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Deuxième partie du quatrième numéro du magazine collaboratif sur les séries télévisées avec en couverture, l'actrice de Motive, Lauren Holly.
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l’équipe et remerciementsRédacteurs : Corentin Pondaven, Maxime Devanne et Julien Lesbegueries.
Correcteurs : Aude Métayer, Jérôme Raffin, Lily Hoang et Mélanie Seree.
Traducteur : Mélanie Seree.
Merci à Prutha S. Patel et Lauren Holly pour l’interview et leur temps.
Après une première partie publiée au début du mois dernier, nous publions ce mois-ci la deuxième partie composée elle aussi de trois articles et d’une interview.
Nous espérons qu’elle vous plaira autant que la première et on se donne rendez-vous le mois prochain pour un numéro spécial « séries adaptées de comic books »
Bonne lecture à tous.
l’édito
10 EntrEtiEn avEc LaurEn HoLLy DR. Betty RogeRs Dans la séRie motive
04 #SociaLtvséRies tv et Réseaux sociaux
19 décLaration univErSELLE Des DRoits Du séRiphile
14 SHErLockDu Détective à l’homme machine
sommaire
La démocratisation des réseaux sociaux a transformé nos habitudes, notre façon de discuter, d’échanger et de se rencontrer, mais aussi notre manière de consommer les séries télévisées. Loin d’être seul, le téléspectateur peut désormais échanger avec d’autres fans, mais aussi influencer les scénaristes. Petit tour d’horizon de cette révolution télévisuelle.
paR corentin pondaven photo rick diamond
séRies tv et Réseaux sociaux#socialtv
d o s s i e r
le téléspectateur au coeur du proGrammeLes médias sociaux permettent de donner
la parole à n’importe quel utilisateur
qui souhaite faire connaître son avis.
La télévision influence ces outils pour se
constituer un panel d’exception afin de
développer au mieux ses programmes.
Bien plus que de simples consomma-
teurs, les téléspectateurs deviennent
aujourd’hui des membres à part entière
de l’équipe scénaristique, puisqu’ils
peuvent, grâce à de simples tweets,
influencer l’avenir de leur série.
En effet, les réseaux sociaux permettent
aujourd’hui de constater en temps réel
le succès rencontré par une production.
Les chaînes peuvent donc décider au plus
vite de l’avenir du programme. Bien que
cela reste rare, certains scénaristes vont
jusqu’à se baser sur les attentes obser-
vées sur les plate-formes d’échanges, afin
d’offrir aux fans ce qu’ils souhaitent et
donc prolonger la durée de la série.
Ryan Murphy est coutumier de ce genre
d’action pour ses différentes créations.
Dès la fin de la saison 3 d’American Horror
Story, nombreux étaient les adeptes à
tweeter « #AHSCircus » afin de montrer
leur désir de voir le thème du cirque être
développé lors du quatrième chapitre de
cette série d’anthologie. Le résultat est
là : moins de deux mois après le début
du phénomène, Ryan Murphy annonce
sur son compte Twitter que la saison 4
sera consacrée à l’univers du cirque avec
l’appellation : American Horror Story :
FreakShow.
Outre American Horror Story, c’est
aussi dans la série Glee que Murphy a
répondu aux attentes des fans, en créant
le couple Brittany/Santana, ou encore
pour la dernière saison diffusée le mois
dernier sur la FOX, puisque le créateur
du show musical a déclaré en octobre
dernier : « Nous avons écouté ce que vou-
laient les fans. Ils vont avoir tout ce qu’ils
demandent depuis quatre ans ».
Dans l’Hexagone, c’est la série What
Ze Teuf, lancée en décembre 2013 sur
D8, qui a suivi ce mouvement en étant
la première « tweet-série » française. Le
concept est simple : le téléspectateur se
glisse dans la peau du scénariste. Grâce
à un tweet de 140 caractères contenant
le hashtag #WZT, il peut décider de la
direction du programme qui est alors
produit du jour pour le lendemain. Le
succès des quinze épisodes diffusés a
prouvé que l’intégration du téléspec-
tateur est aujourd’hui un facteur de
réussite à l’heure de la Social TV.
Mais toutes les séries n’utilisent
pas les réseaux sociaux comme source
d’information. Certaines s’adaptent à
notre époque, et utilisent ces médias
comme source d’inspiration.
L’une des premières à intégrer un
média social dans son scénario fût
« ceRtains scénaRistes vont jusqu’à SE baSEr Sur LES attEntES obSErvéES
suR les plate-foRmes D’échange »
5
Ryan murphy
Grey’s Anatomy. Le 3 février 2011,
« Don’t Deceive Me (Please Don’t Go) »,
le treizième épisode de la saison 7 est
diffusé sur ABC. Une des intrigues de
l’épisode s’intéresse alors au personnage
du Dr Miranda Bailey qui décide d’uti-
liser ses internes pour tweeter durant
ses opérations, et ce afin de partager ses
connaissances avec de nombreux autres
chirurgiens à travers le monde.
Lancée en septembre 2014, Selfie a tenté
de livrer une critique de cette addiction
aux réseaux sociaux de manière
humoristique. Pendant treize épisodes,
la série met en scène Eliza Dooley, une
jeune fille superficielle et narcissique,
obsédée par son statut de célébrité sur
Instagram. La série n’a pas brillé par ses
audiences et a été annulée le 7 novembre
dernier, obligeant les fans à terminer la
série sur la plate-forme de visionnage
Hulu.
Enfin, la série de référence dans
l’utilisation des réseaux sociaux reste
la britannique Black Mirror. Celle-ci
se concentre sur les dégâts causés par
les nouvelles technologies dans un
futur qui nous apparaît très proche. À
travers les sept épisodes diffusés à ce
jour, la création de Charlie Brooker
met notamment en avant les dérives
créées par la collecte des données
personnelles via les réseaux sociaux,
mais aussi l’instantanéité et l’absence
de transparence. Loin de critiquer ces
nouveaux outils, Black Mirror s’interroge
surtout sur la mauvaise utilisation de
ceux-ci par l’espèce humaine. Une série
percutante qui donne à réfléchir sur nos
récentes habitudes dictées par Internet.
réseaux sociaux et stratéGies marketinG
Nous sommes bien loin de l’époque
où nous étions seuls devant la trilogie
du samedi sur M6, obligés d’attendre le
lundi pour en discuter avec nos amis.
Désormais, l’échange se fait avant,
pendant et après la diffusion des séries
télévisées. Ce phénomène, les équipes
marketing des différents programmes
l’ont bien compris, et n’hésitent pas à
s’appuyer sur ces différentes plate-
formes sociales procurant une meilleure
visibilité de l’engouement autour du
programme.
