Munca in Echipa in Franceza

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Table des matiresComment tirer le meilleur parti de cet ouvrage ? ................................ . 3 Plan d'autoformation ................................ ................................ ............... 41re

partie - Comprendre les enjeux

Introduction ................................ ................................ ............................. 9 Chapitre 1. 1. 2. 3. 4. Chapitre 2. et 1. 2. 3. 4. Chapitre 3. 1. 2. 3. 4. Chapitre 4. Du groupe exprimental l'quipe de travail .............. 11 L'quipe comme groupe primaire typique................................ ....11 Insuffisance des recherches modernes sur les groupes de travail ........ 17 Du groupe abstrait au groupe sensible ................................ ........ 25 La valeur du travail en quipe ................................ .................... 33 Les relations interpersonnelles dans l'quipe l'esprit d'quipe ................................ ........................... 41 La cohsion et ses conditions ................................ ..................... 41 Taille et composition des quipes de travail ................................ .45 L'appartenance et ses expressions ................................ .............. 51 quipe et code moral ................................ ................................ 55 L'quipe dans ses rapports avec la tche .................. 59 L'impact de la situation existentielle groupale ............................. 59 La motivation pour la tche................................ ....................... 63 L'quipe comme configuration de rles ................................ ..... 71 L'action concerte et ses conditions ................................ ........... 73

Autorit et structures d'influence dans l'quipe de travail ................................ ................... 79 1. Les effets de la tche et de la composition du groupe.................... 80 2. L'autorit dans l'quipe ................................ ............................ 84 3. Difficults des quipes par rapport leur structure ..................... 93 4. Les conditions de l'auto-organisation des quipes........................ 95 1. 2. 3. 4. La formation au travail en quipe ................................ .. 99 Les axes de toute formation au travail d'quipe chez des adultes ....... 99 Les mthodes de la formation ................................ ................... 102 Les fonctions de formateur du conducteur formel d'une quipe ..... 112 La formation au travail en quipe l'cole ................................ 115

Chapitre 5.

Conclusion g nrale ................................ ................................ .......... 121

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2e partie - Mettre en pratiqueExercice 1. Exercice 2. Analyse de diffrences et de similitudes Les conditions du moral et de l'ardeur d'une quipe ................................ ........... 127 Exercice 3. Exercice 4. Exercice 5. Exercice 6. Exercice 7. Sept hommes de bonne volont ................................ 137 Coopration et comptition intra-quipe ................ 144 Le jeu du but commun ................................ ............... 149 L'quipier le plus influent ................................ .......... 156 Le meilleur chef d'quipe ................................ ........... 161 ................ 125

Corrigs ................................ ................................ ................................ 169

3e partie - Pour aller plus loinProgramme de session de formation ................................ .............. 183 Plan de formation au travail en quipe applicable aux enfants et adolescents ................................ .............. 186

Lexique ................................ ................................ ................................ . 189Bibliographie ................................ ................................ ...................... 197 Index ................................ ................................ ................................ ..... 201

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Premire partie

COMPRENDRE LES ENJEUX

Introductiona psychologie des groupes restreints a connu depuis 1935 un essor considrable. Ce qui se passe dans les petits groupes de travail a fait l'objet d'innombrables tudes et une sorte d'engouement s'est produit pour les groupes . L'excitation des psychosociologues (spcialistes de la psychologie des groupes restreints, de la dynamique des groupes et de la sociom-trie) s'est trouve renforce par une double raction gnrale : d'une part la raction aux excs de la division du travail, au travail en miettes (selon l'expression de G. Friedmann), et au travail la chane... d'autre part la raction aux excs de la rationalisation, la dpersonnalisation des relations humaines dans un univers la fois technocratique et bureaucratique. L'quipe et le travail en quipe se trouvent aujourd'hui valoriss. La nostalgie sinon du travail artisanal du moins du compagnonnage, donne au travail en quipe l'aurole du retour une relation interhumaine authentique et une qualit de vie professionnelle perdue depuis le dbut du sicle. La volont de groupe, la participation, la dcision collgiale, sont des valeurs qu'il devient inconvenant de discuter. En croyant multiplier les quipes, on multiplie la formation la dynamique de groupe, les groupes de travail, les runions de commissions et comits. Une mythologie de l'quipe se dveloppe, comme le remarque Jean Maisonneuve : Le groupe parat le lieu d'lection pour la ralisation des dsirs de relations fusionnelles, retrouvant les utopies de la littrature, depuis l'Abbaye de Thlme chre Rabelais jusqu'au phalanstre de Fourier, paradis collectif ... Se dveloppent aussi de fausses quipes, comme le dit Robert Lafon : chacun aspire au travail en quipe et le proclame tout haut sans se rendre compte, bien souvent, qu'il se laisse leurrer par cette expression. Tel ralise... son quipe qui

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Comprendre les enjeux

est seulement un prolongement de lui-mme, une extension et un accroissement de ses moyens d'action... C'est une fausse quipe ; c'est un homme qui a mis des chasses ;... il a agrandi son corps, il n'a pas chang son esprit . Il est aujourd'hui important et opportun de rassembler ce qui, dans les recherches sur les petits groupes, concerne spcifiquement les quipes et le travail en quipe, afin d'utiliser au mieux les nouvelles ressources que cela nous offre dans de multiples domaines.AvertissementLe contexte scientifique auquel il est fait allusion dans cet ouvrage de rfrence date des premires ditions, l'auteur, Roger Mucchielli, ayant disparu en 1981.

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C H A P IT R E

Du groupe exprimental l'quipe de travail

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e n'est pourtant pas les exemples concrets et quotidiens d'quipes qui manquent. De la plus modeste quipe sportive jusqu'aux quipages des vaisseaux spatiaux Apollo ou Soyouz, de la patrouille scoute du dimanche l'quipe de prospection gologique, du groupe mobile d'intervention au commando terroriste en mission de destruction ou d'enlvement... la vie quotidienne nous fournit maintes occasions de nous faire une ide de la nature et du mode de fonctionnement d'une quipe. Cependant les psychosociologues ne se sont pas souvent intresss cette ralit-l. Ils ont prfr tudier des groupes en laboratoire, en les formant artificiellement et en leur donnant des problmes rsoudre. Par l, ils ont fait apparatre des phnomnes intressants, ils ont isol et prcis des variables importantes, mais ils ont peut-tre laiss chapper un essentiel qu'il nous faut redfinir.

1. L'quipe comme groupe primaire typiqueComme vous le savez, on appelle groupe primaire un groupe o les relations sont directes (chacun connaissant tous les autres et pouvant s'adresser tout autre sans intermdiaire, en face face de groupe) et o rgne une unit d'esprit et d'action. Or l'quipe possde, de toute vidence, ces caractristiques. 1.1 DfinitionDans son article sur Les mcanismes des relations humaines dans le travail en

quipe {art. cit., p. 22), le professeur Robert Lafon, qui est sans aucun doute

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Comprendre les enjeux

le praticien qui a le plus rflchi aux problmes des quipes, voque l'trange tymologie de ce mot : quipe viendrait du vieux franais esquif, qui dsignait l'origine une suite de chalands attachs les uns aux autres et tirs par des hommes (tels les bateliers de la Volga) ou des chevaux en attendant l'poque des remorqueurs. Est-ce l'image des bateliers tirant sur la mme corde ou celle des bateaux attachs ensemble,... toujours est-il qu'on a parl un jour d'quipe de travailleurs pour raliser une uvre commune, puis ensuite d'quipe de sportifs pour gagner un match. Il y a donc dans ce mot un lien, un but commun, une organisation, un double dynamisme venant aussi bien de la tte que de l'ensemble, une victoire gagner ensemble .

Il est certain que les quipes ont exist bien avant leur dnomination, mais il est non moins certain que le lien, l'unit, et dj la solidarit d'un petit groupe attel un travail commun accomplir, sont ce qui frappe d'abord l'observateur. Le mot allemand Gemeinsschaft, qui met l'accent sur la communaut d'esprit et sur la relation socio-affective dans un groupe restreint, exprime aussi le lien (par opposition Gesellschaft qui dsigne une association plus large et aux liens moins troits), mais il faut y ajouter l'orientation des efforts collectifs vers la ralisation d'un travail ou l'atteinte d'un objectif, clair pour tous, voulu par tous. Les dfinitions de l'quipe sont relativement rares dans les crits de psychosociologie (du fait de la non-diffrenciation habituelle - et abusive - par rapport au groupe). Celles que j'ai trouves mettent l'accent sur 7 caractristiques :Le petit nombre

L'quipe est en nombre plutt rduit, crit R. Lafon, et cette limitation est ncessaire : elle est impose par l'exigence d'efficacit . Et l'auteur souligne le danger des grosses quipes o la structure se complexifie ncessairement et, en se complexifiant, devient paralysante.* La qualit du lien interpersonnel

L'quipe est un rseau de liens vivants. Elle s'arrte l o l'qui-pier ne la suit plus, ne la peroit plus, se reconnat incapable d'y exercer une action (livret du Comit Hyacinthe Dubreuil, Comit d'action pour le dveloppement des quipes autonomes d'entreprises, avril 1973). Dans l'quipe, la relation inter-humaine joue un rle essentiel . L'quipe, crit Chombard De Lauwe, est un ensemble de personnes lies par des interrelations, ayant une certaine conscience d'apparte12

D u g ro u p e e xprim ent al l'q u ip e d e tra v ail

nance et une certaine forme de culture commune. Il n'y a pas seulement une adhsion, il y a une acceptation et une volont d'adhsion .I L'engagement personnel

Dj soulign dans la dernire partie de la dfinition de Chombard De Lauwe, est not par d'autres observateurs : L'quipe, disait R. Lafon, Buenos Aires, dans la communication dj cite, n'est pas une addition d'tres, mais une totalit, un groupe psychosocial vivant et volutif, une interdpendance consentie, o chacun app orte sa science, sa comptence, sa technique mais aussi sa personne. C'est un engagement, une communaut d'action, ce qui ne veut pas dire identit d'action mais plutt complmentarit d'action . Cet engagement personnel produit une participation d'une qualit spcifique : Chaque membre de l'quipe y participe part entire ce qui implique qu'aucun membre de l'quipe ne doit tre considr comme de seconde zone .> Une unit particulire en dcoule

Pas seulement une unit d'esprit (sur laquelle nous reviendrons), mais une unit sociale spciale, dj voque ci-dessus (R. Lafon) par le mot de totalit. Toute modification d'un lment ou d'une relation entrane la modification des autres lments ou relations. Ce concept voque ceux de Forme, de Gestalt, d'organisme . Une intentionnalit commune vers un but collectif accept et voulu

