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Jeudi 29 octobre 2015 - 71 e année - N o 22016 - 2,20 € - France métropolitaine - www.lemonde.fr Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directeur : Jérôme Fenoglio Algérie 180 DA, Allemagne 2,50 €, Andorre 2,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 2,20 €, Cameroun 1 900 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d'Ivoire 1 900 F CFA, Danemark 30 KRD, Espagne 2,50 €, Finlande 4 €, Gabon 1 900 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,80 €, Guadeloupe-Martinique 2,40 €, Guyane 2,80 €, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,50 €, Italie 2,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,20 €, Malte 2,50 €, Maroc 13 DH, Pays-Bas 2,50 €, Portugal cont. 2,50 €, La Réunion 2,40 €, Sénégal 1 900 F CFA, Slovénie 2,50 €, Saint-Martin 2,80 €, Suisse 3,50 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,50 DT, Turquie 10,50 TL, Afrique CFA autres 1 900 F CFA Christine Lagarde : « Pourquoi il faut taxer le carbone » Christine Lagarde à Lima, le 7 octobre. RODRIGO ABD/AP La directrice générale du FMI plaide, avec le président de la Banque mondiale, pour une généralisation de la taxe carbone La réforme du système fiscal doit pénaliser la pollution au CO 2 Elle ne doit cependant pas produire une hausse des impôts CAHIER ÉCO PAGE 6 D eux jours après la révélation de la fuite en France de Pascal Fauret, 55 ans, et Bruno Odos, 56 ans, les deux pilotes d’avion fran- çais condamnés en août à vingt ans de prison en Ré- publique dominicaine, dans une affaire de trafic de cocaïne, le scénario de leur rocambolesque évasion est encore nébuleux, et les questions se multiplient. Autour, notamment, du rôle joué par les services français, dont des agents auraient pu prendre une part active à cette « exfiltration ». Les avocats des pi- lotes ont gardé le secret sur les détails de l’évasion, mardi 27 octobre, lors d’une conférence de presse. « Les modalités, on n’en parle pas », a déclaré M e Eric Dupond-Moretti. C’est par bateau, vers le 18 octobre, avec un plan d’action établi dans le plus grand secret par des professionnels, que les pilotes se sont éva- dés de l’île où ils étaient placés sous contrôle judi- ciaire, dans l’attente de leur procès en appel. Ils auraient passé plusieurs jours en mer, auraient re- joint les Antilles et pris un vol commercial munis de pièces d’identité à leurs noms. LIRE LA SUITE PAGE 10 Laurent Fabius a réuni, mardi 27 octobre, ses partenaires euro- péens et moyen-orientaux pour tenter de peser face à la Russie et à l’Iran, avant le second round des négociations sur la crise sy- rienne à Vienne. De leur côté, les Américains ont annoncé que Téhéran, allié du régime de Damas, pourrait participer aux pourparlers. Paris reste intransi- geant sur le sort d’Assad, point d’achoppement avec la Russie. Mais Moscou reste le seul à pou- voir amener Damas à négocier. p LIRE PAGE 3 ENQUÊTE « AIR COCAÏNE » : QUESTIONS SUR UNE ÉVASION ROCAMBOLESQUE par soren seelow, élise vincent et jean-michel caroit Syrie : Paris tente de revenir dans le jeu ANALYSE LE REGARD DE PLANTU Apple: un trésor de 205 000 000 000 dollars La multinationale dispose désormais de 205 milliards de dollars de trésorerie (186 milliards d’euros), soit l’équivalent du PIB du Portugal La firme a annoncé, mardi, des profits record : 53,4 milliards de dollars de bénéfice net (48 milliards d’euros) pour les douze derniers mois Le résultat de la compa- gnie est porté par les ventes d’iPhone. Mais le groupe reste en revanche discret sur les ventes de sa montre connectée Les analystes s’interro- gent sur la capacité d’Apple à maintenir un tel niveau de profits : les prévisions pour les prochains mois sont moins favorables Fragilisé par la concur- rence d’Apple Music, le site français de streaming Deezer a reporté son entrée en Bourse CAHIER ÉCO PAGES 5 ET 7 BEYROUTH LE SCANDALE DES ORDURES, SYMPTÔME DU MAL LIBANAIS LIRE PAGES 7 ET 12 CÔTE D’IVOIRE : LES DEUX DÉFIS D’ALASSANE OUATTARA LIRE PAGE 21 RÉGIONALES MARINE LE PEN MISE SURTOUT SUR LA PRÉSIDENTIELLE LIRE PAGE 8 ASIE LES AMÉRICAINS DÉFIENT PÉKIN EN MER DE CHINE LIRE PAGE 6 020/0’0 $"%.1/2*%&! ,+4)#-(# ACTUELLEMENT AU CINÉMA Afiche : © 2015 Pyramide Distribution - Louise Matas 51 !632 ’16.’"* $&/(6%&1( "( 18&12061) ’16%"+)"3* /8(+6 #" /08)6" &’(&1( .’" #-,6)(06+"4 LE JDD !!! FESTIVAL DE BERLIN OURS D’ARGENT DU SCÉNARIO PRIX DU JURY ŒCUMÉNIQUE

Monde 2 en 1 Du Jeudi 29 Octobre 2015

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Jeudi 29 octobre 2015 ­ 71e année ­ No 22016 ­ 2,20 € ­ France métropolitaine ­ www.lemonde.fr ― Fondateur : Hubert Beuve­Méry ­ Directeur : Jérôme Fenoglio

Algérie 180 DA, Allemagne 2,50 €, Andorre 2,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 2,20 €, Cameroun 1 900 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d'Ivoire 1 900 F CFA, Danemark 30 KRD, Espagne 2,50 €, Finlande 4 €, Gabon 1 900 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,80 €, Guadeloupe-Martinique 2,40 €, Guyane 2,80 €, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,50 €, Italie 2,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,20 €, Malte 2,50 €, Maroc 13 DH, Pays-Bas 2,50 €, Portugal cont. 2,50 €, La Réunion 2,40 €, Sénégal 1 900 F CFA, Slovénie 2,50 €, Saint-Martin 2,80 €, Suisse 3,50 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,50 DT, Turquie 10,50 TL, Afrique CFA autres 1 900 F CFA

Christine Lagarde : « Pourquoi il faut taxer le carbone »

Christine Lagarde à Lima, le 7 octobre.

RODRIGO ABD/AP

▶ La directrice générale du FMI plaide, avec le président de la Banque mondiale, pour une généralisation de la taxe carbone ▶ La réforme du système fiscal doit pénaliser la pollution au CO2 ▶ Elle ne doit cependant pas produire une hausse des impôts

→ CAHIER ÉCO PAGE 6

D eux jours après la révélation de la fuite enFrance de Pascal Fauret, 55 ans, et BrunoOdos, 56 ans, les deux pilotes d’avion fran­

çais condamnés en août à vingt ans de prison en Ré­publique dominicaine, dans une affaire de trafic de cocaïne, le scénario de leur rocambolesque évasion est encore nébuleux, et les questions se multiplient.Autour, notamment, du rôle joué par les servicesfrançais, dont des agents auraient pu prendre unepart active à cette « exfiltration ». Les avocats des pi­lotes ont gardé le secret sur les détails de l’évasion,

mardi 27 octobre, lors d’une conférence de presse. « Les modalités, on n’en parle pas », a déclaré Me Eric Dupond­Moretti. C’est par bateau, vers le 18 octobre,avec un plan d’action établi dans le plus grand secretpar des professionnels, que les pilotes se sont éva­dés de l’île où ils étaient placés sous contrôle judi­ciaire, dans l’attente de leur procès en appel. Ils auraient passé plusieurs jours en mer, auraient re­joint les Antilles et pris un vol commercial munis depièces d’identité à leurs noms.

→ LIRE L A SUITE PAGE 10

Laurent Fabius a réuni, mardi 27 octobre, ses partenaires euro­péens et moyen­orientaux pour tenter de peser face à la Russie et à l’Iran, avant le second round des négociations sur la crise sy­rienne à Vienne. De leur côté, les Américains ont annoncé que Téhéran, allié du régime de Damas, pourrait participer aux pourparlers. Paris reste intransi­geant sur le sort d’Assad, point d’achoppement avec la Russie. Mais Moscou reste le seul à pou­voir amener Damas à négocier. p

→ LIRE PAGE 3

ENQUÊTE

« AIR COCAÏNE » :QUESTIONS SUR

UNE ÉVASIONROCAMBOLESQUE

par soren seelow, élise

vincent et jean-michel caroit

Syrie :Paris tente de revenirdans le jeu

ANALYSE

LE REGARD DE PLANTU

Apple : un trésor de 205 000 000 000 dollars▶ La multinationale dispose désormais de 205 milliards de dollars de trésorerie (186 milliards d’euros), soit l’équivalent du PIB du Portugal

▶ La firme a annoncé, mardi, des profits record : 53,4 milliards de dollars de bénéfice net (48 milliards d’euros) pour les douze derniers mois

▶ Le résultat de la compa­gnie est porté par les ventes d’iPhone. Mais le groupe reste en revanche discret sur les ventes de sa montre connectée

▶ Les analystes s’interro­gent sur la capacité d’Apple à maintenir un tel niveau de profits : les prévisions pour les prochains mois sont moins favorables

▶ Fragilisé par la concur­rence d’Apple Music, le site français de streaming Deezer a reporté son entrée en Bourse→ CAHIER ÉCO PAGES 5 ET 7

BEYROUTHLE SCANDALE DES ORDURES, SYMPTÔMEDU MAL LIBANAIS→ LIRE PAGES 7 ET 12

CÔTE D’IVOIRE : LES DEUX DÉFIS D’ALASSANE OUATTARA→ L IRE PAGE 21

RÉGIONALESMARINE LE PENMISE SURTOUT SURLA PRÉSIDENTIELLE → LIRE PAGE 8

ASIELES AMÉRICAINS DÉFIENT PÉKINEN MER DE CHINE→ LIRE PAGE 6

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LE JDD HHH

FESTIVAL DE BERLIN

OURS D’ARGENT DU SCÉNARIOPRIX DU JURY ŒCUMÉNIQUE

2 | international JEUDI 29 OCTOBRE 2015

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A Diyarbakir, « la mort est devenue banale »Les accrochages entre les rebelles du PKK et les forces spéciales turques ont plongé la cité kurde dans le chaos

REPORTAGEdiyarbakir (turquie) -

envoyée spéciale

Les commerçants tirentleurs rideaux métalliques,les passants pressent lepas. Pas question de traî-

ner une fois la nuit tombée dans lequartier historique de Sur, au cœur de Diyarbakir, la grande ville kurde du sud-est de la Turquie, qui compte 1,5 million d’habitants.

Sur a subi de plein fouet la reprisedes hostilités entre les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, interdit en Turquie) et les for-ces spéciales turques. A la mi-octo-bre, des accrochages meurtriers ont fait rage dans les ruelles de la vieille ville, entre les forces spécia-les turques et les jeunes du Mouve-ment de la jeunesse patriotique ré-volutionnaire (YDG-H), la guérilla urbaine du PKK. Trois personnes ont trouvé la mort, parmi lesquel-les Helin Hasret Sen, une adoles-cente de 12 ans, tuée par balles alors qu’elle sortait de chez elle.

Pendant trois jours, du 10 au12 octobre, les habitants de Sur ont été soumis au strict régime du cou-

vre-feu. Ils ont été empêchés de communiquer avec l’extérieur, privés d’électricité. Façades calci-nées, vitres brisées, murs criblés d’impacts de balles attestent en-core de la violence des accrocha-ges. La façade de la vieille mosquéeKursunlu, érigée entre 1515 et 1520, a été ravagée par les tirs. L’église ar-ménienne Surp Giragos a fermé son lourd portail.

« Les touristes ne viennent plus »

En avril, au moment de la commé-moration du génocide des Armé-niens de l’Empire ottoman, le por-tail était grand ouvert. L’église fraî-chement restaurée et sa cour de pierre résonnaient de discussions animées entre Kurdes et Armé-niens de la diaspora, hantés par leur douloureux passé. « Reve-nez ! », disaient les Kurdes.

La ville était tout à son rêve depaix et de prospérité. Les hôtels af-fichaient complet, les touristes al-laient et venaient. Le caravansérail Hasan Pasa ne désemplissait pas, les commerçants se frottaient les mains. Mais depuis le retour des hostilités, « les touristes ne vien-nent plus, les échoppes et les cafés ferment leurs portes à 18 heures. Oncraint le pire », soupire Mahmut Kaya, la trentaine, serveur dans un des salons de thé du caravansérail.

Après trente ans de guerre, lesKurdes de Turquie rêvaient de paixet de prospérité. Les pourparlers commencés en 2012 entre le gou-vernement islamo-conservateur et les rebelles du PKK allaient for-cément aboutir. Pour la première fois de leur histoire, les régions du sud-est pouvaient prétendre à la même prospérité que celles de l’ouest, incomparablement plus développées.

Le rêve semblait à portée demain, surtout après les législativesdu 7 juin, quand le Parti démocra-tique des peuples (HDP, gauche, prokurde) réussit à franchir la barre des 10 %, envoyant ainsi 80 députés au Parlement. Pour les is-lamo-conservateurs du Parti de la justice et du développement

(AKP), habitués à recueillir les vo-tes des conservateurs kurdes, la victoire du HDP fut une sérieuse déconvenue.

L’attentat suicide survenu à Su-ruç, le 20 juillet, allait doucher tousles espoirs des Kurdes. Attribué à l’organisation Etat islamique (EI), ilcausa la mort de 34 militants de la gauche prokurde, et fut à l’origine de l’embrasement de toute la ré-gion. Quelques jours plus tard, le PKK déterrait la hache de guerre, revendiquant l’assassinat de deux policiers pendant leur sommeil à Ceylanpinar, non loin de la fron-tière turco-syrienne. L’organisa-tion les soupçonnait de complicitéavec les hommes de l’EI, qui circu-lent sans entraves dans la région.

Depuis, on ne compte plus unjour sans couvre-feu, sans accro-chages entre les forces de l’ordre et les rebelles kurdes, sans détona-tions de charges explosives au pas-sage des convois de jeunes appe-lés. « La mort est devenue banale »,

déplore Murat B., urgentiste. Avec une dizaine de collègues, ce jeune médecin de Diyarbakir est parti entant que volontaire dans la ville martyre de Cizre, où, du 4 au 13 septembre, 21 civils ont trouvé lamort dans les affrontements, sous les balles des tireurs d’élite ou faute de soins, les ambulances étant empêchées de circuler.

Tahir Elci, le bâtonnier de Diyar-bakir, en est convaincu : « Il est plusfacile de tirer des coups de feu que

de faire la paix. » Pour avoir af-firmé, lors d’un récent débat télé-visé sur la chaîne CNN Türk, que le PKK n’était pas une organisation terroriste, le bâtonnier a été inter-pellé le 20 octobre, conduit à An-kara et inculpé de propagande ter-roriste. Il risque jusqu’à sept ans deprison.

Peu enclins aux coalitions aprèstreize ans d’un règne sans partage,les islamo-conservateurs du Parti de la justice et du développement (AKP) ont préféré convoquer un nouveau scrutin pour le 1er no-vembre. Le président Recep TayyipErdogan pense que son parti l’em-portera haut la main et pourra gouverner seul, comme avant. « Je n’ai aucune coalition à mon pro-gramme », a fait savoir son pre-mier ministre Ahmet Davutoglu, le 19 octobre.

Alors que les sondages dessinentdes résultats semblables à ceux du 7 juin, des voix s’élèvent au sein de l’AKP pour réclamer la convoca-

Dans le quartierde Sur,

à Diyarbakir,le 13 octobre.

SERTAC KAYAR/REUTERS

L’attentat-suicide

survenu à Suruç,

le 20 juillet,

a douché tous les

espoirs de paix et

de prospérité des

Kurdes de Turquie

tion d’un troisième scrutin au cas où celui du 1er novembre ne serait pas probant.

« Investissements gelés »

A Diyarbakir, les hommes d’affai-res ont le blues. Des dizaines d’en-tre eux, dont Salim Ensarioglu, un notable kurde qui est aussi la tête de liste de l’AKP pour les législati-ves, ont lancé un appel au gouver-nement islamo-conservateur, pré-venant des effets désastreux du re-tour des hostilités dans la région.

« Après les législatives du 7 juin,nous pensions qu’il y aurait un gou-vernement de coalition, mais les ac-crochages ont commencé et nos es-poirs sont morts », explique Cengiz Ayaz, la trentaine, à la tête d’une PME agroalimentaire. « Tous les in-vestissements sont gelés. Le retour de la violence a tout gelé. Dans un pays normal, l’économie oriente la politique. Ici, c’est le contraire », re-grette l’homme d’affaires. p

marie jégo

à une semaine du scrutin législatif

du 1er novembre, la police turque multiplie les coups de filet contre les membres pré-sumés de l’organisation Etat islamique (EI),soupçonnés de préparer des attentats. Unetrentaine de personnes ont ainsi été arrê-tées à Konya, une ville conservatrice du centre de l’Anatolie, mardi 27 octobre.

La veille, une opération semblable avaitcoûté la vie à deux policiers et à sept djiha-distes à Diyarbakir, la « capitale » de la ré-gion kurde de Turquie. L’intervention vi-sait dix-sept planques de l’EI en ville.

Arrivées dans le quartier de Kayapinar, lesforces spéciales turques ont lancé l’assaut sur un pavillon mais au moment où elles pénétraient dans le jardin, une charge ex-plosive a été déclenchée, tuant deux poli-ciers. Une fusillade nourrie à l’arme auto-matique a suivi, blessant cinq agents. Des images diffusées sur les chaînes de télévi-sion ont montré des véhicules qui tiraient à la mitrailleuse lourde sur le pavillon.

Retranchés à l’intérieur de la villa, septdjihadistes ont été tués, douze ont été arrê-

tés. Selon la préfecture de Diyarbakir, des armes, des munitions et de nombreux do-cuments ont été saisis pendant l’opération.« D’après nos résultats, nous pouvons dire qu’une importante cellule de Daech [acro-nyme arabe de l’EI] a été neutralisée », a dé-claré le vice-premier ministre islamo-con-servateur Numan Kurtulmus, lundi. « Noussommes en train d’essayer de démanteler leurs réseaux dans d’autres villes, il s’agit d’une opération d’ampleur », a-t-il expliqué.

3 000 cellules dormantes

La semaine dernière, une opération simi-laire avait eu lieu à Gaziantep, la grandeville commerçante proche de la frontière avec la Syrie. Une cache avait été décou-verte qui contenait, selon la police, dix ceintures d’explosifs, deux tonnes et de-mie de nitrate d’ammonium, 60 kg de TNT,15 kg de billes métalliques, plusieurs kala-chnikovs, des grenades et des munitions.

Critiquées pour leur manque de volontéà combattre les réseaux djihadistes sur lesol turc, les autorités d’Ankara se sont déci-

dées à agir à la veille d’un scrutin crucial pour le Parti de la justice et du développe-ment (AKP, islamo-conservateur), dont la popularité chancelle après treize ans d’un règne sans partage en Turquie.

Ayant essuyé de nombreuses critiquesaprès le double attentat-suicide survenu le 10 octobre à Ankara (102 morts), le plus meurtrier de l’histoire de la Turquie mo-derne, le gouvernement islamo-conserva-teur veut faire taire les critiques qui l’accu-sent de fermer les yeux sur les 3 000 cellu-les dormantes de l’EI actives dans le pays, selon les services secrets turcs.

L’opposition a pointé du doigt l’incapacitédu gouvernement à neutraliser les djihadis-tes, dans la mesure où Yunus Emre Alagöz, l’un des kamikazes qui s’est fait exploser à Ankara, figurait depuis longtemps sur uneliste de terroristes présumés. « Regardez-moi bien. Ai-je l’air de quelqu’un qui soutientl’EI ? », a interrogé récemment le premier ministre, Ahmet Davutoglu, lors d’une ren-contre avec la jeunesse d’Istanbul. p

m. jé.

Avant les législatives, la police turque s’attaque à l’EI

LE CONTEXTE

SONDAGESLes instituts de sondage crédi-tent les islamo-conservateurs du Parti de la justice et du dévelop-pement (AKP, au pouvoir) de 37 % à 42 % des voix aux élec-tions législatives prévues diman-che 1er novembre. Ce score est insuffisant pour regagner la ma-jorité parlementaire perdue lors du scrutin du 7 juin, invalidé en raison de l’incapacité des isla-mo-conservateurs à former un gouvernement de coalition. En cas d’échec, l’AKP aura le choix entre la formation d’une coali-tion ou la convocation de nou-velles élections.

0123JEUDI 29 OCTOBRE 2015 international | 3

L’Iran invité aux pourparlers sur la SyrieLa France, qui réclame le départ du président Bachar Al-Assad, cherche à revenir dans le jeu diplomatique

Dans les salons du Quaid’Orsay, le ministrefrançais des affairesétrangères, Laurent Fa-

bius, a réuni, mardi 27 octobre, ses partenaires européens et proche-orientaux pour un dîner de travail destiné à accorder les points de vue sur la Syrie. L’initiative de la France, qui cherche à revenir dans le jeu des négociations alors qu’une nouvelle initiative diplo-matique est portée par Washing-ton et Moscou, tombe à un mo-ment opportun. Vendredi, à Vienne, ils devront afficher un front uni pour espérer peser face à l’Iran et à la Russie, alliés du régimede Bachar Al-Assad. « L’Iran sera prié d’y participer. Il appartient maintenant aux dirigeants ira-niens d’en décider », a révélé mardi John Kirby, le porte-parole du se-crétaire d’Etat américain. La parti-cipation de Téhéran, invité pour la première fois dans les pourparlers,avec l’aval du rival saoudien, pour-rait marquer un tournant.

Autour de la table, qui a réuni lesministres des affaires étrangèresd’Arabie saoudite, des Emirats ara-bes unis, de Jordanie, du Qatar, de Turquie et d’Italie, ainsi que le se-crétaire d’Etat adjoint américain, Tony Blinken, et des représentantsallemand et britannique, l’ambi-tion n’était pas encore à définir une position commune. « Il s’agis-sait de clarifier les paramètres d’une transition politique, suivant les principes adoptés à Genève en 2012 ; la lutte contre le terro-risme et ses cibles ; et la protection des populations civiles », précise une source diplomatique. Evoqué vendredi par M. Fabius, le projet de résolution onusienne contre le largage de barils d’explosifs sur lescivils est « dans la première phase de consultations ». « La question est renvoyée à Sergueï Lavrov [le ministre russe des affaires étran-gères]. Peut-il garantir l’arrêt des bombardements maintenant que la Russie est coresponsable ? », in-terroge une source diplomatique.

La France, un des pays les plusintransigeants face au régime deDamas, affiche sa volonté de dis-cuter avec Moscou. MM. Fabius et Lavrov devaient s’entretenir mer-credi par téléphone. « On constate tous que, dans les contacts que

nous avons avec la Russie, il n’y a pas de stratégie de sortie qui soit développée », relève-t-on toute-fois au Quai d’Orsay. La France n’a pas été conviée à la première réu-nion de Vienne, le 23 octobre, en-tre la Russie, les Etats-Unis, l’Ara-bie saoudite et la Turquie. Après celle-ci, jugée « constructive et po-sitive » par le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, l’objectif de celle du 30 octobre est de défi-nir le « cadre multilatéral néces-saire à une transition fructueuse en Syrie qui permette la formation d’un exécutif dont Bachar Al-As-sad ne serait pas le chef », a pro-clamé son porte-parole.

Les négociations achoppent tou-jours sur le sort du président sy-rien. « Lors de la réunion de Paris, aété exprimée l’exigence qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur l’issue du processus : le départ de Bachar Al-

Assad. On a évalué toutes les for-mules qui peuvent émerger quant au calendrier et défini les paramè-tres acceptables », indique une source diplomatique. La Russie et l’Iran insistent sur la nécessité de maintenir M. Assad dans ses fonc-tions jusqu’à la fin d’une période de transition et appellent à ce que le peuple syrien décide de son sortlors d’élections. Une position reje-tée par l’opposition syrienne.

Moscou a les leviers d’action

L’intervention militaire aux côtés du régime, fin septembre, a donnéà Moscou tous les leviers d’action et quelque peu infléchi les posi-tions respectives. « Que ce soit les pays du Golfe ou la Turquie, tout le monde désespère des Etats-Unis. Ils cherchent un terrain d’entente avec les Russes. Ils partiront du plan qu’ils proposent pour l’amen-

der sur la durée du maintien de Ba-char Al-Assad au pouvoir, la fusiondes forces de sécurité… », estime Bassma Kodmani, directrice du think tank Arab Reform Initiative. Washington a concédé que le ca-lendrier était négociable. « Malgré ce qu’ils disent, je crois que les Rus-ses ne voient pas Assad dans l’ave-nir de la Syrie », a estimé mardi le

chef de la CIA, John Brennan, tan-dis que le vice-ministre des affai-res étrangères iranien, Hossein Amir Abdollahian, a assuré que l’Iran « ne travaille pas à maintenirAssad au pouvoir pour toujours ».

A Paris, on estime qu’il « revientaux Russes de démontrer qu’ils sontréellement prêts à une solution po-litique, indique une source bien in-formée. On pense qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit, on es-père que les Russes en ont pris cons-cience aussi. » L’intervention mili-taire pourrait avoir fragilisé Mos-cou, qui craint « un bourbier, d’un nouvel Afghanistan, indique-t-on. En trois semaines, 150 millions de dollars ont été dépensés rien que pour du matériel militaire. Vu l’état de l’économie russe et le maintien des sanctions, Moscou ne peut pas soutenir longtemps cet effort ».

L’intervention russe a redonné

l’avantage aux forces loyalistes mais, selon le chef d’état-major desforces armées américaines, le gé-néral Joseph Dunford, la recon-quête des territoires perdus par le régime est plus lente qu’espéré. Le soutien accru de l’Iran, qui in-quiète Paris, ne change pas la donne. « Il y a des tensions entre Damas et Moscou, car les Russes comprennent qu’ils ont surestimé les capacités du régime à reprendre le dessus », poursuit la source.

Les critiques sont vives contrel’intervention russe, peu dirigée contre l’Etat islamique et bien pluscontre la rébellion syrienne. Cette dernière résiste grâce au soutien accru en armes des pays alliés. Mardi, le président américain, Ba-rack Obama, et le roi Salman d’Ara-bie saoudite se sont mis d’accord pour accroître cette aide. p

hélène sallon

Un hôpital de MSF au Yémen bombardé par la coalition arabeUne personne a été blessée dans la destruction du centre de soins

beyrouth - correspondant

C’ est le 39e centre de soinstouché au Yémen de-puis le début de l’offen-

sive aérienne conduite par l’Ara-bie saoudite au mois de mars. Lundi 26 octobre, un petit hôpital géré par Médecins sans frontières(MSF), dans la province de Saada (nord), a été pulvérisé par une de-mi-douzaine de frappes de la coa-lition arabe, qui n’ont miraculeu-sement fait qu’un seul blessé.

La destruction de cette infras-tructure de santé, la seule dans unrayon de 80 kilomètres, prive 200 000 habitants du district deHidan d’accès à des soins médi-caux. « Cette attaque est une nou-velle illustration du mépris total pour les civils au Yémen », accuse Hassan Boucenine, le chef de mis-sion de l’ONG française au Yémen,qui parle d’un « crime de guerre ». Le 3 octobre, une autre installa-tion de MSF, à Kunduz, dans le nord de l’Afghanistan, avait été la cible d’un bombardement améri-cain, qui avait fait 22 morts, dont12 humanitaires.

Les combats au Yémen, qui op-posent les rebelles houthistes pro-iraniens aux forces du président Abed Rabbo Mansour Hadi, soute-nues par l’Arabie saoudite, les Emi-rats arabes unis et plusieurs autrespays arabes, ont fait 5 000 morts depuis mars, dont une moitié de civils, et 25 000 blessés. Comme il le fait à chaque bavure imputée à un raid de la coalition, son porte-parole, le général saoudien AhmedAsseri, a rejeté toute responsabi-lité. Interrogé sur la cause des ex-plosions par l’agence Reuters, il a répondu « on ne peut pas le dire sans une enquête », alors même que Riyad et ses alliés sont les seulsà disposer de la force aérienne.

« Violation de lois de la guerre »

Selon MSF, la première frappe, dé-clenchée vers 22 h 30, a touché le bloc opératoire, qui était alors vide. Les équipes ont eu le temps de se mettre à l’abri avant que cinqautres bombes ne s’écrasent sur le bâtiment, détruisant la salle des urgences, la maternité, le labora-toire et les services de consulta-tion interne et externe. Les photos

diffusées par l’organisation huma-nitaire après le raid aérien mon-trent que la clinique a été réduite à l’état de gravats, à l’exception de quelques murs encore debout.

Un autre cliché, d’avant l’atta-que, atteste que le logo de l’ONG avait été peint sur le toit du bâti-ment, pour le signaler aux pilotes de la coalition. MSF affirme lui avoir fourni les coordonnées GPS de son hôpital il y a six mois et lesavoir reconfirmées chaque mois depuis cette date. Depuis mars,Human Rights Watch (HRW) acomptabilisé plus d’une ving-taine de bombardements aériens au Yémen « qui semblent être en violation des lois de la guerre ». Le 28 septembre, 131 villageois avaient péri dans l’attaque d’une cérémonie de mariage, sur la côte sud de la mer Rouge. Début octo-bre, à la suite de pressions deRiyad, le conseil des droits de l’homme de l’ONU avait renoncé àouvrir une enquête internatio-nale sur les crimes commis au Yé-men, tant par la coalition arabeque par les milices houthistes. p

benjamin barthe

« Malgré ce qu’ils

disent, les Russes

ne voient

pas Assad

dans l’avenir

de la Syrie »

JOHN BRENNAN

directeur de la CIA

Dans un magasin, à Damas, le 22 octobre. LOUAI BESHARA/AFP

LE CONTEXTE

« INTENSIFICATION »« Nous prévoyons d’intensifier no-tre campagne aérienne, y com-pris avec des appareils supplé-mentaires de la coalition et des Etats-Unis, pour cibler l’Etat isla-mique [EI] avec des frappes plus nombreuses et plus fortes », a dé-claré, mardi 27 octobre, le minis-tre de la défense américain, Ash-ton Carter, devant la commissiondes forces armées du Sénat. Les Etats-Unis n’hésiteront pas à « frapper depuis les airs ni à agir directement au sol », a-t-il ajouté, ouvrant la voie à de nouvelles actions du type de celle menée par les forces spéciales et les for-ces kurdes irakiennes à Hawija, près de Kirkouk, le 22 octobre, au cours de laquelle un soldat américain a trouvé la mort. Il a précisé que les Etats-Unis se concentreraient désormais sur les « trois R » : Rakka (le fief de l’EI en Syrie), Ramadi (capitale de la province sunnite irakienne de l’Anbar) et les raids.

L’HISTOIRE DU JOURAu Brésil, un ménageà trois validé devant notaire

sao paulo - correspondante

L a première est une femme d’affairesambitieuse de 32 ans déterminée àavoir un enfant, la deuxième une den-

tiste du même âge, et la troisième une gé-rante administrative de 34 ans. En septem-bre, ces trois « drôles de dames », en ménagedepuis trois ans, ont décidé de se marier. En octobre, elles passaient devant notaire à Rio de Janeiro.

« Nous sommes une famille. Notre union estle fruit de l’amour. Je vais tomber enceinte et nous nous préparons à cet événement (…). Nous voulons bénéficier des droits dont tout le monde dispose », a expliqué la femme d’affai-res au journal O Globo.

Le ménage à trois certifié devant notairen’est pas une première au Brésil. En 2012, unarchitecte, une caissière et une auxiliaire ad-ministrative avaient conclu une union civile dite « polyaffective » à Tupa, dans l’Etat de SaoPaulo. Mais aujourd’hui, « Jules et Jim » sont aussi des femmes.

Selon Fernanda de Freitas Leitao, la notaire,également avocate, qui a acté cette union100 % féminine, le trio pourra bénéficier de droits patrimoniaux et faire une déclaration commune aux impôts. Les trois épouses sou-haitent également que l’enfant, qui seraconçu par insémination artificielle, porteleurs trois noms de famille.

Au Brésil le mariage entre personnes dumême sexe n’existe pas, mais l’union civile

est autorisée depuis mai 2011 et un arrêt du tribunal de la Cour suprême du Brésil. A l’époque, les juges ont estimé que la constitu-tion, qui reconnaît « comme entité familiale une union stable entre un homme et unefemme », avait « valeur d’exemple » maisn’était pas exhaustive, ouvrant la voie aux unions homosexuelles.

Certains notaires en ontdéduit que d’autres fa-milles plus hétéroclites méritaient la protection de l’Etat. A écouter l’avocatespécialiste des droits de la famille Regina Beatriz Ta-vares da Silva, ces profes-sionnels devraient être pu-nis. « Ils violent la loi. AuBrésil, la polygamie n’existepas. Cette écriture est nulle ! C’est très grave », s’étrangle celle qui est aussi prési-dente de l’Association du droit de la famille et des successeurs (Adfas).

« L’exagération d’un côté entraîne l’outrancede l’autre », prévient l’avocate, en référence auprojet de loi dit « O Estatuto da Familia » (« le statut de la famille ») défendu par les conser-vateurs et le milieu évangélique. Ce texte vise à définir la famille comme un couple unique-ment composé d’un homme et d’une femme,afin de supprimer les droits afférents auxunions homosexuelles. p

claire gatinois

LES TROIS ÉPOU-SES SOUHAITENT ÉGALEMENTQUE LEUR ENFANT PORTE LEURS TROIS NOMS DE FAMILLE

4 | international JEUDI 29 OCTOBRE 2015

0123

M. Ouattara face aux défis d’un second mandatLe président ivoirien a obtenu 83,6 % des voix, alors que l’ombre de Laurent Gbagbo plane toujours sur le pays

abidjan - envoyé spécial

Alassane Ouattara l’avaitannoncé, il l’a fait. Uncoup K.­O. La victoiredès le premier tour est

sans appel, malgré le maigre sus-pense entretenu par l’arbitre de cematch. La Commission électorale indépendante, après avoir dé-montré son impréparation lors duvote de dimanche, a proclamé le verdict – qui doit être validé par le Conseil constitutionnel – au cœur de la nuit de mardi 27 octobre à mercredi 28, après une intermina-ble soirée passée à égrainer lesscores des candidats.

Le plébiscite apparent du prési-dent sortant, cinq ans après uneaccession au pouvoir acquise au prix d’une confrontation arméequi traumatise encore les Ivoi-riens, est pourtant un trom-pe-l’œil. Le taux de participation, qui a officiellement dépassé 54 %et qui est déjà contesté par l’oppo-sition radicale, a été acquis grâce àune intense campagne de mobili-sation des électeurs. Dimanche,en plusieurs occasions, il a fallu transporter jusqu’aux bureaux devote des partisans du pouvoirsans le sou ou persuadés que la partie était gagnée d’avance.

L’abstention était l’un des en-jeux de cette élection car à traverselle se dessine l’ombre de Laurent Gbagbo. Malgré son transfert de-vant la Cour pénale internatio-nale, l’ex-président ivoirien reste populaire parmi ses supporters,qui se sont très majoritairement refusés à se rendre aux urnes.« Dimanche, je suis restée à la mai-son et j’ai pleuré toute la journée enpensant à lui » confie BlandineAchi, une infirmière.

Pascal Affi N’Guessan, le candi-dat du Front populaire ivoirien(FPI), fondé par M. Gbagbo, con-trôle l’appareil du parti, mais son statut d’« opposant aux ordres »,

selon ses rivaux qui ont opté pourle boycott, ne lui a pas permis d’atteindre 10 % des suffrages. De fait, les lignes politiques de laCôte d’Ivoire n’ont pas bougé et cela joue en faveur du pouvoirqui, par le jeu des alliances ethni-ques, au sein de la coalition du Rassemblement des houphouë-tistes pour la démocratie et lapaix, peut s’assurer une positionmajoritaire dans le pays.

Dans cette Côte d’Ivoire aux al-lures de vaste chantier, tant les constructions se multiplient etles investissements abondent, ce-lui de la réconciliation politique reste à ouvrir. Tout comme celui d’une justice impartiale aux yeux d’une large partie des Ivoiriens et des organisations de défense desdroits de l’homme.

Urgence sociale

Pour son premier mandat, Alas-sane Ouattara, avec l’appui quasiinconditionnel de la France, a dé-roulé le plan qu’il avait préparé avant d’arriver au pouvoir, consi-dérant que l’économie est la clé de son succès aux affaires. Ce technocrate assumé s’est en re-vanche gardé d’aborder frontale-ment les problèmes de fond qui ont mené pendant deux décen-nies ce pays vers l’abîme. A quiappartient la terre dans cet Etatoù l’agriculture, principalement du cacao, est à la base de l’écono-mie ? Qui est ivoirien dans cette

cer au Mali avec un pactole qui re-présentait le tiers des soldes au mo-ment où une mutinerie a éclaté en novembre 2014 pour des primes impayées », indique une source.

Se posera également, dans cinqans, la question de la successiond’Alassane Ouattara, âgé de 73 ans.Celui qui vient d’être reconduit et son ancien ennemi devenumeilleur allié, l’ancien président Henri Konan Bedié, 81 ans, ambi-tionnent de fusionner leurs par-tis respectifs. Les successeurs po-

tentiels, comme le Franco-Ivoi-rien Tidjane Thiam, actuel direc-teur de Credit Suisse, ne manquent pas.

A Abidjan, une jeune garde adéjà entamé la lutte pour la conquête du pouvoir suprême. La rivalité entre Hamed Bakayoko, le ministre de l’intérieur, etGuillaume Soro, l’ex-chef de la ré-bellion et actuel président de l’As-semblée nationale, s’aiguise cha-que jour un peu plus. Le premier,qui bénéficie de l’appui de la très

influente première dame, a cesdernières années étendu son in-fluence sur la police, les services de renseignements et la presse. Lesecond dispose toujours d’un ar-senal de guerre, d’une habileté politique sans pareil et apparaît comme l’un des seuls candidats capables de transcender les divi-sions politico-ethniques du pays. Tous deux ont en revanche dé-montré que la violence pouvait être un outil de la vie politique p

cyril bensimon

Des partisans d’Alassane Ouattara défilent avec des tee-shirts à son effigie, à Abidjan, le 23 octobre. SCHALK VAN ZUYDAM/AP

Le procès de Hissène Habré révèle que ses crimes étaient aussi sexuelsUne femme a accusé l’ex-dictateur tchadien, jugé à Dakar, de l’avoir violée à quatre reprises

dakar - envoyé spécial

D’ un pas lent et digne, latête couverte d’unvoile, Khadija Hassan

Zidane, Khatoulma Defallah,Haoua Brahim et Hadje Merami Ali ont traversé la salle d’audiencedans le seul bruit du claquementde leurs talons et se sont présen-tées à la barre.

Plusieurs femmes ont déjà té-moigné contre l’ex-dictateur tcha-dien Hissène Habré jugé depuis lami-juillet à Dakar pour crimes contre l’humanité, tortures et cri-mes de guerre. Et d’autres vien-dront après elles. Mais ces audien-ces du 19 au 22 octobre devant les Chambres africaines extraordi-naires (CAE) avaient un caractère particulier : les violences que cesquatre femmes ont subies lors de leur détention au camp militaire de Ouadi-Doum et de Kalaït, au Tchad, entre 1988 et 1989, sontavant tout sexuelles.

Ce sont aujourd’hui des damesd’un âge mûr. Mais Haoua Brahimavait 13 ans lors de son arrestation.Comme d’autres, elle a été prise enotage par les services de sécurité (DDS et Sûreté nationale) pour for-cer ses parents, soupçonnés d’être des agents libyens, à se rendre. « Agents libyens », l’accusation, à l’époque de la guerre du Tchad contre ce puissant voisin, permet-tait d’incriminer des populations tchadiennes « arabes », réprimées par le pouvoir depuis 1983.

