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Prévention et traitement des troubles orthopédiques Plâtres successifs d’extension de genou Successive plaster casts for knee extension A. Lucet a , M.-F. Rietz b, * a Médecin spécialiste en MPR. Centre de médecine physique et de réadaptation pour enfants de Bois-Larris, Croix-Rouge française, avenue Jacqueline-Mallet, BP 67, 60260 Lamorlaye, France b Kinésithérapeute. Centre de soins et de rééducation de l’établissement régional d’enseignement adapté Toulouse-Lautrec, 131, avenue de la Celle-Saint-Cloud, 92420 Vaucresson, France Disponible sur Internet le 9 mai 2013 Résumé Lors de la marche genoux fléchis chez des enfants porteurs d’une paralysie cérébrale spastique, il arrive que les muscles ischiojambiers puissent être incriminés. Ils peuvent être courts ou courts et spastiques et gênent alors une extension de genou en fin de phase oscillante, et/ou en phase d’appui. Nous proposons dans ce cas de réaliser des plâtres successifs d’extension de genoux au cours d’un protocole comprenant : un bilan pré-thérapeutique, des plâtres successifs (précédés ou non d’injections de toxine botulique), une rééducation intensive, puis un bilan post-thérapeutique. Ce traitement peut permettre selon les cas, de retarder une chirurgie ou d’en diminuer l’ampleur, de récupérer des amplitudes articulaires (notamment extension de genou) en cas de début de récidive à distance d’une chirurgie, d’améliorer les transferts ou d’optimiser le port d’appareillage, facilitant ainsi la déambulation. Ces plâtres successifs sont pratiqués dans des centres depuis une vingtaine d’années. Ils ont concerné une trentaine de patients et il nous a semblé important de partager notre expérience. Il reste à faire des études statistiques des résultats en fonction des cas cliniques. # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract When children with cerebral palsy are walking with a severe crouch pattern, hamstrings are often involved. They can be shortened by a passive contracture or by spasticity or both. Full extension of the knee is stopped by this tightness during the swing phase and/or in the stance when the foot reaches the ground. Our aim is to carry out sessions of successive plaster casts to extend the knees, according to a protocol involving an initial assessment, plaster casts (after botox injections or without), intensive physiotherapy and a final assessment after therapy. This treatment may allow to delay surgery, or diminish their extent, to regain better joint range stretching (especially knee extension) in case of a beginning of recurrence after surgery, to improve or optimize the support of orthopaedic devices making ambulation easier. Management with successive plaster casts has been done for 20 years, concerning 30 patients and it is obvious that our experience has to be shared. Statistical studies have to be carried out to appreciate the results according to the clinical cases. # 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Mots clés : Genoux; Spasticité; Rétraction; Plâtres successifs; Enfant; Adolescent Keywords: Knee; Spasticity; Retraction; Successive plaster; Children; Teenager www.em-consulte.com Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Motricité cérébrale 34 (2013) 3952 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M.F. Rietz). 0245-5919/$ see front matter # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.motcer.2013.01.003

Plâtres successifs d’extension de genou

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Page 1: Plâtres successifs d’extension de genou

Prévention et traitement des troubles orthopédiques

Plâtres successifs d’extension de genou

Successive plaster casts for knee extension

A. Lucet a, M.-F. Rietz b,*a Médecin spécialiste en MPR. Centre de médecine physique et de réadaptation pour enfants de Bois-Larris, Croix-Rouge française,

avenue Jacqueline-Mallet, BP 67, 60260 Lamorlaye, Franceb Kinésithérapeute. Centre de soins et de rééducation de l’établissement régional d’enseignement adapté Toulouse-Lautrec,

131, avenue de la Celle-Saint-Cloud, 92420 Vaucresson, France

Disponible sur Internet le 9 mai 2013

Résumé

Lors de la marche genoux fléchis chez des enfants porteurs d’une paralysie cérébrale spastique, il arrive que les musclesischiojambiers puissent être incriminés. Ils peuvent être courts ou courts et spastiques et gênent alors une extension de genou en finde phase oscillante, et/ou en phase d’appui. Nous proposons dans ce cas de réaliser des plâtres successifs d’extension de genoux aucours d’un protocole comprenant : un bilan pré-thérapeutique, des plâtres successifs (précédés ou non d’injections de toxinebotulique), une rééducation intensive, puis un bilan post-thérapeutique. Ce traitement peut permettre selon les cas, de retarder unechirurgie ou d’en diminuer l’ampleur, de récupérer des amplitudes articulaires (notamment extension de genou) en cas de début derécidive à distance d’une chirurgie, d’améliorer les transferts ou d’optimiser le port d’appareillage, facilitant ainsi la déambulation.Ces plâtres successifs sont pratiqués dans des centres depuis une vingtaine d’années. Ils ont concerné une trentaine de patients et ilnous a semblé important de partager notre expérience. Il reste à faire des études statistiques des résultats en fonction des cascliniques.# 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract

