Nouvelles 80 : Action urgente - les Guarani du Brésil

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  • 8/6/2019 Nouvelles 80 : Action urgente - les Guarani du Brsil

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    Survivalles nouvelles

    80

    Action urgente : les Guarani du Brsil

    www.survivalfrance.org

    Juillet 2011

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    Le 29 mai dernier, Etienne Bois est mort. Mdecin, gnticien, pi-

    dmiologue, anthropologue, Etienne Bois ntait pas seulement un

    chercheur reconnu,directeur de recherches lINSERM,ctait

    aussi quelquun qui a toujours su joindre laction et lengagement

    la rflexion et la recherche. Il fut trs tt associ aux missions de

    Mdecins du monde, puis devint un membre actif de la Cimade et de notre Comit

    dhonneur.

    Dautres rendront hommage ses travaux dpidmiologie et de gntique des

    populations,mais Sur vival tient rappeler lun de ses tout premiers ouvrages, une

    enqute sans prcdent sur la situation sanitaire des Amrindiens de Guyane* et

    son engagement constant nos cts pour la dfense de ces populations.

    Ses nombreuses missions, en Afrique, en Hati, au Vietnam ne lont jamais loign

    de son premier terrain, la Guyane, et il a tenu une place importante dans toutes nos

    campagnes pour les Indiens de ce dpartement.Associ la direction de lINSERM

    sous le mandat de Philippe Lazar, il a t lune des chevilles ouvrires de lengage-

    ment solidaire de cet organisme, notamment linternational.

    Nous perdons un honnte homme, un infatigable compagnon,et un ami cher.

    Patrick MengetPrsident

    * Les Amrindiens de la haute-Guyane franaise : anthropologie, biologie,pathologie. Ed.du CNRS,Paris,1967.

    Les Nouvelles de Survival n80, juillet 2011

    Prix de ce numro : 4 abonnement : 15

    Directeur de la publication : J.-P.Razon

    Rdaction : S. Baillon, D. Dauzier, J.-P. Razon

    Imprimerie : Corlet, Cond-sur-Noireau

    ISSN : 1154-1210 CP : 1009G89188

    Dpt lgal : 3e trimestre 2011

    Survival International (France)

    Association reconnue dutilit publique

    Photo couverture : Une famille guarani endeuille

    attend ct dun cercueil. La vague de suicides

    qui touche les Guarani est ingale en Amrique

    du Sud. Joo Ripper

    Ce numro peut tre lu en ligne et tlcharg en

    format PDF ladresse suivante :

    www.survivalfrance.org/actu/publication

    Survival International France18 rue Ernest et Henri Rousselle

    Paris 75013

    T (33) 1 42 41 47 62

    [email protected]

    Royaume-Uni6 Charterhouse Buildings

    London EC1M 7ET

    T (44) 020 7687 8700

    F (44) 020 7687 8701

    [email protected]

    ItalieVia Morigi 8

    20123 Milan

    T (39) 02 8900671

    F (39) 02 8900674

    [email protected]

    EspagneCalle Prncipe 12, Piso 3,

    Madrid 28012

    T (34) 91 521 7283

    F (34) 91 523 1420

    [email protected]

    AllemagneGreifswalderstr. 4

    10405 Berlin

    T (49) 30 72 29 31 08

    [email protected]

    Pays-BasVan der Duynstraat 71

    1051 ATAmsterdam

    T (31) 020-6860850

    [email protected]

    Etats-Unis2325 3rd Street, Suite 413

    San Francisco

    CA94107

    T (1) 415-503-1254

    [email protected]

    au sommaire

    Etienne Bois nous a quitts Patrick Menget

    Echos des campagnes

    Action urgente : les Guarani

    Brsil : anctres vivants ou renaissance

    indienne? Patrick Menget

    Innu : ditinrants de lme jeunes nomades

    de lespoirArmand MacKenzie

    Livres et revues

    Survival aide les peuples indignes

    dfendre leur vie, protger leurs terres

    et dterminer leur propre avenir

    Survivalles nouvelles

    Etienne Bois nous a quitts

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    amliorer la qualit de vie d'un grandnombre de citoyens thiopiens.Et bien quenous mettions de srieux doutes sur le faitque le projet de Gibe III atteigne cet objectif- doutes partags avec plusieurs autres insti-tutions qui ont dcid de ne plus financer lebarrage - nous concevons qu'en dernier lieucette dcision appartienne au gouvernementthiopien. Mais celui-ci doit faire en sorte queses dcisions soient conformes ses engage-

    ments internationaux inscrits dans sa propreConstitution.Or, le gouvernement prfremalheureusement lancer de violentesattaques contre quiconque attire l'attentionsur le fait qu'il a choisi d'ignorer systmati-quement ses propres engagements.

    KENYAViolente agression dans la fort deMauDbut avril,des malfaiteurs et des policiersen civil ont incendi et dtruit les maisonsdes membres de la tribu ogiek coups detrononneuses et de machettes.L'assaut at dclench dans la rgion de Ngongoroalors que la plupart des Ogiek assistaient des funrailles non loin de leur village. LesOgiek pensent que cette agression a t pla-nifie par les puissants propritaires terriens

    de la rgion qui convoitent leurs terres pouragrandir leurs champs de bl.Il reste trs peude forts dans la rgion de Ngongoro,l a plu-part ayant t rases par des trangers poury cultiver du bl.