Khatoulma Defallah a, quant àelle, été arrêtée pour ses origineshadjaraï, minorité ciblée depuis 1987 puis envoyée dans un camp à500 kilomètres au nord de N’Dja-mena. Elle décrit les tâches do-mestiques qui leur ont été assi-gnées. Mais cette ancienne hô-tesse d’Air Afrique insiste : elles étaient avant tout destinées à y être les « objets sexuels » des mili-taires.

L’établissement des viols et cri-mes sexuels reste un enjeu essen-tiel et problématique du procèsHabré. L’audience étant retrans-mise en direct au Sénégal et auTchad, les mots sont retenus. « J’aides enfants. Je ne peux pas vous endire plus », lâche l’une d’elle. Leursrécits, toutefois, laissent devinerles viols, les avortements forcés. En mars 1989, à la suite d’une lon-gue et retentissante campagne d’Amnesty International qui a dé-signé Haoua Brahim « prison-nière du mois », le calvaire de cesfemmes a pris fin.

Un combat d’avant-garde

Le coup de théâtre judiciaire est survenu le 19 octobre. A la barredes CAE, Khadija Hassan Zidaneconfesse avoir été violée par ses gardes et leurs responsables hié-rarchiques. Mais surtout, elle ac-cuse Hissène Habré en personne de l’avoir violée à quatre reprises dans les locaux de la présidence, àN’Djamena, où elle était incarcé-rée juste après son arrestation. Ce

témoignage a fait l’effet d’une bombe. Jamais durant l’instruc-tion elle n’avait osé accuser direc-tement le président déchu, jus-que-là impassible dans son box. Il agite alors nerveusement sonpied, un tic qui reviendra et sem-ble trahir ses émotions.

La Rencontre africaine pour ladéfense des droits de l’homme (RADDHO), une ONG qui re-groupe les efforts de la société ci-vile sénégalaise dans le cadre duprocès Habré, a lutté avec Human Rights Watch pour faire inscrire leviol comme crime contre l’huma-nité dans l’affaire Habré. Cette de-mande n’a pas encore abouti. Le14 octobre, les avocats des parties civiles ont remis un mémoran-dum aux CAE pour demander la requalification des viols en cri-mes contre l’humanité.

En Afrique, la défense des droitsdes femmes est un combatd’avant-garde au sein des sociétésciviles. En septembre, les autori-tés de la République démocrati-

que du Congo (RDC) avaient cen-suré le film L’Homme qui répare les femmes.

Ce documentaire du BelgeThierry Michel retrace l’actiondu gynécologue congolais DenisMukwege en faveur des femmesvictimes de viol de guerre dansl’est de la RDC. Lundi 19 octobre, le jour même de la déposition deKhadija Hassan Zidane devantles CAE à Dakar, la censure du gouvernement de Kinshasa àl’encontre du film a été levée.Une décision internationale-ment saluée.

A la veille de l’audition des victi-mes de Ouadi-Doum, dans unelettre ouverte adressée au procu-reur général des CAE, dix-sept or-ganisations de défense des droitsde la femme ont déploré le man-que d’attention portée aux vio-lences sexuelles : « Ne pas pour-suivre Hissène Habré pour crimessexuels serait un rendez-vousmanqué avec l’histoire. »

Au bas de leur lettre figure la si-gnature du docteur Mukwenge, qui ne cesse de rappeler que ce combat dépasse la seule arène ju-ridique et judiciaire : « En plus des lois, il faut que la sanction sociale cesse de frapper la femme, écrit-il. Nous devons arriver au point où lavictime obtient l’appui de la com-munauté et où l’homme qui com-met le viol est la personne qui est stigmatisée, exclue et pénalisée par la communauté entière. » p

jean-pierre bat

Les avocats

des parties civiles

ont demandé

la requalification

des viols en

crimes contre

l’humanité

nation en bonne partie cons-truite par des immigrés et où les étrangers représentent plus du quart de la population ?

L’urgence est également sociale.Alassane Ouattara vise une crois-sance à deux chiffres, mais la re-distribution de ses fruits est en-core loin de s’être matérialisée. La frustration est d’autant plus grande que la corruption n’a fait que croître ces dernières années.« L’épouse d’un des plus hauts res-ponsables de l’armée s’est fait pin-

ESPAGNEMariano Rajoy menace les indépendantistes catalansLe chef du gouvernement es-pagnol, Mariano Rajoy, a pré-venu mardi 27 octobre qu’il utiliserait tous les mécanis-mes possibles pour protéger la « souveraineté de l’Espa-gne ». M. Rajoy a pris la parole quelques heures à peine après l’annonce par les partis indépendantistes catalans de leur intention d’adopter dé-but novembre une résolution lançant le processus menant à la création d’une république de Catalogne indépendante du reste de l’Espagne. – (AFP.)

UNION EUROPÉENNEDeux eurodéputéspunis pour avoir arboré des symboles nazisLe Parlement européen a sanctionné mardi 27 octobre deux eurodéputés d’extrême droite pour avoir arboré des symboles nazis en séance. L’Italien Gianluca Buonanno, membre de la Ligue du Nord, avait porté un tee-shirt mê-lant une image d’Adolf Hitler et d’Angela Merkel. Le Polo-nais Janusz Korwin-Mikke avait fait un salut nazi.Les deux eurodéputéssont suspendus dix jourset devront payer une amende de 3 060 euros. – (AFP.)

Une jeune garde

a déjà entamé

la lutte pour

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6 | international JEUDI 29 OCTOBRE 2015

0123

pékin, washington -

correspondants

Après avoir tergiversépuis longuement pré-paré le terrain en an-nonçant leurs inten-

tions par fuites de presse et autresvoies de communication, lesEtats-Unis ont finalement péné-tré lundi 26 octobre dans la zone des douze milles marins entou-rant certains des îlots que Pékin a fait émerger ces derniers mois en mer de Chine méridionale. Un destroyer américain, le Lassen, s’est approché de Subi et a égale-ment patrouillé autour de Mis-chief, des bancs de sable que la Chine a transformés en îles.

La marine américaine n’étaitpas entrée depuis 2012 dans cette zone de l’archipel des Spratleys re-vendiqué par la Chine, mais aussi par les Philippines, la Malaise, le Vietnam et Brunei. Depuis, la si-tuation a grandement évolué, les îles artificielles apparaissant àpartir de 2014, construites à l’aide de navires de pompage des sédi-ments. Sur les photos satellite dethink tanks américains, déjà deuxpistes d’atterrissage semblent enconstruction avancée, à FieryCross et Subi, tandis qu’un pla-teau rectangulaire s’étendant sur 3 000 mètres de longueur à Mis-chief laisse penser qu’une troi-sième pourrait voir le jour.

L’administration américaine,qui prône un règlement pacifique de ce contentieux territorial, s’est contentée d’arguer de la liberté de navigation pour justifier cette mission annoncée dès le 8 octobrepar des sources anonymes de l’ad-ministration américaine citées par le Financial Times, et a tenté debanaliser l’envoi du bâtiment de guerre. Recevant le 25 septembre,à Washington, son homologuechinois Xi Jinping, le président Ba-rack Obama avait annoncé que les Etats-Unis continueront de « navi-guer, de voler et d’opérer partout où les conventions internationalesle permettent », ajoutant que les travaux de construction et de mili-tarisation de territoires contestés compliquent un règlement entre

les différentes parties prenantes. Trois mois plus tôt, le 1er juin, M. Obama avait déjà critiqué la po-litique chinoise du fait accompli en mer de Chine méridionale, esti-mant que Pékin « joue des coudes pour chasser les autres ».

Le porte-parole du départementd’Etat, John Kirby, ancien officier de marine, a ainsi estimé que la patrouille du Lassen relevait de la « routine » puisque en l’absence d’eaux territoriales, la marine américaine n’est pas tenue, selonlui, d’en informer Pékin. Devant leSénat, un adjoint du secrétaire à ladéfense, David Sear, avait jugé le 13 mai que, les îlots concernés étant érigés sur des récifs immer-gés, la règle des 12 milles nauti-ques pour les eaux territoriales ne

s’applique pas selon le droit de la mer, ce que conteste Pékin.

Dès mardi, l’ambassadeur amé-ricain à Pékin, Max Baucus, a étéconvoqué par le vice-ministre chi-nois des affaires étrangères, ZhangYesui, lui-même ancien ambassa-deur aux Etats-Unis, qui a fait part

du « fort mécontentement » chi-nois. L’agence de presse officielle, Chine Nouvelle, se faisant l’écho de cet échange, a cité M. Zhang em-ployant les termes de « souverai-neté » et de « droits juridiques mari-times », précisément les notions contestées, et déclarant : « La Chinefera tout ce qui est nécessaire pour s’opposer à la provocation délibé-rée de n’importe quel pays. »

Opinion publique nationaliste

Deux navires chinois, le destroyerLanzhou et le patrouilleur Tai-zhou, ont suivi le bâtiment améri-cain et se sont contentés d’unemise en garde, restant toutefois à distance. Sur les réseaux sociaux, une partie de l’opinion chinoisedemande pourquoi l’Armée popu-

laire de libération n’a pas réagi da-vantage. Quelques jours plus tôt, la Chine avait protesté contre lesvols répétés d’un avion de sur-veillance américain au-dessus de la zone concernée par ces travaux.

La Chine, qui considère avoirdéjà engrangé un gain en parve-nant à construire ces îles sans op-position plus forte, joue désor-mais la modération par rapport à une opinion gonflée au nationa-lisme. La Chine a proposé, le 16 octobre, à ses voisins d’Asie duSud-Est anxieux d’organiser desexercices militaires ensemble. Le 25 septembre à Washington, Xi Jinping en personne s’engageait à ne pas « militariser » les nouvellesîles, laissant analystes américains et chinois perplexes. « On ne sait

Au Cambodge, la dérive autoritaire de Hun Sen, de plus en plus fragiliséDes partisans du premier ministre ont agressé deux députés d’opposition à Phnom Penh, alors que celui-ci rencontrait François Hollande à Paris

bangkok - correspondant

en Asie du Sud-Est

L a visite en France, diman-che 25 et lundi 26 octobre,du premier ministre cam-

bodgien, Hun Sen, aura eu une double répercussion, à Paris et à Phnom Penh : dimanche, une ma-nifestation d’expatriés cambod-giens en France a été organisée auTrocadéro dans le but de dénon-cer, selon les organisateurs, « les violations délibérées des droits des citoyens » dont le gouvernementde Hun Sen est accusé par ses op-posants.

Lundi, une contre-manifesta-tion a eu lieu à Phnom Penh : plu-

sieurs milliers de partisans du gouvernement se sont réunis de-vant le Parlement pour exiger la démission de Kem Sokha, pre-mier vice-président de l’Assem-blée nationale et numéro deux duParti du sauvetage national du Cambodge (PSNC, opposition). Deux députés de ce parti ont été violemment pris à partie par les manifestants, laissant les parle-mentaires le visage en sang.

« Les violences de lundi matin àPhnom Penh sont très clairementdes représailles à la manifestation anti-Hun Sen de Paris, affirme au Monde le chef de l’opposition, Sam Rainsy, qui détient la doublenationalité française et cambod-

gienne. Avant son départ du Cam-bodge pour sa visite officielle en France, le premier ministre avait prévenu ses détracteurs que, si des éléments de l’opposition cambod-gienne maintenaient leur projet demanifestation contre lui à Paris, ses partisans s’en prendraient àceux de Sam Rainsy au Cambodge.C’est chose faite. »

« Insurrection » et « trahison »

Les derniers signes du caractère autoritaire croissant de la « démo-cratie » cambodgienne sont in-quiétants à plus d’un titre : onze membres et sympathisants du PSNC ont été condamnés cet été à de très lourdes peines de prison

pour « insurrection » après avoir participé à une manifestationen 2014, tandis que le sénateur Hong Sok Hour (qui jouit égale-ment de la double nationalité française et cambodgienne), affi-lié à ce même parti, est incarcéré depuis deux mois et demi pour « trahison ».

Par ailleurs, en septembre, uneloi restreignant la liberté d’asso-ciation, clairement dirigée contre les ONG, a été votée au Parlement, et fermement condamnée par la société civile cambodgienne. La Fédération internationale des droits de l’homme avait envoyé le 23 octobre une lettre ouverte à François Hollande pour demander

à ce dernier de faire pression sur Hun Sen afin d’obtenir, notam-ment, la remise en liberté du séna-teur franco-cambodgien, « détenu pour des raisons politiques sur la base de plusieurs chefs d’inculpa-tion montés de toutes pièces ». Hong Sok Hour avait été arrêté, le 15 août, pour avoir remis en ques-tion sur Facebook un accord entre le Cambodge et le Vietnam à pro-pos de leur frontière commune.

Le sénateur, qui est sous le coupde trois chefs d’inculpation, ris-que une peine maximale de dix-sept ans de prison. Son procès a commencé le 2 octobre, et le tri-bunal a refusé sa demande de re-mise en liberté sous caution. A Pa-

ris, un communiqué de l’Elysée, publié lundi après la rencontre entre François Hollande et Hun Sen, a souligné la « volonté de la France d’accompagner le Cam-bodge sur la voie du développe-ment et de la démocratie, dans le respect des droits de l’homme ».

Lors des élections législatives de2013, entachées de fraudes multi-ples, le Parti du peuple cambod-gien (PPC), la formation du pre-mier ministre, avait vu sa repré-sentation parlementaire s’effriter.Le parti avait même perdu sa ma-jorité des deux tiers à l’Assemblée.Depuis, Hun Sen semble de plus en plus sur la défensive. p

bruno philip

Le récif de Mischief, que des navires chinois transforment en îles, photographié par satellite, le 8 septembre. REUTERS/CSIS ASIA MARITIME TRANSPARENCY

Le vice-ministre

chinois des

affaires

étrangères a fait

part du « fort

mécontentement »

de Pékin

Les Américains défient Pékin en mer de ChineUn destroyer américain s’est approché des nouvelles îles artificielles édifiées par la Chine

pas trop ce que Xi Jinping entend par là car s’il y a des applications civiles, les îles peuvent évidem-ment être employées à des fins mi-litaires, mais la Chine ne veut pas paraître trop agressive », estime Shi Yinhong, directeur du centred’études américaines à l’univer-sité du Peuple à Pékin

En juin, un porte-parole du mi-nistère chinois des affaires étran-gères, Lu Kang, précisait en effet que les travaux de construction des îles à proprement parler se-raient achevés « dans les prochainsjours », après quoi suivraient les infrastructures. Si la Chine sou-tient que les îles ont également une utilité civile, pour des mis-sions de sauvetage par exemple, M. Lu ne cachait pas alors qu’elles serviront également à « répondre à un besoin nécessaire de défense militaire ».

La patrouille américaine inter-vient à quelques semaines seule-ment des sommets de l’Associa-tion des nations d’Asie du Sud-Est (Asean) en Malaisie et du forum annuel de la Coopération écono-mique en Asie-Pacifique (APEC),qui se tiendront dans la deuxièmepartie du mois de novembre et auxquels Barack Obama a con-firmé lundi sa présence. Les Etats-Unis doivent rassurer leurs alliésdans la région, car l’administra-tion Obama a tardé à réagir sur la question de ces îlots dans l’archi-pel que les Chinois nomment Nansha, « les sables du Sud ». p

harold thibault

et gilles paris

CHINETAÏWAN

PHILIPPINES

MALAISIE

BRUNEI

VIETNAM

INDONÉSIE

Mer de Chine

méridionale

Paracels

Iles Spratleys

Atollde Scarborough

500 km

Iles disputées

19:20 le téléphone sonne

18:15 un jour dans le monde

nicolas demorand

15 un jour dans le mond

le 18/20venantde choc

avec les chroniquesd’Arnaud Leparmentier

et d’Alain Frachondans un jour dans le monde

de 18:15 à 19:00

0123JEUDI 29 OCTOBRE 2015 planète | 7

beyrouth - correspondance

Sur son téléphone, Eva Zaa­tari, une habitante, mon­tre les photographies depoubelles qui s’amoncel­

lent dans la région de Baabda, à l’est de Beyrouth, connue pour sesroutes boisées et ses maisons cos-sues aux portes de la capitale :« Parfois, les tas de déchets sont en-levés par la municipalité. Mais d’autres apparaissent quelquesjours plus tard. » Sami Chenaihi,résident de Baabda et volontaire au sein d’une ONG, mentionne les rats, la puanteur, les odeurs suffocantes dégagées par les or-dures brûlées. Il y a aussi, désor-mais, la menace de la pluie : dans d’autres banlieues, dimanche 25 octobre, de violentes averses ont emporté, dans les rues, les ordures amassées.

Plus de trois mois après le débutde la crise des déchets à Beyrouth,Baabda, qui abrite le palais prési-dentiel – sans locataire depuis près d’un an et demi à cause deblocages politiques –, est l’une desnombreuses banlieues de la capitale qui ne parviennent pas à se débarrasser de leurs ordures demanière viable.

« Les gens sont devenus fous »

Retour en arrière. A la mi-juillet, ladécharge qui dessert Beyrouth et ses environs ferme. Le gouverne-ment n’a pas anticipé de solution de remplacement, et Sukleen, la société privée chargée de collecterles déchets, dont le contrat arriveà terme, cesse son activité. Aussi-tôt, les rues de la capitale sont en-vahies par les ordures, dans la ca-nicule de l’été. Face à la colère des habitants, les autorités deman-dent aux éboueurs de Sukleen de reprendre leur travail à Beyrouth. Mais pas dans les banlieues : du jour au lendemain, les municipa-lités sont sommées de trouver une solution, en attendant qu’unnouveau plan gouvernemental voie le jour.

Certaines ont passé le cap sanstrop de casse, en instituant le triou en stockant les ordures. Mais beaucoup peinent, faute de moyens – aucun fonds n’a été dé-bloqué aux municipalités pour ré-pondre à l’urgence – ou de ter-rains. « La crise des poubelles a rendu les gens fous, constate Paul Abi Rached, le président de T.E.R.R.E Liban, une ONG écolo-giste basée à Baabda. On voit des mairies brûler elles-mêmes les dé-chets. Cela fait plus de vingt ans

que les municipalités ont été dé-possédées de toute réflexion sur lesordures, parce que la gestion étaitcentralisée, et leurs ressourcesfinancières, monopolisées. Pour Baabda, on aurait pu trouver des carrières pour stocker et trier les poubelles. C’est un gâchis. »

A Baabda, le dossier est d’autantplus épineux que les pouvoirs de la mairie, démissionnaire, ont été transférés au gouvernorat du Mont-Liban, et des habitants croient que, pour cette autorité ré-gionale, débordée, le sort des dé-chets locaux est secondaire. La

peur de voir enfouies les ordures dans la forêt a mobilisé militants écologistes et résidents. On leur répète désormais qu’une solution est sur la table, mais ils n’en con-naissent pas les détails. Depuis dessemaines, ils ont pris les devants, pour le meilleur ou pour le pire.

Car si le centre même de Baabdaest épargné, c’est en partie parce qu’un système de ramassage pa-rallèle s’est mis en place. Rita, une habitante d’une cinquantained’années, sourit, un peu mal àl’aise : pour dégager ses ordures ménagères, elle fait appel à un particulier, éboueur improvisé,qu’elle paie 10 dollars (9 euros) parmois. « Tout le monde fait ça ici. Des Egyptiens ou des Syriens col-lectent les poubelles à domicile. Iln’y a plus de ramassage public,plus de bennes à ordures, ce n’est pas une honte ? » Où vont ces dé-chets ? Elle ne l’a pas demandé.D’autres, commerçants ou habi-tants, se cotisent pour faire dispa-raître un amas de poubelles, près de boutiques ou d’immeubles.Personne ne sait non plus où par-tent ces ordures, et la facture est

salée : autour de 500 dollars(450 euros), payés à des ramas-seurs aux méthodes opaques.

« Cela revient à mettre les ordu-res sous le paillasson », synthétise Sami Chenaihi, qui prône au con-traire une réponse responsable.L’ONG dont il est membre, Offre-Joie, mène campagne : elle appelleà isoler les déchets accumulés dans le Grand Beyrouth et montrel’exemple. A trois reprises en octo-bre, à Baabda et ses environs, de jeunes volontaires ont emballédans des sacs épais des poubelles, réduites à l’état de bouillie pour les plus anciennes. « C’est simple, peu coûteux. Cela permet de limi-ter la prolifération d’insectes ou derongeurs, et la contamination de l’eau de nos robinets. C’est peut-être la seule solution qu’on a aujourd’hui, puisqu’on n’a nullepart où mettre ces ordures. »

« Prise de conscience »

A l’entrée des locaux de T.E.R.R.E Liban, des ouvriers s’affairent àtrier les déchets non organiquesque leur apportent des habitants. L’ONG est submergée par les solli-

citations. « Avec la crise, il y a euune prise de conscience », dit Eva Zaatari, jeune maman. Avecd’autres, elle vient de former un groupe, Angry Moms in Action(« mamans en colère en action »), pour convertir au tri maisons ou garderies et réduire les déchets.« Nous voyons nos enfants être malades avec une fréquence iné-dite. Difficile de ne pas faire le lienavec les poubelles qui polluent l’air. »

Une sortie de crise est-elle envue ? Le plan annoncé par le gou-vernement en septembre pour le Grand Beyrouth patine. Il est au centre d’une épreuve de forcepolitique, malgré l’urgence d’une

Les feux de forêt indonésiens asphyxient l’Asie du Sud-EstCes incendies volontaires, destinés à favoriser la culture de palmiers à huile, ont déjà détruit, cette année, quelque 1,7 million d’hectares

bangkok - correspondant

en Asie du Sud-Est

L es feux de forêt en Indoné-sie, qui continuent de pro-voquer un brouillard âcre

sur plusieurs pays de l’Asie du Sud-Est, viennent de forcer le présidentJoko Widodo à écourter sa pre-mière visite officielle aux Etats-Unis. Mardi 27 octobre au soir, après avoir rencontré Barack Obama, le chef de l’Etat indoné-sien a décidé de regagner précipi-tamment son pays où les incen-dies provoqués par la culture sur brûlis ont une nouvelle fois con-duit ses voisins malaisiens et sin-gapouriens à fermer des écoles et annuler des vols.

Même la Thaïlande et les Philip-pines sont désormais affectées parles conséquences de ces fumées qui, depuis presque deux mois, auraient provoqué des infections respiratoires chez 500 000 per-sonnes. Quelque 43 millions d’ha-

bitants vivent dans les zones tou-chées. Poussée par les vents, la fu-mée a envahi l’atmosphère de septprovinces du sud de la Thaïlande, générant, selon les autorités loca-les, la pire pollution depuis dix ans. Même la très touristique île deKo Samui, dans le golfe de Thaïlande, n’a pas été épargnée. Le 22 octobre, une cinquantaine de vols ont dû être annulés dans la ré-gion, alors que la grande ruée hi-vernale vers les plages vient de commencer.

Même scénario au sud des Phi-lippines où des îles méridionales, notamment celle de Cebu, sont el-les aussi victimes de la fumée, qui émane de deux foyers d’incendie distincts : à l’ouest, le brouillard vient de la grande île indoné-sienne de Sumatra, à l’est de la par-tie indonésienne de l’immense île de Bornéo. Chaque automne, le phénomène se répète et les brouillards envahissent une partiede l’Asie du Sud-Est à cause des in-

cendies. Mais ce qui vient de se passer en 2015 est un record, tant lephénomène se prolonge. Accen-tué de plus cette année par l’im-pact du courant chaud d’El Niño.

Normalement, les incendies fi-nissent par s’éteindre au début de la mousson qui, dans la partie mé-ridionale de l’Asie du Sud-Est, com-mence en novembre. Mais cette année, les feux pourraient se pro-

longer plus longtemps, peut-être jusqu’à la fin décembre : les derniè-res données météorologiques in-diquent que la saison des pluies esten retard.

La culture sur brûlis est une tech-nique ancienne de défrichement des forêts à des fins de fertilisationrapide, notamment en Extrême-Orient. Elle est utilisée en Indoné-sie, souvent illégalement, par des fabricants de pâte à papier ou des industries liées à la plantation de palmiers à huile – l’Indonésie est lepremier producteur mondial d’huile de palme. Les autorités in-donésiennes sont accusées depuis des lustres de ne rien faire, ou de ne pas prendre suffisamment de mesures pour empêcher ces prati-ques contribuant au développe-ment de secteurs-clés de l’écono-mie. « Pourquoi ne pas avoir décidéd’une interdiction totale de brûler la forêt ? », s’interrogeait récem-ment Eric Meijaard, professeur de l’université australienne du

Queensland, dans une tribune acerbe publiée par le quotidien an-glophone Jakarta Globe.

Le gouvernement indonésien abeau affirmer qu’il fait tout son possible pour circonscrire les in-cendies, les résultats obtenus sont maigres. Les habitants de certai-nes zones affectées sont obligés d’aller eux-mêmes combattre les feux, n’en pouvant plus de suffo-quer dans les brouillards qui enva-hissent leurs villes et villages.

Orangs-outangs en danger

Une trentaine d’avions déversant de l’eau sur les forêts en flammes ont été déployés, tandis qu’envi-ron 22 000 soldats ont été en-voyés dans les régions les plus di-rectement touchées. Le dernierbilan fait état de 19 morts et de 1,7 million d’hectares de forêts in-cendiés. En septembre, le gouver-nement indonésien a suppriméles licences d’un fournisseur de bois et de plusieurs planteurs de

palmier à huile à Sumatra.La quantité d’oxyde de carbone

relâchée depuis les forêts enflam-mées est colossale. Le World Res-sources Institute (WRI) a estimé qu’en septembre, les incendies ontprovoqué, parfois au quotidien, l’émission dans l’atmosphère de plus de gaz à effets de serre que ne le produit dans le même temps l’ensemble de l’activité économi-que des Etats-Unis…

Le rapport du WRI précise que, leplus souvent, c’est l’incendie des tourbières de la forêt qui « a un im-pact très significatif en termes d’émission de gaz à effet de serre : laquantité de carbone contenue dansces tourbières est l’une des plus éle-vées au monde ».

Les dernières victimes des incen-dies sont une espèce menacée : les orangs-outangs de Bornéo sont af-famés et traumatisés par la des-truction d’une grande partie de leur habitat. p

bruno philip

Dans le nord de Beyrouth, les ordures s’accumulent dans une décharge sauvage. PATRICK BAZ/AFP

« Nous voyons

nos enfants être

malades avec

une fréquence

inédite »

EVA ZAATARI

« Mamans en colère en action »

A Beyrouth, le cauchemar des ordures continueTrois mois après le début de la crise, les banlieues de la capitale libanaise croulent sous les déchets

50 km

Beyrouth

ISRAËL

SYRIE

LIBAN

Mer

Méditerranée Tripoli

Baabda

Gouvernorat

du Mont-Liban

LES CHIFFRES

3 000 TONNESde déchets

C’est la production journa-lière de Beyrouth et du Mont-Liban, soit 290 municipalités. Jusqu’en juillet, ces ordures étaient acheminées à la décharge de Naamé (à 20 km au sud de la capitale).

150 KMde trajetC’est la distance que devront parcourir les éboueurs pour transporter les déchets du Grand Beyrouth jusqu’à la dé-charge de Srar, dans le nord du Liban, selon le nouveau plan gouvernemental. Une autre décharge est prévue dans l’est du pays, mais son emplacement n’est toujours pas déterminé. Elle sera éga-lement éloignée.

solution. En témoigne le volume des déchets de la capitale collectéspar Sukleen, mais entassés sur un terrain à deux pas du port : des di-zaines de milliers de tonnes, se-lon des experts, stockées et non traitées. Le plan est aussi com-battu par la société civile, qui demande d’autres options que lerecours à de nouvelles décharges.

Le texte prévoit d’introduire, aufil des mois, le recyclage ; à charge pour les municipalités de l’organi-ser. « Mais rien n’est fait pour l’en-courager. Les dernières semaines ont été explicites : le gouverne-ment, au lieu d’aider les banlieues de Beyrouth à trier, a laissé à cha-cune le soin de rafistoler la situa-tion, souvent au détriment de la nature », soutient Raja Noujaim, coordinateur de la coalition civile contre le plan du gouvernement, qui parle de « complot » pour maintenir une gestion privatiséedes déchets. Même si la feuille de route finit par être appliquée, rienn’est dit de ce qu’il adviendra desordures jetées dans la nature de-puis juillet. p

laure stephan

En septembre,

la quantité de gaz

à effet de serre

émise par

les feux serait

supérieure à

celle de l’activité

économique

des Etats-Unis

8 | france JEUDI 29 OCTOBRE 2015

0123

Le Pen nationalise le débat des régionalesLa tête de liste du FN en Nord-Pas-de-Calais-Picardie a choisi de retarder la présentation de son projet

lille - envoyés spéciaux,

Cette fois­ci, il n’y a pas eude lettres adressées auConseil supérieur del’audiovisuel, pas de

communiqués dénonçant une « mascarade », pas d’annulation de dernière minute. Mardi 27 oc-tobre, les trois principaux candi-dats aux élections régionales en Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Xa-vier Bertrand (Les Républicains),Pierre de Saintignon (Parti socia-liste) et Marine Le Pen (Front na-tional) se sont bien retrouvés à Lille, comme prévu, dans les lo-caux de la télévision locale Weo. Organisateurs de ce débat, i-Télé, Europe 1 et La Voix du Nordavaient prévu quelques pâtisse-ries pour détendre les équipes decandidats réparties dans trois es-paces de la rédaction bien éloi-gnés les uns des autres. Mais l’am-biance n’était pas vraiment à la décontraction. La présidente du FN jouit d’excellents sondages et la campagne est nerveuse. Le pre-mier débat fut à son image : âpre, truffé d’interjections, de hausse-ments d’épaules et de regardscourroucés, mais aussi d’opposi-tions sur les principales thémati-ques de la région.

« Patriotisme économique »

Sur la question des réfugiés et de la « jungle » de Calais, Marine Le Pen a préconisé de couper les sub-ventions aux associations qui « mettent en place les conditions d’incitation à venir s’installer », ac-cusant ses débatteurs d’être les« coorganisateurs de la submer-sion migratoire ». « Le nombre [de migrants] a été multiplié par deux en trois semaines », a-t-elle lancé devant M. Bertrand qui a, lui, ap-pelé à faire venir l’armée en ren-fort des forces de l’ordre, pour « sécuriser les lieux ». « Nous de-vons faire appel à la part d’huma-nité qui est en chacun », a rétorquéle candidat socialiste. Mais c’estl’emploi, enjeu crucial dans cette future région de 6 millions d’ha-bitants où le chômage atteint 12,5 %, qui a le mieux révélé les dif-férences de stratégie.

Mardi soir, quand Mme Le Pen adéclaré qu’elle mettrait en placeun « patriotisme économique », sans préciser les modalités exac-tes de cette préférence nationale àl’échelle de la collectivité, M. Ber-trand et M. de Saintignon se sontengouffrés dans la brèche. L’un pour vanter son idée de « procheemploi », un pôle emploi régionalqui mettrait 551 chefs d’entrepriseen lien avec les chômeurs. L’autre pour expliquer sa volonté de créer20 000 emplois « DJ » pour « di-rect jeunes ». « Marine Le Pen est lacandidate de la dénonciation, de la

peur et de la colère. Jamais ellen’avance quelque chose de con-cret », a accusé M. Bertrand.

Pour faire barrage à la prési-dente du FN, ses deux principaux adversaires ont adopté la mêmeligne : mettre l’accent sur les thé-matiques régionales pour révéler, selon eux, le manque d’idéesd’une Mme Le Pen trop occupéepar ses ambitions présidentielles. Les proches de M. Bertrand ensont convaincus : si elle a refusé

de participer à « Des paroles et desactes », sur France 2, le 22 octobre, c’est qu’elle n’avait pas assez pré-paré les questions liées à l’enjeurégional. M. de Saintignon a ainsi été le premier à détailler son pro-gramme dans un document de67 pages, lundi. Mais le vice-prési-dent du conseil régional de Nord-Pas-de-Calais est officiellementcandidat depuis le 8 septembre… 2014. Depuis, il a avalé les kilomè-tres à travers la future grande ré-gion et a enchaîné les déplace-ments dans les entreprises, les as-sociations, les sections socialistes.

Candidat depuis le 18 juin

A 67 ans, il a perdu 18 kg en cinqmois. Et son équipe veut absolu-ment empêcher que le contextenational ne parasite cette coursede fond. Matignon aurait ainsiproposé que M. Valls vienne enmeeting. Pour l’instant, les socia-listes nordistes ont décliné laproposition. « Lui n’est ni candi-dat à la primaire ni prétendant à la présidentielle. C’est sa diffé-rence », souligne Christophe Lan-toine, directeur de campagne deM. de Saintignon. M. Bertranddevrait aussi annoncer une liste

de propositions détaillées d’icipeu. Candidat depuis le 18 juin, ledéputé de l’Aisne multiplie les annonces de proximité lors deréunions militantes au coursdesquelles il s’oppose au parcd’éoliennes de Berck (Pas-de-Ca-lais) ou milite pour le développe-ment de l’aéroport de Lesquindans la métropole lilloise.

Face à ses adversaires qui ar-pentent le terrain, Mme Le Pen adécidé de jouer la montre. Alors que M. Bertrand fait trois réu-nions par jour depuis septembre,elle n’en a tenu qu’une dizaine etne semble pas pressée d’accélé-rer le rythme. Après avoir lancésa campagne le 21 septembre, ellene révélera son projetqu’« autour du 14 novembre », àtrois semaines du premier tour,une semaine après avoir donné le nom de ses têtes de liste dépar-tementale.

Ce retard est d’abord dû au faitque la présidente du FN a dû gé-rer, ces derniers mois, le conflitqui l’a opposée à son père. Elle aégalement toujours cru qu’un sprint serait plus efficace. Portéepar les sondages, elle estimen’avoir aucun intérêt à prendre

des risques, ce qui explique le faitqu’elle ait déjà refusé plusieurs débats sur les antennes régiona-les de France 3. « Elle juge elle-même son propre timing, surtout pas en fonction des autres. Peut-être qu’eux ont tout simplement un déficit de notoriété à rattra-per », commente SébastienChenu, directeur de la communi-cation du FN pour cette élection.

M. Bertrand a choisi undeuxième angle d’attaque : celui de mettre en scène son affronte-ment avec la présidente du FN.Mardi soir, il est celui qui l’a le plus fermement attaquée.« Saint-Quentin [Aisne], ce n’est pas Saint-Cloud [Hauts-de-Seine,lieu d’habitation de Mme Le Pen]

et je n’aime pas votre mépris declasse », a-t-il déclaré avant del’accuser d’avoir « fait les poches »de son père « pour lui prendre lemagot ». Le député de l’Aisne apeu apprécié que sa rivale vienneavec « ses gros bras et des camé-ras » parader dans sa ville deSaint-Quentin lors d’un récent déplacement. Dans une région où l’entre-deux tours sera cru-cial, il doit instiller dans l’esprit des électeurs qu’il est le seul ad-versaire capable de faire barrage au FN. Il sait aussi que sa campa-gne est observée de très près parl’équipe dirigeante de son parti,notamment par Nicolas Sarkozy. L’ancien président de la Républi-que joue gros lors de ces électionsrégionales. Voir l’un de ses an-ciens ministres laisser le FN con-quérir une collectivité écorneraitl’image de rempart face à l’ex-trême droite qu’il rêve d’imposerdepuis son retour. « Cette électionva surtout démontrer si une cam-pagne peut encore inverser leschoses ou si l’opinion est figée »,analyse Gérald Darmanin, con-seiller de M. Bertrand. p

matthieu goar

et laurie moniez

Pierre de Saintignon, Marine Le Pen et Xavier Bertrand lors du débat télévisé, mardi 27 octobre, à Lille. OLIVIER TOURON/DIVERGENCE

C’est l’emploi,

enjeu crucial

dans cette future

région, qui a

le mieux révélé

les différences

de stratégie

a moins de six semaines du premier tour des élections régionales des 6 et 13 dé-cembre, la question de l’entre-deux tours continue à agiter la majorité socialiste. Alorsque les sondages favorables au FN se succè-dent, notamment en Nord-Pas-de-Calais-Pi-cardie et en Provence-Alpes-Côte-d’Azur,Manuel Valls a évoqué implicitement la possibilité d’un front républicain pour faire barrage au FN. « Il est hors de question de laisser le Front national gagner une région. Tout devra être fait pour l’empêcher. Je vous donne rendez-vous le soir du premier tour », a déclaré le premier ministre, invité du Bondy Blog, mardi 27 octobre.

Mais M. Valls a également affirmé qu’il al-lait s’engager dans la campagne car, « avant le second tour, il y a un premier tour ». Pas question, donc, de donner dès à présent unequelconque consigne ou de déterminer

quelle sera l’attitude du PS dans le cadre de triangulaires au second tour des élections régionales si le Front national peut l’empor-ter. « La première des choses à faire, c’est de faire campagne, rappelle l’entourage du pre-mier ministre. On ne peut pas s’arrêter à unephotographie sondagière. »

Mais l’expression « tout devra être fait »employée par M. Valls fait ressurgir l’hypo-thèse que les listes PS pourraient se retirer sielles arrivaient en troisième position et que le FN est en passe de l’emporter. Depuis quelques jours, les dirigeants socialistesavaient pourtant fermement écarté ce scé-nario. « Cela fait des mois qu’on est dans une tentative de disqualification du Parti socia-liste », avait ainsi protesté Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du parti, lundi 26 octobre sur i-Télé. Mercredi 28 oc-tobre, ce dernier a pourtant lui aussi infléchi

son discours. « Je n’exclus rien, mais ma pen-sée première est pour gagner le premier tour », a-t-il déclaré sur Europe 1. Un bureau national extraordinaire du Parti socialiste doit se tenir le soir du premier tour et M. Cambadélis a indiqué que les décisions seraient prises à ce moment-là.

Du côté du parti Les Républicains, les res-ponsables écartent l’idée d’un retrait d’une de leur liste arrivée en troisième position. Mais ils ne préfèrent pas non plus se pro-noncer pour une possible fusion des listes avec le PS, ce qui donnerait des arguments àMarine Le Pen, toujours prompte à dénon-cer un soi-disant « système UMPS ». « Quoi que fasse le Parti socialiste, ce n’est pas notre problème (…) En aucun cas nos candidats ne prendront langue avec le PS », a ainsi expli-qué le porte-parole LR, Sébastien Huyghe. p

m.gr et patrick roger

Pour Valls, « tout doit être fait pour empêcher » une victoire du FN

M. Bertrand fait

trois réunions

par jour depuis

septembre,

Mme Le Pen

n’en a tenu

qu’une dizaine

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0123JEUDI 29 OCTOBRE 2015 france | 9

Le gouvernement pourrait renoncer à réformer la DGFLe projet de réforme de la dotation globale de fonctionnement suscite la méfiance de nombreux élus locaux

Voilà une réforme aussiattendue que redoutée,sur laquelle tous lesgouvernements suc-

cessifs se sont cassé les dents de-puis quinze ans. Tout le monde, dedroite à gauche, en convient : la dotation globale de fonctionne-ment (DGF), qui, pour un montantde plus de 36 milliards d’euros, constitue le premier concours fi-nancier de l’Etat aux collectivités territoriales, est devenue au fil desans un maquis affreusement complexe et source d’injustices.

Tout le monde s’accorde sur lanécessité de la réformer, mais ré-former ce qui est compliqué n’est pas simple. Le gouvernement, qui a inséré dans le projet de loi de fi-nances pour 2016 un volet portantréforme de la DGF du bloc com-munal (communes et intercom-munalités), après un long travail préalable réalisé par la députée Christine Pires Beaune (PS, Puy-de-Dôme) et le sénateur Jean Ger-main (PS, Indre-et-Loire), est en train d’en faire l’expérience. A tel point que des hésitations se font jour sur le maintien ou non de ce volet dans le budget actuellement en cours de discussion à l’Assem-blée nationale.

