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151 Adaptation phénologique du pin d’Alep au changement climatique par Michel VENNETIER, François GIRARD, Cody DIDIER, Samira OUARMIM, Christian RIPERT, Laurent MISSON, Roland ESTEVE, Willy MARTIN et Aminata NDYAYE Introduction La phénologie, point clef de l’écologie des plantes La phénologie est la science ayant pour objet l’étude des phénomènes saisonniers qui marquent la vie des plantes et des animaux tout au long de l’année. Pour les plantes par exemple, il s’agit de l’apparition et de l’éclatement des bourgeons ; de la date de floraison ; des débuts et arrêts croissance des rameaux ; de l’apparition, du déploiement, du jau- nissement et de la chute des feuilles ; de la formation, des changements de couleur, de la maturité et de la chute des fruits, etc. Les hommes ont, sans doute depuis la nuit des temps et pour des questions de sur- vie lorsqu’ils étaient encore des chasseurs-cueilleurs nomades, fait la relation entre le climat et l’activité des plantes et animaux : arrivée ou départ des troupeaux d’herbivores, maturité des fruits à récolter, émer- gence des plantes médicinales. Mais ces relations ne sont pas toujours simples ni fiables sur le court terme : on sait bien qu’une hirondelle ne fait pas le printemps. C’est pourquoi le besoin d’observations régulières et sur le long terme, permettant de valider ou infirmer les savoirs populaires et de mieux comprendre ces relations, a émergé précoce- ment. Dès 1875-80, le Service de la Météorologie française, les services forestiers et des jardins botaniques ont ainsi mis en place des réseaux nationaux de suivi phénologique destiné à fournir des indices à mettre Face aux nouvelles menaces liées au changement climatique (stress hydrique, nouveaux ravageurs...) les arbres doivent mettre en place différentes stratégies pour s’adapter. Dans cet article, les auteurs nous présentent les résultats les plus récents en matière d’adaptation phénologique, en prenant pour objet d’étude le pin d’Alep. Ils constatent ainsi plusieurs perturbations dans les cycles de croissance de cette espèce. Observer et s’adapter au changement climatique en forêt méditerranéenne forêt méditerranéenne t. XXXII, n° 2, juin 2011

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Adaptation phénologiquedu pin d’Alep

au changement climatique

par Michel VENNETIER, François GIRARD, Cody DIDIER,Samira OUARMIM, Christian RIPERT, Laurent MISSON, Roland ESTEVE,

Willy MARTIN et Aminata NDYAYE

Introduction

La phénologie, point clef de l’écologiedes plantesLa phénologie est la science ayant pour objet l’étude des phénomènes

saisonniers qui marquent la vie des plantes et des animaux tout aulong de l’année. Pour les plantes par exemple, il s’agit de l’apparition etde l’éclatement des bourgeons ; de la date de floraison ; des débuts etarrêts croissance des rameaux ; de l’apparition, du déploiement, du jau-nissement et de la chute des feuilles ; de la formation, des changementsde couleur, de la maturité et de la chute des fruits, etc. Les hommesont, sans doute depuis la nuit des temps et pour des questions de sur-vie lorsqu’ils étaient encore des chasseurs-cueilleurs nomades, fait larelation entre le climat et l’activité des plantes et animaux : arrivée oudépart des troupeaux d’herbivores, maturité des fruits à récolter, émer-gence des plantes médicinales. Mais ces relations ne sont pas toujourssimples ni fiables sur le court terme : on sait bien qu’une hirondelle nefait pas le printemps. C’est pourquoi le besoin d’observations régulièreset sur le long terme, permettant de valider ou infirmer les savoirspopulaires et de mieux comprendre ces relations, a émergé précoce-ment. Dès 1875-80, le Service de la Météorologie française, les servicesforestiers et des jardins botaniques ont ainsi mis en place des réseauxnationaux de suivi phénologique destiné à fournir des indices à mettre

Face aux nouvelles menaces liéesau changement climatique(stress hydrique, nouveaux

ravageurs...) les arbres doiventmettre en place différentes

stratégies pour s’adapter.Dans cet article, les auteurs nous

présentent les résultats les plusrécents en matière d’adaptation

phénologique, en prenantpour objet d’étude le pin d’Alep.

Ils constatent ainsi plusieursperturbations dans les cyclesde croissance de cette espèce.

Observer et s’adapter au changement climatique en forêt méditerranéenne

forêt méditerranéenne t. XXXII, n° 2, juin 2011

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en relation avec les données météo. Cesréseaux ont malheureusement été abandon-nés au milieu du XXe siècle. Plus récemment,de nouveaux réseaux internationaux etnationaux ont été déployés dans le mêmeobjectif. En Allemagne par exemple, plus de6000 stations d’observations sont suiviescontinuellement depuis 1951. En France,l’ensemble des réseaux d’observation, géné-ralement récents (10 à 20 ans), ont étéregroupés en 2006 dans un réseau scienti-fique et complétés par un réseau populaire,l’Observatoire des saisons (CHUINE, 2005a)Si la phénologie des plantes est clairement

liée au climat (DIFFERT, 2001 ; LEBOURGEOISet al., 2008), cette relation dépend de l’es-pèce, de sa variabilité génétique et de sa sen-sibilité à différents facteurs météoro-logiques : ainsi, certaines espèces dépendentplus de la pluie, d’autres de la température,certaines sont plus sensibles aux limitesimposées par le froid en hiver ou par la cha-leur au printemps. Pour une espèce donnéecette dépendance thermique peut varier enfonction de sa situation par rapport auxlimites de son aire de répartition (MORIN etal., 2007). La phénologie est donc un élémentimportant de l’autécologie des espèces : elle aété à l’origine de nombreux essais d’amélio-ration génétique, par exemple pour sélection-ner des variétés ou provenances dont la datede débourrement printanier est la plus adap-tée aux probabilités de gels tardifs dans lesdifférentes régions. Sur le réseau d’observa-tion français RENECOFOR, LEBOURGEOIS etal. (2007) montrent les relations entre diffé-rentes variables climatiques et le comporte-ment des principales espèces françaises. Parexemple pour les chênaies, la saison de végé-tation est plus courte de 30 jours à l’est et aunord de la France qu’à l’ouest et dans le sud :le débourrement est retardé de 2 jours pardegré de longitude et le jaunissement inter-vient entre 5 et 10 jours plus tôt. La saisonde végétation du hêtre est plus courte de 20jours que celle du chêne sur les mêmes sites.Le débourrement des résineux retarde d’en-viron 1,5 jour par 100 m d’altitude et uneaugmentation de la température de 1°C enmars, se traduit par une précocité de 2 à 5jours. Un des exemples les plus connus desrelations climat/phénologie végétaleconcerne la maturité du raisin, traduite parla date des vendanges (DAUX et al., 2007),pour laquelle on dispose de chroniques conti-nues sur plusieurs centaines d’années,notamment en Bourgogne depuis 1370