When children with cerebral palsy are walking with a severe crouch pattern, hamstrings are often involved. They can beshortened by a passive contracture or by spasticity or both. Full extension of the knee is stopped by this tightness during the swingphase and/or in the stance when the foot reaches the ground. Our aim is to carry out sessions of successive plaster casts to extend theknees, according to a protocol involving an initial assessment, plaster casts (after botox injections or without), intensivephysiotherapy and a final assessment after therapy. This treatment may allow to delay surgery, or diminish their extent, to regainbetter joint range stretching (especially knee extension) in case of a beginning of recurrence after surgery, to improve or optimize thesupport of orthopaedic devices making ambulation easier. Management with successive plaster casts has been done for 20 years,concerning 30 patients and it is obvious that our experience has to be shared. Statistical studies have to be carried out to appreciatethe results according to the clinical cases.# 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Mots clés : Genoux; Spasticité; Rétraction; Plâtres successifs; Enfant; Adolescent

Keywords: Knee; Spasticity; Retraction; Successive plaster; Children; Teenager

www.em-consulte.com

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Motricité cérébrale 34 (2013) 39–52

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (M.F. Rietz).

0245-5919/$ – see front matter # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

http://dx.doi.org/10.1016/j.motcer.2013.01.003
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1 La flexion dorsale de cheville genoux en extension maximale ainsique la capacité de l’enfant à utiliser ses releveurs de cheville donneraune précieuse indication sur la possibilité ou non de laisser la cheville

1. Introduction

Depuis de nombreuses années, des bottes plâtréessuccessives sont réalisées afin d’allonger les tricepssuraux, en traitement d’équins [1–5].

Lors de marche genoux fléchis chez des enfantsporteurs d’une paralysie cérébrale spastique, il arriveque les muscles ischiojambiers puissent être incriminés.Ils peuvent être courts ou courts et spastiques et gênentalors une extension de genou en fin de phase oscillante,et ou en phase d’appui. Un traitement par plâtressuccessifs d’extension de genoux peut alors nous aider àaméliorer les choses.

Différents cas de figure se présentent. Les objectifsvarient selon l’âge de l’enfant :

� certains enfants présentent, même à un âge relative-ment jeune, une marche genoux fléchis associée à desmuscles ischiojambiers rétractés. On pourra dans cecas retarder une chirurgie, voire limiter l’ampleurd’un geste éventuel ;� les adolescents ayant bénéficié d’une intervention

multisites ont parfois tendance à distance à sedégrader à nouveau vers la marche genoux fléchis.La réalisation de plâtres d’extension de genoux peutpermettre de stopper la dégradation et de gagnerquelques degrés d’extension de genoux en phased’appui ;� d’autres enfants marchent habituellement avec des

attelles de port diurne. La dégradation desamplitudes articulaires d’extension de genouxentraîne des difficultés de port des attelles. L’enfantsans son appareillage peut voir son périmètre demarche diminuer et sa fatigabilité augmenter.Régler au moins en partie le déficit d’amplituded’extension de genou permettra à nouveau le portdes attelles et donc les déplacements dans demeilleures conditions.

Pour certains adolescents, la déambulationd’intérieur ou la réalisation des transferts dans debonnes conditions dépend de leur capacité à tendre lesgenoux correctement. Il est ainsi possible d’optimiserleur autonomie.

Afin de porter l’indication de pla tres

successifs d’extension de genoux et de

fixer les objectifs avec l’enfant et sa famille,

il convient d’utiliser les moyens d’e valua-

tion a notre disposition.

