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Nutr. Clin. Mdtabol. 1994 ; 8 : 195-200 Nutrition ent6rale et parent6rale en h6patologie Sylvie Naveau Service d'Hepatogastroenterologie, H6pital Antoine-Beclere. Resumd L'assistance nutritionnelle au cours de l'insuffi- sance h6patique a 3 objectifs : elle doit corriger la d6nutrition, am61iorer la fonction h6patique et pro- longer la survie. Sept essais randomis6s ont 6valu6 par rapport ~ un groupe contr61e l'efficacit6 d'une suppl6mentation nutritrionnelle administr6e par voie parent6rale chez les patients ayant une h6pato- pathie a|coolique s6v~re. I| y avait une am6|ioration significative de certains param~tres nutritionnels et de plusieurs tests h6patiques dans le groupe trait6 par rapport au groupe contr61e dans respective- ment 2 et 4 6tudes. Dans aucun essai, il n'y avait d'effet sur la survie. La tol6rance de la nutrition parent6rale 6tait globalement satisfaisante. Deux essais randomis6s ont 6valu6 par rapport & un groupe contr61e l'efficacit6 d'une suppl6mentation nutritionnelle administr6e par voie ent6rale & d6bit continu. Dans un essai, il y avait une am61ioration significative de plusieurs tests h6patiques dans le groupe trait6 par rapport au groupe contr61e, dans l'autre il y avait une am61ioration de la survie dans le groupe suppl6ment6 ; compte tenu de la faiblesse des effectifs inclus dans cette 6tude, ces r6sultats doivent 8tre confirm6s. La nutrition ent6rale ~ d6bit continu 6tait bien tol6r6e. Aucune 6tude randomis6e n'a compar6 la voic parent6rale ~ la voie ent6rale. Les r6sultat s rapport6s avec chacune de cos deux m6thodes ne permettent pas actuellement d'affir- mer la sup6riorit6 de l'une par rapport & l'autre. De ce fait, les crit~rcs de choix de la voie d'adminisl tration d'une suppl6mentation nutritionnelle chez l'insuffisant h6patique sont les crit~res habituels. La voie ent6rale doit 8tre pr6f6r6e h la voie parent6- rale lorsque l'6tat du tube digestif, l'6tat de conscience du patient et les contraintes de la r6ten- tion hydrique le permettent. Mots-cl~s : Nutrition ent~rale, nutrition parenterale, insuffi- sance hepatique, assistance nutritionnelle, h~patologie. Correpondance : S. Naveau, Service d'H6patogastroent6rologie (Pr. J.C. Chaput), H6pital Antoine-B6cl~re, 157, rue de la Porte de Trivaux, 92141 Clamart Cedex. Regu le 14 mars 1994, accept6 apr~s r~vision le 20 mai 1994. 195

Nutrition entérale et parentérale en hépatologie

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Nutr. Clin. Mdtabol. 1994 ; 8 : 195-200

Nutrition ent6rale et parent6rale en h6patologie

Sylvie Naveau

Service d'Hepatogastroenterologie, H6pital Antoine-Beclere.

R e s u m d

L'ass is tance nutri t ionnelle au cours de l ' insuffi- sance h6patique a 3 objectifs : elle doit corr iger la d6nutrition, am61iorer la fonction h6patique et pro- longer la survie. Sept essais randomis6s ont 6valu6 par rappor t ~ un groupe contr61e l'efficacit6 d 'une suppl6mentat ion nutr i t r ionnel le administr6e par voie parent6rale chez les patients ayant une h6pato- pathie a|coolique s6v~re. I | y avait une am6|ioration significative de certains param~tres nutritionnels et de plusieurs tests h6patiques dans le groupe trait6 par r appo r t au groupe contr61e dans respective- ment 2 et 4 6tudes. Dans aucun essai, il n ' y avait d 'e f fe t sur la survie. La tol6rance de la nutr i t ion parent6rale 6tait globalement satisfaisante. Deux essais randomis6s ont 6valu6 par r appo r t & un groupe contr61e l 'efficacit6 d 'une suppl6mentation nutritionnelle administr6e par voie ent6rale & d6bit continu. Dans un essai, il y avait une am61ioration significative de plusieurs tests h6patiques dans le groupe trait6 par rapport au groupe contr61e, dans l 'autre il y avait une am61ioration de la survie dans le groupe suppl6ment6 ; compte tenu de la faiblesse des effectifs inclus dans cette 6tude, ces r6sultats doivent 8tre confirm6s. La nutrition ent6rale ~ d6bit continu 6tait bien tol6r6e. Aucune 6tude randomis6e n ' a compar6 la voic parent6rale ~ la voie ent6rale. Les r6sultat s rappor t6s avec chacune de cos deux m6thodes ne permet tent pas actuellement d 'af f i r - mer la sup6riorit6 de l 'une par r appor t & l 'aut re . De ce fait, les crit~rcs de choix de la voie d 'adminisl t rat ion d 'une suppl6mentation nutri t ionnelle chez l ' insuff isant h6patique sont les crit~res habituels. La voie ent6rale doit 8tre pr6f6r6e h la voie parent6- rale lorsque l '6 ta t du tube digestif, l '6 ta t de conscience du patient et les contraintes de la r6ten- tion hydrique le permettent.

