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Béroalde de Verville poète de la connaissance Author(s): Stephen Bamforth Source: Nouvelle Revue du XVIe Siècle, Vol. 14, No. 1, Poésie de la Connaissance (1996), pp. 43- 55 Published by: Librairie Droz Stable URL: http://www.jstor.org/stable/25598815 . Accessed: 16/06/2014 09:18 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Librairie Droz is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Nouvelle Revue du XVIe Siècle. http://www.jstor.org This content downloaded from 193.104.110.48 on Mon, 16 Jun 2014 09:18:48 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Poésie de la Connaissance || Béroalde de Verville poète de la connaissance

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Béroalde de Verville poète de la connaissanceAuthor(s): Stephen BamforthSource: Nouvelle Revue du XVIe Siècle, Vol. 14, No. 1, Poésie de la Connaissance (1996), pp. 43-55Published by: Librairie DrozStable URL: http://www.jstor.org/stable/25598815 .

Accessed: 16/06/2014 09:18

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Nouvelle Revue du Seizieme Siecle - 1996 - n? 14/1, pp. 43-55

BEROALDE DE VERVILLE POETE DE LA CONNAISSANCE

La poesie scientifique de Beroalde de Verville ? qui se compose pour Fessentiel de deux longs poemes, Les Cognoissances necessaires et De VAme et de ses facultez, tous les deux publies dans le recueil Les Apprehensions spi rituelles en 1583' ? n'a guere eu bonne presse. Les attaques commencent avec celle de Goujet

? ?Les Apprehensions spirituelles sont en prose: c'est un amas de reflexions metaphysiques & physiques, ou FAuteur babille beau

coup sans rien apprendre; rien n'y est approfondi, ni meme suivi. Les

Cognoissances necessaires, seconde piece de ce recueil, sont en vers... Ce

Poeme est long & tres-ennuyeux [...] Le Poeme de VAme et des ses facultes est une suite du premier... C'est encore beaucoup de verbiage?2. Ce jugement

entierement negatif ne fait que reprendre la condamnation prononcee par

Niceron sur l'ensemble de l'oeuvre de Verville3, et il a ete lui-meme repris par d'autres4. Albert-Marie Schmidt lui-meme, qui a tant fait pour faire recon

naltre le genre de la poesie scientifique, n'a vu dans Les Cognoissances neces

saires qu'un ?inutile fatrasspiritualiste?5. Or, il nous semble que le probleme

souleve par cette pluie de critiques, au-dela de sa cible immediate, pourrait etre qualifie de celui de la poesie scientifique en general, a savoir un pro bleme de lecture. Qui est le lecteur vise par la poesie scientifique de la renais

sance, et quel est son horizon d'attente? La question est fondamentale, et

pourtant on n'y a guere de reponse. Tout ce que je voudrais faire remarquer

ici est que la critique s'est penchee sur les rapports entre le poete et son

1 A Paris, chez Timothee Jouan. 2

Goujet, Bibliotheque francoise, ou Histoire de la litterature francoise (18 vol., Paris, 1740-56), XIV, pp. 191-192.

1 Pour Niceron {Me'moires pour servir a l'histoire des hommes illustres dans la Rtpubli que des lettres (43 vol., Paris, 1727-1745, vol. XXXIV) p. 226) le style de Verville est ?affecte, surcharge de pretendus agremens, & alambique par la Metaphysique qu'il y a repandue, ce qui rend la lecture de ses livres ennuyeuse a la mort...?.

4 Comme par exemple Henri Busson {Le Rationalisme dans la litterature francaise de la

Renaissance (Paris, 1957) p. 595), qui ne verrait dans les poemes scientifiques de Beroalde qu'un vaste ?coq-a-l'ane?.

5 Albert-Marie Schmidt, La Poesie scientifique au seizieme siecle en France (reimpr. Lausanne, 1970), p. 403.

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44 STEPHEN BAMFORTH

texte ? d'ou la definition bien connue d'Albert-Marie Schmidt6 ? tandis

que c'est le rapport entre le texte et son lecteur qui nous renseignerait vrai ment sur le fonctionnement de cette poesie. Pour ce qui est des definitions,

Dudley Wilson, a la memoire duquel ce volume est dedie, s'est montre plus reticent dans Panthologie sur French Renaissance Scientific Poetry qu'il a

publiee en 1974; ? Definitions are difficult to establish in a century which is not greatly preoccupied with such things.))7.

