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1 TraAM DOC 2015-2016 Académies d’Orléans-Tours et de Reims / Compte-rendu d’expérience « Comment s’informent les adolescents ? »
Comment s’informent les adolescents ?
Synthèse des travaux menés dans le cadre des TraAM Documentation 2015/2016 Caroline Vernay
[email protected] (collège Saint-Exupéry, Saint-Jean de Braye, académie d’Orléans-Tours)
Estelle Labille-El hadhiq [email protected]
(collège Côte Legris, Epernay, académie de Reims)
1. Genèse du projet Lors de la publication du thème TraAM-documentation en juin 2015, chacune de son côté a de suite pensé à réaliser un sondage dans son établissement afin de voir comment les collégiens s’informent en 2016. Le contexte dans nos collèges y est favorable : il existe dans chaque établissement un club-journal et, même si nous n’en sommes toutes les deux pas directement responsables, s’appuyer sur cette structure permet à la fois d’avoir des apprentis journalistes intéressés pour interroger des élèves, d’exploiter les résultats et de publier des articles récapitulatifs dans les journaux scolaires de nos deux établissements. Après un premier contact fin octobre, nous avons décidé toutes les deux d'impulser le sondage. Au départ en effet nous prévoyions de faire écrire le sondage par les élèves. Cependant, afin de ne pas prendre de retard dans le projet et vu nos emplois du temps très chargés, nous avons préféré partir d’une trame commune, la proposer à nos élèves qui l’ont ensuite retravaillée avec nous. Ainsi, certaines questions n’étaient pas comprises, et ce d’autant plus que les élèves volontaires des clubs-journaux avec lesquels nous avons travaillé étaient majoritairement en 6e. Le questionnaire initial a ensuite été soumis à nos différents groupes TraAM académiques, qui nous ont proposé quelques changements ou ont modifié certaines formulations. Après un “mini-débat” dans nos différents groupes afin de savoir s’il fallait commencer par demander le niveau de l’élève interrogé, le questionnaire a été finalisé à la fin du mois de janvier. Mis à disposition sur les ENT des différents établissements des collègues participants aux deux groupes TraAM, ainsi que sur le blog du groupe TraAM d'Orléans-Tours (InfoDocLab : https://surfonsdoc.wordpress.com/), il a permis d'interroger un large panel d’élèves, à la fois
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collégiens et lycéens. Dans l'académie d'Orléans-Tours, le sondage a été relayé auprès de tous les professeurs-documentalistes à l'occasion de la Semaine de la Presse 2016.
2. Objectifs pédagogiques
L’objectif principal de ce travail est de mieux cerner les besoins et les connaissances des élèves afin d’adapter nos séances pédagogiques en éducation aux médias. Il s’agit ensuite de mieux connaître leurs pratiques afin de leur montrer quelles en sont les limites et de les former à être de futurs citoyens responsables, en développant leur esprit critique. L’idée était également de soumettre leurs représentations et leurs usages au regard de professionnels des médias (journalistes notamment), en leur demandant de réagir par rapport à ces représentations.
3. Le sondage
Le sondage a été proposé aux élèves sous la forme d’un “Google form”, disponible à l’adresse suivante : http://bit.ly/1UN7Rws https://surfonsdoc.wordpress.com/
4. Les résultats Notre sondage, intitulé « comment je m'informe ? » et disponible en ligne, a recueilli, entre
janvier et avril 2016 490 réponses (56,4% de collégiens / 43,6% de lycéens).
(Certains questionnaires ont été complétés directement en ligne, d'autres sur papier quand les apprentis
journalistes des établissements engagés sont allés interroger eux-mêmes leurs camarades – dans ce cas les
réponses ont été enregistrées ensuite en ligne).
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L'actualité est pour nos élèves constituée d'événements proches ou lointains (80,4%), mais
aussi culturelle (45,4%), et ceux qui ont répondu se disent intéressés par elle (seuls 2,6% ne se
disent pas du tout intéressés et plus de 80% cherchent à s'informer au moins une fois par
semaine à une fois par jour).
Nos élèves utilisent en grande majorité des écrans pour s’informer. Si la télévision garde une
place importante, Internet via l'ordinateur, le smartphone ou la tablette apparaît comme un
outil essentiel dans les pratiques des adolescents interrogés. Plus précisément, les réseaux
sociaux sont cités comme la source principale d'information via Internet (52,6%), devant
Google Actualités (15,3%), les sites de chaînes télé ou radio (14%) et les sites de la presse
papier (13,1% tout de même). Cependant ces réseaux sociaux servent plus à consulter
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l'information qu'à la commenter (60% des élèves interrogés disent ne jamais commenter
l'actualité, 29,9% la commentent sur un réseau social et 3,8% sur un site d'information).