« Le travail continue »

C’est le premier ministre, Manuel Valls, qui va devoir trancher. Une première réunion a eu lieu mer-credi 21 octobre à Matignon, avec les ministres concernés – MaryliseLebranchu (décentralisation), Christian Eckert (budget), André Vallini (réforme territoriale) – et une vingtaine de parlementaires spécialistes du sujet. Y a été établiela liste des nombreux problèmes àrégler. La deuxième réunion, mardi 27 octobre, s’est mal passée. Le projet présenté par le gouverne-ment fait l’objet d’un tir de barragedes élus, qui laisse craindre desmouvements de contestation et des débats difficiles au Parlement.

« Les réactions des élus et des par-lementaires sont totalement nom-brilistes. Qu’il y ait des éléments à corriger c’est certain, mais on a bâtiquelque chose qui a du sens. Main-tenant, si on veut renoncer… », laisse en suspens un des ministreschargés du dossier, lassé des ater-

moiements au sein de la majorité. « Aucune décision n’est prise, as-sure l’entourage du premier mi-nistre. Les critères de la nouvelle DGF sont toujours en débat. Le tra-vail continue entre les députés et le gouvernement. »

Le président du groupe socia-liste de l’Assemblée nationale,Bruno Le Roux, tente de calmer le jeu et devait faire le point, mer-credi matin, avec les députés et lesministres intéressés. « Pour l’ins-tant, il n’y a pas de volonté de reti-rer la réforme mais des problèmes à régler, estime-t-il. Il faut voir sur quoi on achoppe. Soit on arrive àtout régler et la réforme sera main-tenue dans son intégralité, soit ilreste des points durs et on peut en-visager une application en deux temps. Mais tous ceux qui étaient àla réunion mardi disent qu’il ne faut pas en rester là. »

Sous réserve d’anonymat, unautre poids lourd de la majorité préconise deux solutions : « Soit on reporte la réforme à l’après-2017, soit on la fait maintenant mais en changeant les critères et enne la faisant pas à euros constants.Sinon, ceux qui vont gagner vont râler car ils trouveront que ce n’estpas assez et ceux qui vont perdre vont râler aussi, surtout ceux qui subiront une double baisse, avec la baisse des dotations. »

Didier Guillaume, président dugroupe socialiste du Sénat et élu d’une circonscription rurale dans la Drôme, a fait part à l’exécutif, enprivé, de ses craintes sur la ré-forme telle qu’elle se présente en l’état. S’il est d’accord sur la néces-sité de réformer un dispositif de-venu « illisible », il plaide pour que le critère de centralité soit moins

fort : selon lui, avec le nouveau sys-tème, les grandes villes tête de pont d’agglomération seront beaucoup aidées et les plus petitesvilles y perdront.

Pour la plupart des élus, cepen-dant, ce qui prédomine est l’appré-hension, faute de simulations pré-cises. « Les simulations qu’on nous a fournies sont illisibles », déploreGilles Carrez, président (LR) de la commission des finances de l’As-semblée. L’audition, jeudi 22 octo-bre, du directeur général des col-lectivités locales, Bruno Delsol, n’apas rassuré les députés. Dans un langage très technocratique, il a tenté d’expliquer les principes de la « dotation forfaitaire », de la « do-tation de ruralité » et de la « dota-tion de centralité » qui serviront debase au calcul de la nouvelle DGF.

Les députés, eux, attendaientdes réponses plus concrètes à leurs questions. Combien de com-munes seront éligibles à l’un ou l’autre de ces critères ou aux deux ? Quelle est la ventilation parstrate de population ? Qui y ga-gne ? Qui y perd ? Quelle sera l’évo-lution sur plusieurs années et

quelle sera la dotation cible en fin de réforme ? Comment la réforme de la DGF va-t-elle s’articuler avec la constitution des nouvelles in-tercommunalités et des métropo-les issues de la nouvelle organisa-tion territoriale ?

« Je voudrais avoir une vision,nous ne l’avons pas », s’est exclaméPatrick Ollier, député (LR) des Hauts-de-Seine et maire de Rueil-Malmaison. « Qui veut-on privilé-gier et est-ce que ça remplit l’objec-tif ? Réduit-on les écarts à l’intérieurd’une strate ? On n’en a aucune idée. On ne peut même pas se pro-noncer sur les simulations », a dé-ploré Valérie Rabault, rapporteure générale (PS) du budget.

« Ce qui est frappant, note M. Car-rez, c’est que 33 302 communes [sur36 744] vont être soit à 105 % soit à

95 % » de leur dotation de l’année précédente. Le principe de la ré-forme est en effet qu’elle soit éta-lée dans le temps et que la varia-tion annuelle n’excède pas 5 %. Se-lon le président de la commission des finances, 27 424 communes connaîtraient ainsi une évolution annuelle de + 5 % et 5 878 de - 5 %.Ce sont les communes autour de 10 000 habitants qui seraient les principales perdantes. « Bien sûr, celles à qui l’injustice profitait trou-vent que c’est injuste, note M. Val-lini. Que certains souhaitent que nous renoncions, c’est évident.Mais on avance et je continue àcroire qu’on va la faire, cette ré-forme. En tout cas, moi, je ne re-nonce pas. » p

hélène bekmezian

et patrick roger

Les fonctionnaires territoriaux s’inquiètentLa nouvelle carte des régions pourrait obliger de nombreux agents publics à déménager

limoges - envoyé spécial

F audra-t-il changer deposte ? S’expatrier dans unautre département ? Com-

ment fonctionnera le service s’il est réparti sur trois sites séparés par des dizaines de kilomètres ? A Limoges, les fonctionnaires em-ployés dans les administrations de l’Etat redoutent que leurs con-ditions de travail se dégradent. La ville où ils exercent leurs mis-sions a perdu son statut de chef-lieu régional au profit de Bor-deaux, désormais capitale d’unvaste ensemble mariant l’Aqui-taine, le Limousin et Poitou-Cha-rentes (ALPC). Un redécoupage des frontières qui bouscule l’orga-nisation des services publics. Etengendre un profond méconten-tement parmi ceux qui les font tourner. « On avance dans le brouillard », se plaint un représen-tant de l’UNSA.

La feuille de route a été tracée, le31 juillet, par Manuel Valls. Tirantparti de la loi du 16 janvier qui re-dessine le contour des régions, le premier ministre a présenté lesgrands axes d’une nouvelle ré-forme de « l’administration terri-toriale de l’Etat ». Dans le cas de Li-moges, les conséquences sont

loin d’être anodines. La communene conserve qu’un seul siège de direction régionale (DR) : celle de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf), alors que Bor-deaux en accueille quatre et Poi-tiers n’en garde qu’un.

Nouvelles tâches

Toutefois, les directions régiona-les qui retirent leur poste de com-mandement d’une ville y main-tiennent des troupes. Matignon l’a voulu pour limiter les « mobili-tés géographiques » et éviter desdéménagements forcés. Théori-quement, la plupart des fonction-naires d’Etat basés à Limogespourront donc y rester. Mais une partie se verra confier de nouvel-les tâches. Lesquelles ? Difficile à dire, à ce stade. De nouveaux or-ganigrammes sont en cours de définition ; leur contenu sera ar-rêté prochainement pour une mise en place étalée jusqu’à fin 2018. « L’inquiétude est grande car nous manquons de visibilité et ignorons si nous pourrons conser-ver nos missions, témoigne une fonctionnaire de la Dreal. C’estune remise en cause personnelle qui nous est imposée. J’aurais aimécontinuer sur le poste que j’oc-cupe. »

A l’heure actuelle, le nombred’agents publics limougeaudssusceptibles de changer de métiern’est pas connu avec précision.Des ordres de grandeur circulent :certains syndicalistes parlentd’une centaine de « mobilitésfonctionnelles », à terme ; d’autrespensent que 20 % à 25 % des effec-tifs seraient concernés – sachantque, à Limoges, environ un millierde personnes sont employées par les directions régionales, l’Insee, le rectorat, le secrétariat général pour les affaires régionales et l’Agence régionale de santé (ARS).

Il est trop tôt pour lancer des chif-fres, rétorque Pierre Dartout, le préfet « préfigurateur » qui orches-tre la réforme au niveau de l’ALPC. « Il ne s’agit pas de demander des choses impossibles aux agents dontle poste va évoluer, souligne-t-il. Des formations seront proposées pour leur permettre de s’adapter. »

M. Dartout assure être soucieuxde « l’équilibre » entre Bordeaux, Li-moges et Poitiers : aucune de ces trois villes « n’y perdra en emploispublics », affirme-t-il. Il met aussi en avant l’implantation à Limoges d’un centre de traitement du con-tentieux du stationnement payant. Mais ses paroles peinent à convaincre. « Cette réorganisation

est présidée par la volonté de faire des économies, considère Thierry Granet (CGT). Je ne peux pas imagi-ner que l’on restera à effectifs cons-tants. » « Entre 400 et 600 fonc-tionnaires » risquent de plier ba-gage, renchérit Emile-Roger Lom-bertie, le maire (LR) de Limoges. Un nouveau coup dur pour la mu-nicipalité, après le départ « de plus d’un millier de militaires, entre 2008 et 2010 », ajoute-t-il. « Nous voyons s’en aller une population qui paie de l’impôt, observe-t-il. Dans le même temps, les dotations de l’Etat baissent. D’où un effet de ciseau qui nous pénalise. »

Les représentants des person-nels trouvent que les transforma-tions sont menées « au pas de charge », sans concertation réelle. Prévaut aussi le sentiment que maintenant, « tout se passe à Bor-deaux », selon la formule d’un ins-pecteur du travail, qui souhaite rester anonyme : « On est absor-bés. » Car outre quatre directions régionales, la métropole girondinese voit également attribuer le siègede l’ARS et le rectorat de région. « Comment la voix des Limousins sera entendue dans ce vaste terri-toire ? », s’interroge Eric Brunie, responsable régional de la CFDT. p

bertrand bissuel

« Les simulations

qu’on nous

a fournies

sont illisibles »

GILLES CARREZ

président LR de la commission des finances

de l’Assemblée

Répartition de la DGF pour les communes et les établissements

publics de coopération intercommunale (EPCI) à partir de 2016

DOTATION GLOBALEDE

FONCTIONNEMENT(DGF)

COMMUNESET EPCI

9,60milliards d’euros

4,37milliards d’euros

32,93milliards d’euros

à répartiren 2016

2014

21,0323,10 18,96

10,75 9,6011,89

4,825,27 4,37

2015 2016

2014 2015 2016

2014 2015 2016

DOTATION DES COMMUNES

DOTATION DES EPCI

DOTATION DE BASE 75,72 EUROS/HABITANT

DOTATION DE RURALITÉ 20 EUROS/HABITANT

DOTATION DE CENTRALITÉ DE 15 À 45 EUROS/HABITANT

Répartition en fonction de la sous-densité

Répartition entre les EPCI, puis partage entre

les communes et l’EPCI en fonction du coe�icient

d’intégration fiscale (CIF) puis partage entre

les communes selon le poids démographique

DOTATION DE CENTRALITÉ DE 15 À 45 EUROS/HABITANT

DOTATION DE PÉRÉQUATION 49 EUROS/HABITANT

DOTATION D’INTÉGRATION 21 EUROS/HABITANT

Répartition selon le potentiel fiscal

par habitant, de la population et du CIF

Répartition entre les EPCI, puis partage

entre les communes et l’EPCI en fonction du CIF

Répartition en fonction du CIF et de la population

18,96milliards d’euros

DÉPARTEMENTS

RÉGIONS

ÉVOLUTION DES DOTATIONS,

en milliards d’euros

SOURCE : PROJET DE LOI DE FINANCES 2016

La réforme de la dotation globale de fonctionnement concerneuniquement les communes et les intercommunalités

« Soit on arrive

à tout régler,

soit on peut

envisager une

application en

deux temps »

BRUNO LE ROUX

président du groupe PS à l’Assemblée nationale

10 | france JEUDI 29 OCTOBRE 2015

0123

« Air cocaïne » : questions sur l’évasion des pilotes françaisLes deux hommes ont réussi à fuir la République dominicaine. Paris assure n’avoir joué aucun rôle

suite de la première page

Un hélicoptère avait parallèlementété réservé en République domini-caine au nom de l’eurodéputé Front national Aymeric Chau-prade, très investi dans le soutien aux pilotes depuis le début et pré-sent à cette période dans l’île. Maiscette réservation n’aurait servi qu’à faire diversion : les deux Fran-çais ne sont jamais montés à bord.

Les services français étaient-ilsau courant de ce projet d’évasion ? La France a-t-elle laissé faire ? C’est le point qui suscite le plus d’inter-rogations. Selon une source pro-che du dossier contactée par Le Monde, « des Dominicains et des agents de l’Etat français », com-mandos de marine et agents de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), « ont participé à cette exfiltration, sans avoir reçu defeu vert officiel de leurs États respec-tifs ». Une implication démentie par les avocats des pilotes : « Ce n’est pas la peine de fantasmer. Ce

n’est pas une équipe barbouzarde qui a été payée par l’Etat français.Ce sont des initiatives personnel-les », a indiqué Me Eric Dupond-Moretti.

Dans un communiqué diffusémardi, le ministère des affaires étrangères s’est officiellement dé-solidarisé des deux pilotes. « Nous prenons acte du retour en France denos deux compatriotes. Leur déci-sion est un acte individuel dans le-quel l’Etat n’est nullement impli-qué », a indiqué le porte-parole du quai d’Orsay. Une ligne suivie par le ministère de la défense qui, solli-cité par Le Monde, dément toute implication d’agents de la DGSE.

A l’Elysée, un proche de FrançoisHollande assure que le président, comme sa cellule diplomatique, a appris l’affaire par la presse. De-puis, l’Elysée prend soin de laisser le Quai d’Orsay en première ligne : « Nous ne sommes pas concernés. C’est une affaire judiciaire, c’est donc sous le registre de l’extraditionqu’elle doit être abordée, et pas

autrement », explique l’entourage du chef de l’État. « L’Etat français n’a rien à voir, ni de près, ni de loin avec cette évasion. Et les autorités dominicaines l’ont bien compris », explique un diplomate.

26 valises de cocaïne

En République dominicaine, la fuite de MM. Fauret et Odos a plongé les autorités dominicaines dans l’embarras. Le procureur gé-néral de la République, Francisco Dominguez Brito, a immédiate-ment annoncé que son pays allait lancer un mandat d’arrêt interna-

tional contre les deux pilotes. « Leur fuite est une preuve supplé-mentaire de leur culpabilité car per-sonne, se sachant innocent, ne tente de fuir la justice », estime le magistrat.

M. Brito a notamment rappeléque le ministère public s’était op-posé à la mise en liberté des deux pilotes, en raison des risques defuite. Mais le tribunal de Saint-Domingue lui avait donné tort, enjuin 2014, se bornant à leur inter-dire de quitter le territoire domi-nicain. À l’époque, les pilotes ve-naient de purger quinze mois de détention provisoire dans desconditions éprouvantes.

L’Alliance dominicaine contre lacorruption a, elle, sommé le mi-nistre de la défense d’expliquercomment « un commando mili-taire armé avait pu pénétrer en ter-ritoire dominicain et violer la sou-veraineté dominicaine » pour ex-filtrer les deux pilotes français.Des faits qu’elle a qualifié de « honte pour la République domi-nicaine, où il existe tellement d’or-ganismes de sécurité ».

Avec la fuite de MM. Fauret etOdos, l’inquiétude se porte aujourd’hui sur le sort de deux autres Français condamnés dans cette affaire, et toujours placés sous contrôle judiciaire en Répu-blique dominicaine. Le premier, Nicolas Pisapia, était le passager del’avion conduit par les pilotes. Le second, Alain Castany, était l’ap-porteur d’affaires. Tous avaient étéinterpellés en mars 2013, après l’in-terception par la police domini-caine, sur le tarmac de l’aéroport

de Punta Cana, d’un Falcon 50 avecà son bord 26 valises contenant 680 kilos de cocaïne. Ils clament tous leur innocence, plaidant qu’ils ne savaient pas que de la dro-gue se trouvait à bord de l’avion, etdénoncent une parodie de justice lors de leur premier procès.

« Nos services consulaires surplace continuent à les assister dans l’attente de leur procès en appel », a réagi le ministère des affaires étrangères, mardi 27 octobre. « Le départ de Bruno Odos et Pascal Fauret ne peut que polluer toute dé-marche auprès des autorités domi-nicaines », s’est agacé mardi sur Eu-rope 1, l’avocat de M. Castany, Me Karim Beylouni, qui réclame, lui, lerapatriement sanitaire de son client après un récent accident de moto. « Je ne veux surtout pas re-tourner en prison, je n’ai rien fait pour y retourner », a déclaré de son côté M. Pisapia.

En France, les deux pilotes ont,eux, rejoint leur famille. Lors du point presse organisé, mardi, dans le bureau de l’un de ses avocats, M. Fauret a déclaré avoir voulu « re-

« Leur fuite

est une preuve

supplémentaire

de leur

culpabilité »

FRANCISCO

DOMINGUEZ BRITO

procureur général de la République dominicaine

tourner dans [son] pays » pour « s’exprimer devant la justice », car il estime avoir été condamné à Saint-Domingue « pour la seule rai-son » qu’il est Français. « On est resté pour obtenir une justice qu’on n’a pas eue, une reconnaissance parle tribunal de notre innocence qu’onn’a pas eue », a affirmé de son côté Bruno Odos, sur France 2, pour jus-tifier sa fuite.

« Je me réjouis de leur libération,j’aurais fait la même chose qu’eux, et je salue le courage de l’équipe qui les a exfiltrés. Je connaissais un cer-tain nombre de détails de l’opéra-tion, mais je ne veux pas m’expri-mer pour n’impliquer personne », a pour sa part commenté Aymeric Chauprade. Le 21 octobre, le députéeuropéen avait notamment publiésur Twitter une photo de lui avec MM. Fauret et Odos, prise en réa-lité quelques jours plus tôt, pour faire croire à leur présence sur l’île.

Proche de Marine Le Pen et del’Action française, M. Chauprade a été enseignant à l’Ecole de guerre pendant dix ans et est officier de réserve dans la Marine nationale. Sa particularité : disposer à la fois d’un réseau dans les milieux de la défense, et avoir été l’un des con-seillers de l’ancien président do-minicain Leonel Fernandez. Or les deux pilotes français sont eux aussi d’anciens militaires. M. Fau-ret, ancien lieutenant de vaisseau, a quitté les rangs de l’armée en 1997, M. Odos, ancien comman-dant de la Marine, en 1990. p

jean-michel caroit

(à saint-domingue), soren

seelow et elise vincent

Les avocats Eric Dupond-Moretti et Jean Reinhart, le pilote Pascal Fauret et Philippe Heneman, président du comité de soutien aux pilotes, mardi 27 octobre, à Paris. JEAN-MARC HAEDRICH/VISUAL PRESS AGENCY

L’enquête se poursuit en France

L es deux pilotes français quiont choisi de fuir la justicedominicaine vont toutefois

avoir à répondre aux questions de la justice française. En pratique, la France « n’extrade pas » ses ressor-tissants en dehors de l’Union européenne, comme l’a rappelé le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, mercredi 28 octo-bre. Mais « il n’y aura pas d’impu-nité », indique-t-on à l’Elysée. Le trafic de cocaïne pour lequel les deux pilotes ont été condamnés à vingt ans de prison, le 14 août, à Saint-Domingue, fait aussi l’objet d’investigations en France.

L’enquête française a été ouverteen mars 2013, dans la foulée de l’in-terception du Falcon 50 que les deux pilotes français s’apprê-taient à faire décoller de l’aéroportde Punta Cana avec 680 kg de co-caïne à bord. Une affaire confiée à la juridiction interrégionale spé-cialisée de Marseille, dans laquelle une dizaine de personnes sont ac-tuellement mises en examen pour importation de stupéfiants en bande organisée et association de malfaiteurs.

Dès leur retour en France, lesdeux pilotes ont fait savoir par leurs avocats qu’ils se tenaient à la disposition de la juge d’instructionChristine Saunier-Ruellan. Dans cevolet français de l’affaire dite « Air Cocaïne », on retrouve les princi-paux protagonistes du dossier do-minicain – dont les deux pilotes – mais aussi un douanier français basé dans le Var ou encore les res-ponsables d’une société de loca-tion d’avions, la Société nouvelle trans hélicoptère service (SNTHS).

Situation embarrassante

La figure centrale de l’enquête française s’appelle Franck Colin. L’homme est soupçonné d’être l’organisateur du trafic pour le compte de trafiquants espagnols. Il est le seul de tous les mis en exa-men toujours en détention provi-soire en France. La juge d’instruc-tion chargée de l’enquête travaille toutefois sur un trafic plus vaste encore que celui sur lequel s’est penchée la justice dominicaine. Ilconcerne une dizaine de vols tran-satlantiques au départ de Punta Cana ou de Quito (Equateur).

Si les pilotes français étaient con-damnés lors du leur procès en ap-pel, même en leur absence, en Ré-publique dominicaine, avant que l’enquête ne soit bouclée à Mar-seille, la situation pourrait être embarrassante pour la justice française : le droit international in-terdit de juger deux fois quelqu’unpour des faits identiques. Les pilo-tes pourraient alors échapper à des poursuites en France, sauf à identifier de nouveaux éléments àleur reprocher.

Ces investigations ont incidem-ment fait apparaître le nom de Ni-colas Sarkozy. La juge d’instruc-tion a en effet découvert que la so-ciété SNTHS avait transporté l’ex-président de la République, entre décembre 2012 et février 2013. Mais ce volet du dossier a été jugé sans lien avec le trafic de stupé-fiant et a été confié aux magistratsdu pôle financier, à Paris. Ceux-ci enquêtent sur un possible abus de bien social au préjudice de Lov Group, une société fondée par Sté-phane Courbit, ami de M. Sarkozy, à qui les vols ont été facturés. p

e. v.

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ASTÉRIX

0123JEUDI 29 OCTOBRE 2015 france | 11

L’ opération tient à la fois del’offensive éclair et ducoup de poker. Mardi

27 octobre, à l’issue de onze séan-ces de négociation menées enmoins de cinq semaines, la direc-tion de l’Assistance publique-Hô­pitaux de Paris (AP­HP) a signéavec la CFDT, le troisième syndicatdu groupe hospitalier, un accordréformant l’organisation du temps de travail des 75 000 sala­riés non­médecins du navire ami­ral de l’hôpital public en France.« Les discussions se sont accéléréesdans la dernière ligne droite, comme si les autorités de tutelle exigeaient la signature rapide d’unaccord », explique­t­on à la CFDT.

En signant avec la seule organi-sation ayant accepté en septembrede rompre le front syndical pour s’asseoir à la table des négocia-tions, Martin Hirsch, le directeur général de l’AP-HP, fait le pari quel’USAP-CGT et SUD Santé, les deux organisations majoritaires, n’arri-veront désormais plus à mobilisersuffisamment contre le texte.

A l’appui de cette analyse, deschiffres de mobilisation en cons-tante baisse depuis six mois. De34 % le 21 mai, le taux de grévistes dans les 38 hôpitaux du groupe n’était plus que de 8,8 % le 17 sep­tembre, lors de la cinquième jour­née de protestation.

« Il n’y a ni vainqueur ni vaincu,mais une réforme substantielle, équilibrée et évolutive », assure au

Monde Martin Hirsch. Face aux ac­cusations de « passage en force », ledirecteur général de l’AP­HP ré­pond qu’il a, au contraire, fait le choix de ne pas « imposer de façonunilatérale des choix maximalistes au plus fort du conflit ». « Je n’ai pasl’impression d’avoir trahi les infir-mières et les aides-soignantes », dit­il. C’est pour ne pas avoir à sup-primer « environ 4 000 emplois » sur cinq ans qu’il avait souhaité enmai « revisiter les modalités » de l’accord conclu en 2002 sur les 35 heures.

« Les agents ne sont pas lésés »

Concrètement, à partir du 1er jan-vier 2016, « sous réserve du calen-drier des procédures internes », lespersonnels paramédicaux et ad-ministratifs de l’AP-HP perdrontentre deux à six jours de RTT par an, ainsi que des journées de re-pos extralégales. Les 11 869agents travaillant aujourd’hui 7 heures et 50 minutes par jourdevront passer à 7 heures 36 à partir de septembre 2016. La jour-née de 7 heures 36 (soit 18 jours deRTT) est maintenue. La journée de 7 h 30 (soit 15 jours de RTT) serala règle pour les nouveaux em-bauchés et sera possible « sur unebase volontaire » pour les agents en poste, qui pourront en contre-partie soit toucher un « forfait an-nuel de 18 heures supplémentai-res », soit réduire le nombre deweek-ends travaillés.

Enfin, les deux à quatre jour-nées annuelles de repos dites« forfaits protocole » sont suppri-mées, tout comme la journée decongé accordée pour la fête des mères ou au titre de l’ancienneté. Le principe de « l’équipe de jour­née », fortement contesté par l’in­tersyndicale, sera généralisé au plus tard le 1er septembre 2016, mettant fin aux équipes fixes dumatin et de l’après­midi et per­mettant une plus grande flexibi­lité dans les plannings.

« Avec cet accord, on a fait mieuxque limiter la casse », se félicite Ab­del Abdoun, membre de la com­mission exécutive de la CFDT de l’AP­HP. « Aujourd’hui, les agents peuvent être soulagés, ils ne sont pas lésés », estime­t­il. Le respon­sable syndical revendique notam­ment le maintien des 30 minutes de repas dans le temps de travailde l’ensemble des personnels,alors que la direction de l’AP­HP

avait fortement envisagé leursuppression pour les personnelsadministratifs. « Cela représente 105 heures par an, soit l’équivalent de trois semaines de congés, c’est un point central sur lequel nousnous sommes battus », explique M. Abdoun.

Pétition

A la CGT Santé, majoritaire àl’AP-HP, on dénonce un passage en force de la direction et on re-grette qu’aucune contrepartie en termes d’embauche ou de revalo-risation salariale n’ait été mise surla table.

« M. Hirsch n’a pas infléchi d’uniota sa ligne de conduite depuis le mois de mai, il n’a fait aucune con-cession et a atterri là où il voulait atterrir », regrette ChristophePrudhomme, de la CGT Santé, qui se dit prêt à « utiliser tous les moyens possibles, y compris juridi-ques, pour que cet accord ne s’ap-plique pas ».

« Les salariés vont faire compren-dre à M. Hirsch qu’ils ne sont pas d’accord et que la colère n’est pasretombée dans les services », pro-met Olivier Youinou, de SUD Santé. Rappelant qu’une pétition hostile aux projets de la direction a recueilli plus de 10 000 signatu-res depuis le début du mois, il pro-met que l’intersyndicale va rapi-dement appeler à de nouvellesjournées de mobilisation. p

françois béguin

« Je n’ai pas

l’impression

d’avoir trahi

les infirmières

et les aides-

soignantes »

MARTIN HIRSCH

directeur général de l’AP-HP

SÉNATCharte des langues régionales : le Sénat enterre la ratificationLe Sénat, où la droite est ma-joritaire, a rejeté, mardi 27 oc-tobre, le projet de loi constitu-tionnelle visant à permettre la ratification de la Charte euro-péenne des langues régiona-les et minoritaires, signée par la France en 1999. Défendue par le président (LR) de la commission des lois, Philippe Bas, la motion de procédure qui a entraîné le rejet du texte a été adoptée par 180 voix, es-sentiellement de droite, con-tre 155. La ratification de cette charte était l’un des engage-ments de campagne de Fran-çois Hollande. Cette réforme ne sera donc pas à l’ordre du jour du Congrès que le chef de l’Etat envisage de réunir en 2016. Les sénateurs LR avaient déposé lundi une pro-position de loi pour promou-voir les langues régionales.

POLITIQUEManuel Valls juge « scandaleux » le tutoiement des jeunes par les policiersManuel Valls a qualifié mardi 27 octobre de « scandaleux » les cas de tutoiement de jeu-nes de banlieue par les poli-ciers, tout en appelant à un meilleur respect à l’égard des forces de l’ordre dans les quartiers. Le chef du gouver-nement participait à une émission organisée par le Bondy Blog en partenariat avec RFI, France 24 et Libéra-tion. M. Valls a aussi justifié l’abandon de la promesse de François Hollande d’un récé-pissé de contrôle par la police pour lutter contre les contrô-les au faciès : « J’ai considéré

que ce n’était pas efficace et je l’assume ». – (AFP.)

FIN DE VIEUn an de prison avec sursis pour Jean MercierPoursuivi devant le tribunal correctionnel de Saint-Etienne, Jean Mercier, 87 ans, a été condamné, mardi 27 oc-tobre, à un an de prison avec sursis pour avoir aidé sa femme malade et dépressive à mourir en 2011. Le parquet avait requis une peine mini-mum de trois ans de prison avec sursis. L’avocat de M. Mercier, Me Mickaël Bou-lay, a indiqué que son client allait faire appel de cette con-damnation. L’octogénaire, qui assume son geste et ré-clame une vraie loi sur la fin de vie, souffre d’un cancer de la prostate et de la maladie de Parkinson. – (AFP.)

ÉDUCATIONBaccalauréat : les recalés conserveront leurs notes au-dessus de 10Les candidats ayant échoué au baccalauréat général et technologique pourront dé-sormais conserver leurs no-tes égales ou supérieures à 10 sur 20 lorsqu’ils repasseront l’examen, sur leur demande et dans la limite des cinq ses-sions suivantes. Ce droit est instauré par un décret paru mardi 27 octobre et qui s’ap-pliquera à compter de la ses-sion 2016. Le ministère de l’éducation nationale précise que les élèves, même s’ils conservent certaines notes, devront suivre tous les cours. En outre, le décret permet aux recalés aux baccalauréats ainsi qu’aux brevets de tech-nicien, BTS et CAP de redou-bler une fois dans leur lycée.

Le gouvernement veut empêcher les touchers pelviens sans consentementJusqu’à un tiers des touchers vaginaux et rectaux par des étudiants en médecine seraient réalisés sans l’accord du patient sous anesthésie

E ntre 20 % et 33 % des tou-chers vaginaux et rectauxréalisés sur des patients

sous anesthésie générale par des étudiants en médecine, dans le cadre de leur formation, seraienteffectués sans le consentementpréalable explicite de la personne.C’est la conclusion d’un rapport de la Conférence des doyens des facultés de médecine remis,mardi 27 octobre, à la ministre de la santé, Marisol Touraine. Ju-geant « très préoccupantes » les conclusions de cette enquête, la ministre a « condamné avec une extrême fermeté ces pratiques illé-gales et inacceptables » et an-noncé « des mesures concrètes pour y mettre un terme ».

Une enquête avait été diligentéeaprès la publication dans la presseet sur les réseaux sociaux, débutfévrier, de documents non datés suggérant que des étudiants en médecine à l’université de Lyon-Sud apprenaient à pratiquer le toucher vaginal sur des patientessous anesthésie générale, au blocopératoire. Une pétition dénon-çant « une pratique jusqu’alors niée » et synonyme de « négation des droits du patient » avait alors recueilli plus de 5 000 signatures.

« Pudibonderie »

Si les médecins de l’université de Lyon avaient démenti de telles pratiques, certains responsablesnationaux avaient justifié la né-cessité de ces méthodes. Jean Marty, alors président du Syndi-cat des gynécologues et obstétri-ciens de France (Syngof), estimait ainsi qu’il existe, à l’instar du don d’organes, un accord « implicite »du patient à de tels touchers de la part de médecins en formation.« On n’a toujours pas fait de man-

nequin ayant la qualité d’un exa-men réel », souligne-t-il. BernardHédon, le président du Collège na-tional des gynécologues et obsté-triciens, avait pour sa part assi-milé à de la « pudibonderie » cette demande de consentement.

Ces prises de position ont étécondamnées mardi par la Confé-rence des doyens, qui les a jugées « totalement contraires aux princi-pes de l’éthique » qu’elle défend. « Aucun geste, examen clinique, acte de diagnostic ou de traite-ment, ne saurait être réalisé sansl’information ou le consentementdu patient », a-t-elle fait valoir dans un communiqué.

S’appuyant sur les réponses auxquestionnaires adressés à tous lesdoyens des facultés de médecine, l’institution relève que l’accord préalable du patient est « très lar-gement majoritaire, mais pas sys-tématique comme il devraitl’être ». Ce consentement est re-cueilli dans 67 % des cas pour lesétudiants du diplôme de forma-tion générale en sciences médica-les, et dans 80 % pour les étu-diants du diplôme de formation approfondie. Quant au recours àla simulation sur des manne-quins, il se « généralise peu à peu »

« Ce que d’aucuns

banalisent

comme

une méthode

de formation

est en réalité

un viol », estime

l’association Osez

le féminisme

mais reste limité « par la multipli-cité des matériels nécessaires pour couvrir l’ensemble du champ d’ap-prentissage utile ».

« La part de touchers réaliséssans consentement préalable n’est pas aussi élevée que l’indique l’en-quête, et se situe plutôt entre 10 %et 15 % », estime Sébastien Fou-cher, le président de l’Associationnationale des étudiants en méde-cine. « Mais cela ne change rien au fait qu’il s’agit de pratiques inac-ceptables », ajoute-t-il aussitôt, ap-pelant de ses vœux une « vraie ré-forme de la formation clinique »car « le modèle d’une formation organisée sur le tas ne fait plus recette ».

L’association Osez le féminismea pour sa part estimé mardi que« ce que d’aucuns banalisentcomme une méthode de forma-tion est en réalité un viol » et a rap-pelé « la nécessité d’éradiquer les violences machistes dans le milieu médical ».

La ministre de la santé a an-noncé le lancement d’une nou-velle mission d’inspection au seindes établissements de santé « afin d’approfondir les résultats de l’en-quête ». Une instruction va égale-ment être envoyée aux directeurs des établissements de santé quiaccueillent des étudiants « pourleur rappeler leurs obligations légales, notamment en matière de droits des patients, et leur deman-der de veiller à leur complète application ».

L’apprentissage par simulationsera par ailleurs développé, avec pour objectif que l’ensemble des centres hospitaliers universitai-res (CHU) soient équipés d’un « centre de simulation en santé » d’ici à 2017. p

fr. b.

L’AP-HP signe avec la seule CFDTun accord sur le temps de travailLes syndicats majoritaires dénoncent un coup de force de Martin Hirsch

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12 | enquête JEUDI 29 OCTOBRE 2015

0123

Les « indignés » de Beyrouth

Le scandale des ordures qui agite la capitale libanaisedepuis l’été a réveillé la colère des Libanais, étouffée

depuis des années. Leur mouvement, qui dénonce l’incurieet la corruption des politiques, ne faiblit pas, malgré

sa diversité. Une marche blanche est prévue jeudi 29 octobre

laure stéphan

beyrouth - correspondance

Emigrer. Pour eux, c’est une malé­diction, un crève-cœur, un sorttrop familier. Beyrouthine de55 ans, Micheline Harb s’apprêteà voir ses deux fils quitter le Li-ban, faute de trouver de quoi vi-

vre selon leurs aspirations. Son mari, lui, tra-vaille depuis plus de vingt ans à l’étranger. Jeune étudiante, Fatima Awali dit qu’elle s’en ira aussi, « si rien ne s’améliore dans le pays ».Lynn et Jad Bejjani, couple trentenaire, son-gent parfois à retourner dans la péninsule Arabique ; ils veulent pourtant rester au pays,pour leur petit garçon. Salah Jbeily, 25 ans, a quant à lui tenté sa chance en Irak, dans une compagnie pétrolière ; l’avenir lui souriait,mais il est trop attaché au Liban où il rêve de vivre « la tête haute, et sans [se] demanderchaque matin s’[il] parviendr[a] à joindre les deux bouts ».

Alors, quand le mouvement contre l’incuriedes responsables politiques – lancé par le col-lectif Vous puez, devant l’amoncellementd’ordures dans les rues de Beyrouth – a prisde l’ampleur dans la capitale au cours de l’été,ces Libanais ont rejoint la foule des anony-mes dans les manifestations, grossissant le flot de ceux qui n’ont pas de passé de militan-tisme politique, qui ne sont pas engagés dansla société civile, mais ne veulent plus baisser les bras.

Issus de familles chrétiennes ou musulma-nes, ils se revendiquent laïcs et veulent avoir d’autres choix que l’émigration ou la frustra-tion. Ils croient au souffle de rébellion qui agite Beyrouth, malgré ses faiblesses. Le

mouvement de contestation, porté par diverscollectifs, peine à s’étendre, à planifier ou à s’unir. Hétéroclite, il combine des sensibilitéslibérales ou communistes. Les anonymesvoient dans la fronde « une lueur d’espoir que peut-être, enfin, les choses commencent à bou-ger au Liban ». C’est ce que veut croire Lynn Bejjani, jeune mère de 32 ans.

LA « SUISSE DU PROCHE-ORIENT »

Pour qu’éclate la colère étouffée depuis des années, nourrie par les dysfonctionnementsdu pays imputés à des leaders corrompus etirresponsables, il aura fallu le scandale des déchets, dans Beyrouth et ses banlieues,après la fermeture fin juillet de la décharge desservant la ville. Les ordures sont aujourd’hui jetées sur un terrain aux portesde la capitale ; dans les banlieues, elles for-ment des murets le long de nombreuses rou-tes. La crise des poubelles, énième plaie im-posée aux Libanais, a étalé au grand jour lesdifficultés sociales de ce petit pays à deux vi-tesses, plus souvent raconté à travers ses dé-chirements politiques, ses éruptions de vio-lence ou, image plus flatteuse, son ivresse de vivre.

Dans ce pays que l’élite aimait à présenternaguère comme la « Suisse du Proche-Orient », les chiffres sont sans appel : près de30 % des Libanais vivent sous le seuil de pau-vreté, plus d’un jeune sur cinq est au chô-mage et la privatisation à outrance, de l’édu-cation à la santé en passant par le système de retraite, creuse les inégalités. Face à ces maux,face à l’eau et à l’électricité rationnées – un hé-ritage, en partie, de la guerre (1975-1990) –, ilfaut compter sur la débrouille. « Il n’y a plus d’eau au robinet, l’électricité est coupée ? On commande une citerne, on s’abonne à un gé-

nérateur – à condition d’en avoir les moyens. Mais, pour les déchets dans les rues, jetés dansles vallées, en bord de mer, au péril de notre santé, il n’y a pas de plan B. C’est pour ça que les gens expriment leur ras-le-bol, explique Sa-lah Jbeily. Parce qu’ils en ont assez d’être gou-vernés par des voyous qui ne planifient rien. »

Le Liban de galère, des doubles factures, dela vie chère, de la culture de la wasta (piston) et de la corruption, ces indignés y sont tous confrontés, sans distinction de milieu. Mi-cheline Harb est aisée, mais elle voit, dans lesmaisons de retraite où elle est visiteuse, « des vieux qui ont travaillé toute leur vie, qui n’ontpas de retraite, et qui sont seuls, dont les en-fants vivent à l’étranger ». Des amis âgés,moins fortunés qu’elle, ont à peine les moyens de se soigner. Rien n’est fait, déplore cette quinquagénaire, pour endiguer la mi-sère ou l’inflation. « Un système politique pa-rallèle s’est institutionnalisé depuis la recons-truction, fait de passe-droits, de lois taillées surmesure, d’opacité, dit-elle. Les principaux diri-geants se sont enrichis en pillant les ressourcesde l’Etat. Les Libanais sont exsangues. Depuislongtemps, j’espérais une révolte. »

D’un milieu plus modeste, fille de boucher,Fatima Awali, 20 ans, est fière d’avoir été rete-nue à l’université libanaise publique où lesplaces sont disputées, loin des coûts exorbi-tants des facultés privées, et où elle obtiendra« un diplôme reconnu, car il ne sera pas acheté ». Lors de récentes démarches, Lynn Bejjani s’est vu inviter par l’administration àarrondir la somme à payer. Salah Jbeily, qui travaille pour soutenir ses parents et ses sœurs, et pour payer ses études d’audiovi-suel, doute de pouvoir se faire embaucher à latélévision sans wasta – il n’en a pas. « Pourtout, même pour entrer dans l’armée, il fautune wasta », constate, écœuré, ce jeune homme de Ras Al-Nabaa, un quartier proche du centre-ville de Beyrouth, où classes popu-laires et moyennes se côtoient et où les divi-sions politiques ont plusieurs fois tourné à laviolence en 2008.

