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Honoré Vinck Notes sur le Régime Foncier au Lac Léopold II Author(s): René PHILIPPE Source: Aequatoria, 17e Année, No. 2 (1954), pp. 51-57 Published by: Honoré Vinck Stable URL: http://www.jstor.org/stable/25838372 . Accessed: 15/06/2014 16:06 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Honoré Vinck is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Aequatoria. http://www.jstor.org This content downloaded from 194.29.185.25 on Sun, 15 Jun 2014 16:06:57 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Notes sur le Régime Foncier au Lac Léopold II

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Honoré Vinck

Notes sur le Régime Foncier au Lac Léopold IIAuthor(s): René PHILIPPESource: Aequatoria, 17e Année, No. 2 (1954), pp. 51-57Published by: Honoré VinckStable URL: http://www.jstor.org/stable/25838372 .

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Notes sur IeR egime Foncier

au Lac Leopold II.

I. Introduction

Les presentes notes se rapportent a deux tribus fixees en territoire d'Inongo, celle

des Bolia et celle des Basengele, formees de differents groupements coutumiers et con

stituant aujourd'hui les secteurs des Bolia et de l'Olongo-Lule. L'interet de ces notes nous

parait resider dans l'interference des coutumes de ces deux peuplades, Tune - les Bolia -

a regime originairement patriarcal, l'autre a regime mixte, l'organisation politique reposant sur la succession patrilineale tandis que la propriete terrienne est soumise a la matrili

nealite. Les Bolia ont conquis jadis une population matriarcale composee de divers elements

ou predominent Badia et Baboma, population appelee Mosengele, nom qu'elle conserva

apres la conquete. La clarte de l'expose postule de ce fait un bref apergu historique prea lablement a l'etude du regime foncier.

II. Notes historiques

Les Bolia sont origiaaires d'une region forestiere, appelee Mondombe, situee a l'E

quateur ; elle porte egalement le nom de region des Baseka-longomo ou Bakutu, region des Bolendo-Bolongo qa'il ne nous a pas ete possible de situer avec precision. Lorsqu'ils se mirent en branle pour emigrer vers le sud, ils etaient, pretendent-ils, accompagnes des

peuplades Bolendo et Bolongo actuellement fixees en territoire d'Oshwe (0. Cette migration

qui semble avoir ete provoquee par la poussee des guerriers Nkundo les mena par la Loi

laka qu'ils traverserent pres de Waka, dans la haute Lokoro aux environs de Lokolama.

De la, les Ibenga ( groupement Bolia ) descendirent la Lokoro jusqu'a son embouchure ou

ils se fixerent pour former Tactuel groupement coutumier des Ibenga en secteur d'Inon

go* Les autres Bolia prirent plus au Nord pour deboucher sur la riviere Ngangi. Apres avoir occupe temporairement une partie du territoire de Kiri, ils en furent chasses par les

Besongo et les Waya, peuplades Ekonda, et occuperent finalement la region qui territo

rialement porte le nom de secteur des Bolia ( anciennement secteur Mbala ). Une fois fixes

dans leur habitat actuel ils subirent de nombreuses attaques des populations Ntomba de

TEquateur. (2) Vaincus a differences reprises ils quitterent la region - qu'ils reoccuperent

par apres - et arriverent dans une plaine appelee depuis Bosandaekofo ou cinq des prin

cipaux notables, suivis des leurs, se disperserent vers l'Ouest et le Sud-ouest pour con

1 ) Cfr. L. Gilliard ? Au Lac Leopold II, les Bolia Mort et intronisation d'un grand Chef > Congo 1925- , 2 p.223.

2) Cfr. R. Philippe ? Les Ntomb e Njale du Lac Leopold II > : /Equatoria 1953 n? 2 pp. 41-48

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querir le pays occupe par les Baseagele. Apres cette dispersion le chef des Bolia-Ibeke,

rilanga y'Olia (0, retourna d'ou il venait, soit les environs du village d'Ibeke y'Olia, Les notables emigres devinrent les chefs des cinq groupements basengele : Gongo, Penge, Bokote, Mbelo et Bilubi (2). Le conquerant de Gongo, Kengulu, se vit cependant oblige de composer avec les premiers occupants, proprietaires coutumiers du sol, car celui-ci ne

produisait plus rien depuis qu'il les avait chasses de leurs terres. Finalement il dut re

connaitre le droit de propriete des Basengele qui resterent chefs de terre - avec syste me matriarcal origiaaire

- tandis que les conquerants Bolia s'attribuaient le pouvoir po

litique sous la forme patriarcale. Bien qu'un certain aritagonisme subsiste sporadiquement <3),

les deux populations se sont assez bien amalgamees.