(CHUINE, 2005b), et de nombreuses étudesrégionales depuis 50 à 100 ans. Cette date,qui avance de 10 jours par degré de tempéra-ture gagné entre avril et août, quelle que soitla région, fait partie des indicateurs officielssuivis par l’ONERC (Observatoire nationalsur les effets du réchauffement climatique).Le trophée de la plus longue chroniquerevient au suivi de la floraison du Prunus àKyoto (Japon) depuis le IXe siècle!L’allongement de la saison de végétation

avec le réchauffement climatique, par avancedu débourrement au printemps et retard dela fin d’activité ou de croissance, est évoquéecomme une cause possible et parfois impor-tante de l’accroissement de la productivitédes forêts au cours du XXe siècle(LEBOURGEOIS, 2005). Le pin d’Alep, qui esten France à la limite supérieure de son aire,n’échappe pas à cette règle (VILA et al.,2008). Sa croissance en hauteur a fortementaccéléré entre les années soixante et l’an2000 (VENNETIER et al., 1999).Mais cet allongement de la saison de végé-

tation n’est pas sans contreparties pour lasanté et la phénologie des plantes. Undémarrage très précoce au printemps aug-mente le risque de dégâts sur les jeunespousses en cas de gel tardif (MORIN et al.,2007). En cas de phénomène récurrent, cesdégâts peuvent rendre la régénération del’espèce difficile et donc limiter son aire effec-tive de répartition. De plus, les vitesses dedécalage du débourrement avec la tempéra-ture peuvent être très différentes d’uneespèce à l’autre et notamment entre végé-taux et animaux : les phases phénologiquesentre plantes et symbiotes ou parasites peu-vent ainsi se dissocier ou au contraire se syn-chroniser : floraison par rapport à la sortiedes pollinisateurs, déploiement des feuillespar rapport à l’éclosion de chenilles défolia-trices, etc. Il a été par exemple émis l’hypo-thèse que le développement épidémiquerécent du chancre à Crumelopsis sur pind’Alep (MARTINEZ, 2002) pouvait être lié auréchauffement du printemps qui favoriseraitle développement plus précoce de ce champi-gnon pathogène, à un moment où les condi-tions d’humidité et la fréquence des pluiessont plus élevées, donc plus favorables.Enfin, les températures élevées en hiver

peuvent avoir trois effets très négatifs sur ledébourrement et la croissance des végétaux.D’une part, beaucoup d’espèces ont besoind’une certaine quantité de froid en hiver(CHUINE et al., 1999) pour lever une dor-

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mance qui s’installe en automne. Cette dor-mance est nécessaire à la protection des tis-sus par grand froid. Le manque de froid peutainsi retarder le débourrement (FALUSI et al.,1996), ce qui contrebalance l’effet de tempé-ratures élevées au printemps qui a tendanceà l’accélérer. D’autre part, l’activité physiolo-gique hivernale induite par des tempéra-tures suffisamment douces oblige les arbresà mobiliser et utiliser des réserves, au prixd’une dépense d’énergie qui n’est pas com-pensée par la photosynthèse. Ces réserves nesont plus disponibles au printemps, ce quilimite la vigueur des arbres, et peut les fairepasser en dessous d’un seuil critique s’ilsétaient déjà affaiblis. Enfin, les alternancesde périodes froides et chaudes en hiver,conduisant à des à-coups dans l’activité phy-siologique, peut provoquer une cavitationdans les vaisseaux conducteurs (CRUIZIAT etal., 2002), qui bien que réversible peut limi-ter la circulation de la sève au débourre-ment, et donc retarder celui-ci.

Objectifs de l’étudeNotre étude a cherché à décrire en détail la

phénologie du pin d’Alep et sa variabilitéinterannuelle dans des placettes de forêtnaturelle et dans un dispositif expérimentaloù la pluviométrie est contrôlée, avec deuxobjectifs principaux : (1) d’une part définir etsituer temporellement les différentes phasesde croissance et de développement de ce pin,pour lequel les connaissances étaient trèslacunaires, et pour certains points inexis-tantes, (2), d’autre part comprendre les rela-tions entre le climat et cette phénologie, afinde mieux prédire les effets potentiels duchangement climatique.

Matériel et méthodes

Sites d’étudeLe site expérimental de Fontblanche (FB)

est installé dans la forêt du même nomappartenant au Département des Bouches-du-Rhône (Cf. Fig. 1). Il représente le biocli-mat moyen de la Provence, dans l’étageméso-méditerranéen. Les deux autres sitesd’étude ont été choisis pour représenter res-pectivement les étages thermo-méditerra-néen (Saint-Mitre-les-Remparts = SM), àbasse altitude et proche de la mer, et supra-méditerranéen (Siou-Blanc = SB), en limite

supérieure de l’aire du pin d’Alep. Les condi-tions stationnelles des trois sites sont trèsproches : pente faible (<5%), topographieplane, sol très caillouteux constitué d’unealtérite peu profonde (10-25 cm) sur desbancs de roches carbonatées dures mais fis-surées.Les caractéristiques géographiques et cli-

matiques de ces sites figurent dans letableau I. Leur peuplement commun estconstitué de bouquets de pins d’Alep (Pinushalepensis Mill.) de 55 à 60 ans, dominantun taillis de chêne vert (Quercus ilex L.) etun sous-étage bas de chêne kermès (Quercuscoccifera L.). S’y ajoutent à Fontblanche dela philaire à large feuille (Phillyrea latifolia

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Fig. 1 :Sites d’étude

Site Saint-Mitre Fontblanche Siou Blanc

Bioclimat méditerranéen Thermo Méso SupraAltitude (m) 120 400 600Pluie annuelle (mm)* 551 721 826Pluie d’été (juin-Août)* 65 87 102Température moyenne (ºC) 14.4 12.7 11.4Nombre de mois secs 3 2 1Hauteur des pins (55 ans) 12 13.5 15

* moyenne 1978 – 2008

Tab. I :Description des trois sitesd’étude

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L.) abondante et atteignant 2 à 4 m de haut,et quelques pins d’Alep plus âgés disséminés(90 à 120 ans). A Siou-Blanc, la philaire estaussi abondante et atteint 4 à 6 m, etquelques gros chênes blancs (Quercus pubes-censWilld.) sont disséminés dans le taillis dechêne vert qui est plus dense et plus hautque sur les autres sites.Le site de Fontblanche comprend 4 pla-

cettes expérimentales de 900 m! chacune(30x30m) : (1) une zone d’exclusion de 30%de la pluie à l’aide de gouttières suspenduesà une armature métallique, et qui évacuentl’eau hors de la placette ; (2) une zone com-portant les mêmes gouttières que l’exclusion,mais renversées afin de ne pas capter lapluie. Ce témoin permet de tenir compte del’effet microclimatique des gouttières sur lesous-bois et le sol, qui existe dansl’exclusion ; (3) une zone irriguée par asper-sion, recevant 30% de pluies supplémen-taires par rapport aux apports naturels auprintemps et en automne. L’irrigation s’ar-rête de fin juin à mi-août afin de respecter lasécheresse d’été naturelle du milieu méditer-ranéen ; (4) une zone témoin où aucun traite-ment n’est appliqué. L’exclusion et sontémoin à gouttière renversées a démarré endécembre 2008, l’irrigation en fin d’été 2008.

Suivi phénologiqueSur le site de Fontblanche, des échafau-

dages ont été montés jusqu’à 9-12 m de hau-teur en 2007-2008 dans les bouquets de pind’Alep et chêne vert afin d’accéder à la cimedes arbres. Les phases phénologiques ont étéobservées toutes les une à deux semaines duprintemps à l’automne, tous les mois enhiver. Ont été notées les phases des bour-geons terminaux et rameaux des branches,des floraisons mâle et femelle, de la fructifi-cation (cônes) et des aiguilles suivant le pro-tocole décrit dans le tableau II. Ces donnéesont été relevées sur 4 à 6 arbres par placette,

à raison de 2 à 5 branches par arbre en fonc-tion de leur accessibilité, soit 10 à 14branches par placette. Les branches ont étéchoisies en nombre égal dans les trois partiesdu houppier des arbres : haut, milieu et bas.Sur chaque branche, 5 rameaux ont été sui-vis : l’axe principal de la branche, et deuxpaires de rameaux secondaires âgées d’envi-ron 5 et 10 ans respectivement au momentde l’installation du dispositif (un rameau fortet un faible par paire).

