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Nutr. Clin. M6tabol. 1996 ; 10 : 41 S-43 S Peroxydation in vitro et effet de l'administration en nutrition parent rale totale d'une mulsion lipidique fi base d'huile d'olive sur la peroxydabilit des lipoprot ines de basse densit chez l'enfant H(~l(~na Antdbi 1, Laurence Zimmermann 1, Corinne Bourcier ~ Alexia Le Brun 2, Agnes Giudicelli 2, Guy Dutot 2, Virginie Colomb 3, Odile Corriol 3, Olivier Goulet 3, Claude Ricour 3, Louis-Gerald Alcindor ~ 1 Laboratoire de Nutrition, Facult~ de M6decine Paris-Ouest, Paris. 2 Clintec, France. 3 Groupe Hospitalier Necker-Enfants Matades, Paris. Les 6mulsions lipidiques injectables (Elis) utilis6es en nutrition parent6rale sont g6n6ralement riches en aci- des gras polyinsatur~s et sensibles aux peroxydations. Au cours de leur fabrication et de leur conservation, des radicaux libres se forment et initient, en pr6sence d'oxyg~ne, la d~gradation peroxydative de leurs lipi- des. Ainsi, peuvent ~tre mis en 6vidence darts les flacons qui les contiennent des d6riv6s nocifs tels que des alcanes (6thane, pentane...) et des divers ald6hy- des. L'administration par voie parent6rale de ces d6ri- v6s et de leurs pr~curseurs lipidiques ont ~t6 associ6e fi l'augmentation de la morbidit6. Cette derni~re est induite par les radicaux libres. Des Elis appauvries en lipides polyinsatur6s ont alors 6t6 d~velopp6es [1-5]. Dans ce travail, nous rapportons alors en comparai- son avec Intralipide ® consider6 comme r&6rence, la peroxydation in vitro et les effets d'une 6mulsion de ce type, ClinO16ic ®, sur la peroxydabilit6 des lipo- prot~ines de basse densit6 chez des enfants en nutri- tion parent~rale totale (NPT). Materiel et m6thodes Sujets Apr6s approbation du C.C.P.P.R.B. de l'h6pital Nec- ker, l'6tude a 6t6 men6e chez 18 enfants. Apr~s une p6riode de pr6inclusion de 30 jours, au cours de laquelle une NPT avec une Eli riche en triglyc6rides fi chaines moyennes a 6t6 institute, les enfants sont r~partis en deux groupes soumis /t une NPT de 60 jours par ClinOl~ic ® (Cl) ou Intralipide ® (I1). Les pr616vements en vue des divers dosages sont effec- tubs 30 heures apr~s l'arr6t de tout apport lipidique. Mbthodes Les lipoprot6ines de basse et tr~s basse densit6 (non- HDL) et les lipides sont isol~es fi partir de 100 L de plasma h~parin6 ou de 20 ~L d'ELi par pr6cipitation s61ective. La peroxydabilit6 (Elis et lipoprot6ines) est mesur~e selon une proc6dure en deux temps utilisant l'acide thiobarbiturique comme d6crit pr6c6demment [6]. Les substances r6agissant avec l'acide thiobarbitu- rique (SRTBA) form6es correspondent fi la diff6- rence entre les valeurs mesur6es en pr6sence et en absence de ph6nylhydrazine. La peroxydabilit6 est d6finie comme la quantit6 de SRTBA form6e apr6s 45 minutes de peroxydation in vitro. L'6tude cin6tique de la lipoperoxydation des Elis en absence ou en presence de 0,05 mg d'~-tocoph6rol (60 mg/g de lipides) est r6alis6e par des mesures de SRTBA form6es toutes les 150 secondes pendant 15 minutes et toutes les 300 secondes au-delfi. Resultats Peroxydation in vitro Le contenu de ClinOl~ic ® en SRTBA est initialement faible et n'augmente pas apr6s 60 minutes de chauf- Correspondance : Dr L.G. Alcindor, Laboratoire Central de Biologie, H6pital de Poissy, 33, rue Champ-Gaillard, 78303 Poissy cedex. 41 S

Peroxydation in vitro et effet de l'administration en nutrition parentérale totale d'une émulsion lipidique à base d'huile d'olive sur la peroxydabilité des lipoprotéines de basse

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Nutr. Clin. M6tabol. 1996 ; 10 : 41 S-43 S

Peroxydation in vitro et effet de l'administration en nutrition parent rale totale d'une mulsion lipidique fi base d'huile d'olive sur la peroxydabilit des lipoprot ines de basse densit chez l'enfant

H(~l(~na Antdbi 1, Laurence Z immermann 1, Corinne Bourcier ~ Alexia Le Brun 2, Agnes Giudicelli 2, Guy Dutot 2, Virginie Colomb 3, Odile Corriol 3, Olivier Goulet 3, Claude Ricour 3, Louis-Gerald Alc indor ~

1 Laboratoire de Nutrition, Facult~ de M6decine Paris-Ouest, Paris. 2 Clintec, France. 3 Groupe Hospitalier Necker-Enfants Matades, Paris.

