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Organisation de la filière Miel de Corse

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Cet exemple de bonne pratique en Corse nous montre le succès d’une démarche d’innovation non technologique en agriculture: l’organisation de la filière Miel de Corse. Elle repose sur l’obtention d’un signe officiel de qualité, qui représente un critère incontestable de caractérisation de la qualité du produit et un outil majeur pour la valoriser.

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Auteurs

Office du Développement Agricole et Rural de Corse : Marie-Pierre BIANCHINI

Ange BIANCHINIJean LUZI

Daniel SAINTE-BEUVEMarion MAS

Conception et réalisationICALPE - Centre international pour l’environnement alpin

Casa Pastureccia 20250 RIVENTOSA [FRANCE]

Introduction

Actuellement, l’agriculture est un secteur en Europe qui connaît des difficultés économiques et démographiques importantes. Ce constat est d’autant plus vrai dans les îles où l’isolement géographique et le tissu économique insuffisant accentue la faible attractivité du secteur. Pourtant, la nécessité de préserver l’agriculture semble évidente pour de nombreuses raisons qui vont bien au-delà de la seule préoccupation de sécurité alimentaire. En effet par sa présence, l’agriculture façonne des paysages, fait perdurer des traditions et préserve la bio-diversité.La Corse, consciente de ces enjeux, œuvre pour améliorer les conditions d’exercice de la profession d’agriculteur notamment par le biais d’expériences concrètes en matière d’innovation non technologique.Ce document présente donc dans une première partie le secteur de l’agriculture en Corse et son contexte géographique et économique. Dans un deuxième temps, il permet d’identifier des facteurs clés de succès dans la structuration de filières à travers l’exemple d’une bonne pratique : l’obtention de l’AOP Miel de Corse.

Chapitre 1Contexte de l’Île

Italie

Sardaigne

France

Corse

Secteur tertiaire: 79,4%

Secteur secondaire: 15,3%

Secteur primaire: 5,3%

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La Corse est dotée d’une organisation institutionnelle originale: la Collectivité Territoriale de Corse, qui bénéficie d’un statut unique en France métropolitaine, mais comparable à celui de la plupart des autres régions européennes largement décentralisées. La répartition de la valeur ajoutée brute par secteur est extrêmement typée : Primaire : 5,30 % Secondaire : 15,30 % Tertiaire : 79,40 %. Son PIB par habitant (24 232 euros en 2008) était inférieur de 21 % à la moyenne nationale.Elle se caractérise par la faiblesse du tissu productif et la surreprésentation du secteur tertiaire, notamment non marchand et public. La deuxième caractéristique majeure concerne les structures de production,

La Corse en brefLa Corse est située au cœur du golfe de Gênes. Insularité et relief montagneux lui confèrent un certain isolement. Avec un littoral de 1000 km de côtes, des forêts et des sommets qui atteignent 2710 mètres, elle se caractérise par la diversité de ses paysages. Le tourisme est une activité très importante avec sept ports et quatre aéroports.

La population de la Corse atteint 302 966 habitants. Avec 34 habitants au km², la densité de population demeure la plus faible de France métropolitaine.

La Corse en chiffres:Superficie : 8722 km²Altitude moyenne : 568 m

Population : 302 966 habitants (2008) en zone urbaine : 180 435 en zone rurale : 113 683Densité: 34 hab/km²

Croissance démographique forte et continuedans les couronnes périurbainesEvolution de la population en Corse par type d'espace

Source : Insee - Recensements de la population.

