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Les effets économiques

du salaire minimum

Note économique de l’IEM

Note économique préparée par Guillaume Vuillemey, chercheur à l'Institut Économique Molinari.

Juin 2008

COMBIEN COÛTE UN SALARIÉ AU SMIC ?

On appelle salaire minimum la rémunération mini-male, fixée par la loi, qu'un employeur doit attribuerà un employé pour son travail. En conséquence, ils'agit d'une interdiction faite aux employés de per-cevoir une rémunération inférieure à ce seuil légal,quand bien même ils y trouveraient intérêt, parexemple pour ne plus être au chômage. L'existenced'un salaire minimum empêche donc la signature decontrats de travail qui auraient été conclus en sonabsence (sinon, il n'y aurait aucun intérêt à l'ins-taurer). Il est donc, en ce sens, créateur de chô-mage.

Si des salaires minima ont étéinstaurés dans de nom-breux États en Eu-rope, certains payss'en passent. C'estle cas de l'Alle-magne, qui a long-temps été dépourvue de toutsalaire minimum. Une première étapea néanmoins été franchie en décem-bre 2007 avec l'adoption d'un salaireminimum dans le secteur postal.

La rémunération minimale peut être calculée surune base horaire, journalière, hebdomadaire, voiremensuelle, selon les pays. En France, le salaire mi-nimum s'appelle SMIC (Salaire Minimum Interpro-fessionnel de Croissance) et est calculé sur la based'un taux horaire. Après l'augmentation du 1er mai,

le SMIC mensuel brut était de 1308,88€1. Au 1erjuillet 2008, le SMIC horaire brut sera de 8,71€2,soit un salaire mensuel brut de 1321,02€ pour 35heures de travail hebdomadaires. Ceci correspond àun SMIC net de 1037,53€3.

Mais le coût pour l'employeur d'un salarié payé auSMIC est bien supérieur à la valeur du SMIC brut. Ilconvient tout d'abord d'inclure les charges patro-nales. Celles-ci varient en fonction de nombreux pa-

ramètres, tels que la taille del'entreprise, son secteur d'acti-

vité, les exonérations aux-quelles elle a droit, sa zone

géographique d'implan-tation (dans une zone

de revitalisation ru-rale, par exemple),

ou le montant dela cotisation acci-dent du travail.Employer un col-

laborateur au SMICcoûte environ 1500€

à l'entreprise (exonérationsincluses).

Aux charges patronales s'ajoutent encore d'autresfrais, qui renchérissent le coût d'embauche d'un sa-larié. C'est le cas des coûts d'absence, des moyensde travailler (atelier, bureau, chauffage, etc.), desformalités administratives, des coûts liés à la repré-sentation collective du personnel, ou encore descoûts liés à la gestion du personnel et aux conten-tieux éventuels. De tels coûts sont néanmoins à re-lativiser, dans la mesure où ils existent quelle que

En France, les préoccupations concernant le pouvoir d'achat des ménages ont ravivé le débat surle niveau du salaire minimum, le SMIC. Après une première revalorisation de 2,3 % le premier mai der-nier, le SMIC va être à nouveau augmenté de 0,9 % le 1er juillet.

Or, si la hausse du SMIC peut apparaître comme un moyen pour élever le pouvoir d'achat destravailleurs les plus modestes, l'existence même d'un salaire minimum présente des effets très néga-tifs pour ces derniers. Par ses conséquences sur le niveau du chômage et sur la rémunération des sa-lariés, il est en réalité très contestable.

1. Ministère du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de laSolidarité. Accessible à : http://www.travail-solidarite.gouv.fr/IMG/pdf/SMIC_ET_MINIMUM_GARANTI_AU_1er_MAI_2008.pdf.2. Ministère du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de laSolidarité, accessible à http://www.travail.gouv.fr/actualite-presse/dossiers-presse/commission-nationale-negociation-collec-tive-augmentation-du-smic-ordre-du-jour.html.3. Les cotisations sociales (CSG et CRDS) ont été déduites.

Page 2: Note économique de l’IEM - Institut économique Molinari · Note économique de l’IEM maintenir à un niveau relativement élevé. De même, les deux hausses consécutives du

Note économique de l’IEMsoit la rémunération du salarié. Il est néanmoinsfondamental de les garder présents à l'esprit, dansla mesure où ils élèvent encore la barrière à l'entréesur le marché du travail que constitue le salaire mi-nimum.

