5
DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE Obésité et transplantation rénale M. Hazzan © Springer-Verlag France 2011 Résumé La prévalence de lobésité chez les candidats à la transplantation rénale est en constante augmentation. Cepen- dant, laccès à la greffe des patients obèses demeure limité principalement en raison de survies de greffon et de patients plus faibles chez les receveurs présentant un indice de masse corporelle (IMC) élevé. Cette revue de la littérature analyse les données récentes concernant les résultats de la greffe chez les receveurs obèses et discute des possibilités de prise en charge spécifique de ces patients en attente de trans- plantation. Pour citer cette revue : Obésité 6 (2011). Mots clés Obésité · Transplantation rénale · Immunosuppression Abstract The number of obese on the waiting list is increa- sing. However, the eligibility of obese patients for renal transplantation remains limited mainly due to lower graft and patient survivals associated with a high body mass index. The present update reviews the recent data about the graft outcome in obese recipients and the specific manage- ment of obese candidates for renal transplantation. To cite this journal: Obésité 6 (2011). Keywords Obesity · Renal transplantation · Immunosuppression Introduction La prévalence de lobésité augmente régulièrement dans la population des insuffisants rénaux chroniques à linstar de ce qui est observé dans la population générale. Proportionnel- lement, la fréquence de lobésité croît cependant plus rapi- dement chez les dialysés, à tel point quen 2006 plus du tiers des patients débutant lépuration extrarénale aux États-Unis avaient un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 30 kg/m 2 [1]. L association de lobésité à dautres comorbi- dités ou facteurs de risque dinsuffisance rénale tels que par exemple lathéromatose ou le diabète, explique en partie la fréquence importante de lobésité chez les dialysés. En outre, lobésité représente un facteur indépendant de progression de lIRC au travers de mécanismes physiopathologiques inflammatoires ou hémodynamiques. Inéluctablement, laugmentation de prévalence de lobé- sité en dialyse sest traduite par une demande daccès à la transplantation rénale pour ces patients et la fréquence des candidatures à la greffe chez les sujets obèses a suivi une croissance régulière. Les données des registres américains indiquent notamment que la proportion de patients sur liste présentant un IMC supérieur à 30 kg/m 2 a plus que doublé en une dizaine dannées [2]. Problèmes de définition Cependant, lutilisation de lIMC comme seul critère de défi- nition de lobésité ne va pas sans poser problème. En effet, lIMC ne prend pas en compte le rapport masse grasse sur masse maigre et savère mal corrélé à la morbimortalité car- diovasculaire, en particulier chez linsuffisant rénal où cet indice nest pas validé. L étude DOPPS a dailleurs montré quun IMC entre 30 et 35 kg/m 2 était associé à une meilleure survie en dialyse [3]. À cet égard, le tour de taille (seuils à 102 cm chez lhomme ou 88 cm chez la femme) ou le rapport taille sur hanche (seuils à 0,95 chez lhomme ou 0,85 chez la femme) évaluent mieux limportance de la graisse abdo- minale et représentent de meilleurs marqueurs de risque cardiovasculaire tant dans la population générale quen insuffisance rénale chronique [4]. Chez les patients trans- plantés rénaux, les données australiennes montrent en effet une bonne corrélation du rapport taille sur hanche avec le risque cardiovasculaire, alors que cette corrélation nest pas retrouvée pour lIMC [5]. Dans ce contexte, lutilisation de lIMC comme seul fac- teur décisionnel apparaît contestable en pratique et peut conduire à des conclusions erronées dans linterprétation des études cliniques. Malheureusement, la plupart des publi- cations concernant lobésité en transplantation rénale ne mentionnent que ce seul paramètre et de nombreux centres fixent un seuil dIMC de 30 à 35 kg/m 2 comme limite à M. Hazzan (*) Service de néphrologie, hôpital Huriez, CHRU de Lille, 1, place de Verdun, F-59037 Lille cedex, France e-mail : [email protected] Obésité (2011) 6:11-15 DOI 10.1007/s11690-011-0250-4

