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Volume 2, numéro 2, été 2007 RECHERCHE, DÉCOUVERTE ET INNOVATION À L’UNIVERSITÉ MC GILL PLUS: Sages conseils sur les marchés émergents La magie de la chimie verte Rémi Quirion: la maladie mentale, de A à Z Les étudiants de premier cycle de McGill: acteurs de la transformation de la recherche

PLUS - McGill University · 1 MESSAGE DU VICE-PRINCIPAL 2 NOUVELLES ... Barry Levy, ancien doyen de la Faculté d’études religieuses, discute du projet de l’Institut d’études

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Volume 2, numéro 2, été 2007

RECHERCHE, DÉCOUVERTE ET INNOVATION À L’UNIVERSITÉ MCGILL

PLUS:Sages conseils sur les marchés émergents

La magie de la chimie verte

Rémi Quirion: la maladie mentale, de A à Z

Les étudiants de premier cycle de McGill:acteurs de la transformation de la recherche

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Recherche, découverte et innovation à l’Université McGill

été 2007

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en tête (ISSN 1911-8139) est publié deux fois l’an par le Bureau du vice-principal (recherche et relationsinternationales) et par le Service dudéveloppement, des relations avec lesdiplomés et des affaires universitaires.

RÉDACTEUR EN CHEF

James Martin

RÉDACTRICES-CONSEILS

Susan MurleyJacquie Rourke

CONTRIBUTION SPÉCIALE

Laurie DevineJane JackelMark ReynoldsTara ShaughnessyLisa Van DusenPascal Zamprelli

TRADUCTION

Isabelle Cheval Karine Majeau

GRAPHISME

Services pédagogiques multimédias Université McGill

ADRESSE DE CORRESPONDANCE

en tête1555, rue PeelBureau 900Montréal (Québec) H3A 3L8

[email protected] Téléphone:514 398-7404Télécopieur :514 398-7200

To receive a copy of this publicationin English, please contact us at theaddress above or visitwww.mcgill.ca/headway/

Numéro de publication40031154

en tête peut être consulté en ligne :http://francais.mcgill.ca/headway/

1 MESSAGE DU VICE-PRINCIPAL

2 NOUVELLES Greffes osseuses réalisées par imprimante à jet d’encre, dépistage embryonnaire et contournement d’icebergs: quelques-unes des récentes découvertes, initiatives de recherche et prix de McGill.

NOUVELLE VAGUE

6 De l’utilité de la résistance Le rôle du droit international dans la lutte contre la tyrannie et les crimes contre l’humanité

POINT DE MIRE

8 Exploiter les marchés émergentsBrésil, Russie, Inde et Chine: destinations affaires

10 Recherche: la nouvelle générationLes étudiants de McGill transposent sur le terrain les connaissances apprises en classe.

14 Le pouvoir politique entre les mains du peupleLe Centre d’études sur les régions en développement de McGill : outil de consolidation des démocraties en émergence

RÉSEAUX

17 Extracteurs de sillonsLa musique au microscope

20 Cellules salvatricesComment le traitement par cellules souches génétiquement amélioré change-t-il le visage de la médecine?

SCÈNE LOCALE

24 Une pomme par jour?Le rôle des choix alimentaires dans la prévention de la maladie

DOSSIER SPÉCIAL

28 L’âge vert de la chimieUne nouvelle cohorte de chimistes écologistes voués à sauver le monde.

32 Les magiciens d’osDécoder les mystères des troubles musculosquelettiques.

35 Petite merveilleUn prototype d’endoprothèse coronarienne destiné à améliorer radicalement la vie des enfants.

38 De la communauté au cerveauPour le neuroscientifique Rémi Quirion, la recherche de traitements efficaces en santé mentale n’est pas qu’une question de gènes.

RETOMBÉES INDUSTRIELLES

42 Dr Savoir Renverser la marée de l’amnésie entrepreneuriale.

PORTRAIT

44 InterconfessionnalitéBarry Levy, ancien doyen de la Faculté d’études religieuses, discute du projet de l’Institut d’études interconfessionnelles de McGill.

BIEN EN TÊTE 45 Un étudiant de premier cycle parvient à mettre au point une cellule

sanguine artificielle, dans sa chambre des résidences universitaires.

Message du vice-principal

(recherche et relations internationales)

Université McGill 1

Recherche

DecouveInnovation

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On me demande souvent si j’aime mon travail. À cette question,je propose deux réponses.

Au printemps, le Conseil canadien pour l’avancement de l’édu-cation a décerné à en tête la médaille d’or du meilleur magazinedans le cadre de son Prix d’excellence 2007. Si cette reconnais-sance est incontestablement une source de fierté pour notreéquipe, elle témoigne aussi de la qualité des recherches menéesà McGill.

Et si un magazine doit sa qualité aux sujets qu’il aborde, forceest de constater qu’en tête n’a que l’embarras du choix. Qu’ils’agisse de génomique ou de nanotechnologie, de droits de lapersonne ou de marchés émergents, nos chercheurs parta-gent deux qualités : la passion pour la découverte et la volonté dechanger le monde, pour le mieux.

Peut-être même ont-ils cela dans le sang? James McGill était unaventurier courageux qui a risqué sa vie pour explorer les terri-toires sauvages du Canada, ainsi qu’un homme dévoué à la causepublique qui n’a eu de cesse, dans le cadre de ses fonctions demagistrat municipal, de faire partie de la solution et non duproblème. L’université qui porte aujourd’hui son nom est indéni-ablement son héritage bien vivant, fédérant une masse critiquede chercheurs motivés par la volonté d’explorer des territoiresinconnus et de servir le bien universel. En outre, comme l’illustrel’article-vedette de ce numéro sur les chercheurs de premiercycle, cet héritage se fait chaque jour plus lumineux : les jeunesesprits les plus aiguisés de l’Université ne se limitent pas àapprendre au sujet de découvertes de pointe en temps réel, ilsmodifient également la manière dont les recherches se font. Cequi nous ramène à notre devise : changer.

Voilà pour la réponse élaborée. Et pour la version abrégée?Comment pourrais-je ne pas aimer travailler avec une équipeaussi dynamique et féconde, avec un groupe aussi passionné-ment engagé à approfondir le savoir humain tout en améliorantl’avenir de l’humanité? De la chimie verte aux efforts consentispour donner une chance de survie aux nourrissons souffrant demalformations cardiaques, nos chercheurs méritent une médailled’or et c’est avec le plus grand des plaisirs que je vous invite àdécouvrir leurs exploits dans ces pages.

Denis ThérienVice-principal

(recherche et relations internationales)

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2 en tête été 2007

Le boursierCarnegie

Khalid Medaniétudie le

fondamentalismeislamique.

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N O U V E L L E S

L’allure du jihadLe professeur de sciences politiques et d’études islamiquesKhalid Medani souhaite comprendre la montée du fon-damentalisme islamique au Soudan et l’intérêt qu’il porte àcette question n’est pas strictement universitaire.

Khalid Medani est né au Soudan, devenu depuis le coupd’État de 1989 le premier pays à tomber entièrement auxmains des fondamentalistes islamiques. Pendant la premièreannée de son règne, le nouveau gouvernement a tué ungroupe de trafiquants du marché noir notamment forméd’une connaissance du Pr Medani.

« Après cette exécution, je n’ai eu de cesse de vouloircomprendre les liens entre les institutions formelles etinformelles et la notion d’identité dans l’islam », se souvient-il. « Je voulais savoir comment et pourquoi ils avaient pris lepouvoir. » Khalid Medani n’était pas le seul à s’interroger ainsi.«Lorsque les fondamentalistes se sont emparés du pouvoir auSoudan, multipliant incarcérations et actes de torture, mescollègues m’ont dit : “Pourquoi ne fais-tu pas de recherchesafin d’informer le monde à ce sujet?” Les musulmans essaientde comprendre ce qui est en train de se produire à l’égard deleur religion et de leur pays. »

Les travaux de Khalid Medani ont bénéficié d’un formidableencouragement lorsqu’il a reçu une bourse Carnegie dedeux ans d’une valeur de 100000 dollars. Il est le seul cher-cheur implanté au Canada choisi par la corporation new-yorkaise Carnegie, un organisme de financement sans butlucratif fondé en 1911 par l’homme d’affaires et philanthropeAndrew Carnegie.

Khalid Medani étudiera les différents facteurs qui conduisentles jeunes musulmans à intégrer les groupes fondamentalistesau Soudan, ainsi qu’en Somalie et en Égypte. Son approcheest diversifiée et consiste à interroger et à mener des enquêtesauprès de musulmans ordinaires, tout en conduisant desrecherches historiques. Il souhaite s’imprégner des différentsfacteurs (idéologiques, sociopolitiques, histoire de l’emploiparmi les populations locales, niveau de pauvreté, fidélitéethnique ou tribale) qui facilitent le recrutement par lesgroupes fondamentalistes.

Khalid Medani se rendra également en Afrique pour étudierla prolifération des «hawwalat », organismes islamistes d’aidenon réglementés, et le rôle des «alahi », mosquées privées quifournissent un environnement propice au recrutement dejeunes militants. ■

De bons œufsDes chercheurs de Molecular Biometrics LLC, une entreprisedu New Jersey créée par le professeur de chimie mcgilloisDavid Burns et ses collègues, ont mis au point un test noneffractif pour identifier les embryons capables de donner lieuà des grossesses réussies par fécondation in vitro. La fécon-dation in vitro (FIV) est l’un des principaux traitements del’infertilité; cette technique consiste à prélever des ovules, àles féconder, puis à les implanter dans l’utérus.

Les méthodes actuelles de sélection des embryons sontinexactes et reposent sur l’examen visuel de l’aspect de l’em-bryon. Le nouveau ViaTest-E analyse quant à lui le milieu deculture dans lequel baigne l’embryon in vitro. David Burns uti-lise l’analyse spectroscopique pour examiner la compositionmoléculaire du milieu de culture trois à cinq jours après la FIV.Ces études, menées en collaboration avec des membres duConseil consultatif scientifique de Molecular Biometrics, ontdébouché sur l’élaboration du ViaTest-E. Le projet fait suite àune collaboration de recherche antérieure nouée avecKristine Koski, professeure de l’École de diététique et denutrition humaine, et le Dr Hyman Schipper, professeur àla Faculté de médecine et au Département de neurologie etde neurochirurgie.

«Nous avons constaté qu’il existait une très forte corréla-tion entre la probabilité d’implantation et certaines propriétésmesurables dans le milieu ou liquide de culture », indiqueDavid Burns. « Pour simplifier, nous cherchons à déterminerle niveau d’activité métabolique des embryons présents dansle milieu de culture.»

Le test devrait augmenter le taux de succès des FIV, tout endiminuant les risques de grossesse multiple en réduisant lanécessité d’implanter simultanément plusieurs ovulesfécondés. Une bonne nouvelle à n’en pas douter pour lesfuturs parents.■ Cette recherche est financée par le CRSNG et les IRSC.

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Les greffes osseuses contraignent les médecins à faire appel à la céramique ou à prélever dela matière osseuse sur d’autres sites donneurs. Mais un jour, tout ce qu’ils auront à faire serade mettre leur imprimante à jet d’encre sous tension.

Un professeur de médecine dentaire de l’Université McGill a élaboré une technique qui faitappel à cette technologie des plus accessibles pour créer des os tridimensionnels enbiocéramique.

«Bien que l’utilisation de cette technique en milieu hospitalier doive attendre, elle constitueune première étape importante vers un changement révolutionnaire en matière de greffeosseuse », indique Jake Barralet, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en biomaté-riaux ostéo-inducteurs. Le Pr Barralet, qui collabore avec des chercheurs de l’Université Lavalet de l’Université de Wurzbourg en Allemagne, a pour ce faire mis à profit la technique del’imprimante à jet d’encre et de l’impression couche par couche.

« Le procédé s’apparente à celui du tomodensitogramme,puisque l’image est générée une couche à la fois. Le résultat esttridimensionnel », souligne-t-il. «Plutôt que d’imprimer sur unsupport papier, nous utilisons un film de poudre de ciment oùl’encre est remplacée par l’acide. L’acide réagit avec le cimentpour produire une céramique qui calque la forme de l’os àreconstruire. »

Ces sections d’os artificiel, composées essentiellement dephosphate de calcium, peuvent être construites avec précisionet comporter jusqu’aux orifices qui commanderont la crois-sance du nouvel os, faisant office de véritable échafaudagebiodégradable pour l’os en reconstruction. Ce nouveauprocessus pourra ultérieurement être utilisé pour la chirurgiereconstructive ou d’autres types de réparation osseuse, etpourrait se révéler beaucoup plus efficace et moins risquéque le prélèvement d’os sur d’autres sites osseux. ■ Cette recherche est financée par le ministère des Relationsinternationales du Québec, dans le cadre du Programme d’échangeQuébec-Bavière.

Nos gènes œuvrent en mode multitâche.Prenons par exemple l’enzyme du gène PTB1b.À des concentrations normales, le PTB1bcontribue à la régulation de la croissance et dela division cellulaires. Un excès de PTB1b en-traîne a contrario une croissance incontrôléedes cellules. Or, le Dr Michel Tremblay, direc-teur du Centre de recherche sur le cancer deMcGill, a découvert que 40 pour cent des casde cancer du sein chez la femme se caractéri-sent par une surexpression du PTB1b.

Il y a à peine sept ans, le Dr Tremblay adécouvert que ce gène avait un rapport avecl’obésité et le diabète et au moins une soci-été pharmaceutique mène déjà des essaiscliniques sur des sujets humais portant sur unmédicament suppresseur du PTB1b. Ce pro-grès rapide pourrait bien ouvrir de nouvellesperspectives dans la lutte contre le cancerdu sein. « Pour cela, il suffit d’adapter cescomposés », explique le Dr Tremblay.

Tout comme un gène peut être mis encause dans plusieurs maladies, une maladiecomme le cancer du sein suppose queplusieurs gènes agissent de concert. Deschercheurs comme le Dr William Foulkes

s’efforcent d’approfondir sans relâche notreconnaissance de ces associations mortellesentre segments d’ADN. William Foulkes,directeur du Programme de génétique du can-cer de McGill et chef du Service de génétiquedu cancer du Centre de prévention du cancerde l’Hôpital général juif, a récemment carac-térisé deux mutations du gène PALB2 qui sem-blent avoir un rapport avec la « signature » d’une forme particulière de cancer du sein.William Foulkes et son collègue, le Dr MarcTischkowitz, ont collaboré avec des cher-cheurs de l’Institut de recherche sur le cancerDana-Farber de l’Université Harvard et des

instituts de recherche sur le cancer de Grande-Bretagne et des Pays-Bas. Pour le Dr Foulkes,cette découverte est un élément factuel sup-plémentaire de la structure qui nous permettraun jour de comprendre le cancer du sein.

« Environ dix gènes, dont le PALB2, sontdésormais associés à un risque deux foissupérieur à la normale ou plus élevé de cancerdu sein », précise le Dr Foulkes. «Nous ne con-naissons pas encore précisément l’importancedu gène PALB2, mais les femmes porteuses decette mutation sont exposées à un risquesupérieur à la moyenne et nécessitent parconséquent une surveillance particulière,notamment par imagerie par résonancemagnétique; elles pourraient aussi êtrecandidates à une chirurgie préventive. » ■ Le Dr Tremblay est titulaire de la Chaire derecherche sur le cancer Jeanne et Jean-LouisLévesque. Ses travaux sont financés par la Sociétéde recherche sur le cancer, les Instituts canadiensde recherche en santé, le Week-end pour vaincre lecancer du sein et la Fondation Rethink BreastCancer. Les recherches du Dr Foulkes sontfinancées par l’Alliance canadienne pour larecherche sur le cancer du sein.

Des os... branchés à une imprimanteà jet d’encre

Nouvelles perspectives dans la lutte contre le cancer du sein

Selon Jake Barralet, les impriman-tes à jet d’encre sont d’excellents outils de greffe osseuse.

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Les chercheurs ont d’abord découvert que la sur-expression du gène PTB1b favorisait l’obésité chezla souris. Aujourd’hui, ils savent que ce gène joueaussi un rôle essentiel dans le cancer du sein.

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Quatuor KillamPatrick Selvadurai et Rod Macdonald sont les dernierschercheurs de McGill à avoir remporté la plus précieusesubvention de recherche canadienne, soit le Prix Killam du Conseil des arts du Canada, d’une valeur de 100 000dollars.

Patrick Selvadurai est titulaire de la Chaire WilliamScott et d’une chaire James McGill au Département degénie civil et de mécanique appliquée. Il est connu dansle monde entier pour ses travaux sur la mécaniquethéorique, appliquée et informatique, et ses travauxdans le domaine de la géomécanique (application desprincipes du génie au sol et aux roches) ont contribué àrenforcer la sécurité des installations de stockage desdéchets nucléaires.

Rod Macdonald, ancien doyen de la Faculté de droit ettitulaire de la Chaire F. R. Scott de droit constitutionnel etpublic, est pour sa part un intellectuel connu pour sesnombreuses contributions, notamment à l’égard de laviolence faite aux enfants, de la Cour des petites créanceset de la justice autochtone. ■

Prix Templetonpour Charles TaylorLe 2 mai, dans le cadre d’une cérémonieprivée au Palais de Buckingham, le ducd’Édimbourg a remis au professeurémérite de philosophie Charles Taylorle Prix Templeton 2007 décerné auxresponsables de progrès accomplis dansle domaine de la recherche ou de décou-vertes sur les réalités spirituelles. Ce prix d’une valeur de 800 000 livres sterling,environ1,7 million de dollars, est le plusimportant prix en espèces sonnantes ettrébuchantes décerné à titre individuelau monde.

Le prix reconnaît les recherches queCharles Taylor a menées sur les dimen-sions laïques et spirituelles de problèmescomme la violence et le sectarisme. Il estle premier Canadien à en bénéficier. ■

Découverte de gènes du diabète Le Dr Robert Sladek a récemment découvert quatre gènesqui modifieront notre réflexion sur le diabète de type 2.Robert Sladek, endocrinologue à l’Université McGill et auCentre d’innovation Génome Québec, a collaboré avec leDr Constantin Polychronakos du Centre universitairede santé McGill et des chercheurs du Canada, de Grande-Bretagne et de France pour fouiller le génome humain à larecherche de gènes liés au diabète de type 2. L’équipe dechercheurs a comparé des centaines de milliers defragments provenant de patients diabétiques et en bonnesanté. Autant chercher une aiguille dans une botte defoin… et pourtant ils ont relevé le défi et remporté quatrefois la mise!

«Sur les quatre gènes identifiés », indique le Dr Sladek,« deux participent au développement ou au fonction-nement de cellules qui sécrètent l’insuline et un joue unrôle dans le transport du zinc, un minéral important et

nécessaire à la production d’insuline. » La fonction du quatrième gène n’est pasencore connue, mais si l’on en croit le séquençage du génome humain, les chercheurspensent qu’il est effectivement associé au diabète.

Près de 2 millions de Canadiens souffrent de diabète de type 2. Il s’agit d’une mala-die complexe qui semble résulter de l’action réciproque de plusieurs facteursgénétiques et environnementaux. La présence de ces quatre gènes récemment iden-tifiés ne signifie pas nécessairement que l’on risque de développer un diabète de type2. Elle augmente cependant de manière considérable le risque que certaines habitudesde vie (notamment un régime alimentaire peu équilibré et l’absence d’activitéphysique) favorise l’apparition de la maladie. La prédiction dans ce cas pourrait bienêtre synonyme de prévention.

