4

Click here to load reader

Orthopédie/97 Rhizarthrose du pouce:lesquelles opérer ? · pour évaluer d’une part la hauteur ou taille du trapèze, ... car elle supprime une articulation reine de la main et

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Orthopédie/97 Rhizarthrose du pouce:lesquelles opérer ? · pour évaluer d’une part la hauteur ou taille du trapèze, ... car elle supprime une articulation reine de la main et

Orthopédie/97

Entretiensde BichatChirurgie

12 sept. 2007Amphi C17 h 30

Rhizarthrose du pouce : lesquelles opérer ?

E. Masmejean*,**, R. Chassat**, F.Wallach**

** Responsable d’Unité.

** Unité de Chirurgie de la Main et des Nerfs Périphériques, Service de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique (Pr B. Augereau), Hôpital Européen Georges Pompidou (HEGP), 20, rue Leblanc, 75908 PARIS Cedex 15.e-mail : [email protected]

La pathologie dégénérative de l’articulation trapézo-métacarpienne implique l’articulation pivot de lacolonne du pouce. La rhizarthrose du pouce est leterme actuellement consacré pour définir l’arthrosetrapèzométacarpienne. Il s’agit d’une maladie carpo-métacarpienne qui retentit sur la colonne du pouce.

Le concept d’arthrose péritrapèzienne, introduit parSwanson au début des années 80, est une maladieindépendante caractérisée par des lésions arthro-siques sur les autres interlignes articulaires, voisins dutrapèze.

La rhizarthrose, pathologie très fréquente chez lafemme d’âge mûr, relève le plus souvent d’un traite-ment conservateur. Dans un certain nombre de cas,le résultat est incomplet et un geste chirurgical doitêtre proposé. Le but principal du traitement chirur-gical est d’obtenir l’indolence mais la conservationdes mobilités doit être également un objectif théra-peutique essentiel.

En l’absence d’intervention, l’évolution naturelle sefait vers une déformation importante entraînant unhandicap significatif, même chez une personne âgée.La difficulté est donc de proposer au moment oppor-tun une intervention chirurgicale, après épuisementdes possibilités conservatrices et surtout avant dégra-dation irréversible de la fonction du pouce.

RAPPEL ANATOMIQUE, ÉTIOPATHOGÉNIE ETHISTOIRE NATURELLE DE LA MALADIE

L’articulation trapèzométacarpienne a deux surfacesasymétriques que l’on assimile à une selle, elle a 2 degrés de liberté et il existe une incongruence rela-tive des surfaces articulaires. Elle autorise différentstypes de mouvements purs, élémentaires, des mouve-

ments de flexion et extension et des mouvementsd’anté- et rétroposition autour de deux axes perpen-diculaires. Il existe un 3e mouvement de rotationautomatique autour d’un axe longitudinal qui estautorisé par la configuration géométrique de l’articu-lation. L’opposition est le résultat de l’association desdifférents mouvements élémentaires.

Sur le plan étiopathogénique, la rhizarthrose toucheessentiellement la femme d’âge mûr et est volontiersbilatérale. Il semble que cette pathologie soit le résul-tat d’une interrelation entre différents facteurs : lefacteur génétique, le facteur biologique, lié à l’inci-dence élevée de cette pathologie chez la femme enpériode ménopausique et des facteurs mécaniquesmicrotraumatiques dont on ne sait pas s’ils sont révé-lateurs ou déterminants de cette affection. Et enfin,les facteurs anatomiques sont liés à la configurationgéométrique de l’articulation.

Par analogie à l’articulation coxo-fémorale, il existedes formes dysplasiques non démembrées car iln’existe pas d’équivalent à la coxométrie pour l’arti-culation trapèzométacarpienne.

L’évolution naturelle se fait vers l’indolence après enmoyenne une dizaine d’années. Il apparaît cepen-dant une déformation globale de la colonne dupouce et cette évolution a été longtemps un argu-ment pour l’abstention thérapeutique.

Actuellement, l’augmentation de l’espérance de vieet l’augmentation parallèle de la demande fonction-nelle des patients conduit à avoir une attitude théra-peutique plus interventionniste.