Parmi les journaux cités par les élèves figurent à part égale des titres de PQR (presse
quotidienne régionale) et des titres de la presse nationale (Le Monde, Le Figaro, Charlie Hebdo,
Le Point, Libération sont les plus fréquemment cités), ainsi que quelques titres de presse
jeunesse.
La plupart des radios citées sont des radios musicales, et figurent dans une proportion non
négligeable tout de même les chaînes généralistes (Europe 1, RMC, les chaînes du groupe Radio
France).
Pour ce qui est des chaînes de télévision, TF1 et BFMTV arrivent largement en tête.
60,9% des élèves interrogés affirment que l'information d'actualité n'est pas écrite
uniquement par des journalistes, et 61% pensent qu'il y a des différences entre ce qui est écrit
dans le journal et la réalité (tandis que 27,8% disent ne jamais lire de journal). Cette prudence
(ou défiance ?) au sujet des informations relayées est encore plus grande pour les autres
médias. Ceux qui pensent qu'il y a des différences avec la réalité sont, pour :
la radio : 63,2%
la télévision : 75,7%
Internet : 77,4%
réseaux sociaux : 72,4%
Mais 95,3% des élèves interrogés affirment qu'il est important de suivre l'actualité.
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Une autre analyse des résultats est proposée par Alexis Hajdukiewicz, de l’académie d’Orléans-Tours, dans l’infographie suivante :
https://magic.piktochart.com/output/13017595-traam-doc_resultats-bruts-enquete
Afin d’avoir des résultats plus « locaux », des sondages identiques ont été réalisés pour chacun
de nos deux collèges. Les réponses des élèves ont alors été directement enregistrées par nos
soins dans Google form. On notera que les résultats pour nos collèges sont quasi-similaires à
ceux du sondage réalisé à plus grande échelle.
5. L’avis des journalistes
Suite à ce sondage, nous avons interrogé des professionnels de l’information afin de recueillir
leur avis sur ces résultats.
Le 29 mars 2016, Mme Stéphanie Gruss, responsable d’édition du journal L’Union–Epernay,
est venue au collège Côte Legris répondre aux questions des élèves sur ce sondage. Elle s’est
dit rassurée sur le fait que les jeunes soient intéressés par l’actualité. En ce qui concerne les
moyens utilisés pour s’informer et le constat qu’une majorité d’adolescents utilisent
uniquement des écrans pour s’informer, elle a expliqué que le journal développait son site
web, sa page Facebook et était présent sur Twitter. Afin d’intéresser un maximum les jeunes,
le journal essaie également de multiplier les articles sur leurs sujets de prédilection, mais pour
l’instant, les études sur le lectorat montrent effectivement que les jeunes ne lisent pas L’Union.
Elle espère qu’en étant davantage présent sur les réseaux sociaux, la tendance finira par
s’inverser.
Sur le fait que plus de la moitié des jeunes pensent qu’il y a des différences entre ce qui est dit
dans le journal et la réalité, elle affirme que c’est un grand mythe et qu’il faut sans cesse
expliquer que la liberté de la presse est une réalité en France. Si certains journaux peuvent
subir des pressions, eux, à L’Union, disent ne rien cacher. Toutes les informations reçues sont
vérifiées et la journaliste s’est montrée très attachée à cette déontologie.
Enfin, sur le fait que la moitié des élèves aient répondu qu’ils avaient été trop informés à
propos des attentats de novembre 2015, elle répond que c’est aux gens de se prendre en main,
de choisir leurs informations, leurs médias et d’avoir une analyse critique sur ce qui est diffusé.
En mai 2016 ont eu lieu des échanges par mail entre Stéphanie Cachinero, journaliste à la
République du Centre, et les élèves de l'atelier journal du collège Saint-Exupéry. Elle s'est
beaucoup attachée, dans une réponse développée (voir document joint), à expliciter le
cheminement de l'information et le rôle du journaliste dans la vérification de cette
information.