Analyse rétrospectivedes branchesDeux types d’analyses de branches ont été

effectués sur les trois sites :– des modules comprenant les trois à qua-

tre dernières années de croissance ont étéprélevés dans la cime des arbres en situationensoleillée en février 2008, 2009 et 2010, afinde quantifier précisément la croissance et laproductivité annuelle des différents organes(taille, nombre et biomasse des aiguilles, desrameaux, des cônes) et mesurer le polycy-clisme, les ramifications, la durée de vie desaiguilles ;– des paires (côtés nord et sud du houp-

pier) de branches entières âgées de 15, 25 et35 ans ont été prélevées de 2005 à 2010 sur 7arbres par an à proximité immédiate des pla-cettes de Fontblanche et de 2008 à 2010 pourles deux autres sites, sur des arbres pous-sant dans des conditions identiques.L’analyse de la croissance passée de cesbranches sur 15 ans (nombre et longueur descycles par an, taux de ramification, taux defloraison mâle ou femelle, nombre, taille etdurée de vie d’aiguilles) a été effectuée àl’aide de marqueurs anatomiques : présencede ramifications, de cônes ou de leur pédon-cule, taille et forme des écailles sur les tiges,cicatrices d’aiguilles et de fleurs). Sur chaquebranche, cinq à sept axes ont été analysés :l’axe principal de la branche, deux paires

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Croissance des pousses/aiguilles Floraison mâle Floraison femelle

1 Dormance 1 Gonflement écailles 1 Apparition bouton floral2 Bourgeon terminal gonflé 2 Différenciation boutons floraux 2 Gonflement bouton floral3 Bourgeon terminal éclaté 3 Ouverture des fleurs mâles 3 Formation cônelet4 Début croissance (pas d’aiguilles) 4 Sénescence (chute des fleurs) 4 Maturation cônelet (couleur)5 Apparition des aiguilles6 Aiguilles jeunes déployées7 Aiguilles matures

Tab. II :Phases de développement

et de sénescence desorganes du pin d’Alep

Bourgeon terminal -pousses, Fleurs mâles,

femelles, cônes, chute desaiguilles

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d’axes secondaires âgés de 5 et 10 ans envi-ron, avec pour chaque paire un axe fort et unaxe faible. Sur quelques branches, des axestertiaires ont aussi été analysés (axes ter-tiaire de 5 ans sur l’axe secondaire fort de 10ans). En cas de doute sur l’âge d’un axe,d’autres rameaux latéraux ont été datés etles cernes de croissance vérifiés à différentsniveaux de l’axe.

Evolution climatiqueLa zone d’étude a connu de 1998 à 2007

une très nette hausse de températuremoyenne (1.1 à 1.4°C), accompagnée d’unebaisse significative des pluies de printemps(-18%) et d’été (-32%), par rapport à la nor-male des 30 ans précédents (Cf. Fig. 2). Lacanicule de 2003, qui a fortement endom-magé les arbres (VENNETIER et al., 2008) a deplus été suivie d’une série d’années extrême-ment sèches (2004-2007), où les pluies cumu-lées des 8 premiers mois de l’année n’ontjamais dépassé 50% du total normal. Cettesécheresse a culminé en 2007 avec 270 à310 mm sur l’année, ce qui en fait la 2e annéela plus sèche jamais enregistrée dans cettezone. Bien que les années 2008 et 2009 aientété plus arrosées globalement, la sécheresseestivale y a été forte et longue (4 mois).L’année 2010 a été plus favorable avec despluies moins abondantes mais bien répartiesjusqu’en juin et une très courte sécheressed’été.

RésultatsObservations sur les phasesd’activation des cyclesde croissanceLa différenciation de bourgeons latéraux

pointant sur le côté du bourgeon de l’axeprincipal est un signe fiable de la formationdans ce dernier d’un futur cycle de crois-sance, et d’un début de développement. Cestade peut se stabiliser durant plusieursmois si les conditions de croissance ne sontpas favorables (été, hiver ou sécheresse). Enabsence de ramification, il est moins facile dedéterminer la date de formation de ce cycle.Le gonflement du bourgeon et l’apparitiond’une portion de tige entre le bourgeon ter-minal et les ramifications à sa base, ou lesdernières aiguilles, témoignent du démar-

rage réel de la croissance. Si la pousse doitporter des fleurs mâles, le gonflement dubourgeon terminal commence par un épais-sissement des écailles de sa base, chacune deces écailles devenant progressivement unbouton floral différencié. Il n’y a alors pasd’espace libre à la base du cycle, les boutonsoccupant toute la longueur de la tige au furet à mesure de son allongement jusqu’à lafloraison.

Décalages phénologiqueset nombre de cyclesLa figure 3 montre le décalage observé au

cours des dernières années (2008-2010) dansles phases de croissance du pin d’Alep.D’après l’ensemble des flores et études

antérieures, le premier cycle de croissanceannuel démarre en février-mars (SERRE,1976). Ce démarrage a été récemmentobservé dès l’année précédente, entre fin

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Fig. 2 :Evolution de la pluieet de la températureà Fontblanche,en moyenne glissantesur 10 ans. L’annéeen abscisse correspondà la fin de la décennieconcernée.

Fig. 3 :Décalage phénologiquedes phases de croissancedes rameaux vigoureuxde pin d’Alep. En ligneépaisse, développementnormal avec bicyclismede printemps et cyclesupplémentaire en débutd’automne. En ligne fine,développement observéavec des hivers etautomnes très chauds(2009, 2010). Les chiffresindiquent les numéros decycles de croissance.

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novembre et mi-décembre. Cette premièrephase hivernale d’allongement est courte (dequelques millimètres à quelques centimè-tres) et lente. Suivant les années, elle a mar-qué ou non une pause en plein hiver (janvier-février) avant de reprendre une croissanceaccélérée en mars. En 2009 et 2010, la crois-sance hivernale s’est accompagnée de l’appa-rition très précoce de boutons floraux mâles.

La deuxième pousse commence son déve-loppement deux à trois semaines après lapremière au printemps (normalement finmars ou début avril). L’élongation des deuxcycles est ensuite simultanée. Elle se pour-suit jusqu’à être arrêtée par la sécheressed’été (fin juin). Au cours des dernièresannées, ce deuxième cycle a été très précoce.Souvent déjà apparent sur les bourgeons dupremier cycle dès l’hiver, il a commencé sondéveloppement entre mi et fin mars.

Une troisième pousse peut apparaître nor-malement en automne quand le printemps aété suffisamment arrosé, l’été pas trop sec etquand des orages ont réhumidifié le sol pré-cocement (fin août ou début septembre). Elledonne des aiguilles courtes et peu nom-breuses. Si les deux premières pousses sontprécoces et les conditions favorables, ce quis’est produit de 2008 à 2010 et dans la pla-cette irriguée, ce troisième cycle peut débu-ter dès le printemps entre mi-avril et juin.Sa croissance est d’autant plus forte qu’elledébute précocement et accompagne celle desdeux pousses précédentes. Dans ce cas, ellepeut marquer un temps d’arrêt en été etreprendre en automne. Ses aiguilles, bienque plus petites que celles des deux premierscycles (elles démarrent leur croissance plustardivement), sont cependant entièrementdéveloppées en automne car elles poursui-vent leur croissance en été. Si le troisièmecycle débute tardivement (juin) la poussereste faible (quelques centimètres) et s’arrêtedéfinitivement en été, avec des aiguilles trèscourtes et pas entièrement développées. Onne peut pas dans ce cas différencier a poste-riori un 3e cycle de printemps d’un cycle d’au-tomne. Un cycle d’automne peut apparaîtrecomme bicyclisme sur des pousses n’ayantréalisé qu’un cycle de printemps, mais c’estrare.

