de courbe transforme la barrière en mini-rampe). Ludique, provisoire ou durable, la « greffe » opérée apporte une valeur ajoutée à l’espace, et démontre une vraie intelligence architecturale chez le pratiquant.Désormais il a aussi les moyens de développer ses propres équipements, caricature de la plaza américaine, qui soulignent prodigieusement l’étroitesse du seuil espace public à vivre/espace de glisse.La finesse de la tactique, et l’outrance de la stratégie évoquent une pseudo « guerilla » urbaine de surface(s) (surfaces à rouler/surface à défendre) dont les architectes, malins, savent s’inspirer. Que Zaha Haddid, Snohetta ou LAAC interrogent l’utilisation du skateboard sur leurs œuvres n’est pas le fruit du hasard. La maturité de cette pratique est toute récente, même pas 15 ans : les explorations architecturales n’en sont qu’à leurs débuts. En revanche, toutes expérimentales qu’elles soient, la cohabitation et la vitalité qui se sont établies place de la République ou sur les courbes de la Landhausplatz, tendent à montrer qu’elles sont nécessaires.

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Jusqu’au milieu des années 1990, le skateboard est associé aux sports californien. Californien il l’est par le contexte géographique, mais aussi par le contexte social et urbain de son développement. L’émergence de la pratique de la planche à roulette se fait lors une période charnière. Entre 1950 et 1970, la télévision arrive dans les foyers, le marché de l’automobile explose (et l’étalement urbain) et, à l’époque du New-Age la côte ouest américaine se transforme en terre d’accueil pour les excentriques, on parle de « rebel state ». Vu comme un moyen d’adaptation à la ville en mouvement, nourri d’un goût prononcé pour la liberté et nourri de culture populaire, le skateboard porte en lui en une part du « rêve américain ». En revanche, la notion de sport, concernant le skateboard, est plus floue. Sport oui, dans l’acceptation du dépassement de soi, de la compétition et de l’effort. Mais cette pratique est également jeu, spectacle, et même déplacement. La découverte du bond avec la planche, permet de s’aventurer dans les centres urbains, monter et descendre des trottoirs, sans discontinuité. A partir de là, la séparation d’avec sa filiation au surf est consommée et en France, en 1997, le skateboard quitte la Fédération Française de surf pour intégrer celle du roller-skating. La notion de « sport californien », connotée « eighties » est doucement remplacée par la formule « sport de glisse » voire « glisse urbaine ». Ces termes soulignent la difficulté à définir clairement la pratique du skate et en conséquence les difficultés à lui trouver une place dans une ville. Pourtant cette pratique soulève des enjeux propres à la conception de l’espace public contemporain : partage de la rue, jeux dans la ville, spectacle urbain, mobilité, modes actifs, mixité des usages, pérennité des aménagements, ville pour tous, etc. Face à ce paradoxe et le vide laissé dans la recherche à ce sujet, nous en sommes venus par un processus itératif entre réflexions et lectures, à nous demander si la pratique du skate pouvait avoir une influence sur la manière de concevoir les aménagements urbains. Notre étude a permis de faire ressortir des similitudes entre la manière de concevoir un projet d’aménagement pour l’architecte et la manière d’appréhender l’espace pour le skateur. Leur vision du projet est concourante en certains points. Alors que le concepteur souhaite l’appropriation du projet par le plus grand nombre, le skateur recherche la diversité des formes. Là où le concepteur pense en termes d’unité, le skateur perçoit l’hétérogénéité des matériaux. Forme de rapport asymptotique, ces deux façons différentes d’envisager la ville convergent vers des valeurs communes : des espaces publics appropriés et animés. Dans le quartier de SouthBank à Londres, l’investigation par les skateurs d’un parking en sous-sol (mais ouvert) a apporté animation et attractivité touristique. L’aspect ludique des aménagements les rend plus facilement appréciables et appropriables. Par ailleurs l’animation est également l’assurance d’un lieu plus sûr et donc plus fréquenté. A Créteil la municipalité encourage la pratique du skateboard sur le parvis de l’Hôtel de ville, très peu approprié par la population à cause d’un design « Ville Nouvelle » un peu monumental. Le second point qui étaye notre hypothèse est la démarche d’utilisation spontanée et détourné du mobilier. Fondement du skateboard moderne, le détournement du mobilier, mais aussi plus récemment la création de « spots de poche », fabriqués spontanément sur place, fait immanquablement penser aux interventions participatives de collectifs comme ETC ou encore Bruit du frigo. Bien que moins altruiste dans la démarche, nous ne faisons pas de différence entre le mobilier-palette de Bruits du Frigo et le module de skate qui s’emboîte intelligemment sur les marches d’un escalier. L’intention du jeu, de la détente et de la démarche citoyenne est identique ; montrer l’exemple pour inciter l’appropriation. Le détournement est également important pour la durabilité, la réversibilité des aménagements. Les investissements lourds exigent de pouvoir développer des usages annexes aux fonctions phares. Soulignons que ces démarches expérimentales sont applicables au domaine des déplacements en mode actif. La récente vidéo (virale sur les « réseaux sociaux ») d’un homme circulant sur une palette adaptée pour glisser sur les rails d’une ligne de tramway, montre que l’inventivité et le détournement sont fondamentaux dans les champs d’investigation de l’urbanisme participatif.

en Conclusion

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Enfin, l’observation de la pratique du skateboard nous a permis d’aborder des questionnements théoriques particulièrement mobilisables dans la recherche sur le design urbain. L’analyse critique des formes architecturales de la ville permet de mettre en exergue le design incitatif voire astreignant d’un certains type d’architecture ; mais elle révèle aussi la fragilité de l’équilibre public/privé des centres-villes contemporains. Parce qu’il met en exergue les enjeux de domination spatiale, des vices cachés de notre paysage urbain, il dresse le portrait critique d’une ville où nous nous reposons trop sur des solutions techniques, immédiates, et faciles. Ces éléments réflexifs sont aussi des perches tendus aux concepteurs contemporains. Si nous avons vu des expériences d’interventions sur l’espace public intéressante, et si les skate plaza restent un véritable enjeu d’équipement et de programmation (elle est animée et anime les environs proches), nous devons admettre que les entrées de réflexions mis en avant ne constitue pas une boîte à outil à part entière. La pratique du skateboard permet effectivement d’apporter du jeu, de l’animation sur l’espace public, mais elle ne remet pas en cause les exclusions, qu’elle peut entraîner elle-même. Et elle n’est peut-être qu’un phénomène de mode. D’autre part, la notion du vivre ensemble peut sembler quelques fois illusoire dans un rapport de rythmes différents entre les corps marchant et les corps roulant. En fin de compte, le skate fournit de nombreuses entrées de réflexion sur les aménagements urbains, même s’il reste en soi une contrainte pour le gestionnaire de l’espace public. Il nous semble tout de même semble essentiel de l’observer de près. Dans nos sociétés où les rapports sortent peu à peu des interactions sociales pour se développer sur les réseaux sociaux, il semble indispensable de créer la ville de l’échange et du frottement sur l’espace public. L’incitation à la marche, ou la ludification1 des espaces ouvrent des pistes à investiguer. Aussi, nous ne voulons pas tomber dans la facilité de faire du skateboard le ludifiant/lubrifiant/fluidifiant des dynamiques urbaines, ce serait faire abstraction de ce rôle de « grain de sable » dans le rouage de la mécanique. Mais il nous semble plus pertinent de souligner que la pratique du skate apporte aussi des réponse en matière de temps : rythme de déplacement, activité nocturne des quartiers d’affaire vide, exploitation des cours d’école lors des vacances, remise en cause des fonctions première parfois obsolètes au profit d’un détournement ludique et contemporain, mise en exergue de l’adaptabilité par une activité « marginale ».

Parce qu’aux critiques qu’elle semble émettre elle propose ses propres solutions, nous pouvons donc nous demander si le débat auquel veut s’inviter la pratique du skate (en milieu urbain) depuis trente ans n’est pas simplement la remise en cause de l’approche trop formelle de la conception des espaces publics ?

1 Sonia Lavadinho et Yves Winkin. ludification est «la capacité des villes à augmenter les déplacements en mode doux grâce à un recadrage ludique, éphémère ou permanent, des espaces traversés.»

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fig. 76. Andy kessler (1961-2009) en hors piste urbain. Manhattan. Source: Ivory

Serra. 2005

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Table des matières

I. La gestation _ L’émergence d’une culture urbaine p.13

II. La négociation _ L’ambiguïté de la ville pour tous p.31

1.1 Roulez jeunesse p.14

Préface p.5

2.1 Vivre la ville : entre matière et dématérialisation p.32

1.2 Des vagues au bitumes p.18

Introduction p.9

1.3 «skateboard» ou «planche à roulettes»? p.21

1.4 Entre rupture et continuité, le skate prend son envol p.23

1.5 De l’ombre à la lumière p.17

1.1.2 Les jeux de roule et de glisse pour découvrir la ville p.15

2.1.2 Le skateur, la forme et la fonction p.35

1.2.2 L’urbanisme moderne de Los Angeles : une écologie du skate p.18

1.3.2 Skateboard fever p.22

1.4.2 Reprendre la rue p.25

1.5.2 Regarde la jeunesse dans les yeux1 p.28

1.1.1 Les sports de glisse : des salons à la rue p.14

2.1.1 Le spot : territoire sensible p.33

1.2.1 Une journée sans vague p.18

1.3.1 Le débarquement de Biarritz p.21

1.4.1 Comment le ollie inventa le skate moderne p.23

1.5.1 Quand on veut noyer son chien ... p.17

1.1.3 Fini de jouer : une révolution nommée uréthane p.17

2.1.3 Une représentation rhizomatique de la ville p.36

1.2.3 Un exercice de style p.20

1.4.3 La copie VHS, le réseau social 20 ans avant «youtube» p.26

1.5.3 Mode et effet de modeConclusion de la partie I p.30

p.29

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III. La co-construction _ Faire la ville avec le skate p.55

