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121 ÉVALUATION ET RÉFLEXION SUR LES MUSÉES D’AGRICULTURE 7 - Ferme d’Oktorp au Skansen de Stockholm Míwées d’agricahre : geaèse Sune Zahrisson Ni en Suède en 1932. Obtient un doctoratà l’Uni- versitt d’Uppsala en 1962. Directeur du Muste du comté de VHsterbotten en 1066. Conservateur en chef et directeur du Musée de la ville de Stockholm en 1973. Directeur du Nordiska Museet, Stock- holm, depuis 1975. Ancien prtsident de l’Associa- tion internationale des musées d’agriculture. Les premiers musées spécialisés dans l’histoire de la vie rurale et de l’agricultu- re sont apparus dans la dernière décennie du siècle et sont issus des grandes ex- positions universelles. Les objets rassem- blés à ces occasions ont souvent servi de base aux collections agricoles à venir. Les musées ethnographiques ont eux aussi apporté leur contribution à ces exposi- tions pour la culture populaire et la vie rurale. Dans les années 1890, Arm Hate- lius fonda Skansenl, un musée ethnogra- phique, l’on trouve une reconstitution du milieu agricole er qui devint le proto- type de tous les musées de plein air. Entre ces derniers et les musées d’agriculture proprement dits il y eut d’emblée d’im- portantes diffe‘rences. Les musées d’agriculture illustraient les progrès techniques grâce à l’invention d’outils et d’engins nouveaux et aux dé- couvertes concernant la sélection végétale et animale. Leur vocation nettement technico-pédagogique amena ces institu- tions àjouer un rôle dans l’enseignement agricole. Les premiers musées de ce type - qui restent encore aujourd’hui les plus grands - furent créés dans les années 1890 en Hongrie et en Tchécoslovaquie2. D’autres apparurent en Allemagne, au 1. Voir I’articleaSkansen: le bilan de quatre- vingt-dix ans d’existence B, dans Ilfzueum, vol. XXXIV, no 3,1982. 2. Voirl’articleaLe Musée hongroisde l’agriculture : son rôle national), , dans Ahse/mz, nu 140(vol.XXXV, nod), 1983.

Musées d'agriculture: genèse et propagation d'une idée

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É V A L U A T I O N ET R É F L E X I O N SUR L E S M U S É E S

D’AGRICULTURE

7 - Ferme d’Oktorp au Skansen d e Stockholm

Míwées d’agricahre : geaèse

Sune Zahrisson

N i en Suède en 1932. Obtient un doctoratà l’Uni- versitt d’Uppsala en 1962. Directeur du Muste du comté de VHsterbotten en 1066. Conservateur en chef et directeur du Musée de la ville de Stockholm en 1973. Directeur du Nordiska Museet, Stock- holm, depuis 1975. Ancien prtsident de l’Associa- tion internationale des musées d’agriculture.

Les premiers musées spécialisés dans l’histoire de la vie rurale et de l’agricultu- re sont apparus dans la dernière décennie du siècle et sont issus des grandes ex- positions universelles. Les objets rassem- blés à ces occasions ont souvent servi de base aux collections agricoles à venir. Les musées ethnographiques ont eux aussi apporté leur contribution à ces exposi- tions pour la culture populaire et la vie rurale. Dans les années 1890, A r m Hate- lius fonda Skansenl, un musée ethnogra- phique, où l’on trouve une reconstitution du milieu agricole er qui devint le proto- type de tous les musées de plein air. Entre ces derniers et les musées d’agriculture proprement dits il y eut d’emblée d’im- portantes diffe‘rences.

