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© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés. L’Encéphale (2007) Supplément 5, S180-S186 journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep Une origine cardiovasculaire est retrouvée dans 95,3 % des cas [13], essentiellement des troubles du rythme ven- triculaire (88 % des cas). Ces morts subites d’origine cardiaque sont d’étiologies diverses : le QT long qui prédispose aux torsades de poin- tes, la prise d’agents pro-arythmogènes, le syndrome de Brugada, les coronaropathies, l’ischémie, les myopathies, les myocardites, la sarcoïdose, l’amylose, les tumeurs car- diaques, la commotio-cordis (impact thoracique direct sans pénétration qui conduit à l’arrêt cardio respiratoire) et les troubles hydro-électrolytiques. Mort subite et schizophrénie Chez les patients souffrant de schizophrénie le suicide représente 38 % des causes de mortalité et 60 % pour les 18-65 ans [6] ; La mortalité globale des causes « naturelles » est esti- mée à 80 % contre 97 % dans la population générale [5]. La surmortalité « naturelle » chez les sujets atteints de schizophrénie (supérieure de 33 % à celle de la population générale selon [33]) se traduit en terme d’espérance de vie par une diminution de la moyenne de 16,4 % chez les fem- mes et 21,9 % chez les hommes [18], soit un RSM (ratio standardisé de mortalité) qui correspond au ratio des décès observés sur les décès attendus, de l’ordre de 2 à 3 : 2,3 pour les femmes, et 2,8 pour les hommes [14]. Toutes les études de suivi s’intéressant à la mort subite chez les patients souffrant de schizophrènie qu’elles aient Mort subite des patients schizophrènes : facteurs prédisposants E. Haffen Service de Psychiatrie de l’Adulte – CHU de Besançon – EA 481 Neurosciences – Université de Franche-Comté Définition Certains auteurs définissent la mort subite comme une mort dite « naturelle » c’est-à-dire l’issue fatale d’une maladie qui survient de façon inattendue chez un sujet en pleine activité et chez lequel il n’y aurait pas de pathologie qui évoluerait immédiatement vers le décès. D’autres définitions mettent en avant une cessation brutale et permanente des fonctions vitales cérébrales, respiratoires et cardiaques sans qu’il y ait de lien avec un facteur traumatique ou iatrogène quelconque. En population générale, on retrouve un cut-off entre les populations jeunes et les populations plus âgées qui se situe à 35 ans. Chez les sujets âgés de moins de 35 ans la fréquence des morts subites est de 0,50 ‰/an en France. Chez les sujets de plus de 35 ans, les risques se répartis- sent différemment entre les hommes (19,1 ‰/an) et les femmes (5,7 ‰/an). Toujours dans des études en population générale dans les pays industrialisés, on retrouve des fréquences qui vont de 5,5 à 11,2 ‰°/an [1, 20, 27]. La surreprésentation masculine est généralement retrouvée (9 hommes pour une femme). En France, le nombre de décès par mort subite est estimé à 60 000 par an sur un total de 550 000 décès. Les facteurs de risque principaux sont le sexe masculin et l’âge supérieur à 55 ans. * Auteur correspondant. E-mail : [email protected] L’auteur n’a pas de conflits d’intérêts. 4509_15_Haf f en. i ndd 180 4509_15_Haffen.indd 180 14/ 12/ 07 14: 45: 43 14/12/07 14:45:43 > XPress 6 Noir

Mort subite des patients schizophrènes : facteurs prédisposants

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© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés.

L’Encéphale (2007) Supplément 5, S180-S186

journa l homepage: www.e l sev ier.com/ locate/encep

Une origine cardiovasculaire est retrouvée dans 95,3 % des cas [13], essentiellement des troubles du rythme ven-triculaire (88 % des cas).

Ces morts subites d’origine cardiaque sont d’étiologies diverses : le QT long qui prédispose aux torsades de poin-tes, la prise d’agents pro-arythmogènes, le syndrome de Brugada, les coronaropathies, l’ischémie, les myopathies, les myocardites, la sarcoïdose, l’amylose, les tumeurs car-diaques, la commotio-cordis (impact thoracique direct sans pénétration qui conduit à l’arrêt cardio respiratoire) et les troubles hydro-électrolytiques.

Mort subite et schizophrénie

Chez les patients souffrant de schizophrénie le suicide représente 38 % des causes de mortalité et 60 % pour les 18-65 ans [6] ;

La mortalité globale des causes « naturelles » est esti-mée à 80 % contre 97 % dans la population générale [5].