2. Moyens d’évaluation

2.1. Examen clinique

L’examen clinique est un élément incontournable del’évaluation préthérapeutique [6]. Il permet de tester lesamplitudes articulaires en flexion/extension, la spasti-cité et la force des fléchisseurs et extenseurs (hanche,genou, cheville). L’angle mort d’extension de genouainsi que la sélectivité de la dorsiflexion de cheville sontmesurés.1

L’évaluation motrice fonctionnelle globale (EMFG88 ou 66), l’indice de dépense énergétique (IDE) ou letest des six minutes, la classification de Gilette et laGross Motor Function Classification System (GMFCS)nous renseigneront sur les capacités fonctionnelles,l’endurance et l’autonomie.

2.2. Examens complémentaires

Les examens complémentaires constituent unétayage important à l’examen clinique. Selon lescapacités de déambulation de l’enfant et les objectifsfixés, une vidéo simple, le recueil des paramètresspatiotemporels, un électromyogramme ou une analysequantifiée de la marche à l’aide d’un systèmetridimensionnel pourront être réalisés.

2.2.1. VidéoLa vidéo est réalisée idéalement de face, de profil

(aller-retour), en statique et en dynamique. Elle est lapremière source de données cinématiques. Complétéepar l’utilisation d’un logiciel de calcul d’angles« Kinovéa », elle renseigne sur les amplitudesarticulaires plus précisément qu’à l’œil nu (Fig. 1).

2.2.2. Paramètres spatiotemporelsL’organisation de la marche est reflétée par les

paramètres spatiotemporels associés à leur coefficientde variabilité. Même si l’objectif de départ estd’améliorer la cinématique (et non pas en soitl’organisation de la marche), il est important, lorsquequ’un traitement est réalisé, de les prendre en compte,afin d’observer si en améliorant un paramètre de lamarche (la cinématique dans le cas présent), nousn’avons pas détérioré son organisation (Fig. 2).

libre lors de la réalisation des plâtres.

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Fig. 1. Angulation avec le logiciel Kinovéa.

2.2.3. ÉlectromyogrammeL’électromyogramme, couplé à la vidéo simple ou à

l’analyse tridimensionnelle (3D), nous donne le timingde contraction musculaire (Fig. 3).2

2.2.4. Analyse tridimensionnelle de la marcheL’analyse 3D apporte un ensemble de données

cinématiques et dynamiques particulièrement intéres-santes en analyse de la marche, notamment lorsque letraitement par plâtres successifs rentre dans le cadre d’untraitement plus global comprenant des injections detoxine botulique (sur les muscles concernés par lesplâtres successifs, ou plus étendues) [7]. En effet, il arrivefréquemment que le déficit d’extension de genou enphase d’appui ne soit pas la seule difficulté à prendre encompte (il peut y avoir aussi par exemple un déficit deflexion de genou en phase oscillante, associé à uneadduction de hanche en fin d’oscillation). Dans ce cas, letraitement par toxine concernera un ensemble de musclesspastiques, dont les ischiojambiers. Si les ischiojambierssont à la fois spastiques et rétractés, il conviendra de fairedes plâtres d’extension de genoux (Fig. 4).

Lorsque le traitement a été réalisé dans son ensemble(plâtres successifs et rééducation avec ou sans

2 Lorsque l’enfant est capable d’utiliser correctement ses releveursde chevilles sur table, il se peut qu’il n’arrive malgré tout pas à lesmobiliser suffisamment rapidement pour que la flexion dorsale decheville en fin de phase oscillante soit insuffisante à bien pré-posi-tionner le pied avant l’attaque du pas.

appareillage, le tout précédé ou non d’injections detoxine), un bilan post-traitement est fait à l’identique decelui proposé en préthérapeutique. Le bilan est réaliséentre 45 et 60 jours après les injections de toxine (ou lapose du premier plâtre s’il n’y a pas eu d’injection detoxine).

Lors du bilan post-the rapeutique, apre s

que les objectifs du traitement fixe s en

commun lors du bilan pre the rapeutique

ont e te rappele s, le succe s (ou non) avec

lequel ils ont e te remplis est discute avec

l’enfant et sa famille.

3. Proposition de protocole

Nous proposons un protocole réalisé sur huitsemaines, réparties en trois semaines de plâtressuccessifs pendant lesquelles une rééducation sousplâtres est réalisée, suivie de cinq semaines derééducation dite hors plâtre.

Au cours du protocole, des traitements médicamen-teux peuvent être utilisés. Les antalgiques (niveau 1 ou2) et antispastiques per os, ainsi qu’éventuellement desanticoagulants si l’enfant est pubère.

