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Revue de Pneumologie clinique (2012) 68, 374—379 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com CAS CLINIQUE Pleurésie séro-fibrineuse et masse médiastinale antérieure : une association curieuse Sero-fibrinous pleurisy and anterior mediastinal mass: A curious association S. Msaad a,, W. Ketata a , N. Abid a , N. Gaddour b , H. Abid c , M. Abdennadher d , L. Mnif e , Z. Bahloul b , A. Ayoub a a Service de pneumo-allergologie, CHU Hédi Chaker, 3029 Sfax, Tunisie b Service médecine interne, CHU Hédi Chaker, 3029 Sfax, Tunisie c Service de radiologie, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie d Service de chirurgie thoracique, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie e Laboratoire d’anatomie pathologique, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie Disponible sur Internet le 22 novembre 2012 MOTS CLÉS Tumeurs thymiques ; Thymolipome ; Manifestations parathymiques ; Lupus érythémateux systémique Résumé Introduction. Les tumeurs thymiques sont rares et représentent 20 % des tumeurs médiasti- nales. Elles sont parfois pourvoyeuses de manifestations parathymiques. Leur association avec le lupus érythémateux systémique, quoique exceptionnelle, mérite d’être étudiée. Observation. Nous rapportons l’observation d’une femme âgée de 20 ans qui se présentait pour une pleurésie séro-fibrineuse exsudative bilatérale évoluant dans un contexte de fièvre traînante avec altération de l’état général. Le diagnostic de lupus érythémateux systémique était retenu devant l’association de signes cutanés, la pleurésie, les anomalies hématologiques et immunologiques. Par ailleurs, l’imagerie thoracique révélait une masse tissulaire aux dépens de la loge thymique, justifiant une thymectomie chirurgicale. L’examen anatomopathologique de la pièce opératoire concluait à un thymolipome. L’évolution sous corticothérapie à forte dose associée à un antipaludéen de synthèse était initialement favorable. Une néphropathie lupique stade IV est survenue un an plus tard justifiant l’adjonction d’un traitement immunosuppresseur ayant permis une rémission complète de la maladie avec recul de 30 mois. Conclusion. Quoique exceptionnelle, l’association thymolipome—lupus érythémateux systé- mique est loin d’être fortuite. Les désordres immunologiques secondaires à la lésion thymique semblent être impliqués. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Msaad). 0761-8417/$ see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2012.09.002

Pleurésie séro-fibrineuse et masse médiastinale antérieure : une association curieuse

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evue de Pneumologie clinique (2012) 68, 374—379

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

AS CLINIQUE

leurésie séro-fibrineuse et masse médiastinalentérieure : une association curieuse

ero-fibrinous pleurisy and anterior mediastinal mass: A curious association

S. Msaada,∗, W. Ketataa, N. Abida, N. Gaddourb,H. Abidc, M. Abdennadherd, L. Mnife, Z. Bahloulb,A. Ayouba

a Service de pneumo-allergologie, CHU Hédi Chaker, 3029 Sfax, Tunisieb Service médecine interne, CHU Hédi Chaker, 3029 Sfax, Tunisiec Service de radiologie, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisied Service de chirurgie thoracique, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisiee Laboratoire d’anatomie pathologique, CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie

Disponible sur Internet le 22 novembre 2012

MOTS CLÉSTumeurs thymiques ;Thymolipome ;Manifestationsparathymiques ;Lupus érythémateuxsystémique

RésuméIntroduction. — Les tumeurs thymiques sont rares et représentent 20 % des tumeurs médiasti-nales. Elles sont parfois pourvoyeuses de manifestations parathymiques. Leur association avecle lupus érythémateux systémique, quoique exceptionnelle, mérite d’être étudiée.Observation. — Nous rapportons l’observation d’une femme âgée de 20 ans qui se présentaitpour une pleurésie séro-fibrineuse exsudative bilatérale évoluant dans un contexte de fièvretraînante avec altération de l’état général. Le diagnostic de lupus érythémateux systémiqueétait retenu devant l’association de signes cutanés, la pleurésie, les anomalies hématologiqueset immunologiques. Par ailleurs, l’imagerie thoracique révélait une masse tissulaire aux dépensde la loge thymique, justifiant une thymectomie chirurgicale. L’examen anatomopathologiquede la pièce opératoire concluait à un thymolipome. L’évolution sous corticothérapie à forte doseassociée à un antipaludéen de synthèse était initialement favorable. Une néphropathie lupiquestade IV est survenue un an plus tard justifiant l’adjonction d’un traitement immunosuppresseurayant permis une rémission complète de la maladie avec recul de 30 mois.Conclusion. — Quoique exceptionnelle, l’association thymolipome—lupus érythémateux systé-

mique est loin d’être fortuite. Les désordres immunologiques secondaires à la lésion thymiquesemblent être impliqués.© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (S. Msaad).