Mots-cl~s : Nutr i t ion ent~rale, nutr i t ion parenterale, insuff i - sance hepatique, assistance nutritionnelle, h~patologie.

Correpondance : S. Naveau, Service d'H6patogastroent6rologie (Pr. J.C. Chaput), H6pital Antoine-B6cl~re, 157, rue de la Porte de Trivaux, 92141 Clamart Cedex. Regu le 14 mars 1994, accept6 apr~s r~vision le 20 mai 1994.

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S. NAVEAU

La malnutri t ion est commune /t toutes les hdpatopa- thies chroniques. Sa frEquence augmente avec la gravitE de C'atteinte hdpatique [1 ]. La ddnutrition pour- rait majorer les altdrations des structures et des fonc- tions cellulaires h6patiques, et r6cemment 2 6tudes ont ddmontr6 Ca valeur pronostique inddpendante de C'6tat nutritionnel au cours de l ' insuffisance hdpatique [2, 3]. La pathogdnie de cette malnutri t ion est mult i facto- rielCe. Elle rdsulte vraisemblablement d 'anomal ies de la digestion et de l 'absorption, d 'un apport alimentaire insuffisant secondaire ~ l 'anorexie, mais anssi d'altdra- tions dans le mEtabolisme des nutriments. En effet, chez certains patients cirrhotiques, la d6pense 6nergd- tique de base, rapportEe 5 la masse maigre, peut ~tre augmentde. Cette augmentation depend de l '6tiologie de l 'hdpatopathie, et quand elle existe, son m6canisme reste spEculatif [4]. En cas d 'asci te , il a Et6 constat6 une augmentation du mEtabolisme 6nergdtique de 10 % [5]. De plus, le cirrhotique ne s 'adapte pas ~ une dimi- nution des apports en r6duisant sa d6pense d'6nergie ; l 'oxydation des lipides devient prddominante apr~s une p6riode de jefine plus brbve que chez les t6moins du fait de la diminution du glycog~ne musculaire [6].

L 'ensemble de ces raisons justifie l ' importance d 'une prise en charge nutritionnelle rapide chez l ' insuffisant hEpatique dont ] 'al imentation orale ne permet pas un apport prot6ino-6nergdtique suffisant. Une th6rapeu- tique nutritionnelle est 6galement indiqude dans toutes les situations induisant un hypermdtabolisme au cours de l ' insuffisance h6patique chronique (hdpatite alcoo-

lique aigue s6vbre, complications intercurrentes en par- ticulier infectieuses).

L 'ass is tance nutritionnelle au cours de l ' insuffisance hdpatique a 3 objectifs. Elle doit corriger Ca dEnutrition, amdliorer la fonction h@atique et prolonger la survie. Si on consid~re uniquement les essais thdrapeutiques publi6s sous forme d 'art icle, 7 essais thErapeutiques randomisEs ont 6valu6 l 'eff icaci t6 par rapport ~ u n groupe contr61e d 'une suppl6mentation nutritionneCle administrde par vole parent6rale et 2 essais ont 6valu6 l 'efficacit6 d 'une supplementation nutritionneile admi- nistrde par voie ent6rale. L ' intdrat des divers solutds d'acides aminds dans le traitement de l 'enc6phalopathie ne sera pas abordE darts cette mise au point.

