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Ostéogénèse imparfaite et autres anomalies génétiques de la matrice osseuse (syndromes de Marfan et d’Ehlers-Danlos)

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Ostéogénèse imparfaite et autres anomalies génétiquesde la matrice osseuse (syndromes de Marfanet d’Ehlers-Danlos)

Guillaume Chevrel*, Pierre-Jean MeunierService de rhumatologie et de pathologie osseuse, pavillon F, hôpital Édouard-Herriot, 5, place d’Arsonval,69437 Lyon cedex 03, France

bisphosphonates / ostéogenèse imparfaite / ostéoporose / syndrome d’Ehlers-Danlos / syndrome deMarfan

bisphosphonates / Ehlers-Danlos syndrome / Marfan syndrome / osteogenesis imperfecta / osteoporo-sis

Certaines maladies génétiques, dites orphelines, de lamatrice osseuse protéique sont associées à une fragilitéosseuse comme l’ostéogenèse imparfaite (OI) ou plusrarement le syndrome de Marfan (SM). Dans d’autresatteintes comme le syndrome d’Ehlers-Danlos (SED),l’existence d’une raréfaction osseuse est discutée. Si lesconséquences fracturaires de la raréfaction osseusedominent la scène clinique dans 1’OI, seule la mesurede la densité minérale osseuse (DMO) permet sa miseen évidence dans les deux autres syndromes.

Le regain d’intérêt récent pour 1’OI est dû en grandepartie aux perspectives thérapeutiques favorables liées àl’utilisation des bisphosphonates. En effet, jusqu’à unedate récente, les traitements médicamenteux de l’affec-tion étaient empiriques et sans grande efficacité (voirpour revue [1, 2]). Depuis l’utilisation des bisphospho-nates et la réalisation de travaux plus systématiques, ilest apparu que cette classe médicamenteuse et en parti-culier le pamidronate, offrent enfin un véritable progrèsthérapeutique. Il faut souligner que ces traitements, s’ilsaccroissent la densité minérale osseuse en ralentissant leremodelage osseux, ne modifient pas l’anomalie consti-tutionnelle qui a pour origine dans 1’OI une mutation

d’un des gènes COL1A1 ou COL1A2 codant pour leschaînes alpha 1 et alpha 2 du collagène de type I pro-duit par les ostéoblastes [3]. Le collagène est qualitati-vement et/ou quantitativement anormal. La présenced’anomalies osseuses dans le SM rendrait égalementlogique une intervention thérapeutique médicale. Leproblème de l’évaluation se posera alors de la mêmefaçon que dans 1’OI dans la mesure où la maladie estrare, qu’elle n’intéresse que quelques équipes spéciali-sées et que l’atteinte osseuse du SM passe au secondplan après les atteintes viscérales.

Le type I est le collagène le plus important de l’orga-nisme. Il est synthétisé principalement dans les os, lestendons, la peau et la dentine par les ostéoblastes et lesfibroblastes. Dans l’os, le collagène permet de contre-balancer le caractère « cassant » du compartiment miné-ral et ainsi de créer un matériau composite plus résistant.De plus, il fournit, avec les autres macromolécules, unetrame sur laquelle le compartiment minéral vient sedéposer. Les gènes du collagène de type I offrent denombreuses possibilités de mutations qui réduisent laquantité de fibrilles ou altèrent leur qualité [4].

L’atteinte osseuse du SM pourrait être en partie expli-quée par la présence de fibrilline dans le tissu osseux [5].

*Correspondance et tirés à part.Adresse e-mail : [email protected] (P.J. Meunier).

Rev Rhum [Ed Fr] 2001 ; 68 : 767-73

© 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservésS1169833001001892/SSU

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Cependant la distribution, la fonction et les relations dela fibrilline avec les autres protéines de la matrice restentmal connues.