La surmortalité « naturelle » chez les sujets atteints de schizophrénie (supérieure de 33 % à celle de la population générale selon [33]) se traduit en terme d’espérance de vie par une diminution de la moyenne de 16,4 % chez les fem-mes et 21,9 % chez les hommes [18], soit un RSM (ratio standardisé de mortalité) qui correspond au ratio des décès observés sur les décès attendus, de l’ordre de 2 à 3 : 2,3 pour les femmes, et 2,8 pour les hommes [14].

Toutes les études de suivi s’intéressant à la mort subite chez les patients souffrant de schizophrènie qu’elles aient

Mort subite des patients schizophrènes : facteurs prédisposantsE. Haffen

Service de Psychiatrie de l’Adulte – CHU de Besançon – EA 481 Neurosciences – Université de Franche-Comté

Défi nition

Certains auteurs défi nissent la mort subite comme une mort dite « naturelle » c’est-à-dire l’issue fatale d’une maladie qui survient de façon inattendue chez un sujet en pleine activité et chez lequel il n’y aurait pas de pathologie qui évoluerait immédiatement vers le décès.

D’autres défi nitions mettent en avant une cessation brutale et permanente des fonctions vitales cérébrales, respiratoires et cardiaques sans qu’il y ait de lien avec un facteur traumatique ou iatrogène quelconque.

En population générale, on retrouve un cut-off entre les populations jeunes et les populations plus âgées qui se situe à 35 ans.

Chez les sujets âgés de moins de 35 ans la fréquence des morts subites est de 0,50 ‰/an en France.Chez les sujets de plus de 35 ans, les risques se répartis-sent différemment entre les hommes (19,1 ‰/an) et les femmes (5,7 ‰/an).

Toujours dans des études en population générale dans les pays industrialisés, on retrouve des fréquences qui vont de 5,5 à 11,2 ‰°/an [1, 20, 27].

La surreprésentation masculine est généralement retrouvée (9 hommes pour une femme).

En France, le nombre de décès par mort subite est estimé à 60 000 par an sur un total de 550 000 décès. Les facteurs de risque principaux sont le sexe masculin et l’âge supérieur à 55 ans.

* Auteur correspondant.E-mail : [email protected]’auteur n’a pas de confl its d’intérêts.

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ou non précédé l’avènement des neuroleptiques ont retrouvé une mortalité d’origine cardiovasculaire supé-rieure à celle de la population générale. Buda et al. (1998) : 426 patients suivis sur la période 1934 à 1945 ; Baldwin [3] : 600 patients suivis sur 10 ans ; Mehtonen, Aranko, Malkonen, et al. [22] : 49 décès par mort subite sur 25 000 patients suivis sur 3 ans ; Bralet, Yon, Loas, et al. [4] : 150 patients suivis sur 8 ans ; Reilly [28] : 5 % des décès dans 5 hôpitaux psychiatriques, soit 74 patients dont 40 % ne recevaient pas d’antipsychotiques et 30 % souf-fraient de schizophrénie.

Lorsque le traitement antipsychotique est pris en compte on retrouve un ratio standardisé de mortalité 2 à 3 fois supérieur chez les patients sous antipsychotiques par rapport aux patients non traités par des antipsychotiques.

Sur une population de 500 000 patients traités par anti-psychotiques Ray et al. [27] dénombrent 1 487 morts subi-tes sur une période s’étalant sur 5 ans (1988-1993) d’où un RSM de 2,39. De même un RSM de 2,06 est retrouvé dans une autre étude de suivi sur 4 ans chez 3 474 patients souf-frant de schizophrènie [24].

Une augmentation du risque d’arythmie ventriculaire lors d’un traitement antipsychotique est retrouvée dans une étude chez 90 000 patients suivis entre 1993 et 1996 [16].

554 cas de mort subite d’origine cardiaque soit un ris-que multiplié par trois sous antipsychotiques a été mesuré dans une étude cas-témoin menée par Straus et al. en 2004 [30].

Une autre étude cas témoin plus vaste menée dans 6 états aux États-Unis a retrouvé une augmentation du ris-que d’hospitalisation pour arythmie ventriculaire × 2 sous antipsychotiques.

Mort subite d’origine cardiaque et schizophrénie

Les morts subites observées chez les patients souffrant de schizophrénie sont majoritairement des morts subites par arythmies ventriculaires d’origine iatrogène par analogie avec les décès secondaires à un syndrome du QT long congé-nital [11].