Pour l'employeur, le coût d'un travailleur au SMICest donc bien plus élevé que la valeur du salaire brutperçu par celui-ci. Pour êtreembauché, un individu doitdonc produire chaque mois desbiens et services d'une valeurtrès largement supérieure à1037,53€, ce qu'il touche réel-lement en fin de mois. Les per-sonnes ne disposant pas desaptitudes ou de l'expérienceleur permettant de produiremensuellement une telle va-leur sont donc de facto excluesdu marché du travail. Une telleexclusion est d'autant plusdouloureuse qu'elle touche enpremier lieu les jeunes diplômés sans expérience,les personnes peu ou pas formées.

LE SALAIRE MINIMUM : UNE CAUSE DE CHÔMAGE STRUCTUREL

Par sa seule existence, le salaire minimum crée duchômage. Cela tient à la nature même du contrat detravail. Un contrat de travail permet d'associer deuxpersonnes qui y trouvent chacune un avantage. Unemployeur ne peut embaucher une personne que sile produit de son travail a, à ses yeux, plus de va-leur que le salaire qu'il doit lui verser. En imposantun salaire minimum, le législateur ferme l'accès àl'emploi à tous les travailleurs dont la valeur de laproduction est inférieure à celle du salaire minimum,charges sociales incluses. Cette exclusion se fait audétriment des travailleurs les moins productifs.

Bien qu'il soit difficile de chiffrer l'impact négatif del'existence permanente d'un salaire minimum entermes d'emplois, parce que de nombreux autresparamètres sont à prendre en compte (autres légis-lations relatives au marché du travail, conjonctureéconomique, etc.), il est possible de s'en faire uneidée en étudiant les effets économiques liés à samise en place. Les exemples illustrant cet effet né-gatif abondent.

L'un de ceux permettant le mieux d'illustrer cet im-

pact est celui de Porto Rico. Peu après la SecondeGuerre mondiale, les lois relatives au salaire mini-mum américain (U.S. Fair Labor Standards Act) ontété étendues à cet État associé aux États-Unis, oùles salaires étaient alors faibles. Ainsi que le notentLloyd G. Reynolds et Peter Gregory4 dans une étudesur l'économie de cette île, 8 000 travailleurs ontperdu leur emploi entre 1949 et 1954, alors que le

nombre d'emplois industrielsétait alors de 58 000 (en1950). Ce sont donc près de14 % des personnes em-ployées qui se sont retrou-vées au chômage. Demanière similaire, mais avecun impact encore plus pro-noncé, la perte d'emplois estestimée à 29 000 entre 1954et 1958, alors que le nombred'emplois industriels était de66 000 (en 1955). Au coursde cette période, ce sont donc44 % des emplois industriels

qui ont été détruits.

Plus près de nous, les députés allemands ont adoptéen décembre 2007 un projet de loi instaurant un sa-laire minimum dans le secteur postal (essentielle-ment afin de protéger la Deutsche Post de sesconcurrents potentiels). Il n'y avait jusqu'alorsaucun salaire minimum en Allemagne. Les effets surl'emploi ont été immédiats. Ainsi, Pin Group, un desconcurrents de Deutsche Post, avait déjà dû suppri-mer, en avril dernier, plus de la moitié de ses effec-tifs, soit 5760 emplois, car il n’était plus possible deles payer à l’ancien salaire et pas rentable de lespayer plus cher5.

En France, l'idée que le SMIC puisse avoir des effetsnégatifs sur l'emploi ressurgit périodiquement dansle débat public. Ainsi, une note publiée en 2000 pardeux chercheurs de l'INSEE conclut qu'« une aug-mentation de 10 % du Smic détruirait environ290 000 emplois, toujours à long terme ».6

Les effets négatifs du salaire minimum sur l'emploisont d'autant plus importants que ce salaire estélevé. En effet, il y a alors un plus grand nombre depersonnes dont la valeur de la production est infé-rieure à ce salaire. En France, une augmentation duSMIC net à 1500€ – ce que proposent certainshommes politiques au Parti Socialiste – risquerait depousser davantage le chômage à la hausse, ou de le

« En imposant un salaire

minimum, le législateur

ferme l'accès à l'emploi à

tous les travailleurs dont la

valeur de la production est

inférieure à celle du salaire

minimum, charges sociales

incluses. »

L e s e f f e t s é c o n o m i q u e s d u s a l a i r e m i n i m u m 2

4. Lloyd G. Reynolds, Wages Productivity and Industrialization in Puerto Rico, New Haven, Con.: Yale University Press, 1965, p. 304, citépar D. Lal in « The Minimum Wage: No Way to Help the Poor », IEA Occasional Paper no 95, 1er janvier 1995.5. « Pin : licenciements massifs », in L'essentiel, 3 avril 2008, accessible à : http://www.lessentiel.lu/news/economie/story/17370774.6. Guy Laroque et Bernard Salanié, « Une décomposition du non-emploi en France », Economie et Statistique no 331, 2000, accessible à :http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ES331C.pdf.