OSTÉOGÉNÈSE IMPARFAITE

Classification clinique

La classification adoptée communément est celle deSillence et al. [6, 7] bien que d’autres modes de classe-ment aient été proposés [8]. La prévalence du type leplus fréquent, le type I, est estimée entre 3 et 5 pour100 000. Les patients atteints d’OI ont classiquementdes sclérotiques bleutées [9]. En fait il s’agit dans ce casde la forme la plus fréquente de transmission autosomi-que dominante correspondant au type I de la classifica-tion de Sillence. Le nombre de fractures est peuimportant dans ce premier type et les déformations sontrelativement modestes, ne diminuant pas trop la tailledes individus. Le type II aussi de transmission autoso-mique dominante est la forme létale de la maladie. Lessclérotiques sont bleues et le décès est principalementlié aux fractures costales in utero qui entraînent uneinsuffisance respiratoire. Le type III, de transmissionautosomique dominante mais parfois récessive [10], estla forme non létale la plus grave. Les sclérotiques sontblanches, le visage est triangulaire et les fractures sontfréquemment associées à des déformations progressiveset une petite taille. Le type IV, de transmission autoso-mique dominante, est caractérisé en général par dessclérotiques blanches associées à une petite taille et desdéformations du squelette moins sévères que dans letype III. Ce dernier type est le plus hétérogène etregroupe les patients non classés dans les autres types. Àces quatre types décrits par Sillence et al. s’ajoute le typeV proposé par Glorieux et al. qui est caractérisé par descals hypertrophiques, parfois considérés à tort commedes ostéosarcomes, et des ossifications des membranesinterosseuses [11]. Ce dernier type ne serait pas lié auxgènes COL1A1 ou COL1A2. Paradoxalement, la clas-sification de Sillence et al. n’aide à faire le diagnosticque quand celui-ci est évident. La présence de scléroti-ques bleues ou d’une OI familiale est déterminante.Ceci n’est pas toujours le cas comme nous venons de levoir. Ce point est particulièrement critique si la réalisa-tion d’un essai thérapeutique est envisagée. Le diagnos-tic tardif d’OI est possible et dans quelques cas unemutation du gène du collagène de type I chez despatients ayant une présentation clinique proche del’ostéoporose a été rapportée [12, 13].

Autres aspects cliniques

D’autres aspects de la maladie méritent d’être soulignés.Ils permettent d’orienter le diagnostic en cas de présen-tation osseuse fruste en particulier chez l’adulte. Lascoliose est fréquemment rencontrée dans l’OI. Sontraitement ne doit pas faire appel à des corsets quirisqueraient d’aggraver les déformations thoraciques.Ces déformations associées à une scoliose sont à l’ori-gine du pourcentage important de décès par troublesrespiratoires chez les patients atteint d’OI [14, 15].Certaines formes, en particulier le type III, sont asso-ciées à une atteinte dentaire, la dentinogenèse impar-faite, qu’il faut traiter même pendant la premièredentition chez l’enfant. Une surdité qui peut être deconduction, de transmission ou être mixte, peut appa-raître progressivement surtout dans le type I et uneprévention des traumatismes auditifs est recommandée[16]. Une hyperlaxité ligamentaire est aussi fréquem-ment trouvée, de même que des hématomes post-traumatiques et des cicatrices cutanées atrophiques.Enfin, les atteintes neurologiques sont possibles enparticulier par impression basilaire [17].

Histomorphométrie

En pratique, la biopsie osseuse ne révèle pas de signesstrictement spécifiques et n’aide au diagnostic que dansun nombre très limité de cas. L’analyse systématiquedes biopsies osseuses d’enfants atteints d’OI a permis dedémembrer le type IV de la classification de Sillence etal., en particulier pour le type V de Glorieux et al. [11].L’intérêt de l’étude des biopsies osseuses est aussi d’avoirpu préciser le mécanisme de la raréfaction osseuse chezl’enfant [18]. En effet, le volume trabéculaire osseux estdiminué par réduction de la formation des travées. Il aété aussi noté une augmentation de l’épaisseur trabécu-laire moins importante dans le type I ou nulle dans lestypes III et IV par rapport à une population d’enfantsnormaux.