Un cycle très tardif et incomplet (pas d’ai-guilles) a été observé en 2009 et 2010 entreoctobre et début décembre, moins abondam-ment en 2008. Une particularité de ces cyclestardifs est qu’ils peuvent avoir deux compor-

tements différents : une partie d’entre euxs’arrête en décembre. Ils font alors générale-ment entre 5 et 20 mm de long, donnantnaissance à un nouveau bourgeon terminalqui se développera comme premier cycle duprintemps suivant ; d’autres, après unepause plus ou moins nette, reprennent leurcroissance directement comme premier cyclede printemps. Il est donc impossible, audémarrage d’un cycle tardif, de prédire s’ils’agit du dernier cycle de l’année en cours oudu premier de l’année suivante. En 2009 et2010 à Fontblanche, sur les axes principauxet sur les axes secondaires vigoureux desbranches, ce cycle tardif a concerné respecti-vement 50%, 80% et 100% des rameauxjusque-là monocycliques, bicycliques et tricy-cliques. Dans ce dernier cas, on aboutit fina-lement à du quadricyclisme. En 2009, un casde branche portant 5 cycles, dont un tardif aété mesuré dans notre échantillon. Ce typede comportement a été observé simultané-ment dans la cime des arbres mesurés, surles axes principaux du tronc et des branchesles plus élevées et vigoureuses. Le quatrièmecycle était déjà apparu fin juin (quelquesmillimètres) et il a fini sa croissance endébut d’automne, avant l’apparition tardivedu cinquième cycle en novembre. Ce derniercycle est dans ce cas plus long (20-40 mm),en rapport avec la vigueur des axes concer-nés. Quelques cas de quadricyclisme tardifsur des branches vigoureuses ont donné lieuà l’apparition de deux cônes successifs auprintemps : l’un sur le cycle tardif ayantdébuté sa croissance l’année précédente, l’au-tre sur le cycle s’étant allongé seulement auprintemps mais déjà formé l’année précé-dente (bourgeons latéraux différenciés).Nous avons noté en 2008 et 2009 que cer-

tains rameaux ayant produit des fleursmâles au printemps ont fait un polycyclismetardif en automne.

Apparition hivernaledes fleurs mâlesLe climat particulièrement chaud des der-

niers automnes a provoqué l’apparition et ledéveloppement des boutons floraux mâlesdes pins en plein hiver : janvier 2009 pour lafloraison d’avril 2009 et décembre 2009 pourla floraison de 2010. En décembre 2009, lesboutons étaient déjà bien gonflés (diamètrede 1 à 3 mm). En février 2008, ces boutonsn’étaient pas développés. Des boutons flo-

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raux étaient déjà apparus mi-décembre 2010dans la placette irrigation, et une activitédes bourgeons terminaux semblant préparerces boutons floraux (gonflement à la base)était observée à la même date dans les pla-cettes témoin, à un degré beaucoup moindredans l’exclusion. Fin janvier 2011, les bou-tons floraux étaient pleinement développésdans la placette irriguée, avec une croissanceavancée des pousses (5-15 mm), et ils étaientdifférenciés et en cours de gonflement dansles autres placettes.La floraison mâle a été de plus en plus

abondante entre 2007 et 2010, en proportionde rameaux fleuri comme en nombre defleurs par rameau traduit par la longueur dela zone fleurie. Elle est passée de 20-30% desrameaux et 2 à 5 mm de longueur à 60-70%et 8-15 mm. Le gain en pourcentage s’est faità la fois en multipliant les rameaux fleurissur chaque branche du milieu et du bas duhouppier, et en remontant de plus en plushaut dans le houppier. L’exclusion a forte-ment réduit ce taux de floraison qui a atteint38% en 2009, comme le témoin, mais estretombée à 35 % en 2010. L’irrigation a aug-menté le taux de floraison mâle qui a atteint63% et 15 mm dès 2009 et s’y est maintenuen 2010.

Mortalité de branches,rameaux et cônesUn fort taux d’avortement de branches et

rameaux a été noté depuis 2003.Une partie de ces mortalités sont directe-

ment liés à l’affaiblissement des arbres aucours de la période 2003-2007 : elles ont étésurtout estivales ou automnales et ont tou-ché les rameaux faibles et les branchesbasses, notamment celles qui avaient été for-tement pliées par une neige lourde en 2001.Elles se sont accélérées depuis 2008 sur lesbranches basses, commençant par un jaunis-sement généralisé en fin de printemps.Une autre partie a touché les axes princi-

paux vigoureux du milieu ou du haut duhouppier qui ont donné des cônes. Ces axesont fortement ralenti leur croissance derrièreles cônes, au point de perdre leur dominanceet même fréquemment de mourir, le tauxd’avortement des cônes eux-mêmes (50-80%)ayant été très élevé. La mortalité des jeunescônes a baissé depuis 2008, tout en restantsignificative (20-40%).

Enfin, la mortalité est parfois directementliée à la multiplication de cycles très tardifset même hivernaux. Une partie de cespousses actives en hiver a été détruite parles rares coups de gel, et une autre par deschampignons au printemps, sans doute enraison de lésions tissulaires.

Chute des aiguillesAu cours des années d’observation détail-

lée (2007-2010), un jaunissement quasi-géné-ralisé des aiguilles de 2 ans s’est produit enjuillet, suivi de leur chute en juillet-août. Surdes rameaux faibles, environ 20% desaiguilles ont survécu un an de plus, excep-tionnellement quelques-unes sur desrameaux forts. Uniquement sur les rameauxfaibles, 5% des aiguilles ont survécu 4 ans.

Effets de l’irrigationet de l’exclusion de pluie(Cf. Fig. 4 et 5)L’exclusion a eu des effets sur la phénolo-

gie au bout d’un an environ et l’irrigation dèsle premier automne, ces effets s’étant accen-tués en deuxième année.La placette exclusion présente en 2009 un

retard déjà significatif dans les dates dedébourrement (15-30 jours) et d’apparitiondes aiguilles (10 à 15 jours) et dans le déve-loppement printanier, d’autant plus marquéque les rameaux sont faibles. Une avance du

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Photo 1 :Les gouttières retournéessur la zone témoin : cetémoin permet de tenircompte de l’effet micro-climatique des gouttièressur le sous-bois et le sol,qui existe dans l’exclusionPhoto DA

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même ordre est observée sur l’arrêt d’activitéen automne. Au printemps 2010, une majo-rité des branches vigoureuses et principalesde l’exclusion a plus de 30 jours de retard surle débourrement et 15 jours sur le développe-ment des aiguilles, ce débourrement s’éta-lant sur près de 4 mois. Sur les axes faibles,peu de pousses ont débourré avant mars, soitdéjà 3 mois de retard par rapport au témoin,et beaucoup n’ont commencé leur croissancequ’en avril. Sur les deuxièmes cycles appa-rus au printemps, la moitié ont arrêté leurcroissance après quelques millimètres etn’ont développé une pousse et des aiguilles

très petites qu’en juin, ou même pour untiers d’entre elles en automne.

Dans la placette irriguée, il n’y a pasd’avance significative au débourrement parrapport au témoin fin 2008 pour 2009, et il ya même un petit retard fin 2009 pour lesfutures pousses 2010 sur les axes forts etprincipaux. Ce retard est dû au fait que lespousses de la placette irriguée ont souventfait un cycle supplémentaire d’automne dontla croissance s’est terminée plus tard que ledernier cycle 2009 du témoin. En revanche,ce retard a été très rattrapé dès fin décem-bre.

Dans la placette d’exclusion, les cyclesapparus dans l’été et ayant poussé enautomne ont souvent repris leur croissancecomme premier cycle de printemps,presqu’aucun de ces cycles n’ayant été dou-blé par un cycle tardif. Dans l’irrigation aucontraire, et plus que dans le témoin, lesdeuxièmes ou troisièmes cycles apparus enfin de printemps ou en été et ayant achevéleur croissance en automne, ont donné nais-sance à un cycle tardif entre fin septembre etdécembre, ce dernier ayant poursuivi sacroissance comme premier cycle de prin-temps.