0

20 000

40 000

60 000

80 000

100 000

120 000

140 000

RP1962 RP1968 RP1975 RP1982 RP1990 RP1999 RP2006

Pôle urbain -Ville centre

Pôle urbain -Banlieue

Périurbain

Espace rural

P.I.B. par secteur

7Agriculture et zones rurales

En Corse, l’activité agricole joue un rôle éco-nomique majeur, notamment dans les zones rurales, où elle demeure la principale ressource et le pilier de la dynamique sociale. L’originalité de la Corse tient autant à son relief qu’à son patrimoine ancestral de races ou espèces locales et de savoir-faire traditionnels. Ainsi, les produits identitaires bénéficient largement de signes officiels de qualité qui traduisent la typicité des productions corses. Ces démarches de certification sont facilitées par une structuration en filières de production œuvrant à une synergie entre les acteurs amont et aval de la chaîne alimentaire. En effet, le secteur agro-alimentaire connaît un développement important sur l’île, bénéficiant largement de l’image identitaire et de la diversité des productions locales. De même, l’afflux touristique saisonnier représente une manne importante et croissante en matière de consommation de productions insulaires. Au regard de ces opportunités, l’enjeu dans l’ensemble des filières agricoles corses est, à l’instar de beaucoup de régions européennes, d’augmenter les quantités produites. En effet, que ce soit en produits fromagers, charcutiers, en viticulture ou en agrumiculture, l’offre est inférieure à la demande ou tout juste suffisante pour satisfaire les marchés, notamment à l’export. Les problèmes de maîtrise foncière, de spéculation et de renouvellement insuffisant des exploitations, pèsent fortement sur ce secteur d’activités et freinent le potentiel de développement qu’offre l’agriculture insulaire.

Densité de population en 2006

Source : Insee - Recensement de la population.

©IG

N-Inse

e20

09

Nombred'habitants au km²

plus de 200de 80 à 200de 50 à 80de 20 à 50de 0 à 20

Un territoire faiblement peupléconstituées de très petites entreprises.Le secteur tertiaire, premier employeur de l’île, est marqué par la prépondérance du secteur public.

Les difficultés sont les suivantes : L’insularité qui augmente le prix des

transports et des produits.L’étroitesse du marché corse qui limite

les économies d’échelle.La saisonnalité de l’emploi liée au

tourisme.

La Corse bénéficie d’un environnement relati-vement préservé, sur terre, sur la côte et en mer. L’île abrite un parc marin international, des réserves naturelles, le Parc naturel régio-nal de Corse.

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Les défis de l’évolution de l’agricultureDans un contexte de sous-production régionale et d’importation de produits, voire de contrefaçons, l’augmentation et la qualification de la production sont une priorité. Le renforcement de l’attractivité du métier d’agriculteur est donc un enjeu fondamental. Cette dynamique ne pourra se concrétiser qu’avec l’amélioration et la sécurisation du revenu des exploitants et la modernisation des pratiques. L’innovation semble être la réponse appropriée à cette problématique. Elle permet de réduire les coûts et d’augmenter les performances (simplification des itinéraires culturaux, mécanisation, diffusion de nouvelles connaissances et techniques), de structurer les acteurs au sein de filières afin de mener une réflexion sur le produit et les systèmes de production (innovation organisationnelle) et d’accroître la valorisation des produits (différenciation, segmentation, nouveaux produits).

Utilisation des solsLa surface agricole représente 18% de la superficie de la région. Le paysage agricole insulaire est marqué par une dichotomie entre les productions extensives des reliefs de l’intérieur et les productions végétales des plaines côtières.

L’agriculture en plaine, littoral et piémont est axée sur des productions mécanisables essentiellement végétales, viticoles et fruitières. Ces activités s’étendent sur de grands parcellaires. Tout en développant le savoir-faire et la typicité locale, les productions évoluent techniquement, notamment en faveur de pratiques raisonnées, respectueuses de l’environnement. Les diverses productions sculptent des paysages typiques et variés : vignobles, prairies, cultures maraîchères, vergers d’agrumes, de fruits d’été, de noisetiers, etc.

A l’intérieur, outre les massifs forestiers, les activités pastorales, bovine, porcine, ovine et caprine, cohabitent avec la châtaigneraie et l’oliveraie traditionnelles ; ces

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productions préservent en partie les territoires enclavés du processus de déprise rurale qui se traduirait par un abandon progressif de l’espace, une végétation incontrôlée et en définitive des superficies exposées aux incendies voire à la destruction du patrimoine historique et à l’érosion de la biodiversité.