«Dans le cas où l’étude de l’ADN d’un nouveau-né révèle qu’il a 70 pour cent derisques de développer cette maladie s’il mène l’existence d’un Nord-Américainmoyen », souligne le Dr Polychronakos, «nous pouvons inciter cet enfant à prendre trèstôt de bonnes habitudes de vie et empêcher ce faisant l’apparition du diabète. » ■ Ce projet est financé par Génome Québec et Génome Canada.

N O U V E L L E S

Charles Taylor, lauréat du Prix Templeton 2007

Prix Steacie et bourses Sloan2007 se qualifie déjà parmi les excellentes années entermes de récompenses accordées aux chercheurs dela Faculté des sciences. Victoria Kaspi est la lauréatedu Prix Steacie en sciences naturelles, lequel estdécerné à de jeunes scientifiques et ingénieurs endébut de carrière, en reconnaissance des contributionsexceptionnelles qu’ils ont apportées au Canada.Titulaire de la Chaire en astrophysique et cosmologieLorne Trottier de l’Université McGill et de la Chaire derecherche du Canada en astrophysique d’observation,Mme Kaspi a reçu 15 000 dollars pour ses travaux depointe sur les étoiles à neutrons.

Tous les ans, la Fondation new-yorkaise Alfred P.Sloan octroie à des scientifiques en début de carrière118 bourses de 45 000 dollars US donnant droit à unsoutien pendant deux années. Cette année, quatrechercheurs mcgillois ont été sélectionnés. Il s’agit deMathieu Blanchette, professeur au Centre debioinformatique de l’École d’informatique de McGill,qui utilise des algorithmes complexes pour décoder lesfonctions de l’ADN; d’Aashish Clerk, professeur auDépartement de physique et spécialiste de la théorie dela matière condensée, qui s’intéresse au comporte-ment mécanique quantique complexe des électrons ausein des nanostructures; de Patrick Hayden, pro-fesseur à l’École d’informatique, boursier Rhodes etdiplômé de McGill, qui s’attache à trouver de nouveauxmoyens de manipuler l’information quantique, auxconfins des lois de la physique; et de JacquesVerstraete, professeur au Département de mathé-matiques, qui se penche sur le secteur relativementnouveau des combinatoires extrémales et probabi-listes. La moisson de bourses Sloan récoltée par McGillest de loin supérieure à celle des autres universitéscanadiennes, de même qu’à celle des universitésCornell, Johns Hopkins et Yale.■

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Scruter sans relâche le ciel polaireL’espace extra-atmosphérique n’est pas loin, a déclaré un jour un grand esprit. Il faut une heureseulement en voiture pour s’y rendre, à condition bien sûr que cette voiture y montedirectement.

Pour se faire sa propre idée de l’espace extra-atmosphérique, le professeur de physique deMcGill Matt Dobbs a dû pour sa part aller beaucoup plus loin. Membre de l’équipe duTélescope du pôle Sud (TPS), il a passé le début de 2007 en Antarctique. Le TPS est un par-tenariat entre McGill et huit institutions américaines. Doté d’une imposante coupole de dixmètres de largeur, le Télescope est conçu pour balayer l’Univers et pour nous renseigner surle fond diffus cosmologique, littéralement le rayonnement cosmique micro-ondes ambiant.Il s’agit en fait de la postluminescence issue du Big Bang, longtemps avant la formation desplanètes, des étoiles et des galaxies.

Le fond cosmique micro-ondes (FCM) est présent dans le monde entier, mais le pôle Sud estun endroit particulièrement indiqué pour l’observer. Sur le spectre électromagnétique, le fondcosmique micro-ondes se situe entre le rayonnement thermique et les ondes radio, ce quiexplique qu’il soit facilement absorbé par la vapeur d’eau dans l’atmosphère, donc difficile àobserver. L’altitude élevée du pôle Sud, c’est-à-dire la minceur de l’atmosphère, et la séche-resse du climat font du pôle Sud un endroit idéal pour étudier le fond cosmique micro-ondes.

Le FCM éclaire à contre-jour tous les objets présents dans l’Univers. Lorsque ces objets sontparticulièrement imposants, comme c’est le cas des amas galactiques, on observe unedistorsion mesurable dans le fond cosmique micro-ondes. (Dans le théâtre d’ombre del’Univers, le FCM est la lumière, les galaxies, les marionnettes, et la distorsion est l’ombre.) La force de cette distorsion ne s’atténue pas avec la distance, ce qui fait du FCM un outilindispensable pour découvrir des amas galactiques très très éloignés. En mesurant lescaractéristiques à petite échelle du FCM, le Télescope du pôle Sud devrait normalement aiderles astronomes à détecter des amas encore inconnus — autant de données précieuses pourpercer le mystère de l’expansion de l’Univers.

Matt Dobbs a passé un mois dans des conditions de température éprouvantes à construirele récepteur et les dispositifs électroniques de lecture de cette énorme fenêtre haute techno-logie donnant sur l’Univers. Travailler dans les conditions climatiques extrêmes du pôle Sudn’a pas été chose facile, le moindre séjour à l’extérieur, aussi bref soit-il, pouvant causer desengelures. L’équipe météorologique locale a décrit les conditions un jour en ces termes :«Ciel :infernal. Température : infernale. Demain : pire. »

Quoi qu’il en soit, Matt Dobbs a quitté le fond du monde avec le sentiment d’avoir atteintles plus hauts sommets. «Lorsque notre avion a décollé et a fait un cercle au-dessus de la sta-tion », a-t-il écrit dans son blogue polaire, «le pilote a rapidement incliné l’appareil sur la gauche,puis il est revenu sur le site de sorte que nous puissions avoir un dernier aperçu du Télescopedu pôle Sud, prêt à recueillir une année d’efforts pour l’avancement de la science. » ■ Le Télescope du pôle Sud est financé par la Fondation nationale des sciences, la Fondation Kavliet la Fondation Gordon et Betty Moore. Les chercheurs de l’Université McGill ont bénéficié d’unfinancement additionnel du Fonds québécois de la recherche sur la nature et les technologies et duConseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.

Télescope du pôle Sud, avec l’équipe

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Gouverner sans dangerLorsque le Titanic a fait naufrage en 1912,scellant le destin de 1500 de ses passagers, cen’était pas et de loin le premier navire à êtrela proie d’icebergs qui dérivent sur les eaux del’Atlantique Nord. Et malgré toutes les améli-orations apportées à la sécurité maritimedepuis, les navires risquent encore d’entrer encollision avec ces monstres glacés et silencieux.

En collaboration avec des scientifiques duCentre d’hydraulique canadien du Conseilnational de recherches du Canada et duService canadien des glaces d’EnvironnementCanada, Stuart Savage, professeur éméritede génie civil, a participé à l’élaboration d’unmodèle informatique permettant de mieuxprédire le mouvement des icebergs aprèsleur séparation des imposants glaciers duGroenland.

Nourri de données sur les courants océani-ques, la configuration des vents et les carac-téristiques de l’iceberg lui-même, ce modèledevrait aider les capitaines de navires à éviterles surprises désagréables; le programme seraégalement utilisé pour gérer les icebergs àproximité des plateformes de forage pétro-lier. L’essai mené sur les Grands Bancs a mon-tré que le modèle était au moins 30 pourcent plus précis que les techniques de pré-vision actuelles.

Les progrès réalisés dans la conception denavires et les systèmes de navigation rendentde plus en plus invraisemblable un naufragecomme celui du Titanic. Toutefois, fait remar-quer Stuart Savage, les icebergs demeurentune menace pour les navires et les plate-formes de forage en haute mer. « Même unmorceau de glace de cinq ou six mètres dediamètre peut causer des dommagesimportants », souligne-t-il. «Nous souhaitonsempêcher la probabilité d’une collision oud’un déversement de pétrole avant mêmeque le danger ne soit réel.»■ Cette recherche a été financée par le Programmede recherche et de développement énergétiques deRessources naturelles Canada et le Conseil derecherches en sciences naturelles et en génie duCanada.

6 en tête été 2007

N O U V E L L E V A G U E

—PR FRÉDÉRIC MÉGRET

Les opérations demaintien de la paix des Nations Uniesauxquelles Frédéric Mégret (en haut, à droite) a pris part à Sarajevolui ont permis dedévelopper uneconscience aiguë des limites du droitinternational.

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Un fil conducteur sert detrame à l’ensemble de mesrecherches : la quête dumaintien de la dignitéfondamentale de chacun,d’une manière qui soitjuridiquement viable, tout enreconnaissant que le droitlui-même a souvent étésource d’oppression.

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Du ghetto de Varsovie à Sarajevo, la communauté internationale a tropsouvent fait défaut aux victimesd’atrocités de masse. Frédéric Mégretétudie comment la mondialisation du droit peut renforcer l’esprit derésistance et empêcher les génocides.

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De l’utilite

Par Jacquie RourkeLa plume est-elle plus forte que l’épée? Pour Frédéric Mégret, quia manié les deux, cet adage ne fait pas le moindre doute. En 1995, alors qu’il était membre des casques bleus français ausein de la FORPRONU, ce professeur de droit de l’UniversitéMcGill a été témoin de la misère et des souffrances causées parles obus, les tireurs embusqués et la famine qui ont ravagéSarajevo. Et lorsque son regard a croisé celui de la populationbosniaque, que les troupes dont il faisait partie avaient pour mis-sion de protéger, il a ressenti au plus profond de lui «la gêne dene pouvoir être plus utile ». Frédéric Mégret n’avait pas besoin decette expérience de première ligne afin de savoir qu’il fallait agirpour mettre fin au nettoyage ethnique (ce n’était pas une révé-lation), mais son mandat au sein des forces des Nations Unies luia ouvert les yeux sur le fonctionnement de cette organisation etsur ses dysfonctionnements. Cette expérience éclaire précisé-ment les recherches qu’il mène à l’heure actuelle sur la mondiali-sation du droit et sa faculté à investir les individus et les groupessociaux de moyens suffisants pour mieux résister à la violence.

« Croire que la communauté internationale va voler à votresecours en cas de difficulté est tout simplement illusoire »,déclare le Pr Mégret. « La seule aide que les Juifs ont obtenuedans le ghetto de Varsovie leur est venue d’eux-mêmes et de larésistance polonaise; les Alliés n’ont pas parachuté une seulearme pour leur venir en aide. Voilà pourquoi il est fondamentale-ment dangereux de nourrir trop d’espoir dans l’interventioninternationale, laquelle donne l’impression de voler à larescousse, mais qui finit par abandonner les populations à leurtriste sort... non sans avoir au préalable détruit leur capacitélocale de résistance. »

Le Pr Mégret participe à un projet de recherche à long termesubventionné par le CRSHC sur la tradition de résistance àl’oppression et à la tyrannie, dans le but de replacer la résistancedans le contexte de l’évolution actuelle du droit international.

L’objectif est de donner aux populations des pays aux prises avecdes conflits ou des situations sans réelle perspective derèglement judiciaire à l’échelle locale, où la démocratie estinexistante et où la communauté internationale est peu suscep-tible d’intervenir, les outils pour se défendre. Le droit inter-national, selon le Pr Mégret, pourrait fournir une base normativebeaucoup plus solide à ceux qui cherchent à résister, voire à serebeller. «Le “précédent de Nuremberg” (concept selon lequelles soldats devraient refuser de commettre des atrocités, malgréles ordres qui leur sont donnés) est un concept qui doit etdevrait être étendu à la population générale », prend-il. Le but n’est pas de semer le chaos ou de détruire la souverai-neté nationale, mais le droit international devrait donner auxindividus, dans certaines circonstances extrêmes, les moyens deprendre en main leur destinée, en s’engageant par exempledans de vastes campagnes de désobéissance civile.

Le Pr Mégret s’intéresse à la manière dont le droit peut aiderou empêcher l’autonomisation des individus, et ne se limite pasau concept de résistance. Un autre de ses projets de rechercheporte sur «la discrimination massive » dont ont été victimes lespersonnes atteintes de handicaps physiques ou mentaux,souvent en raison des lois elles-mêmes. Il analyse pour l’heurela Convention des Nations Unies sur les droits des personneshandicapées, document phare adopté en 2006, qui énonce lestoutes premières normes internationales dans ce domaine.Selon lui, la manière dont les droits des handicapés sonténoncés dans la Convention (qui constitue le traitement leplus holistique et exhaustif à ce jour sur cette question) est uneleçon en matière de droits de la personne mondiaux. «La Con-vention sur les droits des personnes handicapées », précise-t-il,« peut également nous aider à réfléchir à l’universalité desdroits de la personne (mêmes droits pour tous), mais elle nousimpose aussi de tenir compte de l’expérience irréductible decertaines catégories d’êtres humains. »

«D’une certaine façon », poursuit-il, «un fil conducteur sertde trame à l’ensemble de mes recherches : la quête du maintiende la dignité fondamentale de chacun, d’une manière qui soitjuridiquement viable, tout en reconnaissant que le droit lui-même a souvent été source d’oppression. Il ne suffit toutefoispas de redresser des préjudices. Il est davantage question ici deschangements qu’il faut apporter à la manière dont nousenvisageons le droit, de sorte qu’il devienne un véritableinstrument d’émancipation. »

■ Frédéric Mégret est titulaire de la Chaire de recherche duCanada en droits de la personne et pluralisme juridique.

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Exploiterles marches

emergents

Vihang Errunza estimeque d’ici les 25 prochaines

années, les marchésémergents, et plus particu-

lièrement ceux du BRIC,le groupe de pays formé par

le Brésil, la Russie, l’Indeet la Chine, représenteront

près de 50 pour cent del’économie mondiale.

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gents, mais il cherche également à expliquer les risquesque fait peser la fluctuation des taux de change.

L’autorité de Vihang Errunza sur ce sujet tient à cequ’il a pu fournir à la communauté financière des statis-tiques et des modèles fiables pour comprendre le potentieldes économies de marchés émergents. Au début desannées 1980, par exemple, il a joué un rôle clé dans lamise sur pied de la première base de données sur lesmarchés émergents de la Banque mondiale. Cette base dedonnées a depuis lors été vendue à l’indice Standard &Poor’s et elle fait partie des outils dont se serventrégulièrement les gestionnaires de fonds.

Depuis les années 1990, les fonds de pays et lescertificats américains d’actions étrangères ont gagné enpopularité parmi les investisseurs qui cherchaient àdiversifier leurs portefeuilles à l’étranger. Alors que lamondialisation battait son plein, le professeur de gestionoriginaire de Mumbai a joué un rôle discret mais impor-tant dans l’ouverture des marchés mondiaux. « Plusieurspersonnes qui n’avaient jamais investi jusque-là ont com-mencé à boursicoter », explique-t-il, dans son bureau duPavillon Bronfman.

Il va de soi que la modification radicale des doctrines enmatière de placements ne se produit pas sans heurt et quede nombreuses voix se sont inquiétées de ce que la mon-tée des marchés émergents soit néfaste à l’égard del’emploi en Amérique du Nord. Mais pour le Pr Errunza,ces craintes sont futiles, sachant que l’économiecanadienne a besoin de la concurrence. « Le fait est qu’ilnous faut innover », insiste-t-il. « Sans innovation, nousserons relégués au deuxième rang des économiesmondiales. »

Vihang Errunza se soucie très peu des craintes quesuscite l’externalisation, car elles ne permettent pas derégler les problèmes réels de notre économie, et plus parti-culièrement son aptitude à faire face aux nouveauxenjeux. De fait, ce que le Pr Errunza attribue à son propresuccès se reflète à bien des égards dans les résultats de sesrecherches. « Il faut des défis, sans quoi nous n’irons pastrès loin », souligne-t-il. «Il faut continuellement appren-dre, innover et relever des défis. »■ Vihang Errunza est titulaire de la Chaire de la Banque deMontréal en finances et opérations bancaires et vice-doyen(recherche et relations internationales) de la Faculté degestion Desautels.

Dissiper les mythes sur les économies de pays en développement

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Le fait est qu’il nous faut innover. Sans innovation, nousserons relégués au deuxième rang des économies mondiales.

—PR VIHANG ERRUNZA

Par Jonathan Montpetit

L’an dernier, lorsque The Economist a déclaré qu’aucuninvestisseur digne de ce nom ne pouvait s’offrir le luxed’ignorer les marchés émergents, le Pr Vihang Errunza apréféré s’abstenir de tout commentaire.

Depuis plus de 30 ans, le Pr Errunza vante les méritesdes économies en développement. De fait, sa thèse dedoctorat parue en 1974 a été l’une des premières àpostuler que l’investissement dans des pays comme laChine et l’Inde n’était peut-être pas si insensé que cela.

« Je suis parti de l’idée très simple que les flux decapitaux placés dans des titres de participation entre lespays développés et les marchés émergents seraientbénéfiques aux deux parties », précise Vihang Errunza,professeur à la Faculté de gestion Desautels. « Les paysdéveloppés ont tout à gagner des perspectives de crois-sance qu’offrent les marchés émergents. Ces derniersbénéficient pour leur part d’une source additionnelle etindispensable de capital-risque qui les aide à développerleurs institutions, augmenter leur taux de croissanceéconomique et diminuer le coût du capital. »

Le Pr Errunza ne s’étonne donc pas que 30 années deréflexion sur les marchés émergents aient finalementporté leurs fruits. Avec le vieillissement de la population etla baisse des taux de croissance, les marchés de paysdéveloppés n’offrent plus les possibilités de croissancelucratives d’autrefois. Parallèlement, les consommateurset les fournisseurs de pays en développement revendi-quent leur place dans le concert des nations. Le Pr Errunzaestime que d’ici les 25 prochaines années, les marchésémergents, et plus particulièrement ceux du BRIC – legroupe de pays formé par le Brésil, la Russie, l’Inde et laChine – représenteront 50 pour cent de l’économiemondiale. Ces quatre pays semblent également semontrer sensibles aux alertes environnementales etétudient sérieusement les sources d’énergie renouvelables,telles que l’énergie éolienne (Inde) et solaire (Chine). « Àlong terme, la croissance de ces économies et leurintégration aux marchés mondiaux des capitaux sontdans l’intérêt de tous. »

Bien que le Pr Errunza ait contribué à éveiller l’intérêtpour les marchés émergents, il ne s’est pas reposé sur seslauriers pour autant. Il vient en effet de mettre la dernièremain à un important projet de recherche, dans lacontinuité de l’étude qu’il a menée en 1985 sur la gestiondes actifs internationaux, et qui a établi un modèle tari-faire pour les titres des marchés émergents.

L’étude de 1985, qui fait désormais partie des lecturesobligatoires de nombreux programmes de doctorat, aétabli de manière empirique ce qui est devenu l’un desthèmes récurrents des recherches du Pr Errunza :malgré lavolatilité à court terme des marchés émergents, leur poten-tiel de rendement demeure considérable pour qui sait fairepreuve de patience. Le nouveau projet du Pr Errunza netient pas seulement compte des obstacles traditionnelsauxquels font face les investisseurs des marchés émer-Ph

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En août 2006, des fouilles dirigées par André Costopoulosont permis de découvrir une imposante structure en pierreprès de Wemindji, un village cri éloigné de la côte est de labaie James. Puisant aux sources de sa connaissance approfon-die de l’archéologie nord-européenne, le Pr Costopoulosétait persuadé qu’il avait découvert les vestiges d’uneancienne demeure… mais il se trouve que ses collègesn’étaient pas d’accord avec lui.