III. Les Bolia

Les Bolia groupes dans le secteur qui porte leur nom se divisent en plusieurs grou

pements coutumiers : Ngangi ( egalement appeles Bakwala ), reconnus comme formant la

sous tribu ainee, Bolia-Ibeke, Nkile, Ibenga ( en secteur d'Inongo ) et Lukanga, etroite

ment apparentes aux Bolia, mais n'ayant pas emigre simultanement.

L'organisation politique des Bolia repose sur 1'institution des ? nkumu ? descendants

directs des ancetres souches de chacune des sous-tribus. Cette dignite de ? nkumu ? les an

eetres la regurent directement du couple fondateur de la tribu des Bolia que la legende de

signe sous les noms de Ambawanga (femme) et Bolambila (homme). Toutefois cette di

gnite ne resulte pas d'un droit de naissance, mais ce droit existant elle s'acquiert apres di verses epreuves magiques et oniriques. Ces conditions paranaturelles remplies le candidat ? nkumu ? regoit une serie d'insignes concretisant son bokofo (pouvoir).

Les clans regnants qui portent le nom de bokundi (plur. bekundi) pour, ce qui se

rapporte a Tinstitution des nkumu offrent une organisation speciale, la succession du chef

de clan appartenant a son fils aine tandis que les autres bekundi sont au pouvoir. Dans

l'ekanga (clan familial, plur. bikanga) la succession du chef de clan decede appartient a

Taine vivant de la generation la plus ancienne, en lignee masculine. L'ekanga ce com

pose des lignees masculines et feminines du meme ancetre formant ainsi les elements "

isafu"

(plur. basafu) et "nkadi" (plur. nkadi). Comme chez les Ntomb'e Njale l'appartenance des enfants au clan paternel ou au clan maternel au point de vue social, depend du

regime matrimonial de la mere M. En effet, la femme "

isongi" pour laquelle une forte

dot a ete payee entre dans l'ekanga de son mari avec ses enfants, tandis que la femme "

esenga" pour qui on a pa ye une dot peu elevee demeure socialement dans son clan

ainsi que sa progeniture* II en resulte que dans le premier cas, les enfanis sont "

basafu"

alors que leur parente "

nkadi "

dans le clan maternel se perd rapidement. Le pheno mene inverse se passe dans la seconde eventualite. Cette difference a une tres grande importance pour la fille d'une femme

" isongi" qui est

" nkadi

" dans le clan maternel,

comme si sa mere etait egalement "

nkadi "

dans l'ekanga de son epoux. Le chef de clan ? Elombeekanga ? est done 1'aine de la generation la plus ancien

ne dans i'element isafu (lignee masculine) tandis que la garde des biens du cl?n est

1 ) Nom de bokofo ( pouvoir ) du chef des Bolia Ibeke.

2 ) Reduit a une agglomeration appelee Bilubi, ils n existent plus en tant que groupement organise.

3 ) Masimba. chef lieu du secteur de I'Olongo Lu!e, possede deux capita. Fun bolia, litutre ruosengele.

4) Une etude paraitra a ce sujet dans les numeros 3 et 4 de la revue Aequatoria ann^e 1054.

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confiee a Telement nkadi, plus precisement au ? nkadiekanga ? aine des nkadi. Cest a

lui que le chef de clan devra s'adresser si une de ses decisions devait avoir pour conse

quence l'alienation d'une quelconque partie du patrimoine clanique. Les villages etant originairement constitues par des individus appartenant au meme

clan, l'autorite y est exercee par le chef de clan portant alors le titre de ? elombeese >

(ese =

village). Toutefois cette autorite n'est plus guere que theorique, chaque village ayant son ?nkumu ? secondaire, descendant du fondataur ou du conquerant de l'agglo meration, dans ce dernier cas, si le village existait deja au moment de l'arrivee des Bo lia. Ce ? nkumu ? exerce le pouvoir politique. Si le village comprend plusieurs clans fami liaux (bikanga ) il se forme autant de bekundi se succedant au pouvoir ou I'exergant si

multanement.