2.2 La ville à l’épreuve de la glisse urbaine : rejet ou passion? p.38

2.3 Le skate, une plus-value pour la ville …. p.41

3.1 Bordeaux, si t’es skate … p.56

2.4 … Ou une « pathologie urbaine » ? p.46

2.2.2 Le paysage urbain pour décor : la recherche esthétique des vidéos p.40

2.3.2 La valorisation des espaces sous-utilisés p.42

3.1.2 Réinventer le déplacement p.58

Le bruit p.46

La pergola p.62

Prévenir p.49

2.2.1 Jouer c’est résister p.38

2.4.2 Quelle réponse face aux problèmes d’usage ?

Conclusion de la parie II p.53

p.49

2.3.1 Une ambiance urbaine p.41

3.1.1 Une ville marquée par la culture surf p.56

2.4.1 Des symptômes avant-coureurs p.46

2.3.3 Un oeil sur la rue p.45

3.1.3 Une configuration qui facilite la glisse? p.59

Un sentiment d’insécurité p.47

La place Fernand Lafargue p.62

Contraindre p.50

Des dégradations p.48

La rue Sainte-Catherine et ses abords p.63Mériadeck p.63

Punir p.52

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Ouvrages p.87Articles p.88Sitographie p.90

3.2.3 Intervenir dans la ville pour la réinventer: la greffe architecturalep.703.2.2 Skate plaza: un pastiche d’espace public p.68

3.3 Le skate dans les projets d’espace public: études comparées p.72

3.3.2 La place de la République à Paris p.74

Références filmographiques p.91

3.3.1 La Landhausplatz à Innsbrück p.72

Références bibliographiques p.87

3.3.3 La place Pey-Berland à Bordeaux p.76

Pour aller plus loin P.92

Table des figures p.85

Annexes p.97

Glossaire p.95

Bibliographie /// Références documentaires p.87

Conclusion p.79

Table des matières p.82

3.2 Quand le skate fait tourner les bétonnières3.2.1 Streetpark: les raisons d’une controverses

La perte des racinesLa perte de libertéLa perte de créativite

p.66

p.66p.67p.68p.68

Conclusion de la partie III p.78

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p.91

p.87

p.78

Table des figures

Figure 1. Garçon montant sa planche à roulettes avec un patin séparé en deux. Source : Ralph Morse. 1947.Figure 2. Illustration d’un skaterink de Chaussée-d’Antin. Source :La semaine des constructeurs. 1876.Figure 3. Garçon sur son sooter-skate. Source : Ralph Morse. 1947.Figure 4. L’évolution du skateboard revisitée par Hollywood. Le scooter-skate des années 1950, le skate des années 1980, et une «anticipation» du skate volant en 2012! Source : Retour vers le futur I & II. Robert Zemeckis. 1985, 1989.Figure 5. Skateurs testant les plans inclinés d’une école californienne. Source : Hugh Holland. 1978.Figure 6. Chris Miller dans la «pipe» d’évacuation des eaux du célèbre Mount Baldy. Source :J. Grant Brittain. 1980.Figure 7. Seuls comprennent Los Angeles ceux qui peuvent y évoluer à l’aise. Source : Creative Commons ATIS547.Figure 8. Le message radical et explicite de Thraser Magazine. Source : Thrasher Magazine. 1981.Figure 9. Jay Adams (1961-2014) dans une piscine vide. Source : Glen E. Friedman.1976.Figure 10. Rodney Mullen dans une chorégraphie acrobatique. Source : Jim Goodrich. 1980.Figure 11. Avant d’être subversif, le skateboard a été le roll’surf. Source : Le journal de Tintin. n°916. 1966.Figure 12.Pierre-André Sanizergue dit PAS, au «Troca», quand il n’était pas encore un homme d’affaire cali-fornien. Source : http://www.endlesslines.free.fr. 1984.Figure 13. Impact Adhérence Ascension. Source : Thrasher Magazine. 1982.Figure 14.L’autocollant «skateboarding is not a crime», qui recouvre le panneau d’interdiction, qui recouvre le trottoir.Source : John Grant Brittain. 1980.Figure 15. Place Justin Herman. San Francisco. L’«Embarcadero» annoté. Source : Thrasher Magazine.1992.Figure 16. Place de l’Hôtel de Ville. Lyon. Source : Fred Mortagne.2013.Figure 17. Place de l’Hôtel de Ville. Créteil. Source : Jean-Louis Boissier. 2008.Figure 18. Fontaine des Innocents. Paris. Source : Jean Miaille 2013.Figure 19. fig.19. Le «Dôme». Palais de Tokyo. Paris. Source : Raphael Aupy. 2008.Figure 20. Le conservatoire. Bordeaux. Source : yogan muller 2005.Figure 21. Esplanade Kennedy. Nancy. Source : www.googlemaps.com.2013.Figure 22. La forme, la fonction, l’usage. Source : M.S. 2014.Figure 23. The Naked City. Source : Asger Jorn et Guy-Ernest Debord. 1957.Figure 24. Glisse sur un muret à Los Angeles. Source : MS à partir de capture vidéo : Modus Opérandi (2000). 2014Figure 25. Le contexte urbain du «Downtown LA».Source : www.googlemaps.com. 2014.Figure 26. Glisse sur une main courante à Vancouver. Source: M.S. d’après Capture vidéo : Goldfish(1993). 2014.Figure 27. Le contexte urbain du «Downtown Vancouver». Source : Vancouver (B.C.). Social Planning Department.1986.Figure 28. La promenade d’ «Islais Creek». Source : http://www.whyelfiles.com/wf-navigator/2013/02/16/3rd-and-army .2014.Figure 29. Comment une promenade s’est transformée en skatepark. Source : https://www.flickr.com/photos/bartondamer. 2009Figure 30. Le bâtiment de stockage de Fort Milez. San Francisco. Source : Sean King.2007.Figure 31 Comment une promenade s’est transformée en skatepark. Source : Sean King. 2007.Figure 32. Le parvis du Palais de Justice. Vide. Source : M.S. 2014.Figure 33 Des Skateurs bravent l’interdiction. Source : M.S.2014.Figure 34. L’hubba Hide-out, anti-skaté. San Francisco. Source : Nobuo Iseki 2006. Figure 35. L’hubba hide-out, désanti-skaté. San Francisco. Source : Sean King. 2007.Figure 36. Une plaque de métal suffit à couper la course d’un skate. Source : M.S. 2014.Figure 37. L’aménagement dissuasif se transforme en jeu de parcours. Source : M.S. 2014.Figure 38. «Remplir» un «coin à pisse», puis le rendre inskatable. Aménagement de l’absurde. Source : M.S. 2014.Figure 39. Ceci était une piste de skate. Source : M.S.2014 ;

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Figure 40. Simple, mais efficace?. Source : M.S.2014 ;Figure 41. Arêtes érodées. Source : M.S.2014.Figure 42. Le pibal : bicyclette et trottinette. Source : Élise Henry. 2014.Figure 43. La Communauté Urbaine de Bordeaux encourage tous les modes actifs. Source: M.S.2014Figure 44. Une impressionnante de revêtements (roulant) et de calepinage. Source : M.S.2014Figure 45. Une localisation centrale des lieux de rencontre de skateur. Source: M.S.2014. Photosatellite: Bing.comFigure 46 La Pergola à Cauderan; Source : M.S. Photo (gauche): http://skateuse-bdx.skyrock.com. 2014Figure 47 Place Fernand Lafargue. Source : M.S.2014Figure 48. La rue Sainte Catherine, ses commerces, ses marches de marbre et ses «riders». Source : M.S. 2014Figure 49. Le quartier Mériadeck et son insertion dans le tissu urbain bordelais. Source : M.S. photo: Bing.com. 2014 Figure 50. Au cas où... Source : M.S. 2014Figure 51. La complexe de passerelles. Source : M.S. 2014Figure 52. À côté de Mériadeck, d’autres spots. Source : M.S. 2014Figure 53. Au milieu des tours, jouent des enfants. Source : M.S. 2014Figure 54. Chasse-roue scié. Source : M.S. 2014Figure 55. Les aménagements varient, les ambiances non. Source :M.S. 2014Figure 56. Une forme primitive «skatable». Source : M.S. 2014Figure 57. Le skatepark, un lieu de pause… . Source : M.S. 2014Figure 58. ... et un lieu de vie ouvert. Source : M.S. 2014Figure fig. 59. Nouvel équipement bordelais, inspiré des skate plaza, avec un semblant d’agrément paysager. Source : M.S. 2014Figure 60. Ed Benedict plaza à Portland. Equipement de skate perméable et vert. Source : https://maps.google.fr/maps.2014Figure 61. Dave Chambers skate Une greffe architecturale spontanéeà Portland. Source : http://www.typicalculture.com. 2012Figure 62 : Un des spots créés pour Evento. Source : 2009Figure 63. Une cornière et la jardinière devient un spot. Source : M.S. 2014Figure 64. Un spot réinventé avec une extension de bois. Source : Damien Raveau. 2011Figure fig. 65. La Landhausplatz avant les travaux. Source : Bing.com.2014Figure 66. La Landhausplatz, un véritable skatepark. Source : Martin Herrmann. 2013Figure 67. Le projet de LAAC/Siefel/Kramer vue en hauteur. Source : Günter Richard Wett. 2010Figure 68. Marcher, skater, téléphoner, flâner, manger, regarder... Source: TVK/Clément Guillaume ; 2013Figure 69. ....Un espace pour tous les usages. Source : TVK/Clément Guillaume; 2013Figure 70. La place de la République avant les travaux. Source : TVK / Air images / Myluckypixel. 2013Figure 71. La nouvelle place de la République. Source : TVK / Air images / Myluckypixel. 2013Figure 72. La place Pey Berland encombrée par la voiture; Source Mairie de bordeaux. n.d.Figure 73. La voiture a laissé la place au tramway, le sombre au clair. Source Mairie de bordeaux. n.d.Figure 74. La perspective vertigineuse de la banquette et l’arête tronquée. Source: M.S. 2014Figure 75. Les éclairages contemporains au sol enchantent la nuit bordelaise qui redécouvre ses espaces cen-traux. Source : Christian Desile. 2007

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Bowl : module en forme de cuvette, inspiré des piscines californiennes

Contest : compétition

Coping : tube situé sur le haut d’une courbe ou sur un curb. Inspiré de la margelle des piscine, il per-met de glisser.

Courbe : forme arrondie qui permet la prise d’élan et les sauts.

Curb, ledge : muret à angle droit qui permet de réaliser des figures variées (manual, grind, slide)

Flat (plat) : désigne la partie plate d’une rampe, ou d’un spot. Désigne aussi un style de skate, oùl’on ne fait que des figures au sol.

Flowpark : skatepark tout en courbe, sans angle droit. On peut en principe y rouler sans jamais s’arrêter (d’où le nom) grâce à des prises d’élan et une fine connaissance des lignes.

Freeride(r) : pratique d’une glisse libre, hors cadre. Les freeriders ne s’attardent pas longtemps au même endroit et apprécient la descente.