Page 3: Note économique de l’IEM - Institut économique Molinari · Note économique de l’IEM maintenir à un niveau relativement élevé. De même, les deux hausses consécutives du

Note économique de l’IEMmaintenir à un niveau relativement élevé. Demême, les deux hausses consécutives du SMIC, au1er mai et au 1er juillet 2008, rendent plus difficilel'embauche des chômeurs actuels. Les bonnes in-tentions n'ont pas toujours les effets souhaités.

Certains exemples à l'étranger permettent d'illustrerce phénomène. L'un des plus frappants est celui deSingapour. En 1979, le premier ministre Lee KuanYew a décidé d'augmenter les salaires de près de20 % par an pendant trois ans. Il souhaitait alorsfaire de Singapour l'un des pays les plus dévelop-pés. Bien qu'une telle hausseait concerné l'ensemble dessalaires, les conséquencessont, en toute logique, simi-laires à une augmentation duseul salaire minimum. Ils'agit en effet d'une haussedu coût du travail ne corres-pondant pas à une améliora-tion de la productivité decelui-ci. Or, comme l'ont notéR. Findlay et S. Wellisz, lesrésultats ont été à l'opposédu développement attendu,à savoir, « une hausse impor-tante du coût du travail, qui a réduit la compétiti-vité internationale de Singapour par rapport auxautres pays nouvellement industrialisés, ce qui acontribué à la récession de 1985 et à la diminutiondes exportations et de l'emploi qui s'en est suivie »7.

Certaines études ont mis en avant des effets simi-laires en France. Dans une étude publiée en 1998,Kramarz et Philippon8 montrent que les années où lecoût du travail augmente, c'est-à-dire essentielle-ment les années où l'on donne un « coup depouce » au SMIC, la probabilité d'un salarié payé auSMIC de perdre son emploi augmente. À l'inverse,on obtient des résultats opposés lorsque ce coût di-minue.

De manière assez similaire, un salaire minimumidentique aura des effets beaucoup plus graves dansun État ou une région relativement moins produc-tive que dans un État ou une région relativementriche. L'existence d'un salaire minimum peut doncêtre un frein au développement de régions pauvres,ou à la reprise de la croissance dans des régionstouchées par un choc économique conjoncturel. En

effet, aux handicaps d'une situation initiale difficile,viennent s'ajouter les effets négatifs sur l'emploid'un salaire minimum élevé. Entre autres rigidités,l'existence d'un salaire minimum équivalent enFrance métropolitaine et dans les départements etterritoires d'Outre-mer (DOM-TOM) peut expliquerpour partie les taux de chômage particulièrementélevés que connaissent ces derniers (généralementplus du triple du taux de chômage en métropole).

Au cours des dernières années, le SMIC net a pro-gressé plus vite que le salaire moyen net9. Or, la

hausse de celui-ci traduit pourpartie une hausse de la produc-tivité du travail. L'évolution del'un peut donc nous renseignersur l'évolution de l'autre.Puisque le SMIC net a aug-menté plus vite que le salairemoyen net, il semble donc qu'ilait aussi évolué plus vite que laproductivité du travail, excluantainsi un nombre croissant detravailleurs du marché de l'em-ploi.

En France, le législateur sembleavoir conscience, au moins implicitement, des effetsnégatifs du salaire minimum sur l'emploi. C'estpourquoi des exonérations de charges ont été ac-cordées aux entreprises, La réduction dite « Fillon »,mise en place en 2003, permet, dans une certainelimite, de faire baisser les cotisations patronales.

LE SMIC : SOURCE D'EXCLUSION

La barrière à l'entrée sur le marché du travail queconstitue le salaire minimum peut néanmoins êtrecontournée. Si elles désirent un revenu autre queles revenus de transfert (RMI, allocations et aidesdiverses, etc.), les personnes pénalisées par le sa-laire minimum doivent alors se placer en marge dece marché.