L’histoire de cette pathologie commence souvent parla subluxation trapèzométacarpienne avec un rac-courcissement de la colonne du pouce qui conduit àune fermeture de la 1ère commissure. Cette défor-mation conduit à une hyperextension métacarpopha-©

Exp

ansi

on F

orm

atio

n e

t Édi

tion

s, 2

007

097 MASMEJEAN 23/07/07 12:22 Page 97

Page 2: Orthopédie/97 Rhizarthrose du pouce:lesquelles opérer ? · pour évaluer d’une part la hauteur ou taille du trapèze, ... car elle supprime une articulation reine de la main et

98/Orthopédie

langienne (MCP) compensatrice qui peut-être réduc-tible activement, passivement ou irréductible. Il estimportant de pouvoir intervenir avant le stade évoluédu pouce adductus fixé.

ÉTIOLOGIES

Les étiologies de la rhizarthrose sont maintenantbien connues. Dans 85 p. cent des cas, il s’agitd’arthrose essentielle dégénérative. Il faut distinguerles formes centrées et les formes excentrées. Parmiles étiologies spécifiques, l’arthropathie microcristal-line, dominée par la chondrocalcinose articulaire oul’ostéochondromatose primitive sont des causes pos-sibles. Il faut reconnaître une forme particulière-ment érosive caractérisée par une évolution rapide,environ sur deux ans, avec un tableau clinique où lesdouleurs sont importantes et d’horaire inflamma-toire. Il faut bien sûr dans ce cas éliminer un rhuma-tisme inflammatoire et de ce fait évoquer, comme auniveau de la hanche, la possibilité d’une arthropathiedestructrice rapide.

BILAN CLINIQUE

La douleur est le principal motif de consultation. Surle plan clinique, deux mesures objectives permettentd’évaluer la mobilité de la colonne du pouce, la cota-tion de Kapandji quantifie de 1 à 10 l’oppositionpollici-digitale. La note de 10 est donnée lorsque lepouce vient en regard de l’articulation métacarpo-phalangienne du 5e doigt au niveau du pli de flexionpalmaire distal. Les possibilités de rotation de lacolonne du pouce sont évaluées par la mesure del’angle de Bourrel, qui quantifie l’angle entre les axesdes ongles du pouce et du 4e doigt en opposition pul-populpaire. Ceci permet d’avoir des mesures fiableset reproductibles de la qualité et de la rotation de lacolonne du pouce. Il faut également mesurer la prisede force de la poigne (Jamar) et de la pince pouce-index latérale et pulpoterminale (Key-pinch), ensachant que la diminution de la force est relative-ment corrélée aux phénomènes douloureux, il nes’agit donc pas d’une mesure totalement objective. Ilfaut également faire le bilan des pathologies asso-ciées et celles-ci sont dominées en fréquence par lesyndrome du canal carpien qu’il faut traiter dans un1er temps. En pratique, dans un certain nombre decas, la simple neurolyse du nerf médian permet d’ob-tenir la sédation des phénomènes douloureux.

BILAN RADIOLOGIQUE

Il faut réaliser des clichés dynamiques en ouvertureet fermeture de la 1re commissure pour évaluer lespossibilités d’abduction de la colonne du pouce parrapport au 2e métacarpien.

Les incidences trapèzométacarpiennes spécifiquesdécrites par Kapandji de face et profil sons essentielspour évaluer d’une part la hauteur ou taille dutrapèze, et d’autre part la subluxation de l’articula-tion trapèzométacarpienne.

Si l’indication d’intervenir est clinique, le choix de latechnique est avant tout radiologique et repose sur laclassification de Dell qui la plus utilisée, elle prend encompte les éléments sémiologiques du syndromeradiologique arthrosique. Elle prend également encompte la subluxation trapèzométacarpienne pourdifférencier les stades II du stade III selon que cettesubluxation est supérieure ou inférieure au tiers de lasurface articulaire [2].

INDICATION CHIRURGICALE

Le traitement initial débute par une prise en chargemédicale pendant une période minimale de 6 mois.Ce traitement médical associe une orthèse de repos àporter essentiellement la nuit, un traitement médica-menteux par antalgiques simples et/ou anti-inflam-matoires non stéroïdiens. Nous ne recommandonspas d’infiltration, difficile à réaliser sans scopie etdont l’efficacité est souvent médiocre du fait de latrès faible quantité de produit actif que l’on arrive àinjecter.

C’est au terme d’un traitement médical bien conduitd’une durée médicale de 6 mois, que l’indication chi-rurgicale doit être envisagée. Elle repose avant toutsur la clinique, et c’est la douleur qui est le maîtresymptôme.

OBJECTIF DU TRAITEMENT CHIRURGICAL

Comme pour toute chirurgie articulaire, il est de ten-ter d’obtenir indolence, mobilité, stabilité et deconserver autant que faire se peut la longueur du 1er

rayon.