L’univers du show télévisé dépasse désor-
mais les frontières imposées par notre
écran de télévision. Bandes-annonces,
sneak-peeks, photos exclusives. Le
contenu proposé suscite l’intérêt et
s’intègre parfaitement dans le monde
réel, notamment grâce à la création de
faux-profils pour les protagonistes de
différentes séries. C’est notamment le cas
de la série Glee, diffusée sur la FOX, qui
avait créé une trentaine de profils pour
ses personnages lors de son lancement
en 2009.
Dernière action en date, Stalker, lancée
à la rentrée 2014 aux États-Unis, a
effectué sa promotion en Belgique via
le réseau professionnel LinkedIn. Un
faux-profil, contenant des informations
sur le programme et sa diffusion, a visité
D o s s i e R # s o c i a lt v
Grey’s Anatomy
rand
y h
olm
es /
abc
plus de 12 000 comptes LinkedIn. Le site
permettant de voir les personnes ayant
consulté vos informations, ce sont plus
de 7 500 personnes qui ont alors visité
la page du fameux Stalker, offrant ainsi
une belle publicité au programme avant
son lancement.
Mais cette tendance à introduire
des personnages dans notre quotidien
semble avoir fait son temps. C’est main-
tenant avec les interprètes eux-mêmes
que les téléspectateurs interagissent.
Le phénomène de « live-tweet » avec les
acteurs s’est installé dans les habitudes,
devenant une véritable stratégie de la
part des chaînes. Les acteurs étant des
influenceurs directs, ils sont les plus
à même de fédérer autour de la série
diffusée. Il est désormais coutume de voir
les acteurs organiser une soirée entre eux
où ils se retrouvent pour tweeter avec les
fans et partager des photos de l’équipe
de tournage via Instagram. C’est le cas,
par exemple, des équipes de Scandal,
Nashville, Bones ou de Chicago Fire.
Cette notion de « live-tweet » correspond
à ce que l’on appelle aujourd’hui
« Together Alone », soit être seul face à
son écran de télévision, mais connecté à
des milliers de personnes via les réseaux
sociaux. De véritables communautés se
sont créées. En parlant d’une série, le
téléspectateur affirme son appartenance
à cette communauté dont les codes sont
très précis : inutile de se prétendre
Gladiator si l’on ne sait pas ce qu’est
Olitz ! Afin de favoriser les échanges,
les chaînes n’hésitent plus désormais à
faire apparaître un hashtag directement
sur l’écran de télévision lors de moments
clés du show, et ce, afin de faciliter la
conversation sur les médias sociaux.
Steven Schirra, Huan Sun et Frank
Bentley, trois étudiants à l’université
MIT, ont d’ailleurs réalisé une recherche
sur ce phénomène de live-tweeting en
janvier 2013, lors de la diffusion de la
troisième saison de la série Downton
Abbey aux États-Unis. Attention, le pro-
chain paragraphe contient des spoilers
sur la saison 3 de Downton Abbey.
Le graphique ci-dessous montre claire-
ment que les moments les plus chargés en
émotion sont favorables à la publication
de tweets. Les personnes interrogées
lors de cette étude ont d’ailleurs déclaré
que la tristesse et le deuil étaient les
deux émotions transmises par la série
qui les poussaient le plus à tweeter.
« La mort de Sybil était sans doute le
moment où l’envie de tweeter était la
plus forte, car ce décès est si soudain et
inattendu, que le besoin d’interaction
avec les autres personnes est important
afin de connaître leur ressenti. »
L’humour est également source de tweets
d’après les sujets de cette étude. Selon
eux, les dramas sont aujourd’hui très
nombreux, et une touche d’humour
permet ainsi de sortir de cette ambiance
sombre à laquelle la série a habitué ses
téléspectateurs. Il est d’ailleurs également
monnaie courante pour ces utilisateurs
de retweeter des comptes parodiques,
afin de dédramatiser certains passages
de la série.
D’un point de vue commercial, ces
pratiques sont devenues une vraie mine
d’or. Les chaînes peuvent désormais
compter sur Twitter comme indicateur
d’audiences. Les séries suscitant le plus
de conversations en ligne sont ainsi
souvent assurées d’être reconduites.
L’Institut Nielsen a d’ailleurs dévoilé les
dix programmes les plus tweetés durant
la saison 2013/2014 aux États-Unis.
Un résultat qui montre les séries les
7
« cette notion De ‘live-tweet’ coRResponD à ce que l’on appelle aujouRD’hui ‘togetheR alone’,
soit êtrE SEuL facE à Son écran dE téLéviSion, mais connEcté à dES miLLiErS dE pErSonnES »
plus populaires. Cette méthode se
démocratise également en France,
puisque Médiamétrie vient d’intégrer
l’outil de mesure pour la Social TV
depuis le 28 janvier dernier.
Enfin, grâce aux outils statistiques
mis en place, les équipes sont désormais
capables de connaître au mieux les
téléspectateurs et leurs habitudes.
Twitter est d’ailleurs le meilleur
exemple ! Véritable miroir culturel, la
plate-forme de microblogging en dit
beaucoup plus sur vous que vous ne
pensez communiquer en 140 carac-
tères. Loin d’être passif, en commen-
tant la série, l’utilisateur émet un avis,
partage son opinion, ses goûts. Donc
par extension, se dévoile. Ces informa-
tions implicites permettent aux chaînes
d’offrir une meilleure visibilité aux
annonceurs afin de cibler au mieux
les téléspectateurs lors de messages
publicitaires.
#tGit : analyse d’un succèsTGIT, littéralement « Dieu merci, c’est
jeudi », présente déjà cette ShondaNight,
comme une soirée à ne pas manquer.
L’agence LUISSER, chargée de la cam-
pagne de communication autour du
#TGIT, n’a qu’un seul but : inviter les
téléspectateurs à regarder leurs séries
en direct afin de se sentir inclus dans
cet évènement.
L’été 2014 a donc été une période clé
pour ABC afin de promouvoir cette soi-
rée. La première étape a été d’élever
Shonda Rhimes au rang de déesse de la
télévision. Grâce à une série de vidéos
rappelant les meilleurs moments de
Grey’s Anatomy et Scandal, la chaîne
a ainsi créé une sensation de manque
dans l’esprit des téléspectateurs en
rappelant l’attachement aux produc-
tions de Shonda. En profitant de cette
addiction, How To Get Away with Murder
a été présentée comme la prochaine
« obsession télévisuelle ». Le message est
simple : vous avez aimé Grey’s Anatomy
et Scandal ? Vous allez aimer How To
Get Away with Murder. Bien que Shonda
Rhimes soit seulement la productrice de
cette nouveauté, la chaîne n’hésite pas à
utiliser le succès des séries portées par
Ellen Pompeo et Kerry Washington afin
de s’assurer une communauté de fidèles
pour son nouveau drama.