Lors d’un traitement associé par toxine botulique, ilest recommandé de faire les injections environ dix joursavant la pose du premier plâtre, afin que l’effet

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Fig. 3. Électromyogrammes. A. Ischiojambier gauche. B. Tibial antérieur gauche.

Fig. 2. Paramètres spatiotemporels.

antispastique soit déjà présent lors de la réalisation de cepremier plâtre. Quelle que soit la raison pour laquelle ila été décidé d’utiliser la toxine (effet antalgique pardiminution de la spasticité focale sous plâtre ouutilisation dans le cadre d’un traitement comprenantdes injections multisites associées à des plâtressuccessifs), il est intéressant de profiter de l’effetantispastique dès le début du protocole.

L’utilisation de la toxine botulique optimise larééducation, limite les risques de conflits cutanés et ladouleur sous plâtre liés à la spasticité [8].

4. Préalable à la réalisation des plâtres

Deux cas de figure se présentent qui permettront dedécider de la prise ou non de la cheville et du pied dansle plâtre :

� lorsque la flexion dorsale de cheville, genoux enextension maximale est suffisante (supérieure ou égaleà 108), et que l’enfant est capable d’utiliser ses releveursavec un timing correct, il est possible de confectionnerun plâtre uniquement cruro-jambier. Il faut alors le

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Fig. 4. A. Composante verticale. B. Puissance de la cheville. C. Courbe flexion/extension du genou. D. Kinégramme. (Courbes de l’UCAMM BoisLarris).

réaliser de telle façon qu’il ne blesse pas le tendond’achille et permette la flexion dorsale de cheville ;� lorsque la flexion dorsale de cheville est insuffisante,

ou qu’elle est suffisante, mais que les releveurs nesont pas suffisamment efficaces, il convient deproposer un plâtre prenant la cheville et le pied. Ilpeut s’agir selon les équipes, d’une botte plâtréeassociée à une genouillère bivalvée ou d’un plâtrecruropédieux. Ainsi lors des changements de plâtres,il sera décidé de gagner sur l’amplitude de cheville, degenou ou des deux (plus rarement car doublementcontraignante), en fonction des besoins.

Lorsque la cheville présente initialement une bonneamplitude, mais que les releveurs sont insuffisants, labotte aura simplement pour rôle de positionner la chevilleà 908 afin de faciliter la déambulation sous plâtre.

Lorsque la cheville est initialement légèrement enéquin, il est nécessaire de réaliser une compensationsous le plâtre afin que la marche soit possible.

En revanche, lorsque la flexion dorsale de chevilleest bonne, mais que le genou est en flessum, il faudraconfectionner la partie suropédieuse du plâtre entalus afin que le pied puisse poser à plat au sol malgréle flessum de genou. Au fur et à mesure que l’ongagnera sur l’amplitude de genou, on diminuera laflexion dorsale de cheville dans le plâtre.

En plus des bilans complets re alise s en

de but et fin de protocole, a chaque

changement de pla tre les amplitudes de

genou et de cheville (flexion/extension)

sont mesure es.

5. Confection des plâtres

Avant la confection du plâtre, un pack chaud estpositionné sur les muscles ischiojambiers et triceps

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Fig. 5. A. Application d’un pack chaud. B. Feutres de décharge. C. Protection Soft Band.

pendant 20 minutes pour diminuer la viscoélasticité(Fig. 5A).

Des pansements de type Comfeel1 sont mis sur lesmalléoles et les talons, puis un jersey bouclette est enfilésur l’ensemble du membre inférieur.

Afin d’éviter un conflit entre le plâtre et la rotule, unfeutre de décharge est positionné au-dessus et au-dessous (Fig. 5B).

Une couche de Soft Band est déroulée ensuite surtoute la jambe, qui est recouverte d’un nouveau jerseybouclette (Fig. 5C).

Une bande de plâtre est déroulée pour bien modelerles reliefs osseux. Elle est recouverte d’une bande derésine (ScotchcastTM) afin d’alléger en conservant larigidité du plâtre.

6. Rééducation

6.1. Pendant le port de plâtres

L’installation assise sera faite sur un fauteuilroulant manuel avec repose jambes et un dossierincliné pour compenser l’insuffisance de l’angle

poplité et éviter de mettre le bassin en granderétroversion avec cyphose lombaire source d’inconfortet de douleurs (Fig. 6).