Supplementation nutritionnelle administr6e par voie parentdrale

Les 7 essais th6rapeutiques ayant 6valuE l 'eff icaci t6 d 'une assistance nutrit ionnelle administrEe par vole parentdrale, concernent exclusivement des patients souffrant d 'une hEpatopathie alcoolique severe [7-14]. Le d6tail des modalitds th6rapeutiques figure sur le tableau I. La suppl6mentation parentErale Etait admi- nistrEe par vole veineuse p&iphdrique dans 6 cas et par l'intermEdiaire d 'nne vole centrale dans un cas [9]. Les apports variaient de 1,750 ~ 2 L par 24 h et f0urnis- saient de 0 h 2 800 kcalories par jour. L 'appor t azot6 fluctuait entre 6,8 g e t 14 g ; il 6tait, dans tous les cas,

Tableau I : Essais randomisds ayant dvalud, par rapport ~un groupe contrOle, l' efficacitd d'une supplgmentation nutritionnelle administrde par voie parentdrale ehez les patients ayant une hdpatopathie alcoolique sdvbre.

R6f6renees Nombre Dur6e du Apports Apports de patients traitement dans le groupe dans le groupe

trait6s / contr61es (jours) contr61e suppl6ment6

Nasrallah 1980 [7]

Diehl 1985 [8]

Naveau 1986 [9]

Archord 1987 [10]

Simon 1988 [111

Bonkovsky 1991 [12~13]

Mezey 1991 C14]

17 18 28 AP 3000 kcal/j P 100 g/j PE 1500 kcal PE 1400 kcal/j IV 70 ~ 85 g AAS

5 10 30 PE 2980 kcal/j P 98 g/j PE 2980 kcal/j P 87 g IV 130 g glucose IV 520 kcal/j 52 g AAS

20 20 28 AP 2800 kcal/j P 100 g/j PE 1100 kcal/j P 40 g PE 2100 kcal/j P 67 g/j IV 2800 kcal/j 88 g AAS

14 14 21 AP 2800 kcal/j P 100 g/j RS PE _> 1200 kcal/j IV 830 kcal/j + 42,5 g AAS/j

16 18 28 AP 3200 kcal/j P 132 g/j RS IV 1070 kcal/j 70 g AAS/j

9 12 21 AP 2100 kcal/j P 70 g/j RS PE 1500-1800 kcal/j IV 400 kcal/j + 70 g AAS/j P 55-60 g/j

28 26 30 PE [400 kcal/j P 55 g PE 1400 kcal/j P 59 g/j IV 520 kcal/j IV 520 kcal/j 52 g AAS

AP : apport oral propos6 AAS : acides arnin6s standards

PE : prise orale effective IV : apport intraveineux

RS : rdgime standard sans prdcision P : protdines

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NUTRITION ENTt~RALE ET PARENTt~RALE EN Ht~PATOLOGIE

fourni par des acides aminSs standards. Darts 2 Studes, il 6tait en outre administr6, respect ivement 100 [9] et 50 g [1 1] de l ip ides . En cas d ' a sc i t e , une res t r ic t ion sod6e 6tait respectSe. La durde des traitements 6tait au minimum de 3 semaines. Les r6sultats sont rSsumSs sur le tableau II. L'am61io- ration du bilan azot6 6tait un crit~re de jugement dans 3 6tudes [8, 12-14]. Dans aucune d ' en t re elles, il n ' a 6t6 mis en 6vidence de diffSrence significative entre le groupe contr61e et le groupe traitS. Les param~tres nutr i t ionnels c l in iques et b io log iques ont 6tS StudiSs dans les 7 6tudes. Simon et Galambos [11] et Mezey et coll. [14] ont constatd une augmentat ion s ignif icat ive de la t ransferr ine dans le groupe trai ts par rappor t au groupe contr61e [11, 14]. Dans une de ces deux 6tudes, il existait 6galement une augmentation significative de la retinol binding protein dans le g roupe t ra i t s par rappor t au groupe contr61e [14]. En ce qui concerne l ' a m d l i o r a t i o n de la fonct ion h6pat ique, la nutr i t ion parent6rale avait permis une d iminut ion s igni f ica t ive de la b i l i rub ine par rappor t au groupe tdmoin darts 3 6tudes [7, 9, 14]. Dans celle de Mezey et coll. [14], il ex i s ta i t 6ga lement une d iminu t ion s ign i f i ca t ive du pept ide N- te rmina l du procol lag~ne de type I I I (P i l l NP) et du score de Maddrey (score 6tabli ~t partir de la bil irubinSmie et du temps de prothrombine, et ayant un intdret pronostique concernant l 'Svolut ion de l 'h6pat i te