Mesure de la densité minérale osseuse

Un soin attentif doit être porté au suivi de la densitéminérale osseuse (DMO) afin d’évaluer l’évolution dustatut osseux avec ou sans traitement. Ce suivi estsouvent gêné par la présence de matériel d’ostéosyn-thèse ou par les déformations du rachis mais aussi descols fémoraux. La DMO peut être exceptionnellementnormale [19], mais le plus souvent elle est très abaisséecomme en témoignent le Z-score chez l’enfant et le

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T-score chez l’adulte [20-22]. La transparence de l’osest parfois telle que l’appareil qui mesure la DMO estgêné dans l’analyse des images obtenues. Comme dansl’ostéoporose, il est probable que la baisse de la densitéminérale osseuse soit un facteur de risque important denouvelles fractures mais la définition de l’ostéoporosetelle qu’elle a été proposée par l’Organisation mondialede la santé (OMS), c’est-à-dire un T-score inférieurà – 2,5, n’a pas été validée de manière prospective chezl’adulte atteint d’OI. La mesure du statut osseux despatients atteints d’OI par ultrasons n’est pas validée.

Biochimie phosphocalcique et marqueursdu remodelage osseux

La calcémie est normale chez les patients atteints d’OI.Une hypercalciurie est parfois décrite sans qu’uneimmobilisation prolongée soit retrouvée [23]. Elle neprovoque pas d’atteintes rénales ou de néphrocalcinose[24].

Un abaissement du taux de 25(OH)D sérique estsouvent observé, reflétant une hypovitaminose D secon-daire au déficit d’exposition solaire, assez commun chezce type de patients qui vivent assez confinés (MeunierPJ et al, 7th International Conference on OsteogenesisImperfecta, Montréal, 1999, communication person-nelle).

L’analyse de la structure de la matrice osseuse in vivoest théoriquement possible à l’aide des marqueurs duremodelage osseux. Dans l’étude de Lund, seul les tauxsériques de C-propeptide of type I collagen (PICP) sem-blent être spécifiquement abaissés en présence d’ano-malies quantitatives ou qualitatives du collagène chezles enfants comme chez les adultes [25]. Dans ce travail,les taux sériques du N-propeptide of type 1 collagen(PINP), autre marqueur de la formation osseuse,n’étaient abaissés en valeur absolue que chez les enfants.Cette étude confirme les résultats déjà publiés [26-31].

L’intérêt des marqueurs de la résorption osseuse dansl’étude de la matrice osseuse est moins clair. Les étudesin vivo rapportent des résultats contradictoires et aucunprofil d’excrétion ne semble se dégager.

Le suivi à l’aide de ces marqueurs des patients atteintsd’OI, particulièrement en cas de traitement, est utile.Les marqueurs de la formation comme l’ostéocalcine etles phosphatases alcalines osseuses, mais aussi les mar-queurs de résorption ont montré leur intérêt dans lesuivi des enfants traités par pamidronate [32] car ilsreflètent l’activité globale du remodelage et l’impor-tance de la perte osseuse [32].

Diagnostic différentiel

La présence d’une raréfaction osseuse chez l’enfant estanormale et la multitude des diagnostics possibles nedoit pas faire oublier deux diagnostics importants : lesyndrome des enfants battus et l’ostéoporose juvénile.

Les fractures d’âge différent dans la période néonataleet pendant l’enfance peuvent faire évoquer le syndromedes enfants battus. Il faut néanmoins ne jamais oublierla possibilité d’une OI. Ainsi, certains parents d’enfantsatteints d’OI ont été accusés à tort de mauvais traite-ments. Devant un enfant qui présente des fracturessuspectes, il est très important de rechercher d’autresanomalies radiologiques qui pourraient orienter le dia-gnostic. L’ambiguïté provient de l’absence de lésionsspécifiques sur les radiographies, bien que la présenced’os wormiens aide beaucoup au diagnostic d’OI. Lamesure de la DMO par densitométrie biphotonique àrayons X est dans ce contexte un moyen qui pourraitaider dans certains cas à trancher entre fractures parfragilité osseuse ou par mauvais traitements.

