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Nouveau départ en Afrique Mubiana Luhila, Lydia A. Koranteng, Alain Godonou Les musées de l2j-ique subsaharienne sont confiontés à des problèmes aigus de conservation et de magasinage des collections : composées essentiellement de matériaux organiques, celles-ci sont soumises à desprocessus de détérioration qui provoquent des dhgats extrêmement graves, de grande ampleur et souvent iwéversibles. Le programme PREMA 1390-2000 deformation de spécialistes aj-icains dans ce domaine a été créépar le Centre international d2tudespour la conservation et la restauration des biens culturels (ICCROM) àRome. Les trois articles ci-après, rédkés par des anciens boursiers du réseau PREM, témoignent à I'évidence qu'une telle formation, alliée à un esprit &initiative, à de Ia détermination e t à de I'ingéniositd peut donner des résultats spectaculaires. D'une certaine confusion à un ordre acceptable : l'histoire d'une réussite en Zambie (Mubiana Luhila) Le Livingstone Museum, à Livingstone, en Zambie, est le musée le plus important du pays par sa taille, ses collections, son équipement et son personnel. Son histoi- re remonte à 1930, date àlaquelle il a ac- quis ses premiers objets (uniquement eth- nographiques alors). C'est le plus vieux musée de Zambie. La partie la plus ancienne des bâti- ments actuels a été construite en 1950. Les collections ne cessant de s'accroître, la nécessité de les abriter correctement s'est faite plus pressante. En 1961, le Musée possédait 1 022 objets ethnographiques, 8 118 documents et objets historiques, 9 822 objets provenant de sites préhisto- riques et 204 986 spécimens d'histoire naturelle. Diverses salles ont dû être construites pour accueillir ces collections, outre une aile éducative~et un atelier. Jus- qu'en 1990, l'équipe a concentré ses ef- forts sur les acquisitions, prêtant peu d'at- tention àla gestion, àla conservation pré- ventive et à la documentation des collections. Les conséquences d'une telle négligence n'ont commencé à être per- çues qu'à la fin des années 80. En février 1990, l'auteur (Université de Zambie, cours universitaire du PRE- MA) a été chargé de mettre sur pied et de développer un département de conserva- tion qui réponde aux besoins de l'établis- sement. La tâche était - elle est encore - colossale. Toutefois, grâce à l'assistan- ce de l'ICCROM et du Social Science Research Council @tats-Unis), qui nous ont fourni du matériel, de la documenta- tion et des services de formation, nous avons réussi à le doter d'une base solide en termes de compétences et d'équipe- ment. En 1994, un laboratoire de conser- vation avait été mis en place et quatre nouveaux assistants assuraient la conser- vation préventive de la collection ethno- graphique, des documents et des archives, des spécimens d'histoire naturelle et des objets préhistoriques. . Un rapport sur les sept réserves établi en mars 1990 mit en lumière les pro- blèmes suivants : grave infestation par les insectes ; entassement des objets dans les dépôts et à l'intérieur des unités de ma- gasinage, souvent dans des caisses à même le sol ; qualité plus que médiocre des supports d'objets dans certaines uni- tés de magasinage ; conditions clima- tiques généralement bonnes dans les ré- serves situées au-dessus du niveau du sol, mais laissant à désirer s'agissant des dé- pôts situés au-dessous de ce niveau, du fait de l'infiltration des eaux pendant la saison des pluies ; lumière excessive du fait de l'exposition directe des objets aux rayons du soleil ; documentation insuffi- sante ne comprenant ni registres d'inven- taire ni système de localisation des objets. Bref, la situation devait être redressée si l'on voulait prolonger l'espérance de vie des objets et faire en sorte que les collec- tions soient plus facilement utilisables par le personnel du musée comme par le public. Un projet d'amélioration du magasi- nage a été soumis au directeur. Ses objec- tifs étaient les suivants : a) compléter et rendre d'un usage facile la documenta- tion de toutes les collections, de manière à permettre aux utilisateurs de localiser les objets le plus rapidement possible ; 6) améliorer les conditions de magasina- ge pour réduire l'entassement des objets ; limiter les dégâts dus à la lumière, au cli- mat et aux insectes ; disposer de meilleurs supports pour les objets ; c) dresser un in- 28 Museuin ii2re~zntioizd(Paris, UNESCO), no 188 (vol. 47, no 4, 1995) O UNESCO 1995

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Nouveau départ en Afrique Mubiana Luhila, Lydia A. Koranteng, Alain Godonou