Obésité et transplantation rénale

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Obésité et transplantation rénale

DOSSIER THÉMATIQUE / THEMATIC FILE

Obésité et transplantation rénale

M. Hazzan

© Springer-Verlag France 2011

Résumé La prévalence de l’obésité chez les candidats à latransplantation rénale est en constante augmentation. Cepen-dant, l’accès à la greffe des patients obèses demeure limitéprincipalement en raison de survies de greffon et de patientsplus faibles chez les receveurs présentant un indice de massecorporelle (IMC) élevé. Cette revue de la littérature analyseles données récentes concernant les résultats de la greffechez les receveurs obèses et discute des possibilités deprise en charge spécifique de ces patients en attente de trans-plantation. Pour citer cette revue : Obésité 6 (2011).

Mots clés Obésité · Transplantation rénale ·Immunosuppression

Abstract The number of obese on the waiting list is increa-sing. However, the eligibility of obese patients for renaltransplantation remains limited mainly due to lower graftand patient survivals associated with a high body massindex. The present update reviews the recent data about thegraft outcome in obese recipients and the specific manage-ment of obese candidates for renal transplantation. To citethis journal: Obésité 6 (2011).

Keywords Obesity · Renal transplantation ·Immunosuppression

Introduction

La prévalence de l’obésité augmente régulièrement dans lapopulation des insuffisants rénaux chroniques à l’instar de cequi est observé dans la population générale. Proportionnel-lement, la fréquence de l’obésité croît cependant plus rapi-dement chez les dialysés, à tel point qu’en 2006 plus du tiersdes patients débutant l’épuration extrarénale aux États-Unisavaient un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à30 kg/m2 [1]. L’association de l’obésité à d’autres comorbi-dités ou facteurs de risque d’insuffisance rénale tels que par

exemple l’athéromatose ou le diabète, explique en partie lafréquence importante de l’obésité chez les dialysés. En outre,l’obésité représente un facteur indépendant de progressionde l’IRC au travers de mécanismes physiopathologiquesinflammatoires ou hémodynamiques.

Inéluctablement, l’augmentation de prévalence de l’obé-sité en dialyse s’est traduite par une demande d’accès à latransplantation rénale pour ces patients et la fréquence descandidatures à la greffe chez les sujets obèses a suivi unecroissance régulière. Les données des registres américainsindiquent notamment que la proportion de patients sur listeprésentant un IMC supérieur à 30 kg/m2 a plus que doublé enune dizaine d’années [2].

Problèmes de définition

Cependant, l’utilisation de l’IMC comme seul critère de défi-nition de l’obésité ne va pas sans poser problème. En effet,l’IMC ne prend pas en compte le rapport masse grasse surmasse maigre et s’avère mal corrélé à la morbimortalité car-diovasculaire, en particulier chez l’insuffisant rénal où cetindice n’est pas validé. L’étude DOPPS a d’ailleurs montréqu’un IMC entre 30 et 35 kg/m2 était associé à une meilleuresurvie en dialyse [3]. À cet égard, le tour de taille (seuils à102 cm chez l’homme ou 88 cm chez la femme) ou le rapporttaille sur hanche (seuils à 0,95 chez l’homme ou 0,85 chezla femme) évaluent mieux l’importance de la graisse abdo-minale et représentent de meilleurs marqueurs de risquecardiovasculaire tant dans la population générale qu’eninsuffisance rénale chronique [4]. Chez les patients trans-plantés rénaux, les données australiennes montrent en effetune bonne corrélation du rapport taille sur hanche avec lerisque cardiovasculaire, alors que cette corrélation n’est pasretrouvée pour l’IMC [5].

