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DOSSIER PEDAGOGIQUE MONSIEUR IBRAHIM ET LES FLEURS DU CORAN Eric-Emmanuel Schmitt Distribution Avec Michel Kacenelenbogen Mise en scène : Olivier Massart Scénographie : Olivier Waterkeyn Lumières : Laurent Kaye Musique originale : Quentin Dujardin Assistante à la mise en scène : Marie Biron Régie : Gauthier Minne et Damien Zuidhoek Une création et une production du Théâtre Le Public. Dates : du 13 au 30 novembre 2007 Lieu : Théâtre Jean Vilar Durée du spectacle : 1h35 sans entracte Réservations : 0800/25.325. Contact écoles : Adrienne Gérard 010/47.07.11 – 0473/936.976 [email protected]

MONSIEUR IBRAHIM - Dossier Pedagogique 1

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  • DOSSIER PEDAGOGIQUE

    MONSIEUR IBRAHIM ET LES FLEURS DU CORAN

    Eric-Emmanuel Schmitt Distribution Avec Michel Kacenelenbogen Mise en scne : Olivier Massart Scnographie : Olivier Waterkeyn Lumires : Laurent Kaye Musique originale : Quentin Dujardin Assistante la mise en scne : Marie Biron Rgie : Gauthier Minne et Damien Zuidhoek Une cration et une production du Thtre Le Public.

    Dates : du 13 au 30 novembre 2007 Lieu : Thtre Jean Vilar Dure du spectacle : 1h35 sans entracte Rservations : 0800/25.325. Contact coles : Adrienne Grard 010/47.07.11 0473/936.976 [email protected]

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    I. Rsum Depuis quarante ans, Monsieur Ibrahim est l!Arabe de la rue Bleue. Pourtant, il n!est pas Arabe, et la rue Bleue n!est pas bleue C!est un quartier du Paris populaire o se ctoient Juifs et Arabes, piceries et maisons de passe. Mose, onze ans, y fait ses courses, ses classes. Dlaiss par un pre absent, abandonn par sa mre, il trouve chez Monsieur Ibrahim l!picier, chaleur, attention et tendresse ; les racines dont on l!a priv. Le nez dans son Coran davantage que dans sa caisse enregistreuse, Monsieur Ibrahim n!a pas les yeux dans sa poche. Il sait. De cette sagesse immmoriale, qui franchit les ges et les cultures. Il sait que celui qu!il appelle Momo n!est pas Mohammed mais Mose, le petit Juif, l!enfant sauver. Par-del les diffrences. Aprs tout, n!est-il pas l!Arabe lui qui est Turc ? Arabe, a veut dire ouvert de 8 heures du matin minuit mme le dimanche. Le vieil homme et l!enfant sont seuls dans l!existence, et vont s!apporter l!essentiel par-del les prjugs de l!ge et de la culture ; savoir l!affection. Imprgn de sagesse soufie, Ibrahim sera un initiateur et un guide sur le chemin de la vie tandis que Momo accompagnera le vieil homme vers sa dernire demeure.

    II L!auteur

    Depuis sa premire pice crite en 1991 trente ans peine, La Nuit de Valognes, Eric-Emmanuel Schmitt plaide, avec esprit pour l!esprit. Dans la grande tradition franaise du verbe et de la faconde. Eric-Emmanuel Schmitt est n Sainte-Foy-ls-Lyon, dans la banlieue lyonnaise, le 28 mars 1960 dans une famille athe. Passionn pendant son enfance par la musique (il tudie le piano l'ge de 9 ans), Eric-Emmanuel Schmitt envisage dans un premier temps de devenir compositeur. Mais ses professeurs l'en dissuadent afin qu'il dveloppe son talent dj vident pour l'criture. Le jeune homme crit son premier livre onze ans, sa premire pice seize (Grgoire ou pourquoi les petits pois sont-ils verts?, une satire sur l'ducation sexuelle). Mais ce passionn des