    RWANDADes milliers de sans-abriDes centaines de familles pygmes batwa sesont retrouves sans-abri en pleine saisondes pluies,leur s maisons ayant t systmati-quement dtruites ces derniers mois par legouvernement rwandais qui a dcid de fairedisparatre tous les toits en chaume du pays.Dans la Province sud du Rwanda,30 000huttes en chaume ont t dtruites.Le fonc-tionnaire en charge de cette politiquecontroverse a admis que 'parfois nous utili-sons la force'. Cet aveu est survenu peu

    aprs que des centaines d'utilisateurs deTwitter eurent rpondu l'appel de SurvivalInternational qui condamnait la destructiondes maisons des Pygmes batwa.Le Comitdes Nations-Unies pour l'limination de ladiscrimination raciale a exhort en mars legouvernement rwandais 'faciliter l'accs un logement adquat pour les Batwa,notam-ment en vitant les victions forces sansconsultation et sans offre d'alternative delogement'. Selon l'organisation batwa duRwanda COPORWA, bien que certainesfamilles aient obtenu une nouvelle maison,nombreuses sont celles qui attendent encoreet qui sont forces de vivre lextrieur.Les

    Batwa sont continuellement victimes de dis-crimination et de racisme au Rwanda.La plu-part d'entre eux subsistent peine commejournaliers ou potiers depuis que leurs com-

    munauts ont t vinces de leurs fortspour faire place des parcs nationauxdpourvus de toute habitation.

    chos des campagnesBRSILVent dindignation contre un barrageL'agence environnementale brsilienneIBAMA a donn son feu vert, dbut juin, laconstruction du barrage controvers de BeloMonte,malgr lintervention,dbut avril,de laCommission interamricaine des droits del'homme auprs du gouvernement brsilienlui demandant de suspendre le chantier tantque les droits des milliers d'Indiens de la

    rgion ne seraient pas respects.Belo Montesera le troisime plus grand barrage aumonde et dvastera plus de 1 500 km 2 deforts, rduira le stock de poissons et pollue-ra l'eau dont de nombreux Indiens dpen-dent pour leur survie. Survival a appel lacompagnie franaise Alstom dnoncer lecontrat d'environ 500 millions d'euros quellea sign pour participer sa construction.

    Les Yanomami dtournent un avionsanitaireDes Indiens yanomami ont captur l'avionemprunt par des agents de sant pour pro-tester contre la corruption qui rgne au seinde leur service. Les Yanomami ont t scan-daliss par la nomination du nouveau coordi-nateur de sant indigne qui a trs peu derelations avec les Indiens et qui aurait t

    favoris pour des raisons politiques.La santdes Yanomami et de leurs voisins Yekuana estmenace par les milliers de chercheurs d'orqui oprent illgalement sur leurs terres,apportant toutes sortes de maladies et pol-luant les rivires utilises par les Indiens.

    PROUMise en cause de la police dans lemassacre de BaguaTrois hauts responsables policiers et militairesont t inculps dbut avril en rapport avecla mort de 33 Pruviens lors du conflit deBagua qui a oppos en juin 2009 les forcespolicires aux Indiens d'Amazonie. Ceux-ciprotestaient contre l'adoption de dcretslgislatifs qui facilitaient l'invasion des terri-toires indignes par les compagnies d'extrac-tion ptrolires ou minires.

    Un gant ptrolier menace les IndiensisolsSelon un rapport accablant publi le 14 avrilpar Survival International, le gant ptrolierRepsol menace la survie de deux des der-nires tribus isoles du monde.La compagniehispano-argentine mne des oprations d'ex-ploration ptrolire dans le 'Lot 39' au norddu Prou.Plus de 75 preuves attestant de laprsence des Indiens isols dans la rgion ontt recueillies,pour tant Repsol prtend queces preuves ne sont pas suffisantes pourattester de leur existence.Le gant ptrolieramricain ConocoPhillips a annonc peu

    aprs qu'il se retirait du bloc 39,mais la com-pagnie franco-britannique Perenco projettede construire un oloduc qui traversera leterritoire des Indiens.Survival appelle lesdeux compagnies se retirer immdiatementde la rgion.Lire le rappor t en ligne :www.survivalfrance.org/actu/7218

    INDEAttaque brutale d'une tribu en danger

    Dbut mai,des braconniers ont agress etbless grivement un Jarawa qui tentait de lesempcher de chasser dans sa rserve. La vic-time, du nom d'Alomole,a reu de nom-breuses blessures au cou.La tribu jarawacompte environ 365 membres et n'est encontact pacifique avec le monde extrieurque depuis 1998.L'invasion des braconniersexpose les Jarawa de nombreux dangers :violence, abus sexuels et maladies ainsi qu'ad-diction l'alcool et la drogue qui risque deprovoquer une dpendance catastrophiquevis--vis du monde extr ieur.

    Fin des expulsions au nom de laconservationLe gouvernement indien a abandonn sapolitique controverse d'expulsion des popu-lations tribales des zones riches en espces

    sauvages pour les transformer en parcs natio-naux.Les tribus ne pourront dsormais treexpulses qu'avec leur consentement libre,pralable et clair. Courant mai,SurvivalInternational a demand au ministre del'Environnement et des Forts d'appliquer lesmmes rgles aux rserves de tigres qui sontexclues de cette nouvelle politique.

    MALAISIELes Etats-Unis dnoncent la situationdes PenanUn rapport publi le 8 avril par le dparte-ment d'Etat amricain met en lumire la luttedes Penan du Sarawak pour protger leursforts contre l'exploitation forestire.Il faittat des plaintes mises par les organisationsindignes de droits de l'homme concernantl'octroi, par le gouvernement du Premier

    ministre du Sarawak Taib Mahmud, des terrespenan aux 'compagnies d'exploitation fores-tire et aux projets de dveloppement enchange de faveurs politiques et financires'.Au pouvoir depuis 30 ans,Taib Mahmud aremport les lections dbut avril.Des mil-liers de Penan ne possdant pas de carted'identit n'ont pas pu voter.Un mois plustard, la prsidente de la Confdration suissea ordonn une enqute sur les actifs dtenusdans les banques suisses pa r Taib Mahmud.