Neuroleptiques/Antipsychotiques et mort subite

Parmi les effets cardiovasculaires des antipsychotiques, deux sont particulièrement importants :

le blocage des récepteurs myocardiques (potassiques, sodiques, calciques) qui va entrer en lien avec ;le retard de repolarisation (allongement du QT).

Ces effets sont associés à la prise de poids et à l’intolé-rance au glucose (insulino-résistance) également secondai-res aux antipsychotiques et impliqués dans les mécanismes de la mort subite.

Le risque d’arythmie et de mort subite est connu depuis les années 1960 avec les phénothiazines, en particulier la

thioridazine, dont le risque est dose dépendant (majeur à partir de 1 000 mg équivalent de chorpromazine).

L’allongement du QT et les risques d’arythmie ventricu-laire sont la cause de l’arrêt de l’enregistrement du sertin-dole en Europe en 1998 et du retard de lancement de la ziprazidone en France (allongement du QT > 10 % des patients) ainsi que d’un ensemble de recommandations d’usage des antipsychotiques émises tant par des sociétés savantes (Royal Collège of Psychiatrists, section psycho-pharmacologie, 1997 ; consensus European Society of Cardiology, 1999 ; EMEA Conférence internationale d’har-monisation, 2002) ; que par des organismes de surveillance et de sécurité pharmacologiques (Conférence de la FDA, 2003, Cardiac Safety in schizophrenia Group, 2003).

Facteurs prédisposant à l’allongement du QT et aux torsades de pointes (Fig. 1)

L’âge avancé : il serait associé à une réduction du nombre de canaux potassiques intracellulaires. Le sexe féminin prédisposerait à l’allongement du QT par rapport celui de l’homme : en effet, la testostérone induit un raccourcis-sement du QT.Les maladies systémiques et en particulier le diabète : ils augmentent la dispersion du QT, facteur favorisant la sur-venue de torsades de pointe et de mort subite.La coexistence d’une pathologie cardiaque : elle serait à l’origine d’une dysrégulation des canaux ioniques avec certains polymorphismes génétiques qui affectent les sujets qui souffrent d’un syndrome du QT long congénital (anomalies des canaux ioniques notamment sodiques et potassiques).Les maladies cardiaques et notamment les pathologies ischémiques [8] : elles sont la conséquence de la maladie athéromateuse cause d’une infl ammation chronique de la paroi vasculaire en réaction aux anomalies du métabo-lisme lipidique, de la pression artérielle et selon certains auteurs, à la présence d’agents infectieux. La persistance de ce processus infl ammatoire va conduire à l’athérosclé-rose et à l’ischémie myocardique responsable de troubles de la repolarisation-dépolarisation qui peuvent faire le lit d’une arythmie ventriculaire pouvant causer une mort subite.

Les facteurs prédisposant aux pathologies ischémiques sont :

Une prise de poids (qui s’accompagne souvent d’une hypertriglycéridémie, d’un diabète de type II et d’une hypertension artérielle) de 2,5 kg équivaut à une surmor-talité de 26 à 30 décès pour 100 000 sur 10 ans et un Index de Masse Corporelle (IMC) > 27 équivaut à 257 décès pour 100 000 en plus sur 10 ans [12] : d’où la nécessité d’une intervention éducationnelle et nutrition-nelle chez les patients sous antipsychotiques (Fig. 2).

Les mécanismes de cette prise de poids sous antipsycho-tiques sont liés d’une part à la haute affi nité de ces molé-cules pour les récepteurs sérotoninergiques et d’autre part à certains polymorphismes génétiques pouvant pré-

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disposer à la prise de poids et touchant les récepteurs 5HT2C, α2A, leptine, GNB3, et SNAP25 [25].Diabète : l’intolérance au glucose multiplie par 2 à 4 le risque de maladies cardiovasculaires (elle peut apparaître jusqu’à 20 ans avant les signes d’un diabète) [7]. 45 cas de diabètes secondaires aux antipsychotiques ont été rap-portés dans la littérature dont 50 % sans prise de poids [19] (essentiellement sous clozapine et olanzapine).