Dans ce contexte, l’utilisation de l’IMC comme seul fac-teur décisionnel apparaît contestable en pratique et peutconduire à des conclusions erronées dans l’interprétationdes études cliniques. Malheureusement, la plupart des publi-cations concernant l’obésité en transplantation rénale nementionnent que ce seul paramètre et de nombreux centresfixent un seuil d’IMC de 30 à 35 kg/m2 comme limite à

M. Hazzan (*)Service de néphrologie, hôpital Huriez, CHRU de Lille,1, place de Verdun, F-59037 Lille cedex, Francee-mail : [email protected]

Obésité (2011) 6:11-15DOI 10.1007/s11690-011-0250-4

Page 2: Obésité et transplantation rénale

l’inscription sur liste d’attente. Pour cette raison, malgré lesréserves émises précédemment, les données présentées dansle reste de cet article concerneront l’IMC.

Risques de la transplantationchez le patient obèse

Complications chirurgicales

L’obésité au moment de la transplantation représente unedifficulté technique responsable d’un allongement de ladurée opératoire [6] et s’avère associée à un taux de compli-cations chirurgicales élevé, dont certaines peuvent mettre enjeu la greffe ou le pronostic vital. Ainsi, les déhiscences oules infections de paroi ont une incidence multipliée par deuxchez les patients obèses [7] et sont susceptibles d’avoir desconséquences catastrophiques pendant la période postgreffeinitiale. Les risques d’hématome ou de lymphocèle [6]sont également significativement augmentés et peuventnécessiter des reprises chirurgicales parfois délicates.

Complications métaboliques

L’incidence du diabète de novo après transplantation est clai-rement associée à l’obésité tant dans les études américaines[8] qu’européennes [9] et entraîne des complications micro-et macroangioapthiques responsables d’une morbimortalitéimportante chez ces patients [10]. La fréquence des dyslipi-démies, en particulier l’hypertriglycéridémie, est égalementcorrélée à l’obésité. De plus, l’aggravation de ces compli-cations au cours du suivi fait qu’après deux ans, 85 %des patients transplantés avec un IMC supérieur à 30 kg/m2

présentent un syndrome métabolique [11].

Perte du greffon et impact néphrologique

L’analyse du registre américain révèle un risque de repriseretardé de fonction du greffon augmenté de 50 % chez lespatients présentant un IMC supérieur à 36 kg/m2 [12]. Il n’ya cependant pas de corrélation entre l’IMC et le risque derejet aigu. Toutefois, l’obésité s’avère associée à une dimi-nution de la survie du greffon [13] même après censure desdécès avec un greffon fonctionnel [12]. À court terme, larépartition des causes de perte de greffon est marquée parune fréquence accrue de non-fonctionnement primaire et decomplications infectieuses, comparativement aux patientsnon obèses [13]. À moyen et long terme, l’obésité est res-ponsable d’un dysfonctionnement chronique du greffonassocié à un syndrome d’hyperfiltration, tant chez lespatients diabétiques que non diabétiques [14]. L’étude deKasiske et al. souligne l’impact déterminant de l’adéquationde la masse néphronique initiale à la taille du receveur.

Ce travail montre en effet que le risque de perte tardive dugreffon est significativement augmenté chez les receveursde « grande taille » (évaluée sur la surface corporelle) trans-plantés à partir d’un donneur de « petite taille » [15]. Enfaveur d’un phénomène d’hyperfiltration, on note égalementque la progression de la protéinurie au cours du temps estcorrélée à l’IMC [11] et que le risque de protéinurie supé-rieur à 0,5 g/j est multiplié par deux pour un IMC au-delà de25 kg/m2 [16]. Enfin, de façon intéressante, la comparaisonde l’évolution de la greffe chez des patients obèses ou nonobèses ayant reçu un rein d’un même donneur montre demoins bons résultats en termes de fonction rénale et de surviede greffon à cinq ans chez les receveurs ayant un IMC supé-rieur à 30 kg/m2 au moment de la transplantation [17].