Les musées d’agriculture illustraient les progrès techniques grâce à l’invention d’outils et d’engins nouveaux et aux dé- couvertes concernant la sélection végétale et animale. Leur vocation nettement technico-pédagogique amena ces institu- tions àjouer un rôle dans l’enseignement agricole. Les premiers musées de ce type - qui restent encore aujourd’hui les plus grands - furent créés dans les années 1890 en Hongrie et en Tchécoslovaquie2. D’autres apparurent en Allemagne, au

1. Voir I’articleaSkansen: le bilan de quatre- vingt-dix ans d’existence B, dans Ilfzueum, vol. XXXIV, no 3,1982.

2. Voirl’articleaLe Musée hongrois de l’agriculture : son rôle national), , dans Ahse/mz, nu 140(vol.XXXV, nod), 1983.

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Danemark, en Égypte et au Royaume- Uni, pour ne citer que quelques exem- ples. Tous offrent un panorama plus ou moins complet de l’histoire de l’agricul- ture nationale, de la sylviculture, de la vi- ticulture, de la chasse, de la pêche, de l’apiculture, etc. On comprend donc que peu d’établissements conçus sur le modè- le de ces musées nationaux d’agriculture aient vu le jour dans la seconde moitié du me siècle. En revanche, les musées spé- cialisés dans certaines branches de l’agri- culture se sont multipliés dans le monde entier.

De leur côté, les musées de plein air vi- saient à ressusciter, à partir des structures agraires et des méthodes d’exploitation d’une,période historique donnée, la vie et la culture rurales traditionnelles. Leur orientation était nettement ethnographi- que. Le modile de Skansen a été rapide- ment imité en Scandinavie et dans l’en- semble de l’Europe et les musées de ce ty-

3 Culture à Julita.

pe ont proliféré, notamment avant et après la deuxième guerre mondiale. La plupart des collections concernent l’his- toire de l’agriculture, puisque tous ces musées s’attachent à dépeindre la culture rurale, autrement dit celle de la popula- tion agricole.

Dans les grands musées d’agriculture, le personnel comprenait un noyau de techniciens et de naturalistes que sont bientôt venus rejoindre des ethnologues et des historiens. Les musées de plein air disposaient surtout d’ethnologues et ex- ceptionnellement de botanistes et de zoologistes. Mais tous sont passés libre- ment d’un type de musée à l’autre. Car le point d’intérêt commun des ethnolo- gues, techniciens et historiens de l’écono- mie était l’évolution des outils de travail. C’est sur ces bases qu’est née en 1966 l’Association internationale des musées d’agriculture, même si son bulletin, Acta museomm agnkdturae, fait actuelle- ment une large place à la recherche sur l’histoire rurale, l’ethnologie rurale, l’ar- chéobotanique, l’archéozoologie et l’eth- nobotanique.

Depuis la deuxième guerre mondiale, ces deux types de musée ont vu leurs fonc- tions évoluer et s’élargir et ont désormais une très importante mission commune. Ils se sont renforcés à mesure que l’agri- culture se développait et que la situation sociale dans les pays industrialisés deve- nait plus complexe.

Les efforts croissants de productivité, entraînant l’emploi d’engrais et de pesti- cides sur d’immenses étendues de mono- culture, eurent un impact marquant sur l’environnement, entraînant souvent de graves perturbations de l’équilibre entre l’homme et la nature. Le souci des pro- blèmes écologiques et de la protection de l’environnement trouve de plus en plus d’écho parmi les spécialistes et dans le grand public. Le développement de l’agriculture de rapport s’est naturelle- ment accompagné d’initiatives visant à améliorer les espèces animales et végéta- les, alors que, dans le même temps, une grande partie du savoir accumulé depuis des générations se perdait. Ce savoir reste vivant dans de nombreux pays mais, là où la production agricole est industrialisée, on ne le trouve plus que dans les musées ou dans de vieux manuels d’agriculture.

Or c’est précisément la connaissance des méthodes et de l’expérience ancien- nes qui nous serait à nouveau utile au- jourd’hui. Les pays en développement ont parfois tenu compte des exigences de l’environnement face à l’introduction de l’agriculture moderne. Dans les pays in-

dustrialisés, la crise énergétique qui a commencé en 1973 a été le signal d’alar- me. Le besoin s’est fait sentir de renouer avec les types d’agriculture traditionnels et de préserver certaines espèces végéta- les, des variétés de céréales et des races d’animaux domestiques qui étaient ap- parues un temps moins rentables. On a pris vivement conscience de la nécessité de sauvegarder la richesse des variations génétiques, qui manifestement dédi- nait. Ces préoccupations nouvelles se sont imposées avec d’autant plus de force qu’on a été amené, au cours des années 60 à 70, à développer les utilisations pra- tiques de ces espèces et de ces techniques <<dépassées>>. Dans le domaine de la sélec- tion végétale, tout un travail de sauvetage a été entrepris grâce à des banques de gè- nes qui collaborent à l’échelle internatio- nale, tandis que des organisations béné- voles se consacrent activement à la conser- vation des plantes en voie d’extinction.