La coopration est ici une coresponsabilit. Pas d'quipe sans orientation de tous vers un but. Chacun concourt, tantt par lui-mme, tantt avec les autres, tantt par les autres, une succession d'actions qui sont la raison d'tre de l'quipe. Pas d'quipe sans travail d'quipe, sans le souci d'une efficacit. Et en un sens, on peut dire que le travail et la russite de l'action commandent. Peut-tre mme sont-ils l'incitation premire la relation interpersonnelle et l'engagement de chacun dans l'effort. C'est aussi l'identit du but qui engendre, dans une intentionnalit de victoire, la concertation des actions et l'unit de l'esprit. C'est elle qui la fois exige, permet et limite, la pluralit des rles, des comptences et des connaissances. Si le but commun n'existe pas, l'quipe n'est qu'un agglomrat (Comit "Hyacinthe Dubreuil). L'quipe, conclut R. Lafon, est une coopration entre un nombre limit de professionnels diffrents (dans un mme champ d'action) se considrant comme 13

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Comprendre les enjeux

collectivement responsables d'une ralisation, ayant donc une inten-tionnalit commune, et tant en situation l'intrieur d'une structure dfinie, dans un cadre stable et organis . Des contraintes en dcoulent pour les membres

Contraintes qui, comme toujours, n'apparaissent telles qu' l'observateur extrieur non-engag et qui paraissent au contraire aller de soi pour les coquipiers, savoir : ne pas jouer un jeu personnel, travailler pour l'quipe et se conduire en quipier . L'quipe engendre des contraintes , crit le comit Hyacinthe Dubreuil : Se mettre plusieurs pour atteindre en commun un mme objectif, c'est renoncer un certain degr de libert, c'est accepter une tactique commune, une coordination des efforts, une discipline . Une organisation existe donc

La structure de l'quipe est variable selon le type d'action et le contexte de ses objectifs, mais une organisation des rles est requise ainsi qu'une distribution du travail. Des positions se rpartissent au sein de l'quipe en situation, et la structure ajoute aux autres facteurs dj vus son propre potentiel d'unification. Ajoutons, pour retrouver ce qui tait dit au point 1, propos du nombre, que cette structure est ncessairement simple et lgre. 1.2 Le groupe primaire et ses caractristiques Si l'quipe est un groupe restreint, de face face, o tous les membres interagissent et se peroivent directement... elle voque irrsistiblement par cette dfinition le groupe primaire. Par groupes primaires crivait en 1909 le sociologue amricain Ch. H. Cooley (crateur de cette expression) dans son livre Social Organization (p. 23), j'entends ceux qui sont caractriss par une association et une collaboration intimes, de personne personne et de face face. Ils sont primaires aux divers sens du mot, mais surtout parce qu'ils sont fondamentaux dans la formation de la nature sociale et des idaux de l'individu. Le moyen le plus simple de dcrire cet ensemble est peut-tre de dire que c'est un nous. Il contient cette sorte de sympathie et d'identification mutuelles pour lesquelles nous est l'expression naturelle. Chacun vit avec le sentiment du tout, et trouve dans ce sentiment les buts principaux de sa volont . On sait que groupe primaire est oppos groupe secondaire, celui-ci tant caractris par l'absence la fois de la relation de personne

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personne, et par l'engagement partiel-limit-rationalis de ses membres. Dans le groupe secondaire , crit M. S. Olmsted (op. cit., p. 13) reprenant les ides de Cooley, les relations entre membres sont froi des, impersonnelles, rationnelles, contractuelles et formelles. Les membres participent pour seulement une part, pour une capacit spciali se et limite. Le groupe n'est pas une fin en soi mais un moyen de parvenir d'autres fins. Les groupes secondaires sont vastes ; leurs membres n'ont gnralement que des contacts intermittents . G. Muller, rsumant les recherches dans ce domaine (in art. Primary groups, cohsion and values , Sociologia internationalis, 1971, IX, n 1, p. 11-12), signale la contribution de Kingsley Davis la psychologie des groupes primaires : Les relations dans le groupe primaire, dit cet auteur, sont non-contractuelles, non-conomiques, non-politiques, non-spcialises , ce qui signifie que ne peuvent pas tre dits groupes primaires , des ensembles employeur-employs, des commissions et comits lus, des groupes industriels, commerciaux ou autres, o il y a association de professionnels par suite et cause de leur spcialisation seule (o l'on fait appel exclusivement leur savoir ou leur comptence) . Rien n'empche que, pour sacrifier la mode, on appelle ces groupes des quipes , mais ils ne sont pas mme des groupes primaires. Dans le groupe primaire n'importent ni la proximit physique (dit K. Davis), ni la dure des relations, ni mme la petitesse du groupe elle seule ; ce qui compte c'est la qualit de la relation ( personnelle, spontane, sentimentale et inclusive ) et la communaut du but. Dans toutes les dfinitions du groupe primaire, l'accent est mis sur la connaissance de tous par chacun, sur la cohsion et sur les relations affectives informelles. De ce point de vue, l'quipe est un groupe primaire typique, o dominent l'unit d'esprit, la cohsion, les liens interhumains, l'engagement personnel et l'adhsion totale des membres au groupe restreint, avec lequel ils s'identifient. 1.3 La dimension action Cependant l'quipe, comme groupe primaire, ajoute ces caractristiques la dimension action. Les auteurs cits, trs polariss comme on l'a vu, sur le type des interrelations, font frquemment rfrence la famille, et c'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles Cooley a appel ces groupes primaires (la famille tant le premier groupe d'appartenance, relations charges d'affectivit). 15

Comprendre les enjeux

L'quipe n'est ni une famille, ni mme un groupe d'amis ni une bande ; le travail accomplir, la mission excuter, l' uvre raliser ensemble, donnent l'unit socio-affective une communaut d'orientation et d'horizon qui retentit son tour sur l'unit morale. Il est donc abusif d'appeler quipe un petit groupe (que ce soit une paire, un trio, une quadrette, une clique ou une bande) qui se satisferait de ses relations d'amiti, de connivence ou d'changes informels. Rien de phatique dans les communications entre les membres de l'quipe : un travail faire impose sa loi, ses exigences, son programme, ses moyens. Il n'y a d'quipe que de travail, que celui-ci soit manuel ou intellectuel, instrumental ou sportif, utilitaire ou ludique1. L'action dont il est question sera action d'quipe, ceci pour exclure de la dfinition un travail de groupe qui serait travail simultan ou successif de personnes effectuant chacune son travail au sens d'une association ou groupement. La mdecine de groupe o plusieurs mdecins s'associent dans les mmes locaux pour des raisons de fiscalit, de clientle ou de facilit de substitution (augmentant les possibilits de loisirs de chaque membre du pseudo-groupe) n'a rien voir avec le travail en quipe, tel que le conoit par exemple (pour rester dans le domaine mdical) une quipe volante d'intervention de l'Office mondial de la sant. En ce sens serait justifie la distinction que font Jacobson et Monello (op. cit., p. 12-14) entre travail en groupe et travail en quipe ; le premier tant dfini comme une structure l'intrieur de laquelle se trouvent runis des travailleurs de mme profession, et o chacun ralise de la mme faon le mme travail (exemple donn : un cabinet de plusieurs dentistes)... le second tant dfini par la multidisciplinarit ( le travail en quipe groupe des professionnels de catgories diffrentes, obligs pour raliser l'objectif, de se complter, de s'articuler, de dpendre les uns des autres ). Nous l'avons vu avec l'exemple tymologique des bateliers, la diversit-complmentarit des actions, tout en tant ce qui fait le mieux ressortir ce qu'il y a d'quipe dans le travail, n'est pas suffisante ni discri-minative. Disons en bref que c'est la convergence des efforts et travaux personnels pour la ralisation d'une tche commune unique qui caractrise l'action d'quipe.1. Ces adjectifs montrent que je prends travail ans le sens le plus large, comme but objectif de l'activit commune. Le travail d'une quipe sportive, c'est de gagner sur le terrain contre une autre quipe. Ce but dtermine les autres types de travaux, comme l'entranement par exemple.

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D u g r ou p e e xp rim e nt al l' q u ip e d e trav ail

Concluons sur ce point : dans la catgorie des groupes primaires, l'quipe est une varit originale, qui ajoute la cohsion socio-affective et aux relations interpersonnelles de face--face, une caractristique supplmentaire : celle de la convergence des efforts pour l'excution d'une tche qui sera l' uvre commune.

2. Insuffisance des recherches modernes sur les groupes de travailAussi bizarre que cela paraisse, le travail en quipe (avec les caractristiques, ci-dessus dfinies, des quipes authentiques) n'a gure t l'objet des recherches psychosociologiques. Cela est d'autant plus regrettable que la plupart des recherches (en laboratoire autant que sur le terrain) sont menes par des quipes de psychosociologues, qui auraient pu rflchir par observation-participation leurs relations de travail et leurfaon de progresser vers le but. 2.1 Bref historique Les tudes sur les petits groupes ont vritablement commenc vers 1935 (cf. La dynamique des groupes) avec Jacob Levy Moreno (1892-1974), le fondateur de la sociomtrie, et Kurt Lewin (1890-1947), crateur de la dynamique des groupes. Aucun des deux ne s'est intress particulirement aux quipes de travail. Moreno s'intressa surtout aux relations socio-affectives informelles dans les groupes primaires et les petites communauts. Grce son test sociomtrique et ses nombreuses variantes d'application, on peut aujourd'hui faire la carte des relations affectives groupales et du rseau informel travers lequel circulent les informations non-officielles et les rumeurs. Par le test sociomtrique, Moreno distingue cependant entre ce qu'on a appel le psychogroupe et le sociogroupe, le premier tant constitu par les relations affectives interpersonnelles proprement dites (sympathie-antipathie), le second impliquant la rfrence un travail du groupe, les choix tant alors fonction de l'estime et de la confiance accordes l'autre (comptence, aide efficace attendue), autant que de la sympathie (gage de coopration) ou de l'antipathie (prvision de non-coopration). Ainsi le leader (personnage le plus choisi dans le groupe) peut tre diffrent si les choix sont demands dans le cadre d'une situation de loisir-dtente-compagnie agrable... ou s'ils sont demands dans le 17