Les musées de l2j-ique subsaharienne sont confiontés à des problèmes aigus de conservation et de magasinage des collections : composées essentiellement de matériaux organiques, celles-ci sont soumises à des processus de détérioration qui provoquent des dhgats extrêmement graves, de grande ampleur et souvent iwéversibles. Le programme PREMA 1390-2000 deformation de spécialistes aj-icains dans ce domaine a été créépar le Centre international d2tudespour la conservation et la restauration des biens culturels (ICCROM) àRome. Les trois articles ci-après, rédkés par des anciens boursiers du réseau PREM, témoignent à I'évidence qu'une telle formation, alliée à un esprit &initiative, à de Ia détermination età de I'ingéniositd peut donner des résultats spectaculaires.

D'une certaine confusion à un ordre acceptable : l'histoire d'une réussite en Zambie

(Mubiana Luhila)

Le Livingstone Museum, à Livingstone, en Zambie, est le musée le plus important du pays par sa taille, ses collections, son équipement et son personnel. Son histoi- re remonte à 1930, date àlaquelle il a ac- quis ses premiers objets (uniquement eth- nographiques alors). C'est le plus vieux musée de Zambie.

La partie la plus ancienne des bâti- ments actuels a été construite en 1950. Les collections ne cessant de s'accroître, la nécessité de les abriter correctement s'est faite plus pressante. En 1961, le Musée possédait 1 022 objets ethnographiques, 8 118 documents et objets historiques, 9 822 objets provenant de sites préhisto- riques et 204 986 spécimens d'histoire naturelle. Diverses salles ont dû être construites pour accueillir ces collections, outre une aile éducative~et un atelier. Jus- qu'en 1990, l'équipe a concentré ses ef- forts sur les acquisitions, prêtant peu d'at- tention àla gestion, àla conservation pré- ventive et à la documentation des collections. Les conséquences d'une telle négligence n'ont commencé à être per- çues qu'à la fin des années 80.

En février 1990, l'auteur (Université de Zambie, cours universitaire du PRE- MA) a été chargé de mettre sur pied et de développer un département de conserva- tion qui réponde aux besoins de l'établis- sement. La tâche était - elle est encore - colossale. Toutefois, grâce à l'assistan- ce de l'ICCROM et du Social Science Research Council @tats-Unis), qui nous ont fourni du matériel, de la documenta- tion et des services de formation, nous avons réussi à le doter d'une base solide en termes de compétences et d'équipe- ment. En 1994, un laboratoire de conser- vation avait été mis en place et quatre

nouveaux assistants assuraient la conser- vation préventive de la collection ethno- graphique, des documents et des archives, des spécimens d'histoire naturelle et des objets préhistoriques. .

Un rapport sur les sept réserves établi en mars 1990 mit en lumière les pro- blèmes suivants : grave infestation par les insectes ; entassement des objets dans les dépôts et à l'intérieur des unités de ma- gasinage, souvent dans des caisses à même le sol ; qualité plus que médiocre des supports d'objets dans certaines uni- tés de magasinage ; conditions clima- tiques généralement bonnes dans les ré- serves situées au-dessus du niveau du sol, mais laissant à désirer s'agissant des dé- pôts situés au-dessous de ce niveau, du fait de l'infiltration des eaux pendant la saison des pluies ; lumière excessive du fait de l'exposition directe des objets aux rayons du soleil ; documentation insuffi- sante ne comprenant ni registres d'inven- taire ni système de localisation des objets. Bref, la situation devait être redressée si l'on voulait prolonger l'espérance de vie des objets et faire en sorte que les collec- tions soient plus facilement utilisables par le personnel du musée comme par le public.

Un projet d'amélioration du magasi- nage a été soumis au directeur. Ses objec- tifs étaient les suivants : a) compléter et rendre d'un usage facile la documenta- tion de toutes les collections, de manière à permettre aux utilisateurs de localiser les objets le plus rapidement possible ; 6) améliorer les conditions de magasina- ge pour réduire l'entassement des objets ; limiter les dégâts dus à la lumière, au cli- mat et aux insectes ; disposer de meilleurs supports pour les objets ; c) dresser un in-

28 Museuin ii2re~zntioizd(Paris, UNESCO), no 188 (vol. 47, no 4, 1995) O UNESCO 1995

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ventaire des collections permettant d'identifier les objets figurant sur le re- gistre d'inventaire mais ne se trouvant pas dans le musée, et ceux détenus par le mu- sée mais non répertoriés. La proposition a été retenue et des fonds ont été engagés pour les premiers travaux. Le projet de- vait être réalisé, collection par collection, en commençant par l'ethnographie.