Chez le grand enfant, l’association de fractures etd’une ostéoporose est de diagnostic facile lorsque s’yassocie une maladie connue. Lorsque aucun diagnosticprécis n’est facilement évoqué et en l’absence d’argu-ments cliniques en faveur d’une OI, il faut envisager lediagnostic d’ostéoporose juvénile « idiopathique »(OJI). La mesure de la DMO peut apporter une aideprécieuse. L’OJI est typiquement découverte à la suited’une fracture avant la puberté entre l’âge de 8 et 11 anschez les enfants des deux sexes [8]. Des douleurs durachis, des hanches et des pieds sont souvent trouvéesainsi que des difficultés à la marche. Les fractures sonttypiquement métaphysaires mais peuvent toucherl’ensemble des os longs. Les fractures vertébrales sontfréquentes et peuvent s’accompagner d’une légère réduc-tion de la hauteur du tronc. Le massif crâniofacial estnormal. Il n’y pas d’anomalie biochimique caractéristi-que de l’OJI. L’amélioration est spontanée au bout detrois à cinq ans mais les déformations vertébrales et lagène fonctionnelle peuvent persister. Le caractère fami-lial de la maladie fait discuter une forme fruste d’OI.

Traitement par les bisphosphonates

Les modalités de traitement de l’OI ont évolué avec lestraitements par les bisphosphonates. Ces traitements neremplacent pas la prise charge orthopédique et chirur-gicale mais la complètent (voir pour revue [33, 34]). Lapremière utilisation des bisphosphonates dans l’OI a étépubliée par l’équipe de Nagant de Deuxchaisnes dès

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1987 suivie par la description de nombreux cas isolés[35-42]. Glorieux et al. ont les premiers rapporté aucours d’une étude ouverte le suivi de 30 enfants traitéspar pamidronate (Arédiat) (7,5 mg/kg/an en i.v. tousles quatre à six mois) [32]. Les résultats ont été particu-lièrement encourageants puisque la DMO a augmentéde 42 ± 29 % et le Z-score est passé de – 5,3 ± 1,2 à –3,4 ± 1,5. Il a été aussi noté une augmentation de lataille des vertèbres. Le taux de fracture a diminué parrapport au taux observé avant traitement, et il a été aussinoté une diminution de la dépendance physique chez16 enfants alors qu’elle été inchangée chez 14 autres. Enoutre, un effet bénéfique sur les douleurs et la fatigue aété noté avec l’absence d’effet défavorable sur la crois-sance osseuse. Le nombre d’enfants traités actuellementne laisse plus de doute quant à l’efficacité du pamidro-nate. Les résultats très encourageants des bisphospho-nates ne doivent cependant pas faire perdre de vuequ’aucune étude n’a comporté de groupe contrôle avecrandomisation et analyse en double insu. Cela est par-ticulièrement dommageable chez des enfants atteintsd’une maladie aussi hétérogène et chez qui l’augmenta-tion de la DMO peut être simplement liée à la crois-sance. Des résultats préliminaires observés récemmentchez le petit enfant semblent aussi prometteurs : Plot-kin et al. ont traité neuf enfants de moins de deux ansavec une dose moyenne de 12,4 mg/kg de pamidronateintraveineux pendant un an [43]. La DMO a augmentéde 86 à 227 % et le Z-score est passé de – 6,5 ± 2,1 à –3,0 ± 2,1. De même, la taille des vertèbres a augmentéde 11,4 ± 3,4 à 14,9 ± 1,8 cm2. Dans la série historiquetémoin de six enfants, les résultats étaient diamétrale-ment opposés. Le taux de fracture était aussi diminuéchez les enfants traités, 2,6 ± 2,5 fractures par an contre6,3 ± 1,6 pour la série historique. Un effet très net surles douleurs a aussi été noté. L’utilisation des bisphos-phonates peut aussi permettre un enclouage et uneverticalisation plus précoces des enfants. Aucun effetsecondaire n’a été rapporté. Ainsi, les effets bénéfiquesdu traitement par pamidronate sont suffisamment inté-ressants pour que sa généralisation à tous les enfantsatteints d’OI soit envisagée, même lorsqu’il s’agit deformes peu sévères. Ce dernier point reste cependantdiscuté. L’administration du pamidronate par perfu-sions intraveineuses pourrait être néanmoins un frein àson utilisation. Ainsi, d’autres bisphosphonates par voieorale comme l’alendronate (Fosamaxt) sont en coursd’évaluation chez l’enfant OI.