761-8417/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2012.09.002

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Pleurésie séro-fibrineuse et masse médiastinale antérieure 375

KEYWORDSThymic tumors;Thymolipoma;Parathymicconditions;Systemic lupuserythematosus

SummaryBackground. — Thymic tumors are rare representing 19 % of mediastinal masses. They are asso-ciated with several parathymic conditions. The association of thymic tumors with systemic lupuserythematosus has rarely been described.Observation. — We report the case of a 20-year-old woman who presented with a sero-fibrinousbilateral exudative pleural effusion operating in a context of alteration in general status. Diag-nosis of systemic lupus erythematosus was made on the basis of the presence of cutaneoussymptoms, pleural effusion, hematological abnormalities and strongly positive lupus serology.Otherwise, thoracic imaging revealed a tissue mass in the thymic lodge. A diagnostic thora-cothomy was carried out. Histological examination confirmed the diagnosis of thymolipoma.The patient was treated by high-dose corticosteroids combined with synthetic antimalarials.Evolution was initially favorable. Lupus nephritis stage IV occurred a year later justifying immu-nosuppressive therapy. A complete remission was obtained with this treatment 30 months ofdecline.Conclusion. — The association between lupus and thymolipoma is exceptional but not acciden-tal. Immunological disorders secondary to the decrease of the thymic function seem to be inthe origin of this association.© 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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Introduction

Les tumeurs thymiques sont des tumeurs rares, se déve-loppant habituellement au niveau de la loge thymique.Elles constituent une entité complexe intégrant, d’unepart, les tumeurs malignes au sens carcinologique duterme et, d’autre part, les dystrophies thymiques bénignes[1]. Une des originalités des tumeurs thymiques est leurassociation possible avec des manifestations dites para-thymiques, s’intégrant toutes dans le cadre des désordresimmunologiques des thymomes. Ces syndromes para-thymiques sont dominés par la myasthénie, alors quel’érythroblastopénie, et l’agammaglobulinémie sont beau-coup moins fréquemment décrites [2]. L’association avec lelupus érythémateux systémique (LES) est encore moins fré-quente voire même exceptionnelle, mais elle semble loind’être fortuite.

Nous rapportons dans ce cadre un nouveau casd’association tumeur thymique—LES à travers lequel nousinsistons sur l’originalité de cette association tout enprécisant ses particularités sémiologiques ainsi que sesmécanismes pathogéniques.

Observation

Une femme âgée de 20 ans, sans antécédents pathologiquesnotables était hospitalisée dans le service de pneumolo-gie de Sfax pour une symptomatologie faite de dyspnéed’effort, fièvre et altération de l’état général évoluantdepuis deux mois avant son admission. La patiente rappor-tait également la notion de sécheresse oculaire et buccalenon explorée. L’examen initial trouvait une fièvre à 38,2 ◦C,une polypnée à 32 cycles/min, un érythème maculeux au

niveau du visage réalisant une éruption malaire en ailesde papillon, un syndrome pleural liquidien bilatéral avecun discret œdème bilatéral de deux membres inférieursspontanément résolutif. On notait la présence de multiples

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dénopathies mobiles indolores de taille centimétrique auiveau des régions axillaires, ainsi que la région submandi-ulaire droite. Le reste de l’examen était sans anomaliesotables, avec en particulier l’absence d’anomalies cardio-asculaires et d’hépatosplénomégalie.

La radiographie thoracique révélait la présence d’uneleurésie bilatérale prédominante du côté droit.

La ponction pleurale avait ramené un liquide jaune fon-ée, exsudatif renfermant d’innombrables éléments blancs

prédominance lymphocytaire avec un taux de lymphocytes 60 %. Par ailleurs, il n’y avait pas de signes cytologiquese malignité et l’examen bactériologique était négatif aussiien à l’examen direct qu’après culture sur milieu usuel.