Une documentation insufisante La documentation relative à la collection ethnographique se limitait à un registre d'inventaire et à des fiches de catalogue numérotées. I1 n'existait pas de fichiers pour les formulaires concernant les col- lectes sur le terrain ; pas de fiches par groupe ethnique et par type d'objet ; pas de registres relatifs au mouvement des ob- jets ni de système pour les localiser. Nous avons alors entrepris de rendre le système de documentation plus fonctionnel. I1 fallait, pour cela : s'assurer que les infor- mations du registre d'inventaire étaient correctes et qu'aucune entrée n'avait été omise (pour des rksons inconnues, trois registres d'inventaire distincts compor- tant des informations dsérentes avaient été établis au fil des ans) ; créer des cartes de catalogue par groupe ethnique et par type d'objet, ce qui rendrait la collection plus facilement utilisable pour les conser- vateurs (en leur permettant de combler les vides de la collection) et pour les cher- cheurs ; ouvrir un registre relatif aux mouvements des objets pour ne pas perdre leur trace ; établir un plan de loca- lisation dans les réserves et l'incorporer dans la documentation afin de constituer un système de localisation.

Ce projet a été examiné, avec les res- ponsables de I'ICCROM présents en Zambie, en août 1990, pour préparer un stage de trois mois relatifà la gestion de la conservation qui devait avoir lieu au Li- vingstone Museum en 1991. I1 a été

convenu que, dans le cadre du projet PFEMA, un crédit de 3 725 dollars serait consacré au travail de documentation. Cela couvrait la production de 33 O00 nouvelles fiches, l'achat de quin- ze fichiers et les salaires de trois docu- mentalistes temporaires qui, avec l'auteur et deux conservateurs adjoints, constituè- rent l'équipe chargée de la mise en œuvre du projet.

La première chose à faire était de rele- ver les entrées erronées ou manquantes dans le registre numéro 3. Nous avons travaillé jusqu'à ce que nous soyons cer- tains de disposer d'un registre d'inventai- re fiable. I1 fallait ensuite établir des fiches à partir des informations du registre et des fiches de catalogue déjà créées. En no- vembre 1990, les fiches par numéro d'in- ventaire, par groupe ethnique et par type d'objet étaient achevées et classées dans le fichier récemment acquis. Grâce à ce sys- tème, le conservateur pouvait savoir dé- sormais dans quels domaines sa collection présentait des lacunes, et le travail des chercheurs se trouvait facilité. (Malheu- reusement, comme il n'existait aupara- vant aucun système pour conserver les formulaires concernant les collectes sur le terrain, de nombreuses données perti- nentes ont été perdues, et notre plan vi- sant à sauvegarder ces informations n'a pu être mis en œuvre.)

La phase suivante de rétablissement d'un système de localisation ne pouvait débuter qu'une fois achevé le travail d'amélioration des conditions de magasi- nage. La collection ethnographique se trouvait dans deux dépôts situés l'un au- dessus de l'autre. Ces deux salles étaient bourrées d'objets dont beaucoup, posés à même le sol, bloquaient le passage, et la plupart des étagères étaient surchargées ; les objets risquaient ainsi d'être déformés, voire éraflés, lors de leur manipulation. L'humidité dans la salle du bas atteignait

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de magasinage dans la salle du rez-de- chaussée débutaient. Une équipe com- prenant l'auteur, deux conservateurs ad- joints et trois assistants de recherche était constituée à cet effet en mars 199 1, et ini- tiée à la manipulation et au déplacement des objets.

La salle d'étude du musée consacrée à l'archéologie (30 mètres carrés) a été uti- lisée comme réserve provisoire. Des éta- gères ont été construites pour un mon- tant de 400 dollars, puis matelassées de feuilles de polythène (offertes par l'IC- CROM). Tous les objets posés àmême le sol dans la réserve ont été nettoyés, puis transférés dans cette sde, ce qui a dégagé un espace de travail où a été transporté le contenu des étagères, qui à leur tour ont été nettoyées et matelassées. Une fois net- toyés (généralement à l'aide d'un aspira- teur), les objets ont été remis sur les dta- gères, disposés de telle sorte que chacun ait une place suffisante. Un matelassage supplémentaire en papier de soie était ajouté lorsque cela se révélait nécessaire.

