4
© 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2014) 6, 169-172 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com PRISE EN CHARGE SPÉCIFIQUE DES MÉTASTASES DES CANCERS BRONCHO-PULMONAIRES Métastases cérébrales des cancers bronchiques Brain metastasis in lung cancer Article rédigé par A. Roche (Dijon)*, d’après la communication de G. Robinet (Brest) 1 1 CHRU de Brest, 2 avenue Foch, 29609 Brest cedex Résumé Les métastases cérébrales ont un pronostic extrêmement défavorable mais cela ne doit pas faire oublier les traitements locaux potentiellement curatifs en cas de maladie oligométastatique. © 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Brain metastases have a poor prognosis. However, there are local therapies which may provide a cure for cancers with few or no metastases. © 2014 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. *Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (Anne Roche). MOTS CLÉS Métastases cérébrales ; Radiothérapie encéphalique ; Radiothérapie stéréotaxique KEYWORDS Cerebral metastases; Encephalic radiotherapy; Stereotactic radiotherapy Epidémiologie Les métastases cérébrales de cancers bronchiques sont fréquentes. Dans les cancers bronchiques à petites cellules, 10 % présentent des métastases au moment du diagnos- tic, 20 % pendant le traitement et 50 % sur les données autopsiques. Vingt à 40 % des cancers non à petites cellules présentent des métastases cérébrales au cours de l’évolution

Métastases cérébrales des cancers bronchiques

  • Upload
    g

  • View
    221

  • Download
    3

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Métastases cérébrales des cancers bronchiques

© 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2014) 6, 169-172

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

PRISE EN CHARGE SPÉCIFIQUE DES MÉTASTASES DES CANCERS BRONCHO-PULMONAIRES

Métastases cérébrales des cancers bronchiquesBrain metastasis in lung cancer

Article rédigé par A. Roche (Dijon)*, d’après la communication de G. Robinet (Brest)1

1CHRU de Brest, 2 avenue Foch, 29609 Brest cedex

RésuméLes métastases cérébrales ont un pronostic extrêmement défavorable mais cela ne doit pas faire oublier les traitements locaux potentiellement curatifs en cas de maladie oligométastatique.© 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

AbstractBrain metastases have a poor prognosis. However, there are local therapies which may provide a cure for cancers with few or no metastases.© 2014 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

*Auteur correspondant. Adresse e- mail : [email protected] (Anne Roche).

MOTS CLÉS Métastases cérébrales ; Radiothérapie encéphalique ; Radiothérapie stéréotaxique

KEYWORDS Cerebral metastases; Encephalic radiotherapy; Stereotactic radiotherapy

Epidémiologie

Les métastases cérébrales de cancers bronchiques sont fréquentes. Dans les cancers bronchiques à petites cellules,

10 % présentent des métastases au moment du diagnos-tic, 20 % pendant le traitement et 50 % sur les données autopsiques. Vingt à 40 % des cancers non à petites cellules présentent des métastases cérébrales au cours de l’évolution

Page 2: Métastases cérébrales des cancers bronchiques

170 G. Robinet

encéphalique pour les métastases uniques. La médiane de survie passe de 15 semaines avec la radiothérapie céré-brale in toto à 40 semaines avec la chirurgie complétée de radiothérapie [2].

La chirurgie d’exérèse doit-elle être complétée d’une irradiation encéphalique in toto ? L’équipe de Kocher a publié dans le Journal of Clinical Oncology, un essai de phase III comparant, dans les tumeurs solides, après chirurgie d’exérèse, observation versus radiothérapie encéphalique in toto. Il n’y a pas de différence en termes de survie mais on note une diminution du nombre de décès par progression cérébrale ainsi que du taux de progression intracrânienne chez les patients irradiés [3].

Radiothérapie stéréotaxique

Elle se scinde en 2 modalités : la radiothérapie non frac-tionnée (radiochirurgie) et la radiothérapie stéréotaxique hypofractionnée.

La radiochirurgie est une radiothérapie administrée en une fraction à fortes dose (8 à 25 Gy) grâce à une multitude de mini-faisceaux. C’est une technique de radiothérapie très précise qui a pour avantage d’épargner les organes adjacents. En revanche, la taille des lésions ne doit pas dépasser 3 cm et il ne doit pas exister plus de 3 lésions. La complication principale est la radionécrose (5 %), il est cependant dif cile de différencier radionécrose et récidive.