Les 6mulsions lipidiques injectables (Elis) utilis6es en nutrition parent6rale sont g6n6ralement riches en aci- des gras polyinsatur~s et sensibles aux peroxydations. Au cours de leur fabrication et de leur conservation, des radicaux libres se forment et initient, en pr6sence d'oxyg~ne, la d~gradation peroxydative de leurs lipi- des. Ainsi, peuvent ~tre mis en 6vidence darts les flacons qui les contiennent des d6riv6s nocifs tels que des alcanes (6thane, pentane...) et des divers ald6hy- des. L'administration par voie parent6rale de ces d6ri- v6s et de leurs pr~curseurs lipidiques ont ~t6 associ6e fi l 'augmentation de la morbidit6. Cette derni~re est induite par les radicaux libres. Des Elis appauvries en lipides polyinsatur6s ont alors 6t6 d~velopp6es [1-5]. Dans ce travail, nous rapportons alors en comparai- son avec Intralipide ® consider6 comme r&6rence, la peroxydation in vitro et les effets d'une 6mulsion de ce type, ClinO16ic ®, sur la peroxydabilit6 des lipo- prot~ines de basse densit6 chez des enfants en nutri- tion parent~rale totale (NPT).

Materiel et m6thodes

Sujets

Apr6s approbation du C.C.P.P.R.B. de l'h6pital Nec- ker, l'6tude a 6t6 men6e chez 18 enfants. Apr~s une p6riode de pr6inclusion de 30 jours, au cours de laquelle une NPT avec une Eli riche en triglyc6rides fi chaines moyennes a 6t6 institute, les enfants sont r~partis en deux groupes soumis /t une N P T de

60 jours par ClinOl~ic ® (Cl) ou Intralipide ® (I1). Les pr616vements en vue des divers dosages sont effec- tubs 30 heures apr~s l'arr6t de tout apport lipidique.

Mbthodes

Les lipoprot6ines de basse et tr~s basse densit6 (non- HDL) et les lipides sont isol~es fi partir de 100 L de plasma h~parin6 ou de 20 ~L d'ELi par pr6cipitation s61ective. La peroxydabilit6 (Elis et lipoprot6ines) est mesur~e selon une proc6dure en deux temps utilisant l'acide thiobarbiturique comme d6crit pr6c6demment [6]. Les substances r6agissant avec l'acide thiobarbitu- rique (SRTBA) form6es correspondent fi la diff6- rence entre les valeurs mesur6es en pr6sence et en absence de ph6nylhydrazine. La peroxydabilit6 est d6finie comme la quantit6 de SRTBA form6e apr6s 45 minutes de peroxydation in vitro. L'6tude cin6tique de la lipoperoxydation des Elis en absence ou en presence de 0,05 mg d'~-tocoph6rol (60 mg/g de lipides) est r6alis6e par des mesures de SRTBA form6es toutes les 150 secondes pendant 15 minutes et toutes les 300 secondes au-delfi.

Resultats

Peroxydation in vitro

Le contenu de ClinOl~ic ® en SRTBA est initialement faible et n'augmente pas apr6s 60 minutes de chauf-

Correspondance : Dr L.G. Alcindor, Laboratoire Central de Biologie, H6pital de Poissy, 33, rue Champ-Gaillard, 78303 Poissy cedex.

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H. ANTI~BI

fage fi 37 °C. Toutefois, lors d'une incubation en pr6sence de ph6nylhydrazine, utilis6 comme prooxy- dant, des SRTBA se forment et l'6tude cin6tique (figure 1) de leur concentration permet de distinguer trois p6riodes :

- une phase initiale << de latence >> sans variations significatives, - u n e pbriode de propagation avec augmentat ion rapide, - et une phase finale de concentration maximale. La cin6tique de Intralipide ® elle r6vble une phase de latence de m~me durbe, une phase de propagation dont la pente est att6nube et une capacit6 totale de formation des SRTBA rbduite (p < 0,001, test de Student). En pr6sence d'~-tocoph6rol, (60 mg/g de lipides), la dur6e de la phase de latence est prolong6e pour l'une et l 'autre Eli. On n'observe cependant pas de modifi- cations significatives de la quantit6 totale de SRTBA form6es aprbs 45 minutes d'incubation en pr6sence de ph6nylhydrazine.

P e r o x y d a b i l i t ~ des l i p o p r o t ~ i n e s au c o u r s d 'une N P T

La composition lipidique des lipoprotbines de basse densit6 reste assez constante au cours de l'6tude, quelle que soit l'6mulsion utilis6e. Initialement, la peroxydabilit6 des lipoprot6ines non- H D L (VLDL + LDL) est voisine de 100 ~tM et sup6rieure de 30% dans le groupe C1 compar6 au groupe I1 (tableau I). En cours d'6tude, elle diminue significativement chez les sujets du groupe C1 et aug- mente progressivement dans le groupe I1 (p = 0,003). A J60, elle est plus forte chez les sujets du groupe I1 que dans le groupe C1. Cette diffbrence de peroxyda- bilit6 est significative par l 'analyse de covariance (p = 0,01) effectu6e avec J0 comme covariable.