Le bilan biologique révélait un syndrome inflammatoire,a vitesse de sédimentation étant accélérée à 120 mm à laremière heure et la protéine C réactive (CRP) augmen-ée à 86,02 mg/L. La numération formule sanguine montraitne leucocytose à 9300 éléments/mm3, une thrombopénie à0 000 éléments/mm3 avec une anémie normochrome, nor-ocytaire à 11 g/dL, sans stigmates cliniques d’hémolyse.

e taux d’haptoglobuline et de lactico-désydrogenase (LDH),u fer sérique ainsi que la ferritinémie étaient normaux.u bilan hépatique, il n’y avait ni cytolyse ni cholestase,lors que le test de Coombs directs revenait positif. Laonction sternale était non concluante. On notait, égale-ent, une hypergammaglobulinémie d’allure polyclonale à

6,9 g/dL. L’ionogramme sanguin et les fonctions rénalestaient normales. Par ailleurs, l’examen du sédimentrinaire trouvait des urines claires avec une leucocytu-ie à 4000 eléments/mm3, la protéinurie de 24 heures et’hématurie étaient négatives, il en est de même pour’examen bactériologique des urines.

Quant à l’enquête infectieuse, elle avait comporté deuxémocultures sur milieux usuels, avec les sérologies deright, de Widal, de l’hépatite B et C de même que

elle du cytomégalovirus (CMV), de l’herpes simplex virust du virus de l’immunodéficience humaine acquise (VIH)ui toutes revenaient négatives. Il en est de même pour

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3 S. Msaad et al.

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Figure 1. Coupe scanographique montrant une masse tissulaire àbords convexes aux dépens de la loge thymique, faisant 37 × 13 mmdd

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’intradermoréaction à la tuberculine et la bascilloscopieans les crachats et dans le liquide pleural.

On a complété, par ailleurs, par une ponction biop-ie pleurale à l’aveugle. Celle-ci pratiquée à deuxeprises successives révélait un aspect de pleurite chro-ique non spécifique sans signes de malignité, ni lésionsranulomateuses.

Le bilan immunologique montrait la présence d’anticorpsntinucléaires (AAN) à un taux de 1/1280 avec une fluores-ence homogène. De même, les anticorps anti-ADN natifs,es anticorps anti-SSA et les anticorps anti-SSB étaient posi-ifs. La recherche d’anticorps antiphospholipides, pratiquéear méthode immuno-enzymatique Enzyme-Linked Immu-osorbent Assay (Elisa) montrait la présence d’anticorpsnti-cardiolipines de type IgG à un taux discrètementugmenté, soit 17,01 GPL/mL. Deux autres prélèvementse contrôle pratiqués respectivement à trois et six mois’intervalle revenaient négatifs.

L’électrocardiogramme ne montrait aucune anomalieotable hormis une tachycardie sinusale.

L’examen ophtalmologique spécialisé avec le test dechirmer confirmait la présence d’un syndrome sec.

La biopsie labiale montrait un aspect compatible avec unyndrome de Gourgerot-Sjogren grade 2 de Chisholm.

Au terme de ce bilan radioclinique, biologique et histo-ogique, le diagnostic de LES était retenu selon les critèrese l’Américain College of Rhumatology (ACR) de 1997,evant l’association des critères suivants à savoir l’éruptionalaire en ailes de papillon, la pleurésie, la thrombopé-

ie, la positivité des AAN et des anti-ADN. Un syndromee Gourgerot-Sjogren secondaire était également retenuevant la xérostomie, la xérophtalmie et la présence desnticorps anti-SSA et anti-SSB.

Par ailleurs, la tomodensitométrie thoraco-abdominalebjectivait la présence d’une masse à bords convexes auxépens de la loge thymique, faisant 37/13 mm dans le planxial et étendue sur 35 mm de hauteur. Il s’agit d’une masseissulaire ayant une densité de 40 unités Hounsfield et ren-ermant des plages graisseuses. On notait, également, larésence d’adénopathies centimétriques au niveau de laoge de Barety, la chaine médiastinale antérieure gauchet la région sous-carenaire. La cavité pleurale était le siège’un épanchement liquidien bilatéral plus abondant du côtéroit associé à des nodules de la plèvre viscérale, pariétalet diaphragmatique (Fig. 1). Les coupes abdominales révé-aient un foie de taille normale, siège de multiples lésionsypodenses, hyperéchogènes à l’échographie évoquant unengiomatose hépatique.