La Corse, dont l’endémisme est particulièrement riche, offre une diversité faunistique et floristique unique en Méditerranée. Cette richesse joue un rôle très important en termes de vecteur de lien du produit au terroir. La reconnaissance de races locales ovine, caprine, porcine, apicole et bientôt bovine, leur conservation et leur utilisation par les agriculteurs est un élément déterminant de la saveur et de la typicité des produits et un élément capital dans la politique de démarche qualité et d’origine que s’est fixée la Collectivité Territoriale de Corse, notamment dans l’obtention des Signes officiels de qualité.

Répartition SAU par production

Parcours 67 Prairies permanentes 19 Cultures fourragères 4,2 Céréales 1 Vignes 4 Vergers 4,4 Maraîchage 0,4

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Importance de l’agriculture dans l’économie régionaleLa Corse a une économie très typée : peu d’industrie, une agriculture faible et un poids important du tourisme, de l’administration et de la construction.La part de l’agriculture dans l’économie se situe bien en deçà de la plupart des régions françaises. L’agriculture ne représente environ que 2,3 % du PIB corse, contre 3,5 % pour les régions de France métropolitaine moins l’Île-de-France. La part de l’agriculture dans le PIB est en diminution rapide : -12,5 %. Seuls 36 % de la surface de l’île sont exploités pour l’agriculture, contre 54 % en moyenne nationale.

La population agricole active en corse s’évalue à environ 6 000 personnes et représente 3 580 UTA (Unité de travail annuel). On observe que 2/3 de ces emplois concernent les exploitants et leur famille. On dénombre 1800 exploitations professionnelles sur l’île. En matière d’emploi, le secteur de l’agriculture se caractérise par une forte tension entre l’offre et la demande. L’agriculture concerne plus de 700 exploitants agricoles pluriactifs. Ils concilient travail agricole avec activité non agricole à titre principal ou secondaire. La pluriactivité est plus fréquente dans les petites exploitations ou dans les élevages d’ovins.

L’agriculture corse génère une production globale valorisée qui représente environ 200 millions d’euros dont 130 sont issus des filières végétales et 70 des filières animales. On observe une nette prédominance des productions en valeur de deux filières, celles de la viticulture et des fruits (agrumiculture). Ce volume d’activité est doublé si on y ajoute le chiffre d’affaires de l’agro-alimentaire.

Répartition de la valeur de la production agricole (données 2008)

Céréales et plantes industrielles 3

Produits avicoles 3

Vins 28

Fruits 23

Lait et produits laitiers 12

Porcins 8

Plantes fourragères 7

Productions maraîchères et

horticoles 7

Produits bovins 6

Viande (Ovins et Caprins) 3

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© Jean Harixcalde12

Chapitre 2

Organisation

des filières:

l’AOC/AOP

Miel de Corse 13

RésuméSuite au déclin de l’apiculture qui a commencé dès la fin du XIXe siècle et qui s’est poursuivi jusque dans les années 1970, un groupe d’apiculteurs décide de relancer la production de miel en Corse. Tout l’enjeu consistait à se réapproprier une activité traditionnelle multiséculaire et d’en faire un outil de production permettant de contribuer au maintien, voire au développement, de l’activité économique rurale. Une dynamique de filière a alors été créée et a abouti à la volonté de mettre en place un signe officiel de qualité. Il s’agissait alors de regrouper les apiculteurs autour d’une action d’obtention d’une Appellation d’Origine Contrôlée afin de dynamiser la filière apicole, de faire reconnaître les spécificités gustatives et organoleptiques des miels corses, de garantir la protection de la production régionale et de mieux la valoriser. L’obtention de l’AOC est basée sur un savoir-faire traditionnel, sur la richesse floristique du terroir et sur l’écotype corse de l’abeille, Apis mellifera.

14Histoire de l’expérience

Étape 1 : Regroupement des professionnels1976 : Suite au constat d’abandon des activités traditionnelles corses et de l’état de délabrement de l’apiculture régionale, un noyau d’apiculteurs, conscients des potentialités de développement de la production de miel dans l’île, décide d’élaborer un projet de filière.