Tabac : 50 à 90 % des patients schizophrènes sont dépen-dants du tabac [15] ce qui induit une augmentation du risque de maladies cardiovasculaires. Le rôle inducteur enzymatique joué par le tabac rend souvent nécessaire l’augmentation des doses d’antipsychotiques. Ces deux éléments peuvent s’additionner pour aggraver le risque de mort subite.HTA, stress, hostilité, dépression…

Figure 1 Facteurs prédisposants à l’allongement du QT, d’après Ames et al., 2002.

• Sexe féminin• Âge avancé

Risque d’allongement QTde TdP et de mort subite

Nombre de facteurs des risque

Maladies systémiques• Insuffisance hépatique• Insuffisance rénale• Hypothyroïdie• Diabète

Médicaments• Médicaments allongeant le QT• Usage concomitant de médicaments qui allongent le QT• Élévation des concentrations plasmatiques des médicaments qui allongent le QT par des traitements associés• Posologies élevées• Métaboliseurs inefficaces

Troubles électrolytique• Hypolaliémie• Hypomagnésémie• Hypocalcémie

Pathologies neurologiques• Hémorragie intracranienne• Accident vasculaire cérébral

Pathologies cardiaques• Syndrome congénital de QT long• Ischémies, coronaropothies• Insuffisance ventriculaire gauche• Insuffisance cardiaque congestive• Arythmie ventriculaire• Hypertrophie cardiaque• Bradycardie• Bloc sino-auriculaire et atrio-ventriculaire• Myocardite• Prolapsus mitral

Facteurs psychiatriques• Usage de substances toxiques• Agitation, contraintes physiques et stress

Figure 2 Impact des divers antipsychotiques sur le poids selon Allison, Mentore, Heo, et al. 1999 [2].

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QT et antipsychotiques

Le Syndrome du QT long correspond à une prolongation de la repolarisation liée à une anomalie des canaux Na+ et K+. Tous les médicaments susceptibles d’induire des torsades de pointe bloquent les courants K+ rapides lors de la repo-larisation (blocage de hERG-IKr).

Il existe une vingtaine de méthodes de correction du QT dont deux sont fréquemment utilisées (Tableau 1) :

la méthode de Bazett : QTc = QT/RR½, qui donne une mauvaise estimation à basse et haute fréquence cardia-que, mais reste valide pour les études non-médicamen-teuses ;la méthode de Fredericia : QTc = QT/RR1/3 (donnant une meilleure estimation de l’effet des xénobiotiques)

Néanmoins, il n’existe pas de consensus sur la méthode de mesure du QT pour évaluer l’effet des médicaments.

Une autre notion importante est la dispersion du QTc qui correspond au maximum de différence du QTc sur les 12 voies d’un enregistrement ECG. Il existe un questionne-ment sur le lien entre dispersion du QTc, l’arythmie et la mort subite [31].

Lorsque l’on reprend l’électrophysiologie cardiaque, on distingue différentes étapes. La première est la dépolarisa-tion qui correspond à des courants entrants sodiques ; la phase de repolarisation qui est d’abord rapide et courte (inactivation des courants sodiques avec un fl ux sortant de potassium) ensuite lente avec des mouvements de bascule : entrée de sodium et de calcium et sortie de potassium ; la phase de repolarisation fi nale, qui correspond à la mise en route des courants lents, rapides et ultra-rapides potassi-ques.

On connaît actuellement les polymorphismes généti-ques qui affectent les différentes sous unités des canaux potassiques (sous-unités IsK, KvLQT1, KCNE1, KCNQ1, hERG-IKr (KCNH2), Min – MiRP1 (KCNE2)) impliquées dans cette phase et sur lesquelles vont agir les médicaments pro aryth-mogènes. La dernière étape étant celle du rééquilibrage et du retour au potentiel de repos.

Dans le cadre du syndrome du QT long, la phase II et la phase III sont affectées. Les médicaments pro arythmogè-nes vont intervenir à la phase III en agissant sur les canaux potassiques rapides et notamment le hERG-IKr. Ce canal a été étudié in vivo et in vitro. Une revue de la littérature menée par Titier et al., a repris toutes les données relati-ves aux effets électrophysiologiques et cliniques des antip-sychotiques sur ce canal dans le tableau 2 [31].

Tous les antipsychotiques testés agissent sur les canaux potassiques cardiaques. Les concentrations inhibant à 50 % ces canaux varient de 1 nmol/l pour l’halopéridol à 6 µmol/l pour l’olanzapine. Les études expérimentales d’électrophy-siologie ont démontré l’existence d’un allongement dose-dépendant de la durée du potentiel d’action avec de sérieux arguments en faveur de l’effet pro arythmogène des antipsy-chotiques.