Le 2 décembre 1991, jour d'ouvertu- re du stage national du PREMA, les fonds nécessaires à la construction d'une réserve n'avaient pas encore été réunis, et le transfert de la collection située dans le dépôt du sous-sol ne pouvait démarrer. Toutefois, comme les objets étaient en danger et qu'il était ndcessaire, pour leur sauvegarde, de les entreposer ailleurs, l'administration du musée a proposé d'accueillir la collection dans la salle d'ex- position temporaire.

I1 n'y avait pas d'étagères de range- ment, celles de la réserve étaient en trop mauvais état pour être réaménagées, et le musée n'avait pas les moyens d'en faire construire de nouvelles. Une requête au- près du Haut Commissariat britannique en Zambie visant à obtenir 18 O00 dollus pour en construire cinquante-six reçut alors une réponse favorable, et les unités

D'une cee&?ze confision. . .

100 % pendant la saison des pluies en rai- son de l'infiltration des eaux en sous-sol. I1 fdait donc trouver un nouvel espace de magasinage pour abriter la collection en danger.

Nous entreprîmes de désinfecter la collection, de réduire la luminosité, de mettre les objets en un lieu plus sûr, de décongestionner la réserve, de rénover les supports et d'établir une méthode de lo- calisation des objets. Cette phase a com- mencé en fdvrier 199 I ._ Les fenêtres cas- sées qui laissaient entrer la poussitre, les insectes et les chats ont été remplacées et peintes en blanc à l'intérieur et en noir à l'extérieur pour neutraliser la lumière du soleil (une somme de 50 dollars a été consacrée à ces travaux). Les deux maga- sins de la réserve étaient alors prêts pour la désinfection, effectuée à l'aide de géné- rateurs de fumée Gammexane no 2 : c'était là une méthode d'autant plus effi- cace et sûre que la désinfection a eu lieu un samedi, alors que le personnel était ab- sent pour le week-end. L'opération a été répétée quinze jours plus tard.

Un travail &équipe Un appel a été lancé à des donateurs éventuels en Zambie pour construire une réserve de 230 mètres carrés où les objets provenant du dépôt en sous-sol pour- raient être transférés. Entre-temps, les opérations pour améliorer les conditions

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de magasinage furent livrées au début du mois de novembre 199 1.

Le transfert des objets de la réserve et de la salle d'étude du département d'ar- chéologie débuta presque immédiate- ment, les participants au stage du PRE- MA constituant l'équipe de travail. A la fin du stage, le 30 novembre suivant, les quatre cinquièmes des objets avaient pris place dans la nouvelle réserve. En janvier 1992, une équipe comprenant tous les anciens participants au stage du PREMA (tenu dans le musée) était constituée pour achever le travail, et, en mars 1992, la col- lection entière était convenablement ins- tallée dans une nouvelle réserve climati- quement sûre. Une partie des étagères avait été recouverte de feuilles de poly- thène pour protéger les objets de la pous- sière et des insectes ; mais, le stock ayant été épuisé avant terme, cette partie du tra- vail ne put être achevée qu'en 1994, après l'acquisition de nouvelles feuilles.

Un système simple de localisation des objets a été élaboré : toutes les unités de magasinage sont disignées par une lettre de l'alphabet, de A jusqu'à S. Le magasin de réserves du rez-de-chaussée comprend les unités allant de A à N ; la nouvelle sal- le abrite les unités de O à S. Chaque éta- gère d'une même unité est numérotée en commençant par l'étagère du bas, et chaque compartiment d'une même éta- gère est doté d'un chiffre romain. Si, par exemple, l'emplacement d'un objet est R4.111, cela signifie que l'objet se trouve, dans la nouvelle réserve, dans l'unité R, étagère 4, compartiment III. Telle est la place qui lui est assignée, et c'est toujours là qu'on le trouvera. Des listes par étagè- re ont été établies, qui portent des infor- mations sur chaque objet, consignées sur des formulaires. Ces listes d'inventaire de- meurent constamment sur place.

En établissant ces listes par étagère et en dressant l'inventaire, nous avons dé-

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. . . à un ordre acceptable, mais une équipe de vingtpersonnes a travaille'dewc mois pour toiicber au but. couvert que certains objets n'avaient pas

de numéro d'entrée. Après un examen approfondi des archives, ces objets ont été inventoriés et leurs numéros respectifs inscrits sur l'objet et sur la liste d'étagère. Au début de cette opération, le registre d'inventaire comportait 10 O22 entrees ; àla fin, il en contenait 11 750 : 1 728 ob- jets n'avaient doni jamais été convena- blement inventoriés.