    BANGLADESHDes villages jumma rduits en cendresFin avril,si x villages jumma ont t incendis

    lors d'une violente attaque perptre par descolons bengali dans les Chittagong Hill Tracts.Le conflit,qui a fait trois victimes parmi lescolons, a clat lorsque les Jumma ontdcouvert que les Bengali avaient abattu lafort et install leurs campements dans unepartie de leur territoire.En reprsailles,lescolons ont incendi plus de 90 maisonsjumma avec le soutien de l'arme, laissantune vingtaine de blesss parmi les Jumma.

    Plusieurs d'entre eux sont toujours portsdisparus. Un mois plus tard,les Jumma ontmanifest devant le sige des Nations-Unies New York pour de mander l'application dutrait de paix sign il y a quatorze ans. Desreprsentants indignes du monde entier sesont joints la manifestation.

    PAPOUASIELe sida monte en flcheLes chiffres officiels publis au mois de maimontrent que le nombre de personnes por-teuses du VIH/SIDA a augment de plus de30% en lespace de quatre mois,atteignantaujourd'hui plus de 17 000 personnes.Lesmdecins et les agents de sant travaillantdans la rgion estiment que ce chiffre estbien en dessous de la ralit.Le taux d'i nfec-tion par le VIH en Papouasie occidentale est

    15 fois suprieur la moyenne nationaleindonsienne.La Commission de prventiondu sida de Papouasie a rvl que la rgionprsentant la plus forte augmentation et leplus important taux global d'infection estMimika, la zone qui abrite la mine gante decuivre et d'or Grasberg. La compagnie amri-caine Freeport McMoRan,qui exploite lamine sur la terre des Amungme et desKamoro,pr ovoque un afflux massif d'tran-gers dont des prostitues.Les Papous pen-sent que l'arme fait dlibrment venir dansles zones tribales des prostitues infectespar le virus du sida que ses soldats offrentaux leaders indignes avec de l'alcool afind'accder leurs terres et aux ressources quis'y trouvent.

    THIOPIELe gouvernement s'en prend SurvivalEn avril,le Premier ministre Meles Zenawis'est emport contre Survival.Il prtend queles organisations comme la ntre qui mnentcampagne contre le barrage controvers deGibe III en construction sur la rivire Omosont 'irrationnelles et au bord de la criminali-t'. L'Ambassade d'Ethiopie en Allemagne aaccus Survival d'avoir mis des 'allgationssans fondement',de faire un 'travail diabo-lique' et de mettre en uvre 'tout ce qui estpossible pour faire chouer le dveloppe-ment conomique du pays'. Survival ne sou-haite pas djouer les projets qui visent

    larrive des Europens en Amrique duSud il y a plus de 500 ans, les Guaranifurent parmi les premiers peuples trecontacts. Ils sont aujourdhui plus de30 000 au Brsil,ce qui fait deux la plusnombreuse population indigne du pays.Mais alors quils occupaient autrefois unterritoire de prs de 350 000 km2 deforts et de plaines, ils sentassent aujour-dhui sur de petites parcelles de terresencercles par les fermes dlevage et lesvastes plantations de soja et de canne sucre. Certains nont aucun territoire etvivent dans des campements de fortune lelong des routes.

    La terre sans malDepuis des temps immmoriaux, les

    Guarani qui ont pratiquement t dposs-ds de toutes leurs terres sont en qutede la Terre sans mal,un lieu rvl pa rleurs anctres o ils pourront vivre sansdouleurs ni souffrances.Plusieur s vagues dedforestation ont transform leur territoireancestral,autrefois fertile,en un vasterseau de fermes dlevages et de planta-tions de canne sucre destines au mar-ch brsilien dagrocarburant (le Brsil estlun des premiers producteurs dagrocarbu-rant au monde).

    De nombreux Guarani ont t regroupsdans de petites rserves qui sont aujour-dhui surpeuples de manire chronique.Dans la rserve de Dourados par exemple,12 000 Guarani vivent sur moins de 3 000hectares. La destruction de la fort a rendu

    impossible leur pratique de la chasse et dela pche et il ny a pas assez de terres poury cultiver des plantes comestibles. La mal-nutrition reprsente un grave problme.Les consquences sur le plan social sontalarmantes.

    RetomadasDe nombreuses communauts guarani onttent de rcuprer de petites parcelles deleurs territoires ancestraux. Ces retomadas(littralement des re-possessions) se sontheurtes la raction violente des puis-sants fermiers qui occupent la rgion.

    Vague de suicides sans prcdentLa rponse de ce peuple profondmentspiritualiste la dpossession de ses terresa t une vague de suicides unique enAmrique du Sud. Depuis 1986,plus de517 Guarani se sont donn la mort, le plusjeune navait que neuf ans.

    Comment agir?Ecrivez au ministre de la justice brsilien,envous inspirant du modle ci-dessous pourlui demander de reconnatre et dmarquerdans les plus brefs dlais les territoires gua-rani.

    Monsieur le Ministre,Je suis extrmement proccup(e) par lesconditions de vie dplorables des Guarani

    qui vivent au bord des routes ou dans desrserves surpeuples.Je vous exhorte prendre des mesuresimmdiates pour identifier et dmarquertous les territoires revendiqus par lesGuarani. Les longs dlais que ncessite lareconnaissance de leurs terres mettent enpril leur sant et leur scurit.Tant que lesdroits territoriaux des Guarani ne serontpas pleinement reconnus,il est craindreque leur situation ne fasse qu'empirer.Dans cet espoir,je vous prie d'agrer,Monsieur le Ministre,l' expression de mahaute considration.

