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LE BARRAGE DE ZIGA : L’EAU POTABLE POUR TOUS ? Comment la construction du barrage de Ziga a constitué une révolution dans le domaine de la gestion de l’eau ? Quels en ont été les effets sur la vie quotidienne des ouagalais ? LE CONTEXTE : Les besoins et les ressources Afin de juger les conditions d’accès à la ressource en eau, un indicateur hydrique a été mis en place par les autorités. Ce dernier se définit par le rapport entre la ressource en eau du pays et sa population. Au Burkina Faso, il était en 1996 de 1683 m3/hab pour une population de 10,4 millions or d’après les prévisions de forte croissance démographique que connaît le pays, il sera environ diminué de moitié en 2025 pour environ 20 millions d’habitants, dépassant alors largement le seuil hautement critique de rareté de 1000m3/hab . Même si des problèmes de pénurie d’eau se posent et se sont posés auparavant plus gravement qu’aujourd’hui - la région de la capitale ne manque pas de ressources en eau mais avant tout d’infrastructures. En effet, cette région compte plusieurs grands lacs, et une nappe phréatique importante. Mais comme souvent en Afrique subsaharienne, c’est l’accès à l'eau qui pose problème. Les besoins en croissance à cause de la croissance démographique et de l’industrialisation sont donc avant tout des besoins en infrastructures, et pour l’instant il n’y a pas directement de pression sur la ressource. AVANT ZIGA Rappelons le contexte historique : en 1947, les français reprennent le contrôle du territoire burkinabè, alors appelé Haute-Volta. La reconstitution par les français de leur ancienne colonie s’accompagne d’un changement de capitale : Bobo-Dioulasso est écartée en faveur de Ouagadougou. Cela profite grandement à Ouagadougou, qui connait une nouvelle vie : plus de crédits, plus de travail, plus d’activité ; et donc une démographie qui explose. Afin de fournir en eau cette population en pleine croissance, les marigots situés au nord de la ville sont transformés et utilisés comme réservoirs d’eau potable. De plus, les autorités investissent dans un réseau d’adduction de l’eau (réseau de distribution, de stockage intermédiaire, pompage, etc) qui continue aujourd’hui à servir . On se retrouve ainsi, jusque dans les années 90 avec un système de réservoirs en cascade : différentes retenues et réservoirs sont aménagés et utilisés afin d’alimenter la ville. Cependant plusieurs problèmes se posent : les habitations s’avancent jusqu’aux réservoirs, qui sont utilisés afin de pêcher, de se laver, ou tout autres utilisations domestiques. L’eau est donc extrêmement polluée, voire contaminée, de manière bien visible (déchets charriés par les canaux). Certains bassins s’étendent jusqu’en pleine ville, ce qui provoque des inondations en période de crue, que la construction de canaux de détournement n’empêche que partiellement. De plus, ces réservoirs s’assèchent chaque année pendant la saison sèche, à cause de l’évaporation et du tirage intensif de l’eau tout au long de l’année. Au niveau des infrastructures importantes, citons la retenue de Loumbila, créée en 1947, encore aujourd’hui le principal support en eau de la région, qui communique avec la station de Paspanga puis le réseau de distribution. Après des travaux en 1970, sa capacité de stockage a été poussée à 36 millions de m3, pour une superficie de 17 km2 et une profondeur moyenne de 2m. D’autres aménagements, impliquant des barrages sur le Nakambé, ont été mis en place, mais les capacités disponibles sont faibles. C’est pour toutes ces raisons, ces limites, que le projet Ziga a été mis en place et que les autres projets ont été abandonnés : l’amélioration des installations existantes ou le forage profond n’étant pas viable à long terme. LA « REVOLUTION ZIGA » 200 millions de m3 d’eau une station de traitement de 4500 m3/h 8 châteaux d’eau de 2000 m3 149,7 milliards de FCFA (230 millions d’euros) « L’arrivée de l’eau de Ziga constitue un moment historique important pour Ouagadougou dans son processus d’urbanisation » (Simon Kompaoré, maire de Ouagadougou) LA SITUATION HYDRIQUE, SIX ANS APRES : QUELLES CONSEQUENCES POUR LA VIE ET LA SOCIETE ? Les travaux pour le barrage de Ziga ont commencé en 1998, et se sont achevés en 2004 avec l’ouverture des vannes. Cela a constitué une révolution, au moins technique, mais comment cela s’est-il ressenti dans la vie quotidienne, les pratiques des ouagalais? L’objectif principal de l’ONEA, l’entreprise qui gère les ressources en eau de la région est l’approvisionnement en eau du plus grand nombre des ouagalais. Le barrage de Ziga les a amené a revoir complétement leur politique de distribution. Une part importante de ses objectifs concerne les quartiers extrêmement pauvres, et c’est donc tout d’abord ces zones qui ont été privilégiées lors de la constitution du nouveau système de distribution. A la suite d’une étude sur les solutions d’amélioration des conditions de vie réalisée en 2005 par la ville de Ouagadougou, les autorités locales, main dans la main avec l’ONEA, ont donc décidé de se concentrer sur cinq quartiers périphériques non alimentés en eau potable. La solution retenue par l’ONEA a été l’installation d’un réseau de fontaines (photo à droite). Le critère actuel d’accessibilité à l’eau potable est la présence d’un point d’approvisionnement à moins d’un kilomètre du foyer. Ce critère peut sembler modeste mais étant donné la pauvreté et le dénuement extrême des zones concernés, il constitue un premier objectif dont les conséquences sont déjà très bénéfiques pour les habitants. Mais L’ONEA cherche en parallèle à développer son réseau d’eau courante, à destination des classes plus aisées, par des mesures incitatives. Ainsi, après la livraison du barrage de Ziga, pas moins de 50 000 branchements promotionnels ont été réalisés. Ce marché est encore très restreint toutefois, avec seulement 355 abonnés en 2009 ! Nous sommes donc arrivés à une situation où l’ONEA a établi des politiques de distributions très différentes entres les quartiers riches et pauvres, ceci afin de réduire les inégalités d’accès à l’eau entre riches et pauvres, et avant tout de résoudre les énormes problèmes de pénurie, et de maladie, en particulier infantile, due à une eau polluée. En parallèle, des efforts très importants sont fournis par les autorités afin d’assainir ces quartiers. Notons que la politique tarifaire de l’ONEA, qui peut parfois sembler contestable, vu l’effet de seuil des 1km, est harmonisée, parfois détournée par les habitants eux-mêmes. Ainsi certains Ouagalais se font de l’argent en achetant dans les quartiers très pauvres et en revendant dans d’autres quartiers moins pauvres. Pour aller plus loin, une suggestion de bibliographie : Gleick P.H., 1998 - The Human right to water. Water Policy. P. Cecchi, L’alimentation en eau de la ville de Ouagadougou oneabf.com (site très complet de l’ONEA) Lia SIEGELMAN, Alexandre COMBESSIE, Adrien MAZEAU Source :The human right to water Nous tenons à remercier les techniciens de l’ONEA pour leur temps, leur compétence et leur explications. Nous remercions également M. El Allame pour l’usage de ses photographies Source : Google Maps Distribution de l’eau potable – Document interne de l’ONEA