À l’échographie doppler veineux des vaisseaux du cou, onotait la présence de plusieurs ganglions jugulo-carotidiensilatéraux, hypoéchogènes infracentimétriques et d’allureénigne. On découvrait également une thrombose de laeine jugulaire interne droite. Devant cette thrombosee siège inhabituel, un bilan étiologique comportant leosage des protéines C et S et de l’antithrombine III,insi que la recherche de la résistance à la protéine

activé étaient pratiqués et revenaient négatifs. Il enst de même pour la recherche d’anticorps antiphospho-

ipides déjà signalée. Ce bilan biologique étant négatif,a thrombose veineuse détectée était alors attribuée à larésence de la masse médiastinale pourtant non compres-ive.

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ans le plan axial et étendue sur 35 mm de hauteur et renfermantes plages graisseuses.

Le diagnostic de thymome étant fortement suspecté,ne sternotomie médiane longitudinale était pratiquée.’exploration du médiastin trouvait un thymus hypertrophié,dhérant en partie au nerf phrénique gauche.

L’examen anatomopathologique de la pièce opératoireontrait une tumeur bien circonscrite, formée par unouble contingent, en proportions globalement équitables :n contingent adipocytaire mature disposé en lobuleséparés par des cloisons fibreuses ; le second contingentorrespondait à un parenchyme thymique d’architectureormale et d’aspect hyperplasique avec d’assez nombreuxorpuscules de Hassal souvent calcifiés. Il n’y avait pas deellules épithéliales néoplasiques reconnaissables morpho-ogiquement. L’immunomarguage révélait une répartitionormale des petits lymphocytes B et T (Fig. 2). Il s’agissaitonc d’un thymolipome.

Le diagnostic de LES étant posé, une corticothérapieénérale était alors instaurée à la posologie de 1 mg/kgar jour, associée à un antipaludéen de synthèse (sul-ate d’hydroxychloroquine [Plaquenil®]). Concernant sahrombose veineuse, une anticoagulation efficace étaitdministrée à base d’héparinothérapie suivie par une anti-itamine K.

L’évolution était favorable, avec régression de layspnée et amélioration de l’état général. À la radio-raphie thoracique, on notait la régression totale de’épanchement pleural. Biologiquement, il y avait régressionu syndrome inflammatoire avec correction des ano-alies hématologiques ; le taux de plaquettes étant à

13 000 éléments/mm3 et le taux d’hémoglobine à 10,6 g/Lprès trois mois de corticothérapie forte dose.

Douze mois plus tard, la patient était réhospitalisée pour’apparition des lésions de purpura vasculaire des quatreembres avec perturbation du bilan rénal.Le bilan biologique montrait une VS accélérée à 82 mm à

a première heure, une anémie normochrome normocytaire 9,2 g/dL, une lymphopénie à 1800 éléments/mm3 sans qu’il

ait de thrombopénie associée. La créatinémie était à8,3 �mol/L. L’examen du sédiment urinaire révélait une

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Figure 2. A. Hématoxyline-éosine × 200 : double contingents : adipocytaire majoritaire et lymphoïde minoritaire avec présence d’une cap-luan

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sule périphérique. B. Hématoxyline-éosine × 400 : tissu thymique inccorpuscule de Hassal calcifié.

protéinurie positive à 0,9 g/24 heures avec une hématurie à1 888 000 éléments/mm3.

Une poussée de la maladie lupique était alors évoquéedevant les anomalies hématologiques et rénales justifiantalors la pratique d’une ponction biopsie rénale. Celle-ciconfirmait la présence d’une néphropathie lupique classeIV de l’OMS.

Sur le plan thérapeutique, cette patiente a bénéficiéd’une corticothérapie à forte dose initiée par des bolus deméthyl-prednisolone (1 g/j pendant trois jours de suite),associée à un immunosuppresseur à base de six bolus men-suels de cyclophosphamide relayés par l’azathioprine.

Six mois plus tard, l’évolution était jugée favorabledevant l’absence de signes d’évolutivité cliniques, la nor-malisation du bilan rénal et la numération formule sanguine,la régression du syndrome inflammatoire et la normalité dela radiographie thoracique.