Des rôZes nouueauxpour les musées

Quelle a été la réponse des musées face à cette situation? D’une manière générale, ils n’ont pas suffisamment contribué à exposer et expliquer l’évolution du mon- de agricole. Ce sont plutôt des chercheurs et des groupes comme le mouvement é!o- logiste, des jeunes qui quittent les villes et <<retournent>> à l’agriculture pour y trouver un mode de vie qui leur permet d’éhapper à la société urbaine et in- dustrielle qui se sont intéressés à l’histoire de l’agriculture.

Les organisations fondées pour proté- ger les espèces rares ou les végétaux en voie d’extinction ont obtenu quant i te! bons résultats. Pour faire connaître leurs travaux au public, nombre d’entre elles ont créé des parcs agricoles ou d’autres ty- pes de musée, où elles se sont efforcées de présenter les implications historiques et écologiques profondes du travail de pré- servation en partant de leur propre action. Ainsi le visiteur qu’un intérêt occasionnellement teinté de nostalgie pour la culture paysanne et la campagne attirait dans les musées d’agriculture et dans les musées de plein air traditionnels a peu à peu ressenti le souci de l’équilibre écologique et le besoin de mieux com- prendre l’ensemble de ses mécanismes.

C’est dans ce contexte que vers la fin des années 60 s’est développé aux États- Unis d’Amérique grâce à l’initiative per- sonnelle de John T. Schlebecker, de la Smithsonian Institution, le <mouvement de l’agriculture traditionnelle vivante >). Celui-ci compte aujourd’hui environ

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4 Ferme de Mora au Skansen de Stockholm.

deux cents exploitations dans l’ensemble du pays. En dehors des aspects décrits dans l’article de John T. Schlebecker pu- blié dans le présent numéro, il convient de noter qu’une fois achevée la phase de développement, les recherches effectuées dans ces exploitations sont souvent me- nées au hasard et, dans le meilleur des cas, de manière sporadique. En l’absence de programme suivi de recherches, il arri- ve fréquemment que les données nouvel- les ou les corrections destinées aux pro- grammes d’interprétation ne soient pas vérifiées. Des efforts sont faits pour re- constituer d’anciennes races de bétail, cultiver et préserver d’anciennes variétés de végétaux, mais un sérieux effort de recherche s’impose encore pour bien con- naître la production des fermes de jadis.

La fin des années 70 a vu naître, égale- ment aux États-Unis, une organisation de protection des races rares. Le mouvement avait en fait commencé au Royaume-Uni où, en août 1968, la Royal Agricultural Society et la Zoological Society of London avaient constitué un groupe de travail chargé de donner des conseils sur la pré- servation des espèces rares de bétail bri- tannique. Puis, en 1973, a été fondé le Rare Breeds Survival Trust. Cet orga- nisme national, décrit plus en détail dans l’article d’Edward Hawes, a pourccvitri- ne)>le Parc agricole des Cotswolds, sorte de musée de la conservation des races ra- tes, qui a pour but de faire connaître, en présentant à titre d’illustration des espè- ces rares de bétail, l’histoire de l’élevage britannique aux visiteurs et de les inciter à soutenir cet effort de protection émi-

nemment utile. On peut y voir des b&tes appartenant à des races aujourd’hui abandonnées au profit d’hybrides com- mercialement rentables, nourrir leurs pe- tits dans un environnement agricole. En Suède également, un certain nombre de musées de plein air s’attachent àprotéger les races rares locales.