Comprendre les enjeux

cadre d'une situation de travail correspondant une des missions typiques du groupe consult. De toute vidence l'quipe est un sociogroupe. Or, chose curieuse, le fonctionnement effectif des sociogroupes dans les tches relles n'a pas t analys. C'est la gamme des sentiments sociaux, que Moreno a prcise, et la distribution sociomtrique de l'affectivit groupale latente (le tl ), plus que le fonctionnement des quipes au travail. Lewin, quant lui, s'tait intress ds ses annes berlinoises, l'organisation du champ perceptif-affectif dans lequel se dploie la conduite des individus (thorie du champ, influence par la Gestalt-theorie qui rgnait l'poque). Aprs son dpart aux Etats -Unis en 1933, s'apercevant que le groupe est un champ de forces qui dterminent aussi les conduites individuelles, il inaugura les fameuses recherches sur la dynamique des groupes d'o sortit, entre autres, le Training-group (ou T-group). Certes, il intervint plusieurs reprises dans des conflits sociaux rels et sur des communauts en pril (formulant ces occasions ses principes de la Recherche-Action Action Research ), mais ce fut avant tout la relation entre ce qui se passe au niveau groupai, la situation telle qu'elle est vcue et les comportements individuels, qui retint son attention. On lui doit - et nous aurons l'occasion d'en reparler - des analyses dcisives sur le groupe comme pouvoir, puissance modelante des opinions de ses membres (avec toutes les applications thrapeutiques et pdagogiques que cela comporte)... mais l'quipe comme telle est reste trangre ses recherches (alors qu'il favorisait pratiquement autour de lui le travail en quipe parmi ses collaborateurs). Les successeurs de Lewin se sont pour ainsi dire spcialiss dans le groupe de laboratoire et dans les effets du T-groupe ou de ses varits. Or rien n'est plus diffrent d'une quipe de travail qu'un groupe de laboratoire, invit par la consigne et par ses animateurs, dissquer les tats d'me individuels ou collectifs, leurs expressions, leur volution. Elton Mayo, qu'il faut mentionner aussi parmi les pr curseurs, s'intressa entre 1927 et 1935, comme on le sait (rappelons ses fameuses enqutes la Western Electric Company cf. La dynamique des groupes) des ateliers, donc des groupes de travailleurs en situation. On lui doit d'avoir tabli l'existence et la nature des normes informelles (dj connues - et dnonces - par Taylor en 1909), et d'avoir mis en lumire la relation directe troite entre les relations interpersonnelles dans un groupe de travail et le rendement de ce groupe. Pourtant il n'a 18

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jamais parl de l'esprit d'quipe, de la cohsion, des problmes d'auto-organisation. Sans doute parce qu'il observait des ateliers industriels forms de professionnels travaillant en groupes additifs plutt qu'en quipe. Lon Festinger et Alex Bavelas sont enfin citer l'origine des recherches sur les groupes, mais ni l'un ni l'autre ne mirent l'accent sur le travail en quipe : Festinger dveloppa les recherches sur l'influence en situation de groupe restreint et sur les variations (et les rsistances) des systmes d'opinions... Bavelas se centra quasi exclusive ment sur l'tude des rseaux de communication de petits groupes occasionnels placs face une tche de rsolution de problmes. Cependant, sous l'influence de ces pionniers, les petits groupes furent soumis quantit de situations exprimentales, parmi lesquelles il nous faut chercher celles qui prsentent un intrt pour notre propos. 2.2 Le problme de la supriorit du groupe par rapport aux individus Lorsqu'on fait le recensement et le bilan des trs nombreuses recherches exprimentales portant sur les performances compares des groupes et des individus isols, on peut distinguer trois approches successives des phnomnes : 1) le groupe considr comme des personnes d'abord simplement et passivement prsentes... et l'effet de ces prsences sur l'individu tra vaillant ou s'exprimant ; 2) le groupe considr comme plusieurs metteurs d'opinion... et l'effet de ces opinions sur l'individu travaillant ou s'exprimant ; 3) le groupe comme co-action et comme interaction... et les effets sur la performance, compare la performance de l'individu isol, dans des situations comparables de rsolution de problme ou de prise de dcision . J'ai l'intention de montrer que, quoique ces expriences soient valables et bien construites, et qu'elles mettent en action des petits groupes... leurs conclusions ne peuvent pas s'appliquer intgralement aux quipes de travail, car aucun moment les chercheurs n'ont essay de runir des quipes authentiques. Le fait qu'occasionnellement (et l'insu des exprimentateurs) des groupes aient travaill comme des quipes, par suite du jeu fortuit des sympathies ou des situations vcues (comptition inter-quipes) a provoqu des perturbations, et de ce fait, les rsultats des recherches ne sont pas concordants. 19

Comprendre les enjeux

Effets de la prsence d'autrui sur l'individu travaillant ou s'exprimant

Les exprimentateurs ont remarqu d'abord que la prsence d'un public provoquait un effort de prsentation des ides personnelles. Bos, en 1937, concluait que les sujets, dans un groupe, soignent davan tage leurs ides, essayent d'en avoir, de bien les prsenter. Quelques annes plus tard, Floyd Allport appelait facilitation sociale l'espce d'excitation, lie un souci de se signaler dans le groupe, de renchrir. D'autres chercheurs dmontraient cependant que cet effet n'est pas constant : en prsence d'un public, d'observateurs ou de co-acteurs (partenaires dans un groupe), certains sujets taient excits, d'autres inhibs ; les uns amlioraient leurs performances, les autres avaient des rsultats infrieurs ce qu'ils taient capables de faire dans l'isolement. On a cherch alors l'explication dans le degr de confiance en soi des individus par rapport la situation d'tre observs. Rsumant les expriences dans ce domaine, J.S. Shrauger ( Self-esteem and ractions tobeing observed by others , in Journ. ofperson. and soc. psychology, 1972,

23, n 2, p. 192-200) distingue une estime de soi gnrale et a priori et une estime de soi spcifique (par rapport la tche prcise demande et impliquant une valuation des chances de succs du sujet dans cette tche). Les individus qui ont la fois une faible estime de soi gnrale et une faible estime de soi spcifique, sont nettement ceux dont les performances en public sont les plus diffrentes (et les plus en baisse) par rapport aux performances solitaires. En 1965, R.B. Zajonc, reprenant les recherches sur la facilitation sociale confirmait d'abord l'effet d'excitation, et le rattachait d'autres expriences de psychologie animale prouvant que le simple fait d'tre en compagnie de congnres provoque une excitation gnrale, un accroissement de certaines scrtions hormonales, et une lvation du niveau d'activit. Il appela cet effet activation . Si l'on rapproche ce rsultat des autres donnes d'observation tablissant que certains sujets sont excits et cherchent briller alors que d'autres sont inhibs, il faut bien conclure que l'activation mobilise une attitude latente prtablie : besoin de briller chez les uns, anxit et peur d'autrui chez les autres. Par ailleurs, Zajonc, toujours propos de la facilitation sociale , dmontra exprimentalement que l'activation ainsi engendre n'a rien d'une excitation cratrice puisque sont favorises les rponses dominantes c'est--dire les rponses les mieux connues, ce dont les20

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sujets sont les plus certains, ce qui a t le mieux appris, et, pratiquement, ce qui n'a rien d'original. Remarquons que ces rsultats, obtenus dans des expriences o autrui est spectateur-observateur, sont expressment gnraliss aux situations de co-action. Autrement dit, les effets seraient les mmes, qu'il s'agisse de public ou de partenaires de travail de groupe (cf. D. Jodelet, J. Viet et Ph. Besnard, op. cit., p. 309 et suiv.). On conoit que certains auteurs en dduisent que les ides les plus fcondes jaillissant des rponses rares, et les rponses rares tant l'inverse des rponses dominantes, les quipes n'ont pas grande chance d'inventer des choses neuves ni d'avoir des ides originales (A. Duflos, art. cit.). Une telle conclusion mconnat radicalement l'esprit d'quipe et la valeur des interactions. Les effets d'excitation et de facilitation sociale se retrouvent dans les quipes, mais particulariss, comme nous le verrons, par la solidarit et la coopration. Effets de l'expression des opinions des partenaires sur l'opinion de l'individu

C'est un domaine trs rebattu depuis les fameuses expriences de Asch (1956), de Shrif (1930, 1966) et de Festinger (1960). S.E. Asch a voulu dmontrer que les opinions d'une majorit exercent sur un individu isol une influence au point de lui faire admettre quelque chose qui est contraire l'vidence objective. Si 7 ou 8 compres runis pour une tche simple de comparaison de grandeurs diffrentes sont unanimes pour dclarer identiques deux longueurs de toute vidence diffrentes, le sujet naf qui fait partie du groupe (par la manipulation des exprimentateurs) sent son jugement vaciller et finit par se ranger l'opinion unanime (ou tend s'en rapprocher le plus qu'il peut). M. Shrif, par sa clbre exprience sur l'effet autocintique, a prouv galement que l'influence du groupe aboutit la normalisation des opinions individuelles, c'est--dire que l'individu se range ce qui est l'opinion dominante ou norme groupale. L. Festinger a montr de son ct, en tudiant l'volution des jugements personnels (dans un jury exprimental) en fonction des opinions dominantes, que le groupe comme tel exerce un pouvoir sur ses membres, pression au consensus, provenant non pas d'une puissance magique du groupe mais du besoin de scurit de ses membres. 21

Comprendre les enjeux

Ainsi, de divers cts, les expriences aboutissent des rsultats convergents en ce qui concerne la pression de conformit, qui uniformise et nivelle les opinions au sein d'un groupe. On sait aussi que cette tendance la conformit augmente lorsque la dpendance des individus envers le groupe augmente, et inversement s'affaiblit si la confiance envers autrui baisse (Deutsch et Grard, 1955 ; Thibaut et Strickland, 1956). A la suite de ces conclusions, on peut prvoir que la pression de conformit sera forte dans une quipe. Comparaison des performances groupe-individu dans des tches de rsolution de problme

Les nombreux travaux relatifs aux performances quantifiables crit G. de Montmollin (in Fraisse et Piaget, op. cit.), montrent que la performance d'quipe est plus exacte et plus leve que la performance individuelle, mais qu'elle rclame plus de temps. De rcentes recherches prennent en compte, dans l'valuation de la performance, certains aspects fonctionnels de la situation, comme la nature de la tche, les modalits de discussion, les processus de dcision et le degr d'interdpendance des membres du groupe . Les auteurs qui affirment la supriorit des groupes ne sont pas d'accord sur l'explication de ce phnomne. Le bilan de toutes les explications fournies par les chercheurs donne le tableau suivant :1. Prsence dans le groupe d'un membre capable de rsoudre le problme (Lorge et Solomon, 1955 ; W.L. Faust, 1959, etc.). On conoit que, dans ce cas, parler de supriorit du groupe est un euphmisme. 2. Plus grande probabilit mathmatique de dcouverte de la solution par le fait du nombre de participants (ce qui revient au cas prcdent). 3. Plus grand nombre de solutions possibles puisque les participants mettent leurs ides en commun (Kelley et Thibaut, 1954, phnomne dj signal par Gurnee en 1930 sous le nom de pooling). Mais ceci n'est vrai que des tches o il y a de multiples solutions, comme l'ont montr Faucheux et Moscovici (op. cit., 1971). 4. Dissmination des erreurs, ce qui laisserait paratre la plus grande force du jugement vrai (hypothse purement intellectuelle de Kelley et Thibaut, puisque le jugement majoritaire n'est pas forcment vrai). 5. Plus grande efficacit (et plus grand nombre) des critiques de solutions individuelles errones, ce que la personne isole ne peut dtecter dans la mesure mme o elle ne sort pas de son propre cadre de rfrence (Marjorie Shaw, 1932, appelait ce facteur limination des faux dparts ). Ce facteur est intressant mais la critique potentielle peut fort bien inhiber l'individu au lieu de l'encourager (Olmsted, op. cit. p. 92).