La remarque est tres juste, et nous rappelle que la poesie scientifique est un genre a multiples facettes. Si nous choisissons le cas de Beroalde de Ver

ville, c'est qu'en tant que poete scientifique, Beroalde reste meconnu; et

pourtant sa poesie scientifique represente deux particularites bien distinctes.

Premierement, ses deux grands poemes se situent dans le contexte de toute une pensee, et si nous savons peu de chose sur les lecteurs de ces textes, mis

k part Pidentite de leurs dedicataires, nous pouvons y discerner par contre

les elements d'un dialogue interne; Les Cognoissances et De VAme et de ses

facultez sont le reflet et la continuation d'un discours. Deuxiemement, et

c'est la suite logique de notre premiere constatation, Beroalde presente Pun des rares cas ou poesie et activite scientifique vont reellement de pair (Pautre

exemple evident serait celui de Peletier du Mans, et nous y reviendrons). Dans cet article nous ne pouvons guere faire plus que d'ouvrir le debat, en

rappellant le parcours de Beroalde scientifique, et en indiquant, dans un

deuxieme temps, un exemple de la nature des liens qui reunissent sa poesie

scientifique et les autres aspects de sa pensee. Une telle procedure nous sem

ble constituer la condition necessaire de toute approche de la poesie scientifi

que de l'auteur.

*

Rappelons done pour commencer que des le depart Beroalde est un ecri

vain scientifique. En 1578 il publie son edition du Theatre des instruments

mathematiques & mechaniques du mathematicien dauphinois Jacques Bes

son, collegue et ami de son pere Matthieu Brouard8. La paternite de Pintro

6 Cf. Schmidt, p. 15; ?... une poesie dont la fin derniere consiste a exposer sur le mode

lyrique, epique ou gnomique, a quels principes de synthese s'est soumis Fecrivain qui la cultive, pour ordonner en une cosmologie les r^sultats epars de la philosophic naturelle.? II est vrai que Schmidt parle egalement d'une poesie ?dont le propos primitif n'est jamais d'enseigner, puisqu'elle s'adresse aux habiles...?. Mais nous ne sommes pas beaucoup avanc?s.

7 Dudley Wilson (ed.), French Renaissance Scientific Poetry (Londres, 1974), p. 1.

' L'edition sort des presses de Bartheiemy Vincent, a Lyon; sur les rapports entre Jacques Besson et Matthieu Brouard, cf. N. Weiss, ?Une des premieres 6coles de theologie protestantes en France, Orleans 1561-1568 ?, Bulletin de la Socie'te' de VHistoire du protestantisme frangais LX (1911), pp. 218-224.

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BEROALDE DE VERVILLE POETE DE LA CONNAISSANCE 45

duction et des commentaires du texte de Besson lui a ete contestee, mais, nous semble-t-il, a tort9. Contentons-nous ici de faire remarquer que nous

savons que Beroalde a fait un sejour a Bale, tres vraisemblablement vers la fin des annees 157010, et que la dedicace de l'oeuvre de Besson a Francis Has

tings, fils du Earl of Huntingdon, est signe ?De Basle ce premier d'Octobre, 1578 Vostre serviteur toute sa vie, Francois Beroald?M. II est a noter egale

ment que cette preface annonce un theme qui revient quasiment en ?leitmo

tif? a travers l'oeuvre de Beroalde. Beroalde loue la ?Mechanique? dans les termes suivants

... puis qu'entre les arts qui gisent en practique, il n'y en a plus vne ni

plus recreatiue pour la gentillesse des inuentions, ni plus vtile, voire plus necessaire en infinies occasions, & en toute maniere de viure: a

grand'peine aussi s'en trouuera-il aucune plus digne d'estre cognue &

practiquee par l'aide des grands, ordonnez de Dieu pour aider & soula

ger les petis. Ceci se pourroit beaucoup amplifier & demonstrer par

tres-grandes & inuincibles raisons, mais ie me contenteray d'en dire vne

pour toutes: ascauoir que si la contemplation des proportions des nom

bres, poincts, & mesures es choses artificielles, est inutile si elle n'est

rapportee a Faction, il s'ensuit que la mechanique est le fruit de la geo

metric, & par consequent, le but d'icelle12.