Si le village a ete fonde par l'ancetre conquerant, le ? nkumu y'obele ? 0) exerce outre le pouvoir politique celui sur la terre ; si le village preexistait a l'invasion, le nkumu est seulement chef politique, la possession de la terre etant toujours l'apanage de la des cendance du premier occupant. Cest au chef de terre que reviennent les redevances sur les produits du sol, de la chasse et de la peche. Dans son domaine, le cas d'abattage d'e

lephant mis a part, le nkumu y'obele a droit aux memes tributs que l'llanga (2 ) dans son ? bompendjele ? ( 3).

Ces tributs, que nous enumerons ci-dessous, peuvent paraitre exorbitants : toutefois il ne faut pas perdre de vue que ce sont la les seules ressources des nkumu dont le train de vie

exige de nombreuses depenses auxquelles ne sont pas astreints les autres membres de la tribu.

L- Produits du sol a) Nsafu : un petit panier chaque fois que l'arbre rapporte. b) Nsali : (petit fruit rouge de foret) un petit panier est du par

celui qui a trouve l'arbre.

II.- Produits de la chasse :

a ) nsombo (phacochere) : une cuisse, la partie superieure du cou, le ventre, une par tie du dos, les intestins, Testomac.

mbuli (antilope) : une cuisse.

mbende (antilope) : une cuisse.

mpanga (antilope) : une cuisse.

nyate ( buffle ) : une cuisse. ikaka (pangolin) : une cuisse et un trongon de queue, diobo ( civette) : une cuisse et la glande. Iowa ( serval) : une cuisse et un trongon de queue,

iwenge (lputre grise) : une cuisse et un trongon de queue, mpongo ( aigle ) : la moitie de l'animal. nkuma (python) : trois trongons et la queue, elia ( grand singe) : une cuisse.

mj nkoi (leopard) : Tentierete de l'animal lui revient mais il doit payer au

chasseur un ? ilenge ? (4) De la bete il conserve la peau, les dents et une

1 ) Sans elision ? nkumu i bobele >, les bobele 6tant rles cauries dont sont orn6s ses bracelets et sa ceinture.

2) Nom de bolcofo (pouvoir) du chef des sous-tribus Ibeke-Bolia. Ngangi et Nkile, respectivement Ilanga y'OIiu,

l!angangangi et Ilangankile. 3 ) Nom que porte le village principal

- nous dirions chef-lieu-de la sous - tribu, ou reside le chef.

4) ilenge ; valeur mon6taire composed de 10 bingetele ou petites barres de cuivre de 10 cm. environ.

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cuisse, partageant lc rcstant entre les habitants du village,

n) njou (elephant ) : une cuisse. Une defense revient par moitie au chasseur l'au

tre etant partagee apres vente entre les habitants du village. Sur tout

elephant abattu le chef de sous-tribu a droit a une defense, une cuisse, la trompe, la queue et 9 paniers de viande.

A cote du "

nkumu y'obele "

nous trouvons le chef de terre - parfois, nous l'avons

vu, ils se confondent, - qui porte le titre de

" nkumu loboko ", fonction qui peut etre

exercee tant par un homme que par une femme. Comme pour les autres nkumu sa de

signation dans la descendance du fondateur du village se fait a l'intervention des manes

des ancetres dont il sera le representant. II appartient toujours a la descendance en ligne feminine (nkadi) du fondateur du village. Son pouvoir consiste a provoquer l'intervention des manes des ancetres en vue de rendre la fertilite au domaine de l'ekanga ou d'en

provoquer la sterilite. C'est a lui que le nkumu y'obele s'adresse en cas de disette, de

penurie de gibier ou de poisson afin de remedier grace a son pouvoir magique a une situation difficile pour le clan.

Ce n'est qu'exceptionnellement qu'il a droit a une partie du tribut dans un petit nombre de villages, mais a chacune de ses interventions il regoit en paiement de ses services diverses valeurs parmi lesquelles doit obligatoirement figurer une poule blanche.

La propriete individuelle n'existe que pour les produits du travail, telles les maisons, ou les objets acquis grace au produit du travail comme les outils et les armes. Si le

produit est du au travail commun des epoux, ils en ont la propriete conjointe, mais flans la proportion de un tiers pour l'epouse et deux tiers pour le mari.