Mortalité

L’analyse de la mortalité après transplantation en fonction del’IMC révèle une classique courbe en U et montre un excèssignificatif de risque de décès chez les patients obèses, prin-cipalement en raison d’une mortalité de cause infectieuse oucardiovasculaire dont l’incidence est multipliée par deuxdans cette population [12,13]. Toutefois, en analyse multi-variée après ajustement pour les autres comorbidités, unIMC supérieur à 30 kg/m2 n’apparaît pas être un facteur derisque de mortalité indépendant [18], suggérant que ce para-mètre doit être pris en compte en fonction des autres facteursde risque potentiellement présent chez le patient.

Faut-il laisser les patients obèses en dialyse ?

Compte tenu du contexte actuel de pénurie de donneursdécédés, qui impose une gestion optimale des organes, onpeut se poser la question de transplanter des patients obèsesdont les survies de greffon et de patient sont diminuées. Cetargument, qui ne peut toutefois être retenu dans le cadre de lagreffe avec donneur vivant, pourrait également conduire àexclure de la transplantation d’autres groupes de receveurs.L’analyse des résultats des centres de transplantation, en ter-mes de performance médicoéconomique, conduit d’ailleurscertains d’entre eux, aux États-Unis, à limiter de façon cons-ciente ou non, l’inscription ou l’accès à la greffe des patientsà risque [19]. Face à cela, il est nécessaire de prendre enconsidération que, même si la transplantation rénale est àrisque chez les sujets obèses, elle permet de réduire trèssignificativement (de 61 % pour la greffe à partir de don-neurs décédés et de 77 % pour la greffe à partir de donneursvivants) la mortalité de ces patients comparativement à ladialyse [20,21]. Il n’y a donc pas de raison éthique àcontre-indiquer la transplantation rénale uniquement enfonction de l’IMC.

12 Obésité (2011) 6:11-15

Page 3: Obésité et transplantation rénale

Malgré ces données, de nombreux centres demeurentréticents à transplanter ces patients et même après inscrip-tion sur liste leur chance d’être greffé est significativementdiminuée par comparaison aux patients présentant un IMCidéal [22]. La candidature à la greffe des sujets obèses doitêtre envisagée dans le cadre d’une prise en charge spécifiquevisant à réduire non seulement la surcharge pondérale maiségalement les autres facteurs de risque qui sont fréquemmentassociés dans cette population.

Prise en charge de l’obésité en transplantation

Obtenir un amaigrissement significatif en dialyse s’avèreextrêmement complexe et peut comporter un risque de dénu-trition qui aggrave le pronostic des patients en épurationextrarénale [3]. Par ailleurs, la réduction pondérale ne doitpas être le seul objectif fixé chez les sujets obèses candidats àla greffe et doit s’intégrer dans une stratégie de contrôle glo-bal des autres facteurs de risque tels que le sevrage tabagiqueou la lutte contre la sédentarité. Cela implique une prise encharge multidisciplinaire associant en particulier l’approchenutritionnelle, un soutien psychologique et une rééducation àl’effort chez des patients fréquemment déconditionnés.Cependant, l’objectif à atteindre doit demeurer réalistesachant qu’il sera en pratique très difficile de réduire deplus de 10 % l’IMC initial à l’aide d’un programme stricte-ment médical. Après un an, ce type de prise en charge enassociation à l’orlistat a en effet permis de réduire de 7,1 %l’IMC et de 11,4 % le tour de taille dans l’étude de Cook etal. portant sur 32 patients insuffisants rénaux [23]. Parallèle-ment, l’entraînement physique s’est soldé par un gain trèssignificatif chez ces patients, allant de 30 à 50 % selon lestests réalisés.

