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Mondialisation et territoires : nouveaux enjeux, nouvelles logiques Laurent CARROUE Mardi 27 et mercredi 28 mars 2012 Académie de Nice

Mondialisation et territoires : nouveaux enjeux, … · Thème 2 - Aménager et développer le territoire français (24-26 heures) avec La France en villes, Les dynamiques des espaces

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Mondialisation et territoires : nouveaux enjeux, nouvelles logiques

Laurent CARROUE

Mardi 27 et mercredi 28 mars 2012

Académie de Nice

Plan adopté

• I er partie. La mondialisation : un enjeu scientifique et épistémologique

• 2 em partie. Mondialisation et ordre mondial

• 3 em partie. Mondialisation, démarches et outils

I er partie. La mondialisation :

un enjeu scientifique et épistémologique

1. A. La mondialisation des années 1980 : la fin des territoires ?

Contexte des années 1980/ 1990 : Hégémonie conceptuelle des économistes qui dépolitise et

déterritorialise les réalités, niant ainsi les complexités du monde. Diffusion nv concepts.

• 1968 : Marshall McLunan (1911/ 1980) va publier War and Peace in the Global Village, qui est traduit en français et publié deux ans plus tard en France sous le titre de Guerre et paix dans le village planétaire.

• 1983 : l’économiste américain Théodore Lewitt publie dans la Harvard Business Reviewun article intitulé The Globalization of Markets. C’est l’universalisation rêvée, sinon fantasmée, d’un modèle de consommation et de production nord-américain.

• 1985 : l’économiste Kenichi Ohmae va publier Triad Power, the Coming Shape of Global Competition, traduit en français par le titre La Triade, émergence d’une stratégie mondiale de la puissance. Puis The Bordless World, Power and Strategy in the InterlinkedEconomy, ou l’entreprise sans frontière en 1990, la fin de l’Etat-nation, l’Economie globale… De l’Etat-nation aux Etats-régions publié en France par Dunod en 1996

Toutes les thématiques de l’abolition du temps et de l’espace : « fin de l’histoire », la « fin de la géographie », la « fin des territoires » (cf « Global Financial Integration : the end of geography » de Richard O’Brien (Chatham House, London, 1992) ou « The E-Corporation : The End of Geography » de Gary Hamel et Jeff Sampler in Fortune Magazine du 7 decembre 1998.

La mise en équation du monde : économie, modèles économétriques et réalités

• Montée mise en équation du monde.

• Quel degrés de scienticificitéréel des statistiques disponibles (PIB, PIB/habitant, exportations/importations…).

• Statistiques cf produit historique et géopolitique renvoient au fonctionnement des Etats et sociétés et à la démocratie.

• ¾ planète : appareil stat. inéxistant, incomplet, défaillant.

• De plus articulation structure/ conjoncture : le nez dans le guidon ?

• Enfin manipulation et instrumentalisation des statistiques (cf croquis ci-joint).

• La science et l’illusion ???

1.B. Trois temps, trois systèmes : de l’historicité des concepts

• Les décennies 1980/1990 : la révolution néoconservatrice et ultralibérale – Lutte des deux hyperpuissances (USA/ URSS)

– Refondation des bases hégémoniques anglo-saxonnes après 1975

– Développement des bases du nouveau régime d’accumulation financière

• La décennie 1990/2000 : L’hyperpuissance nord-américaine

– Accès des USA à l’hyper-puissance : une logique hégémonique mondiale

– La Pax americana et ses guerres, le «mode de vie américain n’est pas négociable»

– Mouvement critique et contestataire, contre-réformes (cf. Chine : 1978/1992)

• La décennie 2000/2010 : échec, crises et multipolarisme

– L’effondrement du régime d’accumulation financière occidental

– L’échec géostratégique nord-américain et disqualification d’un modèle

– Une nouvelle architecture mondiale multipolaire

• 1. Une approche généralisante et unifiante répondant à une 1er période

• Dans les années 1980 : le géographe Olivier Dollfus (1931/2005) – auteur de la Géographie Universelle

– définit la mondialisation comme l’ensemble des processus aboutissant à la construction d’un nouvel objet géographique, « le système-Monde », terme inventé en 1984 mais diffusé entre 1994 et 1997.