    Jos Eduardo CardozoMinistro da JustiaMinisterio da JustiaEsplanada dos Ministerios, Bloco T

    Brasilia DF 70064-900Brsil

    Pourquoi agir?La campagne de Survival pour la reconnais-sance des droits territoriaux des Guarani adj eu des rsultats positifs ! Plusieurscommunauts ont quitt les bords desroutes pour roccuper une partie de leur terre ancestrale. La mobilisation de lopi-nion publique internationale est capitalepour que les communauts guarani aientune chance de jouir pleinement de leursdroits territoriaux.

    action urgentevos lettres font la diffrence

    Les Guarani du Brsil ont besoin de vous

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    Quelques repres historiquesBien que les Indiens soient les premiers

    habitants du Brsil, cette ralit n'a pas

    reu de reconnaissance juridique formel-le de la couronne portugaise, ni del'Empire et de la Rpublique qui lui ontsuccd. En consquence, la reconnais-sance de fait de territoires indiens fut sou-mise aux violences de la conqute, aumouvement de progression vers l'ouestqui s'acclra une premire fois sous lergime de Vargas (dans les annes 1940)puis sous la dictature militaire (1964-1985)avec la construction d'un rseau de routesen Amazonie. Autrement dit, n'taientreconnues comme terres indiennes quecelles des groupes qui rsistaient la colo-nisation et russissaient y survivre, oucelles qui s'tendaient au-del et en avant

    du front de colonisation.Dans un immen-se territoire national,il ne subsiste aujour-d'hui qu'une petite cinquantaine degroupes indiens dits non contacts (cequi n'exclut pas des rencontres spora-diques avec des chasseurs ou prospec-

    teurs nationaux,en gnral violentes),dont la plupart sont des groupes fami-liaux de petite taille.

    Une territorialit la fois rsiduelleet interstitielle.

    Les outils juridiques de la conqutefurent l'ancienne doctrine juridique de laterra nullius, en dpit du fait que la plupartdes socits rencontres fussent des agri-culteurs sur brlis,et l'oppor tune classifi-cation de celles-ci comme nomades.Lessocits indiennes constituaient, pour lergime colonial et pour la premire prio-de de l'Indpendance, des nations, maisdes nations dont les natifs ne jouissaientpas des droits communs (de sujets ou decitoyens), puisque leur statut personneltait celui de mineurs soumis la tutellede l'tat.Dans le code civil rpublicain dudbut du XXe sicle,l' Indien tait encoreun incapable relatif, assimil un mineurmancipable (16-18ans),disposition abo-

    lie seulement en 2003.Ajoutons que,for-mellement libres selon le juridisme tho-logique du XVIe sicle,les Indiens subirent

    les effets massifs de l'esclavage,rcem-ment mis en lumire par les historiensgrce aux exceptions permettant la rduc-

    tion lgitime en esclavage des Indiens etau dtournement systmatique des ins-

    tructions royales par la socit coloniale.Les consquences de cette massive ponc-

    tion esclavagiste sur la dmographieindienne ont t longtemps sous-estimes,et ce d'autant plus que le regroupementdes Indiens a multipli les effets pid-miologiques (dj connus) du contact.

    Au dbut du XXe sicle,la doctrine dela protection due aux Indiens qui est,gros-so modo, d'origine chrtienne (missions

    jsuites notamment, puis la politique mis-

    sionnaire agressive du Vatican au XIXesicle) devient la ligne officielle de l'tat,sous l'influence du courant progressistede certains secteurs de l'arme nationale.Un Service de protection des Indiens(SPI) est cr; il vise permettre auxIndiens une intgration progressive et nonviolente dans la nation et sur le marchdu travail agricole.Il s'agit donc de res-pecter sans garantie formelle de terri-

    toire le mode de vie indigne, et partant,ses bases conomiques et cologiques,

    jusqu' ce que les Indiens soient capablesd'adopter le mode de vie dominant.L'existence du SPI s'achve dans le dis-crdit et le scandale en 1967 (exploita-

    tion sordide du travail indigne, spoliationset expropriations,mauvais traitements etcomplicit de massacres, etc.) et le rgimemilitaire le remplace par la Fondationnationale de l'Indien (FUNAI) en 1968.Apparaissent alors les premires rservesindignes, et la premire dfinition offi-cielle d'une territorialit indienne :le ParcNational du Xingu (Brsil central) est cren 1961,d' autres suivent et un program-me de dlimitation de rserves territo-riales pour tous les groupes indignes estproclam en 1973. Il n'est pas achev

    ce jour,bien que 13 % du Brsil soientdores et dj rservsaux socitsindiennes,principalement en Amazonie.

    L'une des consquences majeures de

    l'avance des dfrichages, colonisations,exploitation et prises de possession decet immense pays a videmment t undouble mouvement de fuite en avant etde fragmentation des socits indiennesqui n'ont pas purement et simplementdisparu. Il n'y a plus que de trs raresgroupes indiens dans les rgions littoralesdu Brsil,ou plus exactement il n'y a plusque de trs rares groupes qui correspon-dent la notion de culture indienne dfi-nie dans la Constitution.Celle-ci a en effetadopt une dfinition standard de l'eth-nicit,fonde sur une appartenance unecollectivit ayant une origine commune,un savoir partag, une langue propre etoccupant immmorialement un territoire.Implicitement,cette dfinition renvoie auxIndiens des forts et des savanes, princi-palement en Amazonie.Or beaucoup desocits indiennes ont t dplaces parla colonisation et la mise en exploitationmoderne du pays et se trouvent aujour-d'hui sur des terres qu'elles n'occupentque depuis relativement peu de temps,deux ou trois gnrations parfois.On voitdonc que la revendication d'autochtonien'implique pas seulement dure et conti-nuit d'occupation,mais aussi un rapport

    histor ique, ic i confl ictuel , d'autresgroupes. L'autochtonie n'est et ne peuttre que relative, et c'est dans la succes-sion d'occupations qu'elle s'nonce. Par

    ailleurs, elle n'est pas seulement un rap-port au sol, au terroir et ses produc-

    tions naturelles, elle est un rapport l'autre : l'altrit sociale est constitutivede l'autochtonie, tout comme l'ethnicitforme un couple indissoluble avec l'tati-cit.