Grinder : action de glisser sur les 2 trucks du skate

Grip: revêtement supérieur de la planche en matière abrasive.

Local, locaux : désigne un (les) habitué (s) d’un spot, d’un skatepark.

Manual : Action de rouler sur 2 roues, avant, ou arrière.

Ollie: figure qui consiste à sauter avec la planche «collée» au pied; sous l’effet d’une impulsion du pied arrière et du raclement d pied avant sur la grip, la planche adhère aux pieds du skateur lorsqu’il est en l’air.

Riders : pratiquants en skate, enroller, en bmx. Cf. freeriders

Roller, rollerskate : patin à roulettes

Rampe : module en forme de « U » composé de deux courbes se faisant face et séparées par un plat.

Ramppark : skatepark accueillant des rampes de diverses taille, reliées ou non, parfois en enfilade.

Skateboard, skate, board : planche à roulette constituée d’un plateau en bois équipé d’essieux métal-liques et de roues permettant la pratique du skate. Skate peut désigner à la fois l’objet et sa pratique.

Glossaire

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Skateur, skateboardeur, skateboarder: pratiquant de la planche à roulette.

Skatepark : aire dédiée à la pratique du skate, du roller, de la trottinette et du bmx. Sous ce terme générique on désigne indifféremment le streetpark, le snakerun, le ramppark, le bowl, le flow park.

Streetpark : skatepark reprenant des formes urbaines, comme les trottoirs, les murets, les bancs, les marches, les rampes d’accès PMR.

Slider : glisser sur le bois de la planche de skate.

Snakerun : piste de skate tout en virage, étroite et évasée.

Spots : endroits pour pratiquer la glisse urbaine. Ne s’emploie pas pour un skatepark.

Street, streetskate, streetskating : la pratique du skate dans la rue. Pratique du skate sauvage (par anologie au camping) ou hors-piste.

Trick : figure acrobatique.

Vert, Verticale : partie de la rampe perpendiculaire au sol.

Wax : paraphine utilisée par les amateurs de glisse urbaine pour rendre une surface ou une arête plus glissante.

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AnnexesEntretiens conduits

Entretiens extraits de www.cité-skate.com

Article de Beach brother sur Evento et les spots créés à Bordeaux

Extrait du projet «Imagining Islais Creek»

Article de Sud-Ouest «Bordeaux nouvelle place forte du skate»

Arrêté municipal déclarant l’interdiction du skate en certains lieux

Grilles multi-critères utilisées pour la partie 3.3

Jim Lalondrelle

Elizabeth Touton, adjoint au Maire de Bordeaux

Gil de La PointeSébastien Daurel

Jean-Philippe Gardère, directeur des espaces publics à la Ville de Bordeaux,

Marie-Hélène Cavaillole responsable de la programmation de voirie à la Ville de Bordeaux

Christophe Ernoult responsable de lavie urbqine et de lq proximité à la Ville de Bordeaux

Fabien Pedelaborde, architecte.

Léo Valls, skateurs professionnel.

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Entretien semi-directif

Entretien Elisabeth Touton, conduit le jeudi 28 août à l’Hôtel de Ville de Bordeaux.

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Entretien semi-directif

Entretien Christophe Ernoult, conduit le vendredi 25 juillet à la Direction générale de la vie urbaine et de la proximité de la ville de Bordeaux.

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Monsieur Vincent Ernoult, Directeur de la vie publique et de la proximité, Mairie de Bordeaux 

 

« Je suis père de deux enfants, qui ont aussi une passion pour la pratique du skate, donc je connais un peu l’enthousiasme des skateurs pour s’amuser sur l’espace public. Après tout, je reconnais que l’interdit à un côté grisant, et que détourner le mobilier est amusant. 

Cependant, je trouve que la pratique en soirée pose un problème. Lorsque des skateurs investissent la place du palais à 1 heure, cela crée des nuisances, en particulier pour les riverains. Et s’il y a nuisance, il doit y avoir récrimination.  

A Bordeaux nous sommes équipés de trois skateparks, trois espaces conçus spécifiquement pour cette pratique. Nous avons spécifiquement fait cela afin de répondre à une demande.  Les skateurs doivent donc éviter d’en faire dans la rue, surtout que cela occasionne aussi des dégradations.   

Certes on essaie d’équiper le mobilier en anti‐skate, mais souvent les architectes eux‐mêmes ne sont pas d’accord pour que l’on sabote leurs œuvres.  

D’ailleurs le détournement des usages en tant que tel ne me pose pas de problème. Par exemple le miroir d’eau  était au départ conçu comme une œuvre d’art, figé, minéral. Je ne pense pas que l’auteur de cette œuvre s’attendait à ce que cela deviennent un pédiluve géant ! 

Vous savez, le bon usage de l’espace public est une question de dosage. Lorsque des jeunes viennent s’amuser sur une place ce la peut créer des nuisances sonores ; Si l’on rajoute à cela la musique, les canettes … Certaines personnes appelle la mairie pour se plaindre. C’est là où nous enregistrons de nombreuses plaintes que nous mettons des panneaux d’interdiction. Après, chez on ne peut pas tout contrôler, et puis il y a une vraie expression dans l’interdit. 

En revanche, pour sa bonne gestion,  l’espace public doit être réglementé. Et lorsqu’il y a infraction au règlement, il y a procès verbal.  

Les skateurs doivent apprendre à composer avec les autres usagers. Il y a une compétition dans les usages. Par exemple, si vous observez les bancs du cours Victor Hugo, vous verrez qu’il sont assaillis par les skateurs, puis quand ils partent ce sont des marginaux qui viennent s’installer dessus  

 Les usagers se disputent l’espace public. En principe une régulation se fait. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans une logique de partage. » 

 

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Entretien semi-directif

Entretien Jean-philippe Gardère, conduit le mardi 22 juillet à la Direction des espaces publics et des déplacements urbains de la ville de Bordeaux.

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Entretien semi-directif

Entretien Jean-philippe Gardère, conduit le mardi 22 juillet à la Direction des espaces publics et des déplacements urbains de la ville de Bordeaux.

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Entretien semi-directif

Entretien Marie-Hélène Cavaillole, conduit le mardi 15 juil-let à la Direction des espaces publics et des déplacements urbains de la ville de Bordeaux.

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Entretien semi-directif

Entretien Fabien Pedelaborde, conduit le mercredi 16 juillet à son agence.

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Entretien semi-directif

Entretien Léo Valls, conduit le jeudi 31 juillet au Borsalino.

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Quand tu commences le skate et que tu en fais dans la rue pendant plusieurs années et que tu tombes vraiment amoureux de ça c'est à dire pratiquer le skate dans l'espace public, dans la rue, tu te rends compte en prenant un peu de recul que le skatepark ça a été construit pour que toi tu puisses plus en faire dans la rue, et que le skatepark, pour beaucoup de skateurs de street c'est un peu une prison. C'est la la mairie qui te dis tu vas là, t'es dans cette cage, tu en fais ici parce que toi tu veux faire un sport où il n'y a pas de règle et nous ne sommes pas d'accord on y met des règles, et toi t'es obligé d'accepter ça. Et après si tu te rebelles et que tu continues à faire du skate dans la rue, ils te disent on t'a fait un skatepark, tu as ta cage, maintenant tu n'écoutes pas, on va te mettre une amende. Le skatepark il faut qu'il soit là, pour encadrer un minimum les jeunes pratiquants, qui ont besoin d'une structure. Moi j'ai jamais fait de skatepark, j'ai toujours skater dans la rue. Aujourd'hui c'est mon métier de skater et heureusement que j'ai toujours skaté la rue, sinon ça n'aurait pas marché. Je peux y aller, faire le tour, si mes potes veulent y aller, mais très vite je tourne en rond parce que j'ai l'impression d'être entre des barreaux. Quand tu gagnes de l'expériencce, tu découvres chaque rue chaque ruelle de ta ville, tu vas fouiller de fond en comble pour essayer de bien la connaître et trouver TOUS les endroits qui vont être intéressant à skater. Tu vas être attiré par des structures ou des formes que personne ne peut voir et que seulement toi tu vois. Tu mets un peu un filtre sur ta vision qui te permets de voir autre chose que la moyenne des gens. Voire quelque chose dans la rue que les autres ne voient pas c'est quand même une faculté qui est hyper intéressante. Comme tu est constamment dans le rue, c'est la meilleur école de la rue, tu vois des gens riches, des gens pauvres, des clochards, des bourgeois, des gens pas sympas, des gens hyper sympas, des gens qui vont te voir faire du skate dans la rue et qui vont complètement l'accepter et trouver que c'est l'intérêt du vivre ensemble sur l'espace public, d'autre qui vont être scandalisés qui vont te dire que t'as pas le droit de faire ça, toute sorte de gens, des cailleras, des craqués. Tu prends conscience que tout ce petit monde se mélange, et ça c'est interessant. C'est vrai qu'il y a dans la pratique, une vraie appropriation de l'espace public. Mais finalement cette appropriation, elle est aussi en relation avec le rejet de la société d'aujourd'hui. Le skateboard c'est aussi une critique de la société, ses règlements sécuritaires. C'est une façon de se rebeller par rapport à tout ça. Le skate c'est juste une preuve de liberté. Apr ès oui je comprends que les gens puissent se plaindre si les skateurs abusent. Moi je pense qu'il y a une règle à avoir, c'est de toujours rester courtois, polie et gentil avec les gens. Si tu vois que tu es face à une personne avec qui tu peux pas dialoguer, t'arêtes. Si t'es en plein milieu d'une photo, tu termine ta photo et tu t'en vas. Tu respectes. C'est un peu ce que je m'évertue à dire aux autres skateurs avec qui je discute, n'abusez pas, le respect, toujours. La plupart des gens peuvent pas le comprendre parce que c'est nouveau, ça a quoi, 20 ans ? Regarde les voitures, c'est là depuis longtemps, on est OK pour que les voitures passent dans la rue, polluent l'atmosphère, on ne dit rien ; Le skate est nouveau, ça choque encore les gens, alors que ça pollue pas et ça fait moins de bruit qu'une voiture. Il n'y a pas de violence chez les skateurs. Je connais plein de gens qui se sont pris des amendes, il n'y a jamais eu un problème avec les flics. Une fois ça a mal tournée, le type leur a jeté de l'eau, il a

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fini au poste. C'est la seule histoire qu'il y a eu.