L’OI de l’adulte

Les sujets adultes atteints d’OI sont moins bien suivis.Souvent isolés et mal informés, ils ont tendance ànégliger leur maladie qui ne se manifeste qu’épisodi-quement par des douleurs ou des fractures. Ils restentavec le souvenir d’une période marquée dans l’enfancepar l’impuissance des traitements mis en œuvre. Cepen-dant, il faut rappeler l’importance d’un suivi prolongédes patients atteints d’OI. En effet après une diminu-tion du taux annuel de fractures au moment de lapuberté, il a été bien démontré une reprise des fracturesà l’âge adulte. Les femmes sont souvent touchées aprèsla ménopause dont les effets ostéopéniants s’addition-nent à la fragilité osseuse préexistante liée à l’OI [44].Chez l’homme, le taux de fractures augmente de nou-veau avec l’âge surtout entre 60 et 80 ans. Ainsi, à l’OIs’ajoutent les effets du vieillissement normal des os. Ondoit donc conseiller fortement aux femmes ménopau-sées atteintes d’OI un traitement hormonal substitutifou par les modulateurs sélectifs des récepteurs de l’estra-diol (SERM). Une étude contrôlée en double insu aprèsrandomisation des effets de l’alendronate dans l’OI del’adulte est en cours à Lyon (Meunier PJ et al, 7thInternational Conference on Osteogenesis Imperfecta,Montréal, 1999).

Suppléments vitaminocalciques

Trop souvent immobilisés et protégés de l’environne-ment extérieur, les enfants comme les adultes atteintsd’OI souffrent facilement de carence en vitamine D eten calcium. Une supplémentation vitaminocalciquequotidienne est donc particulièrement nécessaire del’ordre de 500 mg ou 1 000 mg de calcium et de 400 à800 UI de vitamine D.

SYNDROME DE MARFAN

Le syndrome de Marfan est une anomalie autosomiquedominante du gène de la fibrilline [45, 46]. Sa préva-lence est estimée à entre 4 et 6 pour 100 000. Le SM secaractérise par des atteintes des systèmes cardiovascu-laire, oculaire et neurologique. L’atteinte osseuse est dedécouverte plus récente en raison de l’allongement del’espérance de vie et de la mesure systématique de laDMO. La méthode de mesure de cette dernière estdéterminante. En effet, la grande taille des patientsatteints, la présence d’une scoliose parfois opérée et ladiminution de la masse grasse corporelle peuvent modi-fier son résultat. De même, les courbes de référence des

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appareils de mesure établies pour une population detaille moyenne peuvent entraîner des biais dans le calculdes T-scores et des Z-scores.

La prévalence du nombre de fractures dans le SM estdébatue. Elle est estimée à 10 % dans l’étude de Le Parcet al., alors qu’elle est de 33 % dans l’étude Grahame etPyeritz pour des patients d’âge similaire [47, 48]. Iln’existe pas d’étude longitudinale des conséquencesd’une faible densité osseuse sur la survenue de fracturedans le SM.