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Du groupe exprimental l'quipe de travail

6. Pression de la situation, obligeant les individus donner le meilleur d'eux-mmes. Ce facteur est intressant et nous le verrons particulirement efficient dans l'quipe, mais dans un groupe occa sionnel, comme on l'a vu, l'activation aboutit plus frquemment des rponses dominantes. 7. Influence propre des interactions (M. Zaleska, art. cit., 1966) ce qui suppose des changes et une interstimulation. Mais ce facteur capital, si tudi et valoris par ailleurs dans les recherches sur les groupes de discussion, ne connat pas la mme faveur dans les expriences de rsolution de problmes en groupe, sans doute parce qu'il y a une solution et une seule, trouver ou prouver, par quoi les interactions augmentent les dlais sans accrotre l'efficacit. Certains auteurs (tel A. Duflos, art. cit., 1967) vont mme jusqu' considrer les communi cations interpersonnelles comme un bruit , c'est--dire comme de purs parasites perturbant l'excution de la tche !

Toutes ces explications n'empchent pas d'autres auteurs de constater exprimentalement que le groupe n'a aucune supriorit sur les excutants isols, ou mme qu'il leur est infrieur (Berry et Block, Moore et Anderson, Me Curdy, Marquart, etc.). Finalement la supriorit du groupe de travail sur les performances individuelles ne serait indiscutable que pour certaines tches et dans certaines conditions internes du groupe (sic)...2.3 Les raisons de ces difficult s et divergences

Comme je l'ai dit ci-dessus, les difficults et divergences proviennent : - de ce que les groupes exprimentaux ne sont pas pour autant des quipes, mme si on les pare de ce nom dans quelques articles ; - de ce que les tches sont intellectuelles et imposes ; - de ce que la situation d'exprience cre des effets propres qui ne sont pas pris en considration.> L'cran des dfenses sociales du moi

Lorsque les exprimentateurs mettent en prsence, pour constituer ce qu'ils appellent des quipes , des individus qui sont l ensemble pour la premire fois, le phnomne premier est la dfense sociale, aussi automatique et rflexe que la raction pupillaire la lumire. Les effets sont vidents, et il est facile de les dpister en relisant toutes les expriences : - N'est-ce pas le souci de l'image de soi qui incite certains sujets se surpasser en prsence d'un public ou de co-acteurs ?23

Comprendre les enjeux

N'est-ce pas ce mme souci qui, devenant excessif et paralysant, inhibe d'autres sujets et les incite se mettre plutt l'abri dans le mutisme ou l'approbation ? -N'est-ce pas la peur du ridicule ou de la critique, disons du jugement d'autrui en gnral, qui fait adopter officiellement (et verbalement) l'opinion du groupe surtout si tous les autres (comme dans l'exprience de Asch2) soutiennent une contre-vrit ? - N'est-ce pas la mme dfense a priori qui facilite la rponse banale-conventionnelle, et carte la rponse rare et originale ? Il me semble que mme l'effet paradoxal souvent remarqu, savoir que les groupes prennent plus de risques et aboutissent des dcisions plus extrmes que les individus isols (Willem Doise, art. cit., 1969 ; Maryla Zaleska, art. cit. 1969, Roger Lambert, art. cit.), est encore une expression des dfenses sociales du Moi, chacun surenchrissant pour ne pas paratre timor ou peureux (raction de prestance). Or plus le groupe est occasionnel (moins il est quipe ), plus ces mcanismes sont en alerte et enjeu. La situation exprimentale et ses artefacts

II n'est pas encore venu le jour o l'on observera les quipes dans leur milieu naturel et leur fonctionnement spontan, comme on le fait des animaux depuis les succs de l'cole thologiste. Les groupes artificiels reoivent une tche et sont observs par les exprimentateurs. Cette tche est un problme rsoudre , et les types de problmes (d'une varit limite) sont pour la grande majorit, des preuves intellectuelles. Ces conditions sont videmment ncessaires la comparaison quantifiable des performances, mais elles consistent pratiquement transposer en travail de groupe des tests construits pour des examens individuels. Rien de spcifiquement d'quipe dans ces travaux. Dans certains cas, comme par exemple dans les expriences de Deutsch (cf. exercice 2), l'exprimentateur interdit aux coquipiers de communiquer sur leurs personnes et sur leurs sentiments !

2.

Dcrite ci-dessus page 21.

24

D u g ro u p e e xprim ent al l'q u ip e d e tra v ail

3. Du groupe abstrait au groupe sensibleEssayant de prsenter un bilan des expriences sur les performances des groupes compares aux performances des individus isols, I. Lorge, J. Davitz, M. Brenner ( A Survey of studies contrasting the quality of group performance and individual performance , in Psychological Bulletin, 1958, 55, n 6, p. 337-372) constatent que la difficult de leur entreprise tient l'ambigut des termes employs. Ainsi le mot groupe, crivent-ils, renvoie des ralits trs diffrentes : les groupes de laboratoire sont des groupes nouveau-ns et temporaires, et il est abusif de les assimiler des groupes rels ayant une tradition et dont les membres ont des objectifs communs. Mais on parle aussi de groupe lorsque les individus sont simplement en prsence les uns des autres... On va mme jusqu' appeler groupes de simples catgories, statistiques o les individus sont classs partir de leurs performances, ou encore des regroupements au hasard, comme dans le cas des groupes nominaux ou il n'y a mme pas de situation collective puisque les individus n'ont pas t en prsence les uns des autres et ont travaill seuls. Pour situer l'quipe sur le continuum confus de ce qu'on appelle les groupes , il nous faut mettre un minimum d'ordre dans les dno tations et dans les ralits correspondantes. Convenons tout de suite de ne nous intresser qu'aux groupes restreints, la variable nombre tant discriminative et nous permettant d'liminer de notre classification les groupes dont le nombre dpasse pratiquement 10 membres, le nombre optimum restant fixer selon les genres.

3.1 Le dveloppement des groupes restreintsLe critre le plus immdiat d'une classification nous est fourni par les recherches exprimentales sur le dveloppement des groupes restreints et sur la vie affective des groupes. La dynamique des groupes et les formations par la dynamique des groupes {Group Laboratory Trai-ning) apportent ce sujet des donnes prcieuses permettant de marquer les tapes du dveloppement des groupes, tapes bien dfinies et toujours les mmes, qui, transposes, caractrisent facilement des niveaux d'existence groupale. En schmatisant, et en nous rfrant cette premire mthode, nous marquons quatre genres.

3.

Dcrits ci-dessous page 27, note.

25

Comprendre les enjeu;

l Au dbut

Le groupe n'existe que par une dcision extrieure provenant soit des individus (dcision de venir la runion), soit de l'institution (dcision de runir un groupe, une commission ou une quipe , et dsignation de ses membres). C'est de toute vidence un agglomrat de personnes plus ou moins trangres les unes aux autres, ne se connaissant pas personnellement sinon par leurs cartes de visite , leur nom ou leur spcialit. Si nous prenons appui sur les formations par la dynamique de groupe (o un animateur oblige pratiquement le groupe se centrer sur ce qui se passe ici-et-maintenant), nous savons que, en ce qui concerne la vie affective groupale , la seule obligation d'tre ensemble engendre d'une part une anxit collective et d'autre part la mise en tat d'alerte gnrale des mcanismes de dfense sociale du Moi de chacun. On sait par les groupes de formation, que dans cette tape, o le groupe n'existe pas, les strotypes constituent l'essentiel de la perception de chacun par chacun (strotypes d'ailleurs varis provenant de la perception de l'ge, du sexe, de la profession, des groupes de rfrence avous, du rle social ou du statut), et que les autres sont considrs comme des spectateurs passifs, des observateurs critiques, des juges, des allis potentiels ou des ennemis sournois... et en aucune faon des partenaires, ni des co-acteurs, ni a fortiori des co-quipiers ou des corespon-sables. Les premiers effets de l'inquitude se manifestent par la recherche active d'une planche de salut, trouve gnralement dans l'institution d'une structure et d'un objet de la runion. C'est dans ce cadre rassurant que de pseudo-changes commencent, tout empreints d'expressions dfensives et protectrices, du respect verbal des statuts supposs ou accepts, et de toutes les formes d'attitudes bien assures selon chacun (rponses dominantes ). Cette tape correspond au niveau du fonctionnement d'un grand nom bre de groupes rels ou exprimentaux, et mme de ce que des responsables appellent abusivement des quipes , consistant mettre autori airet ment ensemble quelques individus pour accomplir une tche donne. La structuration d'emble et le programme connu d'avance vitent ces groupes les affres de l'inquitude du face--face exprientiel, et ils peuvent indfiniment fonctionner sur ce mode illusoire.26

D u g r ou p e e xp rim e nt al l'q u ip e d e trav ail

Nous appellerons ces pseudo-groupes, des groupes nominaux . Lorsque le travail faire est de discuter sur un ordre du jour (et, sur certains points, de dcider), ces groupes nominaux sont des runions institutionnelles sans sentiment d'appartenance chez leurs membres. Lorsque le travail faire est une ralisation matrielle, chacun fait la part qui lui a t assigne, sans participation relle au groupe et sans adhsion relle la tche. Les participants s'ignoreront de nouveau ds la fin de leur association artificielle.I Deuxime niveau d'existence groupa le

II correspond au stade de l'tablissement de la confiance interpersonnelle. Les membres du groupe, aprs des ttonnements, des essais et des mises l'preuve (parfois svres) sont parvenus se connatre rellement entre eux. Les premiers masques et les premires lignes de dfenses sont abandonns. Une vague de soulagement parcourt le groupe qui vient de natre, et il a besoin de se sentir exister dans l'accord. De l, un souci du consensus, de l'unanimit, de l'intgration de tous dans le groupe. La satisfaction d'tre ensemble doit tre partage pour qu'elle soit complte. Dans cette phase du dveloppement affectif des groupes, les divergences sont mises en veilleuse. La bonne image donner de soi consiste se joindre la majorit, ne pas faire bande part , dissoudre tout sous-groupe, dire j'en suis pour recevoir l'approbation collective. Paradoxalement la dfense sociale du moi s'exprime par l'inhibition des rponses originales ou des ractions individualistes. C'est le stade o la facilitation sociale joue plein, et o la pression de conformit a pour objectif accept de faire jaillir et de montrer l'unanimit. Les masques sociaux sont changs : au lieu des masques individuels de protection apparaissent le masque de la bonne volont, de la participation affective ce groupe-ci, l'tre-de-ce-groupe. C'est aussi la phase o les dviants sont l'objet de toutes les sollicitations. Les sentiments collectifs s'panouissent. Le groupe, gnralement euphorique, est uni. Nous appellerons ces groupes, des groupes fusionnels ou mme phatiques0. Le bon groupe d'amis en est un exemple. Chacun a l'habitude de4. Dans certaines expriences, on appelle groupe nominal autre chose que de qui est dsign ici ; dans ces expriences, des individus sont dsigns comme faisant partie d'un mme groupe de rsultats comparatifs, et ils travaillent, en fait, isolment. La somme de leurs rsultats servira de contrle d'un autre groupe d'exprience o les ides sont mises en commun [pooling). 5. Ceci en rfrence au type de communication dit phatique (cf. Communication et rseaux de communications) o le contenu n'a pas d'importance et o prvaut le plaisir d'tre ensemble.