Tiens si tu veux un exemple, l'autre jour je skatais devant le palais de justice et un restaurateur est sorti et m'a dit : «Maintenant vous partez ou j'appelle la police.» Moi j’essaie de discuter calmement avec lui de lui expliquer qu’on fait rien de mal. Lui me répond qu’on fait du bruit, ca à quoi je lui réponds qu’on fait moins de bruit que les voitures qui passe juste devant son restaurant. Et là il me dit :«Oui mais les voitures on ne les entend plus, on est habitué».

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Témoignages tirés du site bordeauxciteskate.com

Entretien Jim Lalondrelle.

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Home Témoignages Old School Jim Lalondrelle, un skateur engagé

je pratique un skate quime permet encore derider à 50 ans

J’étais bon en saut enhauteur, j’ai même égalédes records de niveaunational

Jim Lalondrelle, un skateur engagé

Jim, originaire d’Agen, est skateur depuis plus de 30 ans. Il revient avec nous sur ses différentes activités :président d’association, dessinateur, propriétaire de magasin, etc. Son engagement et sa franchise lecaractérisent, tant dans sa pratique du skate que dans ses choix de vie. Une rencontre riche d’enseignements, quine devrait pas s’arrêter là ! On se retrouve sur Skatebook ?

Béatrice : Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Jim : Je m’appelle Jean-Marc Lalondrelle. Mon pseudo dans le skate est Jim, faisant référence à un skater procalifornien de l’époque, appelé Jim Muir. J’ai fait mes débuts à Agen (avec les frères Vilpoux) et cela faitmaintenant 34 ans que je pratique le skateboard.

B. : Comment as-tu découvert le skate ?

J. : En 1978, J’ai découvert cet objet contemporain en sortant d’un cours de natation. Je me suis rendu toutsimplement dans un magasin multisport. Je le qualifie souvent d’objet du délit. Il permet de développer unepersonnalité, de découvrir de nouveaux sens. C’est une nouvelle manière de s’exprimer physiquement. Ils’agissait d’une Banzaï en plastique, marque phare à l’époque en France avec comme riders Thierrry Dupin et JoséDe Matos.

J’ai donc suivi l’évolution de ce sport et des différentes pratiques. Le skate était populaire à la fin des années 70.On pouvait le trouver dans les magasins de sports, mais aussi en tête de gondole dans les supermarchés. Lapremière vague a ainsi été touchée.

B. : Quels sont tes spots actuels ?

Je skate sur les quais, à Langon, dans le Pays Basque et en Espagne. Je skate de la courbe, j’aime quand ça fait aumoins deux mètres de haut. J’ai commencé en faisant de la rampe, je suis plus à l’aise avec ce type de hauteur. Jepeux y aller sans soucis. Par contre, j’ai toujours aimé skater avec desprotections. On peut s’amuser à faire sans, mais quand on en mange une surla tête, on commence à réfléchir. Les conséquences peuvent être graves. Jene fais pas la morale, mais je pratique un skate qui me permet encore derider à 50 ans.

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Le parcours de Jim (1978-2012) himself

J’ai commencé dans la rue et je me suis cassé la figure. C’est un objet ingrat, mais qui interpelle. J’ai persévéré etj’ai intégré une association à Agen, dans laquelle il y avait une section “skate”. On pratiquait essentiellement surdu plat. On retrouvait ,le slalom, le freestyle,. Celui-ci est issu de la culture surf, composé de 360°, de wheelies…Donc beaucoup plus fluide dans le mouvement, apparenté au patinage artistique. Et il y avait aussi le saut enhauteur et de la descente. Un circuit était déjà en place avec la Coupe de France et une Fédération. Le skate n’ajamais eu assez de licenciés pour se constituer une fédération propre. Je pratique du freestyle comme tout lemonde. C’est un objet qui nécessite de l’engagement et un certain esprit decompétition.

Je ne pratiquais pas le circuit à fond, il y avait parfois quelques compétitionsrégionales. J’ai toujours une approche un peu différente, et ce depuis lespremiers tours de roue. Je suis passé de la planche en plastique auxpremières planches en bois, qui prennent un peu de volume et qui sontmoins dangereuses. J’ai eu très vite construit mes premiers banks et mespremières planches Je me suis toujours impliqué dans le monde du skate tout en gardant un oeil extérieur. C’est

12 mars 2012 Category: Old School, Portraits de skateurs, Témoignages Commentaires fermés

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La courbe étaitminoritaire, puis elle estdevenue une véritabletendance.

Les gabarits retrouvéspermettaient à l’originede transporter desbarriques de vin sur uncamion-plateau

comme ça que j’aborde vraiment toute la culture.

Je me suis mis ensuite à faire du bank. C’est vraiment ce type de skate qui m’a plu. J’ai été pris par le virus. C’estune époque importante car j’ai eu besoin par nature de créer mon propre terrain. On a organisé quelques démos,avec le club et un shop du coin. C’était grisant !!. En s’inspirant des magazines américains (Skateboarder), on acréé avec mes potes d’agen, Stéphane et Philippe Vilpoux, Patrick Chaubard l’un des premiers half-pipes deFrance avec du plat. On a été en mesure de générer une scène. On se surnommait même la “Bones Brigade SantaAgena”, car j’avais pris contact avec Powell Peralta, possédais la Member Card et correspondais avec Stacy Peralta.

En 1980-81, on n’hésitait pas à partir en Espagne pour rider, Je citerai notamment le skatepark d’Arenis del Mar àBarcelone. Le spot est en train d’être réhabilité (Cf. Kingpin fevrier 2011, DIY). Ce sont des moments forts, ancrésdans mon adolescence. Que de bons souvenirs ! En revenant d’Espagne, notre fameux half-pipe agenais avait étédétruit, car nous l’avions installé sans autorisation dans l’enceinte du stade municipal. On avait fait de larécupération pour faire la structure et l’association nous avait financés le plaquage (NDLR : revêtement). Ladébrouillardise et la passion avaient fait le reste.

J’étais vraiment dans une phase ascensionnelle, en terme de niveau. Je lisaisà fond Skateboarder Magazine. On faisait partie des pionniers à faire de laverticale en France. A cette période, au début des années 80, il y a avait desfoyers forts (Paris, Béton hurlant, avec Alexis LePesteur). Mais la vente deplanches de la première génération commençait déjà à décliner. Beaucoup depersonnes ont abandonné, car elles pratiquaient des disciplines plusclassiques. La courbe était minoritaire, puis elle est devenue une véritabletendance.

En 1982, je suis arrivé à Bordeaux pour poursuivre mes études. J’avais vécu une frustration sur Agen, car on nousavait détruit notre rampe. On n’avait pas de réels supports de communication, mais le tam tam de l’uréthanefonctionnait. J’avais déjà rencontré quelques skateurs lors d’un battle à Chauffour, rue Saint-Bruno : GilDelapointe, Jean-Marie Canicas, Pierre Lawton. En tant que futur étudiant, ces rencontres ont joué le rôle depasserelle avant de choisir la ville de Bordeaux.

En arrivant ici, j’ai repensé à ma dernière expérience et j’ai décidé de me responsabiliser. J’ai retrouvé Fabrice LeMao. On s’entraînait sur les Terrasses du Médoc et j’ai repris la présidence de la section skate de l’Union Saint-Bruno en 1983. Nous avions pu récupérer l’armature d’une rampe à l’aéroport de Mérignac. Les gabarits retrouvéspermettaient à l’origine de transporter des barriques de vin sur un camion-plateau. La forme en U correspondait àune hauteur de mini-rampe, mais on a voulu aller plus loin. On a testél’elliptique, sans oublier d’imaginer différents petits modules. La rampe a étépeinte volontairement en rose pour faire allusion au skatepark Winchester, enCalifornie. Le secrétaire, adjoint au sport de la Mairie de Bordeaux (M.Bimes)nous a soutenus . On a eu une chance inouïe, Cette rampe s’est retrouvée austade Malleret. Mon objectif était bien évidemment d’augmenter le nombred’adhérents et pouvoir ainsi bénéficier de subventions pour de nouvellesinfrastructures. Il a fallu se responsabiliser,et je me suis pris au jeu commeun chef d’entreprise.

Je me suis également investi dans la création d’un fanzine en 1983 et ai monté une association pour pouvoiréditer “The French Bursting Way” devenu “Style” ensuite mais n’ai pas pu le poursuivre, car j’ai été amené à partirde Bordeaux. On ne dénombrait qu’une soixantaine de skaters en France et c’est ce qui nous a en partie fédérésau niveau national. Le fanzine était un relais des skaters.

Pour des raisons personnelles, j’ai confié en 1985 la gestion de la section skate de l’Union Saint-Bruno à PierreSabouret (frère du skateur Franck Sabouret), ne voulant absolument pas abandonner le projet ou que l’on casse cequi avait été entrepris.

En 1986, je participais à l’aventure de la création d’une marque de boardwear “Gatzby” dont le logo a été créé parGil de la Pointe, avec le concours initial de Stéphane Vilpoux. Je les ai donc rejoins car je m’identifiais vraiment àla marque. Cela a été une belle aventure, mais on a été confronté aux affres de la création d’entreprise……

En 1987, revenant sur Bordeaux j’ai repris la section skate de l’Union Saint-Bruno avec Fabrice Le Mao et ai eul’opportunité de travailler chez Local Motion. Je combinais les deux activités et souhaitais que le club se

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En 1991, sont venuesdifférentes “teams”, laBones Brigade avec TonyHawk, Ray Barbee, LanceConcklin , StéphaneLarance, Nicky Guerrero,Sebastien Daurel

développe. En 1989, je décidais , avec Stéphane Girard et Emmanuelle Freyssange, de créer un évènement : “ LeTrophée de Bordeaux”. Cet évènement fût une véritable réussite. Il était doté d’une aire de street et d’une rampe,répondant aux attentes de la scène skate Bordelaise. De mémoire, la rampe mesurait 10m de large et 3m30 dehaut. Un beau bébé construit en 24h!. Merci au menuisier Traquet, le tout, indoor dans une salle multisports à laBenauge. On avait eu recours à des sponsors privés et à une excellente couverture médiatique. A Bordeaux, onretrouvait Vincent Casarangue, Alexandre Audebert, Fabrice Le Mao, Yan Renaud, Franck Sabouret et Seb Daurel…

A la suite de cette réussite, on comptait alors 150 licenciés. La rampe ayant été installée au stade Alfred Daney,nous avons pu accueillir deux fois la Bones Brigade (Tony Hawk, Steve Caballero, Mike Mc Gill, Tommy Guerreroetc.). On voit d’ailleurs la rampe sur la vidéo la plus célèbre “ Ban this” de Powell Peralta. La scène skate était bienprésente à la fin des années 80. On a voulu démocratiser un peu plus la courbe, en fabriquant une mini-rampesupplémentaire. On rivalisait ainsi avec Bourges et Toulouse. J’ai ensuite quitté le club en cédant ma présidence,ainsi que le bureau de la Fédération au niveau régional.