La terre est propriete collective du clan premier occupant du sol: il n'existe sur elle aucun droit individuel, sauf sur le sous-sol dont les produits appartiennent a leur decou vreur mais retorabent dans le patrimoine du clan possesseur de la terre apres le deces de celui-ci. Les fruits de la foret, arbres, lianes, plantes diverses, en d'autres termes les

produits spontanes de la terre appartiennent a qui les recolte: chaque individu possede en effet le droit de prendre les materiaux necessaires a ses besoins, meme sur une terre

appartenant a un autre clan. II peut les vendre s'il le desire et realiser ainsi, grace a ce qu'il recolte en forec, une operation lucrative. II ne resulte toutefois pas de cette faculte que la propriete du sol soit amoindrie en quelque fagon : c'est 1'abondance de ces

produits spontanes liee a la faible densite de la population qui permet un regime aussi liberal.

L'occupation d'une terre depend de l'assentiment du clan possesseur exprime par le chef de terre qui d'ailleurs ne la rcfusera pas car l'accroissement de population qui en resul te aura pour consequence une augmentation du tribut pergu et done une augmentation du patrimoiae clanique.

La chasse est libre, c'est a-dire non soumise a autorisation prealable, mais grevee du tribut dont il a ete question ci-dessus. 11 y a lieu d'y ajouter qu'au premier indigene a qui il fait part de ses exploits cynegetiques le chasseur doit remettre un morceau de la bete, pris dans la region lombaire. Quant a 1'animal trouve, il appartient a qui l'a trouve.

En cas de chasse collective tout le produit est remis a son organisateur qui doit proceder au partage. Une cuisse de chaque bete revient a celui qui l'a tuee ou bles see en premier lieu; celui qui l'aurait blessee une seconde fois se verrait attribuer un morceau pris dans la region lombaire, la meme part revenant a celui qui se saisit le pre mier de la bete tuee. Si 1'animal a ete blesse une troisieme fois, le chasseur interesse

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regoit les flancs et un quatrieme a droit au cou.

L'organisateur, apres avoir preleve se part, soit deux epaules et une cuisse de cha

que bete abattue, fait trois parts du restant dont une revient au ? nkumu y'obele ?, la

deuxieme a lui-meme, la troisieme etant partagee entre tous les chasseurs.

De meme que la terre, les cours d'eau appartiennent a differents clans, plus precise ment aux clans proprietaires des terres riveraines. Si la peche individuelle est libre de toute entrave, le droit d'etablir des barrages appartient aux seuls proprietaires, qui ont evi

demment la faculte de le mettre en location.

Sur le produit de la peche individuelle aucun tribut n'est du, tandis que les poissons recoltes au moyen de barrages sont partages entre les participants a cette peche collecti ve, a l'exception de trois parts qui reviennent au nkumu.

IV. Les Basengele

Ainsi que nous l'avons rapporte plus haut, la tribu des Basengele est formee de deux

elements de populations qui se sont d'abord superposes et ensuite partiellement fondus*

Un substrat forme de populations matriarcales, les Badia et Baboma, se vit submerge par les Bolia patriarcaux venus de l'Est. II en resulta chez les Basengele l'elaboration d'un

systeme mixte tenant des organisations matriarcales et patriarcales. De meme que chez les Bolia, l'organisation tribale des Basengele est centree sur

des notables revetus de la dignite de nkumu : les fondateurs des sous-tribus (cfr plus haut)

regurent chacun cette dignite du grand nkumu Bolia Lobonge, Ilanga y'Olia, lors de la

scission d'une partie des Bolia qui partit a la eonquete du territoire mosengele* Les sous-tribus basengele citees plus avant sont partagees en ? bekundi ? ou clans reg

nants ou les memes regies que chez les Bolia sont en vigueur pour la succession a la dignite de nkumu. Toutefois suite a l'influence du matriarcat le ? nkadiekinda ? e'est-a-dire le chef de famille a organisation matriarcale, souche du bokundi, a le droit de s'opposer avec les autres nkadi a l'accession au pouvoir d'un candidat qu'il ne desire pas voir a la tete de la sous-tribu. La prerogative de planter autour de la parcelle du nkumu, les bembele(es pece d'arbres toujours verts ) destines a indiquer l'enclos du chef appartient aux nkadi du

candidat, qui eventuellement peuvent refuser de les mettre en terre. En definitive, descen dant en ligne masculine de l'ancetrc fondateur, l'accession au pouvoir d'un nkumu depend de ses allies en ligne maternelle.