A la question de savoir comment les jeunes peuvent distinguer ce qui est vrai de ce qui est faux
dans les informations trouvées sur les réseaux sociaux, elle répond que tout dépend de la
6 TraAM DOC 2015-2016 Académies d’Orléans-Tours et de Reims / Compte-rendu d’expérience « Comment s’informent les adolescents ? »
source : « Si tu suis sur FB ou Twitter Le Monde, Libé..., bref tous les organes de presse, tu
auras la garantie d'une information vérifiée. Après, s'il s'agit de rumeurs retwittées par un peu
tout le monde, tu devras prendre les informations avec méfiance, c'est à dire ne pas les
considérer comme une « vérité vraie », mais comme quelque chose qui agite les réseaux
sociaux. De là, tu pourras te dire, « peut-être se passe-t-il quelque chose ». Et en cherchant sur
le Net tu pourras peut-être trouver des journalistes qui auront traité le sujet et qui auront
vérifié les propos, dires ou rumeurs. »
Les élèves lui demandent comment faire pour inciter les jeunes à lire les informations dans le
journal papier et non sur Internet... Elle défend le modèle traditionnel de la presse : « Acheter
le journal est aussi une façon de soutenir la presse et permettre à un organe de presse de
dégager des bénéfices qui serviront, entre autres, à payer les journalistes. Car donner de
l'information est un vrai métier qui prend du temps pour la vérifier, pour confronter les points
de vue... », sans omettre cependant les difficultés réelles que traverse la presse actuellement,
sur papier ou sur Internet d'ailleurs, et sans opposer les deux modèles : « Il existe aussi des
blogs de journalistes qui te garantissent de lire des articles réalisés selon une démarche
journalistique (information vérifiée, reportages sur le terrain...). Tu peux donc lire des articles
tout à fait sérieux sur le Net. »
A la question de la vérification des informations, elle donne une réponse logique : « En
fonction des sujets, les interlocuteurs ne sont pas les mêmes. Mais comme je te l'ai expliqué
tout à l'heure, l'idéal est de multiplier les sources, croiser les dires de différents interlocuteurs
sur un même sujet. » Et elle éclaire ce propos par un exemple concret pour lequel elle met en
évidence les différentes sources vers lesquelles se tourner, et la spécificité de chacune.
Enfin, à la question du choix des informations à diffuser, elle répond en rappelant le rôle de la
conférence de rédaction et en dressant une rapide typologie des informations publiées par un
journal local : « Il existe plusieurs types de sujets : ceux imposés par la hiérarchie, les
incontournables de l'agenda (une visite de ministre, une conférence de presse à la préfecture,
les élections...) et les sujets d'initiative, proposés par les journalistes. Les idées peuvent venir :
- d'un communiqué de presse sur une thématique intéressante et qui mériterait d'être
développée. - en discutant avec les gens sur le terrain (des citoyens, les responsables d'association, des professeurs,
des médecins)
- en fouillant sur le Net
- en se baladant. »
6. Prolongation du projet : les travaux des élèves
Afin d’alimenter ce travail, les élèves des clubs-journaux ont écrit des articles :
Celui du collège Saint-Exupéry : http://clg-saint-exupery-st-jean-de-braye.tice.ac-orleans-
tours.fr/php5/
Ceux du collège Côte Legris : https://madmagz.com/fr/magazine/676334#/page/6 en mars
2016 et https://madmagz.com/fr/magazine/755271#/page/2 en juin 2016.
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7. Évaluation du projet
Quelques difficultés ont été rencontrées au cours du projet :
- la jeunesse des élèves concernés par l'atelier journal (6e en majorité, bien que les autres
niveaux aient été concernés – notamment 4e pour le collège Saint-Exupéry) induit une certaine
difficulté à approfondir le sujet, tant dans la rédaction du questionnaire que dans les échanges
avec les journalistes.
- il a été particulièrement difficile de nouer des contacts fructueux avec les professionnels dans
l'académie d'Orléans-Tours : plusieurs journalistes, de télévision, de radio, ou de la rédaction
web de la PQR, ont été approchés sans suite (nombreuses relances infructueuses qui ont
gaspillé beaucoup d'énergie).
- le fait de travailler en partenariat avec les collègues responsables des ateliers-journaux a aussi
ralenti le projet, car la concertation prend toujours du temps et le fait de ne pas voir les élèves
en direct nuit à l'efficacité d'ensemble. Ainsi, pour le collège Saint-Exupéry, la piste des tweets
au cours du projet a été abandonnée (le compte Twitter du collège a bien été créé et utilisé
par d'autres élèves dans le cadre d'autres projets, mais le retard pris dans les contacts avec les
journalistes, ainsi qu'une posture un peu dubitative des enseignantes responsables de l'atelier
journal, n'ont pas permis de passer au stade de l'écriture de tweets par les apprentis
journalistes).
