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84 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2009 - N°411 Mercurémie après soins dentaires ? Plusieurs études publiées dans des revues médicales interna- tionales ont établi un lien probable entre une exposition à de faibles doses de mercure et le développement de la maladie d’Alzheimer, avertit Marie-Jo Zimmermann, député, évoquant le risque de certains amalgames dentaires pour le SNC. D’émi- nents spécialistes américains et européens les mettent en cause comme facteur aggravant, voire déclenchant, de cette pathologie neurologique, certains amalgames représentant, selon l’OMS, la principale source d’exposition au mercure aujourd’hui des populations occidentales (depuis la suppression des thermo- mètres au mercure – NDLR). Dans le cadre du Plan Alzheimer, une action du ministère de la Santé est-elle prévue ? Pour compléter sa question la parlementaire précise que la FDA aux États-Unis a lancé une enquête sur la toxicité des amalgames au mercure, qui pourraient être toxiques pour le système nerveux du fœtus et des enfants en croissance, des études scientifiques ayant montré que le mercure des amalgames est transmis par voie transplacentaire materno-fœtale. Dans un second complément à sa question initiale, Mme Zim- mermann note que si un rapport de l’AFSSAPS a conclu à l’inno- cuité des amalgames dentaires, affirmant que « les symptômes décrits par les porteurs d’amalgames ne sont pas attribuables au mercure mais reflètent des maladies somatiques non diagnos- tiquées ou des troubles psychiques, voire psychiatriques », un rapport officiel suédois considère au contraire que « le mercure qui s’échappe des amalgames peut contribuer aux symptômes des patients souffrant de pathologies à étiologie douteuse ou de maladies auto-immunes ». Concernant l’élimination du mercure résiduel après dépose des amalgames, elle est lente et difficile, malheureusement les traitements chélateurs du mercure ne sont pas prescrits par les médecins français ! L’usage de tels amalgames est très ancien, et la réponse minis- térielle souligne que les amalgames à base de mercure, d’argent ou d’étain sont utilisés pour le traitement des caries depuis plus de 150 ans, matériaux d’obturation de bonne qualité, encore sans équivalent dans nombre de cas, en particulier dans le traitement de perte de matière dentaire par caries multiples et étendues chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte. Un nombre considérable d’amalgames sont posés depuis aussi longtemps, or on ne connaît pas un seul cas avéré d’intoxication au mercure d’un patient. En fait, les doses de mercure libérées par un amalgame sont infimes, très en deçà des seuils auxquels des effets toxiques pourraient être observés. Aucune étude scientifique n’a pu montrer des effets néfastes des obturations faites avec ces amalgames sur l’état de santé général. Une information complète sur le sujet est disponible sur le site de l’AFSSAPS (www.afssaps.fr) : « Le mercure des amalgames dentaires » (octobre 2005). Le Scientific committee on emerging and new identified health risks (SCENIHR) près la Commission européenne a publié en novembre 2007 un rapport : « La sécurité des amalgames den- taires et des matériaux de restauration dentaire alternatifs pour les patients et les utilisateurs », qui constate également que, vu le rapport bénéfice/risque à partir des données disponibles, l’amalgame dentaire doit être considéré comme un matériau d’obturation de bonne qualité et dépourvu de risque, ce qui justifie son maintien en chirurgie dentaire. Néanmoins, en France il est recommandé d’éviter la pose et la dépose d’amalgames chez la femme enceinte ou allaitante car le mercure franchit la barrière placentaire et passe dans le lait maternel. Les pouvoirs publics ont mis en place en 2005 dans 15 régions un réseau d’experts en toxicologie, pharmacologie et odontologie pour la prise en charge de personnes souffrant de pathologies qu’elles attribuent aux amalgames. Plan Cancer : il faut mieux évaluer les tests de dépistage On le sait, le Plan Cancer va connaître son second souffle avec la présentation de sa relance, confiée au Pr J.-P. Grünfeld. Cela signifie que les items de ce plan ne sont pas figés et doivent tenir compte des remarques provenant de diverses instances. C’est notamment le cas, comme le souligne une question du député Denis Jacquat, de la Cour des Comptes, qui a recommandé notamment de faire évaluer régulièrement les nouveaux tests et moyens de dépistage afin d’adopter dans les meilleurs délais ceux qui présentent le meilleur rapport coût/performance, en particulier pour de dépistage du cancer colorectal (CCR). Effectivement, dans son rapport du 9 avril 2008 consacré à la mise en œuvre du Plan Cancer, la Cour des Comptes a for- mulé des observations sur le bilan de ce premier plan national, et ses principales conclusions ont été prises en compte par l’État, confirme la réponse ministérielle. En ce qui concerne les nouveaux tests et moyens de dépistage, le ministère de la Santé a complété le dispositif de dépistage du cancer du sein par l’intégration du matériel d’imagerie numérique en première lecture après avis de la Haute Autorité de Santé (HAS). En ce qui concerne les tests de dépistage du CCR, la HAS a été saisie, dès fin 2007, par la Direction générale de la Sécurité sociale et l’Institut national du cancer (INCa), d’une demande d’évaluation de la place dans le programme de dépistage et des performances des tests immunologiques de recherche de sang occulte dans les selles, ou IFOBT (immunological fecal occult blood tests). Cette évaluation a pour but de faire la synthèse des données d’évaluation disponibles, d’identifier les données manquantes nécessaires à l’évaluation, bref d’envisager s’il est possible à terme de remplacer le test classique au gaïac, ou GFOBT (gaiac fecal occult blood test) actuellement utilisé. Ce changement de procédé devrait avoir un impact sur l’organisa- tion du dépistage et sur les populations-cibles en fonction du rapport efficacité/sécurité et coût/efficacité (le coût est-il justifié pour la collectivité ?). Ainsi, le rapport de la HAS concernant les IFOBT Magstream ® et OC-Sensor ® apporte des données suffisantes, précise le ministère, pour recommander dès à présent la mise en place du proces- sus de substitution du test GFOBT par un test IFOBT à lecture automatisée dans le programme national de dépistage du CCR chez les sujets de 50 à 74 ans. Ces changements ne pourraient se faire avant 2 ans au mieux : il faut veiller à ne pas déstabiliser le programme ni recréer une situation de monopole avec le test IFOBT, précise le ministère (réponse publiée fin janvier). Jean-Marie Manus