«Une véritable rébellion couvait dans les rangs! », plai-sante le professeur d’anthropologie de McGill. Ce qu’ilpensait être les murs extérieurs d’un imposant édificeétait, pour ses collègues, les ruines d’un âtre qui avait dûse situer au centre d’un édifice encore plus imposant. Toutdiscours universitaire qui se respecte est forcément sourcede fréquents désaccords, mais dans le cas qui nous inté-resse, la dissension avait la particularité d’être expriméepar des étudiants de premier cycle.

Ces jeunes sceptiques sont les illustres représentantsd’une nouvelle expérience menée par McGill qui encou-rage les étudiants de premier cycle à appliquer la théorieà la pratique, dans le cadre de laboratoires, de cliniques,de fouilles ou d’archives. En 2005, la Faculté des sciencesde McGill a officialisé cet engagement en créant le Bureaude la recherche scientifique de premier cycle. Premier dugenre au Canada, ce bureau coordonne les différentesactivités de recherche des étudiants de premier cycle, demême que les cours de recherche facultatifs et une

conférence annuelle consacrée aux recherches menées parles étudiants. D’autres facultés prévoient suivre cet exem-ple et certaines, dont celle de médecine dentaire, se fontdéjà un point d’honneur de communiquer avec chaqueétudiant de premier cycle admissible pour d’éventuellesrecherches. Les professeurs recrutent également desétudiants dans leurs cours et par le biais d’annonces surInternet. Au cours de l’année universitaire 2006-2007,McGill comptait près de 2 000 chercheurs de premiercycle et il ne fait aucun doute que ce chiffre augmenteralorsque les étudiants auront pris la pleine mesure del’intérêt de la recherche.

Les étudiants manifestent incontestablement unevolonté certaine de mettre la main à la pâte, au proprecomme au figuré. «La recherche ouvre des horizons dontles cours magistraux sont dépourvus, car ils sont très thé-oriques », explique Colin Nielsen, un étudiant en archéolo-gie âgé de 24 ans qui a participé aux fouilles de Wemindji.« Déterrer de mes propres mains d’anciens grattoirs enpierre à la baie James est beaucoup plus satisfaisant quelire un compte rendu de fouilles. »

Mais la recherche n’est pas seulement un agréable chan-gement de décor. «Le rôle de l’université ne se borne pasà l’enseignement de faits ou de techniques », souligne JayNadeau, professeure au Département de génie biomé-dical, qui a commencé à travailler avec des chercheurs depremier cycle l’an dernier. «Elle doit également apprendre

Par James Martin, avec des dossiers de Patr ick McDonagh

Le professeurd’anthropologie André Costopoulos (au centre) se félicite de l’éclairage originalque les étudiants de premier cycle Theresa Gabos (à gauche) et Colin Nielsen jettent sur la recherche.

L’étudiante de médecinedentaire Romina Perri (à droite) est l’auteureprincipale d’un articlequi analyse les straté-gies utilisées pourrecruter des participantsdans l’étude que la Pre Jocelyne Feine amenée sur les implantsdentaires.

Les étudiants de premier cycle de McGill : du laboratoire au terrain et de la théorie à la pratique

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aux étudiants qu’ils peuvent se pencher sur n’importe quelproblème, sous réserve qu’ils possèdent les connaissanceset les outils pour y parvenir. Il n’y a rien de plus merveilleuxque d’observer les étudiants apprendre à mobiliser les élé-ments (qu’il s’agisse d’outils ou de connaissances) pourrépondre à une question. Ils apprennent véritablement àréfléchir et à analyser. »

En 2006, Jay Nadeau a recruté 12 étudiants pour par-ticiper au Concours annuel international sur les machinesgénétiquement modifiées (iGEM) qu’organise l’Institut detechnologie du Massachusetts (MIT). Chaque année, deséquipes de plus de 12 pays ont pour mission de concevoiret d’assembler des machines génétiquement modifiées àl’aide du même ensemble d’éléments génétiques (essenti-ellement pour l’expression chez les bactéries) et les mêmestechniques de clonage moléculaire. « Nous découvronscomment sont élaborés les projets de recherche », expliqueJamie Schafer, 20 ans, étudiante de 2e année en microbio-logie et immunologie. Son équipe iGEM a synchronisél’oscillation d’une protéine fluorescente dans un groupe decellules, ce qui revient en quelque sorte à créer un jeu depetites biolumières clignotantes. « L’éventail de projetsélaborés dans le cadre du Concours iGEM, tous issus desmêmes matériaux de départ, m’a fait prendre consciencede l’immense potentiel de la recherche. »

Pour Jamie Schafer, la recherche de premier cycle faitplus que conforter son intérêt pour les études supérieures.

Chez certains étudiants, l’expérience de la rechercheouvre des horizons professionnels auxquels ils n’avaientjamais songé. Au cours de sa dernière année d’études depremier cycle en psychologie, Anne Hand, 22 ans, a tra-vaillé avec Sonia Lupien, directrice du Centre d’études surle stress humain à l’Institut universitaire en santé mentaleDouglas, pour déterminer comment la lecture d’ouvragespratiques agissait sur le niveau de stress d’Anglophonesmontréalais en santé âgés de 18 à 65 ans. «La recherchem’a fait comprendre que pour mener des travaux d’enver-gure internationale et transculturels dans le secteur de lasanté, il fallait absolument parler au moins deux langues »,souligne-t-elle. Elle prévoit d’ailleurs perfectionner ses con-naissances de l’espagnol en participant à un programmed’immersion l’an prochain. «J’ai également pris conscience que je préférais travailler auprès de populations cliniquesou à l’élaboration de politiques, car j’ai pu constater à quelpoint les politiques influençaient directement les effortsdes chercheurs à la base, en bien comme en mal. » Cet été,elle fera une présentation par affiches sur ses recherchesà l’occasion de la conférence de la Société internationalede psychoneuroendocrinologie, qui aura lieu dans leWisconsin, et du Colloque Hans Selye sur le stress àMontréal.

Également étudiante en psychologie, Laura Cooperprésentera pour sa part le fruit de ses travaux de recherchelors de deux conférences. L’automne dernier, l’étudiante

La professeure demathématiques Nilima Nigam (à droite) a encouragé l’étudiant de physique mathé-matique Tayeb Aïssiou (au centre) à construire unmodèle mathématiquepour prédire la fluctuationdes populations cellulairesqu’étudiait la professeurede médecine dentaireSvetlana Komarova dans le cadre d’une étude sur la croissance osseuse.

La Pre Jay Nadeau (à droite) a recruté lesétudiants de premier cycleAdam Katolik (à gauche) et Jamie Schafer pour le Concours iGEM du MIT, où les étudiants mettent à l’épreuve leurscompétences du clonagemoléculaire.

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âgée de 22 ans a conçu un programme intitulé «De-Stressfor Success », qui fait appel à des ateliers interactifs pourapprendre aux nouveaux étudiants montréalais de niveausecondaire à gérer leur stress. Cet été, lorsqu’elle pré-sentera les données issues de ses travaux, Laura Cooperaura satisfait aux exigences de son B.A., mais son program-me de recherche se poursuivra longtemps après l’obten-tion de son diplôme : une étude pilote est en effet prévuedans les écoles de Montréal en septembre. «J’envisage defaire des études supérieures », dit-elle, « mais pas dansl’immédiat. J’aimerais trouver un emploi qui me permetted’appliquer mes compétences en matière de recherche »,précise-t-elle. Elle envisage une carrière dans la coordina-tion et l’évaluation de programmes sociaux d’ONG, «mais je pense que la recherche continuera de faire partiede la profession ou des études que je choisirai à terme. »

«La recherche de premier cycle donne aux étudiants lapossibilité de se familiariser sans risque avec les étudessupérieures », souligne la Pre Nadeau. «Le pire qui puissearriver est de faire des études supérieures pendant cinq ousix ans, sans parvenir à publier le moindre article. Fortheureusement, les recherches de premier cycle pro-curent essentiellement des satisfactions. Et si les étudiantsfinissent par publier, c’est en quelque sorte une gratifica-tion additionnelle. »

Et tout porte à croire que les étudiants de premier cyclede McGill apprécient cette gratification : plusieurs d’entreeux ont eu un avant-goût de la publication dans desrevues à comité de lecture, que ce soit à l’échelle del’Université (comme dans le cadre de la nouvelle publica-tion McGill Science Undergraduate Research Journal) oudans les publications internationales. En 2004, l’étudiantede médecine dentaire Romina Perri, aujourd’hui âgée de23 ans, participait à une étude clinique de la Pre JocelyneFeine relativement à l’impact des implants dentaires sur la santé. Malgré la satisfaction qu’elle en a tirée, ellesouhaitait prendre part à un projet plus personnel. La Pre Feine lui a alors proposé d’analyser les stratégiespermettant de recruter 250 participants ou plus dans lecadre d’une étude. Résultat : Romina Perri est l’auteureprincipale de l’article « Monitoring Recruitment Successand Cost in a Randomized Clinical Trial », publié dansl’European Journal of Prosthodontics and RestorativeDentistry. Cet article, que Romina Perri a présenté à laconférence de l’Association internationale de recherchedentaire à Baltimore, est susceptible de faire le bonheur dechercheurs en quête de méthodes rentables de recrute-ment qui respectent leurs contraintes budgétaires. « Ceprojet m’a permis de me faire une idée plus large de lamédecine dentaire et de voir qu’elle recelait d’immensespossibilités », souligne Romina Perri, qui étudie les troublesde l’articulation temporomandibulaire avec James Lund,doyen de la Faculté de médecine dentaire. En 2008, unefois son diplôme obtenu, Romina espère poursuivre desétudes supérieures en périodontie.

Questionnés au sujet des qualités d’un bon chercheur-étudiant, les professeurs sont unanimes: imagination, ouver-ture d’esprit, créativité, souplesse, motivation, audace,témérité. «Ils ont le courage d’explorer de nouvelles pistes,sans crainte de casser ou de gâcher quoi que ce soit », sou-ligne la Pre Nadeau. « Faire de la recherche, c’est aussi

prendre conscience que même les “mauvaises données”peuvent parfois être utiles. »

La recherche est aussi une affaire de ténacité. «Ces étu-diants ne se laissent pas intimider par le fait que personneavant eux ne soit parvenu à répondre aux questions qu’ilsse posent », souligne le Pr Costopoulos. Il en veut pourpreuve l’exemple d’une de ses étudiantes de premiercycle : dans le cadre de ses recherches sur la faïence duXVIIIe siècle, Theresa Gabos a découvert des fragments deterre cuite française en participant à des fouilles arché-ologiques au Musée de Pointe-à-Callière, lieu des premierspeuplements de Montréal. L’étudiante de 23 ans souhai-tait savoir ce que ces fragments pouvaient lui apprendresur les réseaux d’échange qui existaient à cette époque auQuébec, mais la typologie de la céramique, largementfondée sur le décor ou la conception, s’est malheureuse-ment révélée fort peu utile pour l’identification de petitsfragments. Loin de s’avouer vaincue, Theresa Gabos aalors créé une nouvelle typologie en fonction de laporosité et de la composition de la pâte de céramique. « Je voulais catégoriser les céramiques d’une manièremoins subjective que celle proposée par les méthodes envigueur », souligne-t-elle. «Il s’agissait d’un réel défi. J’aiainsi découvert que l’archéologie est un immense casse-tête dont on ne connaît pas le nombre de pièces et dontbeaucoup sont manquantes. »

«Je passe le plus clair de mon temps à rassurer les étudi-ants sur la justesse de leur intuition », ajoute son super-viseur. «Et lorsqu’ils sont dans l’impasse, je leur expliquepourquoi. Les joies de la recherche sont faciles. Mon rôleest d’être présent lorsque surgissent les frustrations. »

Et les frustrations peuvent être légion. « Il est important queles étudiants apprennent à ne pas avoir peur de l’échec »,souligne Nilima Nigam, professeure au Département demathématiques et statistique. « Il faut absolument sefamiliariser avec l’échec et ne pas se décourager lorsquela première hypothèse retenue fait chou blanc. C’est làqu’intervient la créativité : si la première ou deuxièmestratégie ne donne rien, il faut ramasser les morceaux etessayer autre chose. »

La Pre Nigam a observé Tayeb Aïssiou, un étudiant de 21ans en dernière année de physique mathématique, vivreexactement cette expérience. En 2005, Tayeb Aïssiou a priscontact avec la Pre Nigam dans le but de participer à destravaux de recherche. Elle l’a alors invité à intégrer le pro-jet qu’elle menait en collaboration avec la Pre SvetlanaKomarova de la Faculté de médecine dentaire, lequelconsistait à modéliser la dynamique des populations ausein des cellules ostéoclastes intervenant dans la croissanceosseuse. Tayeb Aïssiou devait construire un modèle mathé-matique pour prédire les fluctuations dans les populationsde cellules. «Je voulais faire quelque chose de différent »,explique Tayeb, qui n’avait aucune connaissance particu-lière en biologie en dehors de ce qu’il avait appris aucégep, «et je pensais que la recherche en biologie seraitintéressante. » Il s’est alors attaché à combler ses lacunesen s’imposant un strict régime d’études et en apprenantà élaborer, mener et interpréter des essais biologiques enlaboratoire. «Ses premières expériences n’étaient pas fran-chement réussies », se souvient la Pre Nigam. « Et mêmelorsqu’il les réussissait, ses premiers modèles mathémati-

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Les étudiantes depsychologie Laura Cooper (à gauche) et Anne Hand (à droite)ont aidé Sonia Lupien,directrice du Centred’études sur le stresshumain, à mener des recherches sur le stress auprès dedifférentes popula-tions montréalaises.

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ques n’apportaient aucune explication. Cent fois Tayeb aremis son ouvrage sur le métier, jusqu’à ce qu’il puisseprédire avec succès un phénomène qu’il a ensuite observédans ses travaux. » Le fruit de la ténacité de Tayeb lui aouvert de nouveaux horizons de recherche et il estactuellement coauteur d’un article qui repose sur les travauxqu’il a menés.

La Pre Nigam se félicite des changements qu’elle a puobserver chez cet étudiant remarquable. «Tayeb est devenu plus téméraire », précise-t-elle. «Il est davantage ouvert à denouvelles idées et accepte désormais que tous les aspectsdes sciences de la vie n’aient pas nécessairement unesolution mathématique idéale et élégante. Il a découvertl’investigation ouverte et s’est forgé un véritable tempéra-ment de chercheur. »

Si la recherche peut changer les étudiants, l’inverse estégalement possible. Lorsque l’équipe de Jay Nadeau n’arri-vait pas à sélectionner des colonies de bactéries pourexprimer une protéine fluorescente jaune, l’étudiant de bio-chimie et participant au Concours iGEM Adam Katoliks’est plongé dans une recherche bibliographiqueexhaustive. L’étudiant de 22 ans a ainsi déniché uneméthode de réaction en chaîne de la polymérase tellementméconnue que même la Pre Nadeau n’en avait jamaisentendu parler et il se trouve que celle-ci a fonctionné àmerveille. « Je n’ai jamais rencontré quelqu’un aussidévoué qu’Adam », souligne la Pre Nadeau. «Il excelle dansla recherche exhaustive et c’est une qualité importanteque beaucoup d’étudiants de 2e/3e cycles ne possèdentpas. »

André Costopoulos se souvient pour sa part de l’époqueoù Colin Nielsen et lui utilisaient trois logiciels différentspour aider un étudiant à reconstruire les « champs devision » (zones visibles à partir d’un point du vue fixe) desforts de l’âge du fer dans le sud de l’Espagne. ColinNielsen avait remarqué que chaque programme produisaitdes résultats légèrement différents. Il a alors soumis lesdivers logiciels à une batterie de tests de sa propre

invention et découvert un lien systématique entre lesvariables de terrain et les logiciels.

« Seule la perspective d’ensemble me préoccupait »,admet le Pr Costopoulos. « J’étais prêt à accepter quel’existence de ces différents champs de vision résultaitd’une erreur expérimentale avec à charge, le devoir dequantifier l’erreur. Mais Colin a grandi avec les ordinateurset pour lui, il fallait impérativement chercher à comprendrepourquoi différents logiciels produisaient des résultatsaussi divergents. Sa curiosité a non seulement permis decorriger les résultats antérieurs, mais elle permettra aussid’obtenir des résultats beaucoup plus précis à l’avenir. »

«Les étudiants de premier cycle posent des questions etproposent des idées auxquelles nous n’avions jamais son-gé, ce qui donne naissance à de nouvelles hypothèses », ajoute-t-il. «Lorsque je vois une forme surgir des fouilles,j’ai déjà une idée préconçue de ce que je pense avoir trouvé.Les étudiants jettent un éclairage nouveau sur des problè-mes anciens, ce qui peut déboucher sur des points de vuesurprenants et utiles à l’avancement des connaissances. »

Et cela nous ramène tout naturellement à Wemindji. Enaoût, André Costopoulos et ses étudiants de premiercycle retourneront à la baie James. Âtre ou construction?La question doit être tranchée.

« Si les étudiants n’avaient pas été là l’an dernier »,souligne le professeur, « il n’y aurait pas de débat – pourmoi, c’était une évidence, si bien que je me serais concen-tré sur d’autres questions. Mais les étudiants m’ont mis surla brèche en mettant en doute mes conclusions. Pour lesfouilles de cette année, nous allons réorienter nos effortsen tenant compte de leurs remarques. »

L’équipe a bien hâte de résoudre le mystère, d’appliquerla théorie à la pratique et d’apporter une contribution utileaux connaissances sur la vie dans le Nord québécois il y a4 000 ans.

«Sans compter », ajoute André Costopoulos, «qu’il y aune réelle victoire à décrocher et toute la légitimité vouluepour s’en vanter! »■

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Philip Oxhorn et le Centre d’études sur les régions en développement de McGill contribuent au renforcementdes démocraties émergentes

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Par Jeff Roberts

Pour Philip Oxhorn, la récente disparition de l’anciendictateur chilien Augusto Pinochet n’a pas été qu’unesimple manchette. Au cours des années 1980, alors quele général Pinochet prenait le pouvoir et établissait sonrégime de terreur, M. Oxhorn menait des études supé-rieures au Chili. Il a vu l’armée lancer des bombeslacrymogènes contre la population civile et frapper ettuer des gens dans les rues. Il a vu des familles soigner lesblessés, s’inquiéter des disparus, pleurer leurs morts.Philip Oxhorn a également été le témoin privilégié d’unrenouveau d’activité dans les églises et groupes dedéfense des droits de la personne, renouveau qui devaiten dernier ressort venir à bout du dictateur et rétablir ladémocratie au Chili. Il a été notamment frappé par legrand nombre de personnes qui ont exprimé leur désac-cord en ayant recours à des activités non traditionnelles,telles que des peintures murales contre la dictaturemilitaire réalisées dans la clandestinité. La preuve qu’iln’est pas nécessaire de participer à une manifestationorganisée pour protester.

« J’ai assisté à la prise de conscience croissante del’importance de la démocratie dans l’esprit des gens », sesouvient le Pr Oxhorn, « de l’importance de rendre descomptes et de la nécessité de changer de régime. J’ai puassister pour la première fois au développement de laconscience politique. J’ai vu à quel point la populationétait apte à prendre sa destinée en main et à clamer hautet fort ce qu’était le bien et ce qu’était le mal, à une épo-que où il était très dangereux de le faire. »

Aujourd’hui, en sa qualité de directeur du Centred’études sur les régions en développement (CERD) del’Université McGill, Philip Oxhorn propose une analysenouvelle des transformations qui s’opèrent à la base. LeCERD est un noyau de chercheurs qui s’attachent àcomprendre les fondements du développement démo-cratique et les enjeux actuels de la démocratie. En pui-sant aux sources de différentes disciplines, « le Centrefédère les résultats de recherches et les données issuesde l’expérience politique sur le terrain pour partager uncertain nombre d’idées avec la communauté la pluslarge possible. Nous jetons en quelque sorte un pontentre les universitaires, la société civile, les décideurs, lesecteur privé et les ONG », explique-t-il.