« LE LIBAN N’EST PAS VOTRE ÉPICERIE »Au cœur de la capitale, non loin du Parlementet du siège du gouvernement dont les accès sont barricadés, sur les palissades des chan-tiers immobiliers qui rétrécissent la place desMartyrs, lieu emblématique des révoltes liba-naises, les graffitis en arabe ou en anglais di-sent l’ampleur du ressentiment, bien au-delà de la crise des ordures. En vrac, des invectivesà l’adresse de la classe dirigeante : « Le Libann’est pas votre épicerie » ; « Vous êtes des chiensde guerre » (référence aux ex-chefs de milice qui ont troqué leurs armes contre des habitsd’élu). Des injonctions aussi : « A bas le sys-tème confessionnel », « Liberté ! ».

« Le système confessionnel, cela veut dire lesquotas, les places attribuées sur la base com-munautaire dans le secteur public », déploreLynn Bejjani. Son père, bien qu’il ait brillam-ment réussi des concours, s’est ainsi vu privé

d’une carrière diplomatique. « Ce régime gé-nère des injustices absurdes, se désole-t-elle. Autour de moi, j’ai si souvent entendu des ré-cits d’échec sans raison, de mérite bafoué et cette idée qu’on était impuissants. Notre ré-volte, c’est un refus du renoncement. » Lynn vi-vait jusqu’à l’été « dans une bulle » pour ne pasêtre amère, son mari, Jad, « dans une colèresourde ». Ils n’ont jamais voté, refusant de« choisir entre des ex-miliciens et des dynastiesfamiliales ». Elle est enseignante, lui ingé-nieur, ils se savent « privilégiés ». « Mais, si c’est dur pour nous, que dire pour ceux qui sontmoins bien lotis ? » Aux manifestations, ils emmènent leur fils, Zeyd, 2 ans et demi, et partent tôt pour éviter des échauffourées. Le petit garçon demande pourquoi les gens« sont fâchés », ses parents lui parlent des poubelles brûlées sous leurs fenêtres à AinSaadée, près de Beyrouth, des coupures d’électricité, quand il prend son bain ou sesrepas. Zeyd scande désormais, de sa petite voix, « Thawra ! » (« révolution »).

Pour rallier le mouvement civil, il faut bra-ver le fatalisme des autres. L’usure de « pa-rents déprimés », dit Fatima Awali, l’étudiante en conception graphique. Les mises en garde « d’oncles et de cousins, militants politiques, qui répètent que nos actes ne servent à rien,qu’ils risquent de déstabiliser le pays et que lacorruption, chez eux, ça n’existe pas. Mais ellegangrène toutes les formations ». Fatima, qui porte le voile, pense que c’est le moment oujamais de se mobiliser pour arracher des ré-formes. Elle est devenue volontaire au seindu collectif Vous puez. Elle a fait le tour des immeubles près du domicile familial à Choueifat, en banlieue de Beyrouth, pourconvaincre ses voisins de descendre dans la rue. A soutenu les grévistes de la faim qui, pendant quinze jours, ont campé dans le cen-tre-ville de la capitale, en septembre. A pris ses repères dans ce quartier, jadis lieu popu-laire, devenu un temple du luxe sans âme.

Les grévistes de la faim réclamaient la dé-mission du ministre de l’environnement faceau désastre des déchets, ils ne l’ont pas obte-nue ; Salah Jbeily était l’un d’eux, il garde deces jours de privation un souvenir vif, celui d’« un moment où ce qui comptait, c’était l’en-vie d’un Liban neuf, uni ». Salah s’est aussi mo-bilisé jour après jour, avec d’autres, devant le tribunal militaire, pour réclamer la libérationde jeunes arrêtés après une manifestation, le 8 octobre. Après que les forces de sécurité eurent tenté de disperser la foule à coups de gaz lacrymogène et de canons à eau, des francs-tireurs ont répondu en lançant despierres. Une trentaine de personnes ont été interpellées, pour divers motifs ; accusées parexemple d’avoir voulu forcer le passage vers la place du Parlement, interdite d’accès auxprotestataires. Les derniers d’entre eux ont été relâchés le 19 octobre.

« LA FIN DE L’IMPUNITÉ »De quoi rêvent-ils aujourd’hui, tous ces indi-gnés ? D’un Liban propre d’abord – plus detrois mois après le début de la crise des ordu-res, aucune solution n’a été mise en œuvre, malgré les annonces des autorités. Mais aussi« de laïcité, d’une nouvelle classe politique », espère Lynn, l’enseignante. « De la fin des ten-sions communautaires, manipulées par les politiciens », dit Salah. Micheline Harb aspireune bouffée de cigarette, dans sa maison se-condaire de Kornet El-Hamra, un village quisurplombe la Méditerranée. Elle, veut « la finde l’impunité. La fin de la loi du plus fort ».

Ils s’entendent qualifier d’« utopistes », de« démagogues », parce qu’ils fustigent l’en-semble des responsables politiques. Ils se moquent des thèses du complot qui circulentpour tenter d’expliquer leur action. On leurrépète que la mobilisation s’est déjà essouf-flée, que les manifestations géantes d’août sont derrière eux ? Ils rétorquent que le mou-vement civil tient bon, que leurs efforts en-grangent de petites victoires – le gouverne-ment n’a-t-il pas soumis aux meneurs sondernier plan de sortie de crise ? –, que les lea-ders libanais ont abandonné leur habituellesuffisance lors de leurs apparitions publi-ques, à défaut de répondre aux attentes po-pulaires.

Afin de maintenir l’élan et de tenter de ral-lier ceux qui ne descendent pas dans la rue, les initiateurs de la révolte s’attellent désor-mais à élaborer un discours fédérateur. Mi-cheline, convaincue, déclare : « Les politiciens se battront jusqu’au bout pour ne rien céder. Sinotre mouvement échoue, le Liban retombera dans une longue attente. » Tout est dans le slo-gan de ces indignés de Beyrouth : « Mousta-mirroun » (« on continue »). Et s’il fallait ap-porter une preuve supplémentaire de cette détermination, face à la crise des poubelles qui s’aggrave, le collectif Vous puez appelle àune marche blanche, jeudi 29 octobre, dans les rues de Beyrouth. p

SERGIO AQUINDO

« CE RÉGIME GÉNÈREDES INJUSTICES

ABSURDES.NOTRE RÉVOLTE, C’EST UN REFUS

DU RENONCEMENT »LYNN BEJJANI

jeune mère de famille

0123JEUDI 29 OCTOBRE 2015 débats | 13

par noël mamère

D oit­on se taire quand une catastrophe humaine,avec des pertes irréparables, vient de se produire ?Le drame de Puisseguin n’est pas une fatalité, con­

trairement à ce que l’on veut nous faire croire chaque fois que survient une tragédie. C’est le hasard, la faute d’unchauffeur ou à pas de chance, mais jamais en raison de déci-sions ou de précautions qui n’auraient pas été prises ou malappliquées, jamais non plus en raison de politiques publi-ques décidées d’en haut. Il est plus facile pour certains de crier à la « récupération politique » ou à « l’indécence ».

Mais qui est indécent ? Ceux qui n’ont pas voulu se pen-cher sur ces routes départementales, tout en investissant dans des lignes à grande vitesse (LGV) non rentables, inuti-les et coûteuses, qui suppriment des terres agricoles ? Qui est indécent ? Ceux qui libéralisent le transport, tout en con-tinuant à abandonner les lignes SNCF de proximité, laissantles régions les financer ou les fermer ?

Qui est indécent ? Ceux qui suppriment l’écotaxe sur lescamions tout en cassant le fret SNCF, qui refusent de pro-mouvoir l’intermodalité pour laisser des bombes sur roues traverser la France de part en part sur des routes secondai-res mal entretenues ? Qui est indécent ? Ceux qui versent des larmes de crocodile sur les tombes de ces retraités mortspour rien ou ceux qui cherchent à comprendre pour qu’un désastre ne recommence pas ?

Ce bal des hypocrites est ignoble. Je connais bien cetteroute que j’ai souvent sillonnée à bicyclette ou en voiture.Combien de fois me suis-je arrêté devant cette magnifiqueéglise romane de Petit­Palais ? J’ai vécu toute ma jeunesse à Libourne. La mort atroce de ces hommes et de ces femmes qui connaissaient ma famille est pour moi un déchirement et je ne laisserai dire à personne que j’instrumentalise la douleur de villages du Libournais frappés par la détresse.

Au contraire, la noblesse et la responsabilité de l’hommepolitique, c’est de parler au moment où il peut être entendu.Comme nous l’avions dit au moment de la Faute-sur-Mer, où des délinquants en col blanc avaient délivré des permis de construire dans des zones qu’ils savaient inondables. Comme nous le disons depuis quarante ans pour le nucléaire, jusqu’à ce que se produise un Tchernobyl ou un Fukushima dans notre pays à cause de la folie des docteurs Fo-lamour d’EDF qui veulent maintenant construire 30 à 40 EPR en France ? Comme nous l’avons répétédès le début du scandale de l’amiante qui a fait100 000 morts. Et comme nous l’avons dit il y a tout juste unan après la mort de Rémi Fraisse, décédé pour avoir simple-ment répondu présent pour sauver la biodiversité d’un es-pace menacé par l’alliance de la bêtise entre des notables lo-caux et la FNSEA, le tout couvert par les plus hauts responsa-bles de l’Etat appelant à la répression des zadistes.

MÊMES CONSÉQUENCES ET MÊMES INCONSÉQUENTS

L’indécence, c’est cette société de la démesure qui ne se sou-cie plus de protéger les plus faibles, qui pourchasse les lan-ceurs d’alerte et dénonce les empêcheurs de penser en rond,préférant des alliances contre nature avec de puissants lob-bies qui font aujourd’hui la loi. Une fois de plus, une fois de trop, la mort de ces 43 innocents débouchera sur le vide. Comme les morts de Beaune en 1982, de l’autoroute A6 en 2003, de la RN 10 en 2004, de l’Isère en 2007…

Autant d’accidents qui ne sont pas le fait du destin, maisqui doivent nous interroger sur les choix politiques en ma-tière d’infrastructures et de politiques de transport. Ne pas le faire, c’est choisir l’indécence et l’irresponsabilité.

Je n’ai jamais dit que la loi Macron du 8 août 2015 était lacause des morts de Puisseguin. Une telle déclaration n’aurait pas été indécente mais obscène. Mais comme lenote justement Gérard Filoche, membre du bureau nationaldu Parti socialiste, un des rares à m’avoir soutenu, « elle alerte forcément, car depuis six semaines, date de l’applica-tion de la loi, 250 000 passagers ont été transportés en auto-cars contre 110 000 pour toute l’année 2014 ». Ces milliers de nouveaux autocars remplacent 40 % des trains. C’est donc lechoix du tout-routier qui a été fait contre le rail et le fret.

Une fois que les projecteurs des médias se seront braquéssur d’autres événements, d’autres catastrophes, le deuil des morts de Puisseguin se fera dans le silence et l’oubli. Et on continuera la même politique avec les mêmes conséquen-ces et les mêmes inconséquents. Comme dans la chansonde Guy Béart, « ceux qui disent la vérité seront exécutés » par la vindicte des incapables et des lâches. Moi, je ne me tairai pas. Dussé-je en supporter toutes les conséquences. p

Changez de stratégie en Syrie, M. Obama

par najati tayara

M onsieur le Président Obama,je vous adresse une lettreouverte, et je reste accroché à

ce peu d’espoir comme on s’accroche, denos jours, pour vivre sur cette planète malgré tous les maux qui nous as-saillent. Et c’est moi, Najati Tayara, ci-toyen syrien, ou plutôt projet de citoyenen mal d’achèvement, qui décide devous l’adresser.

Nous avons, dans le passé, ressenti vo-tre victoire à l’élection présidentiellecomme un tournant dans l’histoire de votre grand pays, marquant le progrès de l’égalité citoyenne et la maturité de ladémocratie américaine, et nous y avons perçu la future préférence donnée dansvotre politique étrangère à des solutionspacifiques et diplomatiques plutôt qu’aux interventions militaires systé-matiques. A cet égard, vos décisions devous retirer d’Irak et de fermer la prisonde Guantanamo se voulaient une illus-tration de cette nouvelle politique, tran-chant avec l’ancienne politique de l’Amé-rique impérialiste et égoïste, source del’hostilité que beaucoup de peuples, en particulier dans notre région, ressententenvers les Etats-Unis. Nous nous souve-nons tous de vos discours prononcésaprès votre élection, à l’occasion de vosvoyages dans le monde, qui ont joué unrôle décisif dans ce changementd’image. Mais, depuis, permettez-moifranchement de vous dire que votre poli-tique extérieure dessine une image as-sombrie des Etats-Unis chez nos peuplesarabes. Notamment en ce qui concerneles événements tragiques qui secouentnotre pays, la Syrie.

DROIT DE LÉGITIME DÉFENSE

Vous savez que la révolution dans notrepays voulait le changement et la ré-forme. Elle est restée pacifique pendant ses six premiers mois et, de ce fait, a bé-néficié de la sympathie populaire et del’appui international le plus large. Maisquand elle a été forcée de prendre les ar-mes pour user du droit de légitime dé-fense du peuple face aux massacres sansprécédent perpétrés par le régime, votreadministration a pratiqué un embargosur les armes, et a fait pression pour blo-quer l’armement en provenance de vosalliés régionaux.

Le comble fut votre reculade sur les li-gnes rouges que vous aviez vous-même

tracées à l’intention du dictateur en lui interdisant de faire usage des armes chi-miques contre son peuple. Il passa outreet bombarda aux gaz, le 21 août 2013, la Ghouta de Damas, tuant 1 500 person-nes, dont la majorité était des civils, fem-mes et enfants. En ce jour, vous avez dé-cidé, avec la plupart des dirigeants du monde occidental, de punir ce régimecriminel dont nombre de ses officiers je-tèrent l’uniforme pour préparer leurfuite. Votre reculade, ensuite, créa la sur-prise et entraîna sur la même voie lesautres dirigeants occidentaux. Vous avezaccepté une transaction avec le régimede Damas, dont Vladimir Poutine, l’ami et l’associé du dictateur, était l’intermé-diaire. En quelques mois, le criminel était de nouveau libre pour perpétrer sesmassacres à coups de barils de poudre,de missiles et d’artillerie. Vous avez, ence jour, effacé vos lignes rouges et offertde votre pays l’image d’une Amériquepeu soucieuse de ses valeurs.

ÉTATS VOYOUS

Je vous l’assure, Monsieur le Président, ni moi ni les autres démocrates syriensne voulions vraiment la guerre et nous croyions sincèrement qu’une pression forte sur ce régime, qui avait pratique-ment commencé à déguerpir avant quela Russie ne prenne, à la dernière heure,l’initiative de le sauver, suffirait. Votrereculade a permis aux Etats voyous et à leurs nouvelles dictatures de type reli-gieux comme en Iran, mafieux commeen Russie, ou sectaire comme en Syrie, de martyriser leurs peuples et d’interve-nir par la force dans les affaires des autres.

L’Iran avait ainsi débuté son interven-tion en Syrie à partir de 2011 aux côtésdes forces armées de Bachar Al-Assad età travers son bras armé, le dénommé Hezbollah, ou « Parti de Dieu », puis avecses conseillers et officiers, et enfin sesgardiens de la révolution. Cette interven-tion iranienne franche et massive aux côtés de la dictature syrienne a provoquéla destruction de plus de la moitié de laSyrie, pendant que le monde occidental,dont vous êtes le principal dirigeant, né-gociait sur le nucléaire iranien pour un dénouement que vous avez voulu pacifi-que. L’Iran négociait la paix avec vous,d’une main, et, de l’autre, elle violait lapaix et les droits de notre peuple en Sy-rie, au vu et au su du monde entier.

Aujourd’hui même, la Russie occupenotre pays, avec la bénédiction del’Eglise russe, comme si on voulait nous ramener aux croisades et aux guerres dereligion. Les bombardements russes vi-sent dans leur quasi-totalité des civils etles positions de l’opposition syriennemodérée, épargnant les extrémistes et, en particulier, Daech. Ainsi l’occupation russe, par ses frappes militaires et mal-gré ses justifications maladroites, vise ànettoyer les zones situées entre Daech etles troupes du régime, de façon à parta-ger la Syrie en deux, nouvelle preuve, s’ilen était besoin, que l’intervention russecherche principalement à soutenir la

dictature de Bachar Al-Assad et non à combattre le terrorisme.

Monsieur le Président, en toute fran-chise, les Etats voyous et les dictatures ont retrouvé de la vigueur dans les faillesde votre stratégie de paix et dans votretendance à renoncer à l’usage de la forcepour résoudre les conflits. Ils se placentau point névralgique au Moyen-Orient,imposant leur propre conception de la légitimité et des accords internationaux,et se moquant de la mort de centaines demilliers d’êtres humains et de l’expul-sion de leurs villes détruites de plusieursmillions de personnes devenues dessans-abri, puis des réfugiés. Naturelle-ment, la Russie et l’Iran ne vont pas en rester là. Ils continueront, tant que vouspratiquerez une politique de désengage-ment, et joueront des rôles analogues àcelui qu’ils ont joué en Syrie, comme en Ukraine.

Par conséquent, les Etats-Unis s’expo-sent à perdre leur leadership dans lemonde, au point que les déclarations desresponsables finiront par avoir aussi peude poids que les déclarations des person-nes neutres ou des journalistes. Certes, d’aucuns pourront dire que, par cette po-litique, l’Amérique laisse la Russie et l’Iran s’embourber au Moyen-Orient,pour faire émerger le véritable allié is-raélien de Washington comme forceprincipale de la région.

Tout cela n’implique pas que l’on vousdemande de recourir à la force pour ré-soudre la question syrienne. Je pense que le reste des Syriens, et surtout les dé-mocrates, partagent mes positions. Et jemaintiens qu’une attitude ferme et sé-rieuse de votre gouvernement et desgouvernements occidentaux sera de na-ture à stopper l’intervention russe etcelle de l’Iran, afin d’ouvrir la voie à l’ir-remplaçable solution politique pour l’avenir de la Syrie. Une solution quicommencerait par appliquer les disposi-tions de la « déclaration de Genève » [ac-cord, à Genève, sur les principes d’unetransition en Syrie, juin 2012]. S’il est vraique la guerre est la continuation de lapolitique par d’autres moyens, la politi-que est aussi une forme de guerre à la-quelle vous pourriez recourir si vous êtes toujours désireux de donner de vo-tre pays une bonne et nouvelle image, comme nous l’avions senti dans votre discours à l’université du Caire, qui a ré-veillé, chez beaucoup d’entre nous, con-fiance et espoir. p

Drame de Puisseguin :qui est indécent ?Le choix du tout routier l’a emporté surle rail et nous expose à d’autres tragédies. L’indécence ne consiste pas à rappeler cette évidence, elle est dans la démesure et la faiblesse des pouvoirs face aux lobbies

¶Noël Mamère est député et maire (EELV) de Bègles (Gironde).Au cours d’un entretien accordé à i-Télé, le 23 octobre, Noël Mamère a déclaré : « Je pense qu’il manque aussi sur le terrain une personne et un ministre dans cette tra-gédie, c’est M. Macron, qui a décidé de libéraliser le transport par autocar. On peut libéraliser le transport par autocar (…) à condition que l’on améliore la situation de nos routes. Et vous savez très bien qu’à force de mener des politiques qui visent à multiplier les autoroutes et les grands projets, on a petit à petit abandonné l’entre-tien et la qualité de ces routes secondaires. » Ces propos ont suscité de vives criti-ques, notamment de la part du sénateur socialiste Luc Carvounas, qui a parlé de « polémiques politiciennes indécentes » et du président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, qui a fustigé des « propos absurdes » et a réclamé des excuses.

Fidèle aux espoirs suscités par son discours du Caire,le président américain doit adresser aux Russes etaux Iraniens un message de fermeté et en finir avec les reculades qui ne profitent qu’au dictateur de Damas

Vivre tue | par serguei

¶Najati Tayara est écrivain et militant des droits de l’homme. Originaire d’Homs (Syrie), il s’est réfugié en France en 2012

UNE FOIS DE PLUS, UNE FOIS DE TROP,

LA MORT DE CES 43 INNOCENTS DÉBOUCHERA SUR LE VIDE

LES ÉTATS-UNIS S’EXPOSENT

À PERDRELEUR LEADERSHIPDANS LE MONDE

14 | éclairages JEUDI 29 OCTOBRE 2015

0123

LES INDÉGIVRABLES PAR GORCE

ANALYSEclarisse fabre

Service Culture

Debout ! Quelques semaines avantles élections régionales des 6 et13 décembre et dix­huit moisavant la prochaine présidentielle,

en 2017, le réveil a sonné, mardi 20 octobre, à12 h 16 exactement, lorsque le site Libération. fr a publié « L’Appel de Calais ». Lancé par un groupe de cinéastes, ce texte signé par 800 ar-tistes et personnalités – de Jeanne Moreau àEric Cantona, en passant par Edgar Morin etJudith Butler – demande « solennellement » augouvernement un « plan d’urgence » pour sor-tir la « jungle » des migrants, à Calais (Pas-de-Calais), de « l’indignité ».

Mais ce texte n’interpelle pas seulementl’Elysée ou Matignon : il entend cogner auxportes de toutes les maisons du pays. Car lesinitiateurs de « L’Appel » sont têtus : ces ques-tions de politique migratoire et d’intégrationsont cruciales pour des auteurs comme Lau-rent Cantet, Catherine Corsini, Ariane Dou-blet, Romain Goupil, Nicolas Philibert, Chris-tophe Ruggia, Céline Sciamma, pour n’en ci-ter que quelques-uns. Ces enjeux nourris-sent aussi leurs œuvres, du documentaireEntre les murs, de Cantet, Palme d’or du Festi-val de Cannes en 2008, à Bande de filles, de Sciamma, l’un des événements cannoisen 2014 (Quinzaine des réalisateurs).

Moins connu du grand public, mais devenu

une référence, citons aussi Les Arrivants(2008), documentaire de Patrice Chagnard etClaudine Bories.

Que nous disent les « 800 » ? Deux choses.D’une part, dans un contexte de mondialisa-tion, il ne suffira pas de fermer les frontières ou d’héberger – temporairement – les mi­grants ailleurs que dans le camp de fortune deCalais pour estimer que le travail est fini et le problème réglé. D’autre part, il faut occuper leterrain et ne plus laisser l’espace médiatiqueaux seuls propos antimigrants tenus par l’ex­trême droite, une partie de la droite et quel-ques intellectuels en vue.

TROIS ANS QU‘ILS SE RETIENNENT

Les « 800 » entendent se compter. Et éviter ungros écueil : il ne s’agit pas d’ignorer la France qui souffre, mais bien de rassembler tout le monde. Combien sommes-nous, demande encreux le texte ? Voici les chiffres : 15 700 signa-taires, mercredi 21 octobre, 21 800, jeudi 22, 27 000, dimanche 25 au matin, 30 600, lundi 26 au soir… C’est la preuve que « L’Ap-pel » n’est pas qu’une pétition d’artistes : il sediffuse et infuse dans la société. Il faut être le plus nombreux possible, a insisté Pascale Ferran, invitée de France Culture, vendredi23 octobre. Au point de départ de la mobilisa-tion, il y a aussi ce dilemme, a souligné la réa-lisatrice de Lady Chatterley (2007) et de Bird People (2014) : si, en 2017, le Front national est au pouvoir, où va-t-on habiter ? Faut-il fuir, ourésister ? Réponse, on a moins de deux ans pour se battre, a ajouté Mme Ferran.

« L’Appel de Calais » est le début de quelquechose. Une mécanique est enclenchée. « On ne lâchera pas », martèlent les cinéastes. Quatre d’entre eux ont fait le déplacement à Calais, le 19 octobre. Cela leur a donné des idées : un re-lais d’artistes va se mettre en place auprès des Saoudiens, des Tchadiens, des Erythréens, des Syriens, des Irakiens…, qui survivent dans la « jungle » : chacun utilisera son moyen d’ex­pression (film, chant, danse…) pour témoigner.Le tout sera posté sur les réseaux sociaux, afin que personne ne puisse l’ignorer : voilà ce qui se passe en France. C’est comme se voir dans un miroir : le sort réservé aux migrants, c’est un peu nous. Nous qui acceptons cela.

Car le texte n’a pas été écrit sous le coup del’émotion. C’est plutôt le coup de poing long-temps suspendu, qui vient de s’abattre sur la table. Trois ans que les artistes se retiennent –enfin pas tous. Après son élection, en mai 2012, François Hollande a vite enterré l’idée du « récépissé », qui visait à lutter contrele contrôle au faciès ; puis il a renoncé à la pro-messe du droit de vote des étrangers aux élec-tions locales – inscrite dans le programme du Parti socialiste depuis 1981.

Avec la droite, les artistes sont plus directs.En 1996, Emmanuelle Béart et Ariane Mnou-chkine occupaient l’église Saint-Bernard, à Pa-ris, en soutien aux sans-papiers, lorsque Jean-Louis Debré était ministre de l’intérieur. En 1997, des artistes démarraient une grève dela faim en soutien à Jacqueline Deltombe, qui avait hébergé un homme en situation irrégu-lière et tombait sous le coup de la loi Debré du

24 avril 1997. Et, c’est en 2010, sous le mandatde Nicolas Sarkozy, que des cinéastes signentun court­métrage collectif – On bosse ici !, on vit ici !, on reste ici ! – pour dénoncer ces gran­des marques qui emploient de la main­d’œuvre clandestine. Les entreprises n’ont pas supporté de voir leur logo accolé à une telle situation, et sont allées plaider la ré-gularisation… à l’Elysée, qui l’a accordée à quelque 6 000 personnes.

Certes, en 2014, donc sous la gauche, les mê-mes réalisateurs se sont mobilisés – avec suc-cès – auprès des coiffeurs sans papiers du 57,boulevard de Strasbourg, à Paris. Et ils n’ontpas attendu la photo du petit Aylan, mortéchoué sur une plage en Turquie, en septem-bre, pour agir. Une première pétition avait étésignée en juin – publiée dans Télérama – ensoutien aux réfugiés de « La Chapelle en lutte », à Paris.

Aujourd’hui, c’est l’image du pays, du moinssa réputation de terre d’accueil, qui est en jeu.La France a perdu son identité, non pas natio-nale, mais hospitalière, nous dit le texte. L’hôte de l’Elysée – le « Résident de la Républi-que », chantait Alain Bashung, en 2008 – va-t-il réagir ? C’est tout le défi de « L’Appel de Ca-lais » : il faudra bien plus de 30 000 signaturespour amener François Hollande à infléchir sa politique. On le sait bien : c’est lorsque le « ré-veil » fait trop de bruit, dérange et finit par in-supporter que l’on se résout à faire un gestefort pour l’éteindre. p

[email protected]

LES « 800 »DE « L’APPELDE CALAIS », PUBLIÉ SUR

LIBÉRATION.FR, VEULENT COGNER

AUX PORTESDE TOUTES LES

MAISONS DU PAYS

A Calais et ailleurs, les artistes entendent réveiller les politiques

LETTRE DE ROME | par philippe ridet

Le pont sur le détroit de Messine sauvé des eaux ?

A lui seul, il vaut tous les indicateursde l’Institut national de la statisti-que (Istat). Il signale le retour de lacroissance, donc de la confiance,

donc de la capacité du pays à se projeter dans l’avenir, à rêver en grand. Il disparaît de la pro-grammation quand l’Italie souffre, il réappa-raît quand elle se sent forte. Bref, il est au mo-ral de la Péninsule ce que la grenouille est auxmétéorologues, du moins selon la légende. Dequoi parle-t-on ? Du pont censé enjamber, un jour, le mince (3,3 kilomètres) détroit de Mes­sine (en italien le « stretto ») et d’arrimer la Si­cile au continent. Souvent projeté, autant defois enterré, le projet refait surface.

Déjà, le 23 septembre 1950, notre lointain pré-décesseur à Rome, Jean d’Hospital, écrivait dans les colonnes du Monde qu’un ingénieur américain, David B. Steinman, spécialiste en ouvrages d’art, avait été engagé par l’associa-tion des constructeurs italiens pour élaborer un projet. « S’il soulève de grandes difficultés surle plan technique, il réclame des sacrifices énor-mes sur le plan financier », analysait notre con-frère avec une prudence de bon aloi dans ce quireste le premier papier publié dans le quoti­dien du soir à propos de ce défi technologique.

Et encore Le Monde n’existait-il pas encoreau XIXe siècle lorsque les premiers projets se

firent jour pour mieux symboliser l’unité toute neuve de l’Italie. Tout ce que la Pénin­sule compte de politiques visionnaires et d’in­génieurs de haut rang a tenté d’affronter lesproblématiques technologiques d’une telle réalisation (forts courants, vents violents etrisques sismiques).

Pendant la seconde guerre mondiale, Mus­solini, qui voyait grand, se sert, lui aussi, de l’argument pour galvaniser les Italiens qu’il va précipiter dans le désastre : « Après la vic-toire, leur lance­t­il, nous jetterons un pont surle détroit. »

MALÉDICTIONEn 1945, la paix revient et le pont avec elle. Hu­miliée par la guerre et le fascisme, l’Italie se re­lève, les prémices du boom économique des années 1960 dopent le moral des Transalpins.On peut recommencer à rêver. Le projet de l’ingénieur Steinman est adopté et budgété.En 1955, un consortium d’entreprises, parmi lesquelles Fiat, Italcementi et Pirelli, est cons-titué pour le financer. Déjà, dans les alentoursde Messine et en Calabre, des cartes postales sont mises en vente. « Le vrai pont », peut-on lire en légende d’un montage photographi-que un peu rudimentaire. C’est à ce jour laseule trace visible du Ponte sullo stretto.

Au cours des années suivantes, le projetsera maintes fois modifié mais toujours ins-crit au programme de tous les gouverne-ments. En 1992, l’Etat s’engage officiellementau côté des promoteurs du projet. Quelque300 millions d’euros ont déjà été dépensésen études préparatoires.

Le pont est présenté, par la droite commepar la gauche, comme une réponse aux pro-blèmes de sous­développement du sud del’Italie en général et de la Sicile en particulier.Réponse d’autant plus facile qu’elle est loin­taine. La complexité des travaux, les difficul­tés de financement et les délais prévus pour leur réalisation mettent à l’abri les défen-seurs du projet de devoir un jour rendre descomptes.

Mais c’est à Silvio Berlusconi, trois fois pré-sident du conseil, que l’on doit l’usage le pluspolitique de ce projet démesuré. Il a cons-truit une ville nouvelle (Milano 2), bâti un empire de communication (Mediaset), cons-truit un parti en quelques jours (Forza Italia) ;que sont pour un homme de cette trempequelques kilomètres de bitume au­dessus des flots ? A chaque fois que sa popularitésouffre, que le doute s’installe sur sa capacitéà réformer le pays, il ressort le pont des ti-roirs, comme un prestidigitateur le ferait

d’un lapin d’un chapeau haut de forme. Ilajoute même un nouvel argument en faveurde l’édification de l’ouvrage : « Si un hommede Messine est amoureux d’une femme de Ca-labre, il pourra aller la voir même à 4 heuresdu matin, sans devoir attendre le bac qui faitla navette. » Malédiction : la crise financière de 2008 le contraindra à renoncer à venir ausecours de l’amant de Messine.

Fin de l’histoire ? Avec beaucoup d’immo-destie, nous avions même pensé, en octo-bre 2013, avoir mis un point final à cette saga.Un peu fanfaron, nous écrivions : « Nouspourrions bien être le dernier correspondant àRome à traiter du sujet de la construction du pont de Messine », expliquant que « l’Assem-blée a voté un amendement, présenté par l’op-position, supprimant le financement prévu pour la réalisation de l’ouvrage. » Pas très ma­lin !

Depuis, l’Italie s’est redressée, la croissanceet revenue, entraînant à sa suite l’optimismeet le pont de Messine. Le 29 septembre, lesdéputés ont voté une motion demandant augouvernement de revoir sa position. Ce qu’ila accepté sous réserve de « l’évaluation descoûts et des bénéfices ». Ça nous apprendra ! p

[email protected]

LE PROJETDE PONT EST

AU MORALDE LA PÉNINSULE

CE QUE LA GRENOUILLE

EST AUX MÉTÉOROLOGUES

Les îles du possible

PATRIMOINE DE L’HUMANITÉ, UNE COLLECTION DU « MONDE »

christophe averty

La péninsule de Malaisie, les archipelsdes Philippines et d’Indonésie, lesatolls et lagons des Fidji ou du Palau su­surrent au voyageur, comme à l’explo-

rateur, le sens induit de son départ, l’intuition imprécise de son but. Ancrées au grand large, surgies des profondeurs volcaniques ou des plissements telluriques de continents en dé-rive, les îles incarnent cette virginité que les pionniers d’un monde à l’état de nature enten-dent déflorer. Tour à tour séductrice et souve-raine, brouillant parfois les cartes, l’île, vaste ouminuscule, sait toujours tenir en respect l’im-pétueux navigateur et l’insatiable curieux.

A Sumatra, elle l’éblouit en faisant éclore laplus grande fleur du monde, la rougeoyante Rafflesia arnoldii, de plusieurs mètres d’enver­gure, fastueusement déployée comme un co­quelicot géant, plus pop qu’un Warhol. Austra­lienne, aux portes de Sydney, elle change même la couleur du paysage, grâce aux effluves

de milliers d’eucalyptus, pour créer d’irréelles montagnes Bleues. Océanienne, elle accueille et protège, parmi les 445 îlots sauvages de Chel-bacheb, près de 3 000 espèces de poissons et 400 variétés de coraux. Altière, en Nouvelle­Zélande, elle hisse au mont Cook, que les Mao­ris nomment Aoraki (« perce­nuages »), dix­sept sommets de plus de 3 000 mètres d’alti­tude. Sur ces terres entre ciel et mer, l’imagina­tion semble mise en échec tant la nature foisonne d’inventions allant jusqu’à unir le Sudau grand froid, dans les massifs alpins du West-land, au cœur du parc Te Wahipounamu.

UN RÉSUMÉ DES MONDESLointains comme le rêve, ces paradis trou-blants semblent clamer l’infini des possibles. Ils offrent à l’homme les choix de son histoire.Sur l’île philippine de Luçon se lit la conquête espagnole, au fil des rues de Vigan, restées in-tactes. Au sud malais, Portugais, Néerlandais puis Britanniques sont venus forger les cités deGeorge Town et de Melaka, aujourd’hui carre-fours chinois, malais, indien et birman.

Les Balinais, quant à eux, auront étagé leurscollines de rizières en terrasses, bravant le man­

que de plaines, tandis que leurs voisins javanaisauront hérissé la montagne sacrée de Borobu­dur de stupas ajourés pour célébrer la cosmo­gonie bouddhiste. La légende veut que leur forme sphérique rappelle la tunique de Bouddha surmontée de son bâton de pèlerin.Ses temples égrènent le monde des désirs, celuides noms, des formes tangibles et invisibles. L’île serait un au-delà ?

Dans l’Australie, d’autres témoins des grandesinterrogations humaines viennent nourrir unepoésie sans limite. Au cœur du parc national deKakadu, 5 000 pétroglyphes aborigènes figu­rent, telles des radiographies, les silhouettes stylisées et transparentes de personnages fan­tomatiques. Ils rendent visible leur propre ar­chitecture osseuse et organique ; ils mettent aujour leur âme. Plus qu’ailleurs, les îles de cette région imposent à l’homme d’être lui-même. Elles l’obligent à s’observer, à s’inventer, lui rap-pelant sans cesse et malgré lui que la nature el-le-même reste le trésor de son inspiration. p

Patrimoine de l’Humanité, volume 9 : Philippines, Malaisie, AustralieEn kiosques dès le 28 octobre, 9,99 euros

0123JEUDI 29 OCTOBRE 2015 disparitions & carnet | 15

AyerdhalEcrivain

A ses lecteurs, par l’inter­médiaire des réseauxsociaux, il n’avait riencaché de son cancer de­

puis quelques mois. L’écrivain Ayerdhal s’est éteint à Bruxelles, en Belgique, mardi 27 octobre, à l’âge de 56 ans. Il fut, avec Pierre Bordage, Serge Lehman et Jean-Marc Ligny, l’un des artisans les plus flamboyant du renouveau de la science-fiction française. En prèsde vingt-cinq ans et presque autant de livres, ce doux barbu a donné à lire des chefs-d’œuvre vi-sionnaires, tels que Demain, une oasis (Fleuve noir, 1992), Parleur oules chroniques d’un rêve enclavé (J’ai lu, 1997 ; rééd. 2009, Au Diable Vauvert, son éditeur depuis 2004, qui procède à la réédition de son œuvre) ou Etoiles mourantes (avec Jean-Claude Dunyach, J’ai lu, 1999).

Né le 26 janvier 1959, Ayerdhal,de son vrai nom Yal Soulier, a grandi dans le quartier des Min-guettes, à Vénissieux, la banlieue rouge de Lyon. Son père est l’un des plus grands collectionneurs deSF d’Europe. Il possède, par exem-ple, l’intégralité des titres parus dans la collection « Anticipation » du Fleuve noir. Ils ont aiguisé son goût pour les sciences. Car pour Ayerdhal, la science-fiction exige de la crédibilité. Un écrivain « ne peut pas se contenter de répandre des poncifs ou des approches obso-lètes pour décrire ce qu’il perçoit du monde et permettre au lecteur d’en-visager ses devenirs potentiels. Loind’être un privilège de la littérature d’anticipation, qui, par essence, se doit d’inclure les découvertes scien-tifiques et les progrès technologi-ques dans les hypothèses qu’elle met en scène », écrivait-il dans « Le Monde des livres » du 25 mai 2007.

Dystopies et space operas

Tout en exerçant mille et un mé-tiers (moniteur de ski, footballeur professionnel, éducateur, com-mercial chez L’Oréal, chef d’entre-prise), Ayerdhal a toujours écrit. A 28 ans, il se décide enfin à envoyer un manuscrit à un éditeur. La Bo-hème et l’Ivraie (Fleuve noir, 1990) met en scène un artiste qui se ré-volte contre un régime politique. Admirateur des Américains Ray Bradbury, Frank Herbert et Nor-man Spinrad, il signera par la suited’autres dystopies ainsi que des space operas. Ayerdhal se voyait un peu comme un éclaireur, répé-tant cette phrase de Sartre : « La fonction de l’écrivain est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul ne puisse s’en direinnocent. » Même ancrée sur des planètes improbables, sa fiction est éminemment réaliste et tou-jours politique. Elle exalte la rebel-

lion libertaire. Ayerdhal tenait, en effet, la science-fiction pour l’héri-tière de la philosophie et la der-nière instance où l’on délibère en-core sur l’humanité et son devenir.

Depuis Transparences (Au DiableVauvert, 2004), Ayerdhal avait mi-gré de la science-fiction au polar. Plutôt, il était parvenu à mixer les deux. Témoin, Bastards (Au Diable Vauvert, 2014), qui débute tel un policier classique avant de bascu-ler dans le surnaturel. Cependant, le romancier venait de renouer avec ses premiers amours, pré-voyant d’ajouter un cinquième tome aux aventures d’Eylia, l’hé-roïne de son cycle « Cybione », em-ployée pour des opérations suici-des puisqu’elle ressuscite chaque fois, la mémoire amputée de sa dernière vie. Il n’aura pas eu le temps de l’achever.