    aventures d'Arsne Lupin reste mcontent de son travail et prfre remettre ses ambitions d'crivain plus tard. Diplm de l'Ecole Normale Suprieure, il obtient son agrgation de philosophie en 1983, soutient sa thse de doctorat en 1986 puis enseigne pendant quelques annes la philosophie, tout d'abord dans un lyce de Cherbourg, puis l'Universit de Chambry. La passion de l'criture le rattrape aprs une exprience mystique survenue dans le dsert du Hoggar en 1989 o celui-ci se retrouve, de son propre aveu, "inond par la foi". Bien lui en a pris : l'auteur est rvl ds sa premire pice, La Nuit de Valognes (1991), qui est entre autre monte par la Royal Shakespeare Company. La reconnaissance critique vient ds sa deuxime oeuvre, la pice Le Visiteur (1993), un dialogue entre le psychanalyste Freud et Dieu. Ds lors, le succs ne quittera plus Eric-Emmanuel Schmitt, dont la renomme devient internationale. Sa pice Variations nigmatiques (1996) est interprte par Alain Delon, suivi d'une tourne mondiale qui promne l'quipe de Tokyo Los Angeles. Le Libertin (1997), retraant une journe dissolue de Denis Diderot, connatra mme les honneurs d'une adaptation

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    cinmatographique en 2000 de Gabriel Aghion runissant Vincent Perez, Josiane Balasko, Fanny Ardant... Schmitt participera galement au projet en signant les dialogues. Il est galement l'initiateur du Cycle de l'invisible , qui runit trois contes sur l'enfance et la spiritualit ayant remport un norme succs sur les planches et dans les librairies : Milarepa (1997), Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran (2001), dont l'adaptation cinmatographique signe Franois Dupeyron a permis Omar Sharif de remporter son premier Csar en 2004, et Oscar et la dame rose (2002). Cette pice a reprsent la quatorzime meilleure vente internationale sur le march du livre en 2003, faisant d'Eric-Emmanuel Schmitt l'crivain contemporain franais le plus lu dans le monde. Pour garder forme et tonus face cette boulimie de travail, l'auteur avoue nager au moins deux kilomtres par jour.

    III. Interview de l!acteur Est-ce la premire fois Michel Kacenelenbogen que vous

    jouez seul sur scne ?

    La premire ! Et seul face au public, cela signifie tre face ses capacits. Seul, on est l, vulnrable. Voil pourquoi j!ai beaucoup de chance d!tre dirig par Olivier Massart qui a cette exprience du monologue. Cela suppose une pleine confiance rciproque Absolument, et du respect. Il savait, et je savais qu!ensemble nous irions chercher des choses qu!on ne connat pas de moi. La salle de rptition est le seul endroit o je ne me regarde pas. Je voulais qu!il m!utilise, me pousse la simplicit. Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran est une fable, je voulais prserver cette forme de narration. Je me mfie de moi-mme, sachant que je peux me laisser aller la virtuosit sur scne, mais je voulais m!en

    prserver, coller au plus prs la forme et l!esprit du texte qui m!a touch prcisment par cette simplicit. Qu!est-ce qui vous a touch ?

    Beaucoup de choses, le combat contre les a priori sur les Juifs, sur les Arabes. Cette manire qu!a l!auteur, qui n!est ni l!un ni l!autre, de garder ses distances tout en entrant dans le caractre culturel de chacun, pour les rapprocher. Les valeurs qu!Eric-Emmanuel Schmitt dfend l, l!amour, l!amiti sont les miennes, si j!ai des convictions, ce sont celles-l. Avec Olivier Massart, nous avons travaill cela, faire en sorte que les propos de l!auteur aient l!air d!tre les miens, d!incarner mon

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    histoire. L!autre jour, une confrence o j!tais invit parler de mon parcours, j!ai commenc par la premire phrase de Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran. Pendant ces deux minutes, c!tait amusant de voir l!auditoire persuad qu!il s!agissait de ma propre histoire. Ce texte me touche aussi parce que c!est une uvre de jeunesse qui n!explique rien, qui prte l!oreille deux histoires intimes pour en faire un propos universel sans en avoir l!air. Votre histoire personnelle vous a-t-elle aid entrer dans le personnage ?

    Curieusement oui, j!ai pu dominer un sentiment d!abandon que je perois depuis peu, sans l!avoir connu pourtant, mais qui a saut une gnration. Inconsciemment, en jouant Monsieur Ibrahim, je confronte cet abandon d aux circonstances tragiques de la guerre. C!est aussi une pice qui dsamorce les prjugs, le regard port sur l!autre. J!ai toujours t trs sensible ce regard, peut-tre parce que je crois parfois tre mal peru par certains. Comdien, je suis devenu homme d!affaire, j!tais alors un acteur qui jouait l!homme d!affaire avant de devenir pour une partie du monde culturel un businessman qui jouait au directeur de thtre . J!en tais conscient et ce n!tait pas confortable. J!estime avoir t par moment victime des prjugs. Aussi, incarner ce soufi qui frise la contrebande d!un point de vue des rgles, cela me convient assez bien. La religion dont il est question ici est humanisme et posie. En ces priodes de guerres

    saintes quelle bouffe de fracheur !