La rééducation et la marche seront débutées dès lelendemain de la confection du plâtre. La marche serareprise tout d’abord entre les barres parallèles, puis avecun déambulateur postérieur et pour certains avec descannes anglaises (Fig. 7). La rééducation comporterades phases d’étirements (ischiojambiers et adducteurs)ainsi que de renforcement du quadriceps, des fessiers(l’exercice du pont fessier bilatéral et unilatéral est àpréconiser) (Fig. 8).

Si les genouillères sont bivalvées, des mobilisationsen utilisant les manœuvres de décontraction seronteffectuées une à deux fois par jour avant les étirements,puis la rééducation sera poursuivie avec une prioritédonnée sur les muscles étirés par les plâtres.

6.2. Appareillage

6.2.1. Appareillage de jourÀ l’ablation du dernier plâtre, lorsque cela est

nécessaire, des attelles de jours seront confectionnées.

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Fig. 6. Installation au fauteuil.

Fig. 7. Marche en barres parallèles.

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Fig. 8. Pont fessier. A. Bilatéral. B. Unilatéral.

Leur réalisation prend généralement deux à troissemaines (moulage, essayage et livraison se font souventà une semaine d’intervalle). Pendant ce laps de temps, sile verrouillage du genou est insuffisant, les plâtrescontinueront à être utilisés sur les temps de marche,relayés dès que possible par des attelles de Zimmer.

Fig. 9. Attelles suropédieuses. A. Antéropostérieure articulée. B. Ant

Les attelles réalisées ont pour objectif d’aiderl’extension de genoux en phase d’appui et peuventaussi faciliter un bon prépositionnement du pied avantla phase d’appui. Le matériau utilisé varie en fonctiondes équipes et les régions. Le polyéthylène et le carbonesont les plus utilisés.

érieure coque contre coque. C. Antéropostérieure non articulée.

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Fig. 10. Attelles cruropédieuses en deux parties.

Fig. 11. Marche avec attelle de Zimmer.

Les attelles seront portées au début uniquement enrééducation, au cours de laquelle elles seront réglées aumieux. Leur temps de port augmentera progressivementau cours de la journée. Une fois la période derééducation intensive terminée, elles continueront àêtre portées tant que l’enfant sera aidé par leurutilisation lors de la déambulation.

Selon l’autonomie de l’enfant, la nécessité pour luide marcher avec des aides techniques, l’éventuelflessum résiduel, l’angle mort d’extension de genou,la capacité à utiliser les releveurs de cheville, et la forcedu triceps, le type d’attelle varie [9] (Fig. 9).

6.2.1.1. Attelle suropédieuse articulée antéropos-térieure. Cette attelle prépositionne le pied avantl’appui, et limite l’avancée du tibia en phase d’appuigrâce à une butée postérieure. Son avantage est depermettre une petite mobilité de cheville. Le réglage sefait à l’aide de la butée postérieure (réglette réglable) [10].

6.2.1.2. Attelle suropédieuse articulée antérieure. C-ette attelle prépositionne le pied avant l’appui, et limitel’avancée du tibia en phase d’appui grâce à une butéeantérieure. Elle permet une petite mobilité de cheville.Son réglage se fait en limant la butée antérieure.

6.2.1.3. Attelle de type Saltiel suropédieuse nonarticulée. Cette attelle s’adresse à des enfants mar-chant avec des aides techniques, présentant desdifficultés d’équilibre et ayant un périmètre de marcheréduit. Son défaut est de ne pas avoir d’articulation decheville. Pour son réglage, il est intéressant de moulercette attelle légèrement en talus. Il est possible de réglerl’avancée du tibia par adjonction de mousse de part etd’autre de la tubérosité tibiale antérieure.

6.2.2. Appareillage de nuitDans le même temps, sont réalisées des attelles de

nuit en polyéthylène sur moulage qui ont pour but depréserver au mieux les améliorations obtenues lors dutraitement, chez un enfant en croissance. Lorsque celle-ci est terminée, le port d’attelles de nuit peut être arrêté(Fig. 10).

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Fig. 12. A. Étirement des ischiojambiers en position chandelle. B. Étirement des adducteurs et des ischiojambiers. C. Étirement des ischiojambiersavec renforcement du quadriceps.

Le port de plâtres peut être préféré comme posture denuit (le dernier plâtre de la série, bivalvé, est alorsconservé). En effet, il n’est pas rare d’observer unemeilleure tolérance aux attelles nocturnes en plâtre etrésine, qu’en polyéthylène.

