Upload
fabien-legeron
View
216
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
8/8/2019 Piranha 3d - critique pour iletaitunefoislecinema - version complte
1/3
piranha 3d - A Aja / F Levasseur
Assumant pleinement son statut de plaisir "coupable", voire de Gremlins pour adultes
selon ses auteurs, ce nouveau Piranha (qui n'est ni un remake, ni voir obligatoirementen relief) ne se prend jamais pour un chef-d'oeuvre et c'est prcisment ce qui le rend
aussi sympathique. Trs gore, trs cul et -faussement- trs con: on aurait en effet tort debouder son plaisir. Critique dcontracte.
Un tremblement de terre subaquatique met au jour une faille d'o sortent des milliers de
piranhas prhistoriques affams. Heureusement pour eux, c'est le spring break et une foule de
jeunes nergumnes font la fte Lake Victoria. On va bien s'amuser, notamment une
poigne d'ocanographes gologues, la sheriff du cru, son fils engag sur un porno semi-
aquatique tendance "girls gone wild", ainsi que ses deux cadets et sa wannabe-girlfriend. Tout
ce joli petit monde va donc devoir se sortir les tripes pour esprer ne pas se les voir bequeter,
l'instar des hordes de beefsteaks en slips de bain occups se trmousser tout alentour.
Piranha offre un bel arrire-got de soleil ici, aprs un t "genre" qui tait cens envoyer dufun par palettes de quinze et nous a laisss globalement un peu sur notre faim, avec
notamment nombre d'essais sympathiques mais moiti transforms (Predators, Inception,
Repo Men, Djinns, Expendables), quelques perles (Splice!) et des arnaques pures et simples
(on ne dira pas qui). Il est tout de mme triste que pour sustenter ledit t au rayon imaginaire
en salles, on doive attendre le 1er septembre... D'autant que (vacuons les problmes
d'emble) la date de sortie semble encore un peu prmature si l'on en juge une
postproduction manifestement boucle dans l'urgence : CGI aux textures parfois sommaires,
un ou deux lags dans les squences o beaucoup de poissons s'battent, quelques incrustations
un peu grossires, etc.. Les piranhas eux-mmes sont ainsi bizarrement assez moyens, alors,
que l'ensemble des effets spciaux en dur de KNB sont magnifiques. La conversion 3D se
paie, mme si tant donn le concept et le ton de ce Piranha, le procd se justifie bien plus
que dans pas mal des films qu'on a vus cette anne (au hasard, un indice: "Good luck,
Fisherrrman!").
Car Piranha est ludique, il ne prtend mme (presque) qu' a. L'ambiance de parc
d'attraction pour enfants de plus de 18 ans n'est jamais dmentie, que ce soit dans le contexte
(le spring break), le casting, la direction artistique ou les pripties. Le programme des
festivits? Des foules entires ronges jusqu'aux os! Ving Rhames arm d'un moteur de canot
qui hache du poisson! De l'ocanographe maniant jet-ski et fusil pompe! Du full frontal en
veux-tu en voil! Eli Roth arm de pistolets eau gants! Des chevelures prises dans des
hlices! Des prothses mammaires qui flottent! Des poissons qui traversent les gens par desissues que la morale rprouve! Un piranha qui rote un chibre!