La radiothérapie stéréotaxique hypofractionnée nécessite une contention par un masque thermoformé. Les doses administrées sont d’environ 7 Gy par fraction sur 3 séances étalées sur une semaine.

Les avantages de la radiothérapie stéréotaxique sont de pouvoir accéder aux métastases non accessibles chirurgi-calement ou chez les malades non opérables, grâce à une technique peu invasive. Ces techniques sont réservées aux petites lésions (< 3 cm) en nombre limité, bien limitées et avec une maladie extra cérébrale contrôlée. Les complica-tions principales sont la radionécrose et l’œdème.

Quel est le meilleur traitement local ?

La radiothérapie stéréotaxique est équivalente à la chirurgie d’exérèse associée à une irradiation encéphalique totale en termes de survie si la métastase cérébrale est unique. Ceci sous la condition d’une surveillance cérébrale rapprochée permettant la réalisation d’un traitement de rattrapage.

Si l’on compare irradiation encéphalique totale versus radiothérapie stéréotaxique, il semble que la stéréotaxie fasse mieux en termes de survie si le nombre de métastases est inférieur ou égal à 3.

Associer la radiothérapie encéphalique in toto à la radiothérapie stéréotaxique améliore le contrôle local de la maladie mais la survie reste identique [4].

Cependant la toxicité de l’association radiothérapie encéphalique in toto + radiothérapie stéréotaxique est plus importante que dans la radiothérapie stéréotaxique seule avec un déclin de l’apprentissage et de la mémoire à 4 mois plus important [5].

de la maladie, et leur fréquence est plus importante en cas d’adénocarcinome. Leur incidence augmente compte tenu de l’amélioration de la survie et des progrès de la neuro imagerie.

Signes cliniques

Les métastases cérébrales se manifestent de façon aiguë par des convulsions partielles ou généralisées, une hypertension intracrânienne ou des pseudo AIT (par saignement de la lésion). D’autres symptômes plus progressifs peuvent en être les signes révélateurs tels que les céphalées, les nausées ou vomissements, les signes neurologiques focaux, les troubles cognitifs ou encore l’altération des fonctions supérieures. Dans 10 % des cas, elles sont totalement asymptomatiques.

Pronostic

Leur pronostic est extrêmement défavorable puisque la médiane de survie est inférieure à 3 mois avec un traitement symptomatique seul et de 3 à 6 mois avec des traitements spéci ques. Les principaux facteurs pronostiques sont l’âge, le performance status, l’état neurologique, l’histologie, le traitement anti tumoral préalable, le nombre de métastases cérébrales et le statut de la maladie extra cérébrale [1].

Prise en charge spéci que

Traitements symptomatiques

Les traitements symptomatiques utilisés pour lutter contre l’œdème cérébral et l’HTIC sont la corticothérapie (1 mg/kg), les solutions hyperosmolaires (très ef caces mais avec un effet éphémère et un risque d’effet rebond) voire la chirurgie d’exérèse.

En cas de convulsions, elles nécessitent un traitement curatif standard et un traitement préventif secondaire en tenant compte des risques d’interactions médicamenteuses notamment avec le cytochrome P450. Il n’y a pas d’indica-tion pour les traitements antiépileptiques en prophylaxie primaire.

Traitements locaux

Chirurgie d’exérèse

Le premier traitement local est la chirurgie d’exérèse dans les cancers non à petites cellules lorsqu’elle est possible.

L’objectif est la résection complète de la masse tumo-rale cérébrale. L’exérèse tumorale permet de traiter les symptômes, d’avoir un diagnostic ou une con rmation his-tologique. La morbi-mortalité de cette chirurgie est faible. Elle est indiquée en cas de métastase unique con rmée par l’IRM, en dehors des zones fonctionnelles, avec un cancer primitif contrôlé sans maladie métastatique extra cérébrale.