Plaquette sur le barrage de Ziga au Burkina Faso

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Poster de présentation du barrage de Ziga au Burkina Faso, réalisé suite à un voyage d'étude

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Page 1: Plaquette sur le barrage de Ziga au Burkina Faso

LE BARRAGE DE ZIGA : L’EAU POTABLE POUR TOUS ?

Comment la construction du barrage de Ziga a constitué une révolution dans le domaine de la gestion de

l’eau ? Quels en ont été les effets sur la vie quotidienne des ouagalais ?

LE CONTEXTE : Les besoins et les ressources

Afin de juger les conditions d’accès à la ressource en eau, un indicateur

hydrique a été mis en place par les autorités. Ce dernier se définit par le rapport

entre la ressource en eau du pays et sa population. Au Burkina Faso, il était en

1996 de 1683 m3/hab pour une population de 10,4 millions or d’après les

prévisions de forte croissance démographique que connaît le pays, il sera

environ diminué de moitié en 2025 pour environ 20 millions d’habitants,

dépassant alors largement le seuil hautement critique de rareté de 1000m3/hab .

Même si des problèmes de pénurie d’eau se posent et se sont posés auparavant

– plus gravement qu’aujourd’hui - la région de la capitale ne manque pas de

ressources en eau mais avant tout d’infrastructures. En effet, cette région

compte plusieurs grands lacs, et une nappe phréatique importante. Mais

comme souvent en Afrique subsaharienne, c’est l’accès à l'eau qui pose

problème.

Les besoins en croissance à cause de la croissance démographique et de

l’industrialisation sont donc avant tout des besoins en infrastructures, et pour

l’instant il n’y a pas directement de pression sur la ressource.

AVANT ZIGA Rappelons le contexte historique : en 1947, les français

reprennent le contrôle du territoire burkinabè, alors appelé

Haute-Volta. La reconstitution par les français de leur

ancienne colonie s’accompagne d’un changement de

capitale : Bobo-Dioulasso est écartée en faveur de

Ouagadougou. Cela profite grandement à Ouagadougou,

qui connait une nouvelle vie : plus de crédits, plus de

travail, plus d’activité ; et donc une démographie qui

explose.

Afin de fournir en eau cette population en pleine

croissance, les marigots situés au nord de la ville sont

transformés et utilisés comme réservoirs d’eau potable.

De plus, les autorités investissent dans un réseau

d’adduction de l’eau (réseau de distribution, de stockage

intermédiaire, pompage, etc) qui continue aujourd’hui à

servir.

On se retrouve ainsi, jusque dans les années 90 avec un

système de réservoirs en cascade : différentes retenues

et réservoirs sont aménagés et utilisés afin d’alimenter la

ville. Cependant plusieurs problèmes se posent : les

habitations s’avancent jusqu’aux réservoirs, qui sont

utilisés afin de pêcher, de se laver, ou tout autres

utilisations domestiques.