Étape 2 : Travaux de recherche/développementFin 1970, années 1980 : Des recherches sont engagées sur l’écotype d’abeille corse et sur la caractérisation des miels par analyse pollinique. Ces travaux ont notamment permis de définir la gamme variétale des miels corses. En parallèle, une formation apicole a été mise en place.1982 : Un arrêté interdit l’introduction d’abeilles exogènes afin de préserver le patrimoine génétique insulaire.

Étape 3 : Création d’outils structurants1980-1990 : Création des syndicats apicoles et des groupements de défense sanitaire départementaux. Les apiculteurs se dotent d’outils permettant de défendre le projet de développement et de mettre en place une veille sanitaire.

Étape 4 : Certification du miel corse•1991 : Création du Syndicat régional de défense et de promotion de la qualité du

miel corse, dont l’objet est de mener les démarches nécessaires à l’obtention d’une AOC. Cette certification est basée sur un savoir-faire ancestral, sur une abeille endémique et sur la richesse de la flore insulaire.•1998 : Parution du décret d’obtention de l’AOC et le Syndicat régional devient le

Le point de départEn Corse, les premières traces écrites de production de miel remontent à l’Antiquité. Cette activité est inscrite dans le patrimoine insulaire jusqu’au nom de certains villages tels Moltifau (u fau est le rayon de cire ou de miel) ou Petrabugnu (bugnu signifie ruche). Après la 2ème guerre mondiale, l’apiculture ne subsiste plus que dans quelques villages et la production de miel restera limitée jusqu’au milieu des années 1970. A partir de 1976, un groupe d’apiculteurs issu d’un mouvement qui œuvre à la réappropriation de la culture corse décide de bâtir un plan de développement de la filière. Les premiers travaux de recherche sont initiés et des syndicats départementaux sont créés. Dans les années 1980, des problèmes sanitaires conduisent à un effondrement de la production. Des groupements sanitaires voient le jour. En 1990, le marché s’effondre à son tour. De nouvelles solutions doivent être trouvées. En 1991, est fondé un syndicat régional chargé d’entamer les démarches pour l’obtention d’une AOC.

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Syndicat AOC Miel de Corse – Mele di Corsica.•2000 : Obtention de l’AOP, ce qui implique une protection du miel dans toute l’UE.•2008 : Le Syndicat AOC Miel de Corse – Mele di Corsica devient Organisme de

Défense et de Gestion (ODG).•2010 : Production de miel AOC : 330 tonnes (1998 : 160 tonnes).

Approche méthodologique Regroupement des acteurs autour d’un projet cohérent :

Entre 1970 et 1990, la filière est passée d’une logique de production à une logique de produit. Au lieu de se focaliser sur l’augmentation de la production régionale, les professionnels ont décidé de s’orienter vers une démarche qualité. Pourquoi ?• Pour des raisons économiques : il était important de pouvoir différencier la

production locale afin d’investir un marché de niche plus rémunérateur plutôt que de produire un miel générique de faible valeur ajoutée qui nécessite de s’engager dans une économie d’échelle, ce qui n’est pas possible en Corse.

• Pour des raisons culturelles : un mouvement populaire de réappropriation de la culture corse a permis de prendre conscience de l’importance de sauvegarder le patrimoine insulaire qui fait la richesse de l’île.

Travaux de recherche/développement :Les professionnels ont compris l’importance de développer une démarche innovante permettant de valoriser le produit. Cette démarche s’appuie sur les potentialités du milieu insulaire et sur un savoir-faire traditionnel. Dès lors, un programme a été défini :

Identification de l’abeille régionale : étude morphométrique, analyse des cycles biologiques annuels, étude génétique. Ces travaux ont conduit à l’identification d’un écotype régional d’Apis mellifera mellifera.

Caractérisation des associations florales : étude botanique, melisso-palynologie, analyse sensorielle.

© Jean Harixcalde

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Adaptation des pratiques agricoles: conduite des ruchers, suivi des miellées.

Ces deux dernières étapes ont abouti à la définition d’une gamme variétale constituée de 6 catégories de miel.En outre, en association avec un lycée d’enseignement agricole, les acteurs ont défini un programme de formation apicole destiné aux jeunes agriculteurs et tenant compte des spécificités insulaires.Les travaux de recherche ont été réalisés au travers l’association miel et pollen, avec l’appui du Centre Régional pour l’Innovation et le Transfert de Technologie (CRITT) et l’Université de Corse.