Dans la placette à gouttières renversées, iln’y pas eu pour 2009 de débourrement hiver-nal fin 2008, contrairement au témoin et àl’irrigation. L’allongement n’a commencé quedébut mars mais de façon très groupée surtous les axes. Fin 2009, ce débourrementanticipant la pousse de 2010 a été enmoyenne plus tardif par rapport au témoinet plus étalé dans le temps, un tiers des axesne débourrant qu’en mars 2010. Les axes fai-bles ont tous débourré très tardivement enmars 2010 mais, là encore, de façon trèsgroupée.

En 2010, le polycyclisme a été plus précoce(8-15 jours) et deux fois plus fréquent auprintemps dans l’irrigation que dans letémoin. Le polycyclisme tardif a été un peuplus abondant (+10%) que dans le témoin, ila démarré 15 jours plus tôt et a donné despousses deux fois plus longues en moyenne(15 mm au lieu de 7 mm). A l’opposé dansl’exclusion, les cycles sont moins nombreux,apparaissent plus tardivement (10-15 jours)et ont une durée d’activité réduite quelle quesoit la saison. Le polycyclisme reste à desniveaux très faibles avec les gouttières ren-versées et apparaît au printemps avec 15jours de retard sur le témoin.

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Observer et s’adapter au changement climatique en forêt méditerranéenne

Fig. 4 :Élongation des unités de croissance du pin d’Alep pour les années 2009 et 2010 dansles quatre placettes expérimentales de Font-Blanche. Les périodes de floraison mâle etde sécheresses estivales sont représentées par des bandes grises. Les lignes continuesreprésentent les périodes de croissance active, les lignes discontinues représentent les

périodes de croissance ralentie, tandis que les points représentent le début de la sai-son de croissance. Lorsqu’il y a deux phases indiquées pour le même cycle, c’est quesuivant les branches le cycle a été soit précoce (printanier) soit plus tardif (estival ouautomnal). En 2010, en raison de pluies abondante jusque fin juin, une croissance

active a été observée exceptionnellement durant l’été.

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Effet du gradient climatiquele long du transectD’après l’analyse rétrospective de branches

sur les 15 dernières années (Cf. Fig. 6), letaux de polycyclisme a diminué fortement àSaint-Mitre et un peu moins à Fontblanche.C’est au cours de la difficile période 2004-2007 que le phénomène s’est accentué, mêmes’il semble avoir commencé un peu avant àFontblanche. Dans le même temps, ce taux alégèrement augmenté à Siou-Blanc, essen-tiellement depuis 2003.Des cas de quadricyclisme long (30-60 mm)

et portant parfois les cicatrices d’aiguilles,ont été notés dans l’analyse des branches surles trois sites d’étude (Cf. Tab. III). La fré-quence de ces événements est très variabled’une année à l’autre : ils concernent enmoyenne 5% des axes principaux desbranches de Saint-Mitre et Siou-Blanc dansles années 95-99 (de 0% à 12% maximum).Par la suite et jusqu’en 2008, ce taux tombetrès bas, dès 2000 pour Siou-Blanc, et à par-tir de 2004 pour Saint-Mitre. Fontblanchesuit un chemin inverse : le taux de quadricy-clisme apparent est très faible ou nuljusqu’en 2005 (moyenne 0,5%, maxi 1%) etaugmente ensuite régulièrement de 2006 à2008, respectivement 2%, 4%, 10%.

Favoriser l’adaptation ou créer une nouvelle forêt ?Fig. 5 (ci-contre) :Précocité et intensité dudébourrement en fonc-tion du traitement.T = témoin,E = exclusion de pluie,R = gouttières renversées,I = irrigation,Sec. = rameausecondaire.Le gris clair, moyen etfoncé et le noir corres-pondent respectivementà 4 classes de pourcen-tages de débourrementde 1 à 50%, 50 à 80%,81 à 99% et 100%.

Tricyclisme Quadricyclisme

SM FB SB SM FB SB

1995-99 33.4% 28.9% 28.0% 5.2% 0.7% 4.6%2000-03 20.0% 25.0% 4.1% 5.4% 0.4% 0.8%2004-08 10.5% 13.3% 10.3% 1.1% 2.5% 0.2%

2007 7.7% 8.6% 3.3% 0.0% 5.7% 0.0%2008 21.4% 14.7% 16.7% 0.0% 11.8% 0.0%2009 31.3% 35.3% 6.3% 12.5% 5.9% 0.0%

Tab. III :Evolution du tri et quadricyclisme

dans les trois sites d’étude par périodes

Fig. 6 (ci-dessus) :Evolution du tauxde polycyclismedans les trois sitesd’étude de 1995 à 2008,en moyenne glissantesur 3 ans.

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A partir des modules prélevés sur la cimedes arbres, on observe une reprise irrégu-lière du quadricyclisme depuis 2007 à Saint-Mitre et Fontblanche, mais pas à Siou-Blanc. Mais la moitié de ces cas récents sontdes cycles très courts (<10 mm), qui n’au-raient pas été lisibles sur des rameaux deplus de 10 ans.Les tendances pour le tricyclisme sont

indiquées dans le tableau III. Les tendancessont à la baisse entre 1995 et 2007 pour lestrois sites, mais plus tardivement pourFontblanche. Une forte reprise est ensuiteobservée de 2007 à 2009 à Saint-Mitre etFontblanche, mais pas à Siou-Blanc.Comme pour le quadricyclisme, le taux de

troisièmes cycles tardifs de petite taille aug-mente fortement dans les dernières années,par rapport à des troisièmes cycles longs etporteurs d’aiguilles plus fréquents précédem-ment.

Discussion

Les effets de la températureL’absence de recul sur la phénologie du pin

d’Alep ne permet pas d’espérer voir une ten-dance temporelle dans les dates de débourre-ment ou de floraison. Sur les échantillons depin d’Alep de l’herbier de l’Université deProvence, tous ramassés avec des boutonsfloraux bien développés entre 1834 et 1921,les dates de récolte varient du 5 au 30 avril,ce qui concorde avec nos observations surFontblanche où la pleine floraison s’est pro-duite dans la deuxième moitié d’avril de2008 à 2010. L’avancement du débourrementou de la floraison pour la plupart des espècesvégétales étant de l’ordre de une à deuxsemaines sur les 4 à 5 dernières décennies,soit du même ordre de grandeur que lavariation interannuelle, il faudra des obser-vations longues pour tirer des conclusions.Comme le froid est un facteur limitant

principal de la croissance du pin d’Alep(DEVAUX et al., 1978 ; RIPERT et al., 2001), onpeut cependant imaginer qu’au cours des 50dernières années la date de débourrement auprintemps et de floraison ait avancé signifi-cativement. La facilité avec laquelle le pind’Alep semble tirer parti de périodes chaudesen hiver, comme nous l’avons constaté dansce travail, plaide pour cette hypothèse. De

même, les études dendroécologiques sur lepin d’Alep (RATHGEBER, 2002 ; RATHGEBER etal., 2005 ; VILA et al., 2003) montrent que destempératures élevées en février sont corré-lées à des cernes de croissance larges,témoins du démarrage précoce de l’activitécambiale allongeant la saison de végétationprintanière.Mais par rapport à des espèces monocy-