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Comprendre les enjeux

ses compagnons de runion ou de travail ; on se connat et on se reconnat. On est content d'tre ensemble. Chacun veut bien faire ce qui convient au groupe. Dans ce genre de groupes, le travail est facilit par l'esprit de consensus qui anime les membres. L'engagement personnel n'est pas profond, ni dans la discussion s'il s'agit de discussion, ni dans la tche s'il s'agit de faire quelque chose ensemble. Les objectifs sont considrs comme secondaires , l'essentiel tant le climat. Chacun fait sa tche dans la limite o elle est attendue par les autres (et en se soumettant de bonne grce des normes formelles ou informelles), sans s'y impliquer rellement. Les statuts, comme tout ce qui individualise, sont pratiquement neutraliss. Les interactions au sens strict (changes crateurs permettant de dpasser en les intgrant les ides ou les opinions individuelles) sont rares ; il y a des suggestions qui rencontrent ou non l'adhsion gnrale, et qui intressent plus le groupe socio-affectif que la tche, quoique l'entraide occasionnelle soit bien vue. Le groupe est persuad d'avoir fait ce qu'il fallait faire, et il prouve, en tout cas, un sentiment d'autosatisfaction.> Troisime niveau d'existence groupale

II correspond une sorte de retour la tche, et, en mme temps, un besoin de structuration et d'organisation internes. Les membres s'impliquent personnellement, et tentent de dfendre leurs ides ou leur conception de la tche ou de l'organisation. Le groupe, secou de ce fait par des tentatives internes d'influence, est par ailleurs attentif sa marge propre de libert et met en question toutes les contraintes qui peuvent peser sur lui, par exemple ses obligations ou sa dpendance institutionnelles. On dirait que le groupe comme tel ressent son potentiel et son pouvoir, et certains de ses membres entrent en comptition pour s'approprier cette puissance. Les personnalits fortes s'affrontent, cherchent des alliances et font des man uvres. Les rles sont surveills et contests. Des sous-groupes existent ou se forment. Les membres, l'intrieur du groupe, sont des rivaux. Chacun a envie de rgler des comptes personnels . La tche devient un terrain de choix pour ces rivalits et permet toutes les substitutions offensives et dfensives : les leaders potentiels veillent leurs frontires et leurs responsabilits aussi bien comme dtenteurs d'un domaine et d'un rle que comme chefs de faction. 28

D u g ro u p e e xprim ent al l'q u ip e d e tra v ail

Nous appellerons ces groupes, des groupes conflictuels. Ils ont gnralement dj un pass, une histoire commune (et des histoires interpersonnelles). La tension est la rgle, sous des expressions varies. Pour touffer les conflits, les groupes quotidiens qui fonctionnent ce niveau d'existence, se rfugient dans une structure formelle et des procdures de prise de dcision, mais les sentiments bouillonnent et les accor ds ne s e f ont que du bout des l vr es , pour vit er des explications svres6. Si la structure formelle n'est pas pesante, les procs mutuels se dveloppent. Il n'est pas rare que le sentiment d'appartenance souffre de ces tensions et que des dparts (ou des absences) suivent les clats. Le leader n'a pas une place de tout repos s'il n'est pas l'abri d'une structure institutionnelle suffisamment forte. Quatrime et dernier niveau d'existence groupale

II caractrise l'tat de maturit du groupe. Le groupe s'accepte comme composition de personnalits diffrentes pouvant chacune apporter sa contribution la solution des problmes du groupe ou la ralisation de ses tches. L'appartenance est devenue un engagement personnel positif et le sentiment dominant est la coresponsabilit dans la dcision ou dans le travail. La connaissance des autres permet cha cun de prvoir les comportements et de s'ajuster, de prvoir des rles en fonction des situations. Capable de s'autorguler et conscient de ce qui se passe en lui-mme au niveau socio-affectif, le groupe se donne des rgles et une rgle de rvision des rgles. La centration sur la tche dans le climat de coopration authentique, permet le choix de la structure approprie et d'une distribution de rles congruents au double point de vue des personnes et du travail faire. La solidarit va de soi. Les interactions se dveloppent plein et deviennent, outre l'expression de la participation intgrale, la source d'une crativit groupale nouvelle. Mme isols ou loigns les uns des autres pour les besoins de la tche, les membres continuent se sentir solidaires et se rfrent la mise en commun prochaine ou aux dcisions prises en participation. Nous appellerons ces groupes des groupes unitaires. Dans la vie professionnelle ou sociale quotidienne, ils reprsentent une valeur, un potentiel de productivit qui dpasse largement les capacits de chaque membre individuellement, mais aussi un danger en ce sens que la tendance du groupe est se fermer sur lui-mme, devenir une cliqueDans l'exercice n 7 de L'observation psychologique, nous avons eu l'occasion de donner le contenu des changes d'un groupe fonctionnant ce niveau. Maints autres exemples nous sont fournis par les groupes dits de ngociation , ou de runion avec observateurs. Dans ce dernier cas les conflits sont aggrav s par le fait qu'il existe un ou des groupes de pression externes.

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Comprendre les enjeux

ou un clan, et entrer facilement en comptition (voire en conflit) avec les autres groupes. Les mcanismes de dfense sociale du Moi n'ont plus l'occasion djouer l'intrieur du groupe, dans la communication interpersonnelle ; des mcanismes de dfense sociale du groupe se dveloppent, rsultat de la transposition et de la systmatisation des mcanismes de dfense individuels en dfenses groupales, par le fait de la solidarit. Ainsi la rfrence au dveloppement groupai nous fournit quatre types de groupes restreints : le groupe nominal, le groupe phatique, le groupe conflictuel, le groupe unitaire. L'quipe proprement parler se situerait parmi les groupes unitaires. 3.2 Groupes orients vers le groupe et groupes orients vers la tche Un autre mode d'approche nous est fourni par la distinction classique entre groupes orients vers le groupe et groupes orients vers la tche . Plusieurs auteurs ont tabli entre les deux genres une distinction nette : les groupes orients vers le groupe (centrs sur leur vie de groupe et sur les relations) s'occupent de dfinir, d'lucider et d'amliorer les processus internes, au premier rang desquels la communication et les attitudes ; les groupes orients vers la tche ne s'occupent pas de ce qui se passe dans le groupe au niveau socio-affectif ou comportemental, et ont pour souci dominant la ralisation d'un objectif commun. Il est tentant de dire que l'quipe est un groupe orient vers la tche, mais cette dfinition, tout en n'tant pas fausse, n'est pas suffisante. En effet, on a pu dmontrer (Chris Argyris par exemple, op. cit., p. 94) que la rgle des runions professionnelles est de se centrer sur la tche en rationalisant tout ce qui se passe dans le groupe et en vitant systmatiquement toute prise de conscience des processus rels au niveau du vcu groupai. Or ces groupes ne sont pas des quipes. Leur rgle a priori donne aux runions de commissions, comits et autres conventions rgulires, une bonne conscience d'efficacit sans engendrer de participation vraie de la part des membres. Un groupe restreint centr sur la tche dans ces conditions n'est pas une quipe proprement parler. On pourrait lui rserver le nom de thtre d'opinions rationalises et de comportements impersonnels , ou de rencontre de rles abstraits . C'est d'ailleurs exactement cette dfinition que rpondent la plupart des runions dites de collaborateurs .

l

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D u g r ou p e e xp rim e nt al l'q u ip e d e trav ail

l'autre extrme, il est vident que le groupe centr sur le groupe est d'une inefficacit complte en ce qui concerne sa production ou l'accomplissement de tches ventuelles. L'exemple nous en est donn par W.R. Bion (dans Recherches sur les petits groupes, tr. fr. PUF 1965) qui rvle la thmatique de l'inconscient groupai lorsque le groupe n'a pas d'autre objectif que de remuer le plus possible les sentiments individuels ou collectifs et surtout l'gard de l'animateur-nombril, avide de sentir monter vers lui des dsirs obscurs d'accouplement ou de dvora-tion. En amliorant les points de repre sur le continuum qui va du groupe-centr-sur-le-groupe-sans-autre-but-que-de-remuer-ses-probl-m es ... au thtre-d'opinions-rationalises-et-de-comportements-imper-sonnels (runions socioprofessionnelles dites de travail , dnonces par Chris Argyris), on peut dfinir 5 genres.Les 5 styles de groupe Groupes centrs sur le groupe 1. Groupes s'analysant sans but d'am lioration du systme interne (exemple : groupes induits de W.R. Bion).

2. Groupes centrs sur le groupe dans un but de progr s des attitudes et de comprhension des processus en vue de la formation au travail en groupe (exemple : T-group ou Groupe-centr-sur-le-groupe de R. Meigniez). Groupes centrs sur le groupe autant que sur la t che Groupes centrs sur la t che 3. quipes de travail.

4. Groupe travaillant ensemble pour am liorer la coopration et la communication propos des tches prescrites (exemple : Synergomtre ou mthodes de Team-Development de K. 7 Harley) .

5. Runion des professionnels centrs a priori sur la tche en vitant toute analyse du vcu groupai rencontres de rles rationaliss, correspondant ce qui est appel, dans notre socit industrielle, des runions de travail ).

7.

Ceci est repris et dvelopp ci-dessous p. 102 et 109.