La raréfaction osseuse a d’abord été observée sur lesclichés radiographiques [49]. La mesure de la DMO pardensitométrie biphotonique à rayons X a confirmé cetteraréfaction qui est observée tant chez la femme que chezl’homme. Elle prédomine au niveau cortical commel’ont bien montré différents travaux. En effet, dansl’étude de Kohlmeier portant sur 32 femmes, le Z-scoreétait de – 0,59 ± 1,06 en L2–L4 et de – 1,25 ± 0,99 à lahanche (col fémoral) [50]. Cette étude confirmait unpremier travail portant sur 17 patientes [51]. Plusrécemment, Le Parc et al. ont rapporté le statut densi-tométrique de 60 patients, 20 femmes et 40 hommes[47]. La diminution de la DMO exprimée en Z-scoreétait à la hanche de – 1,26 ± 0,93 (total)et – 0,93 ± 1,09 (col fémoral) et au radiusde – 1,6 ± 1,06. Des résultats moins significatifs ontété cependant décrits à la hanche par Tobias et Carter[52, 53].

Le statut vitaminocalcique n’est pas connu chez lespatients atteints de SM. Aucune étude thérapeutique àvisée osseuse n’a pour l’instant été publiée.

SYNDROME D’EHLERS-DANLOS

Le syndrome d’Ehlers-Danlos est un groupe hétérogènede désordres héréditaires du tissu conjonctif caractériséspar une mobilité articulaire, une élasticité de la peau etune fragilité tissulaire anormale. Sa prévalence est esti-mée à 1 pour 25 000. La classification de 1988 quidéfinit neuf sous-types (type I–VIII et X) a été réviséeen la simplifiant en 1998 [45, 54]. Cependant, la moitiéenviron des patients ne peut pas être classée. Le degréd’atteinte des organes internes comme l’atteinte vascu-laire varie énormément en fonction du type. Différentscollagènes sont impliqués comme le collagène de type Vpour les SED de type I et II, le collagène de type III pourle SED de type IV mais aussi les parties aminotermina-les des chaînes proalpha1 (I) (type A) ou proalpha2(I)(type B) du collagène de type I. Les anomalies à l’ori-gine de certains types de SED ne sont pas encore

connues mais une atteinte d’enzymes impliqués dans lemétabolisme du collagène est possible comme dans letype VI où un déficit en lysyl hydroxylase a été trouvé.

L’atteinte osseuse, peu documentée dans le SED, aété discutée. Les séries de patients homogènes sontrares. D’un point de vue technique, la présence d’unescoliose peut être gênante pour l’évaluation de la DMOlombaire. Les deux premières études portant sur quatreet sept patients suggéraient la présence d’une ostéopé-nie [55, 56]. Deux autres études portant toutes les deuxsur 23 patients ont trouvé des résultats contradictoires.Dolan et al. rapportent un nombre plus important defractures périphériques chez les patients SED que chezles contrôles [57]. De plus, une diminution de la DMOmesurée par densitométrie biphotonique à rayons Xétait notée à la colonne lombaire (– 0,74 ET) et au colfémoral (– 0,9 ET, col fémoral) [57]. La broadbandultrasound attenuation (BUA) et la speed of sound (SOS)mesurées par ultrasons étaient diminuées au calcanéumpar rapport aux contrôles et étaient inversement corré-lées avec l’hypermobilité articulaire. Carbone et al.n’ont pas trouvé de différence entre les mesure deDMO de la colonne lombaire des patients atteints deSED de type III et celles de patients témoins du mêmeâge et du même sexe [58]. Au col fémoral, la différencedisparaissait après ajustement avec le poids corporel, lataille et l’activité physique. L’étude des phosphatasesalcalines osseuses, de l’ostéocalcine, du PICP et ducarboxyterminal cross-linked telopeptide of type I collagen(ICTP) sérique n’a pas trouvé de différence entre lespatients atteints et les témoins.

CONCLUSION

L’OI n’est pas la seule atteinte de la matrice extracellu-laire d’origine génétique pouvant entraîner une raréfac-tion et une fragilité osseuses. Elle est cependant celle oùle problème du traitement se pose avec le plus d’acuité.L’évaluation des traitements médicaux en cours laisseespérer la fin d’un empirisme néfaste. Les bisphospho-nates associés à la chirurgie sont probablement en trainde modifier le devenir à long terme de l’OI. Il estpossible que les bisphosphonates pourraient aussi êtreefficaces dans le SM ou le SED, mais une évaluationrigoureuse doit être réalisée.

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