Entre 1989 et 1992, j’ai été freelance en designant des skateparks pour une entreprise locale de menuiserie (80infrastructures en France). Cela m’a permis d’acquérir de l’expérience concernant la construction et maintenir lecontact avec les mairies.

En 1990, je me suis impliqué dans le skatepark du Domaine de Four à Claouey. J’ai alors fait refonctionnerl’association que j’avais créée en 1983 pour le lancement du fanzine : l’Association du Skateboard du Sud-ouest.Ayant récupéré la rampe du Trophée de Bordeaux alors au stade Daney, je projetais de l’installer là-bas. Ceskatepark a été créé en 1978. Il est en forme de “Snake Drain Ditches”, c’est-à-dire des plans inclinés, avec unrevêtement en béton rugueux. Par contre, il possède une âme car il est au milieu des pins. Entre le dioxyde decarbone et la senteur des pins, j’ai vite choisi mon camp. On voulait, avec Gil Delapointe et Dominique Coulon,dynamiser ce lieu. On a choisi un mélange béton-bois. On a refait le béton, on a relié une mini rampe et on aajouté des plans inclinés en bois. Le mélange béton-bois n’était pas courant à l’époque. Puis on l’a baptisé «Matoucat », ce qui en patois signifie le lieu où se réunissent les gens.

En 1991, sont venues différentes “teams”, la Bones Brigade avec Tony Hawk, Ray Barbee, Lance Concklin ,Stéphane Larance, Nicky Guerrero, Sebastien Daurel. On a organisé aussi unedémo New Deal avec Ed Tempelton, Neil Hendricks, Andy Howell, JeremyDaclin et une soirée démo concert avec tout le team Death Box dont AlexMool, Peter Hewitt et Natas Kaupas. On s’est vraiment bien éclaté. Cela paraitincroyable avec du recul. Très bonne expérience, mais nous n’avons pas pupoursuivre pour des raisons professionnelles.

Depuis 1993, je pratique un skate plaisir, sans chercher à apprendre. Jeprivilégie le style, me préserve physiquement et ne prends plus de risques.Pendant une dizaine d’années je suis resté uniquement pratiquant, yconsacrant moins d’heures en raison de mon travail.

En 2002, j’ai ouvert mon propre magasin, Senium. Ce ne fut pas ma meilleure expérience dans le monde duskate. J’aidais certains riders dont Hervé Cosic, Léo Valls. J’ai organisé avec la collaboration de RomualdCailleteau, Laurent Rosain et Ludovic Marchand le Free Skate Day à Cestas. Le concept était de skater pendant 24h, on s’est contenté de 12h, déjà pas mal.

En 2007 après la fermeture de mon magasin, j’ai revu Julien Chauvineau, du skateshop Transfert, créé en 1998. ilme parle de la construction d’un pool, et son fameux Black Bowl Batallion . Il réveille en moi un rêve d’adolescent.

Depuis ces retrouvailles, je me suis remis au skate et c’est une renaissance qui s’est instaurée.Le skate est une véritable addiction “saine” à l’inverse de l’image qu’il peut véhiculer. La France est un pays qui aréellement 25 ans de retard sur la typologie des skateparks. Les Etats-Unis et notamment la Californie sontvraiment en avance dans ce domaine. Plus Trasher que la scène actuelle, ces skaters pratiquent un skate plus“core”, correspondant à l’origine du skate.

En 2010 et 2011 j’ai participé au Cradle Rock organisé par l’association Octopus et à la “French Old School SkateJam”, où se retrouvent les “oldtimers” du skateboard Français.

Je suis et resterai toujours passionné par le skate. Je ménage mon corps pour pouvoir pratiquer encorelongtemps. J’ai des automatismes vraiment intégrés, dans mes cellules, dans mon disque dur, d’un point de vuebiomécanique et culturel. C’est très difficile de dire “ J’arrête le skate”.

Après avoir dessiné et conçu des skateparks, je continue de m’exprimer en créant des objets de décoration surdes planches de skate. Je découvre un nouvel univers grâce au monde du skateboard. C’est ce que j’adore dans cemilieu, il permet vraiment de s’épanouir au sens large du terme car il a plein de ramifications dans sa culture.C’est initialement un milieu créatif, dans sa pratique et sa contre-culture.

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Témoignages tirés du site bordeauxciteskate.com

Entretien Gil de la Pointe.

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Gil Le Bon Delapointe – Concepteur de laPAS House

Peux tu te présenter ? Mon nom est Gil Le Bon Delapointe,Je réside a Dana Point en Californie depuis 13 ans où je travaille comme designer pour un autre francais, PierreAndre Senizergues (PAS) , ex pro skateboarder et propriétaire de Sole Technology, une société qui crée etcommercialise des chaussures et vêtements de sports de glisse, essentiellement basée dans le skateboard etsnowboard.Etnies, Emerica, 32, Altamont sont les marques de ses produits distribuées mondialement.

Dans le cadre de mon travail pour Etnies avec Pierre Andre, j’ai développé il y a quelques années une ligne demeubles crées a partir de skateboard recyclés: www.skatestudyhouse.com ainsi qu’un concept architecturald’espaces d’habitation skatable, la “PAS house” présentée l’ete dernier (2011) a Paris dans le cadre de l’exposition“Public Domaine” Culture du Skateboard a La Gaité Lyrique:

C’est au cours de cet exposition que Sébastien Daurel me parle du Projet Darwin a Bordeaux avec cet espacecouvert destiné au skateboard. L’esprit du projet (communautaire, écologique) étant très proche de la philosophiede la marque Etnies avec cette maison skatable éventuellement itinérante nous a décidé de l’y installer pour unmoment. je remercie d’ailleurs Philippe Barre pour cet opportunité et Seb qui a assuré le remontage de la PASHouse.Comme quoi la boucle est bouclée: un skater bordelais de la première vague, vivant en Californie revient dans saville au travers d’une création architecturale skatable…

A. : Justement, raconte nous ton histoire

76, Les Débuts… “nous nous inventions notre Californie anous.”

16 juin 2012 Category: A la une, Artistes, Les créatifs, Non classé, Portraits de skateurs, Témoignages 5

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Je decide de m’essayer au skate en 76 après avoir vu un reportage télé de 5mn sur le skateboard en Californie.J’ai été tout simplement fasciné par cette vision d’un monde nouveau: les courbes des skateparks en béton, lesprotections des skateurs, l’engin (le skateboard), la vitesse, la gestuelle, la ressemblance avec le surf, tout cecientouré de ciel bleu et de palmiers…sensations de liberté et d’autonomie.Haha, quel cliché! et ça me reste encore tres présent plus de 30 ans après.

Ensuite, tout va tres vite:Mon premier skate, un “skuda” en plastique acheté dans un magasin de jouet, mon skatepark est la rue derrièrechez moi. je ne fais plus que ca. tous les jours s’il ne pleut pas!En fait, tres vite le plat n’est pas mon truc, je suis fascine par la courbe ou plutot les plans inclinés.Je commence a démonter les portes intérieurs de la maison que je pose contre la table du jardin qui me servira deplateforme.Le soir, je remets les portes en place avant le retour de mon père.Au fur et a mesure que les portes se noircissent, j’invente ma petite routine avec une série de kickturns et autrestricks.Au bout de 6 mois d’entraînement solitaire, je décide d’aller a la rencontre des autres, j’habitais en banlieue, doncil fallait aller en centre ville et plus précisément ca se passait aux terrasses du Front du Medoc, quartierMeriadeck, a l’époque tout fraîchement rebâti, voire pas encore terminé.

Gil de La pointe - Meriadeck 77

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Gil de La pointe - Meriadeck 77

Cet endroit est devenu mon nouveau chez moi pendant a peu pres 2 ans, de 77 a 79. c’était de la folie, on etaiten pleine premiere vague du skate en France, le week end était surchargé de monde: slalomeurs, freestyleurs,surfers en mal de vagues, etc…Skateurs occasionnels mélanges à un petit noyau dur d’habitués.La semaine, je séchais les cours pour retrouver les potes aux terrasses. Comme Meriadeck était en pleinerenovation, on récuperait des panneaux de bois dans les chantiers alentour et on se fabriquait des banks et autrestransitions éphémères…le street de l’epoque.On créait des skateparks pour une journée, voire plusieurs jours avant que la police ou les services de voirie nenous délogent.On construisait ses modules en plans inclinés avec des parpaings pour les maintenir.A. Mais quand on voit aujourd’hui les contraintes de sécurité et de normes à respecter, on se dit que c’estun autre monde quand même… Vous n’aviez pas de problème avec la police ?

Bien sûr que si. Ca n’a jamais été simple pour les skateurs qui improvisaient leurs modules. Les planchesdisparaissaient. C’était interdit, mais cet endroit tout neuf de Mériadeck était vide le soir, désert. Nous onl’occupait, on lui donnait une vie à la nuit tombée.

C’est aussi ca qui était excitant, ce côté totalement hors normes, inclassables. L’image du skate sur les genslambda était partagée entre admiration, amusement ou peur et rejet total.Nous mêmes, nous ne savions pas combien de temps tout ca aller durer, mais on avait l’impression de toucher àquelque chose de nouveau, cette recherche permanente de sensations nouvelles, il y avait tout a faire…

Page 148: Mémoire M2 design urbain _ skateboard

Gil de la Pointe - Saintes 79

Puis les choses ont commencé à se structurer: rencontre avec Jean Marie Canicas, Alain Dussarat et Jean PaulDupuy qui s’occupaient d’un club de skateboard au sein de l’union St Bruno. je suis intégré au club pour moncote “rider de modules”.On commence à faire des démonstrations le week end dans tout le sud ouest avec notre bank en bois, l’équipe secompose aussi de (pardon pour les oublis) de Dominique Coude du Foresto, Denis et Bruno Dupuis.

Les shops nous aident aussi au niveau matos: Atlantic Surf Shop et Skate shop number one.Jean Paul Dupuy avait un camescope, chose rare à l’époque. Honnêtement, c’est quelque chose qui n’a paschangé. C’est exactement ce que font les gamins aujourd’hui avec les GoPro. On avait le privilège de se voir, maisla différence c’est qu’on ne pouvait pas les diffuser. On avait l’impression de s’inventer notre monde, on filmaitpour nous.