L’eau est donc extrêmement polluée, voire contaminée,

de manière bien visible (déchets charriés par les canaux).

Certains bassins s’étendent jusqu’en pleine ville, ce qui

provoque des inondations en période de crue, que la

construction de canaux de détournement n’empêche que

partiellement. De plus, ces réservoirs s’assèchent chaque

année pendant la saison sèche, à cause de l’évaporation et

du tirage intensif de l’eau tout au long de l’année.

Au niveau des infrastructures importantes, citons la retenue

de Loumbila, créée en 1947, encore aujourd’hui le

principal support en eau de la région, qui communique

avec la station de Paspanga puis le réseau de distribution.

Après des travaux en 1970, sa capacité de stockage a été

poussée à 36 millions de m3, pour une superficie de 17

km2 et une profondeur moyenne de 2m.

D’autres aménagements, impliquant des barrages sur le

Nakambé, ont été mis en place, mais les capacités

disponibles sont faibles.

C’est pour toutes ces raisons, ces limites, que le projet

Ziga a été mis en place et que les autres projets ont été

abandonnés : l’amélioration des installations existantes

ou le forage profond n’étant pas viable à long terme.

LA « REVOLUTION ZIGA »

200 millions de m3 d’eau

une station de traitement de 4500 m3/h

8 châteaux d’eau de 2000 m3

149,7 milliards de FCFA (230 millions d’euros)

« L’arrivée de l’eau de Ziga

constitue un moment

historique important pour

Ouagadougou dans son

processus d’urbanisation » (Simon Kompaoré, maire de

Ouagadougou)

LA SITUATION HYDRIQUE, SIX ANS APRES : QUELLES

CONSEQUENCES POUR LA VIE ET LA SOCIETE ?

Les travaux pour le barrage de Ziga ont commencé en 1998, et se sont achevés en 2004 avec l’ouverture des vannes. Cela a

constitué une révolution, au moins technique, mais comment cela s’est-il ressenti dans la vie quotidienne, les pratiques des ouagalais?

L’objectif principal de l’ONEA, l’entreprise qui gère les ressources en eau de la région est l’approvisionnement en eau du plus grand

nombre des ouagalais. Le barrage de Ziga les a amené a revoir complétement leur politique de distribution. Une part importante de ses

objectifs concerne les quartiers extrêmement pauvres, et c’est donc tout d’abord ces zones qui ont été privilégiées lors de la

constitution du nouveau système de distribution. A la suite d’une étude sur les solutions d’amélioration des conditions de vie réalisée

en 2005 par la ville de Ouagadougou, les autorités locales, main dans la main avec l’ONEA, ont donc décidé de se concentrer sur cinq

quartiers périphériques non alimentés en eau potable.

La solution retenue par l’ONEA a été l’installation d’un réseau de fontaines (photo à droite). Le critère actuel d’accessibilité à

l’eau potable est la présence d’un point d’approvisionnement à moins d’un kilomètre du foyer. Ce critère peut sembler modeste

mais étant donné la pauvreté et le dénuement extrême des zones concernés, il constitue un premier objectif dont les conséquences sont

déjà très bénéfiques pour les habitants.

Mais L’ONEA cherche en parallèle à développer son réseau d’eau courante, à destination des classes plus aisées, par des mesures

incitatives. Ainsi, après la livraison du barrage de Ziga, pas moins de 50 000 branchements promotionnels ont été réalisés. Ce marché

est encore très restreint toutefois, avec seulement 355 abonnés en 2009 !

Nous sommes donc arrivés à une situation où l’ONEA a établi des politiques de distributions très différentes entres les quartiers

riches et pauvres, ceci afin de réduire les inégalités d’accès à l’eau entre riches et pauvres, et avant tout de résoudre les énormes

problèmes de pénurie, et de maladie, en particulier infantile, due à une eau polluée. En parallèle, des efforts très importants sont

fournis par les autorités afin d’assainir ces quartiers.

Notons que la politique tarifaire de l’ONEA, qui peut parfois sembler contestable, vu l’effet de seuil des 1km, est harmonisée,

parfois détournée par les habitants eux-mêmes. Ainsi certains Ouagalais se font de l’argent en achetant dans les quartiers très

pauvres et en revendant dans d’autres quartiers moins pauvres.

Pour aller plus loin, une suggestion de bibliographie :

• Gleick P.H., 1998 - The Human right to water. Water Policy.

• P. Cecchi, L’alimentation en eau de la ville de Ouagadougou

• oneabf.com (site très complet de l’ONEA)

Lia SIEGELMAN, Alexandre COMBESSIE, Adrien MAZEAU

Source :The human right to water

Nous tenons à remercier les techniciens de l’ONEA pour leur temps,

leur compétence et leur explications.

Nous remercions également M. El Allame pour l’usage de ses

photographies

Source : Google Maps

Distribution de l’eau potable – Document interne de

l’ONEA