On a compris qu’il fallait préserver la richesse du patrimoine génétique après avoir constaté que certaines races s’ac- commodent de pâturages qui ne convien- nent pas aux races très sélectionnées. La rusticité et la résistance à certaines mala- dies sont des caractéristiques précieuses qu’une sélection trop poussée risque de faire disparaître. L’impact économique peut être considérable, comme l’a noté la FAO peu après l’introduction des bovins American Lowland en Afrique. Con- trairement à la race locale, ces bêtes n’avaient pas de défense immunitaire contre la mouche tsé-tsé, et l’opération a échoué.

Certains musées scandinaves ont enga- gé avec les banques de gènes internatio- nales une forme intéressante de collabo- ration qui s’est révélée extrêmement fruc- tueuse. En Suède et en Norvège, par exemple, divers établissements cultivent, pour le compte de la Banque scandinave de gènes, des vergers faisant fonction de conservatoires de clones. Aux États-Unis d’Amérique, la société horticole du com- té de Worcester (Massachusetts) et le mu- sée de plein air d’Old Sturbridge Village ont constitué une vaste plantation oìì sont conservées environ cent cinquante anciennes variétés américaines de pom-

miers. I1 semble néanmoins que, dans ce cas, il n’a pas été fait appel au concours d’une banque de gènes. De son côté, l’Association européenne des musées de plein air, dirigée par M. A. Zippelius, a décidé de consacrer désormais une partie de ses efforts à la préservation des semen- ces et des plantes adventices en voie d’extinction.

Toutes ces activités découlent logique- ment de la mission de conservation qui a toujours été celle des musées, mais qui aujourd’hui ne vise plus simplement les objets en usage autrefois, mais les plantes et les animaux domestiques dont la survie est menacée par les activités humaines. Eu égard à leur fonction pédagogique, les musées doivent faite comprendre au pu- blic combien il est important d’enrayer l’appauvrissement de la nature, de sa flo- re et de sa faune. De nombreuses organi- sations, en dehors des musées, ont pris conscience de cette nécessité, d’où l’ap- parition de nouveaux amusées)> ou de nouvelles expositions, conçus précisé- ment pour remplir ce rôle d’information du public.

La recherche

Le regain d’intérêt pour l’histoire de l’agriculture, prolongement lui aussi d’une idée ancienne, est fort bien illustré par le projet d’exploitation à l’ancienne de Butser, lancé en 1972 et décrit dans l’article d’ Edward Hawes. En tant que la- boratoire de recherche scientifique à ciel ouvert, ce projet très original justifie plei- nement l’engouement qu’il a suscité.

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Ce type d’activité de recherche expéri- mentale, né à Lejre (Danemark), s’est ré- pandu dans plusieurs pays. On en trouve un récent exemple dans les travaux entre- pris non loin de Berlin, aux environs du village de Zehlendorf, lesquels ont abou- ti à la création du musée de plein air Le- bendiges Mittelalter in Berlin, qui attire un très vaste public.

Malgré le caractère très encourageant de ces initiatives, force est de reconnaître que bon nombre de ces musées ont actu- ellement tendance à freiner leur croissan- ce et à cesser leurs activités de recherche. Beaucoup ne font en effet aucun effort de renouvellement, ce qui est d’autant plus regrettable que l’intérêt pour l’histoire de l’agriculture va croissant, non pas seulement par goût de la nou- veauté, mais par réaction contre un envi- ronnement urbain complexe, artificiel et en mutation rapide.

Je ne me suis guère étendu jusqu’ici sur les départements << traditionnels >>des mu- sées d’agriculture, oìì sont présentés ou-

tils, machines et cultures, ni sur les mu- sées spécialisés dans certaines branches de l’agriculture. Il est à noter toutefois que certains ont enrichi leur documentation et leurs collections en les étendant à l’in- dustrie alimentaire et à l’agriculture mo- derne, ravivant ainsi l’intérêt qu’ils of- frent et parvenant même à attirer de nou- velles catégories de visiteurs. En outre, les processus agricoles sont présentés sous une forme simple et aisément compré- hensible, pour que le visiteur puisse saisir l’essentiel des opérations qui aboutissent aux produits complexes d’aujourd’hui. Ainsi, dans la petite laiterie installée dans un musée d’agriculture ou de plein air, il peut voir comment le lait est transformé en beurre et en fromage, chose pratique- ment impossible dans une laiterie moder- ne.