Au nombre de ses projets, le CERD étudie comment lesgroupes locaux répondent aux enjeux de la problémati-que homme-femme, des politiques de santé et du droitdes peuples autochtones. Tout l’enjeu est d’aider cesgroupes souvent marginalisés à intégrer le processus

politique officiel et à contribuer à la stabilité à longterme des démocraties naissantes. «Pour que le dévelop-pement soit durable et efficace, il faut que les personnesles plus susceptibles d’en bénéficier aient leur mot à dire dans sa conception et sa mise en œuvre », soulignele Pr Oxhorn, «et qu’elles puissent s’assurer qu’il existedes mécanismes de reddition de comptes permettantd’éviter que les fonds ne soient détournés à des finspersonnelles. »

Les recherches du Centre permettent non seulementd’aider les groupes locaux à se prendre en main, mais pro-posent également de nouveaux moyens aux gouverne-ments étrangers et aux organismes d’aide pour renforcerl’efficacité des processus démocratiques. Parallèlement, lePr Oxhorn préconise le réalisme sur ce que l’interventionextérieure peut amener à accomplir : «nous ne pouvonsremplacer la société civile », indique-t-il. «Nous pouvonspar contre lui venir en aide et lui donner les moyens des’épanouir. »

Pour l’heure, le CERD compte 35 professeurs et 17 étu-diants de 2e/3e cycles. Depuis qu’il a obtenu des fonds del’Agence canadienne de développement international(ACDI) en 2006, le Centre a entrepris plusieurs initiativesnouvelles pour partager les fruits de ses recherches avecceux qui travaillent au sein de démocraties émergentes oucollaborent avec elles. Une publication électroniqueintitulée Foresight: Thinking About Tomorrow’s Develop-ment Problems Today présente des études de longuehaleine sur la question de la naissance des démocraties etde leur renforcement. En mars dernier, le CERD a organiséune conférence sur les enjeux du développement enAfrique subsaharienne; en juin, il a organisé un débatdans le cadre du Forum économique mondial des

Pendant ses étudessupérieures au Chili,sous la dictature de Pinochet, Philip Oxhorn (ci-dessous) a prisconscience du rôlecrucial des mani-festations publiquesd’opinion, telles que cette peinture murale (pageopposée), dans lagenèse de laconsience politique.

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Pour que le développementsoit durable et efficace, il faut que les personnes les plus susceptibles d’en bénéficier aient leurmot à dire dans sa con-ception et sa mise en œuvre.

— PR PHILIP OXHORN

Amériques/Conférence de Montréal. Le directeur duProgramme Économie de l’éducation de la Banquemondiale, le ministre d’État à la Défense de la Somalie etle président de l’Institut népalais de gestion des conflits,paix et développement figuraient parmi les participants àdes événements récemment organisés par le Centre.Enfin, l’automne dernier, l’ancien premier ministre duCanada Joe Clark a intégré le CERD au poste de pro-fesseur praticien en partenariats public-privé.

«Le développement participatif suscite depuis dix ansde nombreux éloges stériles », souligne le Pr Oxhorn, «mais s’agit-il vraiment d’un développement participatif?Les initiatives servent-elles effectivement les intérêts despopulations? Quel type de politique du logement répondvéritablement aux besoins des pauvres? Quels sont lesmoyens réellement efficaces de distribuer des médica-ments contre le VIH/sida? »

« Nous possédons précisément l’expertise que desagences comme l’ACDI peuvent exploiter », ajoute-t-il. «La technique du Centre en matière de recherche est derecueillir et d’analyser des données qui permettent dedéterminer quelles sont les meilleures pratiques sur leterrain, puis d’en partager les résultats avec les décideursde manière à ce qu’ils puissent concevoir de meilleures poli-tiques susceptibles de générer les résultats escomptés. » ■ Le Centre d’études sur les régions en développement bénéficied’une subvention de l’Université McGill et de l’Agencecanadienne de développement international.

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Un ancien premier ministre au CERDLors du Forum économique mondial des Amériques de2006/Conférence de Montréal, Joe Clark a participé à ungroupe de discussion sur la gouvernance et la réforme institu-tionnelle. Ce débat était animé par le directeur du Centred’études sur les régions en développement, Philip Oxhorn,qui n’a pas manqué d’impressionner Joe Clark lorsqu’il a évo-qué la mission du Centre. De fait, l’ancien premier ministredu Canada et secrétaire d’État aux Affaires extérieures a ététellement impressionné que six mois plus tard, il intégrait leCERD au poste de professeur praticien en partenariats pub-lic-privé.

« Le leadership actif qu’exerce le Canada dans le domainedu développement international a été l’une des caractéristi-ques à la fois de notre politique étrangère et de notre identiténationale », explique Joe Clark, qui revient du Nigeria et dela République démocratique du Congo où il a participé à unemission d’observation des élections présidentielles histori-ques, et perturbées, qui viennent de s’y dérouler. « McGilljouit d’une solide réputation et s’intéresse de très près à cesquestions, et je suis heureux de travailler avec les étudiants etles membres du corps professoral sur les moyens qu’il estpossible de mettre en œuvre pour renforcer ce rôle essentieldu Canada à l’échelle internationale. »

Pour Philip Oxhorn, Joe Clark est l’un des anciensministres canadiens des Affaires étrangères les plus efficaceset il se félicite de le compter parmi les membres du Centre.« L’an dernier », explique-t-il, « le CERD a été l’objet d’unrenouvellement en profondeur dans le but de hisser McGillà l’avant-plan des études et recherches sur le développementet de donner à ses activités un ancrage dans la réalité et dansla résolution de problèmes concrets. La nomination de M. Clark est à l’image de ce processus et elle nous permettrad’avancer dans cette direction. »

Joe Clark n’enseignera pas pendant la première année deson mandat, mais donnera régulièrement des conférences auniveau des premier, deuxième et troisième cycles. En janvier,il a prononcé une conférence publique importante sur les « écarts troublants » récents de la politique étrangère cana-dienne traditionnelle. Il est également à l’origine de plusieursinitiatives du CERD, dont des conférences sur les enjeux dudéveloppement en Afrique et les relations que le Canadaentretient avec les Caraïbes anglophones. iS

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R É S E A U X

Des chercheurs du programme Archives et bibliothèques musicales numériques réparties extraient la musique des sillons en vinyle grâce à un microscope haute puissance

Par James Martin

À l’ère du téléchargement numérique, où lessupports immatériels MP3 circulent librementde l’ordinateur au téléphone cellulaire et oùla discographie complète d’ABBA et de Zappapeut se glisser aisément dans une poche, il estfacile d’oublier que les enregistrementsmusicaux étaient auparavant inextricable-ment liés à des supports matériels. Des 78tours en gomme laque aux disques longuedurée en vinyle, le XXe siècle a produit aumoins un million d’enregistrements phono-graphiques analogiques discrets. Le pro-gramme Archives et bibliothèques musicalesnumériques réparties (ABMNR) de l’École demusique Schulich cherche à mettre au pointune technique pour préserver numérique-ment la musique que recèlent ces sillonspoussiéreux.iS

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R É S E A U X

La technologie du phonographe a peu changé depuis1878, date à laquelle Thomas Edison élabora son premiertourne-disque, jusqu’à l’apogée du disque compact audébut des années 1990:une aiguille, ou pointe de lecture,se déplace dans un sillon circulaire gravé à la surfaced’un disque de plastique mis en rotation et émettant desvibrations ensuite transformées en signal électriqueaudible. La méthode traditionnelle de numérisation desenregistrements analogiques fait appel à une plaque delecture standard, à un convertisseur analogique-numériqueet à un graveur de CD. Les résultats varient selon la qualitéde l’équipement : les audiophiles amateurs peuvent s’ensortir pour quelques centaines de dollars, mais les projetsnécessitant des enregistrements de qualité archivistique –tels que le projet de l’École Schulich qui consiste ànumériser la vaste collection d’enregistrements de Haendeldont l’École est titulaire (collection établie par un diplôméde McGill, feu David Edelberg, et qui est l’une des plusimportantes collections de microsillons de Haendel) –nécessitent incontestablement des investissements plusconséquents. Et ce n’est pas tout.

« Chaque fois que vous placez une aiguille de phono-graphe sur un disque », explique Ichiro Fujinaga, chercheurdu projet ABMNR et professeur à l’École de musiqueSchulich, « le disque se détériore ». Si les dommagesqu’une seule audition peut causer sont négligeables pourun disque en vinyle tout neuf, ils peuvent être catastro-phiques pour un disque fragile, qui est le seul exemplaireconnu d’un enregistrement spécifique.

C’est pourquoi Ichiro Fujinaga et les cochercheurs duprojet ABMNR étudient une solution radicalement oppo-sée à la pointe lectrice: il s’agit de balayer optiquement lemicrosillon pour créer une image en 2D ou en 3D suffi-samment détaillée de sa surface. À l’aide d’un profileuroptique à interférométrie à lumière blanche (un micro-scope d’une valeur de 300 000 dollars généralementréservé aux applications industrielles telles que le contrôlede la qualité des disques durs des ordinateurs), les cher-cheurs balaient la largeur et la profondeur des sillonsd’un disque longue durée. Ichiro Fujinaga utilise ensuite unlogiciel pour simuler la manière dont l’aiguille est sus-ceptible de naviguer dans ces sillons virtuels, convertissantle mouvement en ondes numériques, lequel se transformeensuite en sonorités audibles. C’est un peu comme si on«jouait » l’image. Outre l’élimination des bruits de surfacecausés par les poussières ou les égratignures, cetteméthode de numérisation non effractive peut être utiliséepour retrouver en toute sécurité le son des disques usés,voire cassés, qu’il n’est plus possible de faire jouer.

En novembre 2006, le Pr Fujinaga et ses collègues ontété les premiers au monde à auditionner une image entrois dimensions transformée en son stéréo. (D’autreschercheurs ont effectué cette expérience avec desenregistrements mono, une expérience beaucoup moinscomplexe que la stéréophonie à deux canaux.) « C’était simplement un son sinusoïdal », indique le Pr Fujinaga. «Si l’enregistrement en lui-même n’avait rien

«

»

Certaines personnes consacrent des centaines de milliers de dollars à leur système stéréo en pensant acquérir ce qu’il y a de meilleur, mais que signifie meilleur dans ce cas? Nous devons trouver des personnes qui ont une oreille parfaite pour déterminer ce qu’elles entendentréellement et ce qu’elles prétendent entendre.

—PR ICHIRO FUJINAGA

Les chercheurs utilisentun microscope de

300 000 dollars pourbalayer les sillons d’un

disque longue durée (ci-dessus). Les donnéesissues du balayage sont

ensuite converties enimages informatisées

tridimensionnelles (enhaut à droite).

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d’extraordinaire, l’exploit technique l’était incontestable-ment. »

Tout l’enjeu consiste désormais à améliorer la durée dubalayage nécessaire par album. À la résolution la plusbasse, il faut environ 10 jours pour balayer la face d’undisque longue durée (près de 20 minutes de musique),alors que le balayage de la même face à la résolution laplus élevée nécessiterait cinq ans.

«Cela me fait apprécier la puissance de l’analogique »,souligne le Pr Fujinaga, qui est aussi musicien au sein del’ensemble montréalais Arashi Daiko qui joue des percus-sions japonaises traditionnelles connues sous le nom detaiko. Cette aiguille fort simple recueille une quantitéimpressionnante de données et pour obtenir le même sonsur support numérique, il faut une quantité de travailextraordinaire.

« Je plaisante souvent en disant que notre microscopeest le plateau tournant le plus cher du monde, mais aussile plus lent. »

En collaboration avec plusieurs ingénieurs du son, despécialistes de la reconnaissance des formes et de psy-chologues, le Pr Fujinaga et ses collègues cherchent àdéterminer la résolution minimale du balayage nécessairepour obtenir une qualité audio optimale. Et il semblebien qu’à ce chapitre, tout dépend de ce que notre oreilleest véritablement en mesure d’entendre.

«Si l’oreille humaine ne peut faire la différence entre unbalayage amplifié de 50 ou 10 fois, alors à quoi bon

perdre son temps? », demande-t-il. «Nous ne savons pasà quoi tient la qualité du son. Certaines personnesconsacrent des centaines de milliers de dollars à leursystème stéréo en pensant acquérir ce qu’il y a de meilleur,mais que signifie meilleur dans ce cas? Nous devons trouverdes personnes qui ont une oreille parfaite pour déterminerce qu’elles entendent réellement et ce qu’elles prétendententendre. »

Ce projet ne concerne pas seulement la musique. Ils’intéresse également aux difficultés de la numérisation età la création de métadonnées utiles pour les couverturesde disques et les étiquettes fixées au centre des disques.C’est un défi de taille qui donnera aux musicologues lafaculté incroyable de rechercher rapidement des livrets,des photos, des données de publication ainsi que desnotes d’accompagnement.

«Si nous avons un million de disques à numériser, nousavons tout intérêt à nous mettre à la tâche sans tarder »,souligne le Pr Fujinaga. «L’heure est donc venue de menerdes recherches sur la manière dont il faut s’y prendre. »

«Nous voulons y parvenir dès la première tentative desorte que dans 50 ans, personne n’ait à recommencer àzéro. »

■Le programme Archives et bibliothèques musicales numériquesréparties bénéficie d’une subvention du Conseil de recherches ensciences humaines du Canada, de la Fondation canadiennepour l’innovation et de la Fondation Daniel Langlois.

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Le Pr Ichiro Fujinaga etl’étudiante au doctoratCatherine Lai cherchent le moyen de numériser et d’extraire le sond’enregistrementsanalogiques.

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CelluleUne

médecine métamorphosée

grâce à la thérapie à partir de cellules souches modifiées

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R É S E A U X

Par Andrew Fazekas

Autorégénération du foie. Régénérationdes os ostéoporotiques au moyen d’unesimple injection. La fin du diabète, de lamaladie de Parkinson et des maladiescardiovasculaires. Tout cela peut sembler

relever de la pure fantaisie, mais voilàque la science-fiction pourrait bien devenir

réalité grâce aux études que des cher-cheurs de McGill mènent sur le rôle des

cellules souches dans la restauration, voire lareconstruction du corps humain. Aux avant-postes de cette véritable révolution

figure le Dr Jacques Galipeau, hématologue del’Hôpital général juif, qui a réuni à ses côtés plusieurs

spécialistes issus de différentes disciplines, allant de lamédecine à la science des matériaux, pour créer le Groupede recherche de McGill sur les cellules souches et la médecine régénérative. «J’espère ainsi fédérer les talentset compétences uniques que recèle McGill», souligne le Dr Galipeau, « et constituer une équipe pluridisciplinairequi s’attachera à élaborer des thérapies cellulaires. »

ANGES GARDIENSDotées de la particularité de se transformer en n’importequelle cellule spécialisée – os, nerfs, sang, organes – lescellules souches sont les éléments de base du corpshumain. En théorie, il est possible d’amener ces cellules àformer un nouveau pancréas, de nouveaux tissuspulmonaires ou des nerfs.

La controverse autour de l’utilisation des cellules souchesembryonnaires (CSE), dérivées du tissu fœtal, a fait laune de l’actualité partout dans le monde et plus parti-culièrement aux États-Unis, où la recherche subventionnéepar fonds fédéraux dans ce domaine est strictementinterdite. Il existe toutefois d’autres catégories de cellulessouches ayant le potentiel de régénérer les tissus. Il s’agitde cellules souches adultes qui, selon le Dr Galipeau,retiennent de plus en plus l’intérêt et le soutien de lacommunauté scientifique internationale, car elles pro-viennent de l’organisme même du patient, ce qui évite lesépineuses questions éthiques que soulève la recherche surles CSE. Les cellules souches adultes ne sont pas aussimalléables que les CSE, car contrairement à ces dernières,elles ne peuvent devenir que des cellules de la famille dontelles sont issues. Une cellule stromale de moelle osseusepeut ainsi devenir un os ou du cartilage, mais pas du sang.Cependant, pour peu que l’on choisisse la bonne famillede cellules, il est possible d’envisager un éventail completde guérisons en apparence miraculeuses.

Début 2007. Après avoir étudié la thérapie cellulairependant près de dix ans, Jacques Galipeau et son équipede l’Institut Lady Davis pour la recherche médicale ontfinalement lancé leur premier essai clinique, le deuxièmedu genre au Canada. Ils ont fait appel à des cellulessouches adultes modifiées génétiquement pour traiterun patient souffrant d’hypertension pulmonaire, unemaladie rare et souvent mortelle qui touche le poumon etcontre laquelle seule une greffe risquée de poumon oude cœur-poumon permet actuellement d’envisager uneguérison.

Bien que les traitements par cellules souches adultes,comme les greffes de moelle osseuse, n’aient permis derecueillir que des succès variables au cours des 40dernières années, ces essais cliniques ouvrent denouveaux horizons. Ce traitement novateur consiste àcultiver des cellules souches recueillies dans le sang dupatient dans un laboratoire stérile de haute technologie(au nombre de deux seulement au Canada). Leschercheurs injectent ensuite de l’ADN synthétique dans lescellules souches (conçues pour reprogrammer les cellulesafin de produire de l’oxyde nitrique qui répare les vaisseauxsanguins endommagés du poumon) puis les réinjectentpar intraveineuse au patient. Le Dr Galipeau et sonpartenaire industriel, Northern Therapeutics Inc., espèrentque ces cellules ainsi modifiées «joueront un rôle d’angegardien pour protéger de la destruction les tissuspulmonaires endommagés ».

«Nous repoussons les frontières de la médecine régé-nérative grâce à ces technologies innovantes », soulignele Dr Galipeau. «L’utilisation de cellules souches est pro-bablement la technologie la plus intéressante à ce jour, etcelle qui nous donne de nouveaux moyens pour traiter desmaladies dévastatrices. »

LA CRÉATION D’UNE COMMUNAUTÉCette association inhabituelle entre thérapie génique etthérapie par cellule souche a été élaborée en partenariatavec le Dr Duncan Stewart, directeur du Service decardiologie de l’Université de Toronto où, en novembre2006 et pour la première fois au monde, un patient a ététraité par cette technique. Le Dr Galipeau pense que lesprogrès accomplis dans le domaine de la médecinerégénérative sont subordonnés à l’établissement decollaborations internes et externes. Dans la mesure où larecherche sur les cellules souches est entièrement nouvelle

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Des cellules stromales de moelle osseuse (page opposée) peuventêtre prélevées dans le sang des patients, puisutilisées pour générer de nouveaux os.

Dans le combat qu’ils livrent contre les maladiesosseuses et articulaires, les chercheurs utilisent unmicrotome (page opposée,en médaillon) pour pré-parer des échantillonsosseux afin de les analyserpar microscopie optique.

Le Dr Jacques Galipeau (ci-dessous) a constitué une équipe multidisci-plinaire pour faire avancerles thérapies cellulaires.

22 en tête été 200722 en tête été 2007

et qu’elle fait appel à une expertise et à des technologiesdispersées dans tout le pays, il est en effet parfois difficilede trouver des partenaires.