    Les ethnies et lautochtonieDeux discours indignes principaux se

    rfrent l'autochtonie parmi les socitsindiennes du Brsil. Le premier, que l'onpeut qualifier en premire approximationde traditionnel,renvoie pour chacune desquelque deux cents ethnies rper tories, un itinraire de fondation,nonc dansla mythologie et parfois voqu dans lerituel, et singularise des accidents du ter-ritoire(landmar ks) de toute sorte, mon-

    tagnes,grottes,lacs,fleuves ou rivires Iln'exprime aucune limite claire d'occupa-

    tion,ma is couvre une rgion qui corres-pond souvent une aire de circulation,au-del des terroirs agraires et des zonesde chasse et de pche (en brsilien, ondit aire de parcours).Dans la stupfiantevarit des mythes et rcits d'origine,onpourrait distinguer diffrents types, maisl'essentiel est sans doute que ces narra-

    tions sous-dterminent le territoire telque les tats modernes le dfinissent(frontires,etc.) et que d'autres facteursrgissaient autrefois les bornes effectives

    de l'occupation indienne,pour aller vite, lalogique de l'alliance et de la guerre, peut-tre aussi la ncessit cologique dezones-tampons rgulant la reproductiondu gibier et du poisson.En outre, l'exis-

    tence de coalitionset de socits multi-ethniques (Rio Negro, Haut Xingu,MatoGrosso do Sul,etc.) rend trs problma-

    tique la stricte adquation de l'ethnie au territoire. Un deuxime discours, rcentcelui-ci, tend devenir dominant parmiles Indiens,notamment grce la scolari-sation bilingue en cours de dveloppe-ment au Brsil (mais trs tardive parrapport la situation d'autres pays lati-no-amricains comme la Colombie, l'-quateur,le Prou). Avant Cabral (ledcouvreurdu Brsil en 1500),tout taitindien, aprs Cabral les Blancs nous ont

    tout pris.Cette proclamation globalisan-te de l'autochtonie,pour conforme qu'el-le soit la ralit historique,amne desdclarations invrifiables et fantaisistes(de la part d'Indiens vivant depuis dessicles en haute Amazonie, dire parexemple que Rio de Janeiro appartenait leur groupe) mais surtout correspond demanire troublante la reprsentationofficielle que la nation et l 'tat brsiliens

    Marche pacifique des Indiens xavante Coroa Vermelha,en avril 2000,qu i marqua le 500e anniversaire de la dcouvertedu Brsil. La police anti-meutes ouvrit lefeu sur les manifestants avec gaz lacrymognes et balles en caoutchouc. Les Indiens furent rous de coups. Fernando Lpez/CIMINor te1

    Anctres vivants ou renaissance indienne?De la patrimonialisation aux luttes indiennes au Brsil

    Patrick Menget*

    En 1988,la Constitution brsilienneaujourd'hui en vigueur consacrait le

    droit des peuples indiens unterritoire, avec une expression

    particulirement explicite de leurautochtonie, puisque la condition

    pose l'exercice de ce droit est la

    posse imemorial du territoire.Cettepossession immmoriale n'est pas un

    droit de proprit,l'tat restepropritaire des terres indiennes,il est

    le garant de ce droit de possession etcelui-ci s'exerce collectivement.

    L'article en question rsulte d'unelongue laboration au cours de la

    priode 1985-1988 (appele au Brsilla redmocratisation),parseme de

    luttes visant acclrer et normaliser le processus long et

    complexe de reconnaissanceofficielle des territoires indignes.Enapparence donc,la Constitution faitconcider de manire quasi-parfaite

    l'ethnicit et l'autochtonie.Ons'interrogera sur le couplage de ces

    deux notions,sur leur utilisation parles socits amrindiennes, sur la

    place que l'tat brsilien leur rserveet sur le rle que jouent les

    anthropologues dans les dfinitionslgales de l'ethnicit et de la

    territorialit indiennes.

    * Anthropologue,spcialiste des Indiens du Brsil,directeur dtude lEcole pratique des hautes

    tudes, Patrick Menget est prsident de SurvivalInternational (France).

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    donnent des Indiens un spectacle esthti-sant et archasant o les Indiens (catgoriegnrique de lanctre vivant, selon la for-mule dOscar Calavia) sont le pass dupays,se sur vivent quasi l'identique dansleurs rserves,b ref sont en voie de patri-monialisation.

    Vers la patrimonialisation?La mise en scne et en exposition des

    Indiens lors de l'anne du Brsil en France

    en 2005 illustre bien ce processus :rserves et muses sont les instrumentsde la gestion du patrimoine, la fois mortet vivant,l'un dans la droite continuit del'autre, et l'autochtonie apparat alorscomme une reconnaissance pr-posthumeaux premiers habitants,un tmoignagelgant et mu un pass anobli et enjo-liv, bref un hommage du vice la vertu.Comment mieux occulter le gnociderampant au fil des sicles?

    L'ethnicit ainsi pratique renvoie doncchaque socit indienne son rapportavec l'tat,non seulement parce que sesorganes et son appareil sont matres dela dfinition culturaliste de celle-ci et de

    la reconnaissance de leurs territoires, maisaussi parce qu'elle ne rsulte pas d'uneauto-dfinition de l'tre-ensemble indien.Les travaux prparatoires la rdactionde la Constitution de 1988 ont, aprsmoult discussions, cart la dfinition desIndiens comme nations et l'tat a main-

    tenu une position ancienne en demeurantpropritaire des terres indiennes (et dusous-sol, comme dans le droit franais).On pourrait s'tonner de l'absencepresque complte de reprsentantsindiens dans ces travaux,mais il n'existaitpratiquement pas, l'poque,(et trs peuaujourd'hui) d'Indiens ayant une duca-