Mais comment préparer l’avenir - fai- re connaître aux générations futures l’histoire d’aujourd’hui? I1 ne s’agit pas seulement d’ajouter aux collections de grandes machines modernes, mais de té-

moigner des changements apportés par les nouvelles techniques agricoles, qui af- fectent les agriculteurs et ceux qui travail- lent dans les industries alimentaires. Dans cinquante ans, ces changements ne seront plus qu’un souvenir. Aussi im- porte-t-il de réunir de la documentation sur l’époque contemporaine. A cette fin, treize musées ont uni leurs efforts pour rassembler des documents sur l’agricultu- re, la pêche et la sylviculture, chacun d’entre eux devant, tous les treize ans, réaliser un vaste projet dans son propre district. Cette démarche permettra la col- lecte systématique des objets et des don- nées concernant le milieu agricole con- temporain au niveau individuel et social.

I1 incombe aux musées d’agriculture, même sans partenaires, de collecter des documents sur l’époque contemporaine dans le cadre de leur activité normale. Garder la trace du présent pour les géné- rations à venir, la mission de ces institu- tions est immuable.

[ Tradait de l’anglais]

L ’ugrzctZtre duns Zes mtsées Dédiéà Georges Henri Rivière

Wolfgang Jacobeit

Né en 192 1. Anden directeur du Musée ethnogra- phique de Berlin (République démocratique alle- mande), il est actuellement titulaire de la chaire d’ethnographie allemande à l’Université Hum- boldt, de Berlin. Cofondateur de l’Association in- ternationale des musées d’agriculture (AIMA), affi- liée au Conseil international des musées (ICOM); président de cette association de 1976 à 1978, il en est actuellement le vice-président. Spécialiste d’ethnographie de l’Europe, en particulier de l’histoire des outils agricoles, de la vie des paysans et des ouvriers ainsi que des sciences ethnographiques allemandes. Auteur de nombreuses publications sur ces sujets.

On entend généralement par musée un lieu dans lequel ce qui a valeur cchistori- que>> est présenté dans des conditions techniques particulières. I1 n’est guère de discipline qui n’ait ses musées. C’est une chose qui va de soi aujourd’hui et peu de gens savent que les musées avaient jadis surtout pour fonction de servir le prestige des classes dirigeantes, qu’ils tenaient lieu d’écrin à des objets coûteux, soi- gneusement choisis, et que leur lien avec la science est très récent, puisqu’il ne date que du début du rationalisme, de l’émancipation de la bourgeoisie, du siè- cle des lumières et de l’encyclopédisme.

Mais ce n’est encore là qu’un aspect de la question. I1 faut en ajouter un autre, tout aussi important : le rôle que les mu- sées peuvent jouer et jouent effective- ment dans des conditions sociales don- nées, qu’il s’agisse de contribuer à d’édi- ficationa d’une classe sociale <<élevée>>, de présenter l’histoire surtout pour glorifier

et idéaliser le passé, de chercher à trans- mettre les valeurs esthétiques et morales d’une époque, de s’attacher plutôt àl’in- térêt didactique des objets exposés en s’adressant à un public plus large, etc.

Le monde contemporain, qui met presque tout en question, écartelé entre la solidarité humaine et la misanthropie, entre le progrès et la réaction, marque, lui aussi, le musée de son empreinte et lui impose - n’en déplaise à certains - de nouvelles tâches ; le musée se doit d’être plus transparent que jamais, il devient ac- cessible aux masses, se spécialise tout en contribuant à une appréhension globale, cherche à mettre en évidence les lois de l’évolution historique et prend de plus en plus conscience de sa mission sociale. Ce que Georges Henri Rivière a exposé il y a quelques années dans sa théorie de l’<cécomusée>> reste d’actualité : le musée doit être un <<miroir )> où la population se reconnaît. Dans ce sens, il est un labora-