6.3. Rééducation hors plâtres

À l’ablation des plâtres, il peut être utile d’utiliserdes attelles de Zimmer pour une reprise progressive dela marche sans craindre un déverrouillage brutal dugenou. Dès que le verrouillage du genou le permet, lamarche sans attelles de Zimmer sera débutée entre lesbarres parallèles, puis avec l’aide technique habituel-lement utilisée (déambulateur, cannes ou néant)(Fig. 11).

Si le verrouillage du genou reste difficile, des attellesà effet sol sont préconisées pour aider l’extension desgenoux pendant la phase d’appui (cf. Appareillage).

Fig. 13. A. Flexion de hanche et genou pour passage d’obstacle. B. T

Si le jeune utilisait des attelles suropédieuses avant letraitement, elles seront réglées ou parfois changées.

La rééducation à partir des niveaux d’évolutionmotrice (NEM) est reprise en insistant sur les étirementsdes ischiojambiers, des triceps et sur le renforcementmusculaire du quadriceps, des fessiers et des releveursde cheville.

L’étirement des ischiojambiers et des adducteurspeut se faire en position chandelle qui est une postured’inhibition où le jeune ressent un relâchement de toutesses contractions pathologiques et qui lui procure unesensation de bien-être. Cet étirement se poursuit endécubitus dorsal ou en pseudo rampé (Fig. 12).

La progression rééducative se fait du décubitusdorsal vers la position debout (NEM). En positiondebout, on insiste sur les fentes, les transferts d’appuicomplétés par l’utilisation du steppeur. Lorsque lepatient en est capable, le travail d’enjambement estutilisé pour favoriser la mobilité en flexion de genou

ransfert d’appui sur steppeur. C. Étirement en position de fente.

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Fig. 14. Autoposture d’extension de genou.

Fig. 15. Statique. A. Avant traitement. B. Après traitement (toxine,plâtre et rééducation).

durant la phase oscillante. De même, un travailfonctionnel sera entrepris par la marche sur tapis demarche en jouant sur les paramètres de vitesse etd’inclinaison (Fig. 13).

Pour maintenir le résultat, il sera intéressantd’apprendre au jeune une autoposture du genou grâceà « la station debout hanche croisée » (Fig. 14) [11].

En parallèle de cette prise en charge en kinési-thérapie, l’association de la psychomotricité est uneaide précieuse à la réintégration d’un nouveau schémacorporel, avec une nouvelle position de bassin postallongement des ischiojambiers [12].

7. Discussion

Il est impératif avant d’entamer un traitement parplâtres successifs d’extension de genoux de s’assurerque la marche genoux fléchis est due au moins en partieà des ischiojambiers courts ou courts et spastiques. Eneffet, il existe de nombreux cas où l’on observe undéficit d’extension de genoux en phase d’appui, et où lesischiojambiers ne sont pas responsables (par exemple :faiblesse des triceps, flessum de hanche, etc.).

Ce traitement peut permettre de retarder unechirurgie ou d’en diminuer l’ampleur, de récupérer

des amplitudes articulaires (notamment extension degenou) en cas de début de récidive à distance d’unechirurgie, d’améliorer les transferts ou d’optimiser leport d’appareillage, facilitant ainsi la déambulation.

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Fig. 16. Courbes flexion/extension de genou. A. Avant traitement. B. Après traitement.

Les plâtres successifs sont de manière générale biensupportés ; malgré tout le protocole que nous proposons,cela réclame un investissement important du jeunepatient. Les objectifs doivent en être discutés avec lui etsa famille, idéalement au cours d’une consultationpluridisciplinaire avant laquelle des évaluationspréthérapeutiques auront été réalisées. Les évaluationsseront renouvelées après le traitement.

Il est important de garder en mémoire que cetraitement ne saurait raisonnablement s’adresser à desenfants présentant un flessum de genou ou un équin tropimportant. Nous déconseillons d’utiliser ce traitementde manière isolée pour un flessum de genou supérieur à208. Par ailleurs, un équin associé supérieur à 108 rendle traitement par plâtre d’extension de genoux plusaléatoire, puisque l’on devra par trois plâtres résoudre àla fois le flessum de genou et l’équin.

Fig. 17. Courbes d’inclinaison du bassin. A.

Les plâtres d’extension de genou ont habituellementpour conséquence un allongement des ischiojambiersretrouvé à l’examen clinique par la mesure de l’anglepoplité.