    tion secondaire,non plus qu'une organi-sation reprsentative des Indiens au niveaunational. Ethnicit et taticit ne peuventtre conus sparment,puisque les eth-nies sont dans un rapport d'inclusion ter-ritoriale,de domination/subordination quia pris de nouvelles formes mais traduit

    toujours,au fond, un rapport de forcedfavorable.Ainsi,la relation entre ethnieset tat est mouvante,tantt les particula-rismes culturels entrent dans une construc-

    tion sociale complexe o les Indiens sont

    les petits soldats de l'affirmation d'unesocit moderne et tolrante, tantt lesreprsentants des socits indiennes, etles collectivits indiennes dans leurensemble entrent en lutte ou en rbel-lion pour la rgir leur autonomie politique,exiger des administrations les prestations

    notamment en matire de sant quileur sont dues, revendiquer un territoireperdu, faire reconnatre un territoire occu-p et envahi par d'autres ou menac d'in-

    vasion,ou tenter d'asseoir une conomie

    viable sur leur territoire.Dans la pratiquedes reconnaissances de territoires (Parcsindignes, de grande taille,et territoiresindignes,plus petits),l'immmorialit estngociable. Le processus qui aboutit l'ho-mologation des territoires ethniques estlong et complexe,il implique un jugementdu tribunal et une enqute pralableconfie un expert anthropologue, quirecueille les traditions orales, les sites,signeset vestiges d'occupation, cartographie avecles Indiens les toponymes et les lieux d'en-

    terrementUne fois la dcision prise pardcret prsidentiel,il est procd en prin-cipe une vacuation et une indemni-sation d'ventuels occupants non indiens la seule condition qu'ils se soient instal-ls l de bonne foi,c'est dire en ignorantque ces terres taient indiennes. Leconcept d'autochtonie l'uvre dans ceprocessus est donc trs relatif, dans lamesure o la prsence avre d'un grou-

    pe indigne depuis quelques gnrationssuffit en pratique assurer le triomphede leurs droits.Toutefois l'vacuation rel-le d'autres occupants provoque souventdes conflits, o les contre-mesures judi-ciaires,les intimidations,les pressions poli-

    tiques locales dbouchent, quand laquerelle se prolonge, sur des violencesphysiques et des assassinats (un bonexemple en est la dmarcation finalementapprouve en 2009 de la terre Raposa-

    Serra do Sol pour les Makuxi, dans lEtatdu Roraima).

    Quels Indiens?On voquera enfin une controverse

    rcente, qui claire non seulement lescontradictions de la politique officielle,mais aussi les incertitudes qui s'attachentaux notions d'ethnicit et d'autochtonie.Pour la FUNAI l'administration en char-ge des Indiens, dpendant du ministrede la Justice aprs l'avoir t du ministrede l'Intrieur il existe environ 420 000Indiens au Brsil.Or la publication officiel-le du dernier recensement brsilien aucours de l'anne 2005 donne un chiffre

    de 730 000; ce recensement est tabli surune base dclarative.D'o vient cette dif-frence substantielle? La FUNAI ne comp-

    tabilise que les Indiens qu'elle appellealdeados, c'est--dire vivant dans des vil-lages, gnralement dans des rgions fores-

    tires, ou bien de savane boise.Les autres,les Indiens manquants,appartiennent soit des rseaux d'habitat urbains (on estime,par exemple qu'il existe entre 8 000 et20 000 Indiens vivant dans la ville deManaus),soit des communauts nonreconnues par la FUNAI, ou qui luttentpour leur reconnaissance, les Indiensrenaissants.Il s'agit de communauts, leplus souvent rurales, qui peuvent tablir,malgr de multiples mtissages, un filgnalogique avec d'anciennes tribus indi-gnes, parfois connues de l'historiographielocale, parfois seulement voques dansdes documents incertains ou lacunaires.La plupart d'entre elles n'ont plus delangue propre (comme les Potiguara duNord-Est, ou les Pataxo de la Bahia),ou enpossdent seulement quelques traces dansleur dialecte local du portugais; lesmarques de leur indianit se rsument

    parfois un rituel annuel, une substancenarcotique ou hallucinogne utilise lorsde ce rituel, ou parfois bien moins quecela. Il arrive aussi que des descendantsd'Indiens (selon la convention tablie parl'tat) soient urbaniss et vivent en grou-pe ou tout le moins en rseau, commeles Xipaya-Curuaya Altamira).

    Une renaissance ethniqueLa caractristique principale de ces

    populations, du point de vue conomiqueet statutaire, est qu'elles occupent leschelons les plus bas de la socit natio-nale : paysans pauvres sans terres (faisantpartie de ceux qu'on appelle au Brsil lesposseiros),habitants des favellas ou bidon-villes. Du point de vue culturel,ces groupessociaux semblent viser une culture de lammoire plutt que d'entretenir unemmoire de la culture.Les perspectives etles avantages politiques ouverts par lanouvelle Constitution sont en effet loind'tre ngligeables, puisque la notion de

    possession immmoriale est assez souplepour que la continuit l'emporte sur lescontenus et leur conservation, et quel'ethnicit peut tre redfinie comme unvouloir-vivre l'indienne, en conformitavec une mmoire construite ou recons-

    truite.Dans ces reconstitutions culturelleso l'on emprunte divers lments auxgroupes plus traditionnels, ceux de la fortcultivs ou protgs des degrs diverspar la FUNAI (chants, vocabulaires,plu-masserie,rituels entiers ou partiels),ol'on met en scne (parfois sous forme depetit muse local) une invention de la cul-

    ture, l'ide d'autochtonie prend nette-ment le pas sur la dfinition culturalistede l'indianit,ou plus prcisment l'ethnieest subsume sous une autochtonie dis-

    tinctive (par rapport des voisins demme condition conomique ou plusriches, des propritaires terriens parexemple) et relative. Les luttes impor-

    tantes, notamment dans le Nord-Est duBrsil pour les groupes renaissantset chez

    les Guarani du Mato Grosso do Sul (pro-venant du Paraguay) pour la reconnais-sance de terres enjeu vital pour eux construisent une nouvelle indianit par-

    tir de la dfinition lgale de l'ethnie, et lefont l'aide d'une notion relative,secon-daire et ngocie de l'autochtonie.