• Dans les années 2000, le géographe Jacques Levy définit la mondialisation comme « l’émergence du

Monde comme espace , processus par lequel l’étendue planétaire devient un espace ». Il insiste sur un enjeu général : l’émergence d’une société complète de niveau mondial, d’une société-Monde.

• 2. Des démarches plus critiques

• Dans son dictionnaire de 2003 (Lacoste, 2003) Yves Lacoste définie la mondialisation « comme l’ensemble des processus relationnels qui se développent au plan mondial par l’expansion du système capitaliste depuis les dernières décennies du XX em siècle ». On remarquera que son approche géopolitique, contrairement à celle d’Olivier Dollfus, n’hésite pas à qualifier le processus de mondialisation d’expansion d’un système socio-économique dominant, le capitalisme.

• Si Yves Lacoste réinscrit cette mondialisation dans l’évolution des rapports de force internationaux, il se demande si « la mondialisation est aussi une façon occidentale de se représenter le monde ».

1.C. Les grandes définitions de la mondialisation par les géographes : deux grandes périodes, deux démarches,

deux reflets du monde

1.D. Pour une définition braudélienne et systémique de la mondialisation

Postulat : la mondialisation, c’est d’abord du territoire: non seulement il n’y a aucune réduction des différenciations et singularités du monde, mais la logique même de la mondialisation est d’être à la fois une valorisation différenciée des singularités du monde et d’être en retour elle même productrice de nouvelles singularités.

A la suite de Fernand Braudel, la mondialisation peut être définie comme le processus géohistorique multiséculaire d’extension progressive de l’économie libérale marchande et capitalisme à l’ensemble de l’espace planétaire.

Peut la définir comme un système (géo)économique, (géo)politique et (géo)stratégique défini dans le temps. Ceci permet :

1er de souligner toute l’importance de la dimension spatiale et territoriale dans les phénomènes ayant trait au triptyque économie/ politique/ stratégique. Sans articulation territoriale fine, on demeure dans le discours général abstrait et non opératoire pour l’analyse des complexités du monde.

2 em : la production d’un espace mondialisé est en retour le fruit d’une dynamique de système - historiquement datée comme objet d’étude - qui articule les trois dimensions (éco., pol. et stratégique).

Trois grands stades de la mondialisation: gd découvertes, Empires coloniaux, années 1970/1980.

1.E. Voir par exemple les programmes de 1er générale : Questions pour comprendre le vingtième siècle et France et Europe : dynamiques des territoires dans la mondialisation

Hist. Thème 1 - Croissance économique, mondialisation et mutations des sociétés depuis le milieu du XIXème siècle (9-10 heures) : Croissance et mondialisation et Mutations des sociétés Hist. Thème 2 - La guerre au XXème siècle (16-17 heures) : Guerres mondiales et espoirs de paix, De la guerre froide à de nouvelles conflictualités - La guerre froide, conflit idéologique, conflit de puissances : un lieu (Berlin 1945-1989), une crise (Cuba 1962), un conflit armé (la guerre du Vietnam) - De nouvelles conflictualités depuis la fin de la guerre froide : un conflit armé (la guerre du Golfe 1990-1991) ; un lieu (Sarajevo 1992-1995) ; un acte terroriste (le 11 septembre 2001) Hist. Thème 4 - Colonisation et décolonisation (7-8 heures) Le temps des dominations coloniales (Le partage colonial de l'Afrique à la fin du XIXème siècle, L'Empire français…) , La décolonisation (La fin de l'empire des Indes, La guerre d'Algérie) Géo. Thème 2 - Aménager et développer le territoire français (24-26 heures) avec La France en villes, Les dynamiques des espaces productifs dans la mondialisation ( Un territoire de l'innovation (étude de cas), Les espaces de production agricole en lien avec les marchés européens et mondiaux, Dynamiques de localisation des activités et mondialisation). Puis Mobilités, flux et réseaux de communication dans la mondialisation ( Roissy : plate-forme multimodale et hub mondial (étude de cas) et La connexion inégale du territoire français à l'Europe et au monde par les réseaux de transport et le numérique). Géo. Thème 3 - L'Union européenne : dynamiques de développement des territoires (11-12 heures) avec De l'espace européen aux territoires de l'Union européenne ( Europe, Europes : un continent entre unité et diversité, L'Union européenne : frontières et limites ; une union d'États à géométrie variable, Disparités et inégalités socio-spatiales : l'action de l'Union européenne sur les territoires). Puis Les territoires ultramarins de l'Union européenne et leur développement avec Le développement d'un territoire ultramarin : entre Union européenne et aire régionale (étude de cas) et Discontinuités, distances, insularité, spécificités socio-économiques Géo Thème 4 - France et Europe dans le monde (11-12 heures) avec L'Union européenne dans la mondialisation ( L'Union européenne, acteur et pôle majeurs de la mondialisation, Une façade maritime mondiale : la « Northern Range », Une aire de relation de l'Union européenne : la Méditerranée) puis La France dans la mondialisation ( La présence française dans le monde, La France, pôle touristique mondial, Paris, ville mondiale)