Cependant, des points forts sont à souligner :
- le fait de travailler sur un même projet dans deux académies différentes a été très stimulant :
avoir réellement les mêmes questions, les mêmes besoins, pouvoir avancer ensemble en
nourrissant la réflexion commune a été un vrai plus. Le projet s'est nourri de nos échanges à
deux, mais également des allers-retours de ces échanges avec chacune des équipes TraAM des
deux académies. Ce qui a permis également un déploiement du sondage à une échelle
beaucoup plus conséquente que si nous l'avions menée chacune à notre échelle.
- le thème de travail était en prise avec les interrogations partagées par tous les acteurs du
projet : professeurs-documentalistes en premier lieu, mais aussi professeurs partenaires,
élèves, et journalistes. L'intérêt de chacun a donc été facile à susciter.
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Annexe 1
Rencontre avec Mme Stéphanie Gruss, responsable
d’édition de L’Union-Epernay
Mardi 29 mars 2016
Questions posées par Lola et Léna (6e3) qui ont travaillé sur la manière dont les jeunes s’informent
dans le cadre du club-journal du collège.
Léna : D’après notre sondage, beaucoup de jeunes s’informent tous les jours ; ils sont donc intéressés
par l’actualité. 90 % des collégiens de Côte Legris trouvent également important de s’informer. Que
cela vous inspire-t-il ? Est-ce rassurant pour vous ?
Stéphanie Gruss : Cela me rassure, le fait que les jeunes aient envie de s’informer, c’est bien. On ne
peut pas vivre en vase clos ; c’est important de savoir ce qui se passe autour de chez soi et ailleurs. On
peut alors se rendre compte des répercussions d’un événement sur d’autres plus locaux. Je trouve que
c’est donc plutôt une bonne chose. Après, ce qui m’intéresse, c’est de savoir comment les collégiens
s’informent et ce qu’ils recherchent comme informations. Est-ce qu’ils recherchent des informations
locales ou des informations concernant les stars, etc…
Lola : On constate que tous les collégiens sans exception s’informent avec des écrans (télévision,
tablette, ordinateur, smartphone…) : ne pensez-vous pas qu’il faudrait privilégier les articles sur
Internet ?
S. G : Si, justement, c’est pour cela que nous avons un site web et que l’objectif est de le développer.
On est aussi sur les réseaux sociaux. Le journal L’union a une page facebook qui est alimentée par des
journalistes au siège à Reims. Ils gèrent aussi le site web du journal. Et nous-mêmes on est sur twitter :
chaque fois qu’il y a une manifestation, systématiquement on prend une photo et on met quelques
mots sur twitter. Les articles forts du journal sont également retweetés ; par exemple aujourd’hui, la
page sur les répercussions économiques du rallye des vins de Champagne, je l’ai mise sur twitter. On a
également fait une vidéo sur le montage d’Holiday on ice et on l’a mise sur twitter. On essaie de
proposer aussi des articles un peu différents sur le site Internet. Par exemple, ces vidéos
impressionnantes sur le montage de la glace pour le spectacle d’Holiday on ice de ce soir, on peut aussi
les voir sur le site. C’est important parce qu’il n’y a pas que les jeunes qui sont sur les écrans, les
personnes d’un certain âge aussi ; on le sait d’après les études qui ont été réalisées donc le but c’est
de renforcer le site web et de proposer des articles différents sur ce site et sur les réseaux sociaux aussi
parce qu’on s’est rendu compte que plein de lecteurs s’informent via les réseaux sociaux et notamment
via facebook.
Léna : On constate aussi que sur 21 élèves interrogés, tous connaissent L’Union mais aucun ne
le lit. Cela vous semble-t-il logique ?
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S. G. : C’est notre interrogation aussi parce que si les jeunes ne lisent pas le journal aujourd’hui
ils ne vont pas se mettre à le lire dans 20 ans. Ce sont des interrogations et on essaie justement
avec les interviews d’artistes par exemple de les intéresser. On avait même les mercredis à un
moment donné fait une page spéciale pour les enfants avec des jeux et des articles vraiment
didactiques ; cela n’a pas non plus été très concluant donc c’est notre challenge, comment
justement attirer les jeunes, comment les inciter à lire le journal. Peut-être qu’en étant plus
sur les réseaux sociaux, cela va nous amener des lecteurs ; c’est une des pistes évoquées mais
on n’a pas de solution miracle. Après, c’est à vous aussi de dire ce que vous aimeriez voir dans
le journal et ce qui vous intéresse.