Le Dr Galipeau attribue au Réseau des cellules souches,l’un des 21 réseaux de centres d’excellence financés par legouvernement canadien, la création de partenariats quiont débouché sur les essais actuellement en cours. Créé en2001, le Réseau des cellules souches (RSC) fait appel àl’expertise de plus de 70 chercheurs, médecins etingénieurs chefs de file œuvrant au sein d’universités etd’hôpitaux aux quatre coins du pays. À titre de directeurde la section thérapeutique des RSC, Jacques Galipeauencadre les équipes qui s’attachent à mettre au pointdes traitements ciblant plusieurs maladies aujourd’huiincurables (dont l’accident vasculaire cérébral, la maladiede Parkinson et la cécité). «La force de ce réseau tient à cequ’il privilégie la multidisciplinarité, au détriment du travailsolitaire », souligne-t-il.

Avec le Groupe de recherche de McGill, le Dr Galipeauespère créer un pendant local au réseau canadien. Cegroupe effectuera non seulement des recherches fonda-mentales, mais il s’efforcera de permettre aux patientsd’avoir plus rapidement accès aux découvertes théra-peutiques. «Nous souhaitons agir de manière proactive etmettre en place les infrastructures qui nous permettront depasser le plus rapidement possible à l’étape clinique »,précise-t-il.

EFFACER POUR MIEUX RECOMMENCERAprès avoir mené des recherches sur le diabète depuis 25ans, le Dr Lawrence Rosenberg, professeur au Départe-ment de chirurgie et de médecine de McGill et collabora-teur du nouveau groupe de recherche, entrevoit enfin lalumière au bout du tunnel. «Je pense que nous pourronsbientôt mettre au point un nouveau traitement contre lediabète », indique le Dr Rosenberg. «Les signes en ce sensse multiplient et nous obtenons des résultats surprenants. »

Lawrence Rosenberg et son équipe du Centre universi-taire de santé McGill sont à mettre au point une protéinesusceptible d’amener l’organisme à renouveler ses proprescellules pancréatiques et à produire de l’insuline denouveau. Plutôt que de chercher à identifier et à isoler descellules souches indifférenciées primitives, ce projet unique

Les chercheurs deMcGill souhaitent

déterminer commentle nanogénie peut

favoriser la guérisoncellulaire. Jorge Viñals

(à gauche) reproduitdes microstructures de

matériaux, pendantque Janet Henderson

(à droite) étudiecomment les surfaces

osseuses à conceptionspécifique peuvent

accélérer la réparationdes fractures.

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part du postulat que le pancréas conserve la capacité derégénérer les cellules chargées de fabriquer l’insuline. Lebut recherché est de raviver cette aptitude. La clé, selon le Dr Rosenberg, est de ramener la programmation de lacellule mature à son état primitif. C’est un peu comme sil’on remettait les pendules à zéro, « à l’époque où nousn’étions qu’un nouveau-né ».

Le médicament dérivé de ces recherches a déjà faitl’objet d’essais d’innocuité chez l’humain, mais il ne serasoumis à des essais cliniques de dernière phase que dansquelques années. Si ce traitement donne des résultats pro-bants d’ici aux dix prochaines années, il aura des répercus-sions considérables sur la santé et l’économie. Selon le Dr Rosenberg, huit pour cent de la population canadiennesouffre actuellement de diabète, une maladie qui grèvechaque année le budget de la santé de près de 15 milliardsde dollars. «Sans compter qu’il s’agit d’une maladie quel’insuline est censée guérir », souligne-t-il.

CARTOGRAPHIER L’OSTÉOPOROSEJanet Henderson, vice-doyenne à la recherche à la Facultéde médecine, essaie de percer les mystères du mécanismequi permet aux cellules souches de combattre les maladiesdes os et des articulations liées au vieillissement. SelonOstéoporose Canada, le traitement de 1,4 million deCanadiens souffrant de cette maladie coûte près de deuxmilliards de dollars en coûts directs. Janet Hendersonmet en garde contre une crise sanitaire imminente quipourrait coûter plusieurs milliards de dollars dans lamesure où les baby-boomers atteignent l’âge où le risqued’ostéoporose est le plus élevé. «L’examen des donnéesdémographiques indique que nous ne serons sans douteplus en mesure de prendre cette maladie en charge d’ici10 à 20 ans », souligne-t-elle.

Avec l’âge, les mécanismes de réparation spontanéss’affaiblissent, particulièrement dans les os. «La capacitéde renouvellement décline, au même titre que la popu-lation de cellules régénératives », explique-t-elle. « Si lesrecherches que nous menons actuellement portent leursfruits, nous devrions pouvoir à terme trouver les moyensde réactiver les cellules souches déjà présentes dans lamoelle osseuse pour les amener à reconstruire l’os. »

En règle générale, les médecins prescrivent des facteursde croissance chimique (tels que des protéines morpho-génétiques osseuses) à leurs patients âgés pour accélérerla réparation des fractures osseuses. Le groupe de recher-che que dirige Janet Henderson a toutefois constaté que latexture de surface de l’os cassé semblait attirer les cellulessouches et stimuler la croissance. Jamais personne aupara-vant n’a toutefois cherché à savoir pourquoi ces cellulesprivilégiaient les surfaces rugueuses de l’os cassé et s’atta-chaient à le réparer. Pour comprendre vers quel type desurface osseuse les cellules souches sont attirées, l’équipedirigée par Mme Henderson s’attache à définir la topo-graphie de l’os en examinant l’importance et la distancedes aspérités, c’est-à-dire en cartographiant le paysage del’os brisé, pour ensuite créer des répliques détaillées.

ZONE DE BIOCONSTRUCTIONPour fabriquer ces os factices, Janet Henderson et sonéquipe s’appuient sur l’expertise des chercheurs del’Institut des matériaux avancés de McGill (IMAM). Grâce aux équipements de nanotechnologie servant à lafabrication de semi-conducteurs, les spécialistses en

sciences des matériaux de l’IMAM créent des modèles depetite taille dotés de différentes textures de surface. Ilsplacent ensuite des cellules souches sur ces os factices,puis déterminent les surfaces les plus propices à laformation de tissu et d’os. «Il n’y a rien de plus stimulantd’un point de vue scientifique que de surmonter lesobstacles qui se dressent entre les disciplines et demultiplier les collaborations », souligne Janet Henderson.« Il est fascinant de penser que nous pourrions trèsbientôt fabriquer des surfaces ressemblant à celle de l’osen utilisant la même technologie que celle permettant lafabrication de puces informatiques. »

Les chercheurs de l’IMAM travaillent à l’échellemicroenvironnementale, une particularité qui devraitconvenir parfaitement à la recherche sur les cellulessouches. Jorge Viñals, professeur de physique et directeurde l’Institut, souligne que les scientifiques et les ingénieursqui collaborent à ce projet se félicitent des partenariatsqu’ils s’apprêtent à nouer avec d’autres départements de McGill. Les projets de l’Institut vont de l’édificationd’échafaudages cellulaires microscopiques sur lesquelsles cellules souches peuvent se fixer et se multiplier pourfavoriser la réparation des fractures osseuses, à laconception de matériaux synthétiques dans lesquels sontinjectés des cellules souches qui pourront être suturéeschirurgicalement sur les organes lésés (voire les remplacerintégralement). «Les communautés scientifique et médi-cale prennent de plus en plus conscience de la jux-taposition évidente de nos recherches », souligne le Pr Viñals, qui fait remarquer que les biologistes s’intéres-sent aujourd’hui à l’échelle moléculaire, terrain de jeutraditionnel des spécialistes des nanotechnologies.

Pour le Dr Galipeau, le temps est un facteur essentielpour permettre aux cellules souches de donner la pleinemesure de leur potentiel. «De toute évidence, la volontéd’élaborer des technologies n’a jamais été aussi forte. Etla même passion m’anime en tant que médecin : essayerde venir en aide aux personnes qui souffrent de maladiespour lesquelles il n’y a actuellement aucun espoir deguérison. »

Pour Linda Beliaut, qui souffre des effetsincapacitants de l’hypertension pulmonairedepuis 15 ans, l’annonce de cet essai cli-nique est synonyme d’espoir. Cette anci-enne professeure de niveau primairequi faisait régulièrement de la bicy-clette et de longues randonnées estaujourd’hui sévèrement handicapéepar le combat constant qu’elle doitmener contre la fatigue et l’œdème.Elle attend avec impatience les résul-tats des essais de McGill, ne cachantpas son enthousiasme à la perspectivede pouvoir bénéficier d’un nouveautraitement. « Je n’arrive pas à imaginerêtre de nouveau en bonne santé », dit-elle. « Sachant que le seul moyen de vain-cre ma maladie est de bénéficier d’une greffe, ilva sans dire que cette nouvelle technique consti-tuerait un véritable pas en avant. » ■ Ces recherches sont financées par les Instituts de rechercheen santé du Canada, l’Association canadienne du diabète, laFondation de la recherche sur le diabète juvénile, le Réseaudes cellules souches et le Réseau canadien de l’arthrite.

Le Dr LawrenceRosenberg espèrequ’une nouvelletechnique permettantde raviver les cellulespancréatiques donneralieu à l’enregistrementde percées quant autraitement du diabète.

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S C È N E L O C A L E

Grace Egeland, chercheusedu Centre d’études sur la

nutrition et l’environnementdes peuples autochtonesde McGill, fait partie de

l’équipe Qanuipitali, quis’apprête à mener une

enquête sans précédent surla santé des résidants

de villages inuits éloignés.

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Nous connaissons tous cet adage, mais qu’en est-il du véritable rôle de la nutrition dans la santé? Des chercheurs de l’École de

diététique et de nutrition humaine étudient les communautés du Québec, des villes des Premières nations sur les rives de la

Baie-James aux patients cancéreux des hôpitaux de Montréal, pour mieux comprendre comment nos choix alimentaires

préviennent certaines maladies.

Par Chris Atack

Il existe dans notre esprit un lien inextricable, et pourtantassez flou, entre santé et alimentation. Nourrir le rhume.Affamer la fièvre. Sans parler de la pomme mythique quipermet d’éloigner le médecin. Mais ces adages ont-ils lemoindre fondement scientifique? Des chercheurs del’École de diététique et de nutrition humaine (ÉDNH) deMcGill, fondée en 1908, ont décidé d’étudier le lien entresanté et alimentation.

« Il ne fait aucun doute qu’une bonne alimentationempêche l’apparition de certaines maladies », déclareKristine Koski, directrice de l’ÉDNH. «Certains aliments peu-vent nous protéger contre la maladie, alors que les carencesou excès d’autres nutriments peuvent déclencher des phé-nomènes pathologiques.» Les chercheurs de l’ÉDNH étu- dient les effets de l’alimentation sur diverses populationspour approfondir leurs connaissances sur le lien complexeentre nutrition, maladie et santé, et relayer ces connais-sances dans les communautés afin d’aider les habitants duQuébec et du Nunavut à atteindre l’équilibre nutritionnelnécessaire au maintien d’une bonne santé.

L’obésité, le manque d’exercice et un régime alimentaireriche en matières grasses sont réputés être les principalescauses du diabète de type 2, lequel prend des proportionsépidémiques au sein des communautés cries du Nordquébécois. En 2002, 15 pour cent de la population crie dela Baie-James souffrait de diabète, soit trois fois plus queles données enregistrées dans les régions plus au sud dela province. Si le diabète n’a pas encore atteint les mêmes

proportions au Nunavut, les communautés inuites souhai-tent néanmoins déployer des efforts de prévention avantqu’il ne soit trop tard.

Ces collectivités nordiques sont isolées et de petite taille;la plus grande compte environ 4 000 résidants et le villagevoisin le plus près est situé à 100 kilomètres et n’est acces-sible que par une route partiellement goudronnée. Comptetenu des coûts de transport élevés et de la courte durée deconservation des produits frais, les glucides raffinés y sontmeilleur marché que les fruits et les légumes. Au Nunavut,le budget consacré à l’alimentation est encore plus prohi-bitif, puisqu’il faut généralement compter 300 dollars parsemaine pour nourrir une famille de quatre, soit le doublequ’à Montréal pour des produits comparables. À celas’ajoute un fort taux de chômage et de pauvreté, souligneGrace Egeland, titulaire de la Chaire de recherche duCanada sur l’environnement, la nutrition et la santé, et cher-cheuse au Centre d’études sur la nutrition et l’environne-ment des peuples autochtones (CINE). «Dans ces condi-tions, rien d’étonnant à ce que les familles achètent despâtes, mais pas la viande ni la salade verte devant idéale-ment les accompagner ».

Depuis 2005, Grace Egeland travaille avec les commu-nautés inuites et le Conseil cri de la Santé et des Servicessociaux de la Baie-James. «Nous étudions l’importance dela consommation d’aliments traditionnels et vendus ausupermarché ainsi que le pourcentage de l’apportcalorique dérivé d’aliments très énergétiques et pauvres ennutriments », souligne-t-elle. « Les enquêtes ont montréque les aliments traditionnels (orignal, poisson, volaille)sont davantage consommés par les personnes de plus de 40ans. Les moins de 40 ans, et surtout les enfants, senourrissent d’aliments beaucoup moins traditionnels etdavantage de malbouffe. Les jeunes sont plus susceptiblesd’adopter un mode de vie et une alimentation modernes,et moins enclins à s’adonner à la chasse et à la pêche. »

Pour calculer l’apport en aliments vides, les chercheursmesurent les concentrations sanguines de gras trans, géné-ralement associées à une consommation de croustilles, defrites et de pâtisseries riches en graisses hydrogénées. «Lespersonnes qui consomment beaucoup d’aliments vides ontplus de gras trans dans le sang», explique la Pre Egeland. « Cette constatation est préoccupante, car les gras trans iS

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L’étude NuAge,dirigée par

Katherine Gray-Donald,est la première

enquête exhaustive auCanada relativement

à l’impact deshabitudes alimentaires

sur le vieillissement.

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»

Ces enfants sont de plus en plus en surpoids,ce qui peut avoir de graves conséquences surleur santé, car l’obésité est fortement liée au

diabète de type 2. Il y a quelques années,la communauté a pris conscience de la menace

et a demandé l’aide de professionnels de la santé. Nos recherches visent précisément cet objectif.

— PRE KATHERINE GRAY-DONALD

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constituent un facteur de risque de maladie cardiovas-culaire et vraisemblablement de diabète de type 2. »

Les recherches de la Pre Egeland ont débouché sur desinitiatives pour modifier de mauvaises habitudes de vie, encollaboration avec les communautés locales. L’une d’entreelles prend appui sur la solide tradition orale des peuplesautochtones et fait appel à la radio locale pour proposerdes contes de nature à promouvoir la santé. «Les leaderscommunautaires perçoivent la radio comme un médiaessentiel pour diffuser des messages culturellement appro-priés sur la nutrition », précise-t-elle. « Les Anciens sontinvités à parler d’algues, de plantes et de baies sauvages.Ensuite, dans le but d’amener les auditeurs à faire de bonschoix alimentaires au supermarché, l’émission revient surla valeur nutritionnelle des aliments traditionnels. »

Le diabète de type 2 est aussi un problème des centresurbains. À titre de directrice scientifique du Projet de préven-tion du diabète (PPD) au sein des écoles de Kahnawake,Katherine Gray-Donald cherche à prévenir cette maladiechez les enfants de la communauté mohawk située à 15kilomètres au sud-ouest du centre-ville de Montréal. Lesadultes de Kahnawake sont déjà deux fois plus nombreux àsouffrir de diabète de type 2 que la population générale,et ce risque augmente pour les générations futures.

«Le PPD est un partenariat chercheurs-communauté quivise à trouver les moyens d’améliorer le régime alimen-taire et l’activité physique chez les jeunes », souligne la Pre Gray-Donald. «Ces enfants sont de plus en plus en sur-poids, ce qui peut avoir de graves conséquences sur leursanté, car l’obésité est fortement liée au diabète de type 2.Il y a quelques années, la communauté a pris consciencede cette menace et demandé l’aide de professionnels dela santé. Nos recherches visent précisément cet objectif. »Le PPD a mis en œuvre plusieurs interventions, tellesqu’une promenade à pied quotidienne de 20 minutes, cequi a considérablement augmenté le niveau d’activitéphysique des enfants scolarisés, et l’interdiction de servirdes aliments mauvais pour la santé dans les cafétérias.

L’autre projet de recherche important mené parKatherine Gray-Donald concerne les personnes âgées.Échelonnée sur cinq ans, l’étude NuAge est la premièreenquête longitudinale exhaustive au Canada relativementà l’impact des habitudes alimentaires sur le vieillissement.L’équipe espère trouver les moyens d’améliorer la nutritionpour une vieillesse «réussie ». Il y a trois ans, ils ont recru-té près de 1800 Québécois autonomes de 68 à 82 ans (àMontréal et à Sherbrooke). Au début, les participants sesont prêtés à des évaluations nutritionnelles approfondies,notamment composées d’un relevé de l’apport alimentaire,de la mesure du tissu adipeux et du prélèvement d’échan-tillons de sang. Chaque année, les participants sont soumisà une batterie de tests intensifs d’une demi-journée etdoivent répondre régulièrement à des enquêtes télé-phoniques destinées à mesurer les changements à l’égardde la force physique, de la perte de poids, des aptitudescognitives et de l’autonomie.

Pour les personnes âgées, perdre du poids revient à per-dre de la masse musculaire, ce qui les rend plus frêles, plussusceptibles de tomber et moins aptes à prendre part àdes activités physiques (ce qui accélère le déclin). C’estpourquoi Katherine Gray-Donald s’intéresse tout particu-lièrement aux causes de la perte de poids inexpliquée. «Aucours de la première année, neuf pour cent des sujets ontperdu plus de cinq pour cent de leur poids corporel »,souligne-t-elle. «Certains étaient malades, d’autres pas.Nous avons étudié ce qui avait changé dans leur ali-mentation, ce qui s’était produit dans leur vie pendantcette période, et nous avons essayé de comprendre d’oùvenait la perte de poids. »

Hope Weiler, titulaire de la Chaire de recherche duCanada en nutrition, développement et vieillissement,collabore avec l’équipe NuAge pour préciser le rôle de lavitamine D chez les personnes âgées en santé. Ce projetn’est qu’un volet des recherches qu’elle mène sur lavitamine D auprès de plusieurs générations et témoigned’une tendance de plus en plus marquée vers l’étude decette vitamine trop longtemps ignorée. La vitamine D esttraditionnellement associée au rachitisme chez l’enfant,mais des recherches récentes donnent à penser que lescarences en vitamine D peuvent contribuer considérable-ment à l’apparition du cancer, de la sclérose en plaques,du diabète juvénile, de la grippe et de l’ostéoporose. Enaoût 2007, Hope Weiler s’est jointe à l’équipe de GraceEgeland pour prendre part à une étude du CINE intituléeQanuipitali (traduction :«Et nous, comment nous portons-

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Des chercheurs de McGill étudient comment lesinterventions nutritionnellespeuvent amener les patientshospitalisés à recouvrer plus vite la santé. Hope Weiler (ci-dessus) étudie les besoins en vitamine D des patients del’Hôpital Sainte-Anne pouranciens combattants.

Linda Wykes (ci-dessous) utilise une formule qui associe anesthésique, glucose et acides aminés pour accélérer la convales-cence après une interventionchirurgicale.

nous? »). À bord du navire Amundsen de la Garde côtièrecanadienne, l’équipe mènera une étude sans précédentsur la santé auprès de résidants de villages inuits éloignés.Les recherches de la Pre Weiler porteront sur le statut envitamine D des enfants et des femmes. En collaborationavec la Dre Celia Rodd, directrice du Département d’endo-crinologie pédiatrique de l’Hôpital de Montréal pourenfants, Hope Weiler participera également à une étude debase sur les nourrissons afin de déterminer quelle quan-tité de vitamine D est nécessaire pour obtenir des résultatsoptimaux (tels que la minéralisation osseuse). Pendantonze mois, des indices de croissance, des radiographies etdes échantillons sanguins seront analysés pour mesurer lacroissance osseuse des nourrissons. On espère que l’étudeentreprise en mars 2007 permettra de préciser pour lapremière fois les besoins en vitamine D. Les résultatspourront être utilisés afin de modifier la politique de SantéCanada en matière de supplémentation vitaminique chezles nourrissons sains.