La persuasion que le savoir ne vaut rien si on le sait pas mettre en effet

est la cle de voute de la philosophic scientifique de Beroalde. Dans les

Recherches de lapierrephilosophale, publie en 1583, il explique dans le detail

la nature de sa pensee;

Et pourtant i'estime, comme fera tout sain iugement qui vouldra consi derer sans passion, qu'il ne faut pas poser la seule speculation es scien ces humaines, pour leur perfection, & seul but, d'autant que ce seroit

9 Cf. E. Droz, Chemins del'he're'sie: textes et documents (4 vol., Geneve, 1970-1976), vol.

IV, pp. 271-372, et surtout pp. 328 ff. Pour Mile Droz l'auteur de ces commentaires n'est pas Francois Beroalde, mais plutot l'humaniste Francois Beraud. Son avis a ete suivi par d'autres; mais comment expliquer que le Francois Beroald qui dedie a Francis Hastings l'edition de 1579 du The'atre de Besson signe deux poemes liminaires de la legende ?Musa foelicitas altera?, devise qu'on retrouve sur des ouvrages authentiques de Beroalde de Verville, y compris Les

Apprehensionsspirituelles elles-memes? Comme nous allons le voir, 1'evidence interne du texte

egalement semble bien indiquer que c'est de notre Beroalde qu'il s'agit. 10 Cf. Le Palais des curieux (Paris, 1612), p. 420, ou il parle de ce sejour. Pour ce qui est

des reperes chronologiques, remarquons que quelques lignes plus tot Beroalde ecrit ?Des l'an mil cinq cens septante sept ie pensois estre scauant...?, et que nous savons que Beroalde se retrouvait a Geneve, d'oii il aurait pu faire le voyage, de 1572 a 1578 environ (cf. VL.-Saulnier, ?Etude sur Beroalde de Verville?, Bibliotheque d'Humanisme et Renaissance V (1944), pp. 214-220.

" Jacques Besson, The'atre des Instruments Mathematiques & Mechaniques... Avec

Vinterpretation des figures d'iceluy, par Francois Beroald (Lyon, Barthelemy Vincent, 1579), f. Aii r?.

12 Ibid.

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46 STEPHEN BAMFORTH

en abuser: car sans Fvsage sensible, & vrayement a elles propre & natu

rel, a quoy peut seruir la philosophic qui court tant par la bouche des hommes auec si beaux termes, si equitables raisons, si saintes causes, si iustes demonstrations intellectuelles, si braues discours, si les mais tres n'en peuuent monstrer vn seul profit, autre que Fintelligence abs tracte qui ne donne rien au corps, ne bastit les maisons, ne chasse le

froid, ne subvient a nos necessites generalles, ains nous laisse pour tout vn fantasie contentement feint simplement en l'esprit...'3

Ici le contexte est celui de Falchimie, et c'est sans doute la reputation de Beroalde alchimiste qui est la mieux connue. Les references a Falchimie se

multiplient dans l'oeuvre, et avec ses Recherches Beroalde y consacre tout un

traite. Authentique amateur de Falchimie, Beroalde s'oppose aux charlatans

qui deforment Fart en promettant des fortunes a leurs clients, et l'ouvrage contient une preface ?contre les soufleurs imposteurs & sophistes? dont les activites ont cause tant de dommage a la reputation de Fart royal;

Mais pource que tout est descheu par le malheur qui agitte maintenant

Funiuers, ceste veritable science a este gastee, & tellement renuersee,

qu'on n'en a plus que le simple nom, dont auiourd'huy on se sert a

couurir la plus grande & dommageable imposture du monde14.

Le theme est traditionnel, mais dans le cas de Beroalde deux remarques

s'imposent. Tout d'abord Falchimie pour Beroalde est indissociable de la medecine et de la preparation des remedes metalliques. Ici nous ne pouvons

qu'effleurer cet aspect de la carriere de Beroalde, mais signalons rapidement que autour des annees 1610 Beroalde est medecin chimiste et sans doute conseiller du roi a la cour du tout jeune Louis XIII, et qu'en plus il aura la

reputation de grand specialiste dans Fart de fabriquer For potable15. L'orien

tation est deja bien presente dans les Recherches de la pierre philosophale, ou il est clair que s'il denombre Falchimie parmi les arts qui sont le plus a

priser, c'est que pour lui

l'Alchymie... concerne le plus beau de la Medecine, & entretien de ceste

vie mortelle & caduque, d'autant qu'elle ne laisse iamais auoir disette ceux qui la scauent, ains leur presente le Souuerain remede contre tou

tes maladies, donnant la vraye conseruation de sante, ains que disent ceux qui ont cogneu les secrets que le tout puissant a voulu estre cachez sous si bel art16.