    Entre la vision globale et absolutiste del'autochtonie dans son rapport avec lamondialisation, qui abolit l'histoire relledes conflits, contacts et exterminations,allie une reprsentation officielle com-plaisamment esthtique et archasante(qui n'est peut-tre que la mauvaiseconscience du prjug de la sauvagerie), etl'utilisation pragmatique et purementconjoncturelle des outils de l'ethnie et del'autochtonie relative dfinis l'une et l'autrepar la puissance tatique, il me sembleque les choix des Indiens du Brsil pourcette dernire voie sont ardus mais por-

    teurs d 'avenir. I

    Ethnicit et taticit ne

    peuvent tre conus

    sparment,puisque les

    ethnies sont dans un

    rapport d'inclusion

    territoriale,de domina-

    tion/subordination qui a

    pris de nouvelles formes

    mais traduit toujours, aufond,un rapport de force

    dfavorable. Indien matis prparant le dard dune sarbacane. Philippe Erickson

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    Il y a quelques annes, au palaisdes Nations-Unies Genveainsi qu' Londres,j 'ai participau lancement d'un rapport d'en-qute accablant d'une organisa-

    tion non gouvernementale, SurvivalInternational,qui faisait tat des relations

    troubles entre le peuple innu et le Canada.Sur fond d'images de jeunes Innu inhalantdes vapeurs d'essence,menaant de s'en-lever la vie images qui ont vite fait le

    tour du monde ,nous dnoncions alorsdans ce rapport intitul Un Tibet auCanada :la mort programme des Innu2 lasituation dsespre de nos jeunes Innu

    vivant dans nos communauts et l'en-semble des actions gouvernementales etdes institutions religieuses qui ont eu poureffet de crer un tat de dpendance tota-le chez un peuple autrefois autonome.Aujourd'hui,cependant,c'est d'espoir que

    je veux vous parler.C'est en toute humilit,un peu comme

    de jeunes Gandhi en marche pour leurlibert vers l'ocan Indien,que de jeunesmarcheurs innu ont chemin du Labrador

    jusqu' Sept-les sur la Cte-Nord, en pas-

    sant par Saint-Augustin, en Basse-Cte-Nord.

    Guids et inspirs par leur leader, unjeune Innu du Labrador, Michel Andrew surnomm le Gant en raison de sataille , ils ont entam leur priple sur leterritoire innu de leurs anctres, l'annedernire Sheshatshiu, prs de GooseBay et l'ont poursuivi,cet hiver,dans le vil-lage innu de Pakuashipu, marchant sur laroute blanche,pour le terminer,la semai-ne dernire, sous un beau soleil printa-nier Uashat.

    Lutte contre le diabteHabills de blanc,tels des caribous, la

    file indienne,avec leurs toboggans,selevant tt le matin,parcourant le pays innu,Nitassinan,jusqu' la tombe du jour,mon-

    tant et dmontant leurs tentes,ces jeunesInnu les Young Innu Cultural HealthWalkers n'ont pas march pour trepopulaires,mais tout simplement pourune cause :lutter contre le diabte,omni-prsent chez les Innu,et promouvoir l'ac-

    tivit physique auprs de notre peuple.Luttant contre leurs propres dmons

    de l'intrieur si nombreux dans nosrserves indiennes d'itinrants de l'me,ils sont devenus de jeunes nomades innude l'espoir.Accueilli en hros dans ce cha-pelet de petits villages sur la cte, le grou-pe de Michel le GantAndrew a rveill,parmi plusieurs d'entre nous (j'en suis cer-

    tain),la fier t et l'espoir d'tre autochto-ne, et ce, tant auprs des jeunes que desplus gs . Encore plus, i ls donnentl'exemple que par l'effort, le courage etla dtermination nous pouvons en tantque peuples autochtones faire face nosproblmes, les aborder de front,trouverles solutions qui s'imposent certainesplus simples et d'autres parfois plus com-plexes.

    Utilisant les rseaux sociaux, telFacebook,nos nomades de l'internet ontsu insuffler un vent d'espoir en restantbranchs,de faon rgulire,avec ceux etcelles qui ont suivi leur qute. Leurdmarche et leur message tout commecelui du chirurgien innu, le Dr StanleyVollant, qui a entrepris son propreCompostelle innu sont simples : mar-cher et marcher encore, comme nosparents l'ont fait,de la cte du Labrador

    jusqu'aux confins du pays innu, pourdmontrer que la meilleure faon de s'ensortir chez nous est de redoubler d'ar-deur en apprenant tous les jours,en tra-vaillant fort et en restant en forme le pluslongtemps possible afin d'apporterquelque chose sa communaut, sanation.

    Hommes librescoutant les rcits de vie de ma mre

    cri-innu de 86 ans,l'a ne du village Schefferville, me parlant de sa jeunesse,se levant la barre du jour pour casser laglace de l'eau du lac Nitshikun,dans largion de la Caniapiscau,afin de prparer

    le th du matin,travaillant tout le long dela journe, pratiquer la pche blanche,prparant les peaux de caribous si peunombreux l'poque, un peu commeaujourd'hui ,je n'ai pas pu m'empcherde constater que c'est dans les dmarchesles plus simples que des individus rali-sent de grandes choses,pourvu qu'ils res-

    tent fidles celles-ci chaque jour de leurvie.

