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mycologie alpine Obergurgl - uibk.ac.at · laboratoire de mycologie de l’Institut de Microbiologie, décédé en 2002. C’est ainsi que, sous l’autorité scientifique du Pr Ursula

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Un séminaire de mycologie alpine à Obergurgl Pierre-Arthur Moreau Laboratoire de Botanique Faculté des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques 3 rue du Professeur Laguesse B. P. 83 F-59006 LILLE Cédex [email protected] On imagine difficilement pouvoir trouver des champignons au-dessus de la limite des arbres, dans les maigres pâturages alpins ou dans les fourrés denses d’aulnes verts. Pourtant, de nombreux mycologues sont spécialisés dans l’étude des champignons associés à ces milieux, extraordinairement diversifiés et encore largement sous-explorés. A l’initiative du Pr Ursula Peintner, professeur de mycologie à l’Institut de Microbiologie (Université d’Innsbruck), une vingtaine de mycologues autrichiens, italiens et français se sont retrouvés à Obergurgl, du 23 au 26 août 2005, pour étudier la diversité fongique des hautes vallées du Tyrol méridional. Un séminaire marqué par la convivialité, le plaisir de rencontrer des confrères éloignés, et l’abondance des récoltes grâce aux fortes pluies de la semaine précédente.

Des mycologues venus d’ailleurs La mycologie alpine, consacrée à des espèces souvent petites et d’identification difficile, n’est pas une spécialité très répandue. Toutefois, un solide groupe de mycologues du Tyrol et du Trentin lui portent un intérêt particulier depuis longtemps, pérennisant une tradition naturaliste initiée par le mycologue suisse Jules Favre, pionnier des études mycologiques en milieu alpin (1955) et étendue en Autriche par le regretté Pr Meinhard Moser, fondateur du laboratoire de mycologie de l’Institut de Microbiologie, décédé en 2002. C’est ainsi que, sous l’autorité scientifique du Pr Ursula Peintner (Innsbrück), Francesco Bellù (Bolzano), Anton Hausknecht (Vienne) et Marco Floriani (Trente), et de spécialistes de groupes fongiques particuliers comme Enrico Bizio (genre Inocybe), Franco Bersan (Myxomycètes) ou Patrizia Ferrari (Ascomycètes), plus de 200 espèces ont pu être identifiées, décrites, photographiées et conservées dans les herbiers de l’Université d’Innsbruck et des participants.

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Les champignons de l’étage alpin De quoi vivent toutes les espèces qui peuplent la vallée du Rosmoostal (la plus explorée au cours de cette session) ? De l’association symbiotique avec des arbres, comme la plupart des espèces des forêts de basse altitude. Mais ici, en climat alpin, les arbres sont minuscules ! Ce sont des saules (Salix herbacea principalement) qui forment les « forêts » alpines : un arbre rampant, dont les branches se développent très lentement sous la surface du sol, ne laissant émerger que quelques petites feuilles arrondies. L’œil du promeneur ne voit, quand à lui, qu’un tapis de petites feuilles insignifiantes, sans deviner qu’elles sont issues d’un réseau de petites branches et de racines souterraines pouvant couvrir plusieurs dizaines de mètres carrés. Mais les mycologues recherchent ces « microsylves » (forêts naines), car s’y trouvent des espèces morphologiquement semblables aux espèces des forêts habituelles, elles aussi adaptées aux hautes altitudes, et apparaissant par milliers de petits chapeaux lors des périodes favorables. On trouvera ainsi Russula nana, un champignon rouge vif très commun dans tout l’étage alpin (il suffit de penser à regarder le sol) ; Cortinarius alpinus, un petit champignon brun et visqueux, niché dans les feuilles du Salix herbacea ; Amanita oreina, une espèce majestueuse atteignant 10 cm de diamètre et l’une des plus volumineuses de l’étage alpin. Les talus et les bords de torrents abritent aussi un grand nombre de petites espèces élégantes, les Omphalina, qui vivent en parasite sur les mousses, chaque espèce ayant ses exigences très précises quand à l’humidité, le type de mousses et la stabilité du sol. Dans les touffes de Cirsium spinosissimum (un chardon très épineux, typique de l’étage alpin), on pourra aussi s’amuser à chercher une petite espèce discrète, qui ne vit que sur ses racines : Hemimycena ochrogaleata, dont on finit toujours par apercevoir ses petits chapeaux blancs après avoir délicatement écarté les feuilles de quelques chardons. Un exemple marqué de spécialisation écologique ! On ignore encore, faute d’expérimentation, quelles sont les relations exactes entre le champignon et le chardon, ce dernier ne semblant pas en souffrir ni en tirer bénéfice. Dans les fourrés subalpins Les buissons denses d’Alnus viridis (aulne vert), qui couvrent abondamment les pentes du tyrol, appartiennent à l’étage subalpin ; mais lorsque la saison mycologique est favorable, il est nécessaire de leur consacrer une visite. Peu confortable, en raison de la densité et de la courbure des branches. Mais la récompense est là : l’aulne vert héberge une diversité remarquable de champignons, dont la plupart lui sont étroitement associés et ne se trouveront nulle part ailleurs qu’au cœur de ces broussailles. Même si cette diversité semble relativement bien étudiée, notamment grâce aux travaux antérieurs du Pr M. Moser dans cette vallée d’Ötztal, les