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Comprendre les enjeux

Les deux dimensions (le vcu groupai et la tche) dont nous avons vu les aspects pathologiques lorsqu'elles sont isoles, sont conjointement essentielles un groupe authentiquement groupe. L'quipe serait donc, dans cette classification, au point 3 d'quilibre. Son perfectionnement la fait, selon les besoins, pencher certains moments, vers le point 2 ou vers le point 4. Les types 1 et 5 sont radicalement trangers l'quipe. 3.3 Les groupes sensibles En 1970, dans l'article Work groups and job design (in Work Study Management Serv., G.B., 1970, 14, 403, p. 211-216), G. Hutton remet en honneur une expression cre en 1967 par Miller et Rice, celle de groupes sensibles 8 , l'occasion de leurs recherches sur l'esprit d'quipe : L'engagement, et le sentiment de groupe engendr par la satisfaction d'effectuer la tche ensemble, conduisent le groupe dfendre cette tche et maintenir le groupe. Les membres sont ainsi ports rsister la fois au changement de travail et au changement de composition du groupe . Un double engagement caractrise le groupe dit sensible : engagement interpersonnel et engagement dans le travail commun. La sensibilit serait d'une part la vigilance, d'autre part l'intensit... de la raction groupale toute intervention extrieure sur la tche et la composition du groupe. Observant ces groupes, typiquement task-oriented du fait mme qu'il s'agit d'quipes de travail, les auteurs dcrivent comme premiers phnomnes : la loyaut envers le groupe, l'engagement personnel, l'identification au groupe. Un tel tre groupai dfinit par l mme, son inverse : le groupe abstrait, o l'tre-ensemble-en-un-mme-lieu ne donne au mieux, qu'un contexte social . Ainsi, en nous guidant sur les classifications habituelles des genres de groupes, nous pouvons dire que l'quipe est un groupe unitaire, quilibr entre l'orientation vers le groupe et l'orientation vers la tche, et sensible .

8.

Dans l'esprit de Miller et Rice, le groupe sensible est le rsultat d'un entranement exprientie! appel, comme on le sait, sensibilisation .

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D u g ro u p e e xprim ent al l' q u ip e d e tra v ail

4. La valeur du travail en quipe Pour que le travail en groupe soit efficace crit M. V. Sea-Goe (op. cit., p. 97, dfinissant en fait le travail en quipe), chacun de ses membres doit tre conscient des motivations sous-jacentes des autres et vouloir que les autres atteignent leurs buts tout autant que lui. Le groupe doit travailler ensemble des solutions mutuellement dfinies plutt que prdtermines. Si le groupe n'est qu'un agrgat d'indivi dus sans interactions, il n'y aura que peu d'efforts ; parfois il se produira du parasitisme et occasionnellement de l'exploitation (du groupe par tel de ses membres, ou de tel membre par tel autre). 4.1 Renouveau de l'int rt pour le travail d'quipe

C'est dans l'industrie que le renouveau de l'intrt pour le travail d'quipe est le plus apparent depuis une vingtaine d'annes, consquence les dboires de la division excessive du travail (nous avons vu dans un autre ouvrage9 que le morcellement des tches accrot le rendement jusqu' un certain point au-del duquel il le diminue), et de la dcouverte des problmes humains du machinisme industriel (selon le titre du clbre ouvrage de G. Friedmann) la suite des enqutes d'Elton Mayo. Les excs de la division du travail , crit G. Friedmann dans un autre ouvrage (Le travail en miettes, NRF, 1956), ont des incidences conomiques qui expriment quantitativement les ractions subjectives d'ouvriers occups des tches parcellaires, enferms dans un troit secteur de la production, oprant sur une partie d'un objet ou d'une pice qu'ils n'achvent jamais, fixs sur une activit qui est sans cesse interrompue par la division minutieuse des oprations .k La critique du travail la chane

Elle s'est effectivement dveloppe, aussi bien du point de vue des problmes humains que du point de vue conomique. Dans The Man on the assembly Une, C.R. Walker et R.H. Guest ont fait le tour du problme en utilisant bon nombre de mthodes convergentes (observation-participation, enqutes de motivation, mesures du travail) dans une usine automobile. Ils formulent ainsi les caractristiques de ce genre de travail : - rglage mcanique de la cadence ;9. Cf. L'tude des postes de travail dans la mme collection.

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Comprendre les enjeux

-

travail rptitif ; apprentissage requis rduit au minimum ; rglage prtabli de l'utilisation de l'outillage et des techniques ; cycles de travail courts ; attention superficielle mais soutenue.

ces caractristiques il convient d'ajouter l'inachvement de la tche (l'agent n'en fait qu'une partie et elle est interrompue) et la dpersonnalisation du travail. Or on sait (Zeigarnick, Ousiankina et autres10), que l'inachvement impos engendre une tension psychologique et un malaise persistant. Dans une ambiance de travail o la machine, loin d'tre au service de l'Homme, est perue comme un tre tranger et contraignant qui impose sa cadence... l'ouvrier cherche des compensations la dconsidration dont il est ainsi l'objet. Il en trouve d'abord (Pol Coetsier, Communie, au IVe Congrs europen d'tude du travail, mars 1965) dans la camaraderie et les communications verbales avec ses compagnons de travail (communications horizontales dpendant de la disposition spatiale), et dans la solidarit de classe socioprofessionnelle. Il en trouve aussi dans l'affirmation de soi contre la tche et dans la dconsidration de la tche. Ainsi, un systme qui, ses dbuts, permettait une scurit d'emploi des travailleurs nombreux et non spcialiss, et qui de surcrot permettait la fabrication en grande srie, source d'abaissement du prix de vente et de grande diffusion au bnfice d'une amlioration du niveau de vie gnrale... est devenu par ses excs mmes (et pour d'autres raisons ), gnrateur de difficults conomiques et humaines. En outre la cration d'ateliers et de groupes de travail, l'intrieur du systme de morcellement des tches et du travail la chane, a engendr d'autres problmes sans rsoudre les prcdents. Nous avons vu dans un autre ouvrage {La dynamique des groupes, part, enqute sur l'atelier de cblage et de soudure de l'usine de Hawthorne) que le regroupement par ateliers (effectu soit partir des locaux, soit partir des machines, soit partir des oprations programmes) suscitait l'apparition de phnomnes de groupe, parmi lesquels : - tablissement de relations informelles et d'une hirarchie paral lle d'origine sociomtrique ;10. Cf. N.R. Maier, La psychologie dans l'industrie, 1965. Bibl. Marabout, Tome 2, p. 695 et suiv. 11. Par exemple, par le fait que certains besoins fondamentauxtant satisfaits, d'autres besoins apparaissent, tels le besoin de considration sociale, le besoin de promotion, le besoin de formation, etc. Cf. ci-dessous p. 36, note.

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- stabilisation de normes de travail et de rendement pour l'ensem ble du groupe, diffrentes des normes officielles exiges, et en rac tion dfensive contre elles ; - tablissement, l'intrieur du groupe, de sanctions morales ou physiques pour imposer le respect des normes informelles d'atelier, - rsistance du groupe tout changement impos de ses habitudes. Toute une gamme d'interractions et de conflits pouvaient ds lors se manifeste. L'atelier et le groupe de travail forms dans ces conditions, semblent ne jamais aboutir l'apparition d'quipes authentiques dotes d'esprit d'quipe. Une fois de plus on constate que le travail en groupe n'est pas pour autant travail en quipe.I Le job enlargement : largissement des tches centr sur le professionnel

La premire ide d'largissement des tches (job enlargement) centre sur le professionnel a eu des rsultats positifs. Elle reste une des directions modernes du changement des conditions de travail. Elle consistait au dbut (IBM, 1948), donner chaque professionnel une plus grande quantit de gestes accomplir. C'est effectivement la premire ide qui vient lorsqu'on dcide de lutter contre le travail la chane et l'miettement des tches. Chaque ouvrier, au lieu par exemple de serrer un boulon sur la chane, est charg d'accomplir une tche plus importante et diversifie, par exemple placer tout un panneau et vrifier le petit ensemble matriel dont il est responsable. Dans la mme direction, on aboutit personnaliser le travail. Ainsi dans l'entreprise amricaine Corning Glass (1972), une tche complte est offerte au professionnel la place des tches parcellaires : l'objectif et le dlai tant dfinis, le travailleur s'arrange comme il veut (moyenne, outillage, horaires, rythme, etc.) pour la mener terme. On a aussi pens personnaliser le produit fini : le professionnel vrifie la qualit de son travail, et mme il doit mettre sa marque ou sa signature sur son uvre, comme un artiste ou un artisan. L'largissement des tches centr sur l'quipe

La seconde conception de l'largissement des tches fut centre sur l'quipe, considre et dfinie comme petit groupe responsable d'une tche complte, et en auto-organisation . Ce fut surtout la suite de Douglas Me Gregor, professeur de relations industrielles auMIT, auteur du livre The human side of Enterprise (L'aspect humain de

l'entreprise, 1960), que ces nouvelles ides se rpandirent. S'appuyant

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Comprendre les enjeux

sur les analyses psychologiques des motivations de Abraham Maslow 12, Me Gregor labore une thorie de la gestion industrielle selon laquelle il fallait, aprs avoir assur les besoins de base, permettre la dspcialisation, la formation continue, le travail en quipe. C'tait le glas du travail la chane. L'exprience de Arthur H. Kuriloff en Californie (entreprise de matriel lectronique) faite selon ces principes, aprs 2 ans de flottement, aboutissait en 1963 des rsultats spectaculaires. D'autres suivirent. Aprs la tentative couronne de succs de la raffinerie Willem James Rotterdam en 1964, les expriences d'ateliers auto-organiss des usines SAAB et Volvo en Sude, celles de Donnely Mirrors, de Mariott Corporation et de la General Electric aux Etats-Unis, etc., aboutirent des rsultats hautement positifs lorsque se ralisrent d'une part l'engagement et l'intgration des ouvriers dans le groupe en auto-organisation, d'autre part la centration des quipes autour de contrematres ou chefs d'atelier forms ces nouvelles responsabilits. En France, citons les entreprises Facom (outillage), Tlmcanique Electrique (appareillages), Leroy-Sommer (moteurs), Viniprix (distribution d'alimentation), Thimon (quipement thermique), Faiveley (quipement ferroviaire), Jaeger (compteurs), SIM (imprimerie), Guilliet (machines-outils)... et la liste n'est pas complte. Les problmes de mise en place des quipes autonomes ou oprationnelles ont t nombreux : dans l'une de ces entreprises, il a fa llu 5 ans entre l'acceptation de l'ide et la mise en place effective des groupes d'enrichissement des tches, 5 annes utilises en information et en formation non seulement en fonction des nouvelles tches qui attendaient les participants (dfinition des objectifs, comptabilit et gestion, quipement et production)... mais aussi sur le travail en quipe en tant que tel, les rles nouveaux, le savoir-participer et l'auto-organisation. Les observateurs sont unanimes constater aujourd'hui les avantages du travail par quipes. L'organisation qui permet un petit groupe d'assurer la totalit d'un travail comportant des oprations diffrentes, augmente d'environ 50 % les performances antrieurement releves dans le travail la chane avec le mme nombre d'individus et la mme technologie. On constate une augmentation de l'engagement personnel12. Dans Motivation and Personality (New York 1954), Maslow affirmait que les besoins humains se disposent selon une hirarchie comprenant, en bas, les besoins physiologiques fondamentaux, puis dans l'ordre ascendant : la scurit, le sentiment d'appartenance, la considration sociale, l'estime de soi et enfin, en haut de l'chelle, le besoin de se raliser . Il dit en outre que chacun des besoins successifs se manifeste et s'impose psychologiquement lorsque les besoins immdiatement antcdents sont satisfaits . Ainsi par exemple la scurit de l'emploi tant ralise, le besoin d'appartenance (ou d'identit sociale] apparat et ainsi de suite. De ce fait clate l'insuffisance d'un systme industriel qui ne s'attacherait qu' satisfaire les besoins matriels et conomiques des hommes.

