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Lettres à la rédaction Métastase colique d’un adénocarcinome à cellules claires du rein N. Régenet 1 , X. Kahn 2 , J. Leborgne 2 , P.A. Lehur 2 1 Inter-CHU, service de chirurgie viscérale, CHU, 4, rue Larrey, 49033 Angers cedex, France ; 2 clinique chirurgicale II, Hôtel-Dieu, CHU, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex, France adénocarcinome / métastase colique / rein colonic metastasis / renal cell carcinoma L’adénocarcinome à cellules claires du rein est la plus fréquente des lésions néoplasiques du rein. Au moment du diagnostic, trente pour cent des patients ont des métastases synchrones pulmonaires, hépati- ques, osseuses, cérébrales ou ganglionnaires [1]. Les lésions métachrones sont de localisation variée (pan- créas, thyroïde, rate) et peuvent survenir après 30 ans d’évolution. Nous rapportons un cas de métas- tase colique découverte un an après néphrectomie pour un cancer du rein. Observation Un homme de 68 ans avait été opéré, il y a un an, d’une néphrectomie élargie pour un adénocarcinome à cellules claires du rein droit. Ce cancer avait été révélé par une polyglobulie. Selon les données histologiques, la résection avait été curative avec des marges saines, sans atteinte ganglionnaire. Aucun traitement adjuvant n’avait été prescrit. Ce patient était hospitalisé en juin 2000 pour des rectorragies intermittentes de faible abondance sans retentissement hémodynamique. L’examen biologi- que montrait un taux d’hémoglobine à 16,3 g/dL. Le volume globulaire rapporté à la masse du patient était augmenté (45 mL/kg) évoquant la réapparition d’une polyglobulie. La coloscopie trouvait une masse tumorale ulcérovégétante hémorragique de 30 mm de diamètre, localisée à 30 cm de la marge anale et développée sur le tiers de la circonférence du sigmoïde (figure 1). Les biopsies trouvaient des éléments en faveur d’un carcinome peu différencié non mucosecrétant évocateur d’une métastase de l’adénocarcinome à cellules claires précédemment traité. L’échographie abdominale révélait, au niveau hépatique, des foyers de microcalcifications sans nodule individualisable, l’absence d’adénopathie profonde et d’ascite. La loge de néphrectomie était indemne de récidive La radiographie du thorax était normale. Une laparotomie permit de confirmer la lésion sigmoïdienne (figure 2), mais également de décou- vrir deux lésions au niveau de l’intestin grêle situées respectivement à 1,5 m et 2,1 m de la valvule de Bauhin et deux petits nodules au niveau hépatique (segment IV). Une hémicolectomie gauche fût réa- lisée, ainsi qu’une résection des anses grêles où siégeaient ces lésions et une biopsie hépatique. L’examen histologique de la tumeur colique révélait une tumeur de 3 X 1 cm, infiltrante. Cette tumeur était constituée de cellules à cytoplasme clair, à Figure 1. Vue endoscopique de la lésion. Ann Chir 2001 ; 126 : 482-96 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés

Métastase colique d’un adénocarcinome à cellules claires du rein

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Lettres à la rédaction

Métastase colique d’un adénocarcinomeà cellules claires du rein

N. Régenet1, X. Kahn2, J. Leborgne2,P.A. Lehur2

1Inter-CHU, service de chirurgie viscérale, CHU,4, rue Larrey, 49033 Angers cedex, France ;2clinique

chirurgicale II, Hôtel-Dieu, CHU, place Alexis-Ricordeau,44093 Nantes cedex, France

adénocarcinome / métastase colique / rein

colonic metastasis / renal cell carcinoma

L’adénocarcinome à cellules claires du rein est laplus fréquente des lésions néoplasiques du rein. Aumoment du diagnostic, trente pour cent des patientsont des métastases synchrones pulmonaires, hépati-ques, osseuses, cérébrales ou ganglionnaires [1]. Leslésions métachrones sont de localisation variée (pan-créas, thyroïde, rate) et peuvent survenir après 30ans d’évolution. Nous rapportons un cas de métas-tase colique découverte un an après néphrectomiepour un cancer du rein.

Observation

Un homme de 68 ans avait été opéré, il y a un an,d’une néphrectomie élargie pour un adénocarcinomeà cellules claires du rein droit. Ce cancer avait étérévélé par une polyglobulie. Selon les donnéeshistologiques, la résection avait été curative avecdes marges saines, sans atteinte ganglionnaire.Aucun traitement adjuvant n’avait été prescrit.