a lcool ique aigue), une augmenta t ion s ign i f ica t ive du taux de prothrombine et de la clairance de l ' aminopy- rine [14]. La nutrit ion parentdrale totale n'am61iorait la survie darts aucun essai . Nas ra l l ah et G a l a m b o s [7] concluaient h tort ~t une augmentat ion s ignif icat ive de la survie dans le groupe sous parentdrale. Lorsque le test utilis6 est le test du Chi 2 corrig6 selon Yates, test correct compte tenu des effectifs thSoriques, la diffd- rence n ' e s t pas s ignif icat ive. La nutri t ion parentdrale totale 6tait b ien tolSrSe. I1 n ' y avai t pas plus d ' encS- phalopathie dans le groupe suppl6ment6 par rapport au g roupe contr61e. Malgr6 le r i sque d ' a g g r a v e r la sur- charge hydr ique , g loba lement , il n ' y ava i t pas plus d ' a s c i t e dans le groupe trait6 par rappor t au groupe contr61e. N6anmoins, nous avons constatS significat i- vemen t plus d ' a s c i t e non ass6chSe sous parent6ra le (7/16) alors que les 17 ascites initiales du groupe oral avai t d isparu (p < 0,01) [9]. En ce qui concerne les compl ica t ions infectieuses, bien que dans notre 6tude, la diffSrence ne soit pas s ignif icat ive , il exis ta i t plus d ' hSmocu l tu r e s pos i t ives dans le groupe parent6ral sugg6rant que le risque infectieux est supSrieur lorsque la suppl6menta t ion nut r i t ionnel le est adminis t r6e par vole centrale [9]. L ' analyse de ces 6tudes impose quelques commentaires. L ' in te rprd ta t ion des r6sultats d ' un essai th6rapeutique randomis6 dSpend de sa qualit6 mdthodologique . La

Tableau H : Rdsultats des 7 essais randomis~s ayant ~valud, par rapport ~ un groupe contrOle, l'eJficacitd d' une supplementation nutritionnelle administrde par voie parentdrale

R~f~rences Bi lan Param~tres Tests Asci te Enc~pha lopath ie D~e~s azot~ nutr i t ionne l s h~pat iques

Nasrallah 1980 [7]

Diehl 1985 [8]

Naveau 1986 [9]

Archord 1987 [10]

Simon 1988 [11] - - -

Bonkovsky 1991 [12- l 3] NS

Mezey 1991 [14] NS

NS BT NS NS trait6s 0/17 NS*

contr61es 4/18

NS NS NS NS NS NS

- - - NS BT trait6s 7/20 NS NS ~S ¢S

contr61e 0/20

NS ~, PA ~S

transferfine NS NS NS NS

NS NS NS NS NS

RBP ~, BT - - - - NS transferrine ~, TP

gS ,~ PIII NP ,L Score de Maddrey

,~ clairance de 1' aminopyrine

~eS

S : Diff6rence significative entre les 2 groupes NS : Diff6rence non significative entre les 2 groupes * test Chi 2 corrig6 de Yates : NS

BT : bilirubine totale PA : phosphatases alcallnes TP : temps de prothrombine PIII NP : peptide N-terminal du procollag~ne de type III