    Qu!y a-t-il dans le Coran de Monsieur Ibrahim ? Deux fleurs sches donnes par son pouse il y a trs longtemps et une lettre de son ami Abdullah. Que certains y voient un signe de la parole de Dieu ou de l!homme, qu!importe, chacun trace son chemin. Nous savons combien la question du religieux est devenue un alibi de l!incomprhension entre les peuples et surtout un prtexte des guerres aux intrts conomiques peine voils. Dans cette pice, un enfant et un sage -qui n!est pas un savant- vont faire de leurs divergences une seule et mme humanit avec une histoire commune.

    IV. Le Coran

    Le Coran reprsente pour les musulmans le Livre sacr transcrivant la Parole de Dieu telle qu'elle a t transmise pendant plus de vingt annes par l'ange Gabriel au prophte Muhammad, dernier des envoys divins. Sa naissance s'inscrit dans un cadre historique prcis et datable, celui de l'Arabie au VIIe sicle de notre re. Le texte sacr est la fois source du dogme, base de la liturgie et code juridique. Il est aussi l'origine d'un immense empire politique qui, son apoge en 750, allait de l'Espagne l'Indus.

    Le mot arabe qur'n vient du verbe qara'a qui signifie "lire, rciter" et peut se traduire par "lecture" ou "rcitation". Il apparat plus de soixante-dix fois dans le Coran o il dsigne tantt l'action de rciter tantt l'ensemble du texte rvl. Certains savants occidentaux rapprochent ce terme d'une racine syriaque keryn qui signifie "lecture des critures". Le Coran constitue le Livre (al-kitb) par excellence. L'usage veut que lorsque l'on parle du Coran, on y accole une pithte comme al-qur'n al-karm "le noble Coran" ou al-qur'n al-majd

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    "le glorieux Coran". Pour parler des exemplaires crits, on utilise gnralement le mot mushaf . Le Coran est l'objet d'une grande vnration et sa manipulation impose des rgles trs prcises. Pour les croyants, le Coran est un texte rvl, dict par Dieu au prophte Muhammad, de 610 jusqu' sa mort en 632. Selon la tradition, Muhammad aurait contrl lui-mme la transcription des versets rvls : il les mmorisait, puis les transmettait ses compagnons. Ceux-ci les apprenaient par cur puis les notaient sur des supports divers : feuilles de palmier, omoplates de chameau. Pour la majorit des exgtes, le classement en sourates et en versets tait dj effectu. Le Coran n'est pas un texte crit pour tre lu, c'est une rcitation qui a t transmise par crit. Les rcitants qurr' qui le connaissaient par cur selon les diffrentes lectures jouissaient d'un grand prestige. La recommandation de lire le Coran en le psalmodiant figure dans une sourate. L'art de la psalmodie tajwd fait l'objet de nombreux traits aux rgles trs prcises : rythme lent ou rapide, pauses, nasalisations, nuances mlodiques. Des signes propres la psalmodie sont nots au-dessus du texte.