Discussion

Le faible contenu initial en SRTBA de l'~mulsion ClinOl6ic ® t6moigne en faveur de sa bonne tenue au

A(D.O.)

0,25

0,;~0

0,15

0,10

0,05

0,00 o C. - I I I I I 5 10 t5 20 25 30 35

Minutes

Cl inOI6 ic ®

, ~ . :~ In t ra l ip ide ®

ClinOI6ic® + Vi i . E

IntrNipide® + V ik E

I 40

Figure 1 • Effets de la vitamine E (c~-tocoph4rol) sur la peroxydation induite in vitro par la phknylhydrazine d'Intralipide ® et de ClinO14ic ®.

Tableau I : Evolution de la peroxydabilitd (en ~zmoles de S R T B A / l de plasma) des non-HDL au cours d'une N P T de 60 jours avec Intralipide ® (Il) ou ClinOldic ® (Cl) chez l'enfant.

A N O V A en mesure r@4t4es-effet traitement : * p < 0,005.

J0 J30 J60

I1 C1 I1 C1 I1 C1 Non-HDL* 72 + 7 100 _+ 15 79 _+ 10 77 + 12 105 + 13 84 _+ 16

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P E R O X Y D A T I O N I N V I T R O

stress li6 fi sa fabricat ion industrielle. Elle est pour- tant peroxydable in vitro malgr6 une thermor6sis- tance fi 37 °C bien sup6rieure/ t celle d 'autres Ells [7]. En effet, en pr6sence de ph6nylhydrazine, utilis6e comme prooxydant , son incubat ion fi cette temp6ra- ture provoque la fo rma t ion de SRTBA en quantit6s toutefois moins impor tan tes qu ' Intral ipide ® don t la capaci t6 /t g6n6rer des peroxydes appara~t sup6- rieure. Ce r6sultat est sans doute li6 ~t la teneur en lipides peroxydables et en ant ioxydants efficaces de ces deux Elis. L'6tude compar6e des cin&iques de peroxydat ion r6v61e pour l 'une et l 'autre une phase de latence dont la bri~vet~ sugg~re une d6ficience commune en ant ioxydants [8]. Son a l longement en pr6sence d'0~-tocoph6rol confirme cette interpr6ta- tion. Toutefois, dans nos condit ions exp6rimentales (stress oxydant rapport6 fi la quantitb de substrats oxydables pr6sents plus 61ev~ dans C1 que dans I1), sa dur6e ~quivalente indique une meilleure r6sistance de ClinO16ic ®/t la peroxydat ion induite in vitro. Elle peut ~tre due fi une teneur e t /ou ~t une efficacit6 sup6rieure des ant ioxydants (e-tocoph~rol, antioxy- dants ph6noliques issus de l 'huile d'olive, etc.) qu'elle contient, mais aussi / t la pr6sence d'acide ol6ique qui peut ralentir les processus peroxydatifs [9, 10]. L'at- t6nuat ion de la pente de la courbe de peroxydat ion en phase de p ropaga t ion suppor te cette conclusion. Les rasultats ci-dessus met ten t en lumi~re l ' impor- tance, pour la peroxydat ion in vitro, de la composi- t ion chimique des substrats lipidiques. Les variat ions contrast6es de peroxydabili t6 que nous observons en N P T avec Intral ipide ® et ClinOl~ic ® peuvent en effet s'expliquer, en l 'absence d 'al t6rat ions quanti tat ives de leur composi t ion, par un enrichissement s61ectif des l ipoprot6ines en acides gras polyinsatur6s ou monoinsatur6s [11]. Mais l 'administrat ion parent6- rale d'Elis a aussi pour effet de diminuer la teneur des l ipoprot6ines en an t ioxydants car elle stimule leur consommat ion en induisant une l ipoperoxyda- t ion endog6ne accrue [12]. L 'adminis t ra t ion d'Elis fi base d'huile d'olive et /t teneur plus forte en e- tocoph6rol att6nue ces proces- sus et r en fo rce la r6s is tance /t l ' o x y d a t i o n des lipoprot6ines n o n - H D L [13]. Ceci pourrait , conjoin- tement ~i l 'enrichissement en acides gras monoinsa- tur6s, contr ibuer /t la baisse de peroxydabilit~ que nous observons. L'ensemble de nos r6sultats permet de conclure fi l ' int6rat prat ique de ClinOlaic ®. En effet, pour une utilisation en NPT, cette Eli r6pond aux crit@es de choix que sont une faible teneur initiale en peroxydes et une capacit6 r6dui te / t les former. Sa bonne tol6- rance m6tabol ique et ses effets favorables sur la peroxydabil i t~ des l ipoprot6ines de basse densit6

sont des a rguments ~t prendre en compte dans ia pr6vention des pathologies induites par les radicaux libres et la l ipoperoxydat ion chez les sujets/t risques. Des t ravaux compl6mentai res sont cependant n6ces- saires pour 6tayer ces conclusions.

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