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S. NAVEAU

note moyenne attribuEe fi ces 7 6tudes, grace ~ une grille d'Evaluation simplifide, est de 11,7 (extrSmes 8-18) sur un total de 26 [15]. Ce score mediocre est liE, certes h l 'absence d 'aveugle 5 fois sur 7, mais 6galement ~ la definition imprecise des cri@res d'inclusion ou d'exclu- sion, au trop grand hombre de crit~res de jugement et la faiblesse des effectifs. Des patients inclus dans ces essais avaient une hEpatopathie alcoolique sdvbre: hdpatite alcoolique aigu~ et/ou cirrhose. Le diagnostic d'hdpatite alcoolique aiguO est histologique. L'histolo- gie n'Etait exigde que darts l 'essai de Dieh! et coll. [8]. Une ponction biopsie hdpatique par vole trans-pariEtale sdlectionne en outre des patients ayant une hdmostase peu perturbde, donc modErdment grave. La definition biologique, voire clinique, de l'hdpatite alcoolique aigu~ n'Otait pas toujours donnde. L a gravit6 de l 'insuffisance hEpatique 4tait souvent imprecise. Ces remarques rendent difficile l 'extrapolation des rEsultats. Les cri- tbres de jugement 6taient souvent trop nombreux, pouvant aller jusqu '5 20 [14]. Dans ces conditions, le risque de conclure h tort h une difference qui n'existe pas augmente. Enfin, le hombre des patients inclus 6tait peu important. De ce fair, la puissance est faible et le risque de conclure h tort h l 'absence d 'une difference qui en fait existe, est grand. En outre, si les effectifs sont faibles, on ne peut pas conclure ?a l ' absence de diffE- rence entre les deux groupes, en ce qui concerne les variables pronostiques. En effet, le nombre de patients Etait, darts tousles cas, infErieur 5 30 par groupe, et dans 3 essais infErieur ~ 15. La technique de la mEta-analyse peut ~tre utilisde pour dEmontrer, grfice h u n gain de puissance, l 'effet d 'un traitement lorsque chaque essai, pris isolEment, n ' a pas permis de conclure. Cependant, l 'application de cette mdthode pour savoir si une assis- tance nutritionnelle administrEe par voie parentdrale 4tait susceptible d'amdliorer la survie de ces patients, ne permettrait pas de mettre en Evidence une diminution

significative de la mortalitE dans le groupe traitd (Odds ratio : 0,73 [intervhlle de confiance 5 95 % : 0,33-1,64], test d'hdtErogdnditE non significatif). L e nombre des patients dans le groupe suppldment6 6tait de 114 et de 125 dans le groupe contrEle. NEanmoins, une supplE- mentation nutritionnelle administrEe par voie parentd- rale a permis, par rapport au groupe contrEle, dans plusieurs Etudes, une amelioration significative de quelques param~tres nutritionnels et de certains tests hdpatiques.

D 'un point de vue pratique, il est important de souli- gner que l 'emploi de solutds standards d 'acides amines n ' aggrava i t pas l 'encdphalopathie . L ' insuf f i sance hdpatique n ' impose pas le recours systdmatique gt des solutes enrichis en acides amines ramifies. Les Emul- sions lipidiques sont bien toldrdes chez le cirrhotique, elles ont l ' avantage d 'appor te r beaucoup de calories dans un faible volume d 'eau. Cet apport lipidique ne doit pas, selon certains, dEpasser 30 h 35 % de l 'apport calorique [16]. Les risques lids ?a un apport supErieur mdriteraient cependant d 'Stre mieux prdcisEs. Enfin, chez le cirrhotique ascitique, il est important de res- treindre les apports sodds et les apports hydriques en choisissant les solutes les plus concentrds, ceux-ci pouvant imposer le recours h une voie centrale.

Supplementation nutritionnelle adminis- tr4e par voie ent4rale b d4bit continu

Deux essais randomisds ont dvalud l 'eff icaci t6 par rapport 5 un groupe contrEle d 'une nutrition entErale h debit continu chez des patients ayant une insuffisance hdpatique. Le detail des modalitds thErapeutiques figure sur le tableau III . Les patients inclus darts le premier travail avaient une cirrhose d'Etiologie dthy- lique dans 66 % des cas, virale dans 10 % des cas, et

Tableau Ill : Essais randomisds ayant dvalug, par rapport dun groupe contrdle, l'efficacitd d'une supplementation nutritionnelle administrde par voie entdrale d ddbit continu chez les patients ayant une insuffisance h@atique.