Plusieurs essais ont comparés l’irradiation encéphalique seule versus la chirurgie d’exérèse suivie d’une irradiation

Page 3: Métastases cérébrales des cancers bronchiques

Métastases cérébrales des cancers bronchiques 171

Biothérapies

Les métastases cérébrales ne sont plus une contre-indication au bevacizumab (Ac anti-VEGF). En effet l’étude BRAIN, ne montre pas de majoration des effets secondaires de type hémorragique sous bevacizumab. Le taux de réponse cérébrale et la survie sont améliorés avec le bevacizumab associé à une chimiothérapie par carboplatine + taxol.

Dans le cas d’une tumeur mutée EGFR, la réponse céré-brale est la même qu’en extra-cérébral. Les TKI sont donc une option valide avant la RTc pour les patients mutés. Il convient de discuter les traitements locaux avant les TKI pour les maladies oligométastatiques et un traitement local ou locorégional pour les progressions cérébrales isolées.

Pour les tumeurs mutées EML4-ALK, la place du crizotinib est discutée. Les données sont limitées et il n’existe pas d’étude prospective spéci que. Les cas cliniques sont dis-cordants en termes de réponse ou de progression cérébrale.

Par analogie au TKI, cela semble être une option valide avant le recours à la radiothérapie encéphalique in toto. Il semble licite d’avoir recours à l’exérèse ou la radiothérapie stéréotaxique pour les maladies oligométastatiques ou en cas de progression isolée avant le crizotinib.

Conclusion

Si la métastase est résecable il ne faut surtout pas oublier les traitements locaux.

Le bulletin des cancers a publié en 2013 des arbres décisionnels en fonction du nombre de métastases cérébrales et de leur caractère symptomatique. Pour les formes oligo-métastatiques, il faut toujours discuter du traitement local associé à une irradiation encéphalique in toto pour éviter la récidive locale puis discuter le traitement de première ligne. Pour les métastases cérébrales multiples, dans les CBNPC PS 0-1, accessibles à la chimiothérapie le traitement de première ligne est systémique. En cas de mauvais état général on préfère l’irradiation encéphalique in toto. Dans les CBPC, la chimiothérapie doit être administrée en première intention si elles sont asymptomatiques puis de l’irradiation encéphalique in toto. Si les patients sont symptomatiques, il faut discuter l’irradiation encéphalique in toto [9].

Liens d’intérêts

G. Robinet : L’auteur n’a pas trasmis ses liens d’intérêts.A. Roche : aucun.

Références[1] Gaspar L, Scott C, Rotman M, Asbell S, Phillips T, Wasserman T,

et al. Recursive partition in ganalysis (RPA) of prognostic fac-tors in three Radiation Therapy Oncology Group (RTOG) brain metastases trials.Int J Radiat Oncol Biol Phys 1997;37:745-51.

[2] Patchell RA, Tibbs PA, Walsh JW, Dempsey RJ, Maruyama Y, Kryscio RJ, et al. A randomized trial of surgery in the treatment of single metastases to the brain. N Engl J Med 1990;322:494-500.

Radiothérapie encéphalique in toto (RTc)

La RTc est une technique d’irradiation fractionnée avec deux faisceaux latéraux. La dose standard est de 30 Gy en 10 fractions. Les effets secondaires aigus survenant dans les premières semaines sont liés à l’œdème pouvant aller jusqu’à l’HTIC et régressent sous corticoïdes.

Les effets secondaires subaigus (1 à 6 mois après la radio-thérapie) sont liés à la démyélinisation. Ils se manifestent par des céphalées, une somnolence et une fatigabilité. Ils régres-sent en quelques mois. Les effets secondaires chroniques, survenant après 6 mois sont liés à une leuco encéphalopathie par micro angiopathie (démyélinisation axonale) et à l’ori-gine des troubles neurocognitifs irréversibles pouvant aller de trouble de la mémoire à la démence.

Traitements systémiques

Ils ont l’intérêt potentiel de traiter simultanément la maladie systémique et la localisation cérébrale. Cependant, l’ef cacité cérébrale est diminuée par la barrière hémato-méningée qui limite la pénétration des cytotoxiques dans le parenchyme encéphalique.