Les semaines passent, et le jour J
approche. Le samedi 20 septembre 2014,
les acteurs des trois séries estampillées
ShondaLand sont réunis au Palihouse
à West Hollywood. Le hashtag #TGIT
est partout : des murs aux ballons, en
passant par les coussins. Durant cette
soirée, les acteurs se prêtent au jeu
des selfies et des photocalls qui sont
immédiatement partagés sur Twitter,
Instagram, Facebook...
D o s s i e R # s o c i a lt v
�
l e s 1 0 D e s s é R i e sl e s p lu s t w e e t é e s a u x u s a
2chaîne : amcaudience unique : 5 168 000tweets : 576 000
t h e w a l k i n g D e a D
1chaîne : amcaudience unique : 6 026 000 tweets : 521 000
B R e a k i n g B a D
3chaîne : aBc familyaudience unique : 4 778 000 tweets : 675 000
p R e t t y l i t t l e l i a R s
4chaîne : aBcaudience unique : 3 620 000 tweets : 196 000
t h e B a c h e lo R
5chaîne : hBoaudience unique : 3 507 000 tweets : 153 000
g a m e o f t h R o n e s
6 teen wolf 7 ameRican hoRRoR stoRy: coven 8 scanDal 9 the voice 10 Dancing with the staRs
8
9
Inutile de chercher plus loin, cette
année, le jeudi soir se passera devant
ABC et sur votre smartphone.
Afin de terminer en beauté l’introduction
de la série portée par Viola Davis, les
acteurs vont tous se mélanger lors des
photos, peu importe leur série d’origine.
En bref, les trois
séries sont indisso-
ciables ! Il n’est pas
question d’en laisser
une de côté, elles se
regardent ensemble.
Le 25 septembre,
tous les acteurs sont accrochés à leurs
smartphones, ventant les mérites de
leurs séries, mais aussi ceux des deux
autres ! La conversation se crée avec
les fans, et #TGIT est dans les Trending
Topics dès le matin (Dix sujets les plus
discutés sur Twitter). Cette opération est
une réussite et les chiffres le prouvent
dès le lendemain : près de dix millions
de téléspectateurs pour le début de la
onzième saison de Grey’s Anatomy,
près de douze millions pour le lance-
ment de la quatrième saison de Scandal.
How To Get Away with Murder dépasse
alors toutes les attentes avec quatorze
millions de téléspectateurs pour son
pilot !
Le #TGIT est un succès, et celui-ci ne
se dément pas pendant la pause hiver-
nale, puisque l’agence LUISSIER met
en place le #TGITWithdrawal (Sevrage)
où les fans sont invités à partager leurs
scènes préférées lors
des soirées #TGIT.
Puis, le #TGITisBack
est lancé lors du
retour des trois séries,
le 29 janvier dernier.
Entre temps, les
fans découvrent chaque semaine des
contenus exclusifs sur Facebook, Twitter,
Instagram ou même Snapchat ! La série
Scandal y propose chaque semaine un
aperçu de l’épisode à venir, avec des
indices placés sous forme d’Emojis. Des
concours sont également lancés afin
de gagner des kits de survie au #TGIT :
popcorn, musique, livre, verres à vin...
(Le vin étant la boisson préférée des
pensionnaires de ShondaLand).
En bref, la stratégie #TGIT a été
grandement travaillée, et le résultat est
là. Le jeudi soir est devenue une soirée
incontournable pour ABC.
Les médias sociaux ont donc
révolutionné l’univers sériel, tant pour
les équipes créatives, que pour les chaînes
de diffusion ou le consommateur. Les
séries se consomment désormais bien
plus qu’au travers de l’écran de télévi-
sion, elles se partagent et font naître un
véritable lien social. Il n’y a donc plus
aucun doute, l’avènement de la Social
TV est bien en marche.
l’a u t e u R
J’ai grandi devant La trilogie du samedi
et cette passion pour le genre sériel
n’a fait que croître depuis toutes ces
années. Je teste tous les pilotes pour
être sûr de ne rien rater, et je choisis de
façon à regarder uniquement ce qu’il
me plaît. Aujourd’hui âgé de 21 ans, en
dernière année de master e-marketing,
je m’intéresse aux facteurs de succès
de ces différentes séries d’un point de
vue économique comme sociologique,
tout en me goinfrant de M&Ms devant
les-dites séries. Sinon je suis aussi sur
Twitter où je raconte ma vie entre deux
ou trois épisodes.
« la stRatégie #tgit a été gRanDement
tRavaillé, et le réSuLtat ESt Là »
aBc motive’s DR. Betty RogeRslauren holly
e n t r e t i e n
paR prutha s. patel photo max abadian
11
Lauren Holly, qui incarne le docteur Betty Rogers dans la
série Motive, nous parle de son travail avec Mark Harmon, de
sa ligne de vêtements en partenariat avec Le Château, dans
quelle comédie elle aimerait jouer et à quoi il faut s’attendre
dans la troisième saison de Motive, actuellement diffusée sur
la chaîne canadienne CTV.
Qu’avez-vous préféré lors de votre passage dans NCIS ?
C’était une très bonne expérience. Encore plus, sachant que
c’était mon premier rôle, suite à ma grossesse.
Vous avez travaillé avec Mark Harmon sur Chicago Hope
et NCIS. Si vous deviez retravailler avec lui, quel genre de
séries vous plairait ?
Une comédie, ce serait marrant. Du genre Les Trois Stooges.
Une série dans laquelle je pourrais lui taper sur la tête ou
pincer son nez.
Vous avez déjà tourné dans des comédies. Si vous deviez
avoir un rôle dans une des comédies du moment, laquelle
choisiriez-vous ? Et pourquoi ?
En ce moment, j’adore Brooklyn Nine-Nine. Ça me rappelle
The Mary Tyler Moore Show, avec ce groupe équilibré de
personnages uniques, avec de vraies situations comiques.
Vous jouez actuellement dans Motive sur ABC, qu’est-ce qui
vous enchante le plus, au niveau du rôle, de la distribution
et de la série en elle-même ?