Outre l'existence des clans regnants ( bekundi ), l'organisation sociale des Basengele comprend egalement des ? bikinda ? (sing, ekinda) herites des premiers occupants du sol :

l'ekinda se compose de tous les descendants en ligne maternelle des soeurs du fondateur du groupe. Les descendants en ligne paternelle (element isafu du clan) leur restent ap parentes mais appartiennent principalement a l'ekinda de leur mere, ou ils sont nkadi. Tou

tefois, comme chez les Bolia, une femme ? isongi ? appartient au clan de son mari ainsi

que toute sa descendance qui, s'il s'agit d'une fille, devient ainsi nkadi dans le clan de son pere et non dans celui de sa mere. Les fils sont basafu dans le clan paternel mais ne sont nkadi dans aucun clan.

Le chef de clan, le ? nkadiek?nda ? est l'aine de la plus ancienne generation des cendant du fondateur par les femmes. II gere les biens du clan, il en est le possesseur, en son nom, et le represente.

Lors de l'arrivee des Bolia, une grande partie du sol etait occupe par les clans Badia-Baboma qui en furent chasses par les envahisseurs. Toutefois apres d'infructueux ef forts de cultures, de nombreuses chasses sans abattre un seul.. gibier, de multiples tenta

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tivcs de peche dans les rivieres et les mares, les conquerants se virent obliges de rap

peler les autochtones caches dans les forets et parnii eux, les chefs premiers occupants de

la terre envahie.

Forces par les circonstances, ils confirmerent dans leurs droits de premier occupant du sol les chefs basengele qui a leur tour se soumirent au pouvoir politique des envahis seurs. Ces derniers cependant exercerent un pouvoir total, politique et foncier, sur les ter

res qu'ils trouverent encore libres a leur arrivee.

A la lumiere de ces renseignements mi-legendaires, mi-historiques nous pouvons con

clure que le droit a la propriete du sol revient au clan premier occupant, les individus

n'ayant qu'un droit d'usufruit sur cette meme terre. Le clan possesseur est represente par un chef de terre qui jouit rarement du pouvoir politique et qui est l'aine de la plus an

cienoe generation en vie des descendants en ligne feminine du fondateur du clan. Quand il n'est pas chef politique il reside en dehors du village 0).

Le premier devoir du chef de terre est de veiller a la rentree des revenus destines au patrimoine du clan, proprietaire de la terre dont lui-meme ne peut disposer en rien

sans avoir pris 1'avis de tous les membres ? bankadi ? du clan, c'est-a-dire de tous ceux

appartenant au clan par leur mere. Les membres ? basafu ?, parents en lignee masculine,

n'ont aucun droit d'intervention ce concernant.

Ce droit de propriete du clan trouve son expression dans la redevance qui lui est

due pour l'exploitation de son sol. : redevances de peche, de chasse, de recolte (cultures). C'est ainsi que la recolte des produits spontanes n'est soumise a aucune redevance, alors

que l'exploitation rationnelle de ceux ci entrame la debition d'un droit. Chacun choisit le ter

rain qu'il prefere, sans devoir en referer au chef de terre mais toutefois sans empieter sur une

terre deja choisie par un autre. Le chef de terre n'intervient done pas dans la repartition des parcelles entre ses parents ou clients. L'abondance des terres et la faible densite de

la population permettent l'adoption d'un regime aussi liberal, d'autant plus que le fait de

culture ne donne aucun droit a la propriete du sol. Le seul droit du cultivateur sur le ter

rain qu'il occupe repose sur l'interdiction faite a quiconque non seulement d'empieter sur

ses cultures mais encore de l'occuper lorsqu'il est en jachere tant que la foret ne l'a pas a nouveau envahi.

La redevance (niungu)due au chef de terre pour les cultures ne s'applique pas aux

plantes ordinaires, bien que les plus abondantes, telles le manioc et les bananes. Par

contre les cultures de courges, d'arachides et de tabac sont taxables, de meme qu'actuel lement celle de l'Urena lobata ; ces produits ayant une valeur beaucoup plus elevee que les premiers, la redevance, genre dime, est plus remuneratrice. Elle est fixee a un ? pa nier ? de chacun des produits taxables.