Plan Cancer : il faut mieux évaluer les tests de dépistage

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84 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2009 - N°411

Mercurémie après soins dentaires ?

Plusieurs études publiées dans des revues médicales interna-tionales ont établi un lien probable entre une exposition à de faibles doses de mercure et le développement de la maladie d’Alzheimer, avertit Marie-Jo Zimmermann, député, évoquant le risque de certains amalgames dentaires pour le SNC. D’émi-nents spécialistes américains et européens les mettent en cause comme facteur aggravant, voire déclenchant, de cette pathologie neurologique, certains amalgames représentant, selon l’OMS, la principale source d’exposition au mercure aujourd’hui des populations occidentales (depuis la suppression des thermo-mètres au mercure – NDLR). Dans le cadre du Plan Alzheimer, une action du ministère de la Santé est-elle prévue ?

Pour compléter sa question la parlementaire précise que la FDA aux États-Unis a lancé une enquête sur la toxicité des amalgames au mercure, qui pourraient être toxiques pour le système nerveux du fœtus et des enfants en croissance, des études scientifiques ayant montré que le mercure des amalgames est transmis par voie transplacentaire materno-fœtale.

Dans un second complément à sa question initiale, Mme Zim-mermann note que si un rapport de l’AFSSAPS a conclu à l’inno-cuité des amalgames dentaires, affirmant que « les symptômes décrits par les porteurs d’amalgames ne sont pas attribuables au mercure mais reflètent des maladies somatiques non diagnos-tiquées ou des troubles psychiques, voire psychiatriques », un rapport officiel suédois considère au contraire que « le mercure qui s’échappe des amalgames peut contribuer aux symptômes des patients souffrant de pathologies à étiologie douteuse ou de maladies auto-immunes ». Concernant l’élimination du mercure résiduel après dépose des amalgames, elle est lente et difficile, malheureusement les traitements chélateurs du mercure ne sont pas prescrits par les médecins français !