Actuellement, la patiente est totalement asymptoma-tique avec un recul chiffré à 30 mois depuis sa premièreadmission.

Discussion

Les tumeurs thymiques sont relativement rares et repré-sentent la moitié des masses médiastinales [3]. Ellesconstituent une entité complexe comprenant le thymomelympho-épithélial, la tumeur thymique la plus fréquente etun certain nombre de tumeur plus rares ayant pour siège

initial la loge thymique [3].

Ces tumeurs se distinguent par leur association fréquenteà des manifestations morbides dites parathymiques [2,4]dont la plus fréquente est la myasthénie (20 à 40 % des

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t des lymphocytes à noyau régulier. C. Hématoxyline-éosine × 600 :

as). D’autres manifestations parathymiques sont moins fré-uemment décrites telles que la gammaglobulinémie (5 %),’érythroblastopénie (3 %), les polymyosites et la thyroïdite’Hashimoto [5].

Par ailleurs, l’association des tumeurs thymiques au LESst décrite comme étant une association exceptionnelleyant fait l’objet de quelques publications anecdotiques1,4]. Dans la plus récente méta-analyse de la littératurencluant les articles publiés entre 1975 et 2008, Zhang et al.6] n’ont retrouvé que 44 cas de lupus parathymique. Cettessociation morbide est retrouvée dans différents types his-ologiques des tumeurs thymiques qu’elles soient bénignesu malignes [4]. Ces données sont en accord avec les grandeséries de la littérature dans lesquelles la fréquence de’association thymome—lupus oscille entre 1,9 [7] et 2 % [8].l s’agit dans la grande majorité des cas de thymomes mixtesympho-épithéliaux.

Dans notre observation, il s’agit d’un thymolipome. Cetteumeur correspond à une dystrophie bénigne du thymus,e type hamartomateux, représentant moins de 10 % desésions thymiques. L’aspect est celui d’une tumeur grais-euse bénigne au sein de laquelle l’examen histologiqueécèle quelques vestiges de thymus normal. Il est donc pré-érable de parler de lipome intrathymique [1]. Le premieras a été décrit en 1916 par longe, alors que c’est Hall quintroduit le terme de thymolipome en 1946 [9]. L’origine deette tumeur demeure inconnue malgré la multiplicité desypothèses pathogéniques avancées : nature malformative,ature hamartomateuse, tumeur graisseuse du médiastin

yant englobé des réliquats thymiques, involution graisseuse’un thymome ou d’une hyperplasie thymique ou tumeurénigne du stroma thymique [9]. Le thymolipome toucheans distinction les deux sexes à tout âge avec un pic à
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3 ans [9]. Il est caractérisé par sa classique latence cliniquealgré sa taille habituellement volumineuse [10].À notre connaissance, aucun cas d’association thymo-

ipome lupus n’a été rapporté dans la littérature. Onait, toutefois, que la moitié des thymolipomes sont asso-iés à des désordres auto-immuns incluant la myasthénie,’anémie érythro-blastopénique, le lichen plan et d’autresssociations morbides. Jusqu’à l’année 2006, 28 cas de thy-olipome associés à une myasthénie ont été rapportés dont

8 cas dans la littérature anglaise et dix autres cas dans laittérature japonaise [10].

De point de vue pathogénique, les liens entre les deuxaladies restent à définir. Dans ce cadre, plusieurs hypo-

hèses pathogéniques ont été avancées. Certaines suggèrente rôle du LES dans le développement de la tumeur thy-ique. En fait, les désordres auto-immuns associés à cette

onnectivite peuvent être à l’origine d’anomalies histo-ogiques du thymus lesquelles peuvent faire le lit d’uneransformation tumorale. Les quelques observations où leupus précède le thymome de plusieurs années répondentffectivement à ce schéma [4].