Ces données encourageantes montrent cependant que letraitement médical seul est rarement adapté chez des patientsprésentant un IMC supérieur à 35 kg/m2. Par ailleurs, l’uti-lisation de l’orlistat peut poser problème chez les insuffisantsrénaux non dialysés en raison de complications à type delithiase oxalique, mais ce risque n’a pas été retrouvé aprèsdeux ans d’utilisation dans l’étude de Cook et al. [24]. Enfin,après greffe, plusieurs auteurs ont rapporté une interactionentre l’orlisat et les inhibiteurs de la calcineurine, rendantdifficile l’obtention de taux thérapeutiques efficaces [25,26].

Dans ce contexte, la chirurgie bariatrique peut être discu-tée chez les patients présentant un IMC très élevé. Les don-nées de la littérature demeurent toutefois relativementrestreintes dans la population des insuffisants rénaux chroni-ques. L’analyse des registres américains montre que la mor-talité précoce postopératoire semble cependant deux foisplus faible en dialyse qu’après transplantation, suggérantque ce type de prise en charge peut s’intégrer dans le cadred’un projet de greffe [27].

La technique du by-pass gastrique, très utilisée aux États-Unis, s’avère efficace chez les patients dialysés ou déjàtransplantés, permettant d’obtenir jusque 70 % de réductionde l’excès pondéral [28, 29]. Si la morbidité opératoiredemeure acceptable chez ces patients, il faut tenir comptedu risque prévisible de lithiase oxalique à long terme. Risquequi n’est pas évalué chez les patients transplantés rénaux. Parailleurs, le by-pass gastrique est susceptible d’entraîner unediminution de l’absorption des immunosuppresseurs quidevra être prise en considération lors de la greffe [30]. Untest d’évaluation pharmacocinétique pourrait dès lors s’avé-rer utile avant la transplantation.

La pose d’un anneau gastrique est également envisa-geable. En ce qui concerne les patients en attente de trans-plantation, cette technique n’a toutefois été rapportée quepar quelques équipes chez un nombre restreint de patients.Les résultats montrent néanmoins une réduction moyennese situant entre 30 et 50 % de l’excès pondéral, suffisantepour permettre la correction ou l’amélioration de certainescomorbidités associées et autoriser l’accès à la greffe[31,32]. Le risque de migration de l’anneau ou d’éro-sion gastrique est faible mais a déjà été rapporté entransplantation rénale [33]. Il n’y a pas de données indi-quant que cette intervention modifie l’absorption du traite-ment immunosuppresseur et nécessite une adaptationposologique.

À ce jour, nous ne disposons pas d’étude comparant leby-pass et l’anneau gastrique chez les insuffisants rénauxdialysés ou transplantés. Les autres techniques chirurgicales(sleeve gastrectomy et dérivation biliopancréatique) n’ontpas été évaluées dans cette population.

Adaptation du traitement immunosuppresseurchez le patient obèse

Plusieurs auteurs ont rapporté que les taux résiduels desinhibiteurs de la calcineurine étaient plus élevés chezles receveurs obèses, nécessitant une diminution de laposologie qui devrait être calculée en fonction du poidsidéal [34]. Cependant, cette réduction de dose peut induireune sous-exposition comme l’indique la baisse du C2 decyclosporinémie chez ces patients [35]. Nous ne disposonspas de données publiées concernant l’acide mycophéno-lique ou les inhibiteurs de mTOR dans cette populationspécifique.

Compte tenu des complications métaboliques de la corti-cothérapie, il paraît licite d’envisager un sevrage précocechez les sujets obèses au moment de la greffe en raison durisque particulièrement élevé de diabète de novo dans cettepopulation en particulier sous tacrolimus, dont l’effet diabé-togène est plus important que la cyclosporine [36].

Obésité (2011) 6:11-15 13

Page 4: Obésité et transplantation rénale

Prise de poids après la greffe

La prise de poids concerne plus de 40 % des receveurs aprèstransplantation rénale et représente un facteur de risque deperte de greffon lorsqu’elle dépasse 5 % de l’IMC initial [37].

