NOUVELLE NOTE SUR LES CONTREMARQUES APPLIQUÉES AUX MONNAIES IMPÉRIALES ROMAINES

NOUVELLE NOTE SUR LES CONTREMARQUES APPLIQUÉES AUX MONNAIES IMPÉRIALESROMAINESAuthor(s): F. de SaulcySource: Revue Archéologique, Nouvelle Série, Vol. 20 (Juillet à Décembre 1869), pp. 310-314Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/41736673 .

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NOUVELLE NOTE

SUR IitS

CHARQUES APPLIQUÉES AUX MONNAIES IMPÉRIALES ROMAINES

La Revue archéologique a publié dans son numéro de juin dernier une étude des contremarques appliquées sur quelques monnaies de Néron, à Rome même et à Tripoli de Syrie.

Je viens aujourd'hui continuer ce travail et faire connaître aux numismatistes quelques nouvelles contremarques qui se rattachent très-étroitement à celles dont je me suis occupé.

I

J'ai dit que les M. B. vulgaires de Néron, portant l'empreinte du poinçon S. P. Q. R., prouvaient que le sénat, à la mort de l'empereur, s'était empressé de constater les droits qu'il pensait avoir re- couvrés par suite de cet événement. Evidemment on crut en ce mo- ment, à Rome, au rétablissement pur et simple de la république. En voici la preuve : Je possède depuis peu un grand bronze de Né- ron, en bon élat de conservation, et au type de Rome Nicéphore assise; devant l'effigie de l'empereur, une très-grande contremarque est remplie tout entière par les lettres R. P. (respublica), tournées à rebours. Il est clair que le poinçon employé sur cette pièce a élé gravé avec assez de précipitation pour que l'ouvrier négligeât d'y renverser les lettres à imprimer. Je ne doute donc pas que celte contremarque n'ait été l'œuvre des premiers instants qui suivirent la mort de Néron, et pendant lesquels la république fut considérée comme rétablie de fait.



•CONTREMARQUES AUX MONNAIES IMPÉRIALES ROMAINES. 311

II

Rappelons quelques détails de Pavénement de Yespasien. Ce furent les légions d'Orient et la troisième légion, alors cantonnée en Mœsie, sous les ordres du légat Antonius Primus, qui, en haine de Vitellius, reconnurent les premières le nouvel empereur.

Une armée fut dirigée de Syrie sur l'Europe, par la voie de terre, c'est-à-dire par la Cappadoce et la Phrygie ; cette armée, qui était sous íes ordres de Mucianus, dut cheminer à marches forcées, puis- que partie de Syrie vers la fin de juillet, elle parvint aux portes de fiome le 24 décembre de l'année 69.

Il n'est pas possible que le passage de Mucianus et de ses troupes, à travers toute l'Asie Mineure, se soit accompli sans d'énormes dé- penses; très-probablement, le général qui commandait cette armée dut plus d'une fois recourir à des expédients pour se procurer les sommes nécessaires à tous les besoins de ses troupes, sans exciter l'a- nimadversion des populations dont le territoire était traversé. Cette présomption s'élève à la valeur d'une certitude, grâce à l'étude des contremarques.

En effet, j'ai eu la bonne fortune d'acquérir deux soi-disant mé- daillons d'argent, de fabrication asiatique, dont la description va faire ressortir la réalité du fait que je viens d'énoncer.

Le premier de ces médaillons esten excellent état de conservation; il offre au droit la tête nue de Claude, tournée à gauche, accompa- gnée dela légende TI.CLAVD. CAES.AVG; au revers, on voit un tem- ple distyle sur l'architrave duquel on litHOM.ET AVG.; dans le tem- ple, l'empereur est couronné par une divinité féminine (la Paix), tenant une corne d'abondance; à droite età gauche, dans le champ, COM- ASI. (Cohen, Médaillons d'argent de Claude, n* i, tom, ï, p. 157. Le savant auteur a joint à la description ces mots : frappé à Pergame.)

Au droit, devant l'effigie, une contremarque très-nette porte : MPNÊSNC.

Le second médaillon est d'une conservation fort médiocre, il offre au droit l'effigie de Claude et au revers celle d'Agrippine. (Cohen, tom. I, p. 174, Agrippine et Claude, n° 2, an de Rome 803, de J.-C. 50; médaillon frappé en Asie.)

Devant l'effigie de l'empereur nous retrouvons la môme contre-



312 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.

marque que ci-dessus, très-nette et appliquée avec un poinçon dif- férent.

La première partie de la légende contremarquée se lit immédiate- ment IMP (erator) VES (pasianus).

Il n'en -est pas de même des deux dernières lettres NC, dont il faut deviner le sens. De deux choses l'une : ou il faut interpréter ces sigles par les mots N (ummus) C (astrensis), ou par les mots N(t*m- mi) G (entum). C'est cette dernière explication qui me paraît la plus probable et que par conséquent j'adopte avec une entière con- fiance.