J’adore comment Motive a réinventé le genre, en révélant
l’assassin dès le départ. Aucun personnage n’est hors du
commun, donc on peut s’identifier à eux. Jouer le Dr Betty
est un réel plaisir, entre l’intelligence et l’impertinence.
Cela a dû être compliqué de retenir tous les termes
médicaux.
Oui, il y a beaucoup de termes compliqués. Mais les noms des
commandants et bateaux dans NCIS m’ont bien entrainée.
Qu’est-ce que les fans doivent attendre de la saison 3 ?
À mon sens, c’est notre meilleure saison. Les téléspectateurs
vont en apprendre plus sur chacun des personnages.
Que pensez-vous de l’évolution de votre personnage ? Vous
pouvez nous parler de ce qui va lui arriver ?
Il va se passer plein de choses pour le Dr B en saison 3. Un
évènement, au travail, va se répercuter sur sa vie privée.
Plusieurs personnes de l’équipe seront impliquées.
ABC Motive’s Dr Betty Rogers, LAUREN HOLLY, talks working
with Mark Harmon, her fashion line with Le Château, what
comedy series she would love to be on and a bit of what fans
should expect in Motive’s third season currently airing on CTV.
What is one of your favorite things about working on a
show like NCIS?
It was a great gig, especially since it was my first series after
becoming a Mom.
You have worked with Mark Harmon on both Chicago Hope
and NCIS. If you had the choice to work with him again,
what kind of TV show would it be?
A comedy would be fun. Like The Three Stooges. Something
where I could bop him on the head or tweak his nose.
You already have a background in the comedy realm as
well. If you could be on any comedy current on air, which
would it be? Why that one?
I’m currently loving Brooklyn Nine-Nine. It reminds me of The
Mary Tyler Moore Show’s group of unique and well-rounded
characters. A true ‘situation’ comedy.
You are currently on ABC’s Motive, what are some of your
favorite things about this role, the cast and the show
overall?
I love how Motive turned it’s genre inside out- revealing the
killer from the start. Our cast is different, none of us are
‘shiny’ people- we are relatable. Playing Dr. Betty is a pleasure-
I really enjoy the combo of smart and sassy.
Has it been difficult at all to get the medical terminology
down?
I have certainly had a mouthful! The Ship and commander
names I had to learn for NCIS MTAC scenes probably got me
ready.
What can you tell us about season three?
This is our best season yet, in my opinion. The audience is
going to learn a lot more about each of us.
What do you think about the evolution of your character?
Any news or hopes for what’s coming up for her as well?
A lot goes on for Dr. B in season 3. Something happens at work
that reverberates in her personal life. More than one of the
team is involved...
Vous avez récemment collaboré avec Le Château pour
développer une collection personnelle, comment était
cette expérience ?
C’était génial. J’adore ces vêtements et je suis très fière de
cette collection.
La mode vous a toujours intéressée ?
Être une personnalité publique implique
de rester à la mode. Les deux sont
souvent liés. Au fil du temps, j’ai appris
ce qu’une femme, mère, bien occupée
et en déplacement a besoin dans ses
placards. Lauren’s Closet est fait pour
ces femmes.
Y a-t-il un autre projet, au niveau de
la mode, qui vous intéresserait ?
Je suis suffisamment occupée pour
l’instant ! Nous allons bientôt sortir la
collection printemps. Vous la retrouve-
rez sur LeChateau.com.
Pouvez-vous nous en dire plus sur
After the Ball, le film dans lequel vous
jouez ?
C’est un conte de fées dans le milieu de
la mode. J’incarne la vilaine belle-mère qui est la reine. Chris
Noth joue le rôle de mon mari et Portia Doubleday a le rôle
principal. C’est drôle et frivole, un vrai plaisir.
Une dernière chose à dire à nos lecteurs ?
Merci de regarder !
You recently collaborated with Le Chateau for a personal
collection, what was that like?
I did. It has been thrilling. I love the clothes and I am so proud
of the collection.
Is fashion something that you’ve
always been interested in?
Being in the entertainment Industry
demands that you keep up with
fashion. The two frequently go hand
in hand. I think I’ve learned what
a woman/mother/busy/on-the-go
person could use in her closet. That’s
what Lauren’s Closet is all about.
What is another fashion related
project you would like to be
involved in?
Oh, I think this is enough to keep me
busy for now! We are in the process
of releasing the Spring line. Check
it out on LeChateau.com.
Can you tell me a bit more about
your recent movie After the Ball?
A Fairy Tale set in the world of
fashion. I am the evil step-mother/ Queen. Chris Noth is my
husband and Portia Doubleday is our lead. Fun and frothy,
it was a delight.
Any other things you’d like to tell the readers?
Thanks for watching!
12
t h e i n t e R v i e w e R
Prutha S. Patel is an avid fan of many things and has grown up
being told by her mother that she simply watches too many films
and TV shows. Instead of listening to her mother, she decided
to delve even further by moving to the west coast from the east
coast to study at Southwestern Law School in Los Angeles. Pru-
tha aspires to become an entertainment attorney and hopes to
learn as much as she can about the vast realm of entertainment
from the amazing people she happens to meet along the way.
Fortunately for her, her parents not only don’t mind her being
a fan of so many things now, but they are also fully supportive
of her aspirations.
l’ i n t e R v i e w e u s e
Prutha S. Patel est une fervente adepte de beaucoup de choses
et a grandi en entendant sa mère lui répéter sans arrêt qu’elle
regardait tout simplement trop de films et de séries télévisées.
Mais au lieu d’écouter sa mère, elle a décidé de plonger encore
plus dans cet univers en déménageant sur le côte ouest des États-
Unis pour étudier le droit à Los Angeles. Prutha aspire à deve-
nir une avocate spécialisée dans le divertissement, et espère
apprendre autant qu’elle le peut de ce vaste de domaine des
personnes incroyables qu’elle rencontre et rencontrera tout au
long de ses études. Heureusement pour elle, cela ne dérange
plus ses parents qu’elle soit autant passionnée par ce milieu là,
et ils la soutiennent quelque soit ces décisions.