cliques ou décidues, le polycyclisme du pind’Alep complique les interactions entre crois-sance et climat. En effet, ce n’est plus sim-plement au printemps que se joue le débour-rement : si les premiers cycles annuelsapparaissent dès le début de l’hiver, ce n’estpas que la précocité des printemps, maisaussi la longévité des automnes, qui en est lacause. La conjonction de ces deux décalagespermet au pin d’Alep une croissance poten-tiellement continue sur toute l’année. Mêmesi elle est ralentie en hiver, cette croissanceest significative sur les axes principaux etvigoureux : elle peut atteindre plusieurs cen-timètres entre novembre et février, et on avu qu’elle aboutissait au développementavancé des boutons floraux. A notre connais-sance, une telle activité hivernale n’avait pasété décrite chez le pin d’Alep ni d’autres pinsméditerranéens en milieu naturel. PARDOS etal. (2003) avaient observé une croissancedébutant en janvier sur 15% de branches depin d’Alep greffés en verger à graines irriguétoute l’année dans le sud de l’Espagne. On sesituait donc dans des conditions pluschaudes (15,4°C de température moyenneannuelle) que celles de Provence et en milieutotalement artificialisé. Dans ce verger, laplupart des croissances débutaient en févrierou mars et toutes se terminaient entre mi etfin octobre. Des cycles tardifs de faible lon-gueur (1-2 cm) étaient apparus sur certainsclones, mais les plus tardifs dès fin août. Lesboutons floraux mâles étaient déjà repéra-bles fin janvier, indiquant une apparitionprécoce, mais ne se sont développés qu’enmars. Une floraison ou une croissance endécembre n’auraient pas pu échapper à l’ob-servation dans ce dispositif suivi continuelle-ment.Si un cycle tardif s’est arrêté en hiver et

est resté très court, il n’est détectable dansl’anatomie de la branche que pendantquelques années après sa formation. Mêmesi ce cycle tardif et le précédent ont produitdes axes latéraux, ces derniers se confon-dront en un même verticille avec leur crois-sance en diamètre. Si la pousse qui a

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démarré en fin d’année [n-1] a poursuivi sacroissance tardive au printemps de l’année[n], elle sera a posteriori classée comme pre-mière pousse de l’année [n]. On ne peut doncpas affirmer que le phénomène de croissancehivernale soit nouveau, car il a pu passerinaperçu dans le passé, et s’il s’est produitdans les années 90, il n’a pas pu être détectédans notre analyse rétrospective desbranches.

Le pin d’Alep n’est pas le seul concerné parl’apparition d’une croissance hivernale.Durant l’hiver 2010, nous avons noté de telspolycyclismes tardifs courts chez le pin mari-time, lui-même polycyclique, mais aussi chezdeux espèces réputées monocycliques à l’âgeadulte : le pin sylvestre et le pin pignon.

L’activité hivernale du pin d’Alep a eu desconséquences négatives sur sa croissance :malgré l’intérêt des cycles tardifs pouraccroître le nombre de ramification, et doncla future surface foliaire potentielle, les avor-tements par dégâts de gel et attaques parasi-taires sur ces jeunes pousses ont fait perdreun temps précieux au printemps, obligeant àrepartir sur des axes inférieurs et moinsvigoureux. Il s’agit de plus d’un gaspillage deressources. Si ces dégâts ont été malgré toutrelativement supportables car disséminés aucours des 10 dernières années, et limités à lacime des arbres, il n’en serait sans doute pasde même en cas de gel exceptionnel. En1956, les plus gros dégâts ont été observéssur des arbres qui étaient en plein débourre-ment début février après une fin d’hiver tropchaude (DEVAUX et al., 1978). Un tel incident,ou même un froid identique à celui de 1985en janvier, décimerait sans doute les houp-piers des pins couverts de jeunes pousses enactivité. Il détruirait peut-être totalement lafloraison mâle si les boutons étaient à unstade avancé de gonflement, comme observéde 2009 à 2011.

Le démarrage très précoce de la croissanceau printemps permet durant les bonnesannées de faire un cycle supplémentaireavant l’été. On a vu ainsi de nombreusespousses vigoureuses du témoin et même desaxes secondaires dans la placette irriguéeproduire un troisième cycle dès juin et mêmeun cas de quadricyclisme démarré fin juin en2009. Chaque cycle supplémentaire accroitnon seulement la longueur des axes, donc lacroissance en hauteur, mais aussi le nombrede ramifications, et donc la surface foliairepotentielle produite les années suivantes. En

absence de stress hydrique majeur, leréchauffement est donc favorable à la crois-sance du pin d’Alep. L’apparition d’un poly-cyclisme d’automne fréquent sur lesrameaux ayant donné des fleurs mâles auprintemps est aussi une surprise relative, lephénomène n’ayant pas été décrit jusque-là.On peut penser que ce phénomène est lié à lafloraison massive observée récemment, quiconcerne non seulement des rameaux faibleset branches basses mais aussi des brancheset rameaux relativement vigoureux jusqu’enhaut des houppiers, ces derniers étant plusenclins au polycyclisme (GIRARD et al., 2010).Cette floraison mâle pléthorique est sansdoute liée à l’affaiblissement global desarbres après la longue période de sécheresse,combiné avec le léger mieux ressenti depuis2008. Cette amélioration, tout en permettantun investissement important dans la repro-duction, est encore insuffisante pour pro-duire de grandes quantités de fleursfemelles.

Effet des précipitationsLes sécheresses d’été longues et dures

retardent le développement des cycles d’au-tomne, comme le montre la baisse du polycy-clisme et notamment du tri et quadricy-clisme au cours des années difficiles de 2003à 2007 à Saint-Mitre et Siou-Blanc et lesrésultats de la placette d’exclusion de pluie.

Favoriser l’adaptation ou créer une nouvelle forêt ?

Photo 2 :Michel Vennetier(Cemagref) explique, surle site de Fontblanche,les différentes phases decroissance d’un rameaude pin d’Alep.(AG de ForêtMéditerranéenne,octobre 2009)Photo DA

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Même lorsque ces cycles apparaissent en finde printemps, leur croissance ne démarrealors qu’en octobre et seulement à conditionsque les températures soient suffisammentélevées. Le réchauffement des automnesdepuis 1998 leur permet de s’allonger maispas d’achever leur développement faute detemps. Dans l’irrigation, leur croissance aété stoppée précocement par rapport autémoin. Bien que produisant des ramifica-tions, ces pousses ne portent pas d’aiguilles.L’investissement de la plante n’est donc pasentièrement rentabilisé, d’autant que cespousses tardives peuvent être endommagéespar l’hiver. La légère amélioration du polycy-clisme à Siou-Blanc depuis 2003 semble indi-quer qu’au dessus de 600 m d’altitude, où lesexcès de température ont été limités, le défi-cit pluviométrique a eu moins de consé-quence sur la phénologie. Cependant, l’étudedes autres paramètres de croissance et d’ar-chitecture à Siou-Blanc indique clairementque les arbres ont fortement réduit leurcroissance et leur développement, notam-ment l’allongement des branches, le nombrede ramification et le nombre d’aiguilles for-mées par année (DIDIER, 2010). Le pin d’Alepn’a donc nulle part en Provence échappé auxdégâts causés par l’élévation de températurecombinée à des sécheresses répétées.Des précipitations limitées diminuent donc

significativement la longueur de la saison devégétation, qui démarre plus tard et se ter-mine plus tôt. Le développement des cyclesde croissance (notamment des aiguilles) estlui-même ralenti et retardé. Des pluies abon-dantes et une sécheresse limitée en été ontl’effet inverse, comme le montre la placetteirriguée.L’exclusion de pluie a considérablement

étalé dans le temps les différentes phasesphénologiques, et en particulier le débourre-ment et en partie le développement desaiguilles. Ce phénomène est visible entrerameaux de même vigueur. Il est encore plusfort entre rameaux forts et rameaux faibles ;ces derniers ayant parfois un à deux mois deretard sur les pousses vigoureuses. En 2010,de nombreux rameaux faibles n’ont mêmepas du tout terminé au printemps le dévelop-pement de leur premier cycle, et jamais,même en automne, celui d’un éventueldeuxième cycle. L’arbre en déficit de res-source semble donc favoriser les rameaux lesplus vigoureux en sacrifiant les plus faibles.Cela pourrait expliquer la forte mortalité derameaux faibles et branches basses observée

dans l’ensemble des placettes entre 2008 et2010, qui sont sans doute une conséquencedu déficit hydrique prolongé des années pré-cédentes.Le microclimat créé par les gouttières ren-

versées a produit l’effet inverse en homogé-néisant les périodes de débourrement etdéveloppement, tout en retardant le débour-rement. L’homogénéisation peut être uneréponse à l’accroissement de la disponibilitéde l’eau dans le sol dû à la réduction de l’éva-poration, et le retard de débourrement uneréponse au microclimat plus frais créé parles gouttières, qui a pu ralentir au printempsl’activité biologique du sol, et donc desracines.