Outils structurants :Parallèlement à ces actions, de nouveaux syndicats départementaux de producteurs et des groupements sanitaires ont été créés afin :

de mieux porter et défendre les actions de la filière auprès des institutions,

de coordonner les actions techniques et sanitaires,

de soutenir les apiculteurs.

L’une des difficultés rencontrées a été de fédérer les acteurs et de leur faire prendre conscience du bien-fondé de la démarche et de l’importance de leur cohésion face aux enjeux qui se dessinent.

Les 6 catégories de l’AOP Miel de Corse - Mele di Corsica

17

Certification du miel corse :La démarche a été initiée en 1991 avec la création du Syndicat régional de défense et de promotion de la qualité du miel corse. Un dossier de demande de certification AOC est déposé en 1993 auprès de l’Institut National des Appellations d’Origine (INAO). En 1994, une commission d’enquête propose le principe d’accession en AOC mais demande à la profession de mieux définir les terroirs.

Le décret d’obtention de l’AOC est paru en janvier 1998 et celui de l’AOP, en 2000.

L’obtention de l’AOC a conduit, en 2004, à la mise en place d’une station de sélection et de multiplication des abeilles afin, notamment, de fournir des essaims aux jeunes agriculteurs, d’améliorer les performances de l’abeille locale et d’augmenter la production en AOC.

SYNDICAT A.O.C. «MIEL DE CORSE - MELE DI CORSICA»

I.N.A.O.

Laboratoire «Miel et Pollen»

Appellation d’Origine Contrôlée

Chambre d’agriculture,

Syndicatsd’apiculteurs,

GDSAs

CTOA, ODARC,

Chambre d’agriculture

CFPPABorgo Formation

Initiale

Ins-tallations

& développement

des exploitations

Formation

Appui technique

MultiplicationSélection

STATIO

N

AnimationAppui

technique

Connaissance des miels de Corse

Contrôle Agrément Produit

Contrôle Conditions Production

Apicul-teurs

Abeille Corse

FloreCorse

Accompagnement pour la mise en

marché «démarche collective»

Notoriété Merchandising

C.R

.E.P

.A.C

.

PRO

MO

TIO

N

O.

D.

A.R. C.

Le rôle des différents acteurs publics partenaires de la filière Miel de Corse

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ConclusionL’adaptation de la production à la demande nécessite des synergies permanentes entre les acteurs amont et aval de la chaîne alimentaire. Améliorer la compétitivité du secteur agricole et agro-alimentaire c’est donc jeter les bases d’une organisation qui permette une adaptation permanente à l’évolution des marchés, voire la devance. C’est au travers de l’organisation en filières de production que ces synergies se développent. En effet, l’organisation en filières doit permettre tout à la fois de se structurer collectivement pour mener une réflexion sur le produit et les systèmes de production mais également d’utiliser le collectif pour réaliser des opérations que la seule exploitation ne peut mener soit parce qu’elle n’en a pas les moyens soit parce qu’une action isolée serait totalement improductive.

Cette structuration doit avoir comme objectif final la mise en œuvre de stratégies communes entre l’amont et l’aval de la filière. Ces stratégies peuvent notamment être basées sur l’obtention d’un signe officiel de qualité, élément structurant et efficace en matière de développement agricole et rural et ce, pour plusieurs raisons :

•La qualité des produits et leur certification contribuent à les différencier des productions standard donnant ainsi les meilleures chances à leur valorisation et donc à l’amélioration du revenu des producteurs ;

•La qualité et la certification s’avèrent être un outil efficace de protection des savoirs faire et donc de pérennité des produits et des activités de production qui

Impacts & RésultatsImpacts sur le développement de la filière :

En termes d’installations : en 1997, une trentaine d’apiculteurs adhéraient à la démarche d’obtention de l’AOC. En 2010, le Syndicat AOC Miel de Corse – Mele di Corsica dénombre 87 adhérents.