Chez les Basengele, le proprietaire du sol est inconditionnellement proprietaire du

sous sol, aucun droit ne revenant a 1'inventeur eventuel d'une mine.

La fertilite de le terre depend du bon vouloir des ancetres dont seul le chef de

terre peut s'assurer la bienveillance, lui seul ayant des droits sur la terre, propriete col

lective du clan compose de tous les membres defunts, vivants et futurs. Revetu d'une

fonction sacerdotale dans le culte maniste de la tribu, c'est a lui que les cultivateurs

s'adressent en cas de disette; apres lui avoir offert un present, afin qii'il apaise les

manes courrouces et rende ainsi la fertilite aux champs.

1 ) Le chef des terres de Gongo Osengere. chef lieu du groupement des Gongo, du clan Balensa, premier occu

pant, reside a Gandemputu.

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Cependant malgre l'importance de cette redevance sur les cultures, les droits perc;us sur les chasses sont les plus remunerateurs, car ils s'etendent a toutes les betes tuees.

Moyennant acquittement de ce droit n'importe qui peut chasser n'importe ou, a moins

qu'il ne s'agisse d'une chasse collective auquel cas l'autorisation du chef de terre est re

quise. II se fait en outre representer par mi les chasseurs, par un chef de chasse appele ? nyimoli?. Quand le chef politique n'est pas chef de terre il a droit a une partie des

redevances dues a tous les chefs de terre soumis a son autorite.

Jetons un coup d'oeil sur les differentes redevances dues en cas de chasse :

a) individuelle: sur les cochons, antilopes et buffles : une patte de derriere,, une pattede devant y compris la cuisse et i'epaule, la machoire et la poitrine. sur le leopard : outre les morceaux cites ci-dessus, la peau et les dents. sur l'antilope ?panga ? les memes droits plus la peau. Sur ces droits le chef de terre remet en general la moitie au chef de sous-tribu.

b) collective : sur les petites antilopes telle que mboloko ou bengele : la moitie de la bete, Fautre moitie etant partagee entre ceux qui ont abattu la bete. Le chef de terre

preleve la moitie de sa part qu'il partage entre les autres chasseurs. Du restant il pre leve encore un tiers qu'il remet au chef de chasse.

sur les grandes antilopes, cochons et buffles : une patte de derriere dont le chef de terre remet la moitie au chef politique et la moitie de ce qui lui reste au chef de chasse. Les chasseurs qui n'ont p^s participe a Tabattage de la bete re^oivent une patte de devant. Le reste est partage entre ceux qui ont abattu la bete.

c) la chasse a l'elephant : le chef de terre regoit une patte de derriere. Le chef pohti que re^oit une patte de devant. Le premier re^oit encore deux quarts de la trompe, de meme que le second qui se voit en outre attribuer la bouche. Chacun des deux a encore droit a la moitie du foie, de Testomac et des rognons ainsi que d une defense.

L'autre defense appartient au chasseur ainsi que la viande sauf le cou qui revient a ceux qui ont aide le chasseur.

Les rivieres sont sujettes a un droit de propriete particuliere qui ne coincide pas avec la propriete terrienne riveraine. La peche en riviere ne peut se fatre qu'avec fau torisation du chef de l'eau et ce moyennant une redevance variable d'un village a l'au tre. Par contre la recolte du petit poisson en marais est libre n'etant soumise a aucun droit,

mais il est de bon ton pour le pecheur de faire un present au chef de la terre englo bant le marais.

Ces deux populations - Bolia et Basengele - relativement peu nombreuses occupent de

grandes superficies de terre ou dominent Id foret partiellement inondee et les marais. Ce

pendant les terres exploitables sont vastes et largement suffisantes pour fournir leur subsis tence a tous les habitants. II en resulte pour chacun la faculte de chasser, cultiver et

pecher ou il veut moyennant le versement d'un tribut au chef de terre ou de l'eau, tri but venant enrichir le patrimoine cianique. Cette situation demographique et topographi que favor ible explique que le droit de propriete sur la terre se traduise uniquement par le droit a une redevance en cas d'usufruit du terrain : ^occupation iliicite de terre est un

litige judiciaire totalement inconnu dans ces deux sous-tribus, fes contestations ne s'elevant jamais qu'a propos du paiemenc des redevances.

Rene PHILIPPE.

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