Tableau 1 Durées en ms du QT

Hommes Femmes

Normal < 430 < 440Limite 430-450 440-460Long > 450 > 460

Tableau 2 Effets des antipsychotiques sur l’espace QT d’après [31]

Drug

In vitroa In vivob

IC50 (nmol/L)APD 90 ms(3µmol/L)

Rateof increased

QTC (%)

Rateof increased

QTC (%)

No. of published case reports

QT prolongation, arrhythmia

Torsadede pointes,

sudden death

Haloperidol 1 400 26 7.3 4 12Sertindole 2.7 350 8.9 3 0 0Risperidone 167 425 19 NS 2/4 (overdose) 1Ziprasidone 169 NS NS 1.4 0 0Quetiapine 5 765 NS NS 4.8 4 0Olanzapine 6 013 325 NS 1.1 0 0Clozapine NS 325 NS NS 2 1

a. Patch-clamp, isolated heart and Purkinje fi bres studies.b. Clinical trials and published case reports.APD = action potential duration; hERG = human ether-a-go-go related gene; IC50 = concentration that produces 50% inhibition of hERG; NS = not stated; QTc = corrected QT interval.

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Cependant, ces observations ne se traduisent pas systé-matiquement au niveau clinique par un allongement du QT ou un risque majoré de torsades de pointe ou de mort subite. Ces écarts entre les données in vitro et la clinique peuvent être mis en rapport avec les faibles concentrations intra cellulaires des antipsychotiques en situation clinique ainsi que par la complexité du profi l pharmacodynamique de ces molécules qui pourraient faire intervenir des méca-nismes cardioprotecteurs. Ceci pose la question de l’éven-tuelle action sur les canaux sodiques ou calciques, et de la participation d’autres systèmes en particulier alpha ou Bêta 1 adrénergiques. L’effet des antipsychotiques sur les systèmes adrénergique, noradrénergique et sérotoninergi-que, et un éventuel effet de balance en fonction de l’affi -nité pour les systèmes dopaminergiques et sérotoninergiques versus les canaux potassiques peuvent expliquer certaines différences : ce ratio est très élevé pour la clozapine d’où un risque limité et très bas pour la thioridazine d’où un risque élevé. L’autre élément à considérer est la liposolubi-lité de l’antipsychotique : plus la molécule est liposoluble plus sa concentration plasmatique, sa pénétration intracel-lulaire et sa toxicité sont grandes.

Données cliniques

Dans une étude prospective ouverte sur 183 patients rando-misés pour recevoir divers antipsychotiques à dose maxi-male (halopéridol : 15 mg, olanzapine : 20 mg, rispéridone : 16 mg, quétiapine : 750 mg, ziprazidone : 160 mg, thiori-dazine : 300 mg), on observe une augmentation du risque (allongement du QT) en fonction de la molécule (risque fai-ble pour l’haloperidol et l’olanzapine et très élevé avec la thioridazine). (Psychopharmacological drugs Advisory Committee, 2000) (Fig. 3).

Selon les données recueillies par la FDA en 2000 sur 100 000 patients traités par antipsychotiques, l’olanzapine ressort comme la molécule la mieux tolérée sur le plan car-diaque suivie par la risperidone, la quetiapine, la ziprasi-done, l’haloperidol et enfi n la thioridazine.

Risques pharmacocinétiques

Les cytochromes CYP 1A2, CYP2D6 et CYP3A4 sont les prin-cipales enzymes de détoxifi cation des antipsychotiques.

CYP 1A2neuroleptiques métabolisés par le 1A2 : clozapine, halopéridol, olanzapine,inhibiteurs du 1A2 : fl uvoxamine, ciprofl oxacine, enoxa-cine, cimétidine,arrêt du tabac : baisse de l’activation du 1A2.CYP2D6neuroleptiques métabolisés par le 2D6 : clozapine, halopéridol, perphénazine, quétiapine, rispéridone, thio-ridazine, sertindole, chlorpromazine, zuclopenthixol,inhibiteurs du 2D6 : ADT, bupropion, fl uoxétine, paroxé-tine, sertraline, moclobémide, thioridazine, halopéridol, chlorpromazine, lévomépromazine, méthadone, ciméti-dine, quinidine, ritonavir, amiodarone, ranitidine, terbi-nafi ne.CYP3A4neuroleptiques métabolisés par le 3A4 : clozapine, halopéridol, pimozide, quétiapine, ziprazidone, sertin-dole, rispéridone,inhibiteurs du 3A4 : fl uvoxamine, fl uoxétine, paroxétine, sertraline, néfazodone, venlafaxine, méthadone, cipro-fl oxacine, itraconazole, kétoconazole, erythromycine, clarythromycine, indinavir, ritonavir, délavirdine, amio-darone, cimétidine, jus de pamplemousse.