Elève de 6e : Comment savez-vous qui lit le journal ?
S. G. : On a des études lecteurs très régulièrement et on sait exactement qui nous lit. On a des
courbes avec l’âge des lecteurs, leurs catégories socio professionnelles, là où ils habitent, les
thèmes qui sont les plus lus. On a aussi des comparaisons avec les années précédentes. Tout
cela on le sait et on sait donc que les jeunes ne font pas partie de notre lectorat.
Lola : Sur les 21 élèves interrogés, la moitié pense qu’il y a des différences entre ce qui est dit dans un journal et la réalité et 6 ne lisent jamais de journaux : cela n’est-il pas inquiétant pour l’avenir de votre métier ? S. G. : C’est un grand mythe ! La liberté de la presse existe, c’est une réalité. Notre journal fait partie d’un groupe dans lequel il n’y pas de politique. Il n’y a pas non plus d’industriels. C’est un groupe familial et il n’y a personne au-dessus de moi pour me dire ce que j’ai le droit de dire ou non. On est là pour informer, pour dire ce qu’il se passe. Après, c’est vrai qu’on peut avoir des pressions ; parfois des élus n’ont pas envie que telle ou telle information paraisse dans le journal mais notre rôle c’est justement de les publier et les élus ne sont les rédacteurs en chef du journal L’union. Nous on ne cache rien ; toutes les infos que l’on a, on les vérifie et on les donne au public ; c’est notre travail quotidien et on s’y attache. C’est un fantasme de croire cela mais ce n’est pas la réalité. Léna : A propos des attentats de novembre dernier, la moitié des élèves pensent qu’ils ont été trop informés : qu’en pensez-vous ? S. G : C’est vrai qu’il y a eu les chaînes d’info en continu avec des éditions spéciales un peu partout. Mais c’est aussi aux personnes à se prendre en main : est-ce que pour être bien in-formé, c’est utile de rester une après-midi complète devant sa télé à regarder en boucle BFM télé ? C’est à vous de choisir votre information ; rien ne vous oblige à regarder en boucle votre télé et après de mettre la radio et ensuite de lire le journal. C’est à vous de choisir votre média en fonction de ce qui vous correspond le mieux puis de faire le tri et de prendre du recul, d’avoir une analyse critique par rapport à ce qui est diffusé. C’est important.
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Annexe 2
Echanges avec Mme Stéphanie Cachinero, journaliste de La
République du Centre
Questions posées par Gwendal (4e) qui a travaillé sur la manière dont les jeunes s’informent dans le
cadre de l’atelier-journal du collège.
1- Comment pouvons-nous (les jeunes) différencier ce qui est vrai de ce qui est faux sur les informations
qui sont publiées sur les réseaux sociaux ?
Tout dépend de la source. Si tu suis sur FB ou Twitter Le Monde, Libé..., bref tous les organes de presse,
tu auras la garantie d'une information vérifiée. Après, s'il s'agit de rumeurs retwittées par un peu tout
le monde, tu devras prendre les informations avec méfiance, c'est à dire ne pas les considérer comme
une « vérité vraie », mais comme quelque chose qui agite les réseaux sociaux. De là, tu pourras te dire,
« peut-être se passe-t-il quelque chose ». Et en cherchant sur le Net tu pourras peut-être trouver des
journalistes qui auront traité le sujet et qui auront vérifié les propos, dires ou rumeurs. A plus petite
échelle, si tu vois passer une information concernant ton collège, tu pourras mener ton enquête
journalistique en diversifiant tes sources (au moins deux), en interrogeant les élèves (première source)
et un prof (deuxième source), la direction de ton collège (troisième source)...
2- Que proposeriez-vous pour que les jeunes lisent les informations sur les journaux au lieu de les lire
sur le Net ?