Ceci peut se faire par des moyens légaux ou extra-légaux. La multiplication des stages pour les étu-diants dépourvus d'expérience professionnelle peuts'expliquer en partie ainsi. De même, le travail aunoir est souvent une forme de contournement dusalaire minimum et des charges sociales qui lui sontattachées.

L e s e f f e t s é c o n o m i q u e s d u s a l a i r e m i n i m u m 3

7. Ronald Findlay et Stanislaw Wellisz, The Political Economy of Poverty, Equity and Growth: Five Small Economies, New York: OxfordUniversity Press, 1995, p. 116.8. Francis Kramarz et Thomas Philippon, « The Impact of Differential Payroll Tax Subsidies on Minimum Wage Employment », Journal ofeconomic literature, vol. 33, no 4, décembre, accessible à : http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=252028.9. Source : INSEE, « Évolution du salaire moyen et du salaire minimum ». Depuis 1995, on peut observer que la courbe représentant lesalaire minimum croît plus vite que la courbe représentant le salaire moyen. Graphique accessible à : http://www.insee.fr/fr/ffc/figure/NATTEF04114.GIF. Données chiffrées accessibles à : http://www.insee.fr/fr/ffc/figure/NATTEF04114.XLS.

« En France, une aug-

mentation du SMIC net à

1500€ – ce que proposent

certains hommes politiques

au Parti Socialiste – risque-

rait de pousser davantage le

chômage à la hausse, ou de

le maintenir à un niveau

relativement élevé. »

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férieure au coût total que doit payer l'employeurpour les embaucher.

Les effets négatifs du salaire minimum sur l'emploisont d'autant plus importants que ce salaire mini-mum est élevé. Décréter un niveau de salaire mini-mum est nécessairement arbitraire (fruit de

tractations politiques, depressions syndicales, etc.).En France, prétendre aug-menter le SMIC de manièreinconsidérée, c'est faire peserde fortes menaces sur l'em-ploi.

Les multiples débats relatifsau salaire minimum en Eu-rope – en Allemagne, en Es-pagne et ailleurs – ne doiventpas occulter ses effets écono-miques négatifs.

Note économique de l’IEMEnfin, les employeurs peuvent également être inci-tés à substituer davantage de machines aux em-ployés. Salaire minimum et charges socialesviennent en effet accroître le coût pour l'employeurdu facteur travail, qui, dès lors, devient moins at-tractif. La substitution est souvent beaucoup plus fa-cile dans l'industrie que dans les services. Ce sontdonc les emplois industriels quipâtissent majoritairement decet effet.

L'existence du salaire mini-mum, ainsi que les charges so-ciales qui viennent s'y ajouter,constituent donc une barrière àl'entrée sur le marché du tra-vail pour les personnes lesmoins productives et les moinsformées. Loin de protéger lesplus faibles, ce qui est une partde sa vocation initiale, le sa-laire minimum les exclut dumarché du travail, les confinant ainsi dans le chô-mage ou dans des formes d'emplois parallèles.

CONCLUSION

Le salaire minimum est un facteur important (parmid’autres) de rigidité sur le marché du travail. Lesbonnes intentions qui ont souvent conduit à son ins-tauration contrastent fortement avec ses effetséconomiques réels.

En effet, s'il est une protection pour lestravailleurs disposant déjà d'un emploi,cette protection se fait au détrimentdes moins formés et des moins pro-ductifs à la recherche d'un emploi. Ceux-ci sont ex-clus par la loi d'emplois qu'ils pourraient occuper,parce que la valeur de leur production est alors in-

Institut Economique Molinari

Adresse belgeRue du luxembourg 23Boîte 11000 Bruxelles

Adresse française1 rue Edouard Branly92130 Issy les Moulineaux

www.institutmolinari.org

L’Institut Economique Molinari est un organisme de recherche et d’éducation indépendant et sans but lucratif.

Il s'est fixé comme mission de proposer des solutionsalternatives et innovantes favorables à la prospérité del'ensemble des individus composant la société.

Reproduction autorisée à condition de mentionner la source.

Directrice générale : Cécile Philippe Directeur de la recherche : Valentin PetkantchinMaquette et montage : Gilles Guénette

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« Loin de protéger les

plus faibles, ce qui est une

part de sa vocation initiale,

le salaire minimum les exclut

du marché du travail, les

confinant ainsi dans le chô-

mage ou dans des formes

d'emplois parallèles. »