Du Détective à l’homme machinesherlock
a n a Ly s e
du canon littéraire de Conan doyle à l’adaptation la (presque) plus contemporaine d’aujourd’hui de steven Moffat, du Londres victorien à celui des années numériques, sherlock Holmes a voyagé et s’est transformé. on l’a adapté, fait évoluer pour coller au plus près de notre époque et c’est la métamorphose d’un personnage qui s’effectue sans en bouleverser les fondamentaux. Cette époque numérique, c’est forcer le personnage - et donc les scénaristes - à tout repenser, à réinventer un monde, un mode d’enquête dans un espace qui donne une large place au numérique et au cyberespace
paR maxime devanne photo sherlock, BBc
C’est bien ce qui est en jeu dans
Sherlock : un détective en proie avec
le réseau. Ce réseau, c’est celui de
l’information, de la communication et
de ce que cela implique sur nos vies et
notre cerveau aujourd’hui, à l’heure de
l’informatique. L’intelligence de Moffat
et son équipe aura donc été de faire
des aventures de Sherlock Holmes, une
fiction transmédiatique où le « héros »
remet en question les règles de narration
à la fois littéraire et télévisuelle.
« Sherlock Holmes, the immortal
character of fiction created by Sir Arthur
Conan Doyle, is ageless, invincible and
unchanging. In solving significant pro-
blems of the present day he remains - as
ever - the supreme master of deductive
reasoning ».
Une mutation narrative s’opère dans
le processus d’adaptation entrepris
par l’équipe créatrice de Sherlock : il
faut repenser l’univers policier et ses
codes. Ne pas reproduire un schéma
prévisible, balisé depuis des années
par le roman policier - dont Conan
Doyle a participé à l’édifice et à sa
prolifération - et continué par l’image.
Quand vint l’idée de ressusciter, pour
une énième fois, le personnage de
Sherlock Holmes et les caractéristiques
ainsi que l’environnement particulier
qui l’accompagne, Moffat a dû se dire
qu’une simple adaptation en costumes
d’époque et mystères résolus par la force
de l’indice et de l’intellect n’était pas
envisageable. Il faut désosser le détective
et l’oeuvre pour en revenir à la moelle
et lui trouver une résonance autrement
plus contemporaine.
D’abord, une structure similaire. La
forme première de l’oeuvre de Conan
Doyle, c’est la nouvelle. Il développe ainsi
un feuilleton que le lecteur peut prendre
en cours ou suivre dès le début. C’est,
à un média près, l’ancêtre de la série
télévisée qui est désormais le format
le plus complet et logique où Steven
Moffat peut transposer son récit avec
un univers et des codes qu’il s’agirait de
(dé) ménager. La narration ne s’en trouve
pas modifiée dans son ADN, même si cela
actualise certains de ses éléments comme
le cliffangher incontournable et le plus
célèbre : la mort de Sherlock Holmes
et de son ennemi juré, Moriarty. Il ne
s’agirait plus de garder la grandiloquence
des chutes du Reichenbach (endroit où,
au terme d’un combat à mains nues, les
deux hommes tombent dans le vide),
mais de lui donner une contemporanéité
et une saveur nouvelle. Les scénaristes
jouent d’ailleurs souvent de ce travail
de transposition et de narration par un
jeu humoristique de références : dans
le pilote intitulé « A Study In Pink », une
conversation prend place entre Sherlock
et Lestrade suite à la découverte d’une
femme morte dans un tailleur rose :
Sherlock - « You’ve made a mistake »
Lestrade - « What mistake ? »
Sherlock - « Pink ! »
Il faut y voir ici un clin d’oeil au lecteur,
une subtile référence de Gatiss et Moffat
à l’oeuvre canonique : la première
nouvelle mettant en scène le détective
s’intitule A Study In Scarlet. Ainsi, les
showrunners nous font comprendre
que le travail d’adaptation ne sera pas
fidèle à la virgule près, mais que l’oeuvre
originale n’est en aucun cas perdue de
vue et que la référence plutôt que la plate
transposition sera leur amie.
15
Le plus grand écart sera de développer
un personnage en totale adéquation avec
son contexte temporel, sociologique et
surtout technologique. Disparaissent les
livres théoriques, techniques policières
d’époque, pipe, chapeau et missives
délivrées, apparaissent les smartphones,
ordinateurs, GPS et autres outils de l’ère
numérique. Si c’est présent pour signifier
un contexte différent, il ne faut pas en
voir là la limite. Ce nouvel état des choses
force le personnage et la narration à faire
preuve d’une inventivité pour ne pas
rendre les méthodes - et donc aventures
- du détective obsolètes. Moffat et Gatiss
font ainsi le pari de dynamiter une
narration établie et de lui donner une
nouvelle dimension, celle de la virtualité.
Tout comme les méthodes policières
évoluent, le détective doit utiliser des
moyens de plus en plus performants.
Et, au 21ème siècle, quel autre moyen
qu’Internet ? Présent constamment
à l’écran comme dans le récit en lui-
même, Internet révolutionne la collecte
d’indices, leur mise en relation et
l’exposition finale. Le réseau mondial
devient constitutif à la fois d’un monde en
constant changement, mais aussi d’une
narration qui se tisse autour de cela.
Sherlock plus que quiconque absorbe
cette idée : dans le premier épisode, face
au corps mort en face de lui, il utilise son
smartphone pour enlever un doute qu’il
a sur la provenance de la victime grâce
aux prévisions météo. La technologie
devient un ressort et un enjeu narratif
à part entière. Ces entités numériques -
dont la recherche Internet et le texto en
sont les plus représentatifs - sont l’objet
d’incrustations à l’écran, leur donnant
ainsi une valeur à la fois informative
pour le téléspectateur dans l’instant, mais
surtout narrative puisque - même si cela
échappe à la plupart des personnages
- ils permettent de faire avancer la
réflexion de Sherlock, et donc, le récit.
Ce surgissement à l’écran, c’est surtout
l’oeil qui se confond : notre perception
de la fiction qui rejoint la perception
de l’élément fictionnel. Quand un texto
apparaît à l’écran, la simultanéité de sa
lecture par le personnage qui le reçoit
se joint à la nôtre, de même lorsqu’un
message est rédigée par un personnage
ou que celui-ci manipule différentes
applications. L’image se dédouble entre
fiction et perception et devient le résultat
simultané de ce qui se passe dans la
fiction.
Mais cette histoire de perception - même
si elle repousse ou plutôt réinterroge
les limites entre fiction et réalité - est
primordiale pour notre appréhension
d’un nouveau Sherlock.
Réécrire Sherlock Holmes, si c’est
pour lui faire changer de sexualité
ou d’appartement n’a d’intérêt que
pour se démarquer simplement d’une
adaptation. Or, ce retour du détective
en 2010 va plus loin que cela. Il reprend,
par exemple, la méthode déductive qui
fait sa réputation de fin limier pour la
transformer profondément et, ainsi,
métamorphoser le personnage.