1978: les rampes émergentEn 78, Philippe Vergez nous rejoint, les skateparks et autres rampes plus ou moins bien reussis commencent à“pousser” dans la region. Initiatives privées ou publiques, le résultat est plus ou moins heureux mais nous offredes bons motifs de ballades: Saintes, Claouey, Port Maguide (Lac de Biscarosse)…Avec Philippe, nous participons et assistons à la fabrication du skatepark de Claouey.Découverte du surf le matin et session skate l’après midi.

Page 149: Mémoire M2 design urbain _ skateboard

Gil de La pointe - Claouey 88

Quel rapport entre l’histoire du surf et du skate ?Le surf a démarré en France à Biarritz fin des années 50. Fin 70, les 2 principaux/premiers surf shops où l’onpouvait trouver du matos de skateboard americain dans le Sud Ouest était Joe Moraiz a Biarritz et Atlantic Surfshop a Bordeaux. Cette petite culture du surf sur tout la côte de Biarritz à Lacanau, a influencé la naissance de laculture skate à Bordeaux.

A Mériadeck , les premiers skateurs/surfeurs en recherche de vagues “en dur” avaient pris l’habitude dedescendre les rampes d’accès (voiture) en colimaçons des parkings sous terrains. C’était un bon spot l’hiver,quand il n’y avait pas de surf et qu’il pleuvait. Par contre là, il fallait être rapide si on voulait pas d’ennui.

A Lacanau, on skatait partout où c’était possible si on était pas dans l’eau. Je me souviens d’un module plutot bigdans un parking. On a même eu un spot temporaire assez genial, le “pipe” en béton du Huga qui existe encoremais qui n’est plus skatable transformé en piste cyclable.

Le surf deviendra de plus en plus présent, du moins chaque été. Nous ferons d’ailleurs une demo skate à la foireexpo de Bordeaux pour le compte de la fedération francaise de surf et skate avec des structures bois un peu plusélaborées.Les surfers de la Fédé nous chauffent aussi à nous mettre au surf, à l’époque on était les bienvenus sur les plagesde la région, il n’y avait pas beaucoup de pratiquants.

1980/81: le top et la fin de la premiere vague …

Talence, piscine de Thouars…sous l’initiative de quelques locaux ( merci a eux!) on va rider pendant quelquesmois un module avec une courbe qui va nous permettre de faire nos premiers airs/aerials… le graal, pour fairecourt. on sentait que le niveau technique progressait.

Au printemps 1980, je pars a Barcelone au skatepark d’Arenis de Mar avec JM Canicas et nos potes skateurs deBiarritz, tous fraîchement sponsorise par Sims Skateboard. C’était un moment important pour l’espagne, laMovida. Il y avait plein d’energie, avec de la musique punk et ska partout. Première expérience dans un skateparkdigne de ce nom: half pipe, bowls, snake.Tellement bien que j’y retourne l’annee suivante avec Jim Lalondrelle et le crew d’Agen que je rencontrequelque mois avant. Affaire a suivre…Après un été à Port Maguide à surfer et à skater, je lâche un peu le skate pour me concentrer sur mes études d’artgraphiques a Tours pendant les 3 prochaines années.

Retour sur Bordeaux

Page 150: Mémoire M2 design urbain _ skateboard

Ce que je fais pendant 3saisons jusqu’a ce quePierre AndreSenizergues en fin decarriere proskateboarder proposede lancer Etnies enCalifornie.

pendant 2 ans, avec Jim,Dom Coulon, VincentBiard, Max, Romu etquelques autres, on varestaurer, transformer,animer le skatepark.

C’est en 84 que je reviens dans la région avec mon diplôme de graphiste en poche.Je me remets au surf.Apres quelques essais peu concluants en agences de pub, je cree une marque de surfboard “Flying Wedge” avecBertrand Souvay un pote surfer rencontre a Lacanau. lui shape et moi je fais la deco sur les boards.Pascal Sabron, un autre pote surfeur nous aidera aussi dans cette aventure.Notre atelier à Pessac est voisin avec Tutti Fruti, une des premières marques de surfwear française. Ils aiment bienmon travail et me demande de faire des graphismes pour leurs collections de tshirts.C’est là que j’ai compris qu’il y avait un potentiel à dessiner pour d’autres marques de surf ou de skate, et quedonc je pourrais vivre dans un milieu qui était ma passion. En allant au Salon Nautique à Paris, je commence àtravailler en Freelance pour différentes marques de fringues (australiennes, américaines, françaises…).A Bordeaux je retrouve Jim qui s’est installé depuis 3 ans en ville et a repris littéralement le flambeau avec sarampe rose de la rue Malleret qu’il a fabriqué quasi seul avec l’aide des quelques skateurs qui restent surBordeaux ou bien de nouveaux que Jim arrive a recruter. Magnifique rampe moderne avec du plat, certainementune des seules en France a ce moment creux de la popularité du skateboard. Incroyable Jim, sorte de DonQuichotte de la board, seul contre tous pour parvenir a assumer et partager sa passion. Jim me raccrochera auskateboard et à sa scène française qui est quelque peu disparate, voir rare.

l’Aventure Gatzby…

Après quelques trips surf, Portugal, Maroc, je m’installe a Claouey tout près du skatepark avec Bertrand etd’autres potes surfeurs. Surf le matin, skate l’après midi , la nuit je continue à dessiner pour des marques devêtements.Influencé par la popularite grandissante du surf/streetwear, j’ai eu envie de créer une marque à contre courant,noir et blanc, plus couture à la francaise qui s’appelera Gatzby en référence au personnage de Scott Fitzgeraldet aussi parce que ça sonnait un peu comme les marques concurrentes: Gotcha, Jimmy’z, Stussy…Stephane Vilpoux, skateur d’Agen, pote de Jim me propose de m’aider a lancer la compagnie et Jim nous rejointquelque mois plus tard. les 3 mousquetaires! ou les pieds Nickelés, ça dépendait du moment…Super souvenirs, super expérience où on a tous appris les joie de la libre entreprise.

A partir de 86: 2 ans sur la route à faire les représentantsskateurs…prêchant la bonne parole: le skateboard avec une fashion attitude.La marque rencontre un succès d’estime plus que commercial mais laisse une bonne image. Vue la raretéd’exemplaires diffusés, la marque devient culte dans le skate francais. L’anecdote marrante, on a sponsorisePierre Andre Senizergues qui est actuellement mon boss ici en Californie.

Paris, Cholet (Etnies), Cannes (BBC)…

Du monde de la fashion, je vais m’y rapprocher sans le voir venir. Toujours free lance, je monte a Paris, skate larampe de choisy avec Jim et Jean Luc Sahnes.(Merci Jean Luc pour avoir squatte chez toi!)En 88, le skate commence à repartir grave, rampe et street, on voit passer Klaus Grabke, Niki Guerrero, BrunoPeeters, Keith Stephenson.

Bourges,Toulouse et Bordeaux se bougent bien aussi, mais Paris va connaître une époque intéressante pourl’avenir du skate en france: les medias s’intéressent de nouveau à nous en parlant notamment du spot des Bassinssous la Tour Eiffel vidées temporairement, qui va former une nouvelle vague de skateurs parisiens plus quelquesmois plus tard un des plus prestigieux évènement de skate en Europe: Le Trophée de Paris sur le site duTrocadero, organise par Snurf Production aka les skateurs parisiens de la première vague.On voit défiler les teams americain Santa Cruz, BBC et Natas Kaupas sponsorisé par Etnies. Etnies, jeunemarque francaise d’un petit village “gaulois” à côté de Cholet, créé par les frères Rautureau, spécialisés dans lacréation de chaussures couture et prêt à porter : Free Lance, No Name, Shmoove et d’autres…Donc fashion!Quelques mois plus tot, lors d’une skate party parisienne chez Fishman, jerencontre Alain Montigne aka Platoon, ami des Rautureau, skateur, et àl’origine de l’idee de créer une chaussure de skate française.Etant graphiste et skateur, il me propose de developper l’identité visuelle dela marque.Ce que je fais pendant 3 saisons jusqu’a ce que Pierre Andre Senizerguesen fin de carriere pro skateboarder propose de lancer Etnies enCalifornie.

Apres un premier trip d’un mois en Calif chez BBC, je m’installe à Cannespendant les 2 années suivantes, travaillant pour le distributeur europe de BBCskateboard. on skate aussi là bas, des rampes un peu partout et des spots de downhill partout (descente/ skatede vitesse, pas un hasard que Sector 9 Europe se cree ici ). En même temps je fais des petits trip a Bordeaux où jesuis temoin de ce que Jim réalise: Trophée de Bordeaux (ou je juge le jeune Seb Daurel), Stade Alfred Daney avecla Bones Brigade ( et la relève bordelaise: Biloo, Monsieur JB, Iniak, Luc, et j’en oublie)…pendant que Stephanecontinu a faire des petites productions de Gatzby, histoire de garder la marque en vie.

91/92, Claouey/Matoucat…

Apres un deuxieme trip de 3 mois en Calif a Los Angeles, je me re-installe aClaouey et pendant 2 ans, avec Jim, Dom Coulon, Vincent Biard, Max, Romuet quelques autres, on va restaurer, transformer, animer le skatepark.Voir l’interview de Jim qui donne plus de détails. je rajouterais que lemélange béton bois était particulièrement novateur, complètement dans lerecyclage déjà à l’époque et qui amenait techniquement un challengeintéressant et unique.

Page 151: Mémoire M2 design urbain _ skateboard

Ce serait intéressantmaintenant d’écouter lesskateurs imaginer leurville. Inverser les rôles

93/96: Blackstaff/Tzygan…

Retour sur Bordeaux,Avec l’expérience acquise, je décide de lancer 2 nouvelles marques de streetwear: Blackstaff, ambiancehardcore/metal/bikers et Tzygan, ambiance hiphop, graffiti, groovy. Grâce a fifi (ex Tutti Fruti) qui a un atelier desérigraphie et de broderie, on décline logos et graphismes explicites facon basic sur tshirt, sweat, casquettes; etça marche … juste de quoi vivre et développer/réactiver le réseau en surf shop, skate shop et snowboard shop.On sponsorise des riders dans les 3 disciplines plus des évènements motards, concerts rock.Pleins de rencontre enrichissantes, et entre autres Laurent Caillet, distributeur de Dc Martens en Europe etcréateur des magasins bordelais Docks Dupont pour qui je fais quelques designs pour t-shirts.