Interactionpluies-températureIl y a une forte interaction entre pluie et

températures dans la réponse du pin d’Alepau changement climatique. Des pluies abon-dantes accroissent l’effet favorable de lahausse des températures, en permettant unecroissance prolongée donnant des cycles sup-plémentaires au printemps et en automne.Inversement, des pluies limitées ou simple-ment normales combinées avec une haussede température accentuent fortement lestress hydrique estival, qui se traduit parune croissance et un nombre de cyclesréduits. Or les scénarios climatiques prédi-sent unanimement pour la région méditerra-néenne une augmentation très importantede la température couplée à une baisse desprécipitations (HESSELBJERG-CHRISTIANSEN etal., 2007). L’épisode 1998-2007, et particuliè-rement la période 2003-2007, où la tempéra-ture a dépassé de plus de 1°C la moyennedes 30 années précédentes, et où la pluie aété très déficitaire, étaient une bonne répéti-tion générale, et sans doute encore assez clé-mente, du climat qui attend le pin d’Alep enProvence au milieu du XXIe siècle. Lesdégâts à l’ensemble de l’écosystème, et auxarbres en particulier, ont été considérables(GIRARD et al., 2010 ; VENNETIER et al.,2010a ; VENNETIER et al., 2010b ; VENNETIERet al., 2010c). Il est donc probable qu’aprèsune accélération de sa croissance au XXe siè-cle, le pin d’Alep subira une inversion decette tendance dans les décennies à venir. Laphénologie confirme ainsi ce que prédisentles modèles dendroécologiques (VENNETIER etal., 2006).

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Observer et s’adapter au changement climatique en forêt méditerranéenne

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Morphogénèse des cyclesde croissanceLa multiplication des cycles de croissance

durant une année donnée pose la question dela morphogénèse de ces cycles. En effet, lafloraison du premier cycle est prédéterminéedans le bourgeon terminal qui lui donneranaissance (CANNELL et al., 1976). Mais l’ar-bre ne peut anticiper au débourrement, ni enfin d’été, le nombre de cycle qu’il pourradévelopper durant une année sur un rameaudéterminé. Cela dépend fortement du climatde cette année. Il est donc vraisemblable quece sont les conditions combinées de tempéra-ture et de durée du jour en automne quiinduisent la formation du cycle florifère dansle bourgeon terminal. Il n’est pas possiblequ’un tel cycle transmette cette capacité defloraison au suivant s’il devait être utiliséprécocement. C’est sans doute ce quiexplique les floraisons mâles hivernalesrécentes : les cycles anatomiquement pro-grammés pour le printemps (LANNER, 1976)se sont développés dans le bourgeon termi-nal en automne, mais les températures anor-malement élevées de novembre et décembreet la photopériode mimant les conditions defin d’hiver ont provoqué le débourrementprématuré de ces cycles. Le cas de floraisonfemelle sur deux pousses successives auprintemps pourrait avoir la même explica-tion : induction d’une première fleur femellesur un cycle programmé en automne pour leprintemps suivant mais dont la croissance adémarré immédiatement, suivie par l’induc-tion d’une deuxième fleur sur le cycle pré-formé dans le bourgeon terminal en décem-bre.La complexité des interactions entre for-

mation anatomique des cycles dans le bour-geon terminal et prédestination de ces cyclespar les conditions externes peut, quant àelle, expliquer le destin différent des cyclesd’automne : certains arrêtent définitivementleur croissance pour donner naissance à unnouveau cycle, d’autres marquent juste unarrêt ou un ralentissement avant de redé-marrer au printemps. Pour les premiers, ilpeut s’agir de bourgeons terminaux conte-nant deux cycles potentiels formés en débutd’été ou fin de printemps, et dont le plusancien sera destiné à l’automne et le plusrécent configuré pour le printemps suivant.Le deuxième cas est plus difficile à expli-quer. Il pourrait s’agir de cycles peu vigou-reux que les températures trop hautes ne

conduisent pas à s’arrêter et ni à prépareren l’automne le cycle printanier suivant.Logiquement, ces pousses ne devraient pasporter de fleurs mâles. Ce comportementouvre la voie à un dérèglement potentiel dela phénologie. Une observation au micro-scope de l’anatomie interne des bourgeonsterminaux de rameaux ayant des comporte-ments différents permettrait de déterminerle nombre de cycles préprogrammés àchaque saison. On connaitrait mieux ainsi laplasticité potentielle et l’adaptation du poly-cyclisme du pin d’Alep au changement cli-matique.

Conclusion

Au niveau de la phénologie, le réchauffe-ment climatique se traduit chez le pin d’Alepessentiellement par quatre phénomènes liés :(1) un décalage temporel du démarrage et dudéveloppement des cycles de croissance nor-maux qui, à cause de températures élevées,peuvent être au printemps de plus en plusprécoces et en automne de plus en plus tar-difs ; (2) l’apparition de cycles supplémen-taires très tardif en novembre ou décembre,qui pour la plupart poursuivront leur déve-loppement comme premier cycle de prin-temps l’année suivante ; (3) un retard audéveloppement des cycles d’automnes àcause de stress hydriques et thermiquesexcessifs ou prolongés en été, ces cycles n’ar-rivant pas à terminer leur développementavant l’hiver, et restant sans aiguilles ; (4)une activité de croissance significative enhiver, allant jusqu’au développement desboutons floraux dès décembre.Un accroissement du déficit hydrique

pousse les arbres à favoriser les axes domi-nants dans l’accès aux ressources, au détri-ment des plus faibles, étalant le débourre-ment sur une plus longue durée. Unaccroissement des pluies semblent homogé-néiser la phénologie au sein du houppier, ladifférence entre rameaux forts et faiblesétant moins importante.

RemerciementsLes auteurs remercient Frédéric Faure-Brac,

Asier Herrero et Maël Grauer, stagiaires qui ontcontribué à la récolte et aux analyses de données,

Favoriser l’adaptation ou créer une nouvelle forêt ?

Michel VENNETIER 1-2

François GIRARD 1

Cody DIDIER 1

Samira OUARMIM 1-3

Christian RIPERT 1

Laurent MISSON 4

Roland ESTEVE 1

Willy MARTIN 1

Aminata NDYAYE 1

(1) GR EcosystèmesMéditerranéens etRisques, Cemagref,Aix en Provence

(2) Fédération derecherche ECCOREV,Aix-en-Provence

(3) UQUAT- Universitédu Québec en Abitibi-Témiscamingue

(4) Centre d’EcologieFonctionnelle etEvolutive (CEFE),CNRS, Montpellier

Mél :[email protected]

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ainsi que Régine Verlaque et Bruno Vila, respon-sables de l’herbier de l’Université de Provence quiont mis à disposition les collections d’échantillonsanciens de pin d’Alep. Ces travaux ont été finan-cés par l’Agence Nationale de la Recherche (projetDROUGHT+, n° ANR-06-VULN-003-04), leministère de l’Ecologie et du Développementdurable (AO GICC, projet REFORME, n° MEEDD4E CV05000007), le Conseil général desBouches-du-Rhône (CG13), la Fédération derecherche ECCOREV (FR3098) et le Cemagref.