Sur le plan chirurgical, il faut distinguer les tech-niques conservatrices, extra-articulaires et les liga-mentoplastie, les techniques radicales d’arthrodèse,de trapèzectomie avec ou sans interposition etd’arthroplastie.

097 MASMEJEAN 23/07/07 12:22 Page 98

Page 3: Orthopédie/97 Rhizarthrose du pouce:lesquelles opérer ? · pour évaluer d’une part la hauteur ou taille du trapèze, ... car elle supprime une articulation reine de la main et

Orthopédie/99

CHIRURGIE CONSERVATRICE

Elle est exceptionnellement indiquée dans les stadesprécoces de la maladie au stade I et II de la classifica-tion de Dell et en cas de forme particulière où la sub-luxation trapèzométacarpienne domine le tableauclinique.

La déformation doit être réductible, il existe unetouche de piano et le syndrome radiologique arthro-sique est quasi-inexistant. Pour ces formes, on peutproposer une technique extra-articulaire ou une liga-mentoplastie trapèzométacarpienne de stabilisation.

TECHNIQUES EXTRA-ARTICULAIRES

Il s’agit de l’ostéotomie de soustraction du 1er méta-carpien. Le principe de l’ostéotomie est de reporterles contraintes sur la partie dorsale de l’articulationqui est préservée le plus longtemps, l’objectif étanttoujours de soulager les patients. Les études cliniquesconfirment ce concept avec des résultats satisfaisantsdans la rhizarthrose débutante.

La ténotomie distale des insertions tendineuses sur-numéraires du long abducteur du pouce est aussipossible.

Ces deux interventions ne sont néanmoins, sauf casexceptionnels, plus proposées.

La ligamentoplastie trapèzométacarpienne isoléeutilise la moitié du tendon fléchisseur radial du carpeou le tendon du long abducteur.

Dans tous les cas, il faut en peropératoire explorerl’articulation pour apprécier au mieux les lésionscartilagineuses et se préparer éventuellement àchanger d’indication, si les lésions cartilagineusessont plus évoluées que celles qui avaient été appré-ciées sur la radiographie.

CHIRURGIE RADICALE

Le plus souvent les patients consultent pour desformes stade III ou IV, qui sont des indications de lachirurgie non conservatrice. En pratique, la plupartdes auteurs utilisent principalement deux tech-niques : la trapèzectomie avec ou sans interpositiond’un «Anchois » ou d’un implant artificiel associé àune ligamentoplastie de stabilisation et la prothèsetotale.

Arthrodèse trapèzo-métacarpienne

Cette arthrodèse n’a plus d’indication à notre senscar elle supprime une articulation reine de la main et

les résultats qui avaient été obtenu montraient la persistance de douleurs dans un cas sur 4 avec despatients qui étaient gênés sur le plan fonctionnelpour mettre la main dans leur poche ou poser lamain à plat.

Trapèzectomie avec ou sans interposition

La trapézectomie partielle est actuellement abandon-née en faveur de la trapézectomie totale. Les implantsen Silastic de Swanson proposées dans les années 80sur le concept de l’encapsulation n’ont pas donné àlong terme les résultats qui avaient été escomptésavec l’existence de complications non négligeables(instabilité, luxation et rupture), fracture et intolé-rance au Silicone. Récemment, plusieurs techniques réalisées en parti-culier sous arthroscopie consistent à réaliser unerésection partielle du trapèze, associée ou non à uneligamentoplastie prise aux dépens du tendon du longabducteur.Ces techniques en cours d’évaluation doivent bénéfi-cier d’une validation scientifique pour faire partieintégrante de l’arsenal thérapeutique de la chirurgieradicale.De ce fait, la plupart des auteurs proposent une tra-pèzectomie totale avec interposition tendineuse etligamentoplastie. Le tendon utilisé pour l’interposi-tion est le plus souvent le long palmaire. La ligamen-toplastie consiste à reconstruire le ligament intermé-tacarpien. Nous recommandons l’utilisation dutendon du long palmaire passé en boucle autour dutendon du fléchisseur radial du carpe et passé entransosseux dans la base du 1er métacarpien, la partieproximale est utilisée pour réaliser l’« anchois ».Cette intervention permet d’obtenir une indolenceavec de bons résultats cliniques. Le problème decette technique, c’est qu’elle ne permet pas de corri-ger la longueur de la colonne du pouce et qu’il y adans les suites postopératoires un possible collapsussecondaire de l’espace scaphométacarpien. De plus,elle nécessite une immobilisation postopératoire etl’acquisition du résultat est lente avec un délai habi-tuel de 6 mois. L’avantage de cette technique est quele taux de réintervention est voisin de 0 et qu’il n’y apas de matériel étranger [1].