En octobre, Hope Weiler lancera une étude pilote de sixmois à l’Hôpital Sainte-Anne pour anciens combattants(situé à Sainte-Anne-de-Bellevue, dans l’ouest de Montréal)afin de préciser le lien entre le taux de vitamine D despatients, le risque de mortalité et la fonctionnalité. Pen-dant l’été, les sources de vitamine D proviennent surtoutde l’exposition au soleil, «mais lorsqu’on vieillit, on sortmoins. Et pour les personnes confinées à l’intérieur, commecelles qui sont hospitalisées, la vitamine D est essentielle-ment d’origine alimentaire », explique-t-elle. Pendantl’étude, les chercheurs doseront les taux de 25-hydroxy-vitamine D dans le sang des patients (dont la plupart ont80 ans et plus) hospitalisés pour affections chroniques. «Nous étudierons le rapport entre nutrition, facteurssaisonniers et vitamine D », explique Hope Weiler. «Nousespérons ainsi corréler les taux de vitamine D au fonction-nement et à la force physique. Certains pensent qu’ilexiste un rapport entre le taux de vitamine D et l’aptitudeà accomplir les activités de la vie quotidienne, ainsi qu’avecla force musculaire. Mais nous ne sommes pas certains dela cause, ni de l’importance de ce lien. Les données quenous recueillerons permettront de concevoir des interven-tions pour améliorer le statut en vitamine D et la santé. »

Une autre chercheuse de l’ÉDNH, Linda Wykes, a choisipour sa part de mettre la nutrition en milieu hospitalier auservice de la convalescence des patients de chirurgie.Titulaire d’une bourse William Dawson, elle s’intéresse auxinterventions innovantes qui intègrent anesthésie etnutrition par intraveineuse. « Notre équipe a menéplusieurs études axées sur la nutrition, l’anesthésie et lachirurgie auprès de patients cancéreux des hôpitaux duCentre universitaire de santé McGill et nos résultats ontpermis de concevoir une intervention à deux volets. »

L’organisme réagit au stress de l’intervention chirurgicaleen sécrétant des hormones de stress et en dégradant lesprotéines, ce qui peut entraîner une perte musculaire,affaiblir les fonctions du système immunitaire et retarderla convalescence. Pour empêcher cette réaction, LindaWykes et ses collègues administrent un anesthésique parpéridurale (pendant et après l’intervention chirurgicale) etun mélange de glucose et d’acides aminés par perfusion.L’anesthésique empêche la transmission des signaux de ladouleur au cerveau et donc la sécrétion d’hormones destress, ce qui permet à l’organisme de mieux utiliser lesnutriments. Les patients qui bénéficient de cette approcheintensive affichent un gain net de protéines corporellesaprès l’intervention chirurgicale et présentent plusrapidement les critères autorisant leur sortie.

«Comme en témoignent les recherches de plus en plusnombreuses menées à ce sujet, la nutrition revêt uneimportance capitale à tout âge et parmi tout groupe »,souligne la Pre Koski. «C’est un sujet que la communautémédicale prend aujourd’hui très au sérieux. Notre écolefêtera son centenaire en 2008, au moment où les sciencesde la nutrition gagnent leurs lettres de noblesse. »■Ces projets de recherche sont financés par les Instituts derecherche en santé, le Conseil cri de la Santé et des Servicessociaux de la Baie-James, la Corporation Niskamoon, le Conseilde recherches en sciences humaines, le Programme dugouvernement du Canada pour l’Année polaire internationaleet les Producteurs laitiers du Canada.

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Des chercheurs de McGill aux avant-postes d’une nouvelle chimie écologique. En remplaçant les solvantstoxiques par l’eau et en transformant le CO2

en plastique biodégradable – ils sauvent la planètemolécule par molécule.

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Le terme biologique est désormais synonyme d’écologiqueet traduit dans notre esprit un souci aigu pour la santé etla protection de l’environnement. Mais s’il affuble à peuprès tous les produits que nous consommons ou utilisons,du coton au café, il n’a cependant rien à voir avec lachimie organique. Cette branche de la chimie s’intéresseà la description et à l’étude des composés organiques,formés essentiellement de carbone et d’hydrogène. Bienavant qu’il soit associé au langage du consommateur, leterme biologique est apparu pour la première fois auXIXe siècle, alors que les chimistes croyaient à tort que lescomposés organiques ne pouvaient être synthétisés dansdes organismes vivants que par le biais de la force vitale(vis vitalis). Bien que la chimie organique n’ait en réalitérien à voir avec cette force vitale, elle intervient néanmoinsdans pratiquement tous les aspects de notre existence. Desproduits pharmaceutiques aux micropuces, en passant parles aromatisants alimentaires, rares sont les procédésindustriels et les produits qui ne découlent pas d’uneréaction de chimie organique. Malheureusement, lesprocédés utilisés dans la fabrication des ordinateurs dontnous ne pouvons plus nous passer, du carburant quipermet à nos véhicules de circuler et des antibiotiques quinous soignent empoisonnent la planète par l’émission de

polluants organiques persistants comme les diphénylespolychlorés (BPC). Mais tout cela va bientôt changer.

« La chimie est la seule discipline dont la principalemission est de produire de nouvelles formes de matière »,indique Bruce Lennox, directeur du Département dechimie de McGill. «Pour inventer des molécules, il faut pou-voir mettre en œuvre une réaction chimique. » En chimieorganique, cela consiste à dissoudre les matières premièressous forme solide, liquide ou gazeuse dans des solvants,lesquels sont malheureusement souvent très toxiques.C’est pourquoi les chercheurs de McGill espèrent véritable-ment révolutionner la chimie. Dans leurs laboratoires derecherche et leurs ateliers, ces pionniers de la chimieverte à émission zéro s’efforcent de remplacer les procédéschimiques traditionnels par des procédés dotés des mêmesfonctions, mais plus propres, de manière à réduire, voireà empêcher, la pollution à la source.

Tak-Hang «Bill » Chan, aujourd’hui professeur éméritede chimie, est largement reconnu à titre de père de lachimie verte au Canada. Le Pr Chan a entrevu la disparitionprogrammée de la chimie organique à base de solvant en1989, date à laquelle près de 200 pays ont ratifié leProtocole de Montréal relatif à des substances quiappauvrissent la couche d’ozone, une charte appuyée

Par Mark Shainblum

D O S S I E R S P É C I A L

Le Pr Marcus Lindström fait partie d’une nouvellegénération de chimistesaffranchie des outils de la chimie traditionnelle.

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D O S S I E R S P É C I A L

Le Pr Chao-Jun Li (ci-dessus)est titulaire de la Chairede recherche du Canada

en chimie verte et l’undes principaux acteurs de

cette discipline.

Le professeur émérite Tak-Hang Chanest considéré comme le

père de la chimie verte au Canada.

par les Nations Unies. « Il s’agissait en vérité du premieraccord international qui contrôlait l’émission dansl’environnement de substances chimiques, quelles qu’ellessoient », souligne-t-il. «Pour moi, il était évident que lesproduits chimiques organiques volatils étaient condamnésà plus ou moins long terme. »

Le Pr Chan a donc eu l’idée de remplacer les solvantstoxiques par un produit sans danger présent en abon-dance : l’eau. Cette substance omniprésente est l’un destout premiers solvants chimiques, mais elle a été détrônéepar les molécules organiques (comme l’acétone) réputéesinsolubles dans l’eau. En fait, il y a à peine 15 ans, leschercheurs n’auraient jamais pu imaginer remplacer lessolvants par l’eau, mais cela n’a pas empêché le Pr Chande confier à son nouveau candidat au doctorat, Chao-Jun(C. J.) Li, le soin de mener un projet de recherche d’unescandaleuse ambition: produire des réactions organiquesdans l’eau.

« Rares sont ceux qui se sont penchés sur l’utilité del’eau en chimie organique », souligne C. J. Li, aujourd’huititulaire de la Chaire de recherche du Canada en chimieverte, et l’un des chefs de file de cette discipline. «Certaines industries utilisent encore les réactions chimi-ques découvertes il y a plus d’un siècle. » Le Pr Li a mis unterme à cette tradition en élaborant des moyens d’utiliserdes catalyseurs métalliques immergés dans l’eau pourobtenir les mêmes résultats chimiques que les réactionsfaisant normalement appel à des solvants organiques etqui possèdent plusieurs applications industrielles. Lesprocédés mis au point par le Pr Li «maximisent l’économied’atomes » (autrement dit, ils génèrent peu de déchets) etils sont plus efficaces sur le plan énergétique, donc plusécologiques, mais aussi plus rentables.

Le Pr Marcus Lindström, récemment rattaché àl’Université de Lund en Suède, cherche également à rem-placer les solvants organiques par l’eau. Avec son équipe,il a découvert ce qu’il pense être l’un des catalyseurs parmiles plus stables et les plus efficaces pour la catalyse bipha-sique aqueuse, qui supprime totalement le recours auxsolvants organiques. Les résultats d’expériences récentesréalisées en collaboration avec la société suédoise DuPontChemoswed pourraient fort bien révolutionner la produc-tion chimique industrielle.

«Ce domaine de recherche a la particularité exception-nelle de permettre la création de stratégies et de conceptsinnovants qui exerceront une influence durable sur notreaptitude à fabriquer efficacement des produits chimiques,sans déchets », souligne-t-il.

Cette efficacité renforcée est l’un des principes de basede la philosophie de la chimie verte. À l’aide des tech-niques actuelles, la fabrication de produits chimiques fins(tels que ceux utilisés dans la fabrication de parfums) et deproduits pharmaceutiques fait intervenir de nombreusesétapes. Puisque les solvants organiques ne dissolvent pasles molécules organiques comme les acides aminés et leglucose, d’autres substances doivent être ajoutées aumélange, puis séparées pour obtenir le produit final. Il

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s’agit d’un procédé extrêmement complexe. « C’est unpeu comme si l’on essayait de bâtir une ville moderne enutilisant les techniques de l’Antiquité égyptienne »,explique le Pr Chan. «Lorsque les Égyptiens ont construitles pyramides, ils ont d’abord construit une rampe, qu’ilsont enlevée une fois leur ouvrage terminé. On ne peutconstruire une ville moderne de cette manière. C’estimpossible. Et pourtant, c’est précisément ce que nousfaisons lorsque nous fabriquons des substances chimiquesfines ou des produits pharmaceutiques. »

«La chimie verte est synonyme d’innovation », affirmele Pr Lindström. «Il ne s’agit pas uniquement de remplacerun solvant par un produit moins dangereux ou un cataly-seur par un procédé de catalyse moins toxique, encorequ’il ne faille négliger cet aspect. Notre génération doitredécouvrir la chimie en s’affranchissant des outils quenous ont légués les chimistes du siècle dernier, à uneépoque où les préoccupations écologiques n’étaient pastoujours prioritaires ».

La Pre Audrey Moores fait partie de cette nouvellegénération. Cette recrue de l’équipe verte de McGill est àla recherche de catalyseurs plus efficaces pour les réactionschimiques. «Nous tentons d’élaborer de nouvelles réac-tions permettant d’obtenir les mêmes résultats dans un pluscourt laps de temps», précise-t-elle, « ou avec moins dechaleur, moins de déchets ou moins de réactifs toxiques ».Audrey Moores s’intéresse tout particulièrement aupotentiel vert de la catalyse hétérogène, dans laquelle leréactif (substance de départ) et le catalyseur sont deformes différentes. L’un peut être solide et l’autre gazeux.Cela signifie que contrairement à la catalyse homogène, iln’est pas nécessaire de séparer le catalyseur du produit fini.La capacité de se soustraire à cette étape additionnelle,notamment par évaporation ou distillation, permet deréaliser des économies.

«En soi, cela est très vert », souligne Audrey Moores, quia intégré McGill en janvier 2007 après avoir terminé sesétudes postdoctorales à Yale, «parce le procédé est moinsénergivore. La fragmentation du procédé en différentesétapes mobilise une quantité considérable d’énergie etentraine le déplacement du lot pour procéder à ladistillation. Avec la catalyse hétérogène, plusieurs étapespeuvent être réalisées à la fois, ce qui est un excellentmoyen de réduire les coûts et les déchets. Sans compterque l’on ne risque pas non plus d’endommager lecatalyseur. Autrement dit, ce dernier est réutilisable, ce quiest souvent impossible avec la catalyse homogène. »

La chimie verte ne cherche pas seulement à rationaliserla naissance chimique d’un produit, elle s’attache égale-ment à trouver des moyens d’élimination plus propres encréant des produits qui se dégradent sans danger aprèsusage. Le Pr Li s’emploie actuellement à mettre au point unprocédé permettant de recycler le CO2 existant en poly-mère plastique. «Ce nouveau plastique possède d’excel-lentes propriétés de durabilité et de force», explique-t-il,« et il est biodégradable. Bien sûr, il est préférable de lerecycler. Mais si on le jette, il se décompose et redevient du

dioxyde de carbone. De plus, il est neutre sur le plan duCO2, ce qui signifie qu’il n’en ajoute pas dans l’envi-ronnement. »

Les travaux du Pr Li n’améliorent pas seulement la fin devie des produits. Son innovation permettra égalementd’éliminer les produits pétrochimiques et les solvantstoxiques des procédés de fabrication du plastique. Laproduction de déchets moins nocifs constitue une avancéeconsidérable en ce qui a trait à la réduction des problèmesde décontamination, ce qui est précisément l’objectif dela chimie verte.

«Empêcher qu’un problème ne survienne », fait remar-quer le Pr Lennox, « est de loin beaucoup plus satisfai-sant que d’essayer de le résoudre. »

■Cette recherche est financée en partie par le Conseil de recher-ches en sciences naturelles et en génie du Canada, la Fondationcanadienne pour l’innovation et le Fonds québécois de larecherche sur la nature et les technologies.

Nouvelle recrue de l’équipe verte de McGill, la professeure de chimie Audrey Moores étudie des moyens moins énergivores et moins toxiques de produire des réactions chimiques.

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Des chercheurs

du Centre de recherche

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percent le mystère

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musculosquelettiques

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Les maladies musculosquelettiques,telles que l’arthrite et l’ostéoporose,sont les causes les plus fréquentes de douleurs aiguës chroniques etd’invalidité. Marc McKee (à gauche),professeur à la Faculté de médecinedentaire et au Départementd’anatomie et de biologie cellulaire,et le docteur David Goltzman,directeur du Centre de recherche sur le tissu osseux et le parodonte,s’intéressent aux mécanismes de ces maladies.

Université McGill 33

Par James Martin

Votre tête, vos bras et vos jambes sont pleins de minéraux. Et c’est unebonne nouvelle!

Ces minéraux, ou plus précisément ces nanocristaux de phosphate decalcium, s’accumulent dans l’échafaudage de protéines de certains tissus.«Notre corps abrite des milliards de ces nanocristaux qui se lient entre euxet durcissent comme du ciment », explique Marc McKee, chercheur au Cen-tre de recherche sur le tissu osseux et le parodonte de l’Université McGill etprofesseur à la Faculté de médecine dentaire et au Département d’ana-tomie et de biologie cellulaire. Ces cristaux permettent de faire la distinctionentre d’une part, les tissus minéralisés (os, cartilage, dents et otolithe –minuscules particules logées dans l’oreille interne essentielles au maintiende l’équilibre) et d’autre part, les tissus dits mous comme la peau ou lestendons. « Rares sont les personnes qui savent que les roches présentesdans leur environnement sont précisément celles qui leur permettent de setenir debout », ajoute le Pr McKee.

Quand tout va bien, les cristaux que recèle notre organisme sontrésistants. Mais tout ne va pas toujours bien. De fait, les maladies musculo-squelettiques sont la cause la plus fréquente de douleurs sévèrespersistantes et de déficiences physiques, ce qui a amené l’Organisationmondiale de la Santé à déclarer les années 2000 «Décennie des os et desarticulations ». Les problèmes dorsaux et les maladies articulaires, telles quel’arthrite, affligent des centaines de millions de personnes. Au stadeavancé, le cancer gagne souvent les os, les affaiblissant et provoquantdouleurs et fractures. Entre 30 et 40 pour cent des femmes de plus de 60ans et environ 15 pour cent des hommes seront tôt ou tard victimes defractures liées à l’ostéoporose (amincissement des os causé par leur démi-néralisation), un problème qui se fait de plus en plus pressant à l’heure oùles baby-boomers atteignent l’âge d’or. Sans parler des dents, puisque lapopulation vieillissante est la principale cible de la perte osseuse et dentaireassociée à la parodontopathie. Quelques maladies rares se caractérisent parun excès de densité osseuse, comme l’ostéopétrose (densité excessive duvolume osseux) qui peut provoquer la cécité, la surdité ou des accidentscérébrovasculaires, ou encore la fibrodysplasie ossifiante progressive quientraîne la minéralisation musculaire, transformant les personnes qui ensont atteintes en véritables statues humaines.

Les chercheurs de McGill s’intéressent depuis fort longtemps aux mala-dies osseuses. De Charles Leblond et Léonard Bélanger, inventeurs de laradioautographie (qui faisait appel aux isotopes radioactifs récemmentdécouverts pour étudier le renouvellement cellulaire), à Charles Scriver, quia décrit la génétique moléculaire des maladies osseuses, l’Université McGills’est hissée aux avant-postes de la recherche sur le tissu minéralisé. LeCentre de recherche sur le tissu osseux et le parodonte perpétue cettetradition dans le but d’améliorer la qualité de vie des personnes atteintesde maladies musculosquelettiques.

Coinitiative des facultés de médecine et de médecine dentaire, le Centrefédère plusieurs sites (dont divers laboratoires de médecine dentaire et demédecine, l’Institut des matériaux avancés de McGill et l’Hôpital généraljuif, ainsi que les Laboratoires Jamson T. N. Wong de recherche sur le tissuosseux et le parodonte) et forme à ce titre la plus importante massecritique de chercheurs spécialistes de l’os et du parodonte au monde. Enplus de spécialistes du squelette, de la médecine dentaire et de la biologiecellulaire et moléculaire, le Centre accueille des investigateurs cliniciens quiétudient de nouveaux traitements pour les maladies osseuses, telles quel’ostéoporose et l’ostéogenèse imparfaite, et participe à l’Étude canadiennemulticentrique sur l’ostéoporose (CaMos), une importante étudeépidémiologique pancanadienne dont il est par ailleurs le siège social. «Lesmaladies que nous étudions au Centre causent de graves invalidités etgrèvent lourdement le budget de la santé », souligne son directeur, le Dr David Goltzman, qui a contribué à la création du Centre en 2000, auxcôtés des Prs McKee et Janet Henderson, vice-doyenne (recherche) de laFaculté de médecine. «Plus la population vieillit, plus ce problème revêt des

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proportions considérables dans le monde,sans compter qu’il touche pratiquement

tous les groupes ethniques de chaquepays. »

Un appareil à rayons X standardne détecte que les cristaux dephosphate de calcium dans

leur globalité (c’est-à-dire sous laforme d’os ou de dent). Aussi faut-il

de l’équipement spécialisé pour décelerles minuscules mécanismes à l’origine des

troubles qui affectent le tissu minéralisé. Cetéquipement est toutefois très coûteux. « Le

Centre donne aux chercheurs la possibilité de serencontrer et de collaborer », explique le Dr Goltzman,

qui fut l’un des premiers à découvrir, avec le Dr FrancisGlorieux, le rôle de la vitamine D et des bisphosphonatesdans le maintien de la santé osseuse, «mais il leur donneaussi et surtout accès à un équipement ultraévoluéqu’aucun chercheur ne peut se permettre. » La possessionla plus précieuse du Centre est un scanner micro-CTd’une valeur de 350 000 dollars, qui permet aux cher-cheurs de segmenter un échantillon de tissu sansprocédure effractive ou destructive. Contrairement auxclichés radiographiques instantanés, le scanner micro-CT permet de réaliser une série de clichés correspondantà des sections d’une épaisseur maximale de dixmicromètres. Ces sections sont ensuite fusionnées pourformer une image en trois dimensions; l’image virtuelle del’os ou de la dent peut ainsi être tournée, enroulée etdéroulée, voire dépouillée de ses multiples couches. Lescanner micro-CT permet aussi de quantifier lacalcification dans l’échantillon de tissu; cette tech-nologie est essentielle pour étudier les mécanismeset leurs éventuels traitements sur des modèlesd’ostéoporose, de maladie osseuse génétiqueet de cancer osseux.