D’un genre à l’autre, ses préoccu-pations liées à la tolérance, à l’éco-logie et au partage des richesses sont demeurées intactes. Vingt ans après avoir reçu le Grand Prix de l’imaginaire pour Demain, une oasis, en 1993, roman futuriste où des commandos humanitaires en-lèvent un médecin à Genève puis l’abandonnent dans un village subsaharien afin qu’il exerce son métier dans des camps de réfu-giés, Ayerdhal retrouvait l’Afrique et la dénonciation du pillage de sesressources naturelles dans le th-riller Rainbow Warriors (Au Diable Vauvert, 2013). Une œuvre d’antici-pation que l’on peut lire au choix comme une fiction politique, une utopie sociale, un roman d’aven-tures ou d’espionnage en terre afri-caine, un ouvrage de vulgarisationsur les barbouzeries dont se ren-dent coupables les Etats occiden-taux afin de protéger leurs inté-rêts. L’argument ? Une armée de 5 000 LGBT originaires des cinq continents se forme pour renver-ser une dictature homophobe qui brade ses cultures et son sous-sol àdes multinationales.

Militant de la cause des auteurs,Ayerdhal avait fondé en octo-bre 2000 le collectif Le droit du Serf pour faire respecter leur droit à jouir décemment de leurs œuvres. p

macha séry

26 JANVIER 1959 Naissance à Lyon1990 Publie « La Bohèmeet l’Ivraie »1993 Reçoit le Grand Prix de l’imaginaire pour « Demain, une oasis »2014 Publie « Bastards »27 OCTOBRE 2015 Mort à Bruxelles

En 2014.PHILIPPE MATSAS/

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AU CARNET DU «MONDE»

Décès

Juliette Berger,née Chollat-Namy,son épouse,

Ariane, Clémence, Arthus (†),Paul-Eliott,

ses enfants,

Brigitte Berger,sa mère,en union avecClaude Berger (†), X 59,

Georges et Paola Chollat-Namy,ses beaux-parents,

Eric et Florence Lebail,Philippe et Beata Berger,

ses sœur et frère,beau-frère et belle-sœur,

Laure et Laurent Chollat-Namy,Matthieu Chollat-Namy,

ses beaux-frères et belle-sœur,

Marion, Rodolphe, Iris,Romain, Didier, Bruno,Eve, Lucille, Angeline,

ses neveux et nièces,

ont la tristesse de faire part du décès de

Pierre BERGER,X-Ponts 86,

président-directeur générald’Eiffage,

chevalier de la Légion d’honneur,

survenu le 23 octobre 2015,à l’âge de quarante-sept ans.

La cérémonie religieuse aura lieule jeudi 29 octobre, à 11 heures, enla basilique Sainte-Clotilde, Paris 7e.

L’inhumation se fera le samedi31 octobre, au cimetière de Saint-Cannat(Bouches-du-Rhône), dans l’intimité.

Ni leurs ni couronnes.

Des dons sont poss ib les pourles Apprentis d’Auteuil.

Jean-François Roverato,président du conseil d’administration

Et les membresdu conseil d’administration d’Eiffage,

Max Roche,directeur général

Et les membres du comité exécutif,L’ensemble des salariés du Groupe,

ont l’immense tristesse de faire partdu décès de

Pierre BERGER,président-directeur général

d’Eiffage

et s’associent à la douleurde sa famille et de ses proches.

La messe de funérailles sera célébréele jeudi 29 octobre 2015, à 11 heures,en la basilique Sainte-Clotilde, Paris 7e.

(Le Monde du 25-26 octobre.)

Lyon. Ivry-sur-Seine.Valence. Belley. Pringy.

André,son époux,

Claire et Blandine,Xavier et Isabelle,Cyrille,

ses enfants et leurs conjoints,Eloi,

son petit-ils,Mme Josette Perrot,Mme Paulette Prémillieu,Mme Janine Giraud,Mme Michèle Dallemagne,

ses sœurs,Familles parentes et alliées,

ont la grande tristesse de faire partdu décès de

Mme Suzanne BLANDIN,née FEYDEL.

La cérémonie religieuse aura lieule jeudi 29 octobre 2015, à 10 heures,en l’église Saint-Irénée, Lyon 5e, suiviede l’inhumation au cimetière de Belley(Ain), à 16 heures.

Dons pour le CCFD-Terre Solidaire.

Ferit Gündogar,son mari,

Noémie, Gabrielle et Annabelle,ses illes,

Colette Dufaÿ,sa mère,

Ahmet et Renate Gündogar,ses beaux-parents,

Jean-François et Etienne Dufaÿ,ses frères,

ont la tristesse de faire part du décès de

Bénédicte Marie-LiseGÜNDOGAR,

née DUFAŸ,architecte d’intérieur,

survenu à Paris, le 26 octobre 2015,dans sa cinquante-deuxième année.

La cérémonie religieuse aura lieule vendredi 30 octobre, dans la plus stricteintimité.

En sa mémoire et suivant les volontésde sa famille, vous pouvez faire un donà la Maison d’accueil spécialisée Paulde Magallon, 148, rue Blomet, 75015Paris, Fondation Saint-Jean de Dieu.

Lamorlaye (Oise).

Mme Aline Hallu,son épouse,

M. et Mme Christian Hallu,son frère et sa belle-sœur,

M. et Mme Roland Charvet,son beau-frère et sa belle-sœur

Ainsi que toute la famille,

ont la tristesse de faire part du décès de

M. Gilbert HALLU,survenu le 23 octobre 2015,à l’âge de soixante-dix-sept ans.

Un dernier hommage sera rendule jeudi 29 octobre, à 16 h 15, au cimetièrede Lamorlaye.

Un registre à signatures tiendra lieude condoléances.

Mme Nathalie Perilhou,son épouse,

M. Stephen Lewis,son père,

Mme Odile Deberne,sa mère,

Jennifer et Penny Lewis,ses sœurs,

La famille Perilhou,Ses amis,

ont l’immense douleur de faire partdu décès brutal, survenu à Tokyo,le 18 octobre 2015,à l’âge de quarante-cinq ans, de

M. Frédérik LEWIS.Une cérémonie civile aura lieu

au funérarium Lagrange à Pamiers(Ar iège) , le samedi 31 octobre ,à 13 heures.

Stephen Lewis,Le Cazard,42510 Sainte-Agathe-en-Donzy.

Sa ille,Sa famille,Ses amis,

ont la tristesse de faire part du décèsde

M. Jean MASTIAS,maître de conférence honoraire

en Science politiqueà la Sorbonne.

décédé le samedi 24 octobre 2015,à l’âge de soixante-seize ans.

Une cérémonie du souvenir réuniraceux qui le désirent, en l’église d’Urdos(Pyrénées-Atlantiques), le samedi31 octobre, à 15 heures.

René Dosière,4, rue Romanette,02000 Laon.

Le présidentEt les membres

du conseil d’administrationde la FAIDER,

ont la tristesse de faire part du décès,survenu le 24 octobre 2015, de

FrançoisPERRIN PELLETIER,

X-Mines 49,oficier de la Légion d’honneur,

commandeurde l’ordre national du Mérite,

président d’honneur de la FAIDER.

François Perrin Pelletier s’était consacrédepuis de nombreuses années à la défensedes épargnants, au GAIPARE puisà la FAIDER, qu’il a fondée en 2004.

Nous garderons de lui le souvenird’un homme engagé et dévoué aux causesqu’il défendait.

Toutes nos pensées vont à son épouseet à sa famille.

La messe sera célébrée ce mercredi28 octobre, à 14 h 30, en l’église Saint-Ferdinand-des-Ternes, 27, rue d’Armaillé,Paris 17e.

Lyon.

Jean-Michel Moreau,son compagnon,

Hélène Pouilloux-Chassepot,sa ille,son épouxet leurs enfants,

Pierre Jolas,son frère,son épouseet leurs enfants,

Ses amis,

ont la tristesse de faire part du décès de

Alice POUILLOUX,née JOLAS,

à l’âge de soixante-quinze ans.

La cérémonie civile aura lieu le jeudi29 octobre 2015, à 15 h 30, au crématoriumde Lyon.

« Toujours dans nos cœurs veille,douce Alice, du Pays des Merveilles. »

Blima Rochline,sa mère,

Elisabeth et Gérard Garouste,sa sœur et son beau-frère,

Olivier et Guillaume Garouste,ses neveux,

ont la tristesse de faire part du décès de

David ROCHLINE,artiste,

survenu le 25 octobre 2015.

Ses obsèques auront lieu le vendredi30 octobre, à 11 heures.

On se réunira à l’entrée principaledu c ime t i è r e du Mon tpa rnas se ,3, boulevard Edgar-Quinet, Paris 14e.

Ni leurs ni couronnes.

Une boîte à souvenir sera à votredisposit ion pour recueil l ir lettrespersonnelles ou objets de votre choix.

Celle-ci accompagnera David danssa dernière demeure.

Tania Hribar-Sciama,

Guillaume et Constance,Yves et Nicole,

ses enfants,leurs conjoints, Elise et Hervé,

Julien et Emily,Mathilde et Ulysse,Miléna, Gaël et Claire,

ses petits-enfants,Jules, Aimy et Jacob,

ses arrière-petits-enfants,

ont la profonde tristesse de faire partdu décès, le 18 octobre 2015, de

Michel SCIAMA,(1925-2015),

oficier de la Légion d’honneur,homme de Lettres et de convictions,

résistant, militantde Drancy à Ramallah...

« Celui qui ne bouge pasne sent pas ses chaînes. »

(R. Luxemburg).

[email protected]

Cyrille,son époux,

Blanche et Eliott,ses enfants,

Clotilde et Isolde,ses sœurs,

Jacqueline,sa mère,

ont la tristesse de faire part du décès de

Aude TESTON,survenu le 23 octobre 2015,à l’âge de cinquante-cinq ans.

La cérémonie religieuse sera célébréele jeudi 29 octobre, à 15 h 45, en l’égliseSaint-Louis de Garches.

Prière de venir sans fleurs ni tenuenoire à l’exception d’une rose rouge oublanche.

Michel Touret,son époux,

Marie Touret-Ségardet Gabrielle Touret,ses illes,

Olivier Ségard,son gendre,

Barthélemy, Raphaël, Elmire et Azilis,ses petits-enfants

Et sa famille,

ont la douleur d’annoncer le décès de

Michèle TOURET,née PRIGENT,

professeur éméritede Littérature française contemporaine

à l’université Rennes 2/Haute-Bretagne,

survenu à son domicile,à l’âge de soixante-douze ans.

Une cérémonie d’hommage aura lieule jeudi 29 octobre 2015, à 11 h 30,en la salle polyvalente de Montreuil-le-Gast (Ille-et-Vilaine).

Ni leurs ni couronnes.

Dons en faveur de la recherche contrele cancer.

Cet avis tient lieu de faire-part.

Anniversaire de décès

Il y a dix ans, le 29 octobre 2005,

Claude POGGInous quittait.

Que tous ceux qui l’ont connu et aiméaient une pensée pour lui.

[email protected]

Hommage

C’est avec une très grande tristesseque

Ses amis de l’Institut de physiquethéorique de Saclay,ont appris le décès de leur anciencollègue,

Marcel FROISSART,

survenu le 21 octobre 2015.Marcel Froissart était un spécialiste

de la physique des particules. Après destravaux théoriques en début de carrière quilui ont valu une grande notoriétéinternationale, il s’était peu à peu tournévers des aspects plus expérimentaux.

I l la isse à l ’ IPhT le souvenird’un chercheur extrêmement brillant,aux contributions marquantes.

L’Institut tout entier s’associe àla douleur de ses proches.

Communications diverses

Soirée exceptionnelle.

Représentation uniquelundi 2 novembre 2015, à 19 h 30,

« L’énigme Stefan Zweig »avec Francis Huster,

mise en scène de Steve Suissa.Espace Rachi - Guy de Rothschild

39, rue Broca, Paris 5e.Placement libre : 30 €.

Carré or : 60 €.

Renseignements au 01 42 17 10 11.Réservations sur www.billetreduc.com

Institut universitaire d’études juivesElie Wiesel, calendrier des cours :4 novembre 2015 « Des Maccabées à BarKokhba : l’antiquité juive » par ClaudeCohen Matlofsky (6 séances), 12 novembre« Ecriture et identité » par Anny DayanRosenman (4 séances), 16 novembre« Martin Buber : parcours de son œuvre »par Dominique Bourel (4 séances),9 novembre « Israël face à l’oppressionimpériale » par Philippe Abrahami(5 séances), 17 novembre « Musiciensjuifs de la persécution à la Libération(1933-1945) » par Philippe Olivier-Achard(4 séances), 17 novembre « Karl Kraus(1874-1936) : l’affirmation paradoxaled’une identité juive à Vienne des années1890 à 1936 » par Jacques Le Rider(5 séances), 17 novembre « De la Bible auCoran : les Rois d’Israël » par CatherinePennacchio (3 séances), 18 novembre« Identités juives, passions anti-juives »par Steven Uran (4 séances), 18 novembre« Les Juifs de Tunisie et le mondecontemporain » par Claude Nataf(5 séances), 12 novembre « Les penseursjuifs de la Libération (Antenne Val-de-Marne) par Sandrine Szwarc (4 séances),lundi 23 novembre de 19 h 30 à 21 h 30« Aujourd’hui quel sens donner autravail ? » Approche talmudique, approchecontemporaine » par le Grand RabbinGilles Bernheim, 19 novembre à 19 h 30,leçon d’ouverture du professeur José-AlainSahel « Réflexions sur l’Arbre de laConnaissance ».

Inscription à l’avance obligatoire.119, rue La Fayette,75010 Paris.Tél. : 01 53 20 52 [email protected]

16 | culture JEUDI 29 OCTOBRE 2015

0123

Opération reconquête en terre des pharaonsDes musées en chantier, les pyramides scannées par des drones… L’Egypte veut enrayer la chute du tourisme

PATRIMOINEle caire

Attiser la curiosité desvoyageurs en mettanten scène les trésors despharaons pour relan-

cer le tourisme, telle est l’opéra-tion à grande échelle conduite par Mamdouh Al-Damaty. Le ministreégyptien des antiquités présen-tait, au Caire, dimanche 25 octo-bre, le projet Scan Pyramids des-tiné à radiographier, pour « voir à travers la pierre », les quatre plus hautes pyramides d’Egypte, da-tant de quatre mille cinq cents ans.Celles de Khéops et de Khéphren, sur le plateau de Gizeh surplom-bant Le Caire, et celles de Snefrou, à Dahchour, à 40 km plus au sud.

« Comment ont-elles été construi-tes, que cachent-elles ? Y a-t-il une rampe circulaire intérieure pour l’acheminement des blocs de pierre ? Existe-t-il des chambres res-tées secrètes ? », interroge le minis-tre, archéologue lui-même. Autantde questions auxquelles les récen-tes technologies de pointe, non in-vasives – caméra infrarouge, dro-nes équipés de laser, scanner pour reconstruire en 3D les sites –, de-vraient apporter des réponses, aufil d’une exploration qui débute ennovembre pour durer jusqu’à la fin 2016. Une mission scientifique égypto-internationale, mise en place et coordonnée par l’Institut HIP (Héritage, innovation, préser-vation), association française à butnon lucratif, avec la faculté des sciences du Caire.

En multipliant les projets et lesannonces, l’Egypte veut doper le tourisme, en panne, qui repré-sente le tiers du produit national brut. Les visiteurs, qui étaient 14,8 millions en 2010, seront à peine 9 millions en 2015. Le pays souffre, les hôtels comme les sites archéologiques sont vides. Les grands chantiers des musées ima-ginés avant la révolution de 2011, sous Hosni Moubarak, sont en cours de réalisation. Et les autori-tés le font savoir.

Deux gigantesques complexesmuséaux vont en effet ouvrir au Caire, délestant d’une partie de ses collections le vieux Musée égyptien de la place Tahrir où ellessont entassées. Celui­ci sera entiè-

rement restauré, pour renaître dans l’état où il était à son inaugu-ration, en 1902. Ainsi l’a décidé sonnouveau directeur, l’égyptologue Khaled Al-Enany. Un choix perti-nent en regard des deux monstreshigh-tech en devenir. Début 2016, ouvrira, près du quartier copte, leMusée national de la civilisation égyptienne (NMEC), que Khaled Al-Enany dirige aussi. Le Grand Musée égyptien (GEM), implanté àGizeh au pied des pyramides, de-vrait être terminé en mai 2018.

« Rien d’aussi spectaculaire n’a étéentrepris depuis les années 1970-1980, et les mises en valeur, avec son et lumière, des temples de Kar-

nak et d’Abou Simbel, note Guille-mette Andreu-Lanoë, directrice honoraire du département des an­tiquités égyptiennes du Louvre. Quand la décision fut prise sous Moubarak, le tourisme était floris-sant, au point qu’il fut décidé de contenir les touristes autour de Gi-zeh. L’idée était d’éviter Le Caire, surpeuplée et pas présentable avec ses immeubles délabrés. »

A l’époque, la question du vieuxmusée avait provoqué un vif dé­bat. « Fallait-il le fermer ? Ou trans-porter ses collections ailleurs ? », se rappelle Mme Andreu­Lanoë. La construction de deux nouveaux musées fut retenue. Le vieil éta­

blissement serait conservé et res­tauré pour une mise en valeur de sa très belle collection de sculptu-res, une galerie de portraits des an-ciens empires, les trésors d’Akhe-naton et des bijoux extravagants. Les momies iraient, elles, au NMEC, et tout ce qui concerne Toutankhamon, au GEM. Aujourd’hui, il reste à finir les deux chantiers avec des finance-ments à trouver. L’argent manque.

« Les fonds européens »

Dans les faubourgs du Caire, face àla pyramide de Khéops, Tarek Sayed Tawfik, en costume cravate par 40 degrés, va droit au but : « On

Khéops,Khéphren

et Mykérinos,les pyramides

de Gizeh. PLAINPICTURE/

ROBERT HARDING

« Aujourd’hui,

seulement

un tiers des

objets liés à

Toutankhamon

sont montrés

dans le musée de

la place Tahrir »

TAREK SAYED TAWFIK

directeur du GEM

attend les fonds européens » pour boucler le budget de 1,1 milliard de dollars (quelque 900 millions d’euros), à la charge de l’Egypte, avec un don du Japon. La construc-tion du GEM, le chantier colossal qu’il dirige, est loin d’être achevée.

Les murs de béton ne sont qu’enpartie montés. L’imposante statuede grès rose de Ramsès II, jus-que-là postée devant la gare cen-trale du Caire, patiente face à la fu-ture entrée du musée. Sur une pas-serelle de bois survolant le chan-tier, M. Tawfik est intarissable. SonGEM « est plus grand que le musée de Turin. Trois à cinq mille ouvriers se relaient vingt-quatre heures sur

Touriste isolé, j’ai « loosé » à Gizehle caire

L e patron de l’Hôtel Osirisavait hoché la tête d’un airentendu : « Aah ! Gizeh… At-

tention aux chameliers ! » L’Hôtel Osiris, au douzième étage d’un immeuble du centre du Caire, au-dessus du checkpoint qui bloque la rue Noubar, où se trouve le mi-nistère de l’intérieur. Trois ascen-seurs, dont un seul fonctionne va-guement, sans porte, vitre cassée, panneau électronique défoncé, et moi en seul client.

Gizeh et ses célèbres pyramidesse trouvent à dix kilomètres. D’un côté le désert, de l’autre l’urbani-sation galopante et anarchique de la ville. Autrefois, des dizaines de milliers de touristes étaient déver-sés ici chaque jour. Mais, depuis le « printemps arabe », le vide. Et pour toute une population orga-nisée autour du site, la promessede la faillite.

On discute encore au Caire poursavoir si ces chameliers miséreux ont attaqué les rassemblements révolutionnaires de la place Ta-hrir parce qu’ils étaient manipu-lés par l’ancien pouvoir ou si la raison en fut purement économi-que, dans un système d’autopro-tection sociale.

Le patron de l’hôtel m’a conseilléde passer par la deuxième entrée

du site. « De là, vous monterez àpied. » J’ai suivi ses indications, mais le taxi hésite à me lâcher. On frappe à sa vitre de façon agressivepour lui réclamer quelques livres égyptiennes. « Là, maintenant, vous pouvez sortir », souffle-t-il. Jefonce vers l’entrée en tentant d’échapper aux bras qui m’espè-rent, mais un, plus fort, plus auto-ritaire que les autres, m’arrête : l’homme porte une djellaba et brandit un morceau de plastique qui ressemble à une carte. « Je suis un officiel. Ici c’est une sortie. Pas ledroit d’entrer. Il faut aller de l’autre côté. Suivez-moi. »

« Vous allez vous perdre »

Nous voici dans un terrain vague : une écurie, quelques carrioles, et moi, seul touriste à mille lieues à la ronde. « 140 livres pour l’atte-lage. » 16 euros, ce n’est pas la mort, mais je n’ai pratiquementrien sur moi. Y aller à pied ? « Pas possible. C’est loin. Le soleil. Vousallez vous perdre. » Il suffit pour-tant de longer le haut mur d’en-ceinte fortifié. J’insiste. « Non, ça va les gars, il est gentil, c’est unFrançais, pas un Américain », raille « l’officiel » de la petite troupe.C’est lui qui négocie et récupère l’argent. L’idée m’effleure de ce quise passerait si j’étais américain.

Pas le temps de m’appesantir.

Ayant négocié moitié prix pour uncheval, me voilà parti pour la plus ubuesque des balades, entraîné par un guide placide dans les ruel-les d’un bidonville à la Dickens, oùdes ombres fouillent les détritus à la recherche d’une survie ; où, par l’entrebâillement d’une porte, une jeune femme se tient triste-ment, un bébé dans les bras, au milieu des chevaux d’une écurie envahie de mouches…

On est loin de l’image que legouvernement cherche à donnerdu pays en vantant l’ouverture prochaine de musées pour les-quels il espère d’abord une aidede l’Europe, tentant d’effacer les menaces qui pèsent sur le pays. En juin, à Louxor, une attaque ar-mée a fait quatre blessés, et, sur lesite de Gizeh, que j’ai fini par re-joindre, la pénurie de touristes esttelle – une centaine de personnes tout au plus – que l’agressivitésourd de partout.

Le taxi salvateur qui me ramènevers le centre, vitres fermées,passe devant la statue de Ram-sès II, ensablée au sens propre de-puis dix ans sur les lieux du futur Grand Egyptian Museum. N’en dé-plaise à la bonne volonté du mi-nistre qui, depuis, met les bou-chées doubles, le chauffeur se marre : « Ah ! Gizeh… » p

laurent carpentier

Les Liaisons dangereusesChoderlos de Laclos/Christine Letailleur - 3 au 14 nov.

LesMétronautesArthur Deschamps - 3 au 7 nov.

CONCRETEMaud Le Pladec - 5 au 7 nov.

SynapseThierry Micouin - 3 au 7 nov.

Slow FuturMartin Palisse/Elsa Guérin - 10 au 14 nov.

Rien ?Benoît Gasnier - 3 au 7 nov.

CompassionMilo Rau - 7 au 9 déc.

ConstellationsÉric Lacascade - 5 au 21 nov.

Et, dans le regard, la tristesse…Marguerite Duras/Léna Paugam - 12 au 16 nov.

7 PleasuresMette Ingvartsen - 12 au 14 nov.

Revue RougeLacascade/Krief/Lescot - 12 au 14 nov.

AuroraAlessandro Sciarroni - 18 au 20 nov.

R3m3

Thomas Jolly - Jusqu’ au 21 nov.

Le Cirque PoussièreJulien Candy - 7 au 21 nov.

Pauline à la plageCollectif Colette - 12 au 14 nov.

Tenir le tempsRachid Ouramdane - 12 au 14 nov.

Aatt enen tiononBoris Charmatz - 19 au 21 nov.

Huynh/KeravecEmmanuelle Huynh et Erwan Keravec - 19 au 21 nov.

Suite n°2L’encyclopédie de la parole/Joris Lacoste - 19 au 21 nov.

Timon/TitusCollectif OS’O - 20 et 21 nov.

héâtre National de Bretagne/Rennes : 02 99 31 12 31 www.t-n-b.fr

0123JEUDI 29 OCTOBRE 2015 culture | 17

Pitchfork se pique de francophilieLa cinquième édition du festival créé par le site américain a lieu jusqu’au 31 octobre, à Paris

MUSIQUE

Comme en 2014, Pitch­fork Music Festival­Paris,dont la cinquième édi-tion est organisée, pour

l’essentiel, à la Grande Halle de La Villette, du jeudi 29 au samedi 31 octobre, affiche son succès pu-blic avant même d’ouvrir ses por-tes. « Les forfaits trois jours ont tousété vendus depuis plusieurs semai-nes comme la soirée d’ouverture, mardi 27, dans des salles du 11e ar-rondissement. Et pour la Grande Halle, les derniers billets à la soirée partent régulièrement », résume Julien Catala, directeur de Super !, agence artistique, structure de production de concerts et de festi-vals, et gérante du Trabendo.

Le coproducteur et coprogram-mateur du festival parisien, avec Ryan Schreiber et Chris Kaskie, en profite pour revoir la régulière montée en puissance de la décli-naison française du Pitchfork Music Festival organisé à Chicago par le magazine en ligne Pitch-fork.com depuis 2006. De deux jours en 2011 à quatre en 2015. D’unbudget initial de 250 000 euros à 1,5 million d’euros (sans subven-tions). Une capacité d’accueil de 5 000 spectateurs par soir au dé-but, pour arriver à 8 500 cette an-née. Avec une ligne artistique pop, rock et électro plutôt spécialisée, quelques vedettes (Thom Yorke et Laurent Garnier en tête cette an-née, Godspeed You ! Black Empe-ror, Run the Jewels, Spiritualized) et beaucoup de découvertes (Hælos, Kirin J. Callinan, Dornik, Health, Hinds, Jade Statues, Gilli-gan Moss…).

Développement stratégique

Il est vrai que le Pitchfork Music Festival-Paris avait bénéficié, dès sa première édition en 2011, de la réputation de son fondateur amé-ricain. Le magazine musical en li-gne, créé au milieu des années 1990 à Minneapolis à partir de sonblog par Ryan Schreiber, directeur de la rédaction, a la cote auprès d’un public plutôt masculin, com-posé d’étudiants et de jeunes adul-tes branchés.

Installé dans des bureaux à Chi-cago depuis 1999 et à New York, avec une équipe aujourd’hui d’unecinquantaine de permanents, Pit-chfork Media Inc. a grandi, ajou-tant à ses critiques, chroniques et essais en ligne sur la musique, unetélévision, une radio, le festival de Chicago en 2006, un à New York et un trimestriel papier depuis 2014. Et un développement stratégique en Europe, qui a commencé par la

France, en termes d’audience le cinquième pays (après les Etats-Unis, le Canada, le Royaume-Uni etl’Australie) et le premier non an-glophone.

En parallèle du festival parisien,le site a ouvert ses pages aux artis-tes et groupes français. Et pas seu­lement des lignes sur Françoise Hardy, période années 1960, Serge Gainsbourg ou Daft Punk. Récem-ment, des papiers sur Christine and the Queens, M83, Sébastien Tellier, St Germain, le nouveau Jean-Michel Jarre. Jusqu’à un long article, le 9 septembre, « Unear-thing the Future of French Pop », consacré au label La Souterraine età ses groupes et interprètes qui ontchoisi de s’exprimer en français (Fantôme, Aquaserge, La Nóvia, Camille Bénâtre, Requin chagrin, Laetitia Sadier…).

Son auteur, Anthony Mansuy,journaliste au bimensuel Society, en avait soumis l’idée à l’équipe ré-dactionnelle de Pitchfork. « Ils ont écouté la musique, ont réfléchi une

dizaine de jours. Ce qui les a moti-vés, c’était de pouvoir montrer qu’il y a une scène underground en France, pays plutôt typé pop et électro. » Le début d’une longue sé-rie ? « D’autres labels pourraient les intéresser mais, pour le moment, cen’est pas d’actualité. »

Reste que Pitchfork montre biendes signes de francophilie. « Ils viennent à une vingtaine durant quelques jours au moment du festi-val, précise Julien Catala. Notam-ment pour rencontrer des respon-sables de labels. Ils ont suivi par

exemple le travail d’Entreprise, La Souterraine, Tomboy Lab, Roch Music, Pain Surprises Records, Déli-cieuse Musique, Microclimat… » Une soirée entière consacrée à la scène française a même été envi-sagée « mais trop tardivement ». Le projet est repoussé à 2016. Durant la présente édition, seuls Laurent Garnier, Stwo et Keight en seront des représentants.

Chris Kaskie, président de Pitch-fork, précise cet intérêt pour la France. « Environ 35 % de notre audience ne vit pas en Amérique duNord, et une bonne partie dans des pays où l’anglais n’est pas la langue natale. Si nous voulons bien faire notre travail, nous devons y être at-tentifs. Le festival parisien est l’un des éléments de cette approche. » Eten ce qui concerne d’autres initia-tives de festivals dans d’autres pays européens évoquées en 2011 ? « C’est toujours d’actualité, mais cela prend du temps. »

Quant à une édition française dusite, Chris Kaskie ne confirme ni

ne dément. « Notre défi est de maintenir la ligne globale de Pitch-fork avec des adaptations, même lé-gères, à nos différents marchés. Cela peut passer par d’autres ma-nières de publier sur le site comme sur le papier. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire. »

L’annonce, mi-octobre, de l’ac-quisition de Pitchfork par le groupe de presse américain CondéNast (Vogue, Vanity Fair, The New Yorker, Glamour…) pourrait-elle ac-célérer de futurs développe-ments ? « Cela nous aidera à faire plus et plus rapidement. Toutefois, je ne pense pas que cela signifiera un passage au papier plus marqué. Juste plus de Pitchfork. » p

sylvain siclier

Pitchfork Festival, à la Grande Halle de La Villette et au Trabendo, 211, avenue Jean-Jaurès, Paris 19e. Du 29 au 31 octobre, à partir de 17 heures. 54 € par soir. Pitchforkmusicfestival.fr

Une soirée

entière consacrée

à la scène

française

a été envisagée,

« mais trop

tardivement »

vingt-quatre », assure-t-il. Le direc-teur compte sur « 5 millions de visi-teurs par an et jusqu’à 15 000 par jour ». Rien de moins.

Des 45 000 m2 d’exposition,10 000 m2 seront consacrés à Tou-tankhamon. « Aujourd’hui, seule-ment un tiers des objets sont mon-trés dans le Musée égyptien de la place Tahrir. Ici, l’ensemble completsera exposé dans son contexte pourécrire une nouvelle histoire du roi etde ses relations avec le peuple. » Letout sous un toit parasol en porte-à-faux et une verrière de 20 mè-tres ouvrant sur les pyramides.

Les immenses réserves, pour100 000 objets, et le centre de res-tauration aux laboratoires derniercri, font la fierté de M. Tawfik : « Le plus grand du monde », ose-t-il. Seséquipes sont à l’œuvre sous la con-duite de deux experts japonais du bois. Sur de longs présentoirs blancs, le mobilier de Toutankha-mon est aligné : sarcophage poly-chrome, lit en bois doré ciselé, ou encore deux momies de canards, mets pour la vie dans l’au-delà.

« Projet unique »

Le NMEC, flambant neuf, est en-core vide. Il manque 80 millions de dollars, sur les 200 millions du budget total. Reste à remplir les24 000 mètres carrés des six salles d’exposition qui diront l’histoire de l’Egypte, de l’Antiquité à nosjours. « C’est un projet unique, avec un centre culturel de trois étages, le seul en Egypte, vante son directeur Khaled Al-Enany, en faisant visiter l’amphithéâtre de 487 sièges orange encore sous des housses de plastique. Ici, il y aura tout, y compris un centre commercial pour attirer les touristes. Et moi, j’ouvre le soir », insiste l’égyptolo-gue de 40 ans, dans un français parfait. Son plus grand défi, douze réserves de 13 000 mètres carrés, dotées de 246 caméras de sur-veillance, qui permettront de met-tre à l’abri les milliers d’objets desmusées et sites provinciaux dor-mant dans des réserves moins sé-curisées. Au Caire encore, le beauMusée islamique récemment ré-nové, va rouvrir.

En Haute-Egypte, une même ef-fervescence anime les cités anti-ques. Christophe Thiers, qui dirige,avec Mohamed Abdel Aziz, le Cen-tre franco-égyptien de Karnak, res-taure le temple Ptah, dieu de la création, après avoir redonné son éclat au décor polychrome des ma-gasins du temple de Karnak. Chris-tian Leblanc, lui, est au travail surle Ramasséum, le temple funé-raire du grand Ramsès II, où il a mis au jour les vestiges d’une bou-langerie, d’une école, « la première fois que l’on retrouve une institu-tion in situ », s’emballe l’archéolo-gue qui explore sans fin les sables de la Vallée des rois. Comme il l’a appris de la grande égyptologue Christiane Desroches-Noblecourt, morte en 2011, qui a contribué, avec une détermination sans faille, à sauver les temples d’AbouSimbel. Un portrait de bronze à son effigie a été inauguré, jeudi 22 octobre, par le ministre des an-tiquités lui-même.

La veille, Mamdouh Al-Damatyavait donné son feu vert à une prospection radar, en novembre,de la tombe de Toutankhamon, ré-pondant favorablement à la de-mande de l’archéologue Nicholas Reeves qui suppose l’existence d’une chambre secrète dissimulée derrière les peintures. Celle-ci pourrait recéler, selon le Britanni-que, la momie de Néfertiti, époused’Akhenaton, lui-même père de Toutankhamon. Néfertiti serait-elle sa mère ? « Je réfute totalementcette filiation ! », s’emporte Chris-tian Leblanc. Marc Gabolde, lui, vient de consacrer 700 pages au jeune roi et démontre le contraire.Un débat qui tombe à pic pour ra-viver l’intérêt pour la terre des pharaons. p

florence evin

LITTÉRATUREDernière ligne droite pour les prix Goncourt et RenaudotL’Académie Goncourt a rendu public, mardi 27 octo-bre, au Musée du Bardo, à Tu-nis, la liste des finalistes pour le prix, qui sera décerné mardi 3 novembre. Les écrivains rete-nus sont Hédi Kaddour (Les Prépondérants, Gallimard, 464 p., 21 euros), Nathalie Azoulai (Titus n’aimait pas Bé-rénice, POL, 416 p., 17,90 euros),Mathias Enard (Boussole,Actes Sud, 400 p., 21,80 euros) et Tobie Nathan (Ce pays quite ressemble, Stock, 540 p., 22,50 euros).Les finalistes du prixRenaudot ont également étéannoncés, mardi. Parmi eux figurent, dans la catégorieromans, Delphine de Vigan pour D’après une histoire vraie (JC Lattès, 484 p., 20 euros),Fabrice Guénier pour Ann (Gallimard, 304 p., 19,50 euros) et Laurent Binet, déjà lauréat du prix Fnac 2015 pour La Septième Fonction du langage (Grasset, 496 p., 22 euros).

18 | culture JEUDI 29 OCTOBRE 2015

0123

De Keersmaeker virevolte à l’Opéra de ParisLa chorégraphe présente au Palais Garnier un spectacle couvrant dix ans de son travail, de 1986 à 1995

DANSE

Bartok, Beethoven,Schönberg… La choré-graphe flamande AnneTeresa De Keersmaeker

évoque les compositeurs de sonspectacle pour conclure par : « Alors, on danse ! » Converser avec cette femme elliptique ré-serve toujours des surprises. Danssa bouche, le refrain de Stromae semble tomber comme un che-veu sur la soupe. Blague belge à part, cette référence à l’un des tu-bes du chanteur, qui la fait sou-rire, souligne sans doute le senti-ment de désarroi d’une artiste de-vant le « no man’s land » que de-vient Bruxelles selon elle et ladifficulté de « donner une direc-tion à une société d’une telle com-plexité ». Une seule issue : danser.

Anne Teresa De Keersmaeker estde passage à Paris, à l’affiche du Pa-lais Garnier, jusqu’au 8 novembre. Pour sa seconde collaboration avec le Ballet de l’Opéra national deParis, celle qui aime à dire que la musique lui a « tout appris », de-puis la création de sa compagnie, Rosas, en 1983, a choisi de trans-mettre à la troupe un tiercé de piè-ces Bartok/Beethoven/Schön-berg, qui lui semble « former une supercombinaison musicale et chorégraphique » couvrant dix ansde travail, de 1986 à 1995.

Œuvres de jeunesse

Alors, on danse et rudement fort. En ouverture, la signature ATDK, toujours fulgurante : quatre ly-céennes en jupette noire et go-dillots s’amusent d’être des filles sur le Quatuor n°4, de Bela Bartok. « Il s’agit de mon écriture musicale préférée, commente Anne Teresa De Keersmaeker, qui dansa la pièce. Contemporaine dans le clas-sique et inversement, avec un voca-bulaire gestuel dans la tradition Ro-sas qui ne se réfère à aucun autre etune approche spécifique de l’unis-son dans la danse. »

Puis une bande de sept mecs etune femme déboulent en rafale sur Die Grosse Fuge, de Ludwig van

Beethoven, et « son minimalisme exalté pour un travail de contre-point ». Enfin, quatorze danseurs arpentent une diagonale au gré d’histoires de couples en déroute sur Verklärte Nacht, d’Arnold Schönberg. « Il illustre ici un poèmede son ami Richard Dehmel racon-tant l’histoire d’un homme et d’unefemme enceinte d’un autre qu’elle n’aime plus, résume la chorégra-phe. Un scénario de… 1899. » Et de conclure : « Aujourd’hui, on lapide pour adultère. »

Ce programme solide et cohé-rent d’œuvres de jeunesse secoue les dés d’une vie de femme : ado-lescence mordante et instable ; âgeadulte conflictuel. Il draine les élans d’une vitalité extrême dans un mouvement qui fouette. Aussi

articulé soit-il jusque dans les échos gestuels qui s’y propagent d’une pièce à l’autre, il tend un mi-roir diffracté de ce qui fonde le style de la Flamande : son énergie de femme sur les nerfs surfant sur des partitions musicales de haut vol. Traçant les débuts de son par-

cours, il s’arrête il y a vingt ans et permet de mesurer combien sa li-gne chorégraphique a pris un tour plus complexe, austère aussi, sous une écriture multidirectionnelle étincelante.

Si le quatuor de filles, épicentrede la gestuelle minimaliste et élas-tique de Rosas, a été taillé à même la peau d’Anne Teresa De Keers-maeker et de ses interprètes, les deux autres pièces semblent plus lointaines et émargent à des esthé-tiques repérées. Die Grosse Fuge, qui s’attaquait frontalement en 1992 au geste masculin – une ra-reté jusque-là dans son travail – cousine dans le registre des chutes avec un autre Flamand, Wim Van-dekeybus. Quant à Verklärte Nacht,première partition romantique de

sa carrière, elle enclenche la pédaled’une expressivité lyrique et expli-cite des jeux de l’amour et du sexe.