Pour illustrer l’infl uence de la pharmacocinétique des antipsychotiques sur le QT, Desta et al. ont comparé l’évo-lution au cours du temps de la concentration plasmatique de pimozide (A) et la variation correspondante du QTc chez des patients traités auparavant par clarythromycine (inhi-biteur du cytochrome 3A4) ou placebo (B) [9] (Fig. 4).

Les concentrations plasmatiques de pimozide et la durée du QTc sont plus élevées dans le groupe clarithromy-cine par rapport au groupe placebo et ce en raison de l’ac-tivité inhibitrice de la clarithromycine sur le CYP 3A4.

Inversement, l’induction enzymatique peut conduire à des métabolites allongeant encore plus le QT que la molé-cule mère comme c’est le cas avec l’haloperidol selon l’étude de Iwahashi et al. où on voit clairement que l’in-duction du métabolisme par la carbamazepine conduit à des concentrations plasmatiques basses d’haloperidol et un allongement du QT dont le responsable est le métabolite de l’haloperidol [17].

Les polythérapies par psychotropes sont également en cause dans l’allongement du QTc comme le démontrent Sala et al., 2005 en comparant la durée du QTc dans deux groupes de 19 femmes avant et après traitement par mono-thérapie d’antipsychotique ou une combinaison d’antipsy-chotique et d’antidépresseurs. Dans le groupe monothérapie la différence est minime alors que dans le groupe bithéra-pie le QTc est signifi cativement différent [29]. Par ailleurs la co-préscription de deux ou plusieurs antipsychotiques augmente le risque de mort subite [32].

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–•–

•–

Figure 3 Allongement du QTc selon les molécules.

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Populations à risques

Les patients les plus à risque sont ceux qui ont une histoire personnelle ou familiale d’allongement du QT suivis par ceux qui souffrent d’une pathologie cardiaque, les patients traités par de fortes posologies d’antipsychotiques, les patients recevant une polymédication. Viennent ensuite les patients souffrant de schizophrénie résistante, les sujets non compliants au traitement et enfi n les patients toxico-manes ou en sevrage tabagique.

Conclusion

Un certain nombre de questions restent sans réponse :

impact d’autres polymorphismes tels angiotensine (Lin et al. 2007), récepteurs α et β1-adrénergiques [26] sur l’allongement du QT ?un allongement du QT ne serait-il pas révélateur d’une vulnérabilité génétique ou d’une forme sub-syndromique du syndrome du QT long ? [10]. Cependant la prédictibi-lité génotype-phénotype de l’allongement du QT, des tor-sades de pointe et de mort subite reste très faible [21].

Ceci rend nécessaire une meilleure connaissance de ce trouble par la mise en place de vastes études pharmaco-épidémiologiques [31].

Figure 4 Évolution du QTc selon le taux plasmatique d’AP.

00 20 40 60 80 100

2

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Groupe ClarythromycineGroupe placebo

Groupe ClarythromycineGroupe placebo

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Figure 5 Recommandations de choix thérapeutique.

Lors d’un risquede haut niveau :AmisulprideAripiprazoleChlorpromazineHalopéridolOlanzapineQuétiapineRispéridoneSulpirideZotépine

Lors d’un risquede bas niveau :ClozapineDropéridolPimozideSertindoleThioridazineZiprazidone

Surveillancehabituelle

Changement d’AP, monothérapie, surveillance fonctions :rénale, hépatique, électrolytes

QTc normal

QTc normal

QTc limite

ECG pré-thérapeutique ± électrolytes

Facteurs prédisposants :polymédication, doses élevées, traitements arythmogènes,

de longue durée, histoire familialeQT long, sujet âgé, sexe féminin, co-morbidités

Évaluation du risque cardiovasculaire :maladies cardiaques pré-existantes

Indication d’un traitement antipsychotique

QTc long

QTc long Drug monitoring↑ QTc > 60 ms

ECG réguliers

D’après Abdelmawla et Mitchell, 2006

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Page 7: Mort subite des patients schizophrènes : facteurs prédisposants

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