M. Cohen, dans son Introduction (page 26), parle des contremarques et dit : « Sur l'argent, je ne connais que la contremarque de « Vespasien IMP.VES, qui se rencontre le plus souvent sur les mé- « dailies consulaires. » Il ajoute en note : « Cette contremarque, qui c ne devait exister que sur des médailles antérieures à Vespasien, « se voit, par extraordinaire, sur un Domitien frappé à Ephèse, avec « le type AVG.EPE, dans une couronne de lauriers, qui appartient « à M. Rollin. La seule manière d'expliquer celte contremarque sur « une médaille frappée après la mort de Vespasien, est de suppo- « ser qu'elle servait à l'usage de ses fils, aussi bien qu'au père. »

Nous verrons plus loin s'il n'est pas possible de donner une autre explication de cette rare monnaie, qui malheureusement est sortie des mains de M. Rollin, sans que celui-ci en ait conservé le sou- venir.

Revenons donc à la seule pièce qu'il m'a été possible d'étudier. C'est un deuier très-fruste de la famille Antonia, au type de la lé- gion IXe (LEG. Villi); il est au Cabinet impérial des médailles et portela contremarque simple A/PVES. (Imperator Vespasianas). Mal- heureusement cette contrejnarque ne nous dit pas quelle valeur de convention a été attribuée à la pièce. Il n'en demeure pas moins certain que la contremarque en question n'a pu être appliquée sur une monnaie courante, que pour lui donner une valeur plus élevée, dans le camp de Mucianus, pendant qu'il traversait l'Asie Mi- neure. Ces deniers consulaires, contremarqués au nom de Vespa- sien, sont d'une très-grande rareté, et MM. Rollin et Feuardentne se

rappellent pas en avoir jamais rencontré plus d'un. Passons à la pièce de Domitien. Les deniers d'argent frappés à Ephèse, au nom de Titus et de Do-

mitien, avec la légende AVG-EPHE (dont les lettres P,H et E sont

liées, inscrite en deux lignes dans une couronne, sont bien con-

nues, et c'est sur une de ces pièces, à l'effigie de Domitien, que



CONTREMARQUES AUX MONNAIES IMPÉRIALES ROMAINES 313

M. Cohen a constaté la présence de la contremarque ÏMP.VES. Il s'agit d'expliquer ce fait vraiment extraordinaire au premier abord. On va voir cependant que cette explication découle assez facilement de la juste appréciation des événements.

Lorsque Yespasien eut été acclamé dans toute la Syrie, dès le 3 juillet 69, ses deux fils, Titus et Domitien, furent considérés comme participant à la dignité impériale. Cela résulte sans réplique de l'examen des monnaies frappées par le roi des Juifs, Agrippa II, qui a émis aussitôt et simullanément, dans ses Etats, des monnaies signées de son nom, mais à l'effigie de Yespasien ou de l'un de ses deux fils. Très-certainement la nouvelle de l'élévation de Yespasien au trône parvint promptement à Ephèse, et il est fort probable qu'elle y fut accueillie avec allégresse, comme dans tout l'Orient; dès lors il est tout naturel d'admettre que des monnaies à l'effigie des trois princes y furent fabriquées promptement, pour leur faire honneur.

Yespasien alla recevoir à Béryte les députations de toutes les grandes villes, qui lui envoyaient des félicitations et des couronnes d'or.

Voici comment Josèphe raconte ces événements :

Táîov Ss £7Civot'aç cpr¡[/.at tov Itz' tyjç avaxoX^; auTOXpaxopa, xai rcãffa |A£V rcoXiç iiopTaÇsv, syayêXia Ss xal ôuffiaç UTcèp autou ItceteXei - ò Sè avaÊuâ; arcò Kai<jap£i'aç £tç BripuTOV âpaytVETai , £vôa TcoXXai f/iv (XTCO T rç Hupiaç aÙTW, iroXXai Sè xal arco twv aXXwv Ircapîwv 7up£<7ê£!at (juv^vtwv, (jT£cpávouç nap' áxáaxr,; hoXewç xal cuYXaPTtx^ npoacpÉpoucjai inepta [/.axa.

Il n'y a donc rien que de très-vraisemblable dans ce que nous ve- nons de dire à propos d'Ephèse.

Lorsque Mucianus traversa l'Asie Mineure, les deniers éphésiens de Domitien pouvaient circuler depuis deux mois au moins. Qu'y a-t-il d'étonnant alors à ce que l'un de ces deniers ait subi lui- même l'application de la contremarque qui lui attribuait une valeur plus considérable, et toute de convention? Rien, je pense. Telle est l'explication à laquelle je m'arrête sans scrupule.

YII

La troisième légion, cantonnée en Mœsie, fut la première en Europe à acclamer Vespasien, et à se soulever en proclamant la dé-



314 REVUE archéologique. chéance de Yitellius. Là encore, le besoin d'argent dot se faire sen- tir, et dès lors le légat Antonius Primus dut songer à y pourvoir par l'emploi d'une monnaie de nécessité ; cette monnaie, je n'hésite pas à la reconnaître dans les M.B. vulgaires de Néron au type de la Vic- toire posant la main sur le globe terrestre, et portant en contremar-

que le nom du nouvel empereur, ainsi tracé :

Si je ne me suis pas trompé, les diverses monnaies que je viens d'énumérer acquièrent une très-grande valeur historique par la seule présence des contremarques qu'elles portent.

F. de Saulcy.

Paris, 20 septembre 1869.



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