Cette méthode déductive est basée
sur un savoir solide et complet dans
un champ de connaissances vaste et
impressionnant. Puisant constamment
dans ce savoir apporté par les livres
et une curiosité profonde pour divers
domaines, il actionne ce socle par la
déduction, arme imparable - ou presque -
pour enquêter et démasquer le coupable.
De la recherche d’indices à sa compréhen-
sion, puis sa confrontation avec la réalité
des choses, cette méthode observatrice
lui permet une rapidité de réflexion
impressionnante. La série télévisée se
charge d’optimiser cette rapidité à une
époque où l’information circule aussi
vite que la vitesse de la lumière.
« Is it Iraq or Afghanistan ? »
(Sherlock à Watson lors de leur pre-
mière rencontre).
Si la question surprend a posteriori
par sa précision et son caractère
incongru, il en est autre chose à l’écran
: des indices sur le comportement et les
manières de Watson nous apparaissent,
faisant ainsi défiler devant nos yeux, le
cheminement de pensée que Sherlock
entreprend. L’association d’idées s’ef-
fectue, permettant à Sherlock et à nous
dans un même mouvement, de déduire
qu’une canne et un boitement léger pour
un homme de l’âge de John Watson n’est
pas habituel et qu’il a dû souffrir d’un
a n a ly s e s h e R lo c k
16
Benedict cumberbatch
sher
lock
/ bb
c
traumatisme dans un contexte actuel
où le plus probable devient la guerre.
Là où le roman ne nous fait pas accé-
der à ce processus de réflexion, la série
choisit de nous le montrer tel quel. Là
où le mystère est gardé, la série télévisée
propose une exposition en « temps réel
» des méthodes de Sherlock. En quelque
sorte, Sherlock nous propose d’entrer
dans la tête de Sherlock et non plus de
le considérer comme un personnage
somme toute banal. L’incrustation
suggère une entrée dans le cerveau du
détective qui se présente comme un
écran d’ordinateur à l’affichage calibrée
et ordonnée. L’indice à l’écran accom-
pagne systématiquement un zoom de
caméra qui nous signifie le regard de
Sherlock, nous place dans son oeil,
dans son cerveau. Steven Moffat pousse
ainsi la réactualisation de la méthode
d’enquête du détective à son paroxysme,
à l’image d’une logique informatique
: chaque indice et chaque pensée se
trouvent liés à une idée soutenue par
une incrustation conjointe des technolo-
gies numériques et des pensées à l’écran.
Il y a alors une mise en exergue de la
rigueur professionnelle du personnage et
donc d’une rationalisation extrême, vidée
de sentiment - prolongeant la supposée
sociopathie et asexualité du personnage.
Sherlock - et par extension le lecteur -
entre ainsi de plein pied dans le monde
informatique, le temps de la connectivité
et de la connexion, niant ainsi une partie
de l’humanité que le détective pouvait
conserver dans l’oeuvre littéraire.
Il ne s’agit pourtant pas de réécrire
entièrement le personnage, mais de le
faire évoluer en analogie avec le monde
qui l’entoure. Même si avancer qu’il
devient un ordinateur peut paraître
un peu forcé, une comparaison claire
entre l’homme et la machine apparaît.
L’homme, que ce soit avec un smartphone,
un ordinateur ou même dans un taxi pour
trouver un chemin, semble constamment
connecté. Son cerveau se construit en
réseau (de connaissances, prolongés par
l’incroyable abondance d’informations
sur le net) et lui ouvre les portes d’un
espace de savoir presque infini, lui
conférant les mêmes « pouvoirs » qu’un
robot. Les incrustations nous suggèrent
alors parfaitement cette création d’une
mémoire interactive, numérique où
Sherlock tisse une toile d’araignée où
l’enquête se mue en « mind map », où
ses pensées se joignent à l’utilisation des
outils technologiques à sa disposition. On
a un Sherlock upgradé.
Lorsqu’il a pensé son personnage,
Sir Arthur Conan Doyle a imaginé un
détective pourvu d’une grande intelli-
gence, certes, mais surtout un homme
au comportement psychologique
déviant, arrogant, asexué, aux limites
de la sociopathie. Il est convaincu de
sa supériorité intellectuelle et n’hésite
pas à le faire savoir à des hommes
qu’il considère comme des êtres
intellectuellement inférieurs. D’une
certaine façon, il méprise l’humain
dans son ensemble, à quelques excep-
tions près - Moriarty, Irene Adler et John
Watson, bien qu’il garde une réserve sur
l’intelligence de ce dernier. Concernant
la femme, alors que le canon littéraire
laisse planer le doute sur sa sexualité
- homosexuel, asexuel ou tout simple-
ment misogyne, Sherlock y répond de
manière plus frontale : il n’a aucun attrait
pour la relation intime sauf si elle sert
ses propres objectifs. Face à la non-rela-
tion et le rejet qu’il entretient avec Molly
Hooper, la médecin légiste, force est de
constater que les sentiments envers ses
comparses sont plus que limités. De ce
fait, la série construit un personnage qui
a évacué tout affect, provoquant une
lente déshumanisation du personnage.
Condescendance, arrogance, tout est mis
en oeuvre pour faire de l’enquêteur, un
homme froid, n’ayant aucune compassion
pour les victimes de ses enquêtes. Seul
le jeu de Cluedo qui se déroule épisode
après épisode le stimule, la réalisation de
l’énigme étant son climax. Pragmatisme,
rigueur informationnel (et désormais
informatique) ont remplacé toute carac-
téristique humaine avec la mise en
avant de ses capacités cognitives comme
analogie du monde numérique. Elles
ont évolué avec l’époque, exacerbant la
connexion de l’homme à l’ordinateur
pour le métamorphoser en autre chose
de moins humain, plus machine. L’affect
qui fera aimer les personnages et la série
ne sera plus porté par le personnage
principal, mais par son acolyte, Watson.
Dans un article consacré à l’adaptation
en série télévisée, Jean-Pierre Naugrette
pose la question : « Comment être
Sherlock dans une société informatisée
? », Moffat lui « retire » sa dimension
humaine - bien que celle-ci pointe par
moments dans sa relation avec Watson -
le faisant accéder, que ce soit par l’image
et ses incrustations, mais aussi par son
comportement, à un statut d’entité supé-
rieure qui peut maîtriser n’importe
quelle information, seulement obnubilé
par la dimension performative de son
cerveau et les moyens technologiques et
virtuels à sa disposition pour cela.