Les prémices de la 1er mondialisation : Les Routes de la Soie et du Thé, de premières connexions partielles

(M. Foucher : Asies nouvelles, Belin, 2002)

Pouvait –il y avoir une autre mondialisation ? (Source : Jacques Bertin : Atlas historique de l’humanité, Ed La Martinière)

La 1er mondialisation : la connexion

du monde par les Grandes Découvertes

1492 : vers la mise en

UN monde

1494 : Tordesillas, un nouveau partage du monde

1550 : Controverse de Valladolid

(voir dev. de la « Global History »)

(Source : Questions internationales,

Doc française)

(source : site de Sciences Po Paris)

Les nouveaux partages du monde : le partage de l’Empire ottoman et le redécoupage en zones d’influences et nouveaux Etats

Les Etats occidentaux : traceurs de frontières (Michel Foucher)

Fragmentation interétatique et balkanisation :

crise des Etats-nation et des construction nationales :

lorsque l’Etat doit construire sa nation.

Les Etats potentiels (source : Stéphane Rosière)

L’exemple de la question kurde : le «loupé» des Traités de Sèvres et Trianon

Du «droit des peuples à disposer d’eux mêmes» à la

real politik et à la gouvernance mondiale

Voir accès Sud-Soudan à l’indépendance en 2011

(Source : Atlas du Monde Diplomatique)

II em partie. Mondialisation et ordre mondial

II.A.. La mondialisation : un système géoéconomique, géopolitique, géostratégique

La mondialisation oblige à s’interroger sur la nature et à l’architecture de l’ordre mondial dans la mesure où elle repose sur un système géopolitique et géostratégique spécifique à travers des structures très hiérarchisées entre un centre hégémonique dominant qui fonctionne comme un centre d’impulsion et de commandement, des périphéries intégrées et des périphéries délaissées.

C’est un système instable et conflictuel pour l’hégémonie alternant phases de stabilités, de tensions et d’affrontements (cf deux Guerres mondiales et Guerre froide) et dont la régulation est l’objet de grands débats.

Le nouvel ordre mondial : un espace mondialisé : 1er : doit réfléchir au concept de puissance : quid de la puissance aujourd'hui ? Aux systèmes impériaux

francais, anglais ou russe répond un système US réticulaire souple. A la puissance démographique ou territoriale répond l'innovation, la maîtrise de la connaissance, la circulation, le contrôle des médias… Rôle de l'informationnelle (cf netpower de Michel foucher).

• 2em : processus historique de la montée en puissance américaine et de son hégémonie ? Le nouvel ordre

mondial doit-il, peut -il être américain ? Atouts et handicaps, facteurs de résistance … Pb unilatéralisme/ multilatéralisme par ex. Pb rejet de l'hyperpuissance ?

• 3em : mode d'articulation entre grandes, moyennes et petites puissances : monde unipolaire ou multipolaire. Dans l'avenir immédiat : montée de la Chine enjeu central des 50 prochaines années, statut / pb construction européenne, statut Japon et Russie, Puissances régionales du sud.

• 4em : Le Nv Ordre américain pouvait il construire un seul espace mondialisé par une nvelle croisade ?

Il n’y a aucune fatalité à la marginalité : chaque Etat dispose de marges de manœuvre et d’autonomie mais pose la question du projet national et étatique (cf Japon Meiji ou éclatement actuel des Suds).