Ce patient était hospitalisé en juin 2000 pour desrectorragies intermittentes de faible abondance sansretentissement hémodynamique. L’examen biologi-que montrait un taux d’hémoglobine à 16,3 g/dL. Levolume globulaire rapporté à la masse du patientétait augmenté (45 mL/kg) évoquant la réapparitiond’une polyglobulie. La coloscopie trouvait unemasse tumorale ulcérovégétante hémorragique de30 mm de diamètre, localisée à 30 cm de la marge

anale et développée sur le tiers de la circonférencedu sigmoïde(figure 1). Les biopsies trouvaient deséléments en faveur d’un carcinome peu différenciénon mucosecrétant évocateur d’une métastase del’adénocarcinome à cellules claires précédemmenttraité. L’échographie abdominale révélait, au niveauhépatique, des foyers de microcalcifications sansnodule individualisable, l’absence d’adénopathieprofonde et d’ascite. La loge de néphrectomie étaitindemne de récidive La radiographie du thorax étaitnormale.

Une laparotomie permit de confirmer la lésionsigmoïdienne(figure 2), mais également de décou-vrir deux lésions au niveau de l’intestin grêle situéesrespectivement à 1,5 m et 2,1 m de la valvule deBauhin et deux petits nodules au niveau hépatique(segment IV). Une hémicolectomie gauche fût réa-lisée, ainsi qu’une résection des anses grêles oùsiégeaient ces lésions et une biopsie hépatique.L’examen histologique de la tumeur colique révélaitune tumeur de 3 X 1 cm,infiltrante. Cette tumeurétait constituée de cellules à cytoplasme clair, à

Figure 1. Vue endoscopique de la lésion.

Ann Chir 2001 ; 126 : 482-96© 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés

noyau irrégulier et souvent fortement nucléolé, dis-posées en nappe ou en lobule. Il s’agissait d’unemétastase colique du carcinome rénal à cellulesclaires précédemment réséqué. Les deux localisa-tions grêles correspondaient également à des métas-tases de l’adénocarcinome rénal. Un scanner corpsentier réalisé dans les suites opératoires n’ identifiaitque la lésion hépatique secondaire au niveau dusegment IV pour laquelle une radiofréquence étaitenvisagée. Il n’y avait pas de lésion secondaire auniveau encéphalique ou thoracique. L’évolution aété rapidement défavorable avec survenue à troismois d’une dissémination métastatique osseuse(omoplate droite, tarse droit, fémur droit) et hépati-que. Une chimiothérapie à base d’ interféron et develbe a été proposée.

Commentaires

Les métastases intestinales des adénocarcinomes àcellules claires du rein surviennent dans 9 % des casd’après une étude autopsique de Saitoh [2]. Cesmétastases intestinales concernent essentiellementl’ intestin grêle ; l’atteinte colique est rare : huit cas

seulement ont été colligés dans la littérature. Lesmétastases coliques surviennent de préférence auniveau du côlon gauche et sont souvent associées àd’autres localisations secondaires comme dans notreobservation. Elles traduisent le plus souvent uneévolution rapide de la maladie et une survie réduite,évaluée par Tarreras et al. [3] dans une revue de lalittérature àenviron trois mois. Cependant, en cas delocalisation unique au niveau colique, la survie peutexcéder huit années comme l’ont montré Ruiz et al.[4].

Ces métastases se présentent sur le plan endosco-pique comme des lésions bourgeonnantes ou ulcé-robourgeonnantes, hypervascularisées, saignant faci-lement au contact [5].

L’aspect scanographique est caractérisé par uneprise de contraste précoce et importante au tempsartériel quasi pathognomonique d’une métastased’un adénocarcinome rénal.

Conclusion

L’existence de rectorragies chez un patient auxantécédents d’adénocarcinome à cellules claires durein doit faire évoquer la présence d’une métastasecolique. En cas de localisations secondaires diges-tives, le patient doit bénéficier d’un examen exhaus-tif. L’existence de multiples métastases pourraitconduire à un simple traitement symptomatique ouendoscopique puisque l’espérance de survie de cespatients est limitée. En revanche, en cas de locali-sation unique, le pronostic est bien meilleur et cepatient peut bénéficier d’une chirurgie colique élec-tive.

Références

1 Dekernion JB, Ramming KP, Smith RB. The natural history ofmetastatic renal cell carcinoma : A computer analysis. J Urol1978 ; 120 : 148-52.

2 Saitoh H. Distant metastasis of renal adenocarcinoma. Cancer1981 ; 48 : 1487-91.

3 Tarreras AL, Qiu J, Eyraud PY, Vancina S, Roman Y, Roche J.Métastase colique d’un cancer du rein. Présentation de 2observations. Gastroenterol Clin Biol 1997 ; 21 : 228-9.

4 Ruiz JL, Vera C, Server G, Osca JM, Boronat F, JimenezCruz JF. Renal cell carcinoma : late recurrence in 2 cases. EurUrol 1991 ; 20 : 167-9.

5 Farthouat P, Faucompret F, Louis C, Debourdeau P, Pero C,Breda Y. Hémorragie digestive révélatrice d’un cancer du reinpar métastases jéjunales multiples. Ann Chir 2000 ; 125 : 797-8.

S0003394401005430/CORAnn Chir 2001 ; 126 : 482–3

Figure 2. Pièce de résection du côlon sigmoïde.

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