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745 Ann Dermatol Venereol 2006;133:745-7 Éditorial Optimiser sa formation médicale continue J.-M. BONNETBLANC ne fois quittés les bancs de la Faculté et l’apprentissage dans les services, suivi parfois de premières armes dans le remplacement, tout médecin ressent le besoin de formation complémentaire, qui est aussi une obligation déontologique. Cette formation est maintenant inscrite dans la loi, mais la formation médicale continue (FMC) classique ne résume plus à elle seule la méthodologie adéquate. Le médecin est depuis longtemps acteur mais connaît-il bien et par là même utilise-t-il tous les moyens mis à sa disposition ? Je propose des pistes pour optimiser sa FMC, et aider aussi les formateurs à être pertinents dans leurs choix et leurs programmes. Quels sont les moyens que nous utilisons pour progresser ? La consultation est le premier moyen de formation. Devant un problème diagnostique ou thérapeutique posé par un malade nous activons nos réseaux de mémoire et aboutissons à un résultat. Si celui-ci n’est pas satisfaisant, nous faisons appel à d’autres sources, en général livre, revue ou internet. La consultation de Pubmed ® lorsque le malade est en consultation peut-être utile comme aide au diagnostic et/ou comme source de formation. La lecture d’une source bibliographique se rapportant au problème est aussi un moyen de se former et d’approfondir. Ce problème peut aussi être l’occasion d’une discussion avec un ou des collègues. Enfin, la FMC classique au cours de soirées ou de congrès (Journées Dermatologiques de Paris, Journées Nationales Provinciales de Dermatologie…) est un bon moyen de formation parce que, dans un environnement convivial, une question est abordée plus à fond, avec la possibilité, qui devrait être une règle, d’interactivité. Utilisons-nous tous les moyens ? L’acte diagnostique résulte de l’activation en mémoire de réseaux de connaissances appropriées. Le dermatologue a un puissant moyen de diagnostic qui est l’œil [1, 2]. L’apprentissage visuel est capital, et rapidement acquis [3]. Il est un outil du raisonnement non-analytique ou du raisonnement par « patron » qui fait que la reconnaissance d’un aspect déjà enregistré en mémoire court-circuite l’analyse habituelle des signes et symptômes et permet de ne retenir qu’une hypothèse diagnostique forte, voire d’un seul diagnostic. L’œil analyse aussi puissamment le typique et l’atypique, le similaire et le différent. Dans l’organisation d’une FMC, il n’est pas rare que lorsque le nombre de sujets est insuffisant, voire lorsque les organisateurs veulent un expert particulier, un sujet soit proposé directement aux orateurs. Or le choix des sujets devrait reposer sur des besoins, dont il existe quatre types. Les besoins ressentis ne doivent pas être seulement ceux de l’orateur. En tant qu’universitaire, je connais mal les besoins des E-mail : jean-marie.bonnet- [email protected] Tirés à part : J.-M. BONNETBLANC, à l’adresse ci-dessus. Université de Limoges, Faculté de Médecine, 2, rue du Dr Marcland, 87031 Limoges Cedex. U

Optimiser sa formation médicale continue

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Ann Dermatol Venereol2006;133:745-7

Éditorial Optimiser sa formation médicale continueJ.-M. BONNETBLANC

ne fois quittés les bancs de la Faculté et l’apprentissage dans les services,

suivi parfois de premières armes dans le remplacement, tout médecin

ressent le besoin de formation complémentaire, qui est aussi une obligation

déontologique. Cette formation est maintenant inscrite dans la loi, mais la formation

médicale continue (FMC) classique ne résume plus à elle seule la méthodologie

adéquate. Le médecin est depuis longtemps acteur mais connaît-il bien et par là

même utilise-t-il tous les moyens mis à sa disposition ? Je propose des pistes pour

optimiser sa FMC, et aider aussi les formateurs à être pertinents dans leurs choix et

leurs programmes.