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D u g ro u p e e xp rim ent al l' q u ip e d e tra v ail

des travailleurs et de leur satisfaction au travail (en particulier baisse de l'absentisme et du turnover). Le succs de ces tentatives exige une nouvelle conception du travail et du rle, un dsir d'engagement personnel13 ; il faut aussi, comme le disait G. Hutton (in Work Groups and Job Design, art. dj cit), que les valeurs sous-jacentes au travail offert ne soient pas trangres l'exprience et l'orientation des travailleurs , autrement dit, il faut aimer ce qu'on fait, mais encore, disons-le, aimer travailler en quipe.Les quipes autonomes d'entreprise

l'extrme, la revendication de cration des quipes autonomes d'entreprise parat une extension et une gnralisation de ces solutions. On ne peut viter d'voquer ici les ides de Hyacinthe Dubreuil (1883-1971), vigoureusement dfendues aujourd'hui par le Comit d'action Hyacinthe Dubreuil pour le dveloppement des quipes autonomes dans l'entreprise. Quelle que soit la dimension de l'entreprise, dit le manifeste de ce Comit (d. EMU, avril 1973), il doit y avoir pour chaque travailleur un groupe premier de relations qui soit sa mesure et qui ait une vie relativement autonome... Cette association de travail, c'est prcisment la dfinition de l'quipe... Un domaine sera rserv cette quipe o elle aura une libert d'action, les quipiers pouvant et devant s'y organiser comme ils l'entendent et respecter les rgles convenues... L'quipe est avant tout une unit humaine et une unit d'action . Une certaine ambigut rgne cependant ici dans la doctrine, car le but est la dcentralisation et l'humanisation des entreprises par la cration de petites entreprises associes , chacune excutant (dans le cadre d'un contrat de sous-traitance) un travail (un type d'objet ou un genre de service ou un appareillage) en liaison avec d'autres au sein d'un rseau constituant, par son ensemble, l'entreprise-carrefour d'changes. La petite entreprise associe peut-elle tre une quipe ? Ici, il semble que le nombre officiellement retenu par le Comit Hyacinthe Dubreuil ( taille favorable : entre 10 et 50 travailleurs , op. cit., p. 11) soit lourd pour une quipe, et que la section ainsi dfinie doive tre elle-mme une connexion d'quipes. En effet, on sait depuis Gibb (1951) que la productivit d'un groupe de travail n'est pas relie sa taille de faon linaire, et qu'elle dcrot au-dessus de 10.13. On value 10 ou 15 % le nombre de travailleurs qui prfre s'en tenir au systme automatique et individuel, ne pas avoir de responsabilits et ne pas avoir penser rellement leur tche.

Comprendre les enjeux

4.2 Le travail en quipe dans les autres secteurs d'activit sociale et professionnelle

La spcialisation des connaissances et la complexit des cas rels traiter poussent aussi vers le travail en quipe. La notion moderne de pluridisciplinarit invite et prpare au travail en quipe.I Exemples dans la recherche scientifique

Dans La recherche mdicale en France (Ed. des Laboratoires Sandoz, Paris, 19*73), le Professeur B. Halpern, du Collge de France, prsente l'Institut de recherches immunologiques. Les chercheurs sont rpartis en quipes, chacune ayant un responsable qui dlimite un champ de recherches en coordination avec les autres quipes. Au total, il y a 35 chercheurs. Selon B. Halpern, La recherche est une aventure, et l'aventure est l'affaire de commandos {op. cit., p. 39). Un chercheur solitaire a aujourd'hui , renchrit le Pr. E. Corabceuf, une grande probabilit de strilit scientifique (ibid. p. 38). Le professeur M. Bessis, directeur de l'Institut de pathologie cellulaire, rattach l'INSERM , parlant des quipes, dit que, d'aprs son exprience, l'quipe idale est de 5 chercheurs, auxquels sont associs 3 ou 4 techniciens des appareils. Lorsque le Laboratoire de recherches suit une ligne continue qui va de la synthse des molcules l'application thrapeu tique, les quipes se situent en chane. C'est le cas de l'Unit de recherches U 71 prsente par le professeur G. Meyniel, o successivement interviennent l'quipe de chimie organique (synthse des molcules), l'quipe de chimie analytique (contrle, analyse, purification des synthses prcdentes), l'quipe de biologie (qui en commence l'tude applique), l'quipe d'applications cliniques (qui met au point la thrapeutique, les indications, la posologie, etc.). Des rencontres et des changes entre les quipes (voire des passages temporaires de chercheurs d'une qu dans ipe l'autre) sont institus.t Exemple dans le contrle arien

Dans les aroports importants, les contrleurs ariens travaillent en quipe (non pas au sens de rotation horaire mais au sens de co-action en situation). L'troite collaboration exige entre ces oprateurs a t spcialement tudie (N. Maier) et la conclusion a t que le travail en14. Institut national de la sant et de la recherche mdicale, centre qui tend relayer, dans ce domaine, le CNRS (Centre national de la recherche scientifique].

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quipe est de loin plus efficace que la somme des travaux individuels, bien que la quantit de travail de chaque membre soit diminue. Les observateurs notent cependant que travailler ensemble est autre chose pour chacun, que savoir faire sa propre part de travail .> Exemple de l'quipe mdico-psychosociale

Ces quipes sont typiques de la multidisciplinarit ; elles ont la charge d'organiser l'observation et le traitement des enfants ou adolescents d'un centre mdico-social ou d'un institut mdico-pdagogique ou d'un centre d'observation. Elles comprennent gnralement le mdecin -psychiatre, le psychologue, l'assistante sociale, les ducateurs ou ducatrices. Une telle quipe peut tre fixe (attache un tablissement) ou itinrante10. Le nombre de communications et articles consacrs ces quipes semble prouver qu'elles n'acquirent pas facilement l'harmonie et l'efficacit ncessaires. V. Jacobson et Pn. Monello, dans le livre qu'ils ont consacr au Travail social en quipe, admettent que les membres de ces quipes doivent apprendre travailler en quipe , et ils dnoncent les statuts paralysants, les luttes d'influence, la fuite de la ralit et de l'action dans le verbalisme ou les explications thoriques autosatisfaisantes. L'quipe de base de la psychopdagogie mdico-sociale (crit R. Lafon, art. cit.) se compose essentiellement de 5 spcialistes : l'ducateur spcialis, l'instituteur spcialis, le travailleur social, le psychologue, le pdo-psychiatre. Dans les services particuliers, d'autres spcialistes peuvent tre adjoints : aides mdico-pdagogiques, rducateurs de la motricit, rducateurs du langage, rducateurs de la sensorialit, moniteur d'ate lier, monitrice de l'enseignement mnager, moniteur d'ducation physique, psychothrapeute... Je n'ai pas cit le directeur parce que j'estime que, pour s'intgrer rellement dans l'quipe d'action directe, il doit, outre ses fonctions administratives, assurer une des fonctions dj cites, ou possder une formation et une exprience qui devraient lui permettre d'occuper valablement une de ces fonctions. Les moments d'action de l'quipe varient avec les principaux temps de la psychopdagogie mdico-sociale : dpistage, diagnostic, cure, postcure, et les moyens sont : l'tude historique du cas, l'observation, les examens psychologiques, la rducation, etc.15. Telles les quipes itinrantes du CREAI et les quipes techniques du mme Centre, les premires supplant la pnurie de spcialistes locaux, les autres organisant ou rorganisant le fonctionnement d'tablissements de sau vegarde de l'enfance. 16. Dans les quipes de travailleurs sociaux, personne ne sait ce qu'est un travail en quipe [p. 37).

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Comprendre les enjeux

Les formes de l'quipe sont infinies, elles varient non seulement avec chaque type de service, mais mme avec chaque service. Et au sein d'un mme tablissement ou service, s'il y a plusieurs quipes, il ne saurait y avoir deux quipes identiques... Les runions de synthse, les confrences de cas, les confrences spciales, les runions d'organisation des programmes d'activit, sont autant d'occasions de confrontations constructives des points de vue respectifs, et obligent l'quipe et celui qui en a la responsabilit, s'lever au-dessus des considrations techniques et thoriques propres chaque spcialiste. chacun et l'quipe, se posent chaque jour des problmes nouveaux, et la runion d'quipe est l'occasion de permettre chaque participant d'amliorer sa propre efficacit . Lorsque de telles quipes fonctionnent harmonieusement en vue d'une action bien pense et bien conduite pour la sauvegarde d'un enfant ou adolescent intern, chacun apprend beaucoup et donne aussi beaucoup, les modes d'approche et de comprhension tant complmentaires.Pour conclureJ'voquerai le texte de Durkheim o le clbre sociologue affirme les avantages de la division du travail, en ayant dfini cette notion non pas dans la perspective industrielle de l'miettement des tches mais dans celle, sous-jacente, d'une rpartition interne du travail. La division du travail , crit-il, suppose que le travailleur, bien loin de rester courb sur sa tche, ne perd pas de vue ses cooprateurs, agit sur eux et reoit leur action . Ces mots s'appliquent minemment l'quipe de travail, sa solidarit, ses interactions, son efficacit multiplie, sa valeur formatrice de l'tre-social.