Le romantisme, ici, n’est pas lemeilleur allié de la tension abra-sive de la chorégraphe qui décla-rait, en 2007, à propos de la reprise de Verklärte Nacht, qu’il lui « fai[sait] peur ». Elle ajoutait : « Je suis trop romantique, je ne veux pasm’affronter à trop de sentimenta-lisme. » « C’est vrai que je n’ai jamaischorégraphié sur Brahms ou Schu-bert, souligne-t-elle. En revanche, j’ai travaillé en 2008 sur Mahler pour le spectacle 3Abschied et c’est tout sauf romantique. Il s’agit chez Schönberg d’une narration secrète. Comment raconter cette histoire d’adultère présente dans la musi-que ? Je me suis inspirée de Rodin

« Transmettre

mon écriture

a été une

expérience d’une

grande beauté »

ANNE TERESA

DE KEERSMAEKER

chorégraphe

Batman fait sa révolutionLe dernier volet de la trilogie de Frank Miller paraîtra en novembre

BANDE DESSINÉE

D ans le monde des comics,il y a eu un avant et unaprès The Dark Knight Re-

turns. En 1986, lorsque Frank Miller publie le premier épisode de cette série dépeignant un BruceWayne quinquagénaire et aigri, qui revêt de nouveau le costume de Batman, c’est une petite révolu-tion. Avec les Watchmen, d’Alan Moore, The Dark Knight Returns marquait l’arrivée d’une nouvelle vague de comics plus sombres, plus adultes, porteurs d’une ré-flexion sur la place du super-hérosdans la société.

Conçu comme une trilogie, TheDark Knight Returns attendra ce-pendant sa suite durant quinze ans – The Dark Knight Strikes Againest en cours de publication quand surviennent les attentats du 11-Septembre, qui marquent durable-ment Frank Miller. Et quatorze anss’écouleront encore avant la sortie de The Master Race, « la race supé-rieure », dont la publication est an-noncée pour novembre. Un titre choc, alors que Miller est accusé depuis plusieurs années d’une lente dérive vers l’extrême droite, après un Holy Terror ! (2011) décrié dans lequel un super-héros affron-tait Al-Qaida, un 300 accusé d’opé-rer une relecture raciste de l’his-toire, et de multiples passages ju-gés sexistes dans Sin City.

Des critiques qui amusentl’auteur, de passage à Paris à l’occa-sion de la Comic Con, convention du milieu du comics et du manga. « Je ne ferais pas bien mon travail si je n’étais pas provocant. Mon rôle est de faire réagir les gens. Je veux des réactions de colère ; plus les cri-tiques seront furieux, et plus je seraicontent », affirme-t-il, un sourire en coin. Le chapitre final de Dark Knight ne fera cependant pas l’apologie d’une quelconque « racesupérieure », assure-t-il, mais met-tra en scène le combat de Batman et Superman pour contenir l’inva-sion de la Terre par les survivants de la planète Krypton qui veulent asservir l’humanité…

Anarchisme et maturité

Coutumier des déclarations chocs – il avait, en 2001, qualifié les parti-cipants du mouvement Occupy Wall Street de « voyous » –, Frank Miller reconnaît cependant des er-reurs. Dans l’approche suivie pour The Dark Knight Strikes Again, cri-tiqué par une partie des fans. Ou encore dans la manière dont il dé-crivait l’influence de la télévision dans The Dark Knight Returns, dé-peinte comme une machine à donner la parole aux idiots. Une vision qui « était immature », juge-t-il avec le recul.

Une forme de sagesse venue avecle temps ? L’idée du Dark Knight estvenue à Frank Miller alors qu’il al-

lait dépasser en âge l’éternelle-ment jeune Bruce Wayne. Aujourd’hui plus âgé que le Bat-man retraité conçu au début des années 1980, il affirme que sa vi-sion du chevalier noir est entrée dans une nouvelle phase. Le Bat-man qu’il a découvert à l’âge de 5 ans, cette figure du « père sévère »,est toujours présent dans son es-prit. Mais elle a laissé graduelle-ment la place à un Batman défen-seur de l’ordre, une « figure d’auto-rité qui, sous ma plume, est deve-nue un anarchiste ».

Anarchiste ? Le Dark Knight deFrank Miller crée pourtant une mi-lice pour restaurer l’ordre dans un Gotham City livré aux pillards… « Lorsque vous êtes anarchiste et que vous considérez que l’ordre existant est corrompu, le détruire est la première chose que vous sou-haitez faire – et pour cela, tous les moyens sont bons », justifie Miller. The Master Race clôturera un cycle de l’évolution du chevalier noir, dans lequel il deviendra, assure-t-il, une figure authentiquement révolutionnaire. « La lutte des Ir-landais pour l’indépendance, comme la Résistance française, nous a montré qu’il pouvait être né-cessaire de descendre dans la rue pour se lever contre la tyrannie. Parfois, la seule manière de faire en sorte que le monde fasse sens est dedétruire l’ordre existant. » p

damien leloup

pour les étreintes. »Anne Teresa De Keersmaeker

parle comme elle danse en sus-pendant parfois son souffle pour épingler le mot le plus aigu en français et/ou en anglais. Avec fer-veur, elle évoque le casting et les répétitions avec le Ballet de l’Opéra de Paris. « J’ai choisi les danseurs avec beaucoup de soin, raconte-t-elle. Transmettre monécriture a été une expérience d’une grande beauté. Il y a ici un senti-ment de communauté, de célébra-tion de la danse comme art qui n’existe plus beaucoup aujourd’hui. Les gens sont devenustrop possessifs. Les interprètes se sont investis avec générosité, sinon ça n’aurait pas marché. Il y a dans mes pièces une notion de dépense antimarketing, anticommercial, qui ne peut pas se faire sans un tra-vail d’équipe. La danse n’est pas uneœuvre d’art plastique, pas un pro-duit de spéculation. »

Cette complicité avec la troupeparisienne – parallèlement au Bal-let de l’Opéra de Lyon auquel elle aconfié Die Grosse Fugue et Drum-ming (1998) – semble ouvrir unenouvelle ère. Depuis 2007, la cho-régraphe, qui bénéficiait d’une ré-sidence à La Monnaie, à Bruxelles,n’a plus de compagnie fixe. Ce quia été « un défi », même si « elle a re-trouvé une grande liberté artisti-que ». En décembre 2014, La Mon-naie, à la suite de coupes budgé-taires, a décidé de ne plus soutenirla danse. « Les liens ne sont pas complètement coupés, mais fragi-les, glisse Anne Teresa De Keers-maeker.

Quant au Théâtre de la Ville, à Pa-ris, scène historique de la compa-gnie Rosas depuis 1985, il va être enchantier à partir de 2016. Soutenuepar l’Opéra national de Paris, la troupe belge sera programmée au Centre Pompidou, dans la perfor-mance Work/Travail/Arbeid, du 26 février au 6 mars. p

rosita boisseau

Soirée Anne Teresa de Keersmaeker. Palais Garnier, Paris 9e. Jusqu’au 8 novembre. De 23 à 110 euros.

Anne Teresa De Keersmeaker. ANNE VAN AERSHOT

L’HISTOIRE DU JOURAi Weiwei jouera quand même aux Lego

ARTSlondres - correspondant

J ouer aux Lego serait-il une activité sub-versive ? L’artiste chinois Ai Weiwei a dé-clenché une tempête sur Internet, ven-dredi 23 octobre, en révélant que le fabri-

cant danois des célèbres briques de plastique avait refusé de lui fournir les pièces nécessai-res à une installation consacrée à la libertéd’expression. « Lorsque nous sommes sollici-tés pour des dons [de grandes quantités de bri-ques Lego], ou pour soutenir un projet au sujetduquel nous sommes informés de l’existence d’un contexte politique, nous déclinons aima-blement notre soutien », a justifié un porte-pa-role de la société.

L’œuvre doit être exposée, en décembre, à laNational Gallery of Victoria de Melbourne (Australie), lors d’un spectacle Andy Wa-rhol-Ai Weiwei. Il est inspiré du travail déjà ac-compli par Ai Weiwei pour l’ancienne prison américaine d’Alcatraz (Californie) : un sol enmosaïque composé de centaines de milliers de briques Lego représentant des prisonniers d’opinion ou des militants politiques comme Nelson Mandela, Edward Snowden, maisaussi Liu Xiaobo, écrivain chinois incarcéré et Prix Nobel de la paix 2010.

« Libre expression créative »

Le plasticien, en délicatesse avec le régime de Pékin, n’a pas tardé à dénoncer « un acte de censure et de discrimination ». Il avait choisi le dernier jour de la visite au Royaume-Uni du président chinois, Xi Jinping, pour rendre pu-blic le refus de Lego, reliant implicitement cette décision à l’annonce faite, quarante-huitheures plus tôt, par la société britannique

Merlin Entertainments, de la prochaine ouverture d’un parc Legoland à Shanghaï.

De son côté, l’entreprise danoise Lego cons-truit une nouvelle usine en Chine, qui doit employer 2 000 personnes à partir de 2017. Lasociété a précisé qu’elle ne s’est jamais oppo-sée à l’usage libre de ses produits et a affirmé son respect du droit à « la libre expression créative ». Mais elle se ré-serve le droit de ne pas y apporter de soutien actifen refusant d’honorer descommandes en gros, telle celle d’AI Weiwei.

Mais l’artiste chinois cu-mule presque autantd’« amis » que Lego sur son compte Twitter. Il a prisl’opinion des internautes àtémoin en diffusant la photo d’une cuvette de cabinet remplie deLego, à la manière de Marcel Duchamp. Enquelques heures, les offres de dons de briquesà M. Ai se sont multipliées sur la Toile.

En signe de solidarité, des anonymes ontphotographié leur majeur pointé devant desmagasins de Lego. Submergé de proposi-tions, le plasticien provocateur a promis detrouver un moyen de gérer ces dons. « Inter-net est comme une église du monde moderne.Vous vous plaignez auprès d’un prêtre, et tousles membres de la communauté partagentvos problèmes », a-t-il commenté, lundi 26 octobre, à Berlin, où il va enseigner, pen-dant trois ans, comme professeur associé àl’Université des arts. « Ma patrie n’est ni enChine ni en Allemagne, a-t-il ajouté. Je me senschez moi sur Internet. » p

philippe bernard

LA SOCIÉTÉDANOISE AVAITREFUSÉ DE FOUR-NIR À L’ARTISTE DES PIÈCES POUR UNE INSTALLATION

0123JEUDI 29 OCTOBRE 2015 télévisions | 19

HORIZONTALEMENT

I. Son ofre la place bien pour l’em-

porter. II. Fait perdre du temps. Pas

du genre très malin. III. Farouches et

efarées. Arrivée parmi nous. IV. Déjà

bien avancé. Sortie de bains. V. S’y re-

trouver n’est pas sans danger. Glos-

sine coupée en deux. Encadrent tout.

VI. Son bonnet n’est plus porté. Ré-

ponse positive. Bonne à encaisser.

VII. Accord au Kremlin. Dernier re-

fuge. VIII. Leurs dards étaient empoi-

sonnés. En Autriche. IX. Beau parleur

emplumé. Bien disposées. X. Mani-

festation chevaline.

VERTICALEMENT

1. Grand roi au pays du sanskrit.

2. Sans la moindre réalité. 3. Avec un

accent au Vatican mais pas dans l’Ore-

gon. Ménage la monture pour aller

loin. 4. Fatigua à la longue. Dans les

comptes de l’entreprise. 5. Grand

d’Espagne un peu sec. Me rendrai.

6. Article. Irrespirables chez les An-

glais. 7. Ne fera rien avancer. Préposi-

tion. 8. Bien situées. Dans la poche

des jeunes. 9. En nage. Coife nos ar-

mées. Au primaire. 10. Belle enfant

d’Emile. Bien dégagée. 11. Descendu.

Comme un rose un peu mauve.

12. Dégarnie en façade. En station.

SOLUTION DE LA GRILLE N° 15 - 254

HORIZONTALEMENT I. Indéréglable. II. Mausolée. Ras. III. PVC. Cloutait.

IV. Rita. El. Aisé. V. Ogino. Isis. VI. Valeureuses. VII. Item. Arme. Us. VIII. SE.

Ifs. Musée. IX. Tuyau. Rusent. X. Ereinetments.

VERTICALEMENT 1. Improviste. 2. Navigateur. 3. Ductile. Ye. 4. Es. Ané-

miai. 5. Roc. Ou. Fun. 6. Elle. Ras. 7. Geôlier. Ré. 8. Leu. Summum.

9. Taiseuse. 10. Braise. Sen. 11. Lais. Suent 12. Ester. Sets.

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

I

II

III

IV

V

VI

VII

VIII

IX

X

GRILLE N° 15 -255

PAR PHILIPPE DUPUIS

0123 est édité par la Société éditricedu « Monde » SADurée de la société : 99 ansà compter du 15 décembre 2000.Capital social : 94.610.348,70 ¤.Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).

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Corinne Mrejen

SUDOKUN°15-255

J E U D I 2 9 O C TO B R E

TF1

20.55 Une chance de trop

Mini-série créée par Harlan Coben. Avec Alexandra Lamy, Pascal Elbé (Fr., 2014, saison 1, ép. 5 et 6/6).23.05 New York,

section criminelle

Série créée par Dick Wolf etRené Balcer (EU, S6, ép. 19 et 21/22).France 220.55 Envoyé spécial

Magazine présentépar Guilaine Chenu et Françoise Joly.22.25 Complément d’enquêteMagazine présenté par Nicolas Poincaré. Scandale Volkswagen, automobiles folles :et si on changeait de voiture ?France 320.50 Un Indien dans la villeComédie d’Hervé Palud.Avec Thierry Lhermitte, Patrick Timsit (Fr., 1994, 90 min).23.05 La France et ses immigrés

Documentaire de Valéry Gaillard(Fr., 2015, 65 min).Canal+21.00 Game of Thrones

Série créée par David Benioff etD. B. Weiss (EU, S4, ép. 7 et 8/10).22.40 American Crime

Série créée par John Ridley.Avec Felicity Huffman, Timothy Hutton (EU, S1, ép. 10/11).France 520.40 La Grande Librairie

Animé par François Busnel.21.40 Les Grandes Questions

Présenté par Franz-Olivier Giesbert.Arte20.50 Au service de la France

Série créée par Jean-François Halin, Jean-André Yerles, Claire Lemaréchal. Avec Hugo Becker, Wilfred Benaïche (Fr., S1, ép. 1 à 4/12).22.30 Gomorra

Série créée par Stefano Sollima, Francesca Comencini, Claudio Cupellini (It., S1, ép. 7 et 8/12).M620.55 Twilight, chapitre 5.

Révélation, 2e partie

Film fantastique de Bill Condon.Avec Kristen Stewart, Robert Pattinson (EU, 2012, 125 min).23.00 Millénium 3. La reine

dans le palais des courants d’air

Film de Daniel Alfredson.Avec Noomi Rapace, Michael Nyqvist (Suè.-Dan., 2009, 160 min).

Espions aux pieds palmésUne comédie ironique et décapante sur les services secrets français des années 1960

ARTEJEUDI 29 – 20 H 50

SÉRIE

Vous représentez laFrance, pas Manu-france. » Dès son arri-vée dans les services se-

crets français, l’espion stagiaire André Merlaux est plongé dans l’ambiance de cette France gaul-liste du début des années 1960 où l’humour était aussi lourd que l’at-mosphère de l’époque, avec « les événements » en Algérie, la coloni-sation et la guerre froide.

Dans cette galaxie bureaucrati-que très codifiée que sont les servi-ces secrets, Merlaux ne saisit pas tout de suite qu’il ne faut surtout pas poser de questions ou prendre des initiatives. Ici, tout est « confi-dentiel », même le menu de la can-tine. Dans « les services », le ma-chisme est la règle, la xénophobie est recommandée, la bêtise est obligatoire et l’incompétence est reconnue. C’est d’ailleurs le bré-viaire des agents Moulinier, Jac-quard et Calot, les piliers du ser-vice, qui sont plus préoccupés par leurs notes de frais que par la gran-deur de la France.

Merlaux va donc découvrir l’ab-surdité de cette administration ta-tillonne où « un vol de trombone est plus important qu’une crise à Cuba » et où un coup de tampon sur un mauvais formulaire peut

déclencher une guerre mondiale…Bienvenue dans la série « Au ser-

vice de la France » ! Grâce à sa plume affûtée, son esprit débridé et son humour singulier, le scéna-riste Jean-François Halin nous in-vite avec beaucoup d’ironie dans cette comédie d’espionnage où, durant douze épisodes, il passe à lapaille de fer cette France engoncée et coincée, souvent ringarde, sûre de sa supériorité et qui ne voit pas

arriver les grands chambarde-ments culturels, sociétaux et poli-tiques de Mai 68. « Derrière la co-médie, la série aborde des sujets trèssérieux… », assure Jean-François Halin, ancien auteur des « Gui-gnols de l’info » sur Canal+ (ver-sion avant Vincent Bolloré) et scé-nariste des films OSS 117.

« C’est la France d’avant Le Cha-grin et la Pitié, remplie de secrets. Des secrets de famille, des secrets

d’Etat. Les services secrets vivent dans le mythe de la France toute ré-sistante. Quelques années plus tard,on tombera dans un autre excès, ce-lui de la France toute collabo… La vérité est bien sûr entre les deux », écrit-il dans le dossier de présenta-tion de la série.

Avec ses deux coscénaristesClaire Lemaréchal et Jean-André Yerles, Halin tape où ça fait mal, vise juste (notamment sur la

guerre d’Algérie) et carbure au poli-tiquement incorrect. « Comment on peut être amis avec des gens qui sont toujours à l’heure, ne prennentpas le temps de déjeuner et n’écou-tent que de l’opéra ? », entend-on ainsi dans le deuxième épisode, à propos de la réconciliation franco-allemande.

Cachet et crédibilité

Outre le scénario et les dialogues désopilants, la série est mise en scène de manière impeccable par Alexandre Courtès, qui est allé chercher des acteurs souvent mé-connus (Wilfred Benaïche, Chris-tophe Kourotchkine, Karim Bar-ras…) et parfaitement adaptés aux personnages. Une mention spé-ciale est à décerner à Hugo Becker dans le rôle de Merlaux. Sans oublier les décors des années 1960 minutieusement reconstitués et qui donnent le cachet et la crédibi-lité à cette série. Le tout sur une musique du groupe Air qui, avec une bande-son soignée, accompa-gne l’atmosphère de cette époque. Bref, il est fortement recommandéde se mettre devant son poste de télévision au service de cette France… p

daniel psenny

Au service de la France, série créée par Jean-François Halin, Claire Lemaréchal et Jean-André Yerles (Fr., 2015, 12 x 26 min).

Jean-Edouard Bodziak, Bruno Paviot, Karim Barras et Joséphine de La Baume. LUC ROUX/MANDARIN TÉLÉVISION

Goldman Sachs, la puissance de l’argentEnquête sur les turpitudes de la maison la plus prestigieuse de la finance

LCPJEUDI 29 – 20 H 30

DOCUMENTAIRE

S on nom n’a longtemps étéprononcé que dans la hautefinance, avec un mélange de

crainte et d’admiration. Et puis la crise est arrivée, jetant une lu-mière crue sur les pratiques de Wall Street et de son plus beau fleuron, Goldman Sachs.

De New York à Athènes, de Lon-dres à Strasbourg, le documen-taire Goldman Sachs : la banque qui dirige le monde raconte com-

ment l’établissement américain n’a cessé de flirter avec la ligne jaune – quitte à la franchir parfois –pour gagner toujours plus d’ar-gent. Au point de devenir le sym-bole d’une finance devenue folle.

A partir de témoignages d’ex-sa-lariés, politiques, régulateurs ou économistes, les journalistes Jé-rôme Fritel et Marc Roche (ex-cor-respondant du Monde à Londres etauteur d’un livre sur Goldman Sachs) relatent les dérives de cette puissance de l’argent. En trom-pant ses clients, quand la banque pariait sur un effondrement des

crédits immobiliers américains,les subprimes, tout en refilant des produits qu’elle savait toxiques à d’autres ; en continuant à spéculer sur les matières premières, le 11 septembre 2001, « parce qu’il y a de l’argent à se faire, quoi qu’il ar-rive » ; en aidant la Grèce à cacher une partie de sa dette abyssale avant l’explosion du pays en 2009.

« Faire le travail de Dieu »

Surtout, les témoignages et les images d’archives laissent poindreun sentiment d’impunité et d’in-faillibilité. Le patron de Goldman

Sachs, Lloyd Blankfein, n’a-t-il pas expliqué un jour « faire le travail deDieu » ? Une morgue qui doit beau-coup, selon les auteurs, au « réseaud’influence unique au monde » dont bénéficie la banque.

Henry Paulson, secrétaire améri-cain au Trésor sous George W. Bush, Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne (BCE)… : autant d’anciens de Gold-man Sachs passés de la banque américaine à des responsabilités publiques, ou inversement. De quoi créer des conflits d’intérêts explosifs… sans que cela émeuve

les principaux intéressés. A la vi-sion du documentaire, d’aucuns pourraient juger l’enquête trop à charge contre Goldman Sachs, bouc émissaire idéal dans cette haute finance si souvent vérolée.

Mais être les premiers vous ex-pose beaucoup plus. Et la banque et ses responsables, en refusant deparler aux auteurs, n’ont rien fait pour contrecarrer ce biais. p

clément lacombe

Goldman Sachs : la banque qui dirige le monde, de Jérôme Fritel et Marc Roche (Fr., 2012, 75 min).

V O T R ES O I R É E

T É L É

20 | styles JEUDI 29 OCTOBRE 2015

0123

gravité bas. Le coffre subit les con­traintes qu’impose l’installationdes deux réservoirs d’hydrogène et de la volumineuse pile à com-bustible, mais sa contenance n’estpas ridicule (361 litres), quoiquemodeste au regard de la taille (4,89 mètres) de la voiture.

Véhicule « zéro émission », laMirai est une vraie voiture électri-que, l’autonomie et la rapidité de recharge en plus, mais ce n’est pasune panacée. Un plein d’hydro-gène est facturé autour de 50 euros, soit 10 euros pour 100 kilomètres. Réaliser la même dis-tance à bord d’une « pure électri­que » rechargée sur le réseau coûte dix fois moins cher.

Par ailleurs, il faut rappeler quela pile à combustible transformeen courant un carburant dont la production (à partir de biomasse, de l’eau ou de boues d’épuration) a déjà consommé beaucoup d’électricité… En fait, l’avenir de la pile à combustible dépendra étroitement des performances fu-tures des batteries automobiles. Si leurs progrès devaient rester li-mités, ce qui signifie une autono-mie inférieure à celle des moteursthermiques, le recours à l’hydro-gène deviendrait, alors, de plus enplus intéressant. p

jean-michel normand

Retrouvez l’actualité automobile sur Lemonde.fr/m-voiture

La voiture propre la plus vendue au monde sort en une version qui peut parcourir 50 kilomètres de plus que la précédente

A vec quelque 200 000 uni-tés, diffusées pour l’es-sentiel au Japon et aux

Etats-Unis, la Nissan Leaf est lavoiture 100 % électrique la plusvendue au monde. En France, seu-les 5 500 ont trouvé preneur, ce qui expliquerait le manque de no-toriété dont elle continue de pâtir.

Lancée en 2011, cette berline quel’on reconnaît à sa poupe aplatie, très japonisante, et ses phares glo-buleux (qui contribuent à orien-ter les flux d’air vers l’extérieur, afin d’améliorer les performancesaérodynamiques) ne s’est pas of-fert un remodelage.

Pour relancer ses immatricula-tions, Nissan a préféré concentrer ses efforts sur l’amélioration de l’autonomie, obsession des con-cepteurs de véhicules électriques. La nouvelle Leaf (35 255 euros, bo-nus écologique de 6 500 euros non déduit) reçoit une batterie de 30 kW/h (la version 24 kW/h reste au catalogue). Ce qui lui permetd’accroître de 50 kilomètres son

rayon d’action, désormais porté à 250 kilomètres, mais lui imposeun gain de poids de 12 kg que l’on doit notamment à l’adjonction d’éléments en manganèse.

Installé en série, un chargeur de6,6 kW permet d’accélérer les opé-rations de charge lorsqu’elles sontréalisées par l’intermédiaire d’une borne domestique, dont le coût d’installation est d’un peu plus de 1 000 euros.

L’autonomie, pas si rédhibitoire

Ces améliorations visent à vain-cre les réticences de ceux qui,ayant pu apprécier la décontrac-tion que l’on ressent au volantd’une électrique, hésitent à sauterle pas, compte tenu de son insuffi-sante autonomie.

Des réserves compréhensibles,mais paradoxales, lorsqu’on les rapproche de l’usage des Leaf cir-culant en France. Nissan, qui, par lebiais des systèmes de connexion de la voiture, recueille – anonyme-ment, précise le constructeur – les

données relatives à son utilisation,assure que la distance moyenne parcourue par les propriétaires français est de 15 700 kilomètres par an (soit 303 kilomètres par se-maine), alors qu’un automobiliste lambda ne dépasse par les 12 600.

Un tel écart suggère que l’auto-nomie d’un modèle électrique, en-

core au moins deux fois inférieureà celle d’un véhicule à motorisa-tion thermique, n’est pas aussi rédhibitoire qu’il y paraît, et que ceux qui s’y convertissent n’hési-tent pas à l’utiliser. De même, il n’est pas dit que la possibilité de re-charger le plus rapidement possi-ble sa batterie constitue un impé-

ratif absolu. Dans les faits, il appa-raît que plus de 90 % des opéra-tions de recharge sont réalisées chez soi ou sur son lieu de travail.

Autre surprise : alors que l’onpourrait penser que les sociétésjettent principalement leur dé-volu sur ces voitures pour consti-tuer leur flotte d’entreprise élec-

trique et jouer la carte de l’affi-chage écologique, ce sont les par-ticuliers qui représentent plus destrois quarts de la clientèle.

Dans la grande majorité des cas,la Leaf est utilisée comme une deuxième voiture destinée aux trajets du quotidien. Les acheteurs choisissent majoritairement les formules de leasing (269 euros par mois pour la Leaf 30 kW/h).

Pour l’essentiel, glisse-t-on chezNissan, le choix d’une voitureélectrique est dicté par l’intérêt d’utiliser un véhicule dont le coût d’usage est particulièrement ré-duit (un « plein » revient autour de 5 euros, et les frais d’entretiensont moindres).

Cependant, pour répondre à despréoccupations moins prosaï-ques, le constructeur japonaisvient de passer un accord avec la Compagnie nationale du Rhône, qui garantit au propriétaire d’une Leaf d’être exclusivement fourni en électricité hydraulique. p

j.-m. n.

La nouvelleNissan Leaf.NISSAN FRANCE

et toyota créa

l’auto à hydrogèneElle ne rejette que de l’eau et a 500 km d’autonomie. Avec la Mirai, désormais commercialisée hors du Japon, le constructeur nippon fait un pari audacieux

AUTOMOBILE

Même si son nom si-gnifie « avenir » enjaponais, il est diffi-cile de prendre

d’emblée la mesure de la ToyotaMirai. Le lancement de ce premiervéhicule commercialisé avec une pile à combustible fonctionnant àl’hydrogène fera forcément date.

Pour autant, il est trop tôt poursavoir s’il passera à la postérité comme un modèle pionnier quiaura libéré la voiture électrique deson handicap d’autonomie ou s’il s’agit d’une louable mais vaine tentative condamnée à une diffu-sion marginale. Présentée comme « l’écovoiture idéale », la Mirai présente le double avantage

de ne rejeter dans l’atmosphère que de l’eau (chaque accélération un peu appuyée libère dans sonsillage un drôle de petit jet de va-peur) et de pouvoir parcourir un kilométrage (400 km à 550 km, selon le type de conduite) pas si éloigné de celui d’un modèle dotéd’un moteur thermique.

Commercialisée au Japon en2014, elle l’est désormais dans les pays disposant d’une ébauche de réseau de distribution d’hydro-gène (Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Belgique, Danemark). Elle ne sera pas disponible avant 2017 en France, où l’on ne compte, àce jour, qu’une seule et unique sta-tion de recharge ouverte au public.

La Toyota Mirai est une voitureélectrique qui ne stocke pas son

énergie dans des batteries, maissous forme d’hydrogène, enfermésous une pression de 700 bars à l’intérieur de deux réservoirs. Cet hydrogène traverse une pile àcombustible qui, au contact de l’oxygène, provoque une réaction chimique pour produire de l’élec-tricité. Le plein est réalisé en trois à cinq minutes dans des stations spécialement équipées.

Des réservoirs ultrarésistants

Conscient qu’embarquer de l’hy-drogène à bord d’une voituren’est, de prime abord, pas tout àfait rassurant, le constructeur pré-cise que les deux réservoirs ont été conçus pour résister à une pression plus de deux fois supé-rieure à celle qu’ils doivent sup-

porter. Et qu’ils ont été soumis à des tests (incendie, collision…)particulièrement sévères.

La Mirai, qui sera fabriquée au Ja-pon à 700 unités en 2015, puis à 2 000 en 2016 et à 3 000 en 2017, avant d’envisager une production de 30 000 unités à l’approche de2020, se présente comme une lon-gue berline de quatre places. Elle seconduit comme un véhicule élec-trique, à savoir très facilement.

Son moteur développe l’équiva-lent de 150 chevaux et ses accéléra-tions sont vigoureuses, sans être ébouriffantes ; le 0-100 km/h est atteint en 9,6 secondes. Très chère(environ 66 000 euros, hors taxes et subventions), cette pionnière veut déjà démontrer que la tech-nologie de la pile à combustible est opérationnelle au quotidien.

Afin de ne pas trop perturber lesrepères de ceux qui s’installent au volant, chaque accélération s’ac-compagne d’un chuintement arti-ficiel évoquant la sonorité d’un moteur classique lorsqu’il monteen régime. A la décélération, un bruit artificiel de compresseur,destiné à « accroître le sentiment de sécurité », parvient aux oreilles.

Le constructeur japonais, à quil’on avait reproché d’avoir dessinéla première génération de laPrius, fondatrice des modèles hy-brides, comme s’il s’agissait d’un passe-muraille, a beaucoup fait pour que son premier modèle à

hydrogène se remarque de loin. Un peu trop, sans doute.

Plus encore que les dernièresToyota, la Mirai est surdessinée, jouant à l’excès la recherche d’aé-rodynamie avec une inspirationscience-fictionnesque un peunaïve. L’habitacle est à l’image dudesign extérieur, avec ses formestorturées, ses zébrures et ses in-dicateurs lumineux de multiples couleurs.

Habitacle un peu naïf

Une telle mise en scène ravira sans doute les technophiles, qui prendront les commandes de ce vaisseau terrestre, bien suspendu sur ses roues et fort agréable àconduire grâce à son centre de

VÉHICULE « ZÉRO ÉMISSION », LA MIRAI N’EST POURTANT PAS

UNE PANACÉE. UN PLEIN D’HYDROGÈNE COÛTE DIX FOIS PLUS CHER QUE POUR UNE PURE

ÉLECTRIQUE

Réservoirs à hydrogène (pression de 700 bars).

Batterie.

Pile à combustible. Moteur électrique.

Nissan Leaf, la plus branchée des électriques

TOYOTA EUROPE

0123JEUDI 29 OCTOBRE 2015 0123 | 21

En ce moment, l’argumentrevient souvent à Bruxel-les. « Avec les réfugiés, la si-tuation est très grave, la

fin de l’Europe menace. Mais c’est comme avec la crise de l’euro, comme avec la Grèce. On n’avait rien anticipé, rien vu venir, tout a été géré dans l’urgence. Cela s’est fait dans la douleur, mais finale-ment on en est sorti par le haut… »

Au début de la crise financière,quand l’euro était violemment at-taqué sur les marchés, les Alle-mands, notamment, ne voulaient pas entendre parler d’un système partagé pour sauver un Etat mem-bre de la banqueroute. Pourtant, leMécanisme européen de stabilité a finalement été mis sur les rails. L’union bancaire, conçue pour permettre à l’eurozone de sur-monter une faillite de banque sanspour autant mettre à genoux les fi-nances publiques d’un pays, a, elle aussi, progressivement vu le jour.

Idem avec la crise grecque duprintemps. Les 19 membres de l’eurozone sont passés tout près du gouffre, début juillet, quand Berlin a mis sur la table l’option ul-time du « Grexit », la sortie de la Grèce de la zone. Mais, au bout du compte, la chancelière Merkel et les autres dirigeants européens lesplus remontés contre le premier ministre grec Tsipras, l’accusant de vouloir les prêts sans les réfor-mes associées, ont fini par lâcher 86 milliards d’euros d’aide supplé-mentaire au pays.

De ces crises, l’Europe est sortieplus solidaire, plus forte, répète-t-on en boucle. A en croire l’expé-rience récente, donc, la crise des réfugiés serait juste un mauvais moment à passer. Encore une bonne vingtaine de sommets comme celui de dimanche 25 oc-tobre, consacré à la « route des Bal-kans occidentaux » et destiné à faire baisser les tensions entre la Slovénie, la Croatie, la Serbie, la Macédoine et la Grèce, complète-ment débordées par le flot des ré-fugiés… et l’Europe finira par re-tomber sur ses pattes, comme d’habitude.

Pas de recette éprouvée

Les Européens mettront en place une véritable gestion commune des frontières de l’Union, avec un corps de gardes-frontières euro-péen. Et, pour le long terme, ils se doteront d’une politique d’immi-gration économique concertée, comme au Canada, avec ses quo-tas par compétences, etc.

On aimerait croire à ce scénariooptimiste, mais peut-être l’est-il trop ? Pour surmonter la crise fi-nancière, les dirigeants européens ont globalement choisi l’austérité :assainissement drastique des fi-nances publiques, coupes dans les prestations sociales, réformes éco-nomiques d’ordre libéral. Un re-mède de cheval au Portugal, en Es-pagne, dans les pays baltes, etc., pas complètement convaincant, mais qui avait l’avantage d’être en partie maîtrisé et balisé.

La solution pour résoudre lacrise des réfugiés, alors que 700 000 d’entre eux ont déjà fran-chi la Méditerranée depuis début 2015, est bien moins évidente : il n’y a pas de réponse unique, de re-

cette éprouvée. La Commission, dès mai, a esquissé des pistes qui, sous la pression des événements, et de l’Allemagne – première desti-nation des réfugiés –, sont en traind’être adoptées. La création de « hot spots », pour séparer les po-pulations éligibles au droit d’asile des migrants économiques, la mise en place de centres d’accueil, pour éviter que les réfugiés dor-ment dans la rue, dans les champs,avant que leur cas ait été « traité » par les « hot spots ».

Bruxelles a aussi arraché un ac-cord politique, fin septembre, pour une relocalisation d’urgence de 160 000 réfugiés, depuis la Grèce et l’Italie, afin de soulager ces deux pays de « première en-trée ». Aux frontières extérieures de l’UE, un renforcement des effec-tifs et des compétences de l’agenceFrontex est également prévu.

Mais si ces dispositions ne fonc-tionnent pas toutes impeccable-ment et, simultanément, le châ-teau de cartes s’effondre. Le méca-nisme de relocalisation avec des « hot spots » défaillants ? Rien de tel pour entretenir l’« appel d’air » des migrants vers l’Europe. La fer-meture des frontières sans la relo-calisation ? La Grèce, l’Italie ou les Balkans risquent de devenir de vastes camps de transit, voire de rétention.

Et encore, c’est sans compteravec le renforcement des mouve-ments populistes, qui se nourris-sent des craintes que suscitent les images de milliers de migrants franchissant quotidiennement les frontières de l’Union. Comment parvenir à une réponse euro-péenne si, dans les pays membres, ces partis parviennent à infléchir les agendas politiques ? La victoire du parti Droit et Justice, en Polo-gne, dimanche 25 octobre, est à cetégard un bien mauvais signal.

Mais surtout, si cette crise estbien plus profonde que celle del’euro, c’est que ses racines, et, par-tant, ses solutions, se trouvent hors de l’Union. C’est la guerre en Syrie, l’insécurité en Afghanistan,la misère au Bangladesh, la dicta-ture érythréenne… L’Europe, qui s’est vécue longtemps comme un havre de paix protégé des aléas du reste du monde, se trouve désor-mais déstabilisée, touchée par ces vicissitudes sur lesquelles elle n’a pratiquement pas prise.

La solution passe désormais parun hypothétique « plan d’action » avec la Turquie, alors qu’Ankara, longtemps négligée par les Euro-péens, compte bien imposer ses conditions. L’Union dépend aussi d’une résolution du conflit syrien, alors qu’elle n’est même pas à la ta-ble des négociations, depuis que laRussie s’est mêlée à la partie. Le chef de file des Libéraux euro-péens, le Belge Guy Verhofstadt, a appuyé là où cela fait mal, mardi 27 octobre, en relevant qu’« il n’y avait aucun Européen à la réunion de vendredi dernier sur la Syrie [où se sont retrouvés les Russes, les Américains, les Turcs et les Saou-diens]. Alors qu’elle avait lieu à Vienne, au cœur de l’Europe, c’est une honte ! ». p

[email protected]

A lassane Ouattara aura finalementremporté son pari : se faire élirepour un second mandat, dès le pre-

mier tour, le 25 octobre, de l’élection prési-dentielle en Côte d’Ivoire. Il avait annoncé « un coup KO ». Le président sortant l’a fait. En Afrique, une victoire au premier tourn’est pas nécessairement un bon signe dé-mocratique. Surtout avec un score « à la so-viétique » de 83,6 %, tel que celui obtenu par Alassane Ouattara.

Dans la Guinée voisine, la victoire au pre-mier tour d’Alpha Condé, il y a peu, soulève ainsi de nombreuses interrogations quantà la transparence du scrutin. Sans parler des tripatouillages constitutionnels au Bu-rundi, qui provoquèrent des violences ou de celles que l’on pourrait voir au Congo-

Brazzaville, les présidents en place de ces deux pays ayant pour objectif d’obtenir à tout prix leur reconduction. Sans oublier, non plus, ces présidents à vie qui réduisentleur opposition au silence par la force ou grâce à des systèmes politiques viciés,comme au Tchad ou au Cameroun. Rien decela en Côte d’Ivoire.

La réélection au premier tour du chef del’Etat sortant intervient à l’issue d’un voteapaisé, reconnu, endossé par les observa-teurs sur place et l’ensemble de la commu-nauté diplomatique internationale. Mêmesi la logistique ne fut pas sans reproche le jour du vote. Mais l’on passe beaucoup dechoses au président Ouattara, et personne n’insistera sur les manquements de ce scrutin. Fort de son score et d’un taux de participation honorable (près de 55 %), le président sort crédibilisé de ce scrutin.

Il faut se rappeler, en effet, que la seuleélection réellement pluraliste organisée en Côte d’Ivoire depuis l’indépendance futcelle de 2010 ; or elle se termina dans unbain de sang et une quasi-guerre civile. Est-ce pour autant une véritable élection desortie de crise ? Car l’autre gagnant de ce vote est le camp des pro-Gbagbo, l’ancien chef de l’Etat, qui dort aujourd’hui dansune prison de La Haye dans l’attente de sonprocès pour crimes contre l’humanité com-mis lors des violences, post-électorales jus-tement, de 2010.

Les radicaux du Front populaire ivoirien(FPI) aux yeux desquels c’est « Gbagbo ou rien » avaient appelé au boycott du scrutin. Il est difficile d’évaluer leur poids exactdans l’électorat, mais ils ne manqueront pas de s’attribuer les 46 % d’abstentionnis-tes. Et le fait est qu’ils représentent, jusqu’à présent, une part non négligeable de l’opi-nion publique, en rupture totale avec le pouvoir en place. Ils incarnent le premier défi qu’Alassane Ouattara va désormais de-voir relever : réconcilier le monde politiqueivoirien, ce qu’il s’est refusé à faire durant son premier mandat, tout comme les pro-Gbagbo d’ailleurs. Cela doit passer, notam-ment, par la justice. Une justice qui ne soit pas seulement celle des vainqueurs par les armes de 2010, mais qui soit également ca-pable de s’intéresser aux exactions commi-ses, à cette époque, par les amis de M. Ouat-tara.