    Pendant plusieurs annes, avant lesroutes, les trains et les avions,ma mre,comme d'autres Innu, a parcouru le terri-

    toire innu de la Cte-Nord jusqu'auxlimites de la Baie James et de la cte duLabrador,au vieux poste de traite de DavisInlet,en passant par Churchill Falls jusqu'Moisie, prs de Sept-les sur la Cte-Nord.Pour survivre, sa famille a surmont lafamine,la fatigue,les portages, les distances,le froid,le soleil, le vent grce la solidarit, l'ingniosit et la discipline de sonpeuple. Dans cette transhumance humai-ne, ma mre comme d'autres hros innude l'poque ont vcu, malgr tout, des

    jours heureux,en hommes libres sur leurterritoire.

    C'est un peu tout cela que ces jeunesmarcheurs innu ont ralis en plongeant,comme l'on plonge dans une tente trem-blante innu, dans leur identit culturelle.Ils nous ont donn l'espoir que les chosespeuvent changer dans nos villages autoch-

    tones; que nous pouvons lutter contrel'oisivet, la drogue,la ngligence,la vio-lence, l'alcool et l'abus dans nos familles.Ces jeunes nous ont permis de rver etd'esprer que les jours de famine de l'meinnu seront bientt derrire nous.

    Un seul homme,tel un gant de sa cul-ture,Michel Andrew,a su inspirer d'autresjeunes comme lui en marchant seul la pre-mire anne, d'abord de Sheshatshiu Natuashish au Labrador, accompagn parune dizaine de jeunes durant la deuxi-me anne pour son voyage vers Saint-August in, en Basse-Cte-Nord, etmaintenant marchant, vers Uashat,avec ses cots des centaines d'individus quicherchent surmonter un pass colonial,rvant de libert et d'tre meilleurscomme tres humains, comme Innu...Parce qu'innu veut tout simplement diretre humain : comme vous, comme moi.

    Innu : d'itinrants de l'me

    jeunes nomades de l'espoir1

    Les Young Innu Cultural Health Walkers,mens parMichel Le GantAndrew, leur arrive dans la

    communaut innu dUashat, Adelard Joseph

    1.Ar ticle paru dans Le Devoir, Montral,31 mars 2011

    2. Ethnies.Droits de lhomme et peuples autochtones,n 26,Survival,printemps 2002.

    *Avocat et juriste innu,membre de linstancepermanente sur les questions autochtones des

    Nations-Unies.

    Armand MacKenzie*

    Jeune garon innu lcoute dun an. Serge Jauvin/Survival

  • 8/6/2019 Nouvelles 80 : Action urgente - les Guarani du Brsil

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    Journal de la Socit desAmricanistes, tomes 96-1 et96-2,Paris,2010. Lire dans laChronique du groupe dnformationsur les Amrindiens :Le program-me de protection de la diversitethnolinguistique en Colombie(Jon Landaburu);Vivre isol pourrester en vie :les Indiens de lafrontire Prou-Brsil (Pirjo

    Kristiina Virtanen);Dclaration deguerre mapuche et valeurs sacres(Ximena Lois).

    Quand slvent nos voix. DesAndes lAmazonie, uneodysse en terre indienne.Sylvie Brieu, Albin Michel, 2011,310 p., 20 . Journaliste auNational Geographic, Sylvie Brieu avoyag pendant une anne enAmrique latine la rencontre desIndiens quechua, mapuche, xavante,surui, uru-eu-wau-waue et guarani.Les changes nous avec ses htesautochtones vont transformer[son] regard et lamener, au del

    des limites de lobjectivit journalis- tique, vers lengagement.

    Banque mondiale, peuplesautochtones et normalisation,Cline Germond-Duret,Dveloppements 11,Paris :Karthala - Genve :Institut deshautes tudes internationales et dudveloppement, 288 p. 26 .Cetouvrage met en vidence lalogique de normalisation qui sous-

    tend les interventions de dvelop-pement. Lauteur se penche parti-culirement sur la Banque mondia-le et les rpercussions de ses pro-

    jets sur les peuples autochtones.

    Le droit des peuples lauto-dtermination et la souve-rainet pemanente sur leursressources naturelles souslangle des droits humains.Programme droits humains duCentre Europe - Tiers monde(CETIM),Genve,64 p.

    Hunters in the Barrens. TheNaskapi on the Edge of heWhite Mans World, GeorgHenriksen,Berghahn Books, New

    York,Oxford,2010, $ 8,95.Lauteur mne une tude anthro-pologique auprs des Indiens nas-kapi (innu) du Labrador depuis lesannes 1960. Il les a connus semi-nomades, chassant durant lhiverdans la toundra jusqu leur sden-

    tarisation en 1968 qui a marquleur dpendance vis--vis dumonde des Blancs.

    Pour ne pas disparatre.Pourquoi nous avons besoinde la sagesse ancestrale,Wade Davis,Albin Michel, 2011,230 p., 22 . De la Polynsie auxAndes, du Mali au Groenland, duTibet lAustralie, lauteur, un bota-niste et anthropologue canadienqui a sillonn la plante pendantplus de 40 ans,fait le constat de laralit des menaces qui psentaujourdhui sur la diversit humaineet culturelle. Son livre, accompagndune trs riche bibliographie com-mente, est non seulement unpuissant plaidoyer en faveur des

    peuples indignes, mais aussi uneinvitation repenser notre mondeavant quil ne soit trop tard.

    Amnesty International -Rapport 2011, 418 p.15 . Cerapport rend compte de la situa-

    tion des droits humains en 2010dans 157 pays et territoires. Ilmontre que les populations lesplus affectes par les droitshumains sont devenues la vritableforce motrice de la lutte pour cesdroits.

    Le droit leau. Fiche dinforma-tion n35, Haut Commissariat aux

    droits de lhomme, Nations-Unies,Genve, 2011.

    Update, n94-95, janv-avril 2011,Docip, Genve.Rapport surlInstance permanente sur les ques-

    tions autochtones, 9e session.

    Down to Earth, n88, avril 2011.International Campaign forEcological Justice in Indonesia,Cumbria, UK.100 years of oilpalm.