Grâce à l’analyse quantifiée de la marche, lalongueur des ischiojambiers peut aussi être mesuréesoit en valeur absolue (les mesures doivent alors êtresuffisamment proches pour être valables car on netient pas compte de l’allongement lié à la croissance),soit normalisée (on tient compte de la croissance, etcela peut servir à comparer aussi une longueurd’ischiojambiers pré- et postopératoire, ce qui n’estpas le cas pour le mode de mesure précédent).Actuellement ces mesures ne sont pas réalisées enroutine, mais cette perspective est intéressante.

Une analyse comparative statique et lors de lamarche nous montrera parfois une meilleure capacité du

Avant traitement. B. Après traitement.

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jeune à tendre ses genoux en statique qu’en dynamique.Cela s’observe fréquemment lors d’une faiblesse destriceps associée.

L’observation de la marche en consultation et la vidéonous donnent des informations sur la cinématique de lamarche (Fig. 15). Celles-ci peuvent être confortées parune analyse 3D, sur laquelle on regardera plusprécisément la courbe de cinématique de genou (Fig. 16).

Sur les courbes de cinématique, il est fréquemmentobservé une modification du positionnement du bassinen post-thérapeutique vers l’antéversion. Cela estintéressant chez les enfants qui présentaient enpréthérapeutique une rétroversion du bassin. Enrevanche, chez les enfants ayant déjà une hyperlordose,il est important d’avoir une discussion bénéfice/risque,en ayant bien identifié au préalable l’origine del’hyperlordose. Il ne faudrait pas, en voulant résoudreun problème de marche genoux fléchis, augmenter unehyperlordose pouvant à terme provoquer des douleurslombaires (fréquentes chez les patients paralyséscérébraux adultes) (Fig. 17).

La lecture du Gilette Gait Index (GGI, prenant encompte des paramètres spatiotemporels et cinémati-ques) donne une idée globale de la marche enfournissant une note correspondant à un écart parrapport à une norme propre au laboratoire (15 dans lecas présent) (Tableau 1).

Tableau 2Gait Deviation Index avant et après traitement.

Gait Deviation Index (GDI)(moyenne des cycles � écart-type)

Tendance

Avant traitement Après traitement

Membreinférieurgauche

55,39 � 0,57/100a 69,47 � 0,99/100a "

Membreinférieurdroit

59,57 � 0,69/100a 72,00 � 1,03/100a "

Moyenne 57,48 � 2,31/100a 70,73 � 1,64/100a "a Données normales CMPRE Bois-Larris.

Tableau 1Gillette Gait Index avant et après traitement.

Gillette Gait Index(GGI)

Tendance

Avanttraitement

Aprèstraitement

Membre inférieur gauche 476/15a 195/15a "Membre inférieur droit 290/15a 173/15a "Moyenne 383/15a 184/15a "

a Données normales CMPRE Bois-Larris.

La lecture du Gait Deviation Index (GDI, comprenantuniquement des paramètres cinématiques) nous rensei-gne sur la qualité du positionnement des différentesarticulations au cours de la marche (Tableau 2).

8. Conclusion

Nous nous posons évidemment la question de savoircomment éviter la dégradation de la marche vers legenou fléchi, chez les enfants présentant une paralysiecérébrale. Chez les jeunes enfants spastiques, il estproposé de nombreuses formes de postures (bottes denuit, genouillères. . .), mais peut concernent les musclesischiojambiers. Il serait probablement possible d’enréaliser, cependant, les contraintes pour nos jeunespatients qui seraient importantes (par exemple :adjonction de parties jambes tendues sur le siège mouléde certains).

La prise en compte précoce de la spasticité desischiojambiers paraît nécessaire afin de limiter lesrisques de rétractions conduisant ou contribuant à unemarche genoux fléchis. Une prise en charge spécifiqueen rééducation, et la proposition de toxine botuliquedès que cela est nécessaire semblent être deuxéléments clés, pouvant intervenir positivement dansl’évolution.

Néanmoins, lorsque malgré tout l’enfant soit dès leplus jeune âge, soit par la suite, se trouve gêné par unemarche genoux fléchis due au moins en partie à desischiojambiers trop courts, le traitement par plâtressuccessifs d’extension de genoux paraît être unesolution intéressante permettant de retarder unechirurgie, ou de limiter l’ampleur d’un geste éventuel,de stopper une dégradation en cours, ou de retrouverune autonomie diminuée.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflitsd’intérêts en relation avec cet article.

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