Cette prise de poids survient plus volontiers chez les rece-veurs de plus de 50 ans, les femmes et les patients de faibleniveau socio-économique [19,38]. Les données concernantla corticothérapie sont controversées. Rogers et al. [39] onten effet montré que le sevrage précoce permettait de limiterle gain de poids après transplantation rénale, mais ce résultatn’a pas été confirmé par d’autres auteurs [40].

Quoi qu’il en soit, la surcharge pondérale après greffedevrait faire l’objet d’une prise en charge spécifique. Cer-tains auteurs ont en effet montré qu’une approche nutrition-nelle individualisée réduisait significativement la prise depoids à 12 mois [41]. Compte tenu des enjeux, l’évaluationprospective d’une approche globale multidisciplinaire(nutritionnelle, psychologique et physique) dans ce contextemériterait d’être sérieusement évaluée.

Donneurs vivants obèses

Le problème de l’obésité en transplantation rénale ne se posepas seulement pour les receveurs mais concerne égalementles donneurs vivants. Là encore, compte tenu de la préva-lence de l’obésité dans la population générale, il n’estguère étonnant d’être de plus en plus fréquemment confrontéà la question de la greffe à partir d’un donneur vivant obèse.

Les complications postopératoires ne paraissent pas plusimportantes chez les donneurs obèses et à six mois, leurfonction rénale est équivalente aux donneurs présentant unIMC inférieur à 30 kg/m2 [42]. Cependant, à moyen terme,plusieurs études montrent que les risques d’hypertensionartérielle et de protéinurie sont significativement plus élevésen cas d’obésité lors du prélèvement [43–45]. Il existe doncdes craintes légitimes sur le devenir rénal à long terme de cesdonneurs, qui justifient de recommander une prise en chargespécifique afin d’obtenir une perte de poids préalable àl’intervention. La décision doit également tenir compte desautres facteurs de risque présents chez le donneur potentiel.

Conclusion

Depuis quelques années, la fréquence de l’obésité chez lescandidats à la transplantation rénale ne cesse d’augmenter.Les résultats de la greffe chez ces patients sont inférieurs àceux des receveurs de poids idéal, mais cela est principale-ment lié aux comorbidités associées à l’obésité. Toutefois, latransplantation permet de diminuer très significativement la

mortalité chez ces patients comparativement à l’épurationextrarénale. Dans ce contexte, l’IMC ne doit pas être leseul facteur de décision, d’autant que ce paramètre est malcorrélé au risque cardiovasculaire chez les dialysés. L’amé-lioration de l’accès à la greffe de ces patients implique uneprise en charge spécifique multidisciplinaire visant à corrigernon seulement la surcharge pondérale, mais égalementles autres facteurs de risque. Cependant, de nombreusesétudes seront nécessaires afin de mieux préciser les indica-tions, les résultats et les limites de la prise en charge médico-chirurgicale de l’obésité chez les insuffisants rénaux enattente de transplantation rénale.

Références

1. Kramer HJ, Saranathan A, Luke A, et al (2006) Increasing bodymass index and obesity in the incident ESRD population. J AmSoc Nephrol 17:1453–9

2. Friedman AN, Miskulin DC, Rosenberg IH, Levey AS (2003)Demographics and trends in overweight and obesity in patientsat time of kidney transplantation. Am J Kidney Dis 41:480–7

3. Leavey SF, McCullough K, Hecking E, et al (2001) Body massindex and mortality in “healthier” as compared with ’sicker’ hae-modialysis patients: results from the dialysis outcomes and prac-tice patterns study (dopps). Nephrol Dial Transplant 16:2386–94

4. Elsayed EF, Tighiouart H, Weiner DE, et al (2008) Waist-to-hipratio and body mass index as risk factors for cardiovascularevents in CKD. Am J Kidney Dis 52:49–57