Agissant comme par écho et répercussion
à son personnage principal, Steven
Moffat étend sa déshumanisation à
l’ensemble. C’est d’autant plus flagrant
par le traitement de la mort dans la
série : la caméra ne s’attarde jamais
17
« conan Doyle a imaginé un homme aucompoRtement psychologique déviant, aSExué, aux LimitES dE La SociopatHiE »
sur la victime, sur son visage, seule-
ment sur les parties qui vont aider
Sherlock dans sa recherche d’indices. Un
parti-pris filmique qui finit d’asseoir une
suppression d’identification à l’humain,
à l’objet de l’enquête et qui nous plonge
directement dans son processus, ce qui
intéresse Sherlock. La victime n’est que
le déclencheur, l’outil de travail du jeu
auquel Sherlock va se prêter. À l’inverse
de nombreuses séries policières jouant
sur le rapport à la famille et le rôle de
l’humain dans le crime (CSI, Criminal
Minds, Law and Order), Sherlock n’accorde
à son téléspectateur et à ses person-
nages aucune place pour la compassion
et le rapport humain. On assiste à une
déshumanisation de la victime, du lien
qui peut se créer avec pour mettre
en exergue la déshumanisation de
l’enquêteur. Il ne ressent plus, il pense,
sans qu’aucun sentiment n’entre dans
l’équation. « You’re a dead man walking
» lui assène le chauffeur de taxi, tueur,
lors du premier épisode.
Un bouleversement, un basculement
de l’éthique et de la morale s’opère alors
chez les personnages : la vengeance n’est
pas en ligne de mire, l’arrestation non
plus. On évacue la justice du processus
de l’enquête, c’est cette dernière qui est
le but. Sherlock n’est pas intéressé par
la capture du chauffeur de taxi dans « A
Study In Pink » mais par les raisons qui le
poussent à agir ainsi, comme en témoigne
le face-à-face final. « You’re not the only
one who does enjoy a good murder » lui
dit le meurtrier. Mais ce qu’il souligne en
réalité, c’est que le détective a dépassé
le simple statut de justicier, la dualité
détective/meurtrier pour entrer dans
celle du joueur sans pathos. Alors que
la morale aurait voulu que le tueur
soit emprisonné et que l’éthique aurait
poussé les protagonistes à le laisser vivre
pour qu’il soit traduit en justice, il est tué
d’une balle dans la tête par Watson. Et
là où l’homme aurait pu éprouver des
regrets, il a cet échange avec Sherlock
Holmes :
S. : « You just killed a man »
W. : « It’s true but he wasn’t a very nice
man »
Là encore, par extension, aucune
compassion, aucune culpabilité. À la
manière de et pour un homme qu’il
connaît à peine, Watson semble entamer
un processus de déshumanisation, une
évacuation du pathos par un détachement
d’une réalité où, en tant que docteur pour
l’un et « représentant » de la justice pour
l’autre, devait se côtoyer des valeurs
humaines. Il n’en est rien et seul la pos-
sibilité du jeu subsiste.
18
l’a u t e u R
Sérivore en désintox et sériephile
perpétuellement débutant, j’ai écrit un
mémoire sur l’adaptation télévisuelle
du mythe de Sherlock Holmes et ses
effets de déplacements dans le monde
numérique d’aujourd’hui. Je voue un
culte polythéiste à Six Feet Under,
The Good Wife, Friends, Parks and
Recreation et Buffy.
sher
lock
/ bb
c
Quand on est sériephile, pur et dur, on fait parfois peur et on doit souvent se justifier. il est donc temps de déclarer les droits universels du sériephile, histoire de sanctifier des comportements qu’on n’a pas à justifier. Ces éléments s’apparentent à des névroses, mais que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre (oui, citons la Bible pour plus de solennité).
paR Julien lesbeGueries photo itv / kudos
Des DRoits Du séRiephiledéclaration universelle
d o s s i e r
le droit de considérer des personnaGes comme ses amis
Regarder une série, c’est laisser les personnages entrer
dans nos vies. On commence à connaître leurs mimiques
par coeur et à anticiper leurs faits et gestes. Du coup,
une grande majorité d’entre eux deviennent comme des
amis, des visages que l’on voit régulièrement, même plus
souvent que les amis de la vie de tous les jours. C’est le
même phénomène qu’à la radio, les premières voix que l’on
entend au réveil sont celles des animateurs et non celles de
nos amis ou de notre famille. Mieux encore, ces personnages
interviennent à un moment stratégique de la journée, les
instants où l’on souhaite rester seul et passif. Ils sont là
pour nous réconforter après une dure journée de travail
ou nous accompagner lors d’une matinée de paresse avec
un plaid, un jogging et un pot de Nutella. Ce sont des amis
fidèles, toujours là pour nous. Nous partageons les mêmes
sentiments qu’eux : on rit et on pleure ensemble. Certains
créateurs prennent alors un malin plaisir à nous faire souf-
frir avec des disparitions plus que soudaines. Une pensée
pour Game of Thrones, Steven Moffat ou Downton Abbey.
Mais il ne faut pas oublier qu’ils restent des personnages
fictifs, on n’est pas complètement fous non plus.
20
1 le droit de pouvoir reGarder plus de cinq épisodes par Jour
Et par extension, le droit de regarder des saisons, voire
la totalité d’une série. Pour aller plus loin, on peut même
arrêter de compter le nombre de séries que l’on suit grâce
à BetaSeries. Quand on tombe amoureux d’un programme,
qu’est-ce qui nous empêche d’enchaîner les épisodes si
l’intrigue ou les personnages nous captivent ? C’est justement
là l’intérêt, pouvoir faire du binge-watching ! Mais ce droit
peut également consister à suivre une vingtaine de séries
silmutanément et d’avoir chaque jour entre deux et huit
nouveaux épisodes. Cela nous pousse à passer plusieurs
heures, par jour et par semaine, à regarder des séries. Mais
comme le dit si bien le dicton : quand on aime, on ne compte
pas.
D’après un article de Konbini, le binge-watching serait un
syndrome de la dépression. C’est vrai, regarder trop de
séries peut être interprété comme un moyen d’échapper
à la réalité, mais il ne faut pas pour autant se perdre dans
les méandres de la fiction jusqu’à en oublier de vivre. Il est
très facile de vivre sa vie par procuration devant son poste
de télévision, cependant n’oublions pas qu’il faut nourrir
les moineaux et les pigeons.
2
le droit de connaître tous les second rôles
Quand on passe beaucoup de temps
devant son écran, on reconnaît souvent
les acteurs secondaires qui apparaissent
dans plusieurs séries. Ils enchaînent les
apparitions et gâchent des épisodes,
car l’envie soudaine d’aller consulter
leur filmographie est trop prenante et
nous déconcentre pendant quelques
instants. Le petit jeu peut consister à
trouver où on les a déjà vus, sans se
servir d’Internet, ce qui peut rendre fou.