ARTHROPLASTIE PROTHÉTIQUE

Les prothèses ont été décrites et utilisées la 1ère foisau début des années 70, et de nombreux modèlesont été proposés mais avec seulement quelques publi-cations.

097 MASMEJEAN 23/07/07 12:22 Page 99

Page 4: Orthopédie/97 Rhizarthrose du pouce:lesquelles opérer ? · pour évaluer d’une part la hauteur ou taille du trapèze, ... car elle supprime une articulation reine de la main et

100/Orthopédie

Actuellement, la prothèse totale trapèzométacar-pienne est une solution thérapeutique qui permetd’obtenir des résultats similaires à ceux observés surla hanche avec indolence, mobilité, stabilité, et acqui-sition rapide des résultats.

Il existe des prothèses cimentées, et non cimentées.Les résultats des prothèses non cimentées sont moinsfavorables car le taux de reprise chirurgicale est plusélevé [3]. Les prothèses cimentées donnent actuelle-ment des résultats très satisfaisants [1]. Actuellement,avec un nouveau modèle de tige anatomique, aucunereprise chirurgicale n’a été justifiée [4, 5]. Lespatients ne sont immobilisés dans une orthèse que 7à 8 jours, puis ils utilisent leur main dès l’ablation del’orthèse sans rééducation.

CONCLUSION

Les indications chirurgicales doivent être éclectiqueset les critères cliniques et radiologiques doivent êtrepris en compte. Pour le choix de la technique, le cri-tère le plus important est radiologique et il s’agit dela mesure de la hauteur du trapèze sur une incidencespécifique de face de Kapandji. Si le trapèze fait plusde 10 mm de hauteur il est implantable et les indica-tions de prothèses totales sont larges, si le trapèze aucontraire fait moins de 7 à 8 mm de hauteur la trapè-zectomie avec interposition et ligamentoplastie destabilisation est la technique de choix.

Certains cas particuliers sont des indications de tra-pèzectomie, stabilisation et interposition dans le casd’une déformation du pouce avec un pouce adduc-tus fixé. S’il existe une atteinte évoluée de l’articula-

tion métacarpophalangienne avec une hyperexten-sion non réductible ou une laxité en valgus ouarthrose évoluée douloureuse laissant présager d’uneindication d’arthrodèse MCP, la trapèzectomie estégalement l’intervention de choix car l’arthrodèseMCP reporte les contraintes sur l’articulationtrapèzométacarpienne et expose au risque théoriquede descellement précoce.

De même, l’activité manuelle est un critère essentielet indépendant. Si le sujet est jeune ou s’il a une acti-vité manuelle importante, la trapèzectomie estrecommandée.

Dans tous les autres cas, chez une patiente d’un cer-tain âge avec un trapèze implantable les indicationsde prothèse totale sont larges car cette techniquepermet une correction active de l’hyperextension del’articulation MCP. Elle permet d’obtenir un résultatrapide avec une excellente dextérité de la colonne dupouce.

RÉFÉRENCES

1. ALNOT J.Y., MULLER G.P. – Notre expérience du traitement chirurgi-cal de l’arthrose trapézo-métacarpienne. A propos d’une série rétro-spective de 115 cas. Rev. Rhum. [Ed Fr], 1998, 65 (2), 107-120.

2. EBELIN M. – La rhizarthrose. In : Cahiers d’enseignement de la SociétéFrançaise de Chirurgie de la Main n°5, Expansion Scientifique Française,Paris, 1993, 16, 3, 113-127.

3. LEDOUX P. – Echec de la prothèse totale trapézo-métacarpienne noncimentée. Etude multicentrique. Ann. Chir. Main ( Ann. Hand. Chir.),1997, 16, 3, 215-221.

4. MASMEJEAN E., ALNOT J.Y., CHANTELOT C., BECCARI R. et leGUEPAR. – La prothèse trapézométacarpienne anatomique GUEPAR.Chir. Main, Elsevier, Paris, 2003, 22, 1, 30-36.

5. MASMEJEAN E., CHANTELOT C. – Le traitement chirurgical de larhizarthrose du pouce : place de la prothèse. E-mémoires de l’AcadémieNationale de Chirurgie, Paris, 2004, 3 (4), 18-23.

097 MASMEJEAN 23/07/07 12:22 Page 100