Les Américains dans le monde : un monde aux ¾ vide (source : Sciences po Paris)

Le projet de Greater Middle East Initiative de G.W. Bush en 2004

1971/1979 : les deux piliers (Iran/ A saoudite) 1979 : Paul Wolfowitz (défense accés pétrole)

1981 : Doctrine Carter (défense intérêts vitaux) 1983 : force déploiement rapide

2001/2004 : refonte Grand Moyen Orient

(sources : Mappemonde, V. Capdepuy, 1.2009)

2.B. de la structure de l’ordre mondial et de la nature de la crise actuelle

• Avec la crise, profonds bouleversements des équilibres géoéconomiques, géopolitiques et géostratégiques mondiaux.

• Effondrement systémique économique, industriel et financier des Etats-Unis et de l’Europe/ Union européenne. Sur quelles bases reconstruire l’hégémon ?

• Profonds déséquilibres géoéconomiques et renversement des liens d’interdépendance traditionnels Nord/Sud et apparitions de nouvelles dynamiques d’autonomisation Sud/Sud.

• La montée et l’affirmation des nouvelles puissances mondiales (Chine, Inde, Brésil, Russie) et régionales (Turquie, Afrique du Sud…).

• Nouvelles logiques de continentalisation (Asean, Mercosur, Afrique du Sud…).

• Profonds blocages : échec de Kyoto, échec de l’OMC, réformes FMI et B. mondiale…

Le nouvel ordre mondial en débat : un espace mondialisé pour quel modèle.

1er. Réfléchir au concept de puissance : quid de la puissance aujourd'hui ? Aux systèmes impériaux francais, anglais ou russe répond un système US réticulaire et souple. A la puissance

démographique ou territoriale répond l'innovation, la maîtrise de la connaissance, la circulation, le contrôle des médias… Rôle de l'informationnelle, de la culture et de l ’idéologie.

• 2em. Réfléchir au processus historique de la montée en puissance américaine et de son hégémonie ces dernières

décennies (1990/ 2007 : la « fin de l’histoire » ?). Comme reflet et héritage de la Guerre froide : héritages XX em siècle qui « mordent » sur XXI em siècle. Attentats 11 sept puis crise de 2008/2010 signe véritable entrée dans le XXIe m sicle. Le Nv Ordre américain peut il construire un seul espace mondialisé ? Non avec rejet de l’hyperpuissance et nouvelle impuissance de la superpuissance.

• 3em. Le nouvel ordre mondial doit-il, peut -il être uniquement américain ? Pb unilatéralisme/ multilatéralisme par ex. Dev. Monde multipolaire repose la question des fondements et logiques des articulations croissance/ développement.

• 4em. Quels modes d'articulation entre grandes, moyennes et petites puissances : monde unipolaire ou multipolaire. Accélération des processus de divergence des trajectoires de croissance et de développement.

• 5em. Dans l'avenir immédiat : montée de la Chine enjeu central des 50 prochaines années, statut / pb construction européenne, statut Japon et Russie, Puissances régionales du sud.

• 6em. Il n’y a aucune fatalité à la marginalité : chaque Etat dispose de marges de manœuvre et d’autonomie mais pose la question du projet national et étatique (cf Japon Meiji ou éclatement actuel des Suds).

• 7em. Période de rupture. Après échec historique du modèle de croissance soviétique fin années 1980, entrée en crise structurelle du « modèle de croissance financiarisé » anglo-saxon fin années 2010 soit trente ans après, et plus largement des pays occidentaux hautement développés.

• En conclusion : un enjeu central : penser un autre monde (articuler croissance, développement/ durabilité). Grande nouveauté face XIX et XX em siècle : recours à Guerres mondiales interdits même si montée des tensions.

Crises et basculement du monde Un profond rééquilibrage géoéconomique

De nouvelles dynamiques : prix des matières premières et production industrielle

La montée de la Chine :

2em puissance économique devant Japon (2008)

1er exportateur mondial devant Allemagne (2009)

1er puissance industrielle devant USA (2010)

1er déposant mondial de brevets (2011)

1er puissance bancaire (2015/2020 ????)

Prendre la mesure de la crise : le retour sur la longue durée

La crise de la 1er puissance mondiale :

une logique systémique

(dette : 80 % PIB mondial)