Cependant des études animales ont montrées la présence d’agents cytotoxiques dans la tumeur cérébrale sans en retrou-ver au niveau du LCR. De même, une métastase cérébrale d’un patient porteur d’un adénocarcinome EGFR muté à qui on administre de l’erlotinib marqué (inhibiteur de la tyrosine kinase) montre un TEP xant sur la métastase [6]. En effet les métastases cérébrales induisent une néovascularisation. La barrière hémato encéphalique est altérée et se rompt lors du développement des métastases. L’efficacité des traitements systémiques est donc possible sous réserve d’une chimiosensibilité.

En effet, dans les cancers bronchiques non à petites cel-lules (CBNPC) avec métastases cérébrales, si l’on utilise des chimiothérapies adaptées au type histologique on retrouve une réponse cérébrale. En revanche, si l’on utilise une chimiothérapie peu ef cace dans les CBNPC mais à tropisme cérébral important le taux de réponse cérébral n’est pas augmenté. C’est donc bien la chimiosensibilité de la tumeur qui est importante [7].

La chimiothérapie dans les cancers bronchiques non à petites cellules doit être utilisée en première ligne chez les patients éligibles à la chimiothérapie avec des métastases cérébrales asymptomatiques et inaccessibles à un traitement local. Le choix de la chimiothérapie dépend avant tout du type histologique et non pas de la capacité ou de l’incapacité à franchir la barrière hémato encéphalique.

Pour les cancers bronchiques à petites cellules (CBPC), le taux de réponse intra et extra-cérébral est comparable. L’irradiation encéphalique in toto (RTc) associée à la chimiothérapie est plus ef cace que la chimiothérapie seule.

Comment coordonner la chimiothérapie et la radio-thérapie encéphalique in toto ? Il n’y pas de différence en termes de survie à réaliser la radiothérapie encéphalique in toto en rattrapage en cas de progression cérébrale après la chimiothérapie ou de façon concomitante [8].

Page 4: Métastases cérébrales des cancers bronchiques

172 G. Robinet

tron emission tomography in a patient harboring a mutation in the epidermal growth factor receptor. J Thorac Oncol 2011;6:1287-9.

[7] Barlesi F, Gervais R, Lena H, Hureaux J, Berard H, Paillotin D, et al. Pemetrexed and cisplatin as rst-line chemotherapy for advanced non-small-celllung cancer (NSCLC) with asymptoma-tic inoperable brain metastases: a multicenter phase II trial (GFPC 07-01). Ann Oncol 2011;22:2466,70.

[8] Robinet G, Thomas P, Breton JL, Léna H, Gouva S, Dabouis G, et al. Results of a phase III study of early versus delayed whole brain radiotherapy with concurrent cisplatin and vinorelbine combination in inoperable brain metastasis of non-small-cell lung cancer: Groupe Français de Pneumo-Cancérologie (GFPC) Protocol 95-1. Ann Oncol 2001;12:59-67.

[9] Barlesi F, Khobta N, Tallet A, Goncalves A, Azria D, Spano JP, et al. [Management of brainmetastases for lungcancer patients]. Bull Cancer 2013;100:303-8.

[3] Kocher M, Sof etti R, Abacioglu U, Villà S, Fauchon F, Baumert BG, et al. Adjuvant whole-brain radiotherapy versus observa-tion after radiosurgery or surgical resection of one to three cerebral metastases: results of the EORTC 22952-26001 study. J Clin Oncol 2011;29:134-41.

[4] Aoyama H, Shirato H, Tago M, Nakagawa K, Toyoda T, Hatano K, et al. Stereotacticradiosurgery plus whole-brain radia-tion therapy vs stereotacticradiosurgeryalone for treatment of brain metastases: a randomized controlled trial. JAMA 2006;295:2483-91.

[5] Chang EL, Wefel JS, Hess KR, Allen PK, Lang FF, Kornguth DG, et al. Neurocognition in patients with brain metastases treated with radiosurgery or radiosurgery plus whole-brain irradiation: a randomised controlled trial. Lancet Oncol 2009;10:1037-44.

[6] Weber B, Winterdahl M, Memon A, Sorensen BS, Keiding S, Sorensen L, et al. Erlotinib accumulation in brain metas-tases from non-small cell lung cancer: visualization by posi-