96/99:DDP…

Apres 3 ans sur les routes/boutiques/salons/skateparks; entre ville, montagne et mer et l’atelier ou viennentbosser des skateurs de la scène bordelaise du moment comme Loic Morice ou Jean Loup Dubourdieu (l’atelierdeviendra l’actuel Art Print, spécialisé dans l’impression sur skateboard), je pars dans l’aventure Docks Dupontqui devient DDP en tant de chef de crea. On développe la marque entre la culture Denim traditionnelle mélangéeau streetwear, skate et hip hop à la française.Les skateurs Vincent Cassarangue (Biloo) et Francis Marchionini (Bill) rentreront dans l’équipe en tant de graphisteet modèles. les graffeurs Gysmo, Romain et Bart étaient aussi de la partie.L’idee était de faire participer cette culture urbaine bordelaise qui émergeait dans une entreprise commercialebordelaise dynamique.

Depuis 99…

Au travers d’un énième salon de la glisse, je croise Pierre Andre Senizergue, patron d’Etnies aux Etats-Unis.Il me propose de venir l’aider a développer l’identité visuelle d’Etnies et des autres marques qu’il a créées: es,emerica et 32.je débarque donc en 2000 avec famille et valises en carton.12 ans après, toujours fidèle a Etnies, j’ai pris un peu de retrait en ce qui concerne le marketing visueltraditionnel pour me consacrer plus a des projets futuristes, voire même utopistes que je partage avec Pierre-André, ces mêmes projets sont évidement étroitement liés avec le skateboard et l’environnement.Le recyclage et le développement durable jouent aussi un rôle important dans le processus et le résultat destravaux.

En dehors du travail, je skate un peu et surfe le plus possible.Entoure de ma femme et mes 2 filles, avec du soleil toute l’année, vagues et skateparks, je l’ai cherchée et rêvée…j’ai fini par la trouver cette Californie! On trouve même du vin de Bordeaux, alors…

Quelles sont les valeurs du projet Darwin qui sont cohérentesavec Etnies?

Le bâtiment d’Etnies / Sole Technology par exemple est autonome en énergie avec 600 panneaux solaires sur letoit. la companie a un objectif de réduire de 80% son empreinte carbone d’ici a 2020.“Buy a Shoe, Plant a Tree”:Etnies a mis en place une initiative de reforestation d’une partie de la forêt costaricaine en reversant unepourcentage des ventes chaussures à une association d’indiens cultivateurs natifs .

La philosophie du projet Darwin est similaire: inspirer et aider les jeunes générations, leur offrir d’autres choix desociétés tout en acceptant les différences, mettre la planète au coeur des préoccupations, développer l’artistiqueet le faire soi même.

Le choix de mettre la PAS House à Darwin était un peu évident. un espace indoor de cette envergure dedié auskate et aux cultures urbaines, c’est unique.Pour Bordeaux, c’est en phase avec le renouveau, la modernisation de la ville.Pour les skateurs, c’est enfin une opportunite pour batir quelque chose de durable.

En terme d’architecture et d’espaces liés à la pratique du skate, c’est une première démarche intéressante etj’espere qu’il y aura d’autres projets.

Toi qui as connu l’évolution du skate sur 25 ans, commentperçois tu l’évolution du skateur entre les années 90 etaujourd’hui ?Le skateur d’autrefois était considéré comme un voyou, un martien ou n’existait pas.Aujourdhui il est partout , récupéré en style de vie, c’est en plus une attitude écologique! On peut penser que leskateur de demain va avoir de plus en plus d’impact sur notre société.

Il y a aussi le facteur temps, au moins deux générations se succèdent, le papa roule avec son fils.

A: Toi qui as pas mal voyagé, quelles sont les villes qui ont su accompagner intelligemment l’évolution duskate?Gil: Cette ville n’existe pas encore.

Gil: Tous les meilleurs spots de street sont des accidents, du pur hazard. Leskateur ne fait que s’adapter à chaque environnement en choisissant lemoins pire. Vu de façon positive, ça a certainement aiguisé l’esprit créatif duskateur face à chaque situation tant au niveau acrobatique que social. Ceserait intéressant maintenant d’écouter les skateurs imaginer leur

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Témoignages tirés du site bordeauxciteskate.com

Entretien Sébastien Daurel.

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Home Témoignages Artistes Sébastien Daurel: skateur, artiste et DIY: un grand passionné

Le fait de pratiquer leskate, c’est un peu entreces deux domaines ; lesport et l’art.

Sebastien DaurelSkateur, artiste et DIY: un grand passionné

Skateur pro, ancien champion de France et vice-champion d’Europe,: voici Sébastien Daurel. Encore une foisl’occasion de vous montrer que le skateur n’est pas un simple sportif, mais un créatif et un visionnaire. Rencontreavec ce personnage ambivalent à la Caserne Niel à Bordeaux… Avant de vous laisser découvrir le superbe portraitvidéo réalisé par Doug Guillot.

Sébastien Daurel, parle nous de tes premiers pas en tant que skateur

SD: J’ai commencé le skate, il y a 22 ans, devant chez moi et c’est devenu ma passion. Puis, j’ai beaucoupvoyagé. J’ai traversé toute l’Europe et je suis allé au Canada, en Malaisie, au Népal et en Corée. Et, c’est là que leskate m’a beaucoup appris. J’ai eu la possibilité de rencontrer des personnes et des cultures différentes. Les paysqui m’ont le plus marqué restent la Corée et le Japon pour l’architecture riche qu’elles offrent au skate, et le Népalpour son folklore et sa culture.

Depuis la genèse du skate dans les années 1970, on voit beaucoup de skateur/ artiste. Etre skateur c’estaussi être systématiquement un artiste ?

SD: Le skateur n’est pas considéré directement comme un artiste mais à partir du moment où il fait du skate, c’estfoutu. Il est contaminé.

C’est un milieu différent. Par exemple, au niveau du foot, il n’y a pas destyle particulier en termes de mode ou d’arts graphiques, juste desrecherches essentiellement techniques. Le fait de pratiquer le skate, c’est unpeu entre ces deux domaines ; le sport et l’art. L’art est une expression etdans le skate il y a beaucoup de recherche au niveau de la créativité, desfigures, des mouvements, et du style. Le skateur, essaie toujours des’habiller différemment, de lancer des modes, de les inverser. Et, dès qu’unemajeure partie de la population a adopté ce style ; il change et réinvente. D’ailleurs les skateurs sont la source detoutes les modes que l’on voit aujourd’hui dans le surf.

Donc, le skate influence une grande partie de tes créations ?

SD: Oui, le skate influence. C’est un moyen de dépassement. La culture et tous les arts graphiques apportées parle skate se sont énormément développés. Il existe une importante influence d’un point de vue graphique dans laphotographie, les planches. La preuve la plus évidente: toutes les boards de skate possèdent un dessin, desmotifs propres et différents. Énormément d’artistes font des skates et sont reconnus. C’est un bouillon de culture.

Quels sujets te tiennent particulièrement à cœur, et sont le fruit de tes créations ?

SD: Ce qui m’inspire le plus, c’est la nature et tout ce qui en est proche. Le skate est beaucoup influencé par laculture américaine et sa manière de penser. Mais ce qui me semble le plus légitime aujourd’hui, c’est derevendiquer l’identité française, son savoir faire, notamment concernant le recyclage pour créer des planches, des skates parks… Ce sont des choses à faire dans le milieu du skate et très peu de gens le font. Il faut qu’onéchange et qu’on communique autour de ces thèmes.

Comment as tu commencé à mettre en avant ce savoir faire lié au recyclage ?

SD: En 2009, je travaillais dans un magasin qui avait un stock de planches abimées mais réutilisables. Au lieu de

15 mars 2012 Category: Artistes, Les créatifs, Portraits de skateurs, Témoignages Commentaires fermés

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Je travaille aussi sur leprojet Darwin Brigadeavec l’association « La58ème

Comme la ville s’adapteaux cyclistes, onvoudrait aussi qu’elles’adapte aux skateurs.

Il faut savoir que celafait 20 ans qu’il n’y apas eu de “Vert” àBordeaux. C’était auTrophée de Bordeaux austade Alfred Daney en1989

racheter des planches neuves, j’ai eu l’idée de restaurer ces planches et de les recouper dans un style « old school». En recyclant, ces boards, je leur est donné une deuxième vie. Puis j’ai contacté Nils Inne, skateur et artiste,pour dessiner sur les planches.

Suite à ce travail, on a monté deux expositions « Seb et Nils » à Paris. Cette aventure nous a beaucoup motivés.Nils dans sa création graphique et moi pour des actions autour du thème du recyclable.

Quels sont tes nouveaux projets qui traduisent ce soucis pour l’environnement?

Chantier du nouveau bowl de Sébastien Daurel - photo © Estelle Petit

SD: Je devais créer un skate park écolo pour la commune de Bègles mais le projet n’a pas abouti. » qui met enavant les arts urbains. Avec ce projet, on est à la fois dans une dynamiqueécologique et sociale. Tous le monde peut participer et échanger. Avecd’autres skateurs, on travaille sur la construction d’un bowl « Ying Yang » àla caserne Niel. Ce sont deux piscines imbriquées les unes dans les autresdans un même cercle. Concernant le recyclage, on a utilisé d’anciennestuiles pour construire cette structure. Vu de haut, ça représente le ying et leyang, c’est-à-dire l’homme et la femme. Il y a une certaine connotationspirituelle dans ce bowl. Ce sont deux parties distinctes qui n’en forme qu’une.

Il y a un autre projet important sur la caserne. On monte une “Vert” depuis début février. Il faut savoir que celafait 20 ans qu’il n’y a pas eu de Vert (NDLR: une rampe verticale de près de 4 m de haut) à Bordeaux. C’était auTrophée de Bordeaux au stade Alfred Daney en 1989, sous l’impulsion de Jim, tous les gars de l’Union Saint-Bruno, Franck Savouret, Emmanuelle Freyssenge… Mon père aussi qui travaillait à la Fédé, et plein d’autres.

Ce sont ces personnes qui nous ont montré comment faire. Il y a au niveaudu skate une vraie culture de la transmission du savoir-faire sur laconstruction de skate parks. Il n’y a pas d’école ou de formation pourapprendre à construire une rampe, ce sont vraiment des choses quis’apprennent sur le terrain, des passations entre générations. Tous les garsqui nous aident aujourd’hui à Darwin apprennent, et ce seront eux quibâtiront les prochains skate parks, les spots “DIY”. C’est l’avenir du skate.