8/8/2019 Piranha 3d - critique pour iletaitunefoislecinema - version complte
2/3
Aja et Levasseur n'y vont certes pas avec le dos de la cuiller, comme on l'avait dj remarqu
dansHaute Tension et The Hills have Eyes. Ce qui est heureux dans la mesure o lorsqu'ils
tentent de se calmer pour faire les yeux doux l'industrie, le rsultat doit un peu, et apparat
mme en demi-teintes (2me Sous-sol, Mirrors). Aja est beaucoup plus ralisateur que
dramaturge (une part non ngligeable de l'criture est assume en bout de circuit par le - bon -
monteur Baxter), ce qui en soi n'est pas un dfaut, mais s'accommode presque exclusivement
de sujets archtypaux qui devront plus la dynamique de la mise en scne qu'aux mcaniquesscnaristiques complexes. En somme voil un trium vira qui ne fonctionne pour le moment
plein qu'avec des rcits simples et linaires. On n'attendra logiquement pas de ce ride, port
sur un concept et un seul (20 000 crtins, 100 000 piranhas), qu'il redfinisse nos horizons
conceptuels ou nous ballade dans une mcanique bien huile, subtile et puissante du point de
vue de la potique aristotlicienne... On n'est pas l pour a. Alors bien entendu le
droulement des pripties, pour rocambolesques qu'elles soient, est parfaitement balis, et les
personnages apparaissent comme leurs propres caricatures, ce qui nuit l'ventuelle
implication motionnelle qu'on voudrait ressentir pour eux. Mais on est ici dans un projet de
pure narration, o la manire de raconter prend dans une certaine mesure le pas sur ce qui est
racont, sur le mode de l'outrance la plus frontale induisant une certaine distanciation. Ce qui
appelle les archtypes susdits. Cela se voit bien entendu d'abord dans le traitement des
personnages et le jeu des acteurs, commencer par Jerry O'Connell, qui vaut beaucoup mieux
que ses prestations dans la srie Sliders et retrouve dans Piranha sa tte d'abruti deJoe's
Appartment, la mchancet crasse et le teint burin sur Venice Beach en plus. Et le fan service
est encore assur via Richard Dreyfuss qui reprend officieusement son rle de Jaws, Eli Roth
en pleine hystrie de jouissance force ou Christopher Lloyd en mode "Nom de Zeus!"
permanent. Difficile pour les rles principaux de ne pas tre cantonns de jolis minois
inoffensifs ct de ces briscards qui cabotinent tant qu'ils peuvent. Pour tre honnte, on se
moque bien des persos et des enjeux humains du film (encore une fois, ce n'est pas le propos),
et l'aspect compltement disproportionn de l'ensemble de l'entreprise y contribue, tout en
assurant, paradoxalement, le spectacle qu'on en attend. Spectacle bien servi sur le mode dufilm d'exploitation pur et dur, et de fait un peu putassier quand mme, car la grosse majorit
8/8/2019 Piranha 3d - critique pour iletaitunefoislecinema - version complte
3/3
du public ne viendra que pour le fat ass au mpris de toute ide discursive - courage donc
dans les salles des multiplexes, mme si c'est parce qu'il est con que Piranha est bon...
deux figurants de la grande scne de carnage. On sent l'ambiance.
C'est finalement, d'ailleurs, ce manque de profondeur apparent qui confre son intrt au film,
qui dans son choix du contexte de spring break devient la marge une sorte de dmonstration
ab absurdo. Aja/Levasseur ne s'en cachent pas, eux qui longueur d'entrevues parlent de cette
culture du spring break (et plus largement ce cocktail forcen
boulot/consommation/jouissance de l'occident ais) comme symptme possible d'un stade
terminal qu'aurait atteint la civilisation, une sorte d'apocalypse permanente vivre dans la joie
obligatoire, mais qu'on a tout de mme un peu envie de rejoindre pour participer la fte et ne
pas tre hors du coup. Un propos qui rejoint le discours de Neveldine et Taylor dans Tits
against the Glass, le making of de Crank 2, lorsqu'ils voquent carrment le contextesocioculturel actuel comme "les derniers jours de Rome"... Piranha, grand n'importe quoi
jouissif mais toujours cohrent, qui met en vidence l'abtissement gnral en semblant lui
servir la soupe, fait ainsi partie de cette vague de ce cinma intelligemment con qui fleurit
depuis une petite dcade. A ranger ct des efforts de Trey Parker et Matt Stone, de ceux de
Neveldine et Taylor donc (voir les indispensables squences la Second Life dans leur
Gamer), mais aussi certains films du Frat Pack ou l'Idiocracy de Mike Judge. Ce qui n'est pas
une tradition dont ils aient rougir, tant le propos est bien servi par ce type de mise en scne
excessive. Et la frnsie de l'exercice appuie au mieux ce propos qu'on a vu traiter de
manires plus austres chez d'autres. C'est dire si on attend avec impatience leur Cobra, dont
la mythologie entretient thmatiquement pas mal de similitudes avec cette outrance aussi
dsabuse que joyeuse. Mais avec moins de poissons.