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Illilllim S l l

C H A P IT R E

Les relations interpersonnelles dans l'quipe et l'esprit d'quipe

N

ous devons entrer maintenant dans l'tude du vcu et du fonctionnement d'une quipe de travail. Toute quipe crit R. Lafon (in Sauvegarde de l'enfance, art. cit.), doit tre envisage sous son quadruple aspect : structural, fonctionnel, relationnel et mme motionnel ; tous ces aspects sont, du reste, troitement lis . Nous tudierons tous ces aspects, en commenant (et ce sera le thme de ce chapitre) par les aspects relationnels et motionnels, sans perdre de vue que ce dcoupage est didactique et que tous les aspects se tiennent dans la ralit du travail en quipe. L'quipe, comme tout groupe de coopration, a fatalement ses problmes humains. Ils ne sont dpasss que par et dans la cohsion.

1. La cohsion et ses conditionsUne quipe n'existe et ne se donne son travail que dans la mesure o elle prsente une certaine cohsion. C'est l un constat de bon sens. La cohsion , crit S. Schachter (in Dviation, rejet et communication , in Journ. of abnormal and social Psychology, 1951, 46), reprsente la

totalit des forces qui poussent les membres rester dans le groupe... ; elle augmente avec la valence du groupe pour ses membres .

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Comprendre les enjeux

Avec Schachter, on peut considrer que la valence du groupe, c'est--dire sa valeur attractive pour ses membres, a deux sources principales : l'attrait que prsentent les activits du groupe et l'attrait des membres les uns pour les autres. Nous verrons les activit du s groupe dans le chapitre 3. Occupons-nous de l'autre aspect.1.1 La confiance envers les partenaires et la coop ration

Certes la situation (comme nous le verrons), les exigences de la tche et la ncessit de la convergence des efforts pour l'effectuer... sont des facteurs de cohsion. Cependant, la confiance envers les parte naires est le premier ciment direct de la coopration voulue et entretenue. Connatre les partenaires

Le fait de connatre et mme seulement de voir les partenaires est dj en soi gnrateur de confiance. Par de trs nombreuses expriences sur des dyades, invites par la consigne cooprer dans un jeu (le jeu du dilemme du prisonnier 1 ), les chercheurs ont tabli les variables qui inhibent les attitudes comptitives habituelles et qui favorisent la coopration demande (et explique) par la consigne. Loomis (en 1967) avait dj montr que lorsque les partenaires (au jeu du dilemme du prisonnier) ne peuvent ni se voir ni s'entendre (ni donc se parler), ils sont induits par cette situation au maximum de rivalit et donc au minimum de coopration. Ds que la situation permet aux joueurs de se voir (mme sans parler), la coopration s'accrot (statistiquement) de manire spectaculaire. Une exprience astucieuse de J.-C. Abric, C. Faucheux, S. Moscovici et M. Pion (art. cit.) dmontre que la possibilit d'agir sur le partenaire et d'avoir avec lui une relation simplement humaine intensifie les comportements de coopration. Ils comparent dans ce but le jeu contre un partenaire mcanique et le jeu avec un partenaire humain. Commentant ces expriences et d'autres sur les mmes phnomnes, H. Wichman (art. dj cit) conclut que lorsqu'un minimum de familiarit est possible, le souci de l'intrt commun prend facilement1. Il s'agit d'un jeu sommation non-nulle. Ce jeu est caractris par le fait que les joueurs gagnent ensemble s'ils se font confiance, ou perdent ensemble si chacun des deux joue-pour-gagner-au-dtriment-de-l'autre. La comptition pnalise donc les deux partenaires la fois

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L es r elati on s int erp ers o n n ell es d an s l'q u ip e et l'es p rit d ' q u ip e

le pas sur la rivalit naturelle qui s'alimente principalement de la mfiance.> Tirer profit du pass commun

Un pass commun de coopration russie intensifie la coopration actuelle. Cette conclusion est celle d'autres sries d'exprimentations : Rapaport et Chammah (1965) crent le pass en faisant jouer de 500 700 fois ensemble les quipes, et en suivant le progrs des attitudes vers la coopration ; Kidd et Compbell (recherches rapportes in Jodelet et coll., op. cit., 1970) fabriquent le succs ou l'chec, et tudient les fluctuations de la confiance ; ils constatent que le fait d'avoir travaill ensemble de faon satisfaisante est le facteur le plus important. E. Apfelbaum (art. cit., 1967) fournit de ces rsultats un schma d'interprtation et crit : plus ou mieux le partenaire est connu, plus ses actions peuvent tre anticipes correctement , formule laquelle on pourrait ajouter... et plus diminue le risque de s'en remettre autrui, de lui faire confiance (et de perdre proportionnellement soi-mme la complte matrise des circonstances) . Encore faut-il que cette connaissance , pour tre confiance et acceptation de la dpendance particulire implique par la coopration, soit positive, qu'elle soit estime, reconnaissance de valeur, de comptence et de loyaut. Nous retrouverons ncessairement cette variable dans l'analyse de la relation de l'quipe avec sa tche.* Image positive et coopration

L'image que chaque membre de l'quipe se fait de ses partenaires et de l'quipe elle-mme comme unit constitue dtermine ses comportements. Plus cette image est positive, empreinte de scurit dans le loyalisme et l'esprit de coopration des autres, plus les conduites de chacun seront naturellement orientes vers la coopration. C'est ce que montre J.-R. Codol (art. cit., 1970) dans une exprience o les quipes sont de 3 membres. Il conclut aussi que l'image de l'quipe pour ses membres, qu'elle soit positive ou ngative (par suite des manipulations de l'exprimentateur), intervient sur la perception de la situation et de la tche, c'est--dire, qu'elle restructure compltement la signification des circonstances et du travail faire, chez les partenaires.2. Cet adjectif est volontairement ambigu, signifiant aussi bien la ussite de la tche que la bonne ambiance interr personnelle.

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Comprendre les enjeux

1.2 Le comportement de coop ration est sans cesse renforc en situation d'quipe On appelle renforcement , comme vous le savez, pour un com portement, le fait qu'il soit rcompens (d'une manire ou d'une autre) ds qu'il apparat l'initiative du sujet (intentionnellement ou par hasard). Cette rcompense tend fixer le comportement qui l'a dclenche, et celui-ci est rapidement appris 3. Morton Deutsch (en 1949), Cohen (en 1962), observant l'volution des groupes exprimentaux induits la rivalit interpersonnelle ou la coopration, constataient que dans les groupes coopratifs se produit un processus de renforcement rciproque qui sert maintenir la frquence du comportement de rsolution des problmes par chaque personne un haut niveau (cit in Elliot Me Ginnies, Social Behaviour, a functional analysis, Ed. Houghton Mifflin, Boston, 1970). Cela signifie que tout comportement individuel positif par rapport au succs commun (entraide, bonne ide, russite partielle de la tche, dcouverte d'une astuce ou d'un moyen, etc.) procure son auteur une approbation groupale et un ralliement gnral qui est source de satisfaction intime, et, de ce fait, est incitateur de son renouvellement. De plus la bonne ide d'un membre stimule le groupe et provoque un accroissement des interactions. Chacun reoit l'apport nouveau comme une chance et une joie. Inversement d'ailleurs, dans les groupes en rivalit interpersonnelle, toute bonne rponse d'un membre provoque chez les autres un effet dprimant, car il signifie leur chec, leur recul ou leur infriorit dans la performance comptitive. Puisque le comportement de coopration est renforc en situation d'quipe, on pourrait en conclure, semble-t-il, que les membres de l'quipe sont pousss par cet effet vers une coopration de plus en plus accentue. En fait, d'aprs des recherches de Rapaport et Chammah, le pourcentage des comportements coopratifs plafonne statistiquement autour de 65 % dans les conditions ordinaires de la vie des quipes de jeu et de travail. C'est que, dans ces mmes conditions , les personnalits ne sont pas pour autant niveles, et que la bonne initiative a un3. Ces phnomnes relvent de l'apprentissage par conditionnement oprant . On sait que les expriences de Skinner sur ces phnomnes prouvent que le comportement ainsi acquis persiste mme lorsque le renforcement devient intermittent (rcompens alatoirement 1 fois sur 2, puis 1 fois sur 10, puis une 1 fois sur 100, etc.). 4. Il en sera diffremment, comme nous le verrons, pour les quipes tendant vers une vritable mystique du groupe

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effet secondaire non ngligeable, celui de mettre en vedette , dans le groupe, l'individualit du coquipier initiateur. 1.3 Comptition dans la coopration De mme que G. Bachelard distinguait l'esprit polmique du chercheur scientifique, esprit utile au progrs, et l'esprit de critique, contestation purement ngative... de mme M. Deutsch (1960, repris par Ham-mond en 1966) distingue entre une comptition de type affrontement ngatif destructeur de l'autre, et comptition dans la coopration, qui se produit dans le cadre d'une appartenance commune au groupe et d'une motivation inconteste pour la tche. Dj, les disciples de Moreno, dans les applications du test sociomtrique la dsignation des quipages de bombardiers, avaient constat (cit in Mendras, op. cit., 1967) que l'quipage le plus efficace n'est pas celui o il y a le plus d'affection mutuelle ... Au contraire, l'optimum, du point de vue du rendement, est un dosage dlicat pour qu'il n'y ait pas trop de comptition mais pas trop de coopration inconditionnelle non plus. Comme l'a tabli Roger Lambert, une certaine comptition intra-quipe augmente considrablement les performances du groupe, la satisfaction gnrale des coquipiers, tout en permettant chacun de se mettre en avant personnellement, et d'acqurir de l'influence ou du prestige. Nous verrons, propos des structures de l'quipe et du leadership, que le nivellement autoritaire du petit groupe dtruit l'esprit d'quipe. Mais il reste vident que cette forme de comptition est une mulation interne, stimulant les interactions et le dynamisme groupai, et qu'elle est plus expressive de la volont de participation que d'un souci gocentrique. Ceci est particulirement manifeste dans une quipe sportive disputant un match. l'intrieur d'un jeu d'quipe qui montre la cohsion et la valeur de l'quipe, chaque coquipier cherche le coup personnel prestigieux qui assure la fois son succs et celui de l'quipe.

2. Taille et composition des quipes de travailUn des problmes majeurs de l'quipe est, on l'a vu, son unit. Or l'unit (unit d'esprit, unit d'action) devient impossible maintenir quand le nombre des membres est trop important (si par ailleurs on veut maintenir une libert des communications et des initiatives individuelles)45

Comprendre les enjeux

et quand la composition du groupe est trop rfrence commun). htrogne (sans cadre derp fp rp n r p ro m m n r A

2.1 Le problme de la taille optimale d'une quipe de travail Les recherches ont t nombreuses et les rsultats peu concordants par suite des ambiguts mthodologiques dj signales ci-dessus. Quelques certitudes mergent : - Plus le groupe est nombreux, moins les membres sont satisfaits parce que les difficults de communica