L’autre défi du prochain quinquennat estéconomique. La « locomotive d’Afrique de l’Ouest » est repartie sur de bons rails. Maisla population ne profite pas encore des fruits de la croissance retrouvée et attend que cette richesse soit mieux redistribuée. Sans quoi le risque est grand d’alimenter les frustrations, en particulier celles d’unejeunesse désœuvrée. Un nouveau mandat ne sera donc pas de trop. Mais Alassane Ouattara a dorénavant les cartes en main pour répondre à toutes ces attentes. p

SI LA CRISE DES RÉFUGIÉS EST

PLUS PROFONDE QUE CELLE DE L’EURO, C’EST

QUE SES RACINES SE TROUVENT

HORS DE L’UNION

CÔTE D’IVOIRE : LES DEUX DÉFIS D’ALASSANE OUATTARA

EUROPE | CHRONIQUE

par cécile ducourtieux

Si cela peut nous rassurer…

L’UNION N’EST MÊME PAS

À LA TABLE DES NÉGOCIATIONS SUR LA SYRIE DEPUIS QUE

LA RUSSIE EST DANS LA PARTIE

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FUSIONS-ACQUISITIONSL’EUROPE, NOUVEAU TERRAIN DE CHASSEDES INVESTISSEURS

→ LIRE PAGE 4

PLEIN CADRELES ENTREPRISES BRITANNIQUES S’ÉCHARPENTSUR LE SALAIRE MINIMUM→ LIRE PAGE 2

PERTES & PROFITS | APPLE – DEEZER

La loi du plus fort

Apple, ton univers impitoyable », pour-raient chanter, sur l’air de la série« Dallas » des années 1970, les diri-geants de Deezer pour cacher leur

déception. Il a suffi de deux petites informa-tions pour doucher les espoirs de la société française de musique sur Internet. L’annonce quasi simultanée du nombre d’abonnés au toutnouveau service de musique par abonnement d’Apple, 6,5 millions en trois mois, et du lance-ment d’un service similaire chez YouTube, arenvoyé aux oubliettes le projet d’introduction en Bourse de Deezer, prévu cette semaine.

Bien sûr, d’autres éléments ont joué : la puis-sance de son concurrent suédois, Spotify, l’ab-sence de profits avant 2018. Mais, fondamenta-lement, le français est victime d’un syndrome bien connu dans le secteur high-tech : l’effet winner takes all. Le gagnant rafle tout et im-pose sa loi, celle du plus fort. Et ici, d’Apple.

Le luxe abordable

Jamais, dans l’histoire, une entreprise n’a en ef-fet gagné autant d’argent : 50 milliards de dol-lars (45,29 milliards d’euros) de bénéfice netsur son année fiscale. C’est 10 milliards de plus que le pétrolier ExxonMobil en 2012, au plus haut des prix du pétrole. Son chiffre d’affairesest désormais le double de celui du géant IBM.

La martingale d’Apple est celle qui a fait le suc-cès de BMW ou de LVMH : le luxe abordable. Unproduit assez cher pour se distinguer des con-currents, mais accessible à la classe moyenne qui en rêve. Et, comme pour le constructeur de

voitures bavarois ou le fabricant français desacs, c’est la Chine qui prouve la pertinence du modèle. En un an, Apple y a accru ses ventes depresque 100 %. Mieux encore, le prix moyen devente de ses iPhone dans le monde est passé, en un an, de 603 à 670 dollars.

La performance d’Apple prouve autre chose :la consécration du smartphone comme objet de consommation de masse, au point d’absor-ber progressivement tous les autres segmentsde l’électronique grand public, notamment les ordinateurs, tablettes et autres lecteurs de mu-sique et de vidéo. Il s’en est vendu 1,3 milliard en 2014. Et Apple « winner takes all » s’est oc-troyé, avec seulement 15 % de ce marché, près de 90 % de tous les profits du secteur.

A chaque publication des résultats de la so-ciété, les observateurs scrutent avec inquiétudela ligne « diversifications », qui peine à décoller. Mais il y a fort à parier que le futur d’Apple res-tera pour longtemps attaché à ce petit rectanglenoir et argent devenu indispensable pour beau-coup de monde. Comme l’était devenue l’auto-mobile pour nos parents. Un danger pour l’en-treprise ? Pas forcément. Reproche-t-on à BMW ou à Mercedes de ne faire « que » des voitures ?

Bien sûr, Apple ne montera pas jusqu’au cielet sa chute est déjà inscrite, comme celle des empires qui l’ont précédé. Alors, il moissonne et explore le territoire des services, comme le paiement ou la musique, qui rendront plus in-dispensable encore son petit bijou. Pas de chance pour Deezer. p

philippe escande

j CAC 40 | 4 858 PTS + 0,24 %

J DOW JONES | 17 581,43 – 0,24 %

J EURO-DOLLAR | 1,1044

J PÉTROLE | 46,71 $ LE BARIL

J TAUX FRANÇAIS À 10 ANS | 0,79 %

VALEURS AU 28/10 - 9 H 30

Deezer renonce à son introduction en Bourse

A l’annonce du report sinedie par la société Deezer,leader français du strea-

ming musical, de son projet d’in-troduction en Bourse sur le mar-ché Euronext, trois jours seule-ment avant l’opération, plusieurs images se bousculent : soit celle d’un avion sans ailes, soit celle d’un aéroplane dont la carlingue existe toujours mais qui présente de sérieuses déchirures dans sa voilure.

Dans son communiqué rendupublic mardi 27 octobre, la sociétéexplique qu’« elle évaluera ses dif-férentes options de financement dans le futur ». Elle se veut égale-ment rassurante : « Deezer dis-pose des capacités de financementet du positionnement adéquatpour poursuivre sa stratégie de croissance. »

Mais il n’est pas certain quecette analyse soit celle qui do-mine dans les mois qui viennent, alors qu’elle n’a pas été partagéepar les investisseurs financiers,qui n’ont pas répondu présent à la hauteur des sommes espérées. Petit rappel des événements : pour assurer son développement,la start-up française ambition-nait de lever 300 millions d’euros.Cette somme était calculée sur la base inférieure de la fourchettede souscription des titres (entre 36,40 et 49,24 euros).

alain beuve-méry

→LIRE L A SUITE PAGE 7

2,9MILLIONS

NOMBRE D’ABONNÉS ACTIFS

À DEEZER

Apple vole de record en record,porté par l’iPhone et la Chine

Le PDG de Renault, Carlos Ghosn,et le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, le 30 septembre 2014 à Sandouville(Seine-Maritime).CHARLY TRIBALLEAU/AFP

▶ La firme à la pommea engrangé un bénéficede 11,1 milliards de dollars, soit 10 milliards d’euros, au quatrième trimestrede son exercice

▶ Les ventes d’iPhone – 48 millions en trois mois – représentent près des deux tiers du chiffre d’affaires du groupe californien

▶ La Chine est désormais le deuxième marché d’Apple. En dépit du ralentissement chinois, les ventes d’iPhoney ont doublé en un an

▶ Le dollar fort a pesé sur le groupe de Tim Cook, coûtant 8 points de crois-sance, en termes de chiffre d’affaires, en un trimestre→ LIRE PAGE 5

Renault-Nissan : le fossé s’agrandit entre Ghosn et Macron

▶ Le PDG veut « rééquilibrer »l’alliance entreles deux groupes▶ Le ministrede l’économieentend préserverle poids de l’Etat dansl’actionnariat

→ LIRE PAGE 3

2 | plein cadre JEUDI 29 OCTOBRE 2015

0123

DEPUIS LA CRISE DE 2008,

LES SALAIRES DES BRITANNIQUES ONT FORTEMENT BAISSÉ. MALGRÉ UN REBOND

DEPUIS UN AN, ILS RESTENT 6 % EN DESSOUS DE

LEUR PIC DE 2009

londres - correspondance

Tous les matins, elle embauche à6 heures, pour son premier em-ploi. Avant l’arrivée des élèveset des enseignants, les salles declasse de cet établissement del’est de Londres doivent être

nettoyées, les tables époussetées, les pou-belles vidées… « J’ai deux heures et demie pour tout faire, et c’est toujours la course. »Ada [le prénom a été modifié] est payée au salaire minimum, soit 6,70 livres par heure (9,30 euros). Elle peut ensuite rentrer chez elle, se faire une tasse de thé, avant de repar-tir pour son deuxième emploi, dans les cui-sines d’une autre école. « C’est extrêmement physique. Il n’y a pas d’équipements moderneset il faut tout couper à la main. » Salaire :11,80 euros par heure.

En combinant ces deux emplois à tempspartiel, cette Indienne qui vit à Londres de-puis trente ans gagne à peu près 1 100 euros par mois. De quoi couvrir le loyer de son loge-ment social (830 euros) et quelques factures. A 55 ans, elle s’en sort grâce à son mari, qui ga-gne légèrement plus que le salaire minimumet travaille à temps plein, et parce que ses enfants sont adultes et financièrement indé-pendants. « Mais ce n’est plus acceptable. Onest pressuré en permanence, pour faire ga-gner toujours plus d’argent à l’entreprise. »

Le salaire de cette quinqua qui travaillepour Compass, une multinationale britanni-que spécialisée dans la restauration collec-tive et qui sous-traite notamment ses servi-ces aux écoles, n’a pas été augmenté depuis des années. Elle, comme ses collègues, pour la plupart immigrés et parlant mal l’anglais,peinent à se défendre. L’an dernier, son em-ployeur a dégagé un bénéfice net avant im-pôts de 1,5 milliard d’euros.

Jeudi 15 octobre, réunissant tout leur cou-rage, ils sont allés protester devant l’école, avec pancartes et soutien des syndicats. Au cœur de leurs revendications, l’amélioration de leurs revenus. Les données relatives aux revenus des ménages, publiées par l’ONS – l’Insee britannique – mercredi 28 novem-bre, ne devaient pas révéler de bonnes sur-prises : le cas d’Ada n’est pas isolé. Le Royau-me-Uni est l’un des pays européens qui compte le plus de bas salaires : 22 % des Bri-tanniques touchent en effet moins des deux tiers du salaire médian, soit moins de 19 000 euros par an. Un pourcentage bien plus élevé que la moyenne de l’Union euro-péenne (17 %) et qu’en France (6 %).

« La Grande-Bretagne crée des emplois dequalité très inférieure et avec des salaires nette-ment inférieurs que dans de nombreux autres pays, particulièrement dans les secteurs de l’hôtellerie, du commerce et des soins à domi-cile », s’inquiète la Resolution Foundation,un think-tank britannique. Ces millions d’emplois mal payés et faiblement qualifiés expliquent en grande partie le taux de chô-mage de seulement 5,4 % du Royaume-Uni.

UN CHŒUR DE LAMENTATIONS

Depuis la crise de 2008, cette tendance s’est renforcée. Les salaires des Britanniques ontfortement baissé. Malgré un rebond depuisun an, ils restent 6 % en dessous de leur picde 2009 (en valeur réelle).

La conséquence inattendue est une envo-lée des aides sociales pour les personnes qui ont un emploi. Traditionnellement, les allo-cations allaient principalement aux chô-meurs. Ce n’est plus le cas. La facture des cré-dits d’impôts, des aides créées en 2000 pour les familles les plus pauvres, a par exemple été multipliée par sept en quinze ans. Le gouvernement britannique a décidé de

besoins de base. Il est estimé à 12,30 euros de l’heure à Londres et à 10,90 euros dans le restedu Royaume-Uni. Largement au-dessus du salaire minimum légal.

La campagne fait boule de neige. Le moisdernier, l’enseigne de hard discount Lidl acréé l’événement en devenant la premièregrande surface à la signer, rapidement suiviepar les supermarchés Morrisons. Soit près de100 000 personnes qui ont bénéficié d’une augmentation rien que pour ces deux entre-prises. Pour Morrisons, le geste représenteenviron 55 millions d’euros supplémen-taires : à peine l’épaisseur de la virgule dans un chiffre d’affaires de 23 milliards d’euros.

RYTHME DE STAKHANOVISTE

La majorité des entreprises rejette pourtant ce point de vue. Mitchells & Butlers en est unbon exemple. Le groupe possède 1 800 pubset restaurants à travers le Royaume-Uni. Son modèle économique repose presque exclusi-vement sur les bas salaires, des cuisiniersaux serveurs. De plus, la conjoncture est dure : les pubs sont en déclin à travers tout lepays et l’été très pluvieux a aggravé les diffi-cultés. Pas question dans de telles conditionsd’imposer un salaire de vie.

John, l’un des cuisiniers du groupe, leregrette amèrement. L’homme de 22 ansconnaît son salaire au centime près. Il a com-mencé à 7,91 euros de l’heure à l’âge de 18 ans.Il est aujourd’hui à 10,35 euros de l’heure, trèslégèrement au-dessus du salaire minimum. Pour s’en sortir, il travaille jusqu’à soixante heures par semaine. Certaines de ses jour-nées débutent à 9 heures et finissent à mi-nuit. Ce rythme de stakhanoviste lui permet d’empocher 1 800 euros par mois. « Ce n’est pas mal, mais cela signifie que je n’ai aucune vie. J’ai le choix entre travailler tout le temps etgagner assez, ou avoir du temps mais ne pasavoir assez d’argent. » Selon lui, le restaurant du sud de Londres où il travaille dégage 36 000 euros de bénéfice chaque semaine.

« Refuser de payer le salaire de vie est de lacupidité de la part de l’entreprise », accuseSara Kasub, du syndicat Unite. Selon elle, il s’agit aussi d’un calcul à court terme. « En augmentant les salaires, Lidl va avoir desemployés qui seront plus heureux de travaillerpour lui, plus reconnaissants. Est-ce que ce n’est pas ce que veulent les entrepri-ses ? » Mitchells & Butlers admet que l’un de ses principaux problèmes est justement que ses salariés ne restent pas longtemps à leur poste. Chaque année, les trois quarts de ses employés sont renouvelés et une large partiene restent pas plus de trois mois, insatisfaits des conditions de travail et des salaires. Ja-loux peut-être aussi des revenus du directeurgénéral du groupe qui l’an dernier pouvaientmonter jusqu’à 3,2 millions d’euros ? p

éric albert

s’attaquer au problème. « Il n’est pas accepta-ble qu’on demande aux contribuables de sub-ventionner, via ce système de crédits d’impôts,les entreprises qui paient les salaires les plus bas », expliquait en juillet George Osborne, lechancelier de l’Echiquier.

Pour mettre fin à cette dérive, celui-ci selance dans un pari économique. D’une part, austérité oblige, il annonce des coupes dras-tiques dans les aides sociales, en particulierles crédits d’impôts. D’autre part, pour com-penser, il impose une forte hausse du salaire minimum (uniquement pour les plus de 25 ans). Celui-ci va augmenter de 7 % dès l’an-née prochaine, à 10 euros. D’ici à 2020, le salaire horaire devrait atteindre 12,50 euros. « La Grande-Bretagne doit passer dans lescinq prochaines années d’une économie à bassalaires et impôts et aides sociales élevées, à des salaires plus élevés, des impôts et des aidessociales plus basses », affirme M. Osborne.

La décision a pourtant provoqué une levéede boucliers. Les économistes ont rapidementcalculé que la hausse du salaire minimum ne compenserait pas les coupes budgétaires. Selon l’Institute for Fiscal Studies, la perte pour un foyer qui touche des crédits d’impôtssera de 760 euros par an en moyenne. L’af-faire a provoqué une tempête politique : lundi26 octobre, la Chambre des lords a voté pour bloquer les coupes des crédits d’impôts, une décision très rare de la Chambre haute britan-nique, qui n’intervient traditionnellement pas dans les affaires budgétaires.

Le patronat non plus ne cache pas son aga-cement. Tesco, le mastodonte de la grandedistribution, estime que sa masse salariale va augmenter de 700 millions d’euros d’ici à 2020 après cette décision d’augmenter le salaire minimum. Tim Martin, le patron de JD Wetherspoon, un groupe qui possède900 pubs, parle d’une mesure « populiste » etdéconnectée de la réalité. « On ne peut pas rendre ce pays plus riche en plaçant le salaire minimum à un niveau irréaliste. » Et le CBI,le principal groupe patronal, agite le spectredes licenciements. « Il n’est pas certain queles entreprises puissent faire face [à cetteaugmentation] sans réduire le nombred’heures travaillées », estime son directeur général, John Cridland. Les calculs officiels du gouvernement indiquent d’ailleurs unesuppression probable de 60 000 emplois d’ici à 2020.

Pourtant, derrière ce chœur des lamenta-tions, de nombreuses entreprises britanni-ques se sont lancées depuis quelques années dans une contre-offensive. Estimant que le smic britannique est tout simplement insuffi-sant pour vivre, 1 200 d’entre elles se sont en-gagées à verser à leurs employés un « salaire de vie ». Ce concept, développé par le Centre for Research in Social Policy, calcule le revenu minimum nécessaire pour couvrir les

Des employés de Burberry, soutenus par le syndicat IWGB, manifestent pour le versement d’un « salaire de vie », à Londres, en février. PETER MARSHALL

DEMOTIX/CORBIS

Grande-Bretagne, petits salaires

Le gouvernement britannique a provoqué la colère du patronat en annonçant une forte hausse du

salaire minimum, actuellement l’un des plus bas d’Europe. Cette mesure doit compenser

des coupes drastiques dans les aides sociales

0123JEUDI 29 OCTOBRE 2015 économie & entreprise | 3

Volkswagen bascule dans le rougeà cause de sa fraude sur le dieselLe groupe a enregistré une perte nette de 1,7 milliard d’eurosau troisième trimestre. Mais ses perspectives restent solides

berlin - correspondance

V olkswagen (VW) basculedans le rouge. Pour la pre-mière fois depuis plus de

vingt ans, le constructeur alle-mand a affiché une perte au troi-sième trimestre, due aux 6,7 mil-liards d’euros provisionnés fin septembre pour faire face aux sui-tes du scandale de ses moteurs diesel.

Selon les résultats publiés mer-credi 28 octobre, le géant de Wolfsbourg a enregistré une perte opérationnelle de 3,5 mil-liards d’euros entre juillet et sep-tembre. Son résultat net s’afficheà - 1,7 milliard d’euros.

Néanmoins, hors provisionsliées à la crise, le groupe peut s’enorgueillir de résultats solides sur les neuf premiers mois de l’an-née. Entre janvier et septembre, le chiffre d’affaires de VW a grimpé de 8,5 % par rapport à la même pé-riode de 2014, à 160,3 milliardsd’euros. Hors charges exception-nelles, le résultat opérationnel s’élève à 10,2 milliards d’euros.

« Les chiffres démontrent d’uncôté la solidité de la substance du groupe VW, et de l’autre, ils font clai-rement ressortir les premières con-

séquences de la situation actuelle. Nous ferons tout pour reconquérir la confiance perdue », a déclaré Matthias Müller, le PDG, mercredi.

Pour affronter la crise, VW peutcompter sur ses énormes réserves d’argent, immédiatement dispo-nible : grâce aux 3 milliards d’eurosobtenus lors de la vente des ac-tions qu’il détenait chez Suzuki, lesréserves nettes de liquidités du secteur automobile de VW s’élè-vent à 27,8 milliards d’euros, con-tre 17,6 milliards en décem-bre 2014.

Réflexe patriotique ?

Malgré l’ampleur du scandale, le groupe table sur un maintien de ses ventes en 2015 à leur niveau de2014, et sur une hausse du chiffre d’affaires de 4 %. Volkswagen a écoulé 7,43 millions de véhicules sur les neuf premiers mois del’année, en légère baisse de 1,5 %. Le résultat opérationnel devrait en revanche accuser un impor-tant recul, a annoncé le groupe à ses actionnaires.

Ces déclarations correspondentaux informations publiées mardi 27 octobre par l’agence DPA, selon lesquelles les ventes du groupe en Europe n’auraient pas souffert du

scandale pour l’instant. Les Alle-mands sont restés fidèles à Volk-swagen. Réflexe patriotique ou confiance dans les véhicules du groupe ? Selon DPA, les conduc-teurs germaniques ont même acheté plus de véhicules VW après la crise qu’avant. Mais la stabilité des ventes en Europe recouvre dessituations très différentes : VW ac-cuserait ainsi une chute nette en Grande-Bretagne. Le groupe refu-sait de commenter l’information.

S’il est encore très tôt pour me-surer les effets réels du scandale VW sur l’ensemble de l’économie allemande, les industriels du pays restent pour leur part confiants. Contrairement aux craintes de certains experts, qui anticipaient un effet négatif de la crise VW sur le « made in Germany », les indus-triels exportateurs n’ont pas revu leurs prévisions à la baisse. Au contraire : selon les estimations publiées mardi 27 octobre par la fé-dération des exportateurs et com-merçants de gros (BGA), les expor-tations allemandes devraient pro-gresser de 6 % en 2015, pour attein-dre 1 200 milliards d’euros. Jusqu’ici, les experts tablaient sur une progression de 4,5 %. p

cécile boutelet

Nouvelle épreuve de force entre Renault et l’EtatCarlos Ghosn veut rééquilibrer l’alliance avec Nissan, Emmanuel Macron s’y oppose farouchement

La tension monte entre Re-nault et son premier ac-tionnaire, l’Etat. Après lebras de fer du printemps

autour de l’instauration de droits de vote double chez le construc-teur français, une nouvelle passed’armes est engagée. Au centre dudébat, cette fois, l’alliance entre Renault et le japonais Nissan, quifait de ce duo le quatrième cons-tructeur au monde derrière Toyota, Volkswagen et General Motors.

Faut-il modifier les accords fi-nanciers entre Renault et Nissan ?Retoucher l’architecture de cetteassociation très exceptionnelle dans le monde industriel ? Carlos Ghosn en est persuadé. « Il faut fortifier cette alliance », a réaf-firmé, mercredi 28 octobre, le pa-tron franco-brésilien, qui dirigesimultanément les deux groupes.Selon le PDG, Renault, Nissan etleurs différents actionnaires se-raient d’ailleurs « tous d’accord » sur ce point.

« A partir du moment où nouspartageons tous cette conviction,tout le reste est facile à résoudre, etje n’ai absolument aucun doute surle fait que l’on continuera à trouverdes points de convergence entre lesdifférentes parties pour que cettealliance continue de progresser », asouligné M. Ghosn, à l’occasion del’ouverture du Salon de l’automo-bile de Tokyo.

Un casus belli

Pas question de revoir les accords,avait au contraire assuré la veille Emmanuel Macron. « Il ne faut pas déstabiliser l’alliance par des changements, des rééquilibrages, des modifications de gouver-nance, qui d’ailleurs peuvent en-traîner des conflits d’intérêts », avait déclaré le ministre de l’éco-nomie, au nom de l’Etat, toujours principal actionnaire de Renault.

Les bisbilles entre l’Etat et leconstructeur ont commencé au printemps, avec la « loi Florange ».Voté en 2014, ce texte prévoit que les actions détenues depuis plus de deux ans bénéficient d’un droit de vote double lors des as-

semblées générales. L’objectif est de favoriser l’actionnariat à longterme au détriment des investis-seurs spéculatifs. Problème : le conseil d’administration de Re-nault et son PDG sont en majoritéhostiles à cette disposition.

Avant son application, M. Ghosnétait en effet relativement maître chez lui. L’Etat, premier action-naire de Renault avec 15 % du capi-tal à l’époque, n’était pas en me-sure de dicter sa loi ; il avait par exemple contesté plusieurs fois, en vain, l’énorme rémunération du PDG. Nissan a encore moins voix au chapitre. Considéré comme une filiale de Renault, le groupe japonais n’a pas le droit devoter aux assemblées de sa mai-son mère. Le reste du capital est totalement éclaté.

Avec des droits de vote double,

la situation sera très différente,l’Etat actionnaire pourra davan-tage imposer ses vues. Pour Car-los Ghosn et son conseil, c’est un casus belli. En avril, ils ont sou-tenu une résolution prévoyant de maintenir uniquement des droits de vote simple. Pour imposer sa position, le gouvernement a alors engagé l’épreuve de force. Il aacheté en Bourse un paquet d’ac-tions Renault, est monté provisoi-rement à 23,2 % des droits de vote,et est ainsi parvenu à bloquer la résolution litigieuse lors de l’as-semblée du 30 avril.

Depuis, la situation semblaitnormalisée. L’Etat s’est engagé à revendre rapidement les 4,8 % qu’il a acquis, pour revenir à la si-tuation antérieure. Mais grâce à ses droits de vote double, exerça-bles à partir de mars 2016, il dispo-

sera enfin d’une minorité de blo-cage de façon durable.

M. Ghosn et ses partisans nes’avouent cependant pas vaincus. Leur solution ? Une refonte desliens entre Renault et Nissan. Hi-roto Saikawa, le représentant deNissan au conseil de Renault, a ré-

cemment fait circuler une note ence sens, a révélé l’agence Reuters, mardi 27 octobre. Dans ce docu-ment de trois pages, daté du 3 septembre, Nissan propose un« rééquilibrage » de l’alliance.

Selon ce projet, Renault descen-drait au capital de Nissan, passantde 43,4 % à moins de 40 %. Simul-tanément, Nissan, qui ne contrôleaujourd’hui que 15 % de Renault,augmenterait sa part. Au bout du compte, les deux partenaires dis-poseraient de participations croi-sées plus équilibrées, en détenantidéalement « entre 25 % et 35 % » l’un dans l’autre.

« Préserver tous les équilibres »

Conséquence directe de cette re-fonte : Nissan ne serait plus consi-déré comme une filiale du cons-tructeur tricolore. Il pourrait voterlors des assemblées de Renault, et contrebalancer ainsi l’autre grand actionnaire, l’Etat français.

Une telle réorganisation pour-rait se justifier par l’évolution des performances des deux alliés.Nissan, au secours duquel Re-nault avait volé en 1999, estaujourd’hui plus rentable que sonancien « sauveur », et pèse 73 % deplus en Bourse…

Mais M. Macron ne veut claire-ment pas de cette remise à plat. « Cette alliance, nous voulons enpréserver tous les équilibres », a martelé le ministre, mardi. Il tientà maintenir la prépondérance ac-tuelle de Renault dans le disposi-tif, et le rôle de l’Etat, son premier actionnaire. « Il n’est pas question de détricoter l’alliance, appuie-

SOURCES : BLOOMBERG, RENAULT, LES ÉCHOS

Le montage capitalistique de l’alliance Renault-Nissan

RENAULT

ÉTAT

DAIMLER

ALLIANCE

SALARIÉSACTIONNARIAT

FLOTTANTAUTOCONTRÔLE

NISSAN

43,4 %

19,7 %

3,1 %

57,8 % 3 % 1,4 %

15 %

(sans droitsde vote)

(23 % des droits de vote)

Participation au capital à fin octobre

t-on dans son entourage. Le sens de l’histoire, c’est au contraire une intégration plus forte des deuxgroupes. »

Dans l’immédiat, l’Etat n’ad’ailleurs pas cédé les 4,8 % de Nis-san qu’il avait achetés en avril et promis de revendre juste aprèsl’assemblée générale. Officielle-ment, ce statu quo est lié à la chute inattendue de l’action Re-nault à la suite de l’affaire Volk-swagen, qui a fait trembler tout le secteur automobile en Bourse.Autant patienter un peu, le temps que le titre remonte, cela évitera d’essuyer une moins-value tou-jours malvenue, estime-t-on àBercy. Mais ces turbulences bour-sières font peut-être bien les cho-ses : en conservant pour le mo-ment sa participation à 19,7 %,l’Etat montre aussi qu’il faut compter avec lui. p

denis cosnard

Les désaccords

entre l’Etat et le

constructeur ont

commencé au

printemps, avec

la « loi Florange »

instaurant

le droit de vote

double lors

des assemblées

générales

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4 | économie & entreprise JEUDI 29 OCTOBRE 2015

0123

L’Europe devient la cible de choix des investisseursLes projets de fusions-acquisitions dans le monde sont à leur plus haut niveau depuis six ans

Les fusions acquisitionsont le vent en poupe.Alors que les rachats d’en-treprises atteignent des

niveaux record cette année, ja-mais depuis six ans les projets n’ont été aussi importants. Selon le baromètre EY (ex-Ernst & Young) « global capital confi-dence » publié mardi 27 octobre, six dirigeants sur dix envisagent une acquisition dans les douzemois à venir. Dans cette enquêteréalisée entre août et septembre auprès de 1 600 dirigeants dans53 pays, plus de la moitié des par-ticipants affirment étudier active-ment au moins trois rachats. Lessecteurs les plus concernés par cette fièvre acheteuse sont l’éner-gie (pétrole et gaz), les biens deconsommation, les mines et métaux, les produits industriels diversifiés et les « utilities » (servi-ces aux collectivités).

« Une forme d’unanimité se dé-gage » constate Rudy Cohen Scali,associé d’EY, responsable de l’acti-vité fusions et acquisitions.« 80 % des décideurs considèrent que ce marché sera encore plus ac-tif dans les douze prochains moisqu’il ne l’est aujourd’hui ». Toute-fois, relativise-t-il, « si l’intentiond’acquisition est très forte, il faut que les cibles soient de très grandequalité et répondent à un impéra-tif stratégique ». Tous les projets ne se réalisent pas ou peinent à seconcrétiser. Ainsi, malgré leur ap-pétit pour des rachats, 73 % desmêmes dirigeants se sont retirés d’opérations durant les douzederniers mois.

Depuis plus d’un an, les grandesmanœuvres ont reprises, portées par l’abondance de liquidités en raison du bas niveau des taux d’intérêt. Selon l’étude, les diri-geants interrogés ont intégré lavolatilité des marchés des chan-ges et des matières premières tout comme les incertitudes géo-politiques. Dans un environne-ment de faible croissance, les

acquisitions restent un levier decroissance fort. « C’est aussi pour elles une manière de défendre leur position face à des nouveaux en-trants portés par l’évolution digi-tale et susceptible de menacer leurs parts de marchés histori-ques » estime M. Cohen Scali.

Les pays les plus prisés par les in-dustriels interrogés sont les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allema-gne, la Chine et l’Inde. « On s’at-tend à un marché très actif enEurope dans les douze prochains mois » prédit-il en raison de l’abondance des liquidités, du ris-que moindre de la zone euro. A cela s’ajoute le regain du dollar face à l’euro.

« De la valeur sur le long terme »

Ce sondage paraît alors que le marché vit sa plus importanteOPA avec la perspective du rachatpar le numéro un de la bière, lebelgo-brésilien AB InBev, du nu-méro deux, le britannique SAB-Miller, pour 104,2 milliards de dollars (100 milliards d’euros). Lelancement de cette opération,fixé initialement au mercredi 28 octobre, a été reporté d’une se-maine. Si elle aboutit, cette opéra-tion sera la quatrième plus grossefusion de l’histoire. Le record avait été atteint dans les télécomspar le « deal » à 202,8 milliards de dollars réalisé par Vodafone lorsdu rachat de Mannesmann en 1999, peu avant l’éclatement de la bulle Internet.

Ce mariage dans la bière porteraà 3 380 milliards de dollars le mon-tant des fusions-acquisitions de-puis le début de l’année, selon les données de Thomson Reuters. Cela représente une hausse de 35 % sur la période comparable de 2014 et un record depuis les tren-te-cinq ans d’existence de cette statistique. « Ce mouvement s’ins-crit surtout dans une logique plus profonde de recentrage des grou-pes sur les pays développés après ladéconvenue sur les marchés émer-gents » précise Olivier Passet, di-recteur de synthèse dans le cabi-net d’études Xerfi. Les grands

groupes profitent de l’opportunitédes taux bas. Il s’agit de « prendrele contrôle des actifs les plus straté-giques : brevets, licences, marques, avec l’objectif aussi de rationaliser l’outil de production ».

Le Boston Consulting Groups’est interrogé sur l’impact de cette frénésie d’achats. « Plus lesgroupes font d’acquisitions, plus ilsgénèrent de la valeur sur le long terme », estime ce cabinet de con-seil dans un rapport annuel pu-blié le 13 octobre. Sur vingt-cinq ans, les entreprises qui se sont dé-veloppées uniquement par crois-sance interne réalisent un « total

shareholder return » (« retour to-tal pour l’actionnaire ») annuelmoyen de 5,6 %. Cet indice passe à11 % pour les entreprises ayant ef-fectué de très fréquents achats.

Mais toutes ces opérations nesont pas couronnées de succès,comme le rappelait Keith Dunbarprésident de Potentious, un cabi-net de consultants américain,dans la Harvard Business Re-view d’avril-mai. « Leurs mises en œuvre restent délicates : 40 % à80 % des fusions n’atteignent pasleurs objectifs. » Le succès dépenddes « compétences en leadership »des acquéreurs et leur capacité à

motiver les équipes pour faciliter l’intégration. L’une des condi-tions de la réussite est aussi d’ac-corder de l’importance aux ca-dres intermédiaires dans les en-treprises rachetées. Les effortspour les retenir peuvent alors se révéler payants.

Malgré ces réserves, rien nesemble ralentir le mouvement en ce début d’automne. Pourtant « les arbres ne montent jamais jus-qu’au ciel ». Très prisé par les bour-siers, ce dicton incitant à la pru-dence n’est visiblement pas en-tendu par les investisseurs. p

dominique gallois

Le rachat

de SABMiller par

le leader mondial

de la bière,

AB InBev, serait

la quatrième plus

grosse fusion

de l’histoire

AFRIQUE ET AFRIQUE ET AFRIQUE ET AFRIQUE ET MOYEN-MOMOYEN-MOYEN- ORIENT ORIENT

AMÉRIQUEDU NORDDU NORD

AMÉRIQUEAMÉRIQUETINELATINE

ASIEASIEPACIFIQUEPACIFIQUECIFIQUE

EUROPEEUROPEDE LDE L’ESTEUROPEEUROPEEUROPEEUROPE

DE L’OUESTDE L’OUESDE L’OUEST’OUES

Dans une région lointaine

Dans une région proche

Dans le pays d’origine

Destinationprivilégiée

Destinations des projets d'investissements des entreprises RÉPARTITION, PAR ZONE GÉOGRAPHIQUE, DES PROJETS D’INVESTISSEMENT DES ENTREPRISES

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ÉTATS-UNIS ROYAUME-UNI

CHINE INDE ALLEMAGNE AUSTRALIE CANADA BRÉSIL FRANCE ARGENTINE

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

3 1 2 6 4 5 7 8 7 10Classement

en 2014

TOP 10 DES PAYS

DANS LESQUELS

LES ENTREPRISES

SOUHAITENT INVESTIR

En deux ans, l’attractivité de la France a progresséL’Hexagone est 27e du classement « Doing Business » établi par la Banque mondiale

C’ est un peu l’histoire dela bouteille à moitiévide ou à moitié pleine.

Dans l’édition 2016 de « DoingBusiness », le rapport de la Ban-que mondiale, publié mardi 27 octobre, sur les pays les plus ac-cueillants pour les entreprises, la France apparaît à la 27e place sur189 pays, comme l’année der-nière. A première vue, l’Hexagonestagne, loin derrière l’Allemagne (15e), le Royaume-Uni (6e) ou en-core Singapour, qui caracole en tête depuis des années.

Lancé en 2003, le classement dela Banque mondiale passe en re-vue le cadre réglementaire dans lequel évoluent les PME : procédu-res nécessaires pour ouvrir une activité ou la transmettre, facilitéà obtenir un crédit ou encore dé-lais de transfert des titres de pro-priété. Le handicap de la France ? De la paperasserie trop lourde, no-tamment en matière d’obtention des permis de construire (183 jours contre 96 en Allemagne), mais aussi un taux global d’impo-sition sur les profits des sociétés plus élevé que chez ses voisins, à62,7 % contre 48,8 % en Allemagneou 32 % au Royaume-Uni.

Le rapport de la Banque mon-diale doit pourtant être analysé avec prudence, préviennent leséconomistes. Le classement ini-tial de 2015 a en effet été revu a posteriori selon la nouvelle mé-thodologie adoptée récemmentpar l’institution. Selon celle-ci, la France est ainsi passée de la 31e à la27e place en 2015, comme dans

l’édition 2016. En 2014, l’Hexa-gone était en revanche 38e. Diffi-cile de s’y retrouver… « Le point faible de ce classement est que lescritères pris en compte changent régulièrement d’une année sur l’autre, ce qui ne permet pas de comparaisons historiques sérieu-ses sur l’évolution des pays », souli-gne Christopher Dembik, écono-miste chez Saxo Banque.

Dans tous les cas, une chose estsûre : la nouvelle méthodologie de la Banque mondiale explique en partie la remontée de la Franceces deux dernières années. Pour faire face aux critiques régulièresdont ils font l’objet, ses expertsont en effet ajouté une évaluationqualitative de certains services administratifs. Exemple ? En Ara-bie saoudite, transférer un titre depropriété d’une entreprise à une autre se fait en une semaine et ne coûte rien. Mais les registres sont si opaques et complexes qu’il fautplus de trois ans pour démêler un conflit entre deux propriétaires.

Bonne note sur l’import-export

« En France, un tel transfert prendquarante-neuf jours et coûte 6,1 % de la valeur de la propriété », expli-que le rapport. Mais grâce à la transparence des procédures et fi-chiers tels que notre cadastre, les éventuels conflits autour des droits de propriété sont rapide-ment résolus. Un bon point pournotre administration.

La Banque mondiale souligneégalement les efforts entrepris parla France pour réduire les charges

des entreprises. « Le crédit d’impôtpour la compétitivité et l’emploi (CICE) a nettement porté sesfruits », estime M. Dembik. Entré en vigueur en 2013, ce crédit d’im-pôt porte sur la masse salariale des salariés dont la rémunération n’excède pas 2,5 fois le smic. Selon l’Insee, il a contribué à améliorer le taux de marge des sociétés fi-nancières de 0,9 point en 2014.Mais il a aussi permis de modérer l’évolution du coût du travail.

Dans une étude publiée mer-credi 28 octobre, l’Insee montre ainsi que grâce au dispositif, l’in-dice du coût du travail dans l’in-dustrie a progressé de 1,1 % dans l’Hexagone entre 2012 et fin 2014, contre 2,1 % dans la zone euro et 3,2 % en Allemagne. Entre 2000 et 2012, l’évolution était inverse : le coût du travail progressait plus vite chez nous qu’outre-Rhin. Si l’on s’en tient à la seule industrie manufacturière, le coût horaire de la main-d’œuvre au deuxième tri-mestre 2015 est désormais infé-

rieur à Paris (37,50 euros) qu’à Ber-lin (39,50 euros), selon Eurostat. « La stratégie suivie par le gouver-nement pour regagner du terrain en la matière porte ses fruits », sou-ligne Gilles Moec, économiste chez Bank of America ML. « L’écart entre nos deux pays se resserre, même si le coût du travail ne peut être le seul critère à prendre en compte ».

Le rapport de la Banque mon-diale révèle également une bonnesurprise : la France est classée pre-mière des 189 pays en matière de commerce transfrontalier. Et cela,grâce aux ambitieuses mesures lancées ces dernières années parles douanes afin de dématériali-ser les procédures d’import-export, accélérer le passage auxfrontières et faciliter la vie des en-treprises exportatrices. « C’est trèsencourageant », souligne Sébas-tien Jean, spécialiste du com-merce international et directeurdu Centre de recherche françaisdans le domaine de l’économie internationale (Cepii).

Comme de nombreux écono-mistes, ce dernier appelle à com-pléter le « Doing Business » de laBanque mondiale par d’autresclassements, plus qualitatifs,permettant de mieux appréhen-der ce qui constitue l’attractivitéd’un pays. A l’image du « BetterLife Index », de l’OCDE, qui per-met de comparer les Etats selondes critères tels que le système desanté, l’éducation ou l’environ-nement. p

marie charrel

Vin : l’Europe assoit sa domination du marchéMalgré une production en hausse, la France cède sa place de leader mondial à l’Italie

F inalement, les vendangesfrançaises ont été plusabondantes que prévues.

Alors que les prévisions évo-quaient en septembre, une éro-sion de la production dans l’Hexa-gone en 2015, l’Organisation inter-nationale de la vigne et du vin (OIV) table finalement, selon les chiffres publiés mercredi 28 octo-bre, sur une progression de 1 %. La très bonne récolte en Languedoc-Roussillon, première région viti-cole française, en augmentation de 7 %, ainsi qu’une hausse atten-due dans le Bordelais, ont plus quecompensé la moindre opulenceen vallée du Rhône, en Bourgogne et dans le Beaujolais. Pas suffisant toutefois pour conserver le titre depremier producteur mondial devin, repris cette année par l’Italie.