Que penses tu du projet « Bordeaux Cité Skate » ? Vas tu y participer ?

SD: Oui, je vais y participer, au niveau de la création. On va faire une rampe. Elle sera temporairement Place PeyBerland puis à la caserne Niel.

Pour le projet, j’espère que tout va bien se dérouler. En tout cas, ca permet à Bordeaux de mettre en avant à lafois le skate et la ville. Je trouve que c’est un pas en avant, que la mairie reconnaisse le skate. Ce rapport entre lesinstitutions publiques et le skate évolue car il commence à être reconnu et à être assimilé comme un sport à partentière. Et c’est aussi sa dimension culturelle qui est reconnue et valorisée à travers ce projet.

Selon toi, comment la ville pourrait-elle accompagner le développement du skate ?

Principalement, en l’adaptant et en s’adaptant à la pratique du skate. Ilfaudrait qu’il y est plus d’endroits consacrés au skate ou des infrastructuressur les places de la ville. Ca pourrait se traduire par l’installation de rampessur les pistes cyclable. Pour le développer il faudrait qu’on possède plus dedroits. Le skate, c’est un moyen pratique de locomotion, et écologique quiest de plus en plus de pratiqué. Comme la ville s’adapte aux cyclistes, onvoudrait aussi qu’elle s’adapte aux skateurs.

Interview réalisée par Estelle Petit, Charlotte Lamy et Eve Mailho.

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Grilles d’analyse multi-critères

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Feuille1

Page 1

Pays Autriche

Ville Innsbruck

Date des derniers aménagements 1938

2008

Remise du chantier 2010

Monument(s)

Administration de la province du TyrolMémorial des Résistants français

Mémorial des victimes de la Nuit de CristalFontaine cascade

Spécificité Parking souterrain (1985)

Maîtrise d'oeuvre Land Tyrol

Maîtrise d'oeuvre

Coût des travaux

Surface

Forme de l'aménagement Contemporaine futuriste

Parti pris

Programmation

Revêtement Bétons clairs coulés en place

Diversité des formes Importante

Types de formes Muret, courbe, plan incliné, pan coupé

Type de mobilier Banc, barre d'acier (protection)

Autorisation ou interdiction Skateboard et glisse encouragés

Conflit d'usage ou accident NC

Partage réussi ou non

LandHaus Platz

Date du début d'étude

LAAC Architecture/Stiefel Kramer

6 200 000,00 €

9000 m2

Jouer sur la topographie et intégrer les 4 monuments sur la place, en les connectant. Planter 36 arbres

Redonner à la place son attractivité et son dynamisme 

faire de la place un espace où il est agréable de vivre et de se déplacer. 

Roulabilité Espace public multi usages et ludique

Partage voulu et réussi

Page 160: Mémoire M2 design urbain _ skateboard
Page 161: Mémoire M2 design urbain _ skateboard

Feuille1

Page 1

Place de la République

Pays France

Ville Paris

Date des derniers aménagements 1850

2008

Remise du chantier 2013

Monument(s)

Statue de la République

Spécificité

Maîtrise d'oeuvre Ville de Paris

Maîtrise d'oeuvre

Coût des travaux

Surface 12 000 m2

Forme de l'aménagement Contemporaine

Parti pris

Programmation

Revêtement Dalles de béton

Excellente

Diversité des formes Moyenne

Types de formes Plat, murets, marches

Type de mobilier Entourage d'arbres maçonnés, estrade de bois

Autorisation ou interdiction Skateboard autorisé

Conflit d'usage ou accident NC

Partage réussi ou non Partage voulu et réussi

Date du début d'étude

Station de métro souterraine recevant 5 lignes

Trévélo & Viger-Kohler (TVK)

12 000 000,00 €

Créer une scène ouverte piétonne et écarter les flux automobiles

Faire d'un parvis et d'un square délaissé, une place de rencontre, attractive et ludique Redonner une unité à un

ensemble fragment, et connoté symboliquement

Roulabilité

Page 162: Mémoire M2 design urbain _ skateboard
Page 163: Mémoire M2 design urbain _ skateboard

Feuille1

Page 1

Pays France

Ville Bordeaux

Date des derniers aménagements 1847

2000

Remise du chantier 2004

Monument(s)

Cathédrale Saint-AndréHôtel de Ville

Spécificité

Maîtrise d'oeuvre Communauté Urbaine de Bordeaux

Maîtrise d'oeuvre

Coût des travaux

Surface 20 000 m2

Forme de l'aménagement

Parti pris

Programmation

Revêtement Dalles de granit

Parfaite

Diversité des formes Faible

Types de formes Plat, marche

Type de mobilier Banquette de granit, fontaine

Autorisation ou interdiction Skateboard interdit

Conflit d'usage ou accident NC

Partage réussi ou non Plus de partage

Place Pey-Berland

Date du début d'étude

Parking souterrain

King Kong/Francesco Mangado

9 700 000,00 €

Contemporaine

Rendre de la cohérence et de la lisibilité, dé-saturer l'espace de la présence automobile, valoriser le contexte

Espace public piéton : lieu de rassemblement, ancrage touristique,

correspondance du tramway

Roulabilité

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Article Beach brother n°46 (2010)

Page 166: Mémoire M2 design urbain _ skateboard
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sam
Texte tapé à la machine
sam
Texte tapé à la machine
sam
Texte tapé à la machine
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Page 169: Mémoire M2 design urbain _ skateboard
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Extrait d’ «Imaging Islais Creek»

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Article Sud-Ouest 7/03/2012

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Pratique

Rechercher Bordeaux Arcachon Médoc Libourne Langon La Rochelle Saintes Royan Cognac Angoulême Périgueux Agen Auch PauBayonne Biarritz Mont-de-Marsan Dax

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Bordeaux, nouvelle place forte du skateboard en Europe

0 commentairePublié le 07/03/2012 à 06h00 , modifié le 07/03/2012 à 08h17 parLaurie Bosdecher

Depuis sa rénovation, la ville est devenue un nouveau spot du skateboard en

Europe. La pratique s'est popularisée. Récit de cette mutation

Depuis sa rénovation, Bordeaux est devenue un nouveau spot du skateboard en Europe. Les 28 et 29 mars,

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des sessions et animations auront lieu dans la ville

À la Caserne Niel, lieu de rendez-vous régulier de la communauté. L'événement Bordeaux Cité Skatel'investit fin mars. © Photo

Photos Fabien Cottereau

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Arrêté municipal

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RésuméEn montant sur une planche de skateboard, les surfeurs californiens ont adapté les mouvements du surf au bitume à partir des années 1970. D’abord pratiqué dans les espaces ouverts de la banlieue, le skateboard a envahi les centres villes au milieu des années 1980, en glissant sur le mobilier et les aspérités bâties. A la fois sport et jeu dans la ville, cette pratique émergente pose des problèmes de régulation. Soulevant des vraies questions des enjeux de l’espace public, comme le partage, les usages, le jeu dans la ville ou la mobilité, la glisse urbaine souligne surtout la réelle difficulté de la ville à absorber dans ses tissus une pratique ludique non cadrée. Provoquant une usure précoce du mobilier, bruyante, elle est traitée par les municipalités comme une nuisance et renvoyée sur des équipements spécifiques. Objet d’étude contemporain, la pratique du skateboard nourrit la recherche en sociologie et en anthropologie. Source d’animation urbaine par le détournement des formes, elle commence à inspirer les architectes contemporains, mais nous trouvons peu d’étude en français sur ce sujet.En partant de l’observation de ce rapport conflictuel, nous postulons que le détournement du mobilier interroge la finalité des formes architecturales de la ville. Agréables, fonctionnelles, monumentales, contemporaines, incitatives, elles induisent des perceptions et des comportements variables. Cette étude à pour objectif de démontrer qu’à partir de l’observation de la pratique du skateboard nous pouvons non seulement porter un nouveau regard critique sur la ville, mais aussi le mobiliser pour la conception d’aménagements urbains appropriés et habités. Dans un premier temps, un cadrage histo-rique permet de souligner l’incidence des formes urbaines sur l’émergence d’usages spontanés et ludiques non désirés. Une seconde partie théorique montre les impacts de la pratique du skate dans le paysage urbain. Des entretiens auprès des acteurs de l’aménagement des espaces publics attestent de la difficulté à faire rentrer dans un cadre une pratique qui n’en a pas. Enfin, une étude de cas, principalement conduite à Bordeaux, au travers de l’observation des skateurs et du type de contexte urbain qu’ils exploitent, met en évidence la confrontation usage/forme dans l’espace public et valide notre hypothèse.

AbstractBy riding a skateboard, californian surfers adapted the movements of surfing on the ground from 1970s. First formed in the open spaces of the suburbs, skateboarders invaded the town centers in the mid-1980s, sliding on the furniture and built elements. Being either sport or game in the city, this emerging practice poses problems of regulation. Concerning real issues of public space, such as sharing, uses, playing in the city or mobility, urban skating especially emphasizes the real difficulty of the city to absorb in the urban fabric a playful but not ruled practice. Causing damage on furniture, noisy, it is treated by municipalities as a nuisance and intended to be performed only on specific equipment. Subject of contemporary study, skateboarding is an intersting topic for studies in sociology and anthropology. Being an urban entertainment source by diverting forms, it begins to inspire contemporary architects, but we find little study in French on the subject. Starting from the observation of this conflicting relationship, we postulate that the diversion of furniture questioned the purpose of the architectural forms of the city. Pleasant, functional, monumental, contemporary, incentives, they induce perceptions and behavior variables. This study aims to demonstrate that from the observation of skateboarding we can not only bring a new critical look at the city, but also to mobilize the design of appropriate and inhabited urban develop-ments. At first, a historical framework serves to highlight the impact of urban form on the emergence of spontaneous and playful uses unwanted. A second theoretical part shows the impacts of skateboarding in the urban landscape. Interviews with those involved in the development of public spaces attest to the difficulty to get into a practical framework that does not. Interviews with those involved in the development of public spaces attest to the difficulty to get into a practical fra-mework activities with no rules. Finally, a case study, conducted mainly in Bordeaux, through the observation of the skaters and the type of urban environment they operate, highlights the confrontation use vs. form in public space and validates our hypothesis.

Mots-clés

ambiance urbaine – skateboard – espace public - partage – usages – conflits d’usage composition urbaine - architecture - jeu dans la ville - perception - Bordeaux