Le scanner micro-CT et le microscopeélectronique (utilisé pour étudier desnanocristaux individuels) ont jouéun rôle essentiel dans ladécouverte importante quele Centre vient de signer,sous l’impulsion du Pr McKee, sur le

mécanisme de la calcification. L’on savait qu’une petitemolécule du nom de pyrophosphate (PPi) empêchait lacalcification en se liant directement aux cristaux deminéraux, mais les chercheurs du Centre saventaujourd’hui que le PPi déclenche aussi le mécanisme dedéfense naturelle de l’organisme, qui a pour effetd’augmenter le taux de protéines empêchant lacalcification et de diminuer le taux d’enzymes la favo-risant. « Cela montre que le PPi et les autres moléculesagissent de concert pour contrôler la minéralisation », sou-ligne le Dr McKee. «Par conséquent, à un niveau d’équilibreapproprié, on peut les utiliser de manière thérapeutiquepour bloquer la calcification dans les artères, les articula-tions et d’autres tissus mous. »

« Comprendre comment le calcium et le phosphatefusionnent pour durcir les tissus », ajoute-t-il, « ouvre lavoie au développement de nouveaux traitements

pharmacologiques pour traiter les maladies dusquelette et dentaires, les calculs rénaux, les artères

coronaires, l’athérosclérose et les maladiescardiovasculaires. »

■ Le Centre de recherche sur le tissu osseuxet le parodonte est subventionné par les

Instituts canadiens de recherche en santé,la Fondation canadienne pour

l’innovation et Valorisation-Recherche Québec; il bénéficie

également de l’aide de Mme Pierrette Wong.

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Image d’une molaire etd’un os dans le segment

mandibulaire d’un rat prise aumoyen du scanner micro-CT.

Le scanner micro-CT permet d’obtenir des images de sections ultrafines d’un échantillon osseux, sans procédure effractive ou destructive (à gauche). Ces vues anatomiques peuvent ensuite êtrefusionnées pour former une structure osseusevirtuelle en trois dimensions (à droite).

Université McGill 35

DOSSIER SPÉCIAL

Elle mesure 20 millimètres, pèse moins de 50 milligrammes et ressemble à un serpent.

Cette nouvelle endoprothèse va radicalementaméliorer la vie des enfants souffrant de

sténose artérielle pulmonaire.

Malgré son apparente simplicité, la règleéconomique du jeu de l’offre et de la demandeest fort difficile à faire comprendre aux parentsd’enfants atteints d’une anomalie cardiaquecongénitale. Alors que le traitement de lamaladie coronarienne de l’adulte au moyend’endoprothèses (petites structures métalliquesintroduites dans les artères pour améliorer ledébit sanguin) peut rapporter des millions dedollars à leur fabricant, les enfants souffrant

Par Andrew Mull ins

Petite merveille

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36 en tête été 2007

DOSSIER SPÉCIAL

Exaspérés par l’absenced’endoprothèses conçuesspécifiquement pour les

nourrissons, les cardiologues ontposé une question toute simple:

« Accepteriez-vous la mise en placede ce genre d’endoprothèse dans

les artères de votre enfant? »

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sont très élastiques», souligne-t-il. «De ce fait, l’artère ris-que d’être en contact permanent avec les extrémités del’endoprothèse. Ce frottement peut infliger des lésions auvaisseau, provoquer sa rupture et entraîner le décès del’enfant.»

Les Prs Leask et Mongrain sont en passe de résoudre ceproblème et s’attachent, en collaboration avec la sociétémontréalaise Baylis Medical Inc., à mettre au point un pro-totype d’endoprothèse pédiatrique révolutionnaire.

Pour mieux comprendre les besoins des cardiologues,l’équipe a travaillé en étroite collaboration avec deuxmédecins de l’Hôpital Laval à Québec. Exaspérés par l’ab-sence d’endoprothèses conçues spécifiquement pour lesnourrissons, les Drs Olivier Bertrand et Josep Rodés ontposé une question toute simple :«Accepteriez-vous la miseen place de ce genre d’endoprothèse dans les artères devotre enfant? » Cette question, l’équipe de recherche enfait son principe directeur.

Pour commencer, les chercheurs ont sectionné uneendoprothèse pour adulte dans le sens de la longueur, demanière à obtenir une structure capable de se déployergraduellement, en fonction de la croissance du vaisseau.Ils ont ensuite littéralement tordu le dispositif.

Assis dans le bureau de Richard Leask, Rosaire Mongrainbrandit un petit cylindre en plastique qui abrite la troisièmegénération du précieux prototype. Le profane n’y verrasans doute qu’un petit ressort, mais il s’agit en réalitéd’une pièce en acier inoxydable de qualité médicaledécoupée au laser et dont la conception revient à unemuse… plutôt inhabituelle.

«Nous nous sommes inspirés du squelette du serpent »,explique le Pr Mongrain. Le squelette du serpent est dotéd’une cage thoracique qui protège les organes internes, «mais il est également très souple et n’a pas de sternum. Ilest ouvert sur un côté. En fait, il ressemble à uneendoprothèse coupée en deux. »

Le prototype est toutefois muni d’une «colonne verté-brale» en forme de spirale. «Il s’agit d’un prototype bioinspi-ré, et non bioimité », poursuit le Pr Mongrain. «Il suffit deprendre un squelette de serpent et de le tordre pourobtenir une colonne vertébrale en forme d’hélice. »

Le prototyped’endoprothèse

pédiatrique(grandeur nature) est

conçu pour grandir avec l’enfant.

d’anomalie cardiovasculaire ne représentent pas une partde marché suffisante pour justifier financièrement l’éla-boration de dispositifs médicaux spécialement adaptés.

Selon Rosaire Mongrain, professeur au Département degénie mécanique et codirecteur du Laboratoire de géniecardiovasculaire à l’Institut de cardiologie de Montréal,quatre enfants sur 1000 sont porteurs à la naissance d’unemaladie du nom de sténose artérielle pulmonaire qui secaractérise par le rétrécissement de l’artère pulmonairechargée d’alimenter les poumons en sang, où ce dernierest oxygéné. Cette maladie ralentit le débit sanguin, provo-que une mauvaise oxygénation, rend difficile la respirationet affaiblit les sujets qui en sont atteints. Dans les cas extrê-mes, le sang mal oxygéné provoque une cyanose (l’enfantdevient bleu). Quand l’enfant grandit, sa maladie s’ag-grave. Les traitements sont variables et vont de l’angio-plastie à la chirurgie cardiaque. De plus en plus toutefois,les médecins ont recours à une procédure chirurgicale àeffraction minimale qui consiste à mettre en place uneendoprothèse pour élargir le diamètre de l’artère.

Jusqu’à présent, les chirurgiens pédiatriques étaientobligés d’utiliser l’équivalent de pièces pour Oldsmobilepour réparer, disons, une Smart. Autrement dit, ils doivent«bricoler » les endoprothèses conçues pour les adultes afinde les adapter à la morphologie des enfants. Sachant que54 pour cent des décès cardiovasculaires chez l’adulte auCanada sont causés par la maladie coronarienne, les grandsfabricants de dispositifs médicaux ne manifestent pasd’intérêt particulier pour l’élaboration d’un dispositif quine sera implanté que chez 0,4 pour cent des nouveau-nés.

La situation est donc loin d’être optimale. L’endopro-thèse adulte ordinaire est une structure rigide, conçuepour prendre de l’expansion dans l’artère dont le diamètrea rétréci et qui s’est durcie à cause de l’accumulation de pla-ques. L’implantation de ce type de prothèse dans lesartères d’un enfant l’expose à un risque de complicationspendant sa croissance. Mais selon Richard Leask, titulaired’une chaire de recherche William Dawson et professeurau Département de génie chimique, ce n’est pas le seulproblème en cause. «Les vaisseaux sanguins des enfants

Université McGill 37

Pour matérialiser ce concept, les deux professeurs ontfait appel à une entreprise montréalaise qui sait très biencomment la nécessité peut parfois déboucher sur l’inno-vation. En 1986, une infirmière dotée d’un fort esprit entre-preneurial du nom de Gloria Baylis, déçue par l’incapacitéde son hôpital à fournir de l’équipement de neurologieapproprié, a fondé sa propre société de distribution. BaylisMedical Inc. est très vite devenue une entreprise spéciali-sée dans la conception et la fabrication d’équipementmédical haute technologie. Désormais dirigée parl’ingénieur Frank Baylis, le fils de Gloria, la société proposeune gamme complète d’équipements de cardiologiepédiatrique. Lorsque les Prs Leask et Mongrain ont proposéà Baylis de collaborer à leur projet d’endoprothèse, ils ontdécouvert que la société travaillait déjà à un projetcomparable. C’est de là qu’est né leur partenariat.

Baylis Medical fournit l’investissement financier, doubléd’une subvention en espèces du CRSNG relevant duProgramme de subventions de recherche et développe-ment coopérative, ainsi que des équipements, desinstallations et de l’expertise technique. « Le budget,relativement modeste, se chiffre à environ 225 000 dollarssur trois ans », précise le Pr Mongrain, «ce qui est plutôtbon marché pour un dispositif médical. »

La société permet également aux chercheurs de nouerdes liens avec d’autres entreprises pour le découpage aulaser de leur prototype, souligne le Pr Leask «et ils ont par-ticipé à toutes les discussions, y compris celles portant surla conception. Travailler avec eux a été une expérience vrai-ment enrichissante. »

Collaborer avec des chercheurs universitaires est aussiavantageux pour Baylis Medical. «Ils possèdent une solideexpertise et ont également accès à de l’équipement », sou-ligne Frank Baylis. « S’ils détiennent des connaissancesuniques dans un domaine particulier, il va sans dire quenous pouvons en bénéficier. »

Le projet d’endoprothèse fait désormais l’objet d’essaisauprès d’animaux; si ceux-ci donnent des résultats positifs,le champ d’application de ce dispositif prendra très vite del’ampleur. Alors que le budget initial de l’équipe estrestreint, il faut savoir que la mise en marché d’un dispo-sitif médical nécessite la conduite d’essais cliniques chezl’humain et un processus d’homologation très longpouvant mobiliser des millions de dollars. Pourtant, FrankBaylis est prêt : «Si la conception, les prototypes et les testssur l’animal sont prometteurs, nous pensons parvenir àmobiliser les ressources financières nécessaires pour menerà bien ce projet. »

Les Prs Mongrain et Leask se félicitent de ce que cettecollaboration de recherche leur permette de venir direc-tement en aide aux patients et aux médecins. « Denombreuses personnes mènent des recherches en géniebiomédical sans jamais pouvoir discuter avec un médecin,ni avoir accès aux dimensions cliniques de leur travail »,souligne le Pr Leask. « Toute notre force est là : nousavons noué de bonnes relations et des collaborationsfructueuses. Nous ne travaillons pas pour, mais avecl’industrie. C’est de là que ce projet tire son succès et sadynamique. » ■

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Les professeurs de génieRichard Leask (au centre) etRosaire Mongrain (à droite)collaborent avec BaylisMedical Inc., dirigée par Frank Baylis (à gauche), pouraméliorer radicalement le traitement des anomaliescardiaques chez l’enfant.

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DOSSIER SPÉCIAL

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Rémi Quirion élargit le champ d’application de la recherche en santé mentale

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La carte professionnelle du neuroscientifique Rémi Quirionle présente comme le directeur scientifique de l’Institut desneurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies(INSMT) en français au recto et en anglais au verso. Vien-nent ensuite les incontournables : numéro de téléphone,adresses URL et courriel. Jusque-là, rien d’étonnant, à ladifférence que cette carte fournit également toutes cesindications en braille.

«Si le nom de l’Institut est celui des neurosciences, de lasanté mentale et des toxicomanies », explique Rémi Quirion,«cela ne nous empêche pas de tenir compte de tous lessens. » «C’est peut-être un détail, mais il a son importance »,souligne-t-il, en passant son pouce sur la surface de la carte.

Rémi Quirion cumule plusieurs rôles, soit celui de direc-teur scientifique du Centre de recherche de l’Institutuniversitaire en santé mentale Douglas, de professeur auDépartement de psychiatrie de McGill et d’officier de l’Ordredu Canada, et il applique la même philosophie à l’ensem-ble de ses travaux. «À l’expression “du laboratoire au che-vet du patient” », explique-t-il, «nous avons préféré “de lacommunauté au cerveau”. Le traitement se fait par équipe.

À l’Institut Douglas, nous recrutons les meilleurs spécia-listes et nous évitons autant que possible le dédoublementdes compétences afin d’étudier chaque maladie mentalede A à Z. Nous puisons aux sources de toutes les disciplines,des spécialistes de la recherche sur les services de santé auxexperts en génomique. Nous comptons des spécialistes durôle des gènes dans le rythme circadien pour l’aspectrecherche fondamentale et des cliniciens qui mènent desrecherches sur le sommeil, ainsi que des spécialistes desservices de santé chargés d’évaluer la qualité des soinsprodigués aux patients dépressifs ou schizophrènessouffrant de troubles du sommeil. Cette façon de procéderest tout à fait unique. »

L’Institut des neurosciences, de la santé mentale et destoxicomanies partage cette vision. L’INSMT est le plusgrand des 13 «instituts virtuels » des Instituts de rechercheen santé du Canada, le principal organisme fédéral chargédu financement de la recherche en santé au Canada et de

Par James Martin

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DOSSIER SPÉCIAL

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Ces maladies ont un rapport avec le langage et la cognition, mais il est

impossible de demander à unesouris si elle souffre de psychose.Pour simplifier, nous recherchonschez l’animal les comportementsévocateurs de la schizophrénie

ou de la dépression.

—PR RÉMI QUIRION

la définition de ses orientations. « L’ensemble desrecherches sur le cerveau relève de l’INSMT », préciseRémi Quirion. «Cela nous donne une longueur d’avanceà l’échelle mondiale. Ailleurs, les organismes subven-tionnaires se spécialisent soit en biologie, mais sanstenir compte des services de santé, soit en services desanté, mais sans la biologie, et il y a très peu d’échangesentre les disciplines. Le système américain compte poursa part six ou sept instituts investis du même mandat.

«Prenons l’exemple d’un chercheur qui étudie unneurotransmetteur comme la dopamine. La diminu-tion du taux de dopamine joue un rôle dans la mala-die de Parkinson, alors qu’un excès joue un rôle dansla schizophrénie. En revanche, si la dopamine n’est pasactivée correctement, elle favorise l’accoutumance.Nous essayons donc de fédérer l’ensemble des cher-cheurs intéressés par ce sujet avec l’intention de lesamener à collaborer au lieu de les laisser travailler defaçon indépendante. »

Rémi Quirion met en pratique ce qu’il n’a de cesse deprêcher, donnant à ses propres recherches un véritablecaractère interdisciplinaire. Depuis 20 ans, il s’intéresseau rapport entre la neurochimie cérébrale et lesdéficits cognitifs (dont la démence liée à la maladied’Alzheimer), étudiant de quelle façon les neurotrans-metteurs classiques (comme l’acétylcholine ou les pep-tides neuronaux) facilitent l’apprentissage et lamémorisation chez le modèle animal. Ces neurotrans-metteurs représentent à peine un pour cent desprotéines présentes dans le cerveau, si bien que le Pr Quirion a récemment décidé d’élargir son champd’investigation et de faire appel aux spécialistes de lagénomique et de la protéomique à l’Université McGillet au Centre d’innovation Génome Québec. Lesmembres de son équipe utilisent désormais la techno-logie de microréseau d’ADN pour comparer 28 000gènes de rats présentant un déficit d’apprentissage etde la mémoire à ceux de rats normaux. «Nous avonsdécidé de privilégier une approche plus “coercitive” »,explique-t-il. « De cette manière, il est possible detrouver des familles de gènes qui semblent altérées.Bien sûr, nous avons découvert des gènes que nousconnaissions déjà, mais surtout, nous en avonsdécouvert de nouveaux dont nous ne nous doutionspas qu’ils puissent être associés à l’apprentissage et àla mémoire. »

Les chercheurs du laboratoire de Rémi Quirionétudient comment l’absence ou la surexpression dedeux de ces gènes (transthyrétine et Homer 1a) altèrel’apprentissage et la mémoire chez le rat, et ils ont déjàdécouvert le moyen d’inverser complètement ces défi-cits. «Bien sûr, il s’agit d’un modèle animal », s’empres-se-t-il de préciser, «si bien que son étude est plus facileque chez l’humain. Reste à savoir si le même déficitpeut être observé dans le cadre du vieillissementhumain, voire s’il est aggravé en cas de maladied’Alzheimer par rapport au vieillissement normal.Ensuite, nous pourrons concevoir de nouveauxtraitements. »

« L’approche coercitive a complètement modifiénotre stratégie », ajoute-t-il, «et nous amènera à étu-

dier d’autres hypothèses qui pourraient déboucher sur unepercée décisive. »

Rémi Quirion fait également appel à la protéomiquepour concevoir des modèles animaux novateurs de laschizophrénie et d’autres maladies mentales. La tâchen’est pas facile. «Ces maladies ont un rapport avec le lan-gage et la cognition », précise-t-il, «mais il est impossible dedemander à une souris si elle souffre de psychose. Pour sim-plifier, nous recherchons chez l’animal les comportementsévocateurs de la schizophrénie ou de la dépression. »Il est assez facile d’induire des déficits cognitifs chez lasouris, mais il est néanmoins beaucoup plus difficile depercer les mécanismes neuropathologiques correspon-dants. Pour y parvenir, Rémi Quirion étudie une nouvellehypothèse sur le développement des neurones. La théoriede départ présuppose que la schizophrénie peut êtredéclenchée si certains gènes sont exposés à un stress pen-dant le développement du cerveau au cours des 12 à 15premières années de vie –une étape extrêmement com-plexe d’équilibre entre différents facteurs. Le déchiffragede ces mystérieuses interactions pourrait ouvrir la voie audéveloppement de médicaments révolutionnaires.