L’usage de tels amalgames est très ancien, et la réponse minis-térielle souligne que les amalgames à base de mercure, d’argent ou d’étain sont utilisés pour le traitement des caries depuis plus de 150 ans, matériaux d’obturation de bonne qualité, encore sans équivalent dans nombre de cas, en particulier dans le traitement de perte de matière dentaire par caries multiples et étendues chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte. Un nombre considérable d’amalgames sont posés depuis aussi longtemps, or on ne connaît pas un seul cas avéré d’intoxication au mercure d’un patient.

En fait, les doses de mercure libérées par un amalgame sont infimes, très en deçà des seuils auxquels des effets toxiques pourraient être observés. Aucune étude scientifique n’a pu montrer des effets néfastes des obturations faites avec ces amalgames sur l’état de santé général. Une information complète sur le sujet est disponible sur le site de l’AFSSAPS (www.afssaps.fr) : « Le mercure des amalgames dentaires » (octobre 2005). Le Scientific committee on emerging and new identified health risks (SCENIHR) près la Commission européenne a publié en novembre 2007 un rapport : « La sécurité des amalgames den-taires et des matériaux de restauration dentaire alternatifs pour les patients et les utilisateurs », qui constate également que, vu le rapport bénéfice/risque à partir des données disponibles, l’amalgame dentaire doit être considéré comme un matériau d’obturation de bonne qualité et dépourvu de risque, ce qui justifie son maintien en chirurgie dentaire.

Néanmoins, en France il est recommandé d’éviter la pose et la dépose d’amalgames chez la femme enceinte ou allaitante car le mercure franchit la barrière placentaire et passe dans le lait maternel. Les pouvoirs publics ont mis en place en 2005 dans 15 régions un réseau d’experts en toxicologie, pharmacologie et odontologie pour la prise en charge de personnes souffrant de pathologies qu’elles attribuent aux amalgames.

Plan Cancer : il faut mieux évaluerles tests de dépistage

On le sait, le Plan Cancer va connaître son second souffle avec la présentation de sa relance, confiée au Pr J.-P. Grünfeld. Cela signifie que les items de ce plan ne sont pas figés et doivent tenir compte des remarques provenant de diverses instances. C’est notamment le cas, comme le souligne une question du député Denis Jacquat, de la Cour des Comptes, qui a recommandé notamment de faire évaluer régulièrement les nouveaux tests et moyens de dépistage afin d’adopter dans les meilleurs délais ceux qui présentent le meilleur rapport coût/performance, en particulier pour de dépistage du cancer colorectal (CCR).

Effectivement, dans son rapport du 9 avril 2008 consacré à la mise en œuvre du Plan Cancer, la Cour des Comptes a for-mulé des observations sur le bilan de ce premier plan national, et ses principales conclusions ont été prises en compte par l’État, confirme la réponse ministérielle. En ce qui concerne les nouveaux tests et moyens de dépistage, le ministère de la Santé a complété le dispositif de dépistage du cancer du sein par l’intégration du matériel d’imagerie numérique en première lecture après avis de la Haute Autorité de Santé (HAS).

En ce qui concerne les tests de dépistage du CCR, la HAS a été saisie, dès fin 2007, par la Direction générale de la Sécurité sociale et l’Institut national du cancer (INCa), d’une demande d’évaluation de la place dans le programme de dépistage et des performances des tests immunologiques de recherche de sang occulte dans les selles, ou IFOBT (immunological fecal occult blood tests). Cette évaluation a pour but de faire la synthèse des données d’évaluation disponibles, d’identifier les données manquantes nécessaires à l’évaluation, bref d’envisager s’il est possible à terme de remplacer le test classique au gaïac, ou GFOBT (gaiac fecal occult blood test) actuellement utilisé. Ce changement de procédé devrait avoir un impact sur l’organisa-tion du dépistage et sur les populations-cibles en fonction du rapport efficacité/sécurité et coût/efficacité (le coût est-il justifié pour la collectivité ?).

Ainsi, le rapport de la HAS concernant les IFOBT Magstream® et OC-Sensor® apporte des données suffisantes, précise le ministère, pour recommander dès à présent la mise en place du proces-sus de substitution du test GFOBT par un test IFOBT à lecture automatisée dans le programme national de dépistage du CCR chez les sujets de 50 à 74 ans. Ces changements ne pourraient se faire avant 2 ans au mieux : il faut veiller à ne pas déstabiliser le programme ni recréer une situation de monopole avec le test IFOBT, précise le ministère (réponse publiée fin janvier).

Jean-Marie Manus