Rdf~renees Nombre Durde du Apports Apports de patients traitement dans le groupe dans le groupe

traitds / contr61es (jours) contrdle suppldment6

Cabre 1990 [17]

Kearns 1992 [18]

16 19 23 5 25 AP 2200 kcal/j P 80 g/j PE 1320 kcal/j

16 15 11 h 12 RS

NEDC 2115 kcal/j P 7 l g AAS + AAR C 1,4 kcal/ml

RS NEDC 40 kcal/kg/j P 1,5 g AAS/kg C 2 kcal/ml

AP : apport oral propose C : concentration P : protEines

PE : prise orale effective AAS : acides aminds standards NEDC : nutrition entdrale h debit continu

RS : rdgime standard sans pr6cision AAR : acides antinEs ramifies

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NUTRITION ENTIERALE ET PARENTt~RALE EN Ht~PATOLOGIE

cryptogdn6t ique darts 17 % des cas [17]. Les patients inclus darts le d e u x i t m e t ravai l ava ien t une ma lad ie alcoolique du foie sdvtre d4finie selon des cr i t t res cli- n iques et b io log iques [18]. Cabre et coll . [17] ont compar4 un appor t ent6ral h d6bit cont inu enrichi en ac ides amin6s ramif i6s 5 un rdg ime s tandard. Dans l '6 tude de Kearns et coll. [18], t o u s l e s patients rece- vaient le r6gime standard, le groupe trait4 recevai t en plus par vole entdrale 5 d4bit continu un apport de 40 k i loca lor ies /kg / jour , et de 1,5 g de protdines /kg sous forme d 'ac ides amin6s conventionnels. Une restr ict ion hydr ique et sod4e 6tait respect6e en cas d ' a sc i t e . La dur6e du traitement 6tait 2 fois plus longue dans la pre- m i t r e 6tud6 [17]. Les rdsul tats sont r6sum6s dans le tableau IV. Alors que darts la p remi t re 6tude, au terme du traitement, il n ' y avait pas de diff6rence entre les 2 groupes en ce qui concernait les paramt t res nutri t ion- nels et les tests h4patiques, les auteurs concluent h une d iminut ion s ignif ica t ive de la mortal i t6 [17]. Darts la deux i tme 6tude, il y avait une diminution significative de la bi l i rubin6mie totale et une augmentat ion signifi- cative de la clairance de l ' an t ipyr ine du groupe suppld- ment6 par rapport au groupe contr61e [ 18]. La nutrit ion ent4rale 5 d6bit cont inu 4tait b ien support4e dans les deux 4tudes. Elle n 'a l t6rai t pas l '6volut ion de l 'asci te , el le permet ta i t m4me une am61ioration s ign i f ica t ive- ment plus rap ide de l ' enc6pha lopa th i e dans la d e u x i t m e 6tude [ !8] . L ' e m p l o i de formules t r t s concentrdes pour 6viter la surcharge hydrique, n 'd ta i t pas r e sponsab le d ' u n e augmenta t ion de la diarrh6e. Signalons que, dans l '6 tude de Kearns et coll. [18], la sonde de nut r i t ion ent6rale h d6bi t c o n t i n u a dfi ~tre remise en place en moyenne 4 fois.

L ' a n a l y s e de ces deux 6tudes, 15 encore , impose quelques commenta i res . La note mdthodolog ique est respect ivement de 12 et 14. Les remarques formuldes 5 propos des essais 6valuant l 'e f f icaci t6 de la nutri t ion parent6rale totale sont valables pour ceux 6valuant la nutrit ion entdrale 5 d4bit continu. L ' e f fe t sur la survie,