Lire les informations sur le journal, c'est acheter le journal et donc faire un actes citoyen. Acheter le
journal est aussi une façon de soutenir la presse et permettre à un organe de presse de dégager des
bénéfices qui serviront, entre autres, à payer les journalistes. Car donner de l'information est un vrai
métier qui prend du temps pour la vérifier, pour confronter les points de vue... Après, il ne faut pas se
leurrer, la presse écrite ne va pas bien, les gens achètent de moins en moins le journal papier. C'est un
fait, et les organes de presse doivent composer avec cet état de fait. Raison pour laquelle la quasi
totalité des journaux dispose d'un site Web, développe des applications pour Iphone et Androïde,
marque leur présence sur les réseaux sociaux qu'il s'agisse de FB, Twitter et même Snapchat.
Il existe aussi des blogs de journalistes qui te garantissent de lire des articles réalisés selon une
démarche journalistique (information vérifiée, reportages sur le terrain...). Tu peux donc lire des
articles tout à fait sérieux sur le Net. Les organes de presse réfléchissent à un moyen d'inciter les
lecteurs à payer pour lire cette information diffusée sur le Net, afin de rémunérer le travail du
journaliste, des webmasters... Bref pour faire tourner une rédaction.
3-Comment vérifiez-vous les informations que vous nous transmettez ?
Mon travail consiste justement à vérifier l'information. En fonction des sujets, les interlocuteurs ne sont
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pas les mêmes. Mais comme je te l'ai expliqué tout à l'heure, l'idéal est de multiplier les sources, croiser
les dires de différents interlocuteurs sur un même sujet. Un exemple sera plus parlant. Imaginons un
sujet concernant la pollution d'une rivière. Sur le terrain, tu pourras déjà être une première source : tu
iras sur place, tu verras peut-être des poissons le ventre en l'air, une pellicule étrange sur la surface de
l'eau, autant de faits que tu pourras rapporter dans ton article et qui démontrent qu'il y a quelque
chose d'anormal. Une seconde source sera aussi le maire de la ville ou le village où s'est produite cette
pollution, dans la mesure où cet événement concerne le territoire qu'il administre. Une troisième
source pourra être constituée par les riverains qui habitent à proximité de la pollution. Au fil de ton
enquête, des gens te diront peut-être que la pollution vient de telle entreprise. Là, tu la joindras en lui
disant, on vous impute cette pollution, qu'en est-il ? Tu pourras aussi tenter de joindre des associations
de protection de la nature qui ont pignon sur rue, comme par exemple Loiret nature environnement.
Et plus tu auras de sources, plus tu pourras comprendre ce qui s'est passé. Le travail du journaliste est
de comprendre (sans jamais prendre position) et raconter les faits ; les expliquer en s'appuyant sur
l'analyse d'expert. Dans notre cas de figure, un agent de l'Office national de l'eau et des milieux
aquatique (police de l'eau) pourra sans doute t'expliquer les conséquences sur les poissons d'une telle
pollution.
Après, pour un reportage sur une manifestation, comme celle du 1er mai, tu seras une fois de plus ta
première source (les slogans que tu entends, les drapeaux des organisations syndicales que tu verras...).
Les manifestants lambda en seront une autre, les responsables syndicaux, encore une autre, les forces
de l'ordre...
4- Comment choisissez-vous les informations que vous publiez ?
Le choix se fait en conférence de rédaction le matin. Il existe plusieurs types de sujets : ceux imposés
par la hiérarchie, les incontournables de l'agenda (une visite de ministre, une conférence de presse à
la préfecture, les élections...) et les sujets d'initiative, proposés par les journalistes. Les idées peuvent
venir : -d'un communiqué de presse sur une thématique intéressante et qui mériterait d'être
développée.
-en discutant avec les gens sur le terrain (des citoyens, les responsables d'association, des
professeurs, des médecins)
-en fouillant sur le Net
-en se baladant (imaginons que tu te balades un jour en bord de Loire et tu te rends compte que
des moutons sont là. Tu observes les alentours, tu trouves un petit écriteau qui indique qu'il s'agit d'une
opération financée par le conseil départemental, tu te demandes si on en a déjà parlé dans le journal.
Si ce n'est pas le cas et que tu estimes que le sujet peut intéresser le lecteur, tu le proposes en
conférence de rédaction. Là, on te dit oui, c'est bingo. Ou non et le sujet ne sera pas traité).
Les exemples que je t'ai donnés servent simplement à mieux te faire comprendre les choses car le
journalisme est un métier mal connu en réalité. D'ailleurs, il y a pleins de facettes de mon travail que
je n'ai pas abordé ici, comme la mise en page, la relecture, la gestion des correspondants...