5. Orazio L, Armstrong K, Banks M, et al (2007) Central obesity iscommon in renal transplant recipients and is associated withincreased prevalence of cardiovascular risk factors. Nutr Diet64:200–6

6. Singh D, Lawen J, Alkhudair W (2005) Does pretransplant obe-sity affect the outcome in kidney transplant recipients? TransplantProc 37:717–20

7. Lynch RJ, Ranney DN, Shijie C, et al (2009) Obesity, surgicalsite infection, and outcome following renal transplantation. AnnSurg 250:1014–20

8. Kasiske BL, Snyder JJ, Gilbertson D, Matas AJ (2003) Diabetesmellitus after kidney transplantation in the United States. Am JTransplant 3:178–85

9. Bayés B, Granada ML, Pastor MC, et al (2007) Obesity, adipo-nectin and inflammation as predictors of new-onset diabetesmellitus after kidney transplantation. Am J Transplant 7:416–22

10. Burroughs TE, Swindle J, Takemoto S, et al (2007) Diabeticcomplications associated with new-onset diabetes mellitus inrenal transplant recipients. Transplantation 83:1027–34

11. Armstrong KA, Campbell SB, Hawley CM, et al (2005) Obesityis associated with worsening cardiovascular risk factor profilesand proteinuria progression in renal transplant recipients. Am JTransplant 5:2710–8

12. Meier-Kriesche H, Arndorfer JA, Kaplan B (2002) The impact ofbody mass index on renal transplant outcomes: a significant inde-pendent risk factor for graft failure and patient death. Transplan-tation 73:70–4

13. Aalten J, Christiaans MH, de Fijter H, et al (2006) The influenceof obesity on short- and long-term graft and patient survival afterrenal transplantation. Transpl Int 19:901–7

14. Bosma RJ, Kwakernaak AJ, van der Heide JJH, et al (2007)Body mass index and glomerular hyperfiltration in renal

14 Obésité (2011) 6:11-15

Page 5: Obésité et transplantation rénale

transplant recipients: cross-sectional analysis and long-termimpact. Am J Transplant 7:645–52

15. Kasiske BL, Snyder JJ, Gilbertson D (2002) Inadequate donor sizein cadaver kidney transplantation. J Am Soc Nephrol 13:2152–9

16. Sancho A, Gavela E, Avila A, et al (2007) Risk factors and pro-gnosis for proteinuria in renal transplant recipients. TransplantProc 39:2145–7

17. Yamamoto S, Hanley E, Hahn AB, et al (2002) The impact ofobesity in renal transplantation: an analysis of paired cadaver kid-neys. Clin Transplant 16:252–6

18. Chang SH, Coates PTH, McDonald SP (2007) Effects of bodymass index at transplant on outcomes of kidney transplantation.Transplantation 84:981–7

19. Potluri K, Hou S (2010) Obesity in kidney transplant recipientsand candidates. Am J Kidney Dis 56:143–56

20. Bennett WM, McEvoy KM, Henell KR, et al (2010) Kidney trans-plantation in the morbidly obese: complicated but still better thandialysis. Clin Transplant DOI: 10.1111/j.1399-0012.2010.01328.x.

21. Glanton CW, Kao T, Cruess D, et al (2003) Impact of renal trans-plantation on survival in end-stage renal disease patients with ele-vated body mass index. Kidney Int 63:647–53

22. Segev DL, Simpkins CE, Thompson RE, et al (2008) Obesityimpacts access to kidney transplantation. J Am Soc Nephrol19:349–55

23. Cook SA, MacLaughlin H, Macdougall IC (2008) A structuredweight management programme can achieve improved functionalability and significant weight loss in obese patients with chronickidney disease. Nephrol Dial Transplant 23:263–8

24. MacLaughlin HL, Cook SA, Kariyawasam D, et al (2010) Non-randomized trial of weight loss with orlistat, nutrition education,diet, and exercise in obese patients with CKD: 2-year follow-up.Am J Kidney Dis 55:69–76