mis en 6vidence dans l '6 tude de Cabre, doi t 4tre inter- pr6t6 avec p rudence car, du fa i t de la f a ib l e s se des effectifs, il est impossible d ' a f f i rmer que les 2 groupes 6taient in i t ia lement comparables en ce qui concernai t les covar iables susceptibles d ' avo i r une influence pro- nostique. I1 est fort poss ible que la nutri t ion ent4rale 5 ddbi t cont inu ait un effet sur l ' 6 t a t nu t r i t ionne l des patients . Bien que l ' a lbumine , apr t s t rai tement , n ' a i t pas 6t6 comparde entre les deux groupes dans la pre- m i t r e 6tude [17], el le para i t atre plus 41ev4e darts le groupe trait6. La posi t ivat ion semble-t- i l supdrieure du brian azot6 dans le groupe trait6 par Kearns, sugg t re que la poursuite au-del5 de 10 jours de la suppl6men- ra t ion pour ra i t en t ra iner une am61iorat ion du b i lan nutrit ionnel. Enfin, la toldrance et l 'e f f icaci t6 des prd- pa ra t ions con tenan t des ac ides aminds s tandards n ' imposent pas de fa$on syst6matique le recours h des prdparations enrichies en acides amin6s ramifi6s beau- coup plus cofiteuses.

Conclusion

Bien que l 'e f f icaci t4 d 'une suppl6mentat ion nutri t ion- nel le n ' a i t pas 6t6 fo rme l l emen t ddmontrde chez l ' i n su f f i s an t h4pat ique, du fai t de la f a ib lesse des effectifs inclus dans les essais, elle est ndanmoins vrai- semblab le . Une ass i s tance nu t r i t ionne l le chez les pat ients ayant un appor t oral insuf f i san t semble en effet am61iorer les prot6ines visc6rales et la fonct ion hdpat ique. I1 n ' e x i s t e pas d ' e s s a i randomis4 ayant compar6 une suppl6mentat ion nutr i t ionnel le adminis- trde par voie parentdrale 5 une suppldmentat ion nutri- t ionnelle administr6e par voie ent6rale 5 d4bit continu. Les r6sultats rapportds avec ces deux mdthodes ne per- met tent pas ac tuel lement de conclure h la sup6riorit6 de l ' une par rapport 5 l 'autre, et l ' e f fe t 6ventuel de la nutri t ion ent6rale sur la survie m6rite d ' e t r e confirm6 par d ' au t res 6tudes por tant sur un plus grand nombre

Tableau IV : Rdsultats des 2 essais randomisds ayant dvalud, par rapport ~t un groupe contrOle, l'efficacitd d'une suppldmentation nutritionnelle administrde par voie entdrale chez les patients ayant une insuffisance hdpatique

R6f6rences Bilan Param6tres Tests Ascite Enc6phalopathie D6e6s azot6 nutritionnels h6patiques

Cabre 1990 [17] - - Albumine ~ ¢ S ? NS NS - - trait6s 2/16 ¢ S

contr61es 9/19

Kearns 1992 [18] ;e S ? NS BT $ S NS ~, plus rapide traitds 0/16 clairance de dans le groupe NS

l'antipyrine 1" S trait6 ~ S contr6les 2/5

S : Diff6rence significative entre les 2 groupes NS : Diff6rence non significative entre les 2 groupes

S ? : Diff6rence peut-~tre significative mais test non fait

~, B T ¢ S BT : bilirubine totale

'~ clairance de l 'Antipyrine ¢ S

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Page 6: Nutrition entérale et parentérale en hépatologie

S. N A V E A U

de sujets. De ce fait, les cri t~res de choix de la voie d ' a d m i n i s t r a t i o n sont les cri t6res habi tue ls . La vole ent6rale dolt ~tre prdfdr6e h la voie parent6rale lorsque l '6 ta t du tube digest i f , la consc ience du pat ient et les contraintes de la r6tention hydrique le permettent. Une supp ldmen ta t ion nu t r i t ionne l le adminis t r6e par voie orale, 6ventuellement associ6e ~ des stdro)'des anaboli- sants, peut avo i r un effet f avorab le sur la survie de patients alcooliques mod6rdment ddnutris sans atteinte hdpat ique s6v6re et pouvant adhdrer h la prescr ip t ion d id t6 t ique [19]. En outre, il est impor tan t de tenir compte des anomal ies du mdtabol isme des nutriments lors de la p resc r ip t ion di6tdtique chez le cirrhot ique. En effet, les consdquences m6taboliques du jefine 6taut plus pr6coces chez ces patients que chez le sujet sain, l ' in f luence b6ndfique sur la balance azotde de la frag- mentat ion de repas mieux rdpartis dans la journ6e a 6td d6montr6e chez le cirrhotique [20].

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