" Recherches de la pierre philosophale, dans Les Apprehensions spirituelles (Paris, Jouan, 1583), f. 89 r?.

14 Loc.cit., f. 81 r?.

" Voir notre article ?Autour du manuscrit 516 du Wellcome Institute de Londres: quel ques reflexions sur Beroalde de Verville alchimiste?, a paraitre dans les Cahiers V.L. Saulnier n? 12, sous presse.

16 Les Apprehensions spirituelles, f. 81 r?.

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BEROALDE DE VERVILLE POfeTE DE LA CONNAISSANCE 47

C'est cette image que Beroalde oppose a celle de Palchimie dechue et

devenue la pature des charlatans; Pimage en est peut-etre une qu'il a apprise au cours de ses journees estudiantines a Bale, Bale qui etait un centre non

seulement pour Palchimie mais egalement pour la medecine paracelsienne17.

Quoi qu'il en soit, le lien entre alchimie et medecine est un lien auquel il

croira pendant toute sa vie;

Et de faict ie diray librement comme ie le pense auoir diet ailleurs, que tout Physicien qui n'est point alquemiste, va filosofant a cloche-pied...

ecrira-t-il dans le Palais des curieux de 161218. Le deuxieme element fondamental de Palchimie telle qu'elle est concue

par Beroalde s'identifie avec le theme que nous avons deja note. La science n'est rien sans sa mise en oeuvre;

... tout medecin qui n'est pas empyrique, est ainsi qu'vn Prestre qui n'est pas clerc; ie voudrois que la science et la practique fussent bien vnies ensemble...19

Pour Beroalde c'est la definition meme de la philosophic, point de vue

qu'il declarera en toutes lettres dans ses Recherches de la pierre philosophale. La connaissance sans la pratique est sans valeur, tout comme l'experience

sans la science pour la guider ne produit aucun resultat;

... car discourir de la Philosophic & sur tout ce qui est de la nature sans

experience, est parler comme vne pie en cage, & au lieu de dire sa science

dire celle d'autruy: aussi n'auoir que la seule rude experience trouuee le plus souuant par hazard, est suyure sans raison les obiets par vn ins tinct auantureux ou Pinclination pousse, parquoy il faut ioindre Pvn & l'autre entant qu'il se peut20.

L'accent tombe done sur la demonstration;

... donques en ce qui est mutuelement de tous deux, ils doiuent estre necessairement conioints pour la vraye cognoissance de ce qui appar tient a la Philosophic, laquelle n'est autre chose que la consideration de tout ce qui tombe en Pintellect & en la practique. Aussi est-ce estre sage que de cognoistre tout, & desirer la sagesse est vouloir apprendre toutes

choses pour les entendre & mettre en effait: car on n'entend rien si on ne le scait demonstrer2'.

17 Voir l'article cite supra. ' Le Palais des curieux, p. 119.

" Ibid. 20 Les Apprehensions spirituelles, f. 92 r?. 21

Loc.cit., f. 92 v?.

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48 STEPHEN BAMFORTH

Ce ne sont pas des formules creuses, mais au contraire, autant qu'on

puisse en juger, les principes memes de Fart alchimique telle qu'elle est prati quee par Beroalde. II s'oppose et a ceux qui condamnent Falchimie en bloc et aux charlatans qui font tomber Falchimie dans le discredit. II s'explique dans l'objet XLI du Palais des curieux, ?Aduertissement sur la proposition d'erreur faicte par les ignorans de FAlchemie?;

II y a des hommes si temeraires & impudents, qu'ils condamnent violen tement tout ce qu'ils ignorent, & pensent que le deffaut de leur esprit, soit vne maladie commune a toutes ames: Entre autres, i'en remarque ray deux sortes, plusieurs Alchemistes & trop de leurs aduersaires: ces

Alchemistes qui iugent sans science, sont artistes qui pensent que leurs

imaginations soient vrayes, & les autres qui soubs ombre de ceux-cy condamnent tout, sont gens, ou sans iugement, ou despourueuz de doc

trine pour de tel sujet22.

C'est a ceux qui condamnent Falchimie que Beroalde choisit de repondre, en defendant avec vigueur la ?vraie chimie? (Fimportance des idees qu'il y

exprime excusera, esperons-le, la longueur de la citation);

Quant aux premiers, ie les laisseray pour cette heure, n'ayant delibere de les enseigner, pour ce que ie n'ay pas le loisir: Les autres ie les exami

neray en passant