25. Colman E, Fossler M (2000) Reduction in blood cyclosporineconcentrations by orlistat. N Engl J Med 342:1141–2

26. Evans S, Michael R, Wells H, et al (2003) Drug interaction in arenal transplant patient: cyclosporin-neoral and orlistat. Am JKidney Dis 41:493–6

27. Modanlou KA, Muthyala U, Xiao H, et al (2009) Bariatric sur-gery among kidney transplant candidates and recipients: analysisof the United States renal data system and literature review.Transplantation 87:1167–73

28. Alexander JW, Goodman HR, Gersin K, et al (2004) Gastricby-pass in morbidly obese patients with chronic renal failureand kidney transplant. Transplantation 78:469–74

29. Alexander JW, Goodman H (2007) Gastric by-pass in chronicrenal failure and renal transplant. Nutr Clin Pract 22:16–21

30. Marterre WF, Hariharan S, First MR, Alexander JW (1996)Gastric by-pass in morbidly obese kidney transplant recipients.Clin Transplant 10:414–9

31. Koshy AN, Coombes JS, Wilkinson S, Fassett RG (2008) Lapa-roscopic gastric banding surgery performed in obese dialysispatients prior to kidney transplantation. Am J Kidney Dis 52:e15–e7

32. Newcombe V, Blanch A, Slater GH, et al (2005) Laparoscopicadjustable gastric banding prior to renal transplantation. ObesSurg 15:567–70

33. Buch KE, El-Sabrout R, Butt KM (2006) Complications of lapa-roscopic gastric banding in renal transplant recipients: a casestudy. Transplant Proc 38:3109–11

34. Rodrigo E, de Cos MA, Sánchez B, et al (2005) High initialblood levels of tacrolimus in overweight renal transplant reci-pients. Transplant Proc 37:1453–4

35. Hortal L, Fernández A, Losada A, et al (2001) Study of thecyclosporine concentration at two hours in stable renal transplantpatients and relation to body mass index. Transplant Proc33:3110–1

36. Burroughs TE, Lentine KL, Takemoto SK, et al (2007) Influenceof early posttransplantation prednisone and calcineurin inhibitordosages on the incidence of new-onset diabetes. Clin J Am SocNephrol 2:517–23

37. Ducloux D, Kazory A, Simula-Faivre D, Chalopin J (2005) One-year posttransplant weight gain is a risk factor for graft loss. AmJ Transplant 5:2922–8

38. Clunk JM, Lin CY, Curtis JJ (2001) Variables affecting weightgain in renal transplant recipients. Am J Kidney Dis 38:349–53

39. Rogers CC, Alloway RR, Buell JF, et al (2005) Body weight alte-rations under early corticosteroid withdrawal and chronic corticos-teroid therapy with modern immunosuppression. Transplantation80:26–33

40. Elster EA, Leeser DB, Morrissette C, et al (2008) Obesity follow-ing kidney transplantation and steroid avoidance immunosuppres-sion. Clin Transplant 22:354–9

41. Patel MG (1998) The effect of dietary intervention on weightgains after renal transplantation. J Ren Nutr 8:137–41

42. Reese PP, Feldman HI, Asch DA, et al (2009) Short-term outco-mes for obese live kidney donors and their recipients. Transplan-tation 88:662–71

43. Nogueira JM, Weir MR, Jacobs S, et al (2010) A study of renaloutcomes in obese living kidney donors. Transplantation 90:993–9

44. Praga M, Hernández E, Herrero JC, et al (2000) Influence of obe-sity on the appearance of proteinuria and renal insufficiency afterunilateral nephrectomy. Kidney Int 58:2111–8

45. Tavakol MM, Vincenti FG, Assadi H, et al (2009) Long-termrenal function and cardiovascular disease risk in obese kidneydonors. Clin J Am Soc Nephrol 4:1230–8

Obésité (2011) 6:11-15 15