Une fois les listes d'étagères achevées, chacune a été recouverte d'une feuille protectrice en polythène fixée par ther- mocollage. Une liste des objets exposés a également été dressée, et chaque objet marqué (( présent )) sur le registre. Tous les objets en regard duquel ne figure pas la mention (( présent )) sont considérés com- me n'étant pas dans rétablissement, et, comme le mouvement des objets n'a ja- mais été consigné auparavant, il est im- possible de savoir où ils sont.

Les numéros d'emplacement des ob- jets sur les listes par étagère ont ensuite été reportés sur les fiches d'objets du ca- talogue : c'était là le dernier chaînon du système de localisation des objets, et dé- sormais chacun peut retrouver les pièces en réserve sans perdre un temps précieux. Néanmoins, pour des raisons de sécurité, ce processus est contrôlé par le conserva- teur ou par son représentant, qui gèrent également le registre où sont consignés les mouvements des objets. Une notice rela-

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tive à ces mouvements est jointe aux listes par étagère ; elle n'est retirée que lorsque l'objet est remis à sa place.

Le patrimoine conservé dans nos mu- sées pour le compte du public doit être transmis aux générations futures non seu- lement en bon état, mais encore dans des conditions telles qu'il soit utilisable. Le réaménagement de la collection ethno- graphique contribue àla réalisation de cet

objectif. Sans doute les résultats auraient- ils pu être meilleurs, mais c'était notre première expérience, et quelque chose qui ressemble à de l'ordre a remplacé la confusion qui menaçait l'existence même des objets. Nous avons beaucoup appris, et les efforts que nous avons déployés nous seront extrêmement précieux le jour où nous nous attaquerons à l'améliora- tion de la collection archéologique.

30 O00 déplacements : de la confusion à la conservation préventive au MusCe national du Ghana

(Lydia A. Koranteng)

Le Musée national du Ghana, créé juste après l'indépendance en 1957, s'est lente- ment assoupi : riche d'une collection de 24 O00 objets - dont 90 % en réserves -, il n'a jamais vu la présentation modi- fiée dans les salles ouvertes au public, et la dernière exposition temporaire remonte à 1980. Dans le même temps, les réserves (200 mètres carrés) ont été utilisées com- me dépôt de matériels divers, ce qui a ra- pidement rendu les allées impraticables et l'accès aux œuvres impossible, et menace leur intégrité. Une action d'envergure

En collaboration avec le programme PREMA 1990-2000, la direction a déci- dé d'organiser un cours pratique dont les objectifs étaient les suivants : a) suppri- mer des réserves tout ce qui n'était pas structure de rangement ou collection, et regrouper toutes les collections ; b) re- prendre l'inventaire et le compléter, afin de pouvoir retrouver un objet en moins de cinq minutes sans avoir à déplacer plus de deux objets ; c) organiser une exposi- tion temporaire. Durant trois mois, vingt membres du personnel des musées du Ghana ont participé à l'enseignement, qui comportait 40 % de cours théoriques et 60 % d'exercices pratiques.

. était donc devenue urgente.

Une fois les réserves débarrassées des 30 mètres carrés de matériels qui n'avaient rien à y faire et les bureaux vidés des collections qui s'y trouvaient, des zones spécifiques ont été dévolues à chaque type de collection. La surface d'étagères a été augmentée de 30 % ; des Cléments adaptés aux collections de tex- tiles et de tableaux ont été créés.

Après la mise en place de systèmes de protection contre le vol, l'incendie, les in- sectes, la poussière et d'aération interne, une place a été attribuée à chaque objet. L'inventaire pouvait alors commencer (il s'est poursuivi après la fin des cours et est aujourd'hui achevé). Un plan de conser- vation préventive tenant compte des lieux et des conditions climatiques a été établi.

Ces travaux ont entraîné plus de 30 O00 déplacements d'objets fragiles, et les participants sont légitimement fiers de n'en avoir endommagé qu'un seul - une pipe en terre cuite. L'opération a été com- plétée par la réalisation d'une exposition temporaire décrivant au public le rôle d'unmusée.

Aujourd'hui, il est possible - et même agréable - d'entrer dans les ré- serves du Musée national du Ghana et de travailler sur les collections.

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Déménager, réaménager : le cas du Bénin (Alain Godonou)

En aoGt 1992, le Ministère de la culture du Bénin a lancé, avec l'appui du projet PREMA 1990-2000, un ambitieux pro- gramme d'aménagement des réserves des quatre principaux musées nationaux. I1 faut dire que la situation, qui s'était dé- gradée au fil des années, était devenue très critique.