La roulette russe de la météo faitet défait les règnes. Cette année, les cieux ont été favorables aux vi-gnes transalpines. Selon l’OIV, laproduction viticole italienne affi-che une hausse de 10 % à 48,8 mil-lions d’hectolitres. Un fort re-bond, après, il est vrai, des ven-danges 2014 maigrelettes. De quoidépasser d’une courte tête la France qui totalise 47,3 millionsd’hectolitres. Suit l’Espagne, en re-trait cette année de 4 % à 36,6 mil-lions d’hectolitres.

Ces performances du trio de têtedu classement mondial confor-

tent la domination européenne. Ces trois pays représentent à, eux seuls, 48 % de la production mon-diale, estimée cette année parl’OIV à 275,6 millions d’hectoli-tres, en progression de 2 %. Pas de risque de pénurie donc, alors que la consommation mondiale de-vrait osciller entre 235,7 et 248,8 millions d’hectolitres.

Parmi les autres pays gagnantsen 2015, les Etats-Unis se distin-guent. Le quatrième producteur mondial progresse de 1 % à22,1 millions d’hectolitres. Mais la palme de la hausse est décrochéepar le Chili, avec un bond de 23 %, à12,8 millions d’hectolitres, talon-nant le numéro cinq mondial l’Ar-gentine en repli de 12 % à 13,35 mil-lions d’hectolitres. La Chine reste au huitième rang mondial, avec une production estimée par l’OIV, à 11,17 millions d’hectolitres, sa-chant que la situation réelle de cepays est difficile à évaluer.

La France conserve toutefoisune couronne, celle de premier producteur mondial de vins ro-sés. Avec un tiers des volumes to-taux, soit 7,6 millions d’hectoli-tres, elle devance cette fois l’Espa-gne (5,5 millions d’hectolitres) et les Etats-Unis (3,5 millions d’hec-tolitres). L’Italie avec 2,5 millions d’hectolitres ne se classant qu’enquatrième position. p

laurence girard

La Banque

mondiale salue

les efforts

entrepris

par la France

pour réduire

les charges

des entreprises

0123JEUDI 29 OCTOBRE 2015 économie & entreprise | 5

Apple, toujours plus haut,mais jusqu’où ?Le groupe américain a, en un seul trimestre, dégagé un bénéficede 10 milliards d’euros

new york - correspondant

Une fois de plus, ceuxqui attendaient Appleau tournant en sontpour leurs frais.

Même si, trimestre après trimes-tre, la barre est de plus en plus haute pour maintenir ses taux de croissance stratosphériques, legroupe de Cupertino (Californie)a réussi, mardi 27 octobre, à dé-passer les anticipations des ana-lystes en termes de bénéfices et dechiffre d’affaires.

Le fabricant de l’iPhone a publiéau titre du quatrième trimestre deson exercice fiscal clos le 26 sep-tembre un bénéfice net de 11,1 milliards de dollars (10 mil-liards d’euros), en hausse de 31 % par rapport à la même période de l’année précédente. Sur l’ensem-ble de son exercice, c’est un béné-fice de 53,4 milliards de dollars qu’affiche la firme à la pomme.

Côté ventes, les performancessont tout aussi impressionnantes. Apple a réalisé au quatrième tri-mestre de son exercice un chiffre d’affaires de 51,5 milliards (46,6 milliards d’euros), soit un bond de 22 %. Des résultats qui ontpermis au groupe d’amasser une trésorerie pléthorique de 205,7 milliards de dollars (186,4 milliards d’euros), en haussede 33 % en un an, alors que ses pra-tiques d’optimisation fiscale sont de plus en plus contestées.

Si l’argent continue de couler àflot chez Apple, deux petites dé-ceptions sont toutefois venuesnuancer ce tableau impression-nant. D’abord, les ventesd’iPhone, qui représentent 63 % du chiffre d’affaires et un pour-centage encore plus important dubénéfice du groupe, sont légère-ment en dessous de ce que pré-voyaient les analystes. Apple aainsi vendu 48 millions de smart-phones. C’est 8,7 millions de plusqu’au cours du quatrième trimes-tre de l’exercice précédent, mais lemarché s’attendait à légèrement mieux (48,72 millions d’unités).

Les ventes d’iPad déçoivent

Point positif, néanmoins, Apple gagne des parts de marché : sur la période trimestrielle considérée, 30 % des acheteurs d’iPhone étaient des clients d’Android, le système d’exploitation de Google,un « record », selon Tim Cook, le PDG du géant californien.

Moins stratégiques, les ventesd’iPad n’ont pas été à la hauteur des attentes, avec 9,9 millions d’unités vendues, soit 1 million demoins qu’au trimestre précédent.

de la hausse du dollar sur ses comptes. Entre juillet et septem-bre, les effets de change lui ont ainsi coûté 8 points de croissance en termes de chiffre d’affaires. Ce phénomène continuera à jouersur la fin de l’année, a affirmé le PDG. « Il est question de savoir si nous allons réaliser une croissanceà un chiffre ou deux », a-t-il insisté,laissant entendre que dans le con-texte monétaire actuel, cette in-certitude restait un luxe. D’autant

que la marge brute, la part du chif-fre d’affaires, une fois retranchésles coûts de fabrication, devrait semaintenir aux alentours de 40 %, un niveau très confortable.

Pour nourrir la croissance, Applemise sur le lancement de nou-veaux produits. « Nous entrons dans la période des fêtes avec notremeilleure gamme de produits », a affirmé M. Cook. Il s’agit d’abord des nouvelles versions de l’iPhone 6, commercialisées de-puis la fin septembre, même si le saut technologique par rapport à l’ancienne version peut laissersceptique. Un nouvel iPad doté d’un grand écran a également été annoncé, tandis que les livraisons de l’Apple TV devraient commen-cer cette semaine. Quant à l’iWatch, la montre connectée, le groupe est resté très discret sur sesperformances. Les ventes sont noyées au milieu de celles de l’iPod, de l’Apple TV et de Beats,

son service de streaming musical. Un ensemble d’activités qui a réa-lisé un chiffre d’affaires de 3 mil-liards de dollars, en hausse de 61 %.

L’autre préoccupation des ana-lystes porte sur la croissance d’Ap-ple en Chine. Les chiffres publiés mardi sont plutôt de nature à ras-surer. Le pays est désormais le deuxième marché du groupe, re-présentant 24 % des ventes, der-rière les Etats-Unis. Les ventesd’iPhone ont quasiment doublé en un an. Toutefois, c’est 700 000 de moins qu’au cours du trimes-tre précédent. Les premiers effets du ralentissement de l’économiechinoise ? « Pour le moment, on nepeut pas vraiment dire que l’on res-sent une différence », a assuré M. Cook. Mais qu’il s’agisse de la Chine ou de l’iPhone en général, chaque trimestre qui passe rend le rythme de croissance de plus enplus compliqué à tenir. p

stéphane lauer

La Chine est désormais le deuxième marché d’Apple, avec 24 % des ventes mondiales. DAMIR SAGOLJ/REUTERS

Alibaba profite du boomdes smartphones en ChineLe chiffre d’affaires trimestriel du marchand en ligne a bondi de 32 %

shanghaï - correspondance

L e basculement des consom-mateurs chinois vers lesmartphone est une excel-

lente nouvelle pour Alibaba. Le géant du commerce en ligne a en-registré, sur les trois mois courantjusqu’au 30 septembre, un chiffre d’affaires en progression de 32 %, pour atteindre 22,17 milliards de yuans (3,16 milliards d’euros). Il revendique désormais 386 mil-lions d’usagers, soit 26 % de plusqu’un an auparavant.

Le volume de transactions surterminaux mobiles s’effectuant sur les plates-formes d’Alibaba abondi de 121 % en un an, pour at-teindre 440 milliards de yuans. Le groupe de Hangzhou (sud-ouest de Shanghaï) met cette perfor-mance sur le compte de l’augmen-tation du nombre d’usagers demobiles, mais aussi sur l’amélio-ration de leur pouvoir d’achat.

Pourtant, l’introduction enBourse, à New York, de l’empire deJack Ma en septembre 2014 – la plus chère de l’histoire – avait étésuivie d’une phase de déception. Surévalué, Alibaba avait vu soncours chuter significativement,tandis qu’au même moment les autorités chinoises se penchaient sur les produits contrefaits ven-dus sur Taobao, un site de vente

en ligne pour les particuliers ap-partenant au milliardaire.

Malgré ces déboires et le ralen-tissement économique, le déve-loppement de la société de con-sommation permet à Alibaba de continuer à croître rapidement enChine, où il réalise 78 % de sonchiffre d’affaires. « La solidité fon-damentale de nos affaires nous donne la confiance nécessaire pour investir dans nos priorités stratégiques », a commenté Mag-gie Wu, directrice financière dugroupe, mardi 27 octobre.

Montée en gamme

« Nous gagnons sur le mobile etrestons focalisés sur nos priorités, notamment l’internationalisation,le développement d’un écosystèmeallant des villes aux villages, et la construction d’un système de cloud de qualité internationale », a

surenchéri Daniel Zhang, direc-teur général d’Alibaba.

Le groupe fondé par Jack Maentend percer à l’étranger, alorsqu’il domine déjà 90 % des ventesen ligne en Chine et qu’émergent de nouveaux acteurs. Comme Jingdong, un site qui n’est pas unesimple plate-forme, mais qui as-sure lui-même le service, de la vente à la livraison, suscitant plus aisément la confiance que Tao-bao, où peuvent sévir commer-çants ou livreurs peu fiables.

En juin, Alibaba avait été con-traint de reconnaître l’échec de son expérience aux Etats-Unis avec le site 11 Main, qui propose aux consommateurs américains une sélection de produits, et dont il s’est séparé. Le groupe espère désormais appuyer son dévelop-pement sur l’Europe. Trois bu-reaux, qualifiés d’« ambassades », sont en cours d’ouverture, en Alle-magne, en France et en Italie. Ali-baba espère ainsi convaincre un nombre croissant de marques européennes, plus haut de gammeque leurs concurrentes chinoises, d’utiliser son site Tmall, une sorte de centre commercial en ligne. Une manière de se débarrasser de la mauvaise image qui lui colle à lapeau, en particulier auprès des consommateurs chinois. p

harold thibault

Pour le septième trimestre d’affi-lée, les ventes de tablettes chu-tent. Ce reflux s’explique notam-ment par le lancement il y a un ande l’iPhone 6 Plus, un smart-phone doté d’un grand écran, qui vient cannibaliser les ventes del’iPad.

Mais plus que par le passé,M. Cook était attendu sur l’avenir,notamment sur les prévisions pour les mois d’octobre à décem-bre, une période cruciale, ryth-mée par la saison des fêtes. « Noussommes assez confiants sur notre croissance », a-t-il affirmé. Le PDG table sur des ventes comprises en-tre 75,5 milliards et 77,5 milliards de dollars. Wall Street, qui s’atten-dait à un minimum de 77 mil-liards de dollars, a de quoi rester sur sa fin.

M. Cook a toutefois souligné, aucours d’une conférence avec les analystes, que cette croissance de-vait être jugée à l’aune de l’impact

Après un échec

aux Etats-Unis

cet été, le groupe

espère désormais

appuyer son

développement

sur l’Europe

La firme à la

pomme est restée

très discrète sur

les performances

de l’iWatch,

sa montre

connectée

INTERNETLa liberté d’accès à Internet recule en FranceAux côtés de la Libye et de l’Ukraine, la France a subi un « recul notable » de la liberté d’accès à Internet, selon un rapport de l’ONG Freedom House, publié mercredi 28 octobre. « La position de la France a baissé principale-ment à cause de politiques problématiques adoptées après les attaques terroristes de Charlie Hebdo » en janvier, a-t-elle expliqué, citant no-tamment la loi controversée sur le renseignement adop-tée par le Parlement en juin. Malgré son recul, la France fi-gure à la neuvième place des dix-huit pays classés « li-bres ». – (AFP.)

TÉLÉCOMSLe chiffre d’affaires d’Altice en baisse de 3 % au troisième trimestreLe groupe de médias et télé-coms Altice, propriété de l’homme d’affaires Patrick Drahi, a annoncé, mercredi 28 octobre, avoir réalisé, au troisième trimestre, un chiffre d’affaires de 3,84 milliards d’euros, en baisse de 2,9 %, principalement sous l’effet du recul des ventes de l’opérateur Numericable-SFR. Altice a ce-pendant vu son excédent brut d’exploitation (Ebitda) pro-gresser de 13 % sur la période, à 1,53 milliard d’euros. Sa fi-liale Numericable-SFR a quant à elle enregistré un bénéfice net de 103 millions d’euros, contre une perte de 11 mil-lions un an plus tôt. – (AFP.)

1 %C’est le pourcentage des entreprises françaises qui ont assuré, en 2013, 97 % des exportations et 55 % de l’emploi du secteur marchand, selon une étude de l’Insee publiée mercredi 28 octobre. L’économie française reste ultra-dominée par les très grands groupes. Ces 24 000 entreprises, qui représentent 65 % de la valeur ajoutée nationale, ont également assuré 85 % de l’investissement total, avec plus de 500 000 euros an-nuels dépensés pour chacune. A l’inverse, une entreprise sur deux n’a pas du tout investi en 2013. Par ailleurs, entre 2012 et 2013, les plus grandes entreprises ont majoritairement été en croissance, tandis que plus de la moitié des entreprises de plus petite taille ont vu leur valeur ajoutée diminuer. – (AFP.)

CONJONCTURELe moral des consommateurs allemands se dégradeLa confiance des consomma-teurs allemands s’est repliée pour le troisième mois d’affi-lée en octobre et devrait con-tinuer à se dégrader, sur fond d’inquiétudes concernant l’af-flux de migrants, selon la der-nière édition du baromètre GfK, publiée mercredi 28 oc-tobre. Cet indicateur a reculé à 9,6 points en octobre, son plus bas niveau depuis février. – (AFP.)

DÉFENSENorthrop remporte le contrat du prochain bombardier américainC’est finalement Northrop Grumman qui a remporté la mise : le groupe de défense américain va construire le prochain bombardier améri-cain à long rayon d’action, un contrat juteux estimé à plus de 55 milliards de dollars

(49,8 milliards d’euros). Après de longs mois de suspense, le Pentagone a annoncé, mardi 27 octobre, l’attribution de la prestigieuse commande. Cha-que exemplaire devrait coû-ter 564 millions de dollars. Northrop Grumman colla-bore avec l’armée de l’air des Etats-Unis depuis trente ans.

E-COMMERCEPixmania placé pour six mois en procédure de sauvegardeAprès plusieurs années de dé-ficits et de plans sociaux, le site de vente en ligne de pro-duits électroniques Pixmania a été placé, mardi 27 octobre, en procédure de sauvegarde pour six mois, par le tribunal de commerce de Nanterre. Pixmania, qui emploie 430 personnes dont 320 en France, espère ainsi se trans-former en place de marché (site ouvert à des vendeurs tiers), ultime chance pour lui d’assurer sa pérennité.

LES CHIFFRES

234 MILLIARDSC’est le montant, en dollars (212 milliards d’euros), des ventes réalisées par Apple entre septembre 2014 et septembre 2015.

53,4 MILLIARDSC’est, en dollars, le bénéfice net enregistré par la firme de Cupertino pour son exercice fiscal achevé en septembre.

6 | idées JEUDI 29 OCTOBRE 2015

0123

VU D’AILLEURS | CHRONIQUEpar jim yong kim et christine lagarde

Tous les Etats doivent taxer le carbone

PARIS CLIMAT 2015

Dans seulement cinq semai-nes, du 30 novembre au11 décembre, les dirigeants

de la planète se réuniront à Paris pour la COP21, la conférence mondiale sur le climat, afin de négocier un nouvel accord autour des changements cli-matiques. A ce jour, 150 pays ont pré-senté un programme détaillé d’orien-tation de leur économie sur une trajectoire plus viable et moins émet-trice de CO2. Ces programmes sont la première génération d’investisse-ments qu’il conviendra de réaliser pour bâtir un avenir compétitif, exempt des niveaux d’émissions de CO2 qui alimentent le réchauffement.

La transition vers un avenir plus écologique exige à la fois l’action des gouvernements et la mise en œuvre de mécanismes d’incitation du sec-teur privé. Il s’agit, d’abord, d’élaborer une solide politique publique consis-tant à faire payer la pollution au CO2. Au travers d’une fixation de tarifs plus élevés dans le domaine des com-bustibles fossiles, de l’électricité et des

activités industrielles, l’incitation pè-sera en faveur de l’utilisation de com-bustibles moins polluants, de l’écono-mie d’énergie et de la promotion des investissements plus écologiques.

La mise en œuvre de mesures comme les taxes sur le carbone, les échanges de quotas d’émissions, et autres mécanismes de taxation, de même que la suppression de subven-tions inefficaces, pourront donner aux entreprises et aux ménages la certitude et la prévisibilité nécessai-res pour entreprendre des investisse-ments à long terme dans un dévelop-pement soucieux du climat.

Une réforme du système fiscal doit avoir pour objectif de lever plus de taxes sur les combustibles à forte in-tensité de carbone, et moins d’impôts défavorables à la performance écono-mique, telles que les taxes sur le tra-vail et sur le capital. La taxation du carbone ne doit pas signifier la hausse des contributions fiscales, mais viser à faire émerger des systèmes d’imposi-tion plus justes et plus efficaces.

Il importe que les taxes sur le car-bone s’appliquent de manière mon-diale aux émissions issues des com-

bustibles fossiles. Elles doivent être suffisamment élevées pour que d’am-bitieux objectifs environnementaux soient atteints, en cohérence avec les conditions nationales ; elles doivent également être stables, afin d’encou-rager les entreprises et les ménages à investir dans les technologies pro-pres. Leur gestion peut être relative-ment simple, en s’inspirant des taxes routières sur le carburant, bien éta-blies dans la plupart des pays.

FILETS DE SÉCURITÉ

Il est tout à fait crucial de prendre en compte l’incidence de la taxation énergétique sur les catégories les plusvulnérables de chaque pays. C’est la raison pour laquelle ces réformes de-vront, notamment, s’accompagner d’ajustements des systèmes fiscaux ainsi que de filets de sécurité, afin de veiller à ce que les plus démunis ne s’en trouvent pas affectés.

Si nous entendons atteindre nos ob-jectifs climatiques, il nous faut pro-mouvoir le dialogue autour des me-sures politiques nécessaires, en amont et en aval de la COP21. C’est pourquoi le Fonds monétaire interna-

tional et la Banque mondiale annon-cent la création d’un « panel sur la taxation du carbone », qui réunira chefs d’Etat, dirigeants municipaux et régionaux et représentants de gran-des entreprises, afin d’amener les pays et les entreprises du monde en-tier à mettre un prix sur le carbone.

Les dirigeants concernés ont pris desmesures visant à taxer la pollution au carbone, et à catalyser des investisse-ments plus écologiques dans leurs propres pays et régions. Figurent, parmi eux, la chancelière allemande, Angela Merkel, la présidente chi-lienne, Michelle Bachelet, le président français, François Hollande, le premier ministre éthiopien, Haile Mariam De-salegn, le président philippin, Benigno Aquino III, le président mexicain, Enri-que Peña Nieto, le gouverneur de Cali-fornie, Jerry Brown, ainsi que le maire de Rio de Janeiro, Eduardo Paes.

Des politiques de taxation du car-bone sont déjà appliquées par quel-que 40 gouvernements nationaux – dont celui de la Chine, premier émet-teur de CO2 de la planète –, ainsi que par 23 municipalités, Etats et régions. D’autres gouvernements procèdent

aujourd’hui à une réforme des taxes énergétiques, tandis que plus de 400 entreprises déclarent recourir à une tarification interne et volontaire du carbone. Il appartient aux gran-des entreprises de gérer efficacement leur exposition au risque climatique, afin de créer davantage de profits et de s’assurer des revenus plus stables.

Bien qu’il convienne de saluer ces démarches, nous les considérons uni-quement comme des étapes initiales. Aux côtés des dirigeants du « panel sur la tarification du carbone », nous appelons les gouvernements à taxer la pollution au carbone d’une ma-nière qui reflète les dégâts environne-mentaux que celle-ci provoque. Plus nous tarderons, plus il sera coûteux et difficile de préserver la planète. p

© Project Syndicate, 2015. www.project-syndicate.org

Tirons les leçons de l’échec du marché des quotas

Le marché européen des quotas de carbone a clairement échoué. Les pays de l’Union doivent maintenant se tourner vers la taxation

PARIS CLIMAT 2015

par jean-michel naulot

Depuis vingt ans, l’Europeconstruit de grandes cathé-drales, mais elle refuse par-

fois de s’interroger sur leur utilité réellequelques années après !

Au cours des années 1990, dans unepériode où la créativité financière bat-tait son plein, l’Europe a ainsi créé deuxoutils, chacun d’une extraordinaire complexité : la pondération des risquesbancaires et le marché du carbone.

Proposée en juin 2004 par le Comitéde Bâle et validée en 2006 par la Com-mission européenne, la pondération des risques a constitué une vraie révo-lution dans l’allocation des finance-ments par les banques.

Cette réforme permet en effet auxbanques, pour le calcul des ratios régle-mentaires de fonds propres, de décla-rer des financements inférieurs aux montants réellement prêtés lorsque lesemprunteurs sont jugés financière-ment solides. Une « boîte noire » qui a révolutionné la distribution du crédit. De très nombreuses critiques ont été émises, mais le système semble iné-branlable tant les experts restent atta-chés à un outil dans lequel l’Union européenne a beaucoup investi.

Le marché des quotas de carbone, ins-tauré en 2005, est un autre exemple emblématique de cette imagination fi-nancière débordante, sur un sujet en-core plus important, la lutte contre le réchauffement climatique. Pour ré-duire les émissions de carbone des grands sites industriels en Europe, Bruxelles a décidé, en 2002, de créer unmarché d’une complexité infinie dont les caractéristiques sont inédites : l’of-fre est planifiée sur une quinzaine d’années (le plafond des émissions de carbone), la demande est variable (con-

joncture, météo, prix des énergies fos-siles) et le prix de marché (celui du car-bone) doit impérativement se situer à un niveau élevé et stable…

En 2010, le rapport Prada avait tentéde qualifier ce marché atypique en évo-quant un « marché réglementaire »… Presque un oxymore ! Selon l’Institut de l’économie pour le climat, la contri-bution du marché du carbone euro-péen à la lutte contre le réchauffement climatique est comprise entre 0 et 10 %depuis sa création… Le prix du carbone est inférieur à 8 euros la tonne depuis 2012, alors qu’un prix minimum de 30 euros serait nécessaire pour freiner l’exploitation des centrales à charbon les plus polluantes.

UNE INERTIE INEXPLICABLE

Face à ce fiasco, les Anglais ont, en 2013,ajouté une taxe carbone au prix du marché européen. Actuellement, le prix appliqué aux producteurs d’élec-tricité est ainsi de 32 euros et non de 8 euros. Faut-il que le marché soit bien malade pour que les Anglais abandon-nent le marché au profit d’une taxe !

Pour remédier à ces dysfonctionne-ments, la Commission européenne a certes décidé de créer, à partir de 2019, une réserve de stabilité afin d’y loger une partie des quotas excédentaires, mais les surplus resteront considéra-bles. L’inertie de la Commission est inexplicable. Pourquoi ne propose-t-elle pas d’annuler des quotas au lieu de les reporter ? Pourquoi ne propose-t-elle pas, comme les Anglais, de créer unprix plancher applicable dès mainte-nant ? Le message envoyé aux indus-triels est pour le moment calamiteux.

Le 7 octobre à Lima, au cours de l’as-semblée générale du Fonds monétaire international et de la Banque mon-diale, Christine Lagarde a fait une dé-claration qui a surpris par sa franchise, à quelques semaines de la COP21 : « C’est le bon moment pour introduire des taxes carbone. […] Je sais que beau-coup de gens préféreraient les systèmes d’échanges de quotas d’émissions maisnous pensons que la taxation du car-bone est une bien meilleure solution. »

Hommage lui soit rendu ! Ecoutant cesage conseil, les dirigeants européens devraient s’engager, dès maintenant, en faveur d’une taxe carbone applica-ble à partir de 2020 dans l’hypothèse où, d’ici là, le prix du carbone ne se sta-biliserait pas au-dessus de 30 euros. Ladéfiance à l’égard de l’Europe se com-battra plus efficacement par la recon-naissance des erreurs commises que par la dénonciation constante des po-pulismes. p

PARIS CLIMAT 2015

par xavier pintat

Désormais promulguée,la loi relative à la transi-tion énergétique pourune croissance verte du

17 août a attiré l’attention des médiassur la part du nucléaire dans le mix énergétique français. Ce débat ne doitpas nous détourner des nombreusesautres avancées de ce texte, qui pro-longe et amplifie les lois Grenelle I etII sur l’environnement, et montre quenotre pays, par-delà les appartenan-ces politiques, prend à bras-le-corpsle développement durable et la luttecontre le réchauffement climatique.

Pour l’essentiel, cette politique estdésormais dans les mains des acteurs locaux. Associée aux différents textesde réforme territoriale, cette loi porte un réel souffle de décentralisation, qu’il s’agisse du développement desénergies renouvelables – où l’inter-vention des communes et de leursgroupements est facilitée –, de l’essor de politiques d’efficacité énergétiquemêlant plates-formes intercommu-nales et animation régionale, ou en-core de la coordination et de l’optimi-sation des réseaux d’électricité, de gazet de chaleur dans nos territoires.

Certes, nombre de dispositions lé-gislatives attendent encore d’être pré-cisées au travers de décrets d’applica-tion, et des questions subsistent. No-tamment celles relatives auxdonnées que les entreprises gestion-naires des réseaux électriques et ga-ziers (ERDF, GrDF…) devront trans-mettre aux collectivités, puisque cel-les-ci sont des autorités

organisatrices de la distributiond’énergie (AODE). Ne sous-estimons pas l’importance et la valeur de cesdonnées pour l’élaboration d’outils de prévision et de planification – quiincombent également aux collectivi-tés pour une large part.

Aujourd’hui, certains acteurs s’in-terrogent publiquement sur la miseen œuvre effective de cette loi, esti-mant qu’elle ne serait pas dotée d’uneenveloppe financière suffisante.Faut-il imaginer de nouvelles taxes ? Mais, dans une période où le gouver-nement lui-même reconnaît qu’ilexiste dans notre pays un « ras-le-bolfiscal », cette approche manque sin-gulièrement de réalisme. Qui peut imaginer sérieusement alourdir en-core la pression des impôts ?

COMPLÉMENTARITÉ

Il nous appartient de mettre enœuvre la transition énergétique en optimisant l’efficacité des outils etdes moyens dont nous disposons. Aux côtés des régions, chefs de file dela transition énergétique, les AODE –qui prennent le plus souvent la formede groupements de communes de très grande taille, syndicats mixtes départementaux et métropoles – sont sans doute les mieux arméespour mettre en œuvre cette loi dansles territoires, en mobilisant active-ment les économies d’échelle.

Outre qu’elles ont la responsabilitédes réseaux d’énergie, elles disposentde nombreuses compétences techni-ques dans des domaines-clés, qui in-téressent directement les collectivitésgénéralistes que sont les communesou les intercommunalités.

Aujourd’hui, une AODE peut gérer,dans un territoire à la fois urbain etrural, des installations d’énergie re-nouvelable, des actions de rénovationénergétique, la mise en place d’un « smart grid » (réseau intelligent), l’achat groupé d’électricité et de gaz, le déploiement de réseaux de bornes pour véhicules électriques, le conseilen énergie partagé…

De telles initiatives se multiplient etmontrent l’intérêt pour les collectivi-tés de disposer de groupements dotésde services spécialisés, capables de semettre à leur écoute, pour mettre enœuvre, à moindre coût, une transi-

tion énergétique qu’elles ne pourrontassumer seules, surtout lorsque leursautres missions (éducation, social, ur-banisme…) mobilisent une part crois-sante de leurs moyens.

Chacun mesure combien les res-sources budgétaires sont désormaissous tension. Aussi devons-nous rai-sonner en termes de complémenta-rité et de mutualisation. Dans nom-bre de domaines, les AODE sont déjàd’efficaces outils d’optimisation terri-toriale. Majoritairement regroupéespar département, elles développent, de plus en plus, leurs actions àl’échelle régionale, voire au-delà, au bénéfice de toute la sphère publique.

De récents exemples le montrent :des groupements d’achats conduitspar des AODE dans plusieurs régionsont réuni des centaines d’acheteurspublics, de la petite commune au ly-cée, en passant par les maisons de re-traite et les services hospitaliers, avecd’importantes économies à la clé. Préfigurant le rapprochement Lan-guedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées,sept AODE de la nouvelle région vien-nent de lancer un vaste appel d’offrespour déployer un réseau de bornes derecharge pour véhicules électriques dans sept départements, desservant l’urbain comme le rural. Le bénéficeest double : gains économiques, pro-cédures simplifiées.

Les collectivités n’ont pas à se faireconcurrence, d’autant plus que la transition énergétique est une affairede réseaux, lesquels ignorent les fron-tières administratives. Plus que ja-mais, l’heure est à la coopération en-tre les différentes strates territoriales,surtout pas à l’incantation et au repli sur soi. La loi relative à la transitionénergétique pour une croissance verte offre aux acteurs de l’énergie une occasion unique de porter unevision durable et innovante des terri-toires, source de nouveaux et nom-breux emplois. Il est temps de se met-tre au travail. p

¶Xavier Pintat,

sénateur (LR), est présidentde la Fédération nationaledes collectivitésconcédantes et régies,qui regroupeprès de 500 collectivitéslocales, qui organisentles services publicsd’énergie, d’eauet d’environnement

Les collectivités doivent travailler ensemble sur la transition énergétique

Mairies, communautés de communes et régions portent une grande part de la lutte contre le réchauffement climatique. C’est l’occasion d’offrir un nouveau développement aux territoires

LES AUTORITÉS ORGANISATRICES DE LA DISTRIBUTION D’ÉNERGIE

SONT LES MIEUX ARMÉESPOUR METTRE EN ŒUVRE

LA LOI RELATIVE À LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

DANS LES TERRITOIRES

¶Jean-Michel Naulot

est un ancien membre du collège de l’Autorité des marchés financiers (AMF)

¶Jim Yong Kim est présidentdu Groupe de la Banque mondialeChristine Lagarde est directrice géné-rale du Fonds monétaire international

0123JEUDI 29 OCTOBRE 2015 MÉDIAS&PIXELS | 7

La start-up française de streaming musical n’a pas réussi à séduire les investisseurs

Deezer reporteson introductionen Bourse

suite de la première page

Grâce à cette introduction à laBourse de Paris, Deezer devaitêtre valorisée à plus d’un milliard d’euros et entrer dans le club fermé des licornes, au même titre par exemple que la start-up Bla-blacar.

Cinq raisons poussaient Deezerà croire en sa bonne étoile. Crééeen 2007, elle est l’une des entre-prises pionnières et leaders dustreaming musical. Dirigée de-puis six mois par un allemand,Hans-Holger Albrecht, venu dugroupe luxembourgeois CLT etde l’univers des télécommunica-tions, la start-up estimait qu’elleétait prête à tirer avantage de larévolution du streaming, avec un« modèle économique qui repose sur des partenariats avec des opé-rateurs de télécoms ».

En juillet, Deezer a reconduitpour trois ans son partenariatavec Orange. Enfin, l’entreprisede quelque trois cents salariésconsidérait qu’elle avait la capa-cité de s’adapter à une forte crois-sance de la demande et à mettreen œuvre une stratégie qui re-pose sur une très forte accéléra-tion de celle-ci.

Pour justifier ce coup d’arrêt,Deezer peut invoquer la très forte volatilité des marchés financiers.Ainsi, le réseau de radios Pandora,seul acteur musical coté aux Etats-Unis, vient de connaître un revers boursier. Son cours a chuté de 35 % depuis la publication de ses résultats trimestriels. De même, Netflix, le leader mondial de la vidéo avec un modèle com-parable à celui de Deezer, vient deperdre 15 % de sa valeur.

Disponible dans 180 pays

L’opération boursière, privilégiéeà une nouvelle levée de fonds horsmarché, devait apporter une plus grande visibilité à la société fran-çaise, qui avait réalisé sa dernière levée de fonds de 100 millions d’euros, en 2012, auprès du mil-liardaire russo-américain Len Bla-vatnik, propriétaire de Warner Music, qui est actuellement le pre-mier actionnaire de Deezer, avecplus de 26 % du capital.

Le projet d’introduction de Dee-zer comprenait une augmenta-tion de capital, avec la cession op-tionnelle d’actions existantes par plusieurs des actionnaires ac-tuels, dont l’un des cofondateurs, Daniel Marhely, ou le patron d’Il-

liad, Xavier Niel, actionnaire à ti-tre privé du Monde.

La start-up déficitaire, qui a en-registré en 2014 un bond de son chiffre d’affaires de 53 %, à142 millions d’euros, espérait dé-passer d’ici à 2018 la barre des 750 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Disponible dans plus de180 pays, Deezer dispose d’un ca-talogue de plus de 35 millions de titres. La société propose un ser-vice d’écoute gratuite avec publi-cité, et une offre payante sans pu-blicité, pour laquelle elle revendi-que plus de 6 millions d’abonnés.

Mais si l’on ne prend en compte que les abonnés actifs, Deezer an-nonçait officiellement, dans sesdocuments d’introduction enBourse, n’avoir finalement que 2,9 millions d’abonnés.

Le streaming payant, cette révo-lution en cours censée sauver l’in-dustrie musicale du tunnel dans lequel elle se trouve plongéedepuis douze ans, est en train de construire ses leaders de de-main. La bataille sur ce marché estaujourd’hui de plus en plus âpre.

En France, Deezer est le princi-pal concurrent du suédois Spotify,qui revendique 75 millions d’utili-

sateurs, dont 20 millions pour sa version payante, et qui est valo-risé à plus de 8 milliards de dollars(7,2 milliards d’euros).

L’entreprise se voulait son fu-tur rival européen voire mondialmais, depuis le 30 juin, Deezerdoit affronter un nouvel acteurglobal : Apple, qui a lancé son ser-vice de streaming musical AppleMusic. Le géant américain ne re-vendique pour l’instant que6,5 millions d’abonnés, un chif-fre certes important, mais endeçà des objectifs qu’Apple s’étaitassignés.

Derrière la déconfiture bour-

sière de Deezer, c’est bel et bien l’avenir du streaming qui en jeu. Les majors du disque, actionnai-res à hauteur de 16 % du capital deDeezer, n’ont de cesse de dire que ce nouveau modèle est en pleine explosion.

S’il reste vrai que les revenus dustreaming ont dépassé les 10 % dumarché total de la musique en 2014 et que cette révolution économique et musicale consti-tue leur principale planche de sa-lut, le chemin, lui, promet d’être plus escarpé et plus long que prévu. p

alain beuve-méry

Hans-HolgerAlbrecht, PDG

de Deezer.PHILIPPE

WOJAZER/REUTERS

Le « M. Météo » de France 2 risque le licenciementLa chaîne reproche à Philippe Verdier d’avoir utilisé son statut pour promouvoir son livre contestant le réchauffement climatique

L a polémique autour du« M. Météo » de France 2n’est pas finie : Philippe

Verdier, auteur d’un livre qui con-teste le consensus scientifique sur le réchauffement climatique, a été reçu le 22 octobre par la di-rection pour un entretien en vue d’une sanction pouvant aller jus-qu’au licenciement, a-t-on appris mardi 27 octobre.

Force ouvrière, contrairementaux autres syndicats de l’entre-prise, soutient ouvertementM. Verdier. « Il n’a fait qu’user de saliberté d’expression », affirme EricVial, élu du syndicat. Joint par LeMonde, M. Verdier ne veut plus s’exprimer.

La direction ne commente pasce différend en cours avec un sala-rié. Mais elle a invoqué plusieurs fois le « principe déontologique »selon lequel les salariés ne de-vraient pas s’exprimer publique-ment en engageant la responsabi-lité de l’entreprise.

M. Verdier a fait dans les médiasune promotion active de son ouvrage, Climat investigation (Ed. Ring, 280 p., 18 euros), en dé-nonçant un « scandale planétaire »à propos du réchauffement clima-tique. Il a écrit une lettre ouverte à François Hollande, à l’approche dusommet sur le climat COP21, enjoi-gnant au président de ne pas cau-tionner « les scientifiques ultra-po-litisés du GIEC [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolu-tion du climat] ».

En congé pour le lancement deson livre, paru le 1er octobre, Phi-lippe Verdier, présentateur météo et chef de service, a été mis à pied par la direction mi-octobre.

« Delphine Ernotte, la présidentede France Télévisions, estime qu’iln’y a pas de délit d’opinion. Mais

pour elle, la faute de Philippe Ver-dier est liée à l’exécution de son contrat de travail, car il a mis enavant sa fonction et son em-ployeur France Télévisions dans lecadre de la communication autourde son livre », explique Serge Ci-mino, élu du Syndicat national des journalistes (SNJ).

Une position qui a été exprimée,lors d’un vif échange entre EricVial, de FO, et Mme Ernotte, en co-mité de groupe, le 19 octobre alorsqu’était évoqué le cas de M. Ver-dier.

« Pas de faute professionnelle »

Le SNJ est prudent. Il attend quela direction prononce la sanc-tion, d’ici un mois. En interne, onressent une certaine réserve faceaux accents complotistes du dis-cours du « M. Météo » deFrance 2.

Ce dernier a aussi surpris cer-tains salariés, car il ne s’était pasexprimé sur le réchauffement,avant son livre. Par ailleurs, cer-taines de ses affirmations sontcontestées.

FO a davantage le souhait de po-litiser l’affaire : il a fait accompa-gner M. Verdier pour son entre-tien par Clément Weill-Raynal, unjournaliste de France 3 qui a été enconflit avec sa direction pouravoir filmé avec son téléphone le

« mur des cons » dans un local du syndicat de la magistrature, et dif-fusé la vidéo.

« M. Verdier n’a pas commis defaute professionnelle », argu-mente M. Vial, notant que le jour-naliste n’a pas utilisé l’antenne pour promouvoir son livre. Plu-tôt que de convoquer un conseilde discipline paritaire, FO laisse àMme Ernotte le choix de la sanc-tion et se réserve la possibilité dela contester, aux prud’hommesou auprès de la Haute Autorité delutte contre les discriminationset pour l’égalité, la Halde.

Pour le syndicat, le cas d’unjournaliste qui promeut un livre ou exprime des opinions dansdes médias est banal. Sanction-ner Philippe Verdier porte enfinle risque de le victimiser, alorsqu’il a sur Europe 1 estimé payer le fait de s’être « mis sur la route de la COP21, qui est un bulldozer ».

Un autre cas télescope celui deM. Verdier : Jean-Marc Souami, le« M. Météo » de France 3, a été con-voqué mardi 27 octobre pour unrappel à l’ordre, rapporte le site Pure Médias.

Il lui est reproché, notamment,d’avoir publiquement critiqué Laurent Ruquier, qu’il a jugé« complice » des « délires racistes »de l’élu de droite Nadine Morano. La direction a « désapprouvé qu’un présentateur du groupe s’en prenne à un animateur de France Télévisions ».

« Les cas de M. Verdier et deM. Souami sont différents »,nuance M. Cimino. Pour Mme Er-notte, ce sont deux cas à régler, le tout sous une forte pression mé-diatique et syndicale. Une tradi-tion au sein de France Télévi-sions. p

alexandre piquard

Le présentateur

a surpris certains

salariés,

car il ne s’était

pas exprimé sur

le réchauffement,

avant son livre

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