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Observer et s’adapter au changement climatique en forêt méditerranéenne

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Favoriser l’adaptation ou créer une nouvelle forêt ?

Résumé

La phénologie du pin d’Alep a été observée de façon continue de 2007 à 2010 sur un dispositif expé-rimental situé dans le domaine départemental de Fontblanche (Bouches-du-Rhône). Des mesures decroissance ont été effectuées annuellement le long d’un transect altitudinal allant de 80 m sur la côte(Saint-Mitre, Bouches-du-Rhône) jusqu’à 650 m (Siou-Blanc, Var). Le dispositif de Fonblanche com-prend une zone d’exclusion permanente de 30% des précipitations, une zone irriguée au printempset en automne et deux zones témoins, pour simuler les effets du changement climatique sur la pluvio-métrie. Le réchauffement climatique en cours se traduit par d’importantes modifications phénolo-giques, et notamment des variations du polycyclisme. De 2008 à 2010, le pin d’Alep à Fontblanche amontré une activité quasiment ininterrompue sur toute l’année : le premier cycle de croissance printa-nier a ainsi démarré dès les mois de novembre ou décembre de l’année précédente, au lieu de février-mars. En 2009 et 2010, l’apparition des boutons floraux mâles a été observée en décembre, soit avec1 à 2 mois d’avance, phénomène qui n’avait jamais été mentionné. En raison d’automnes chauds, descycles de croissance très tardifs sont apparus en octobre ou début novembre, conduisant à despousses inachevées, sans aiguilles ou portant des aiguilles très petites. La fréquence de ce phénomènesemble avoir augmenté dans les 10 dernières années. Il a conduit à de nombreux avortements depousses mal lignifiées suite à des dégâts de gel ou de champignons en hiver. L’exclusion de pluie adiminué le nombre annuel de cycles de croissance des pousses et la durée de ces cycles. Elle a aussidiminué la vitesse de croissance des aiguilles. L’irrigation a augmenté le nombre et la durée des cycles,qui ont été plus précoces. Elle a permis une croissance active et continue des aiguilles et d’une partiedes pousses en été. L’analyse rétrospective sur 15 ans de nombreuses branches le long du transect apermis de quantifier l’évolution temporelle du polycyclisme. Elle montre que la phénologie estcontrainte à la fois par la longueur et la précocité de la sécheresse d’été, et aux plus hautes altitudespar le froid qui limite la durée de la saison de végétation. Le changement climatique joue de façonopposée sur ces deux contraintes.Mots clefs : phénologie, pin d’Alep, changement climatique, polycyclisme, croissance, floraison,aiguilles, exclusion de pluie, irrigation

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Observer et s’adapter au changement climatique en forêt méditerranéenne

forêt méditerranéenne t. XXXII, n° 2, juin 2011

Phenological adaptation of the Aleppo pine to climate change

The phenological phases of the Aleppo pine were observed weekly from 2007 until 2010 in experimen-tal plots in the Fontblanche forest (Bouches-du-Rhône, S.-E. France) and along an altitudinal transectfrom 80 m on the coast up to 650 m. The Fontblanche experiment includes a permanent rain exclusionplot (-30 %), a plot irrigated in spring and autumn and two control plots, to simulate the effects of cli-mate change on rainfall. The current ongoing climate warming has induced important phenologicalmodifications. From 2008 until 2010, the Aleppo pine in Fontblanche showed almost continuous activ-ity throughout the year: the first growth cycle of spring, usually in February-March, began in Novemberor December of the previous year. In 2009 and 2010, the development of male floral buds wasobserved in December, 2 - 3 months too early, which had never been mentioned. Because of warmautumns, very late growth cycles appeared in October or the beginning of November, leading to unfin-ished shoots, carrying either no or only very small needles. The frequency of this phenomenon seems tohave increased in the last 10 years. It has led to the abortion of numerous shoots which were insuffi-ciently lignified following damage by frost or fungus in winter. The rain exclusion reduced the annualnumber of shoot growth cycles as well as the duration of these cycles. It also slowed down the length-ening of needles. Irrigation increased the number and the length of cycles which also started earlier. Itenabled the active, continuous growth of needles and of part of the shoots in summer. A 15-year ret-rospective branch analysis along the transect made it possible to quantify the evolution of polycyclism.It showed that phenology is forced by the length and the earliness of the summer drought and, at thehighest altitude, by cold which limits the duration of the growth season. Climate change results in theopposite effect in modifying these two constraints.

key words: Phenology; Pinus halepensis; climate change; polycyclism; growth; flowering; needles; rainexclusion; irrigation

Adattamento fenologico del pino d’Aleppo al cambiamento climatico

La fenologia del pino d’Aleppo è stata osservata in modo continuo dal 2007 al 2010 su un dispositivosperimentale situato nel demanio dipartimentale di Fontblanche (Bocche de Rodano). Misure di crescitasono state effettuate annualmente lungo un transetto altitudinale andando di 80 m sulla costa (Saint-Mitre, Bocche del Rodano) fino a 650 m (Siou-Blanc, Var). Il dispositivo di Fontblanche racchiude unazona di esclusione permanente di 30 % dei precipitazioni, una zona irrigata alla primavera e in autunnoe due zone campioni, per simulare gli effetti del cambiamento sulla pluviometria. Il riscaldamento cli-matico in corso si tradusce da importanti modifiche fenologiche, e in particolare variazioni del polici-clismo. Dal 2008 al 2010, il pino d’Aleppo di Fontblanche ha mostrato un’attività quasi ininterrottatutto l’anno : il primo ciclo di crescita primaverile è così incominciato fino i mesi di novembre o dicem-bre dell’anno precedente, invece di febbraio-marzo, sia con 1 a 2 mesi d’anticipo. Nel 2009 e 2010, lacomparsa dei boccioli maschi è stata osservata in dicembre, sia con 1 a 2 mesi d’anticipo, fenomenoche non è stato mai menzionato. In ragione di autunni caldi, cicli di crescita molto tardivi sono apparsiin ottobre o inizio di novembre, conducendo a germogli incompiuti, senza aghi o portando aghi picco-lissimi. La frequenza di questo fenomeno sembra di avere aumentato nei 10 ultimi anni. Ha condotto anumerosi aborti di germogli male legnificati in seguito a danni di gelo o di funghi in inverno.L’esclusione di pioggia ha ridotto il numero annuale dei cicli di crescita dei germogli e la durata dei cicli.Ha anche ridotto la velocità di crescita degli aghi. L’irrigazione ha aumentato il numero e la durata deicicli, che sono stati più precoci. Ha permesso una crescita attiva e continua degli aghi e di una parte deigermogli in estate. L’analisi retrospettiva su 15 anni di numerose branche lungo il transetto ha per-messo di quantificare l’evoluzione temporale del policiclismo. Mostra che la fenologia è costrintacontemporaneamente dalla lunghezza e dalla precocità della seccità estiva, e alle altitudini più alte dalfreddo che limita la durata della stagione di vegetazione. Il cambiamento climatico gioca in modoopposto su queste due costrizioni.

Parole chiavi : fenologia, pino d’Aleppo, cambiamento climatico, policiclismo, fioritura, aghi, esclusionedi pioggia, irrigazione.

Riassunto

Summary