    V Le Soufisme Le soufisme est n peu prs en mme temps que l'Islam (8me sicle). La diffrence, qui le spare de l'orthodoxie pure et dure, est son aspect sotrique bas essentiellement sur les interprtations du Coran. L'islam sunnite des thologiens tait bas sur une application rigoriste des lois, une intransigeance, voire une froideur. Les soufis, ainsi que d'autres philosophes hellnisants, se regrouprent pour contrer ce courant qui manquait cruellement d'amour. Le soufisme se base sur l'amour en dieu et le dveloppement de la compassion. Le soufisme est un courant sotrique qui professe une doctrine affirmant que toute ralit comporte un aspect extrieur apparent (exotrique ou zahir) et un aspect intrieur cach (sotrique ou batin). Il se caractrise par une forme de renoncement aux biens matriels et une volont de recherche de l'extase. Les confrries soufies furent perscutes par le sunnisme car juges allies au chiisme. Aujourd'hui encore le Wahhabisme cherche diminuer l'influence des confrries soufies dans le monde, le soufisme tant considr comme un instrument pour sortir du sunnisme dominant. Selon les sources le mot soufi s'apparente tymologiquement la puret (Assafaa : Safa yasfou en Arabe) c'est dire celui qui aspire purifier son me de ses vices cachs, et son cur des penchants et des attachements matriels (Assiwa). La beaut ou la clart de son cur (Safaa Albatine) jaillira ainsi vers l'extrieur par la beaut de son comportement et ses bonnes actions. Les soufis estiment que la cl du mystre divin est l'amour : aussi, contrairement aux tenants des doctrines rationalistes, les soufis se laissent guider par leur sentiment. Cherchant Dieu par un contact intrieur et mettant au centre de leur vie l'amour de Dieu et de l'homme, les soufis se heurtent l'orthodoxie, qui proclame l'inaccessibilit de Dieu. Ils laborrent une mystique trs complexe, o la recherche des tats modifis de conscience prend une place importante. Une recherche d'tats extatiques par diffrentes ascses ou techniques mditatives, comme celle des confrries de Derviche tourneurs. Le Soufisme se dmarque de l'Islam orthodoxe dans son rapport avec les autres religions.

    Pour le soufi, les religions du monde sont issues d'une mme unit divine, tous les tres

    sont des frres, car ils sont essence de Dieu. Un disciple soufi proclama un jour aprs une perception subite, un extase mystique : Je suis Dieu . Les mentalits rigoristes de l'poque ne pouvant comprendre le message profond, le condamnrent et l'excutrent sur la place publique pour blasphme. Depuis ce jour les Soufis comprirent qu'il valait mieux cacher leurs pratiques, car le danger de l'incomprhension tait bien rel. C'est pour cela que le soufisme devint hermtique

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    un temps. Non pour empcher les hommes d'accder la vrit foncire, mais pour protger l'enseignement sotrique et le perptuer, en attendant un jour que l'humain soit assez sage pour comprendre. Les taostes agissaient aussi ainsi, comme tout enseignement sotrique profond du monde.

    VI. Juifs et Arabes, une histoire partage

    Lorsqu!en 622, Mohamed quitte La Mecque encore paenne pour Mdine, il y trouve des tribus arabes qui, son contact, s!islamisent, et trois tribus juives. Ce peuplement juif tait ancien, il tait constitu d!migrs compltement arabiss, venus l sans doute suite la destruction du Temple et des perscutions romaines. Ils avaient adopts la langue arabe et plusieurs grands potes juifs prislamiques sont rests clbres. Par les mariages mixtes, les alliances entre clans, une judasation partielle de la socit de Mdine avait lieu et les conversions d!Arabes au judasme n!taient pas rares. La prsence du verbe arabe ancien tahawwada signifiant devenir juif l!atteste. L!histoire des communauts juives en terre d!Islam n!est pas traverse de vagues d!exactions autant que celle des Juifs en terre chrtienne. Un pacte garantissait aux ressortissants des peuples du Livre un statut de protgs mme si la cohabitation ne fut pas toujours pacifique comme les soubresauts de l!histoire musulmane elle-mme. Au Moyen-Age, les changes, les emprunts et apports entre Juifs, Arabes, Chrtiens ou Aristotliciens influencrent les diffrentes communauts en les conduisant se positionner, parfois les unes contre les autres parfois cruellement. Nous en sommes toujours l, ce qui rend difficile, voire impossible la reconnaissance de ce que Juif et Arabe partagent au-del d!une hostilit millnaire. Ennemis tour tour thologiques, politiques, conomiques, stigmatiss selon les lieux et les poques - au moins partagent-ils cela - ils sont et ont t au cours des sicles les boucs missaires de toutes les frustrations. Islamophobie et judophobie ont t toujours les deux faces d!une seule et mme stratgie, d!un mme brviaire de la haine .

    VII. Anecdote Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran constitue le rcit thtral et autobiographique de la vie de Bruno Abraham Kremer. Celui ci a fait appel ric-Emmanuel Schmitt pour crire le texte final en lui faisant le rcit de son enfance Paris, avec son grand pre M.Abraham. Le seul rle est celui de Momo adulte qui se remmore son enfance.