Mais soyons honnêtes, ces apparitions
peuvent avoir de bons côtés, s’il s’agit
d’un acteur qu’on apprécie. Comme
Brun Gorman présent dans Torchwood,
puis dans Game of Thrones, ensuite dans
The Dark Knight Rises, et enfin dans
Forever. Il existe des acteurs qui quittent
des séries, apparaissent dans d’autres
avant de retrouver une série faite pour
eux. Jennifer Morrison entre parfaite-
ment dans cette catégorie.
Tous ces visages familiers nous donnent
l’impression d’appartenir à une grande
famille qu’on retrouve avec plaisir
chaque soir.
3
droit de reGarder ses séries sans sous-titres
Oui, parce que les sous-titres coupent
l’image et déconcentrent. On se sent
presque obligés de les lire, et ils sont
souvent mal traduits, ce qui nous fait
parfois louper des actions cruciales.
On frime, comme si on était bilingues
( Norman si tu nous lis), mais croyez-
nous, six ou sept ans comme ça et
votre niveau en anglais va s’améliorer.
Entendre la langue de Shakespeare
tous les jours est le meilleur moyen de
l’apprendre (Ayez confiance).
Cependant, pour certaines séries,
les sous-titres sont nécessaires. L’ac-
cent écossais de David Tennant dans
Broadchurch ou celui de Mads Mikkelsen
dans Hannibal sont tellement prononcés
que sans aide, on est vite perdus. Entre
nous, il ne serait pas surprenant que les
anglophones aient eux-mêmes du mal
à comprendre.
5le droit de reGarderencore et encore ses séries préférées
Jusqu’à en connaître les dialogues
par coeur, au risque d’effrayer votre
entourage. Encore une fois, quand on
aime, on ne compte pas. Ainsi, qui n’a
pas vu l’intégrale de Friends des dizaines
de fois ? On ressort nos vieux épisodes
lorsqu’on a juste envie de voir quelque
chose de familier, une valeur sûre qui
ne nous décevra pas.
Cette activité a un avantage : comprendre
les blagues qui nous avaient échappées
au premier visionnage. C’est agréable
de voir à quel point la série peut encore
nous surprendre.
4le droit d’utiliser desexpressions de séries
Oui, les séries peuvent être source
d’inspiration. Entre les « That’s what
she said », les « Bazinga » et autres
« Suit up », il y a de quoi faire. Barney
Stinson est un exemple pour ce genre
de répliques cultes. Les t-shirts « Wait
for it » ou « It’s going to be legend, wait
for it, dary ! » se vendent très bien et
ce n’est pas prêt de s’arrêter.
Lorsqu’on est légèrement intoxiqué
par les séries, il se peut qu’on utilise
ces expressions délibérément ou sans
en prendre en conscience. Ces phrases
peuvent avoir un effet humoristique
notable, surtout si nos interlocuteurs
les connaissent. Toutefois, attention à
ne pas trop en user pour éviter d’être
catalogué comme le mec ou la fille
spécialiste en blagues séries.
6
21
davi
d m
. rus
sell
/ cb
s
le droit de plus stresser pour un final que pour sa vie
Il arrive que l’on soit plus préoc-
cupé par l’avenir d’une série ou d’un
personnage, lorsqu’on nous place
devant un cliffhanger, que par les
problèmes de sa propre vie. Au hasard,
les partiels. Difficile de ne pas penser
au surprenant midseason finale de
la saison 3 d’Arrow, diffusé en pleine
période de révisions, à tel point qu’on
en vient à passer plus de temps sur
Wikipédia que la tête dans les livres.
7 le droit aux plaisirscoupables
Être sériephile ne signifie pas regarder
uniquement des chefs d’oeuvres. On
peut aussi éteindre son cerveau de
temps en temps et visionner des séries
qu’on estime mauvaises. On remarque
les failles béantes dans le scénario,
les dialogues vides et le mauvais
jeu des acteurs, mais on ne peut pas
s’empêcher d’apprécier ces séries pour
des raisons qui nous échappent. Elles
deviennent alors un plaisir coupable,
et en viennent parfois à faire partie de
nos préférées.
Que ce soit une teen série, un copshow
ou une série fantastique, on peut être
séduit par des muscles saillants, des
formes généreuses, un univers, une
ambiance déjanté ou encore par un
humour particulier. En général, on
ne fait pas trop de publicité pour
ces guilty pleasures, mais il faut les
assumer. On a tous nos faiblesses.
9
le devoir de ne passpoiler ses amis
Qui dit droits dit devoirs. Maîtriser ses
pulsions et s’abstenir de spoiler ses
amis, au risque de ne plus en avoir,
est un bon départ. Rien de pire que
gâcher la chose que l’on attend le plus
depuis le début de la saison. Certains
ont essayé, ils ont eu des problèmes.
8
le devoir de fairedécouvrir ses séries préférée
Quand on a une passion, il faut la par-
tager, la faire découvrir et expliquer
pourquoi elle est si belle à nos yeux. Là
encore, il faut veiller à ne pas parler
que de ça à moins d’être entouré
de sériephiles. N’en faites pas trop,
comme dire que The Big Bang Theory,
c’est pour les noobs ou qu’une certaine
série austro-hongroise des années 1980
sur la culture du maïs dans l’ouest de
l’Ukraine est beaucoup mieux tant
sur le plan comique que sur le monde
oriental décadent qu’elle dépeint.
L’équilibre est difficile à trouver,
restez simples avant de passer pour
un snob. Cela dit, certains programmes
sont tellement bons qu’on souhaite les
faire connaître pour pouvoir en parler
avec notre entourage et se sentir moins
seul. Si toutefois on n’y parvient pas,
d’autres choix s’offrent à nous. Créer
un blog, ouvrir un compte Twitter ou
même faire de la radio associative.
10
l’a u t e u R
Julien Lesbegueries : multidisciplinaire,
sérivore invétéré, bloggeur motivé sur
Geeks and Shows, twittos irrégulier,
apprenti sorcier juriste tout en rêvant
de devenir journaliste, animateur/
crieur public à la radio. Bref, honoré
d’écrire pour vous dans ce magazine.
En espérant que ça vous plaise !
22
the
esca
pe a
rtis
t - h
ous
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f ca
rds
en mai
numéro SpéciaLséries adaptées de comics