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surprises sont au rendez-vous : des espèces classiques mais non encore répertoriées dans ce type de « forêts », mais aussi des espèces énigmatiques, sans doute insuffisamment étudiées jusqu’à présent, et qui gardent leurs secrets pour le mycologue qui aura la patience de leur consacrer une étude approfondie. Preuve en est un petit Ascomycète jaune, très commun, mais seulement décrit en 2001 comme espèce autonome : Hymenoscyphus trichosporus. Depuis que le mycologue suisse R. Dougoud a remarqué les caractères microscopiques singuliers de cette espèce, elle a été retrouvée abondamment dans toute l’aire de répartition de l’aulne vert. Les aulnes verts, paradis pour les champignons, n’ont pas fini de faire travailler les mycologues…

L’avenir de la mycologie alpine L’étude des champignons alpins a connu son apogée entre 1960 et 1980, lorsque les universités de Lyon (F, Pr R. Kühner et Pr D. Lamoure) et d’Innsbruck (A, Pr M. Moser) y consacraient d’importants programmes scientifiques d’inventaires.La raréfaction des mycologues professionnels a eu pour conséquence le transfert de la compétence naturaliste aux mycologues amateurs, souvent d’une très grande compétence de terrain, mais n’ayant pas les moyens de réaliser des expérimentations coûteuses et fastidieuses. Le laboratoire de mycologie d’Innsbruck est sans doute le dernier en Europe à avoir su entretenir une équipe dynamique de mycologues professionnels et d’étudiants, travaillant en étroite collaboration avec les groupes de mycologues amateurs d’Italie et d’Autriche, échangeant ainsi expériences et résultats sur leurs domaines de compétence respectifs. Ce centre de gravité de la mycologie universitaire en Europe est renforcé par sa collaboration active avec d’autres équipes, notamment en France avec la faculté de pharmacie de Lille. La vallée du Rosmoostal est un terrain d’étude idéal pour le laboratoire d’Innsbruck : sur plusieurs placettes permanentes, les champignons y sont régulièrement inventoriés, les mycorhizes (structures d’échanges entre champignons et plantes) sont minutieusement analysées, en relation avec les caractéristiques physiques et chimiques du milieu. Toutes ces données sont mises en rapport avec l’inquiétant recul du glacier qui couvrait encore la moitié de la vallée dans les années 1980, et dont la régression conduit à une modification de l’alimentation en eau, et à court terme à une modification rapide de la flore et du paysage de la vallée. Les champignons alpins, comme la flore qu’ils accompagnent, sont eux aussi menacés par le réchauffement climatique, et leurs réactions seront étudiées dans les années à venir. Ils pourraient bien être les premiers « indicateurs biologiques » des changements climatiques locaux, à condition de savoir les regarder et les comprendre. Quelques espèces identifiées lors du séminaire (* : espèces rares ou d’intérêt particulier) Rosmoostal (zone alpine) Agaricus campestris f. odorata Agrocybe elatella Amanita nivalis Collybia alpicola Cortinarius alpinus Cortinarius diasemospermus* Cortinarius hinnuleus var. gracilis ss.Favre Cortinarius inops Entoloma bipelle*

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Entoloma cetratum Entoloma conferendum Entoloma porphyrophaeum* Entoloma sericeum Hygrocybe pseudoconica var. tristis Hygrocybe substrangulata* Hypholoma elongatum Inocybe fulvipes Inocybe salicis-herbaceae Lactarius nanus Lactarius robertianus Lichenomphalia grisella Lichenomphalia umbellifera Marasmius androsaceus Marasmius sp.? (sur Rhododendron)* Mycena griseogilva* Mycena metata Omphalina griseopallida Omphalina hepatica* Omphalina kuehneri Omphalina obatra Omphalina pseudomuralis* Omphalina pyxidata Omphalina rivulicola Omphalina trigonospora* Phaeonematoloma myosotis f. minor* Psilocybe chionophila Psilocybe montana Russula chamiteae Russula nana Russula pascua Russula saliceticola* Stropharia semiglobata Obergurgl (étage subalpin supérieur: aulnaie verte, cembraie, boulaie pubescente) Alnicola badia Alnicola spp. Alnicola submelinoides* Amanita crocea Amanita pachyvolvata* Chroogomphus helveticus ssp. helveticus* Chroogomphus rutilus Clitocybe clavipes Cortinarius adalbertii Cortinarius colus* Cortinarius spp. Entoloma juncinum Entoloma sericatum Entoloma sericeum Gamundia cf xerophila* Hebeloma subsaponaceum* Hygrocybe laeta Hygrocybe marchii ?* Hygrocybe reidii Hygrophorus speciosus* Hymenoscyphus trichosporus* Inocybe soluta Lactarius aurantiacus Lactarius brunneohepaticus

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Lactarius deterrimus Lactarius lepidotus Lactarius spinosulus* Lactarius torminosus Lactarius trivialis (ou L. utilis) Leccinum spp. Poculum firmum Rozites caperatus Russula citrinochlora* Russula emetica Russula exalbicans Russula laricina Russula versicolor Rutstroemia bolaris Suillus grevillei Suillus placidus Suillus plorans Suillus sibiricus Suillus viscidus Tephrocybe coracina ss. Bres. (putida s.lat.)*