Quels sont les moyens que nous utilisons pour progresser ?

La consultation est le premier moyen de formation. Devant un problème

diagnostique ou thérapeutique posé par un malade nous activons nos réseaux de

mémoire et aboutissons à un résultat. Si celui-ci n’est pas satisfaisant, nous faisons

appel à d’autres sources, en général livre, revue ou internet. La consultation de

Pubmed® lorsque le malade est en consultation peut-être utile comme aide au

diagnostic et/ou comme source de formation. La lecture d’une source

bibliographique se rapportant au problème est aussi un moyen de se former et

d’approfondir. Ce problème peut aussi être l’occasion d’une discussion avec un ou

des collègues. Enfin, la FMC classique au cours de soirées ou de congrès (Journées

Dermatologiques de Paris, Journées Nationales Provinciales de Dermatologie…) est

un bon moyen de formation parce que, dans un environnement convivial, une

question est abordée plus à fond, avec la possibilité, qui devrait être une règle,

d’interactivité.

Utilisons-nous tous les moyens ?

L’acte diagnostique résulte de l’activation en mémoire de réseaux de connaissances

appropriées. Le dermatologue a un puissant moyen de diagnostic qui est l’œil [1, 2].

L’apprentissage visuel est capital, et rapidement acquis [3]. Il est un outil du

raisonnement non-analytique ou du raisonnement par « patron » qui fait que la

reconnaissance d’un aspect déjà enregistré en mémoire court-circuite l’analyse

habituelle des signes et symptômes et permet de ne retenir qu’une hypothèse

diagnostique forte, voire d’un seul diagnostic. L’œil analyse aussi puissamment le

typique et l’atypique, le similaire et le différent.

Dans l’organisation d’une FMC, il n’est pas rare que lorsque le nombre de sujets est

insuffisant, voire lorsque les organisateurs veulent un expert particulier, un sujet soit

proposé directement aux orateurs. Or le choix des sujets devrait reposer sur des

besoins, dont il existe quatre types. Les besoins ressentis ne doivent pas être

seulement ceux de l’orateur. En tant qu’universitaire, je connais mal les besoins des E-mail : [email protected]

Tirés à part : J.-M. BONNETBLANC,

à l’adresse ci-dessus.

Université de Limoges, Faculté de Médecine, 2, rue du Dr Marcland, 87031 Limoges Cedex.

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dermatologues de ville, même si je discute régulièrement avec eux. Les besoins

ressentis doivent être issus des problèmes rencontrés dans la pratique des

dermatologues, tels qu’eux-mêmes les perçoivent. Les besoins démontrés sont issus

de l’évaluation du médecin soit à partir d’une FMC, soit à partir de la pratique, ou

d’enquêtes, mais par d’autres personnes. Les besoins curriculaires sont issus de

travaux de groupes officiels, comme les conférences de consensus ou les

recommandations pour la pratique ; leur présentation en FMC est indispensable.

Enfin, il existe des besoins institutionnels comme en a fait l’objet récemment la

grippe aviaire.

La maîtrise d’un domaine est fonction non de la quantité d’information mais de son

organisation. Celle-ci doit nous permettre une représentation précoce du problème

présenté par le patient. Ce n’est pas parce que nous avalons de la FMC en grande

quantité lors des congrès que nous allons être plus performants. Il faut intégrer et

digérer les nouvelles connaissances et les intégrer dans nos réseaux pour former

ensuite des hypothèses de qualité. Mais un dilemme de l’orateur est que chaque

médecin de son auditoire n’a pas le même socle de connaissances et surtout a ses

propres réseaux de raisonnement. En effet, chaque médecin possède son propre style

de recueil de données et les cliniciens ne suivent pas le même cheminement [4]. Bien

entendu, l’orateur ne peut connaître à l’avance chaque médecin à former, ni adapter

sa formation à chaque individu. Il peut néanmoins renseigner les médecins qui

assisteront à son exposé en indiquant les objectifs et les méthodes de sa formation.