Toutefois, il est plus habituel que la maladie lupiqueoit d’apparition secondaire ou simultanée par apport à laumeur thymique [6]. Il est donc plus vraisemblable que lesésordres immunologiques induits par la lésion thymiqueoient le facteur déterminant dans le développement duupus [4]. En effet, la glande thymique contribue physiolo-iquement au maintien de la tolérance du soi par le biaise nombreuses hormones circulantes. Celles-ci jouent unôle central dans l’initiation et le contrôle de la réactionmmunitaire du fait de leurs effets sur la différentiationes cellules T à la fois helpers ou cytotoxiques et sur laaturation des lymphocytes B qu’elles tendent à inhiber

4]. Cette fonction suppressive assurée par le thymus seraiterturbée suite aux altérations fonctionnelles induites pare développement d’une lésion tumorale. La conséquencen sera une expansion des lymphocytes T auto-réactifs avecne reproduction de multiples auto-anticorps [9] lesquelsont directement impliqués dans la pathogénie du LES. Ilst à noter par ailleurs le nombre croissant de cas de lupusurvenant quelques années après une thymectomie pouryasthénie. De même, il a été démontré que les patients

hymectomisés depuis longtemps présentent une lymphopé-ie T modérée et une augmentation polyclonale des IgGt des IgM dans le sérum associé à la présence d’auto-nticorps à des taux élevés, notamment des anticorpsnti-ADN natifs et anti-cardiolipines [9]. Ces constationsiennent à l’appui des hypothèses suggérant que la pertee la fonction thymique qu’elle soit secondaire à l’ablationu thymus ou le développement d’une lésion tumorale pour-ait avoir une responsabilité dans l’apparition de la maladieupique [9].

De point de vue chronologique, le lupus et la tumeur thy-ique sont diagnostiqués simultanément une fois sur deux

omme l’ont pu constater Genty et al. [4] à travers la revuee 36 observations de la littérature. Dans d’autres situa-ions, soit le tiers, le diagnostic de lupus est fait après laécouverte de la tumeur thymique avec un délai allant d’un

15 ans [4]. Il est possible, par ailleurs, que la lésion thy-

ique soit découverte chez un patient connu porteur d’unealadie lupique (18 % des cas) avec un délai d’un à dix

ns.

S. Msaad et al.

Sur le plan clinique, le LES parathymique ne présente pase particularité significative. Il est à noter, toutefois, que leiagnostic du lupus parathymique est établi à un âge moyene 48 ans [4,6], alors que celui du lupus spontané se situeux alentours de 30 ans.

Dans notre observation, le lupus et la lésion thymiquent été diagnostiqués de facon simultanée. Il est, toute-ois, important de prendre en considération la classiqueatence clinique des thymolipomes qui fait qu’ils ne sont par-ois détectés qu’à l’occasion des désordres immunologiquesaranéoplasiques, pourtant de développement secondaire.

Il est à noter, par ailleurs, que les manifestations lupiquesrenaient le devant de la scène et qu’elles étaient à l’origine’une découverte à la fortuite et précoce du thymolipomeédiastinale, alors que ce dernier était jusque là de petite

aille et qu’il n’a pas encore atteint les dimensions habi-uelles pour être cliniquement parlant.

Par ailleurs, les protocoles thérapeutiques classiquesasés sur les traitements symptomatiques, les médications

action lente, les corticoïdes et les immunosuppresseursardent une efficacité comparables [6]. Il semble donc quee pronostic de la maladie lupique n’est pas significative-ent influencé par l’association à une tumeur thymique.uant à l’effet de la thymectomie sur l’évolution du lupus,

es résultats sont loin d’être constants. En fait, on aonstaté dans la grande majorité des cas une stabilitéu une aggravation de la maladie lupique dans des pro-ortions comparables, soit respectivement dans 33,3 % et8,9 % des cas. Chez les autres patients (27,8 % des cas),a thymectomie semble avoir eu un effet favorable [6]. Cesésultats sont différents de ceux retrouvés avec l’associationhymolipome—myasthénie. Dans ce dernier cas, les diffé-entes publications ont retrouvé une bonne amélioration desymptômes myasthéniques après thymectomie avec réduc-ion des doses d’anti-cholinestérase et des corticoïdes [9].

onclusion

’association thymolipome LES, quoique exceptionnelle, estoin d’être fortuite. Sa pathogénie est jusque là impar-aitement connue, mais elle semble être étroitement liéeux altérations des fonctions immunitaires de la glandehymique. Ainsi chez les patients thymectomisés ou présen-ant une tumeur thymique, il est justifié de procéder à laecherche de principe d’une ambiance clinique en faveuru lupus érythémateux disséminé. En contrepartie, un lupuse révélation tardive doit inciter la recherche d’une tumeurhymique jusque là latente.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

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Pleurésie séro-fibrineuse et masse médiastinale antérieure

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