Le cas du Musée d'histoire d'Abomey, installé dans deux anciens palais royaux classés Patrimoine mondial par l'UNES- CO, était le plus dramatique. Le bâti- ment qui abritait l'ancienne réserve était dans un état de dégradation avancée : les murs se lézardaient, les plafonds pourris- saient, les toits menaçaient de s'effondrer et l'ensemble de la structure était infesté de termites. La position du bâtiment, sur un immense site de 40 hectares mal en- tretenu, favorisait la pénétration de rats et même de reptiles.

En dehors de quelques armoires, le musée ne disposait pas de mobilier de rangement, et la plupart des objets étaient entassés à même le sol ; certains, attaqués par des insectes, étaient déjà irrécupé-

rables. Quant à l'inventaire, il datait des années 50 et n'avait jamais fait l'objet d'un récolement. Devant l'ampleur des dangers qui menaçaient cette collection historique exceptionnelle, le déménage- ment s'imposait.

Le local choisí a fait l'objet de quel- ques travaux : traitement des murs et des boiseries contre les infestations ; renfor- cement des ouvertures contre les intru- sions ; protection contre les poussières ; amélioration de l'éclairage et de la venti- lation, l'air conditionné ayant été écarté. L'ancienne réserve avait une superficie de 120 mètres carrés ; le nouveau local amé- nagé comportait deux salles d'environ 60 mètres carrés chacune, soit la même superficie totale, avec toutefois une dis- tribution différente. Une seule des deux salles a accueilli l'ensemble des collec- tions, tandis que l'autre était aménagée en espace mixte atelier-documentation des collections ; auparavant, aucun espa- ce ne remplissait ces fonctions. Les struc- tures de rangement commandées ont été spécialement coques pour la collection,

La collection famalre des rois du Bénin a été nettoyée, désin$stée, puis t?an$rée dans line nouuele résewe spécialement équ+ée.

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après étude de l'encombrement des objets et des différents modes de stockage ap- propriés. Elles se composent de 68 mètres carrés d'étagères en bois de teck répartis en trois blocs, et de sept panneaux de sus- pension en toile réalisés entièrement sur place. Pour un modeste coût de 40 O00 FF également répartis entre les in- tervent;ons directes sur le bâtiment et la commande de mobilier, l'aménagement des nouvelles réserves a été mené àbien.

Le déménagement de l'ancienne réser- ve vers la nouvelle a été accompagné d'une série d'opérations pour désinfester les objets, les dépoussiérer, les documen- ter. Le récolement de l'inventaire, entre- pris durant ces différentes opérations, a révélé que, sur près de 1 500 objets, un millier seulement avaient été inventoriés.

Le système de repérage mis en place per- met de retrouver tout objet dans la nou- velle réserve en cinq minutes ; c'était le critère retenu, une performance inimagi- nable au départ !

Les aménagements des réserves du Musée d'histoire de Ouidah, du Musée ethnographique et du Musée Honmè de Porto-Novo ont été réalisés de la même façon, et plusieurs leqons ont été tirées de cette expérience. Qu'une équipe de gens formés uniquement aux principes et aux techniques de base ait pu concevoir et réaliser ces aménagements considérables en si peu de temps et avec des moyens si modestes est sans doute l'une des plus marquantes. Cela laisse bien augurer du développement interne des musées afri- tains.

Le programme PREMA est organisé en collaboration avec l'université de Paris-I Panthéon-Sorbonne, l'université de Londres-Institut d'archéologie (UCL), le Musée ethnographique L. Pigorini à Rome, et l'Institut canadien de conserva- tion à Ottawa. II est financé par des organisations internationales (UNESCO, Communauté européenne, ACCT) ; des organismes et des ministères nationaux (BMZ, Allemagne ; DANIDA, Danemark ; USAID, États-Unis ; FINNIDA, Finlande ; Ministère de la coopération, France ; Ministère des affaires étrangères, Italie ; NORAD, Norvège ; Ministère du développement et de la coopération, Pays Bas ; ODA, Royaume-Uni ; SIDA, Suède ; Ministère des affaires étrangères, Suisse) ; des fondations (Fondation Dapper, Fondation Ford, Getty Grant Pro- gram, Fondation Skaggs, Fondation Elf). Ce programme est inclus dans les ac- tivités de la Décennie mondiale du développement culturel de l'UNESCO.

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