Ainsi toute FMC qui se respecte ne devrait pas seulement comporter le titre de

l’exposé, mais aussi un court texte explicatif et structuré.

Comment rentabiliser des formes d’amélioration des connaissances qui permettront d’améliorer la pratique ?

La consultation est une suite de résolution de problèmes cliniques. Il faut essayer de

déterminer les problèmes posés, idéalement par jour, et d’analyser comment s’est

faite la gestion de ces problèmes. En fin de journée, après la comptabilité, le

nettoyage, la stérilisation, le rangement des dossiers, vous gardez une petite place

pour ce ou ces « quoi ? ». Si vous relevez un manque de connaissances, il s’agit d’un

besoin à noter et à transmettre, soit à votre groupe de FMC locale ou régionale, soit

nationale à l’occasion du remplissage de fiches dites d’évaluation.

Lorsque vous recevez les Annales, vous lisez bien sûr le sommaire. Mais pourquoi

ne pas garder pour un moment court de la journée le « cas pour diagnostic » ? Il est

devenu un instrument d’auto-évaluation puisque votre liste d’hypothèses

diagnostiques est à confronter à la liste du comité de Rédaction [5]. Il est important

de prendre le temps d’écrire sa propre liste, et non pas de l’établir mentalement. Le

plus important dans cet exercice est de faire des hypothèses pertinentes.

Lors des congrès médicaux, outre les séances de FMC, vous assistez aux

communications et regardez les affiches. Essayez d’analyser pourquoi vous

choisissez une séance de FMC : cela peut être pour le thème, mais aussi pour

l’orateur. Êtes-vous sûr de chercher à apprendre (pour améliorer votre pratique) ou

de vérifier que vous êtes toujours compétent sur le sujet ? Le premier choix est

meilleur, et d’autant plus que le thème vous semble moins connu ou parce que vous

le pratiquez moins. Lorsque vous regardez un poster, n’allez pas au titre directement

mais regardez l’iconographie, puis l’histoire, et essayez de proposer des diagnostics.

Vous faites travailler votre œil, qui est votre premier outil. Il intègre les données et

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raisonne sans que l’on s’en aperçoive. Vous lui donnez à manger, à digérer pour

réactiver vos connaissances tacites. Cela n’est pas toujours facile, souvent aussi à

cause de la structure du poster. Certaines disciplines font des posters

d’enseignement ou l’équivalent sur un site informatique accessible sur le site du

congrès. Ce pourrait être une formule à copier aux JDP. Également, pourquoi ne pas

commencer par les thèmes de posters où vous vous sentez le plus « faible » ?

Surtout, vous amenez votre liste de besoins aux congrès nationaux et vous la

transmettez aux organisateurs à travers les demandes de thème.

Enfin la FMC doit être conviviale. Rien n’interdit d’avoir certaines des activités de

FMC en commun avec des collègues. La discussion enrichit la formation.

Références

1. Norman GR, Coblenz CL, Brooks LR, Babcook CJ.Expertise in visual diagnosis: a review of the literature.Acad Med 1992;67:S78-83.

2. Regher G, Cline J, Norman GR, Brooks LR. Effect ofprocessing strategy on diagnostic skill in dermatology.Acad Med 1994;69:S34-6.

3. Bonnetblanc JM, Boulinguez S. Diagnostic analogique etdiagnostic analytique en dermatologie. Ann Derm Venereol2005;132:9S57.

4. Ewa K. Ce que tout enseignant devrait savoir concer-nant le raisonnement clinique. Pédagogie Médicale 2005;6:225-34.

5. Bonnetblanc JM. Le cas pour diagnostic des Annales deDermatologie : nouvelle structure d’un outil pédagogi-que. Ann Dermatol Venereol 2003; 130:1101-3.