« Cet aspect de la recherche intéresse de nombreuxchercheurs dans le monde », souligne Rémi Quirion, qui areçu le prix Pacesetter 2007 de la Société canadienne dela schizophrénie. «Il arrive que nous consacrions beaucoupdu temps à l’étude d’un médicament qui semble agir surdes modèles animaux, et que tout s’effondre au passageà des essais chez l’humain. Nous traitons la dépression,l’anxiété et la schizophrénie avec plus ou moins les mêmesmédicaments qu’au début des années soixante; nous avonsseulement amélioré leur profil d’effets secondaires. »

Rémi Quirion espère également contribuer de manièredécisive à la prise en charge de la douleur chronique. Si ladouleur aiguë peut généralement être calmée par desmédicaments délivrés sans ordonnance (comme l’aspirineen cas de mal de tête), il n’en va pas de même pour la dou-leur chronique. Les opiacés sont efficaces, mais ils créentune dépendance et une tolérance (sans parler du risqued’effets secondaires comme l’insuffisance respiratoire), si

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Rémi Quirion est le directeur scientifique du Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale Douglaset de l’Institut desneurosciences, de la santémentale et des toxicoma-nies. Pour lui, le traitementefficace de la maladiementale nécessite uneéquipe de chercheurs issusde toutes les disciplines, des services de santé à la génomique.

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bien qu’ils soient loin de convenir au traitement del’arthrite et des douleurs dorsales dont souffre la popu-lation vieillissante.

Le Pr Quirion étudie les protéines et les substances expri-mées par la moelle épinière. Il s’intéresse tout particulière-ment à l’adrénomédulline, un peptide qui présente denombreuses analogies avec le récepteur peptidique lié augène de la calcitonine. La plupart de ces récepteurs arrêtentrapidement la transmission de la douleur, mais l’adréno-médulline est «100 fois plus puissante » en cas de douleurd’une durée de plus de 24 heures, ce qui donne à penserqu’elle pourrait jouer un rôle essentiel dans la douleur chro-nique, telle que celle causée par les migraines. Il n’existeà l’heure actuelle aucun antagoniste efficace de l’adré-nomédulline, mais Rémi Quirion et son équipe sont sur lepoint de mettre à jour ses mécanismes et les moyens àmettre en œuvre pour l’inhiber. «Cette découverte nousenthousiasme, dit-il, et nous collaborons avec l’industriepour concevoir un antagoniste de l’adrénomédulline, unanalgésique beaucoup plus puissant susceptible d’êtreutilisé en remplacement des opiacés. »

Au-delà de la découverte de meilleurs médicaments,Rémi Quirion souhaite avant tout infléchir l’avenir de lamédecine. Il a récemment publié un article intitulé «Psychiatry as a Clinical Neuroscience Discipline », avec leDr Thomas R. Insel, directeur de l’Institut national desanté mentale des États-Unis, dans le Journal of theAmerican Medical Association. «La séparation de la psy-chiatrie des autres disciplines médicales a contribué àstigmatiser ceux qui traitent les troubles mentaux et ceux

qui en souffrent », ont-ils écrit. « Cette séparation estresponsable des soins inadéquats prodigués aux patients.Si les troubles mentaux sont des troubles cérébraux, alorsla psychiatrie doit tenir compte des neurosciences et de lagénomique et la formation des psychiatres doit êtreradicalement modifiée. » Pour Rémi Quirion, l’éducation(comme l’INSMT et comme le braille sur sa carte pro-fessionnelle) est une question d’intégration.

Depuis son arrivée à l’Institut Douglas en 1983, RémiQuirion a formé plus de 70 étudiants et chercheurs et ilsouhaite que la nouvelle génération de spécialistescanadiens du cerveau fasse preuve d’encore plus demultidisciplinarité. «Nous désirons exposer nos étudiantsnon seulement à la recherche fondamentale, mais aussi àla recherche clinique et à la recherche appliquée »,explique-t-il. «Pour être véritablement efficaces, les psy-chiatres de l’avenir doivent être en mesure de comprendreles données de microréseau d’ADN au même titre que lessoins communautaires. Parallèlement, les candidats audoctorat doivent également être exposés à la réalité. S’ilstravaillent avec moi sur un gène intervenant dansl’apprentissage et la mémoire, ils doivent certes réfléchirà la souris qui leur sert de modèle, de même qu’auxpatients atteints de la maladie d’Alzheimer.

« Les neurosciences ne concernent pas seulement desgènes affublés de noms bizarres – elles concernent aussil’être humain. »■ La recherche de Rémi Quirion est financée par les Institutsde recherche en santé du Canada et le Fonds de recherche ensanté du Québec.

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Nous contribuons à la création degardiens de la mémoire.

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Nous pouvons envoyer des hommes surla Lune, mais nous avons oubliécomment. Kimiz Dalkir fait appel à la gestion du savoir pour combattrel’amnésie des grandes entreprises.

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Par Christopher DeWolf

« J’aime prendre la NASA comme exemple », déclareKimiz Dalkir, professeure à l’École supérieure de bibliothé-conomie et des sciences de l’information de l’UniversitéMcGill. Et avec raison : l’Agence spatiale américaine arécemment admis que les lacunes dont souffrait samémoire organisationnelle étaient si importantes qu’ellene sait plus comment envoyer de mission humaine vers laLune, et encore moins où se trouvent les enregistrementsoriginaux de l’atterrissage lunaire de 1969. Les difficultésqu’éprouve la NASA ne sont qu’un exemple de l’amnésiequi frappe aujourd’hui les plus grandes entreprises etinstitutions du monde, à l’heure où les compressionsd’effectifs, l’externalisation et le départ massif des baby-boomers à la retraite les rendent en quelque sorte plusoublieuses que jamais.

De son bureau situé au sous-sol de la BibliothèqueMcLennan, Kimiz Dalkir s’intéresse à la gestion du savoiret livre un combat de première ligne pour sauver le savoircollectif. Cette spécialiste a débuté sa carrière universitaireà McGill, où elle a obtenu un B. Sc. en génétique et unM.B.A. en gestion des systèmes d’information et ensciences de la gestion. Elle a ensuite passé plusieursannées à mener des recherches sur la modélisation despopulations, l’intelligence artificielle et les sciencescognitives, un éventail en apparence diversifié d’intérêtsqui relève selon elle de la «modélisation du savoir ». Il y acinq ans, elle a intégré l’École supérieure de bibliothé-conomie et des sciences de l’information. «McGill était àcette époque l’une des pionnières de l’enseignement dela gestion du savoir au niveau supérieur », souligne-t-elle.« L’École, et à vrai dire l’ensemble de la discipline, semétamorphosent complètement. Les changements sontconsidérables. »

Ces changements sont en grande partie dus à lacroissance explosive du domaine de l’information et dusavoir, qu’il soit tangible (c’est-à-dire sous la forme delivres) ou intangible (savoir-faire contenu dans la mémoireindividuelle). Auparavant, explique la Pre Dalkir, ons’intéressait surtout aux réceptacles du savoir, qui étaientbien organisés et facilement accessibles, soit la gestion desdossiers, des documents et des fichiers. « Ce bon vieuxtemps est vraiment révolu », ironise-t-elle. Aujourd’hui,avec des milliards de courriels envoyés chaque jour, le reculde la communication en tête-à-tête et (grâce à la

préretraite et à l’externalisation) une masse critiqued’expériences qui s’amenuise constamment, le savoirs’est dispersé et il est de plus en plus difficile à saisir.Faute d’une gestion efficace, les organisations risquent derépéter leurs erreurs et d’oublier leur savoir-faire, lesamenant ainsi à essuyer des pertes de plusieurs milliardsde dollars.

Pour donner la preuve d’une forme efficace de gestiondu savoir, la Pre Dalkir tire de sa bibliothèque un volumeusé des fables d’Ésope et l’ouvre à la page de la fable del’âne et du lion, qui s’associent pour capturer une proie,mais dont le lion sera finalement le seul à prendrepossession. Moralité : la raison du plus fort est toujours cellequi l’emporte. « Les fables ont une vocation pédagogi-que », souligne Kimiz Dalkir. « Elles sont courtes et seterminent par une morale qui synthétise la leçon qu’ilconvient d’en tirer. Il s’agit d’anciennes traditions orales detransmission du savoir. » La gestion du savoir encouragela création de fables organisationnelles qui expliquent cequi fonctionne et ne fonctionne pas et pourquoi, et quipermettent d’édifier une infrastructure interne pour queces précieuses connaissances soient accessibles àl’ensemble des membres de l’organisation.

Depuis son arrivée à McGill, la Pre Dalkir a travaillé avecplusieurs grandes organisations. Après les événements du11 septembre, elle a contribué à la mise en œuvre deprincipes de gestion du savoir dans le cadre de l’Initiativede recherche et de technologie (IRTC), l’équivalentcanadien du ministère de la Sécurité intérieure des États-Unis. « Avant le 11 septembre, tous les renseignementsexistaient, mais personne ne pouvait faire de lien entre eux », souligne la Pre Dalkir. Pour tenter de combler cettelacune, le Canada a décidé de « rattacher les différentséléments ensemble » en améliorant la communicationentre les groupes chargés des opérations antiterrorisme etdu renseignement. Aujourd’hui, plutôt que de travailler ausein d’une «structure verticale », dans laquelle l’informa-tion et le savoir sont prisonniers de la hiérarchie d’uneorganisation unique, les connaissances sont mieux par-tagées. Le développement de collaborations entre lesmembres de l’IRTC empêche que les erreurs du passé ne se renouvellent, telles que la duplication du travail. « Nous menons une recherche active qui se dérouleessentiellement sur place, au cœur même de l’action »,indique la Pre Dalkir. «Nous apportons des changementset des améliorations au fur et à mesure que nosrecherches avancent. »

La Pre Dalkir analyse actuellement les systèmes demémoire organisationnelle des entreprises canadiennes,des secteurs public et privé, pour mieux comprendrecomment le savoir est partagé entre les membres actuelsdu personnel et comment il est préservé pour leurssuccesseurs. «Nous contribuons à la création de gardiensde la mémoire», indique-t-elle, «pour permettre aux orga-nisations d’apprendre, de se souvenir et d’améliorercontinuellement la manière dont elles opèrent. » ■ Cette recherche reçoit le soutien du Conseil de recherches ensciences humaines du Canada, du ministère de la Défensenationale, du Centre francophone d’informatisation desorganisations, d’Industrie Canada, du ministère du Patrimoinecanadien ainsi qu’une Subvention d’innovation en enseigne-ment de la Banque Royale du Canada.

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Grâce aux fables

d’Ésope, Kimiz Dalkir

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pour transmettre leur

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L’importance croissance que revêt «l’accom-modement raisonnable » dans la politiquecanadienne, et plus particulièrement auQuébec, souligne l’intérêt du projet de créerà McGill un Institut d’études interconfes-sionnelles, dont la mission sera de proposerdes cours de cycles supérieurs et d’organiserdes groupes de réflexion et des conférences.Barry Levy, ancien doyen de la Faculté d’étudesreligieuses, discute de la naissance de ce projet.

Quelles sont les recherches qui, àMcGill, ont jeté les bases de l’Institut?Depuis 10 ans, nous offrons un cours d’étéqui fait appel à au moins six professeurs dereligions différentes et qui compte près de 25étudiants de 1er, 2e et 3e cycles. Chaque annéeest placée sous un thème particulier, comme«La mort et l’au-delà » ou encore «La sexualité, la textualitéet la spiritualité ». Les participants se réunissent entre six etdouze heures par jour pour dialoguer, débattre et visiterdifférentes communautés religieuses de Montréal. Cetteexpérience ne laisse pas indifférent et elle n’est qu’unaspect de ce que nous aimerions faire au sein de cet Institut.

Ce succès est-il révélateur de l’intérêt accru et généralisé que suscitent les étudesinterconfessionnelles?Il est vrai que cet intérêt a considérablement augmenté. Auniveau organisationnel, il a même connu une remarquableprogression. Par exemple, il y a quatre ans à Séville, enEspagne, un groupe de réflexion israélien–Elijah InterfaithInstitute –a invité 40 hauts représentants des religions mon-diales à débattre sur le thème de l’hostilité, de l’hospitalité etde l’espoir de l’épanouissement humain. Puisant aux sour-ces de la littérature classique, des chercheurs ont présentédes communications démontrant que leur religion étaitaccueillante à l’égard des autres confessions. Cette expé-rience a connu un tel succès qu’une deuxième rencontre surla crise du sacré des religions mondiales a été organisée àTaiwan il y a un an, et qu’une troisième est prévue en Indeen novembre 2007.

Les recherches menées à la Faculté d’études religieusesrevêtent en grande partie un caractère pluriconfessionnel.En septembre dernier, nous avons accueilli plus de 1 800personnes de 85 pays pour une conférence sur les religionsaprès le 11 septembre. Immédiatement après, nous avonscoorganisé une conférence sur la Syrie, carrefour du mondeà l’époque de la Basse Antiquité; cette conférence a réunides chrétiens, des juifs et des musulmans.

L’intérêt pour les études interconfessionnelles est-il confiné au niveau organisationnel?Pas du tout. De nombreux citoyens souhaitent en appren-dre davantage sur l’interconfessionnalité, partager etrespecter leur prochain. En voici un exemple : il y a environtrois ans, une femme est venue me voir pour monter unprojet d’art avec des personnes de différentes confessions.

Mon épouse est directrice d’une école élémentaire juive àWestmount, et j’ai des collègues rattachés au systèmescolaire musulman, aussi lui ai-je dit : «Nous allons mettresur pied un projet interconfessionnel ». Quelques mois plustard, trois écoles, respectivement d’obédience juive, musul-mane et chrétienne, ont organisé deux journées d’acti-vités artistiques avec des parents, des enseignants et desécoliers, au cours desquelles ils ont réalisé des projetsartistiques et bâti des relations. Les médias avaient étéconviés à cet événement, mais malheureusement, aucunjournaliste n’est venu. Ce projet a obtenu beaucoup de suc-cès, mais n’a reçu aucun écho dans les médias, car personnen’a incendié d’église.

Accorde-t-on trop d’attention aux agressions? Certainement, et ces actes font l’objet d’une surmédi-atisation dans le seul but d’attiser la colère et l’animosité.Mais les actes positifs, comme ce projet artistique, n’intéres-sent pas du tout les médias. D’où l’impression parfaitementfausse que les religions sont perpétuellement en conflitles unes envers les autres. La xénophobie existe bel et bien,mais il est plus important de chercher à savoir comment ladésamorcer plutôt que d’accorder à certains une tribunepour qu’ils puissent donner libre cours à leurs excès.

L’Institut permettra la tenue de recherches et de forma-tions, de sorte que chacun puisse apprendre à organiser desséances de résolution de conflits et à œuvrer pour unesociété plus harmonieuse. Mais nous ne nous sommes pasuniquement motivés par les questions de fraternité. Il s’agitd’un projet éducatif très sérieux qui va au cœur desproblématiques religieuses et qui fait appel à des experts età des personnes qui s’efforcent de sonder la dynamique duprocessus décisionnel culturel et religieux.

L’idée est de former des chefs de file qui pourront aborderces questions avec intelligence et qui feront office d’arbitrespour que l’on puisse enfin mieux comprendre et vaincre cesobstacles. Resserrer les liens entre les représentants de cesgroupes devrait permettre d’éliminer une large partie destensions dont nous sommes victimes aujourd’hui. ■

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Financement de la recherche à McGill en 2005-2006 : 397,15 millions de dollars*

*McGill et hôpitaux affiliés

Repère historique 11995566Comme beaucoup de jeunes gens motivés, Thomas Changavait l’habitude de prolonger sa journée de travail à lamaison, à ceci près que son travail – tâche quasi impossible –consistait à créer la première cellule sanguine artificielle aumonde, et que son chez-soi était sa chambre de résidence auPavillon Douglas de l’Université McGill, où, en 1956, alors âgéde 23 ans, il menait des études de 1er cycle.

Fait remarquable, il y est parvenu. À l’aide de matérielimprovisé, notamment d’atomiseurs de parfum, il a réussi àcréer une poche de plastique perméable d’environ un milli-mètre de diamètre, capable de transporter l’hémoglobinepresque aussi efficacement qu’une cellule sanguine natu-relle. En 1989, la revue New Scientist a écrit que le projet derecherche du jeune étudiant –une idée« simple, élégante et

intellectuellement ambitieuse» – avait donné naissance à «une branche dynamique de larecherche et du développement biomédical».

Thomas Chang a par la suite poursuivi sa remarquable carrière à la tête du Centre derecherche sur les cellules et organes artificiels de l’Université McGill. À la fin des années1960, il a découvert que des enzymes transportées par des cellules artificielles pouvaientcorriger certains troubles du métabolisme. Il a également créé des cellules remplies de char-bon de bois pour traiter les intoxications médicamenteuses, une technique aujourd’huicourante. Ses travaux visant à trouver un substitut sanguin sécuritaire ont contribué àaccroître sa renommée à la suite des scandales du sang contaminé mis à jour au Canada aucours des années 1980 et 1990. En 1991, M. Chang a reçu l’Ordre du Canada.

Même s’il a été un temps considéré comme candidat possible au prix Nobel, ThomasChang n’a pas perdu de vue sa motivation première : « Je crois que pour le scientifi-que, ce qui importe le plus est ce qui est le plus utile au patient, pas ce qui est utile à saréputation ou ce qui rapporte le plus d’argent. Le patient doit être la principale sourcede motivation de notre travail. »

Bienen tete QUELQUES DONNÉES SUR LA RECHERCHE À MCGILL

Alors étudiant de premier cycle, Thomas Chang (photographié ci-dessus dans l’album de promotion Old McGill) a pris part à de nombreusesactivités parascolaires, dont celles del’Association de prémédecine, le Club de psychologie, le Club de musique,l’Association des étudiants chinois, les Jeunesses Musicales du Canada et l’Équipe de lutte interuniversitaire sénior, et a inventé la première cellule sanguine artificielle au monde.

Conférence mondiale sur la prévention du génocide

Du 11 au 13 octobre 2007

Montréal, QuébecCONFÉRENCIERS :

Hédi Fried Survivante de l’Holocauste

Marika NeniSurvivante du génocide rom

Youk Chhang Survivant du génocide cambodgien

Esther Mujawayo Survivante du génocide rwandais

Roméo Dallaire

Michael Ignatieff

Wole Soyinka

Luis Moreno Ocampo

Irwin Cotler

Jan Pronk

Mark Doyle

Brian Stewart

Juan Méndez

Francis Deng

Gareth Evans

Salih Mahmoud Osman

Richard Goldstone

Sir Shridath Ramphal

Ben Kiernan

Martha L. Minow

Alison Des Forges

William A. Schabas

Audrey Macklin

Rebecca HamiltonSon Altesse le prince Zeid Ra’ad Zeid Al-Hussein

Peter Leuprecht

Jean-Louis Roy

CONFÉRENCE SUR LES DROITSDE LA PERSONNEDE LA FAMILLE ECHENBERGUNIVERSITÉ MCGILL

Le Centre sur les droits de la personne et le plu-ralisme juridique de l’Université McGill est heu-reux d’accueillir la première conférence internationale du genre sur la prévention du gé-nocide. La conférence réunira des survivants, des militants de première ligne, d’éminents intellectuels ainsi que des chefs de file politiques et de la société civile des quatre coins du monde. Cette conférence avant-gardiste se veut une plateforme destinée à sus-citer un débat public et à donner lieu à la mise en place de politiques visant à empêcher les pires atrocités commises par l’homme.

Pour vous inscrire, consulter le programme ou obtenir de plus amples renseignements,

veuillez visiter le site :

www.efchr.mcgill.ca

FACULTÉDE DROIT

RESEARCH, DISCOVERY AND INNOVATION AT MCGILL UNIVERSITY