En termes de production : la production AOC est passée de 160 tonnes à 330 tonnes entre 1998 et 2010.

En termes de prix : entre 1998 et 2009, le prix du miel, en euros constants, s’est accru d’environ 27% au départ de l’exploitation et de 9% à la consommation. Ainsi, la valeur de la production totale de miel AOC en 2010 a été estimée à 2,3 millions d’euros. Cette production était estimée à bien moins d’un million d’euros en 1999.

Impacts sur le territoire :

Maintien d’une population active en milieu rural.Conservation des paysages et des races locales.Développement de l’agri-tourisme (foires rurales, accueil à la ferme, maison du

miel, etc.)Identification et reconnaissance des produits agricoles corses.Produits agricoles vecteurs de l’image de la Corse (mise en avant de la dimension

gastronomique, valorisation des territoires)

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les accompagnent et qui sont localisées dans les zones rurales, souvent dans des milieux difficiles ;

•La qualification du produit est un levier d’orientation, de développement et de gestion du territoire notamment à travers le lien à l’origine, à la ressource comme un fondement de la typicité et de l’identité du produit (en particulier la ressource génétique comme les races locales)

•Enfin, une gamme de produits certifiés de qualité est un élément fort pour la construction de l’image gastronomique d’une région.

La structuration des filières et de la certification des productions a plusieurs impacts :

En termes de qualité : le fait de réunir des personnes dans des groupements de producteurs pour échanger sur leurs façons de produire et leur faire effectuer des recherches sur la qualification de leurs productions, permet une meilleure connaissance du produit. Grâce à ses échanges, la production est optimisée, la connaissance envers le produit est accrue et le savoir-faire conservé voire affiné. De plus, cet espace relationnel ouvre d’autres perspectives de dialogue, en matière de mise en marché par exemple.

En termes de quantité : la certification accompagnée d’une promotion des produits sous signe officiel de qualité engendre généralement un accroissement de la demande. Ainsi, un phénomène de rareté se produit, accompagné d’un effet économique non négligeable. Les producteurs ayant un produit qui se valorise mieux, qui se vend bien et qui génère du revenu sont tentés de produire davantage. On assiste alors à un développement de la production.

En termes d’aménagement du territoire et de maintien de la biodiversité : la certification, notamment l’AOP, est un outil qui permet de fixer et de renforcer l’activité sur les territoires de l’appellation qui sont généralement des territoires ruraux en perte d’activité et rencontrant des problèmes démographiques. La certification est aussi un instrument efficace de gestion des territoires et de la biodiversité car elle permet de maintenir des paysages traditionnels et des races locales.

En termes culturels : le produit est le fruit d’un milieu géographique, qui inclut les facteurs naturels et humains. La certification contribue à la renaissance des lieux et à leur reconnaissance comme porteur de valeur et non plus comme territoires déshérités. De plus, le produit étant le reflet des savoir-faire locaux, de leur transmission et de leur évolution, la valorisation est aussi celle des hommes qui habitent ces lieux, de leur histoire et de leur culture.

Governo dos Açores

Les partenaires du projet MED AGRISLES, représentant les autorités publiques en charge de l’agriculture et du développement rural, dans les Îles Baléares (Espagne), la Corse (France, chef de file du projet), la Sardaigne et la Sicile (Italie), l’Île de Gozo (Malte), les Sporades du Nord (Thessalie) et l’archipel de la Nord-Égée (Grèce), Chypre et les Açores (Portugal), échangent tous ensemble leurs expériences et développent une méthode commune pour l’innovation non technologique dans l’agriculture et le développement rural. Ils publient une série de brochures afin de diffuser les meilleures pratiques dans ce domaine.

Cet exemple de bonne pratique en Corse nous montre le succès d’une démarche d’innovation non technologique en agriculture: l’organisation de la filière Miel de Corse. Elle repose sur l’obtention d’un signe officiel de qualité, qui représente un critère incontestable de caractérisation de la qualité du produit et un outil majeur pour la valoriser.

www.agrisles.eu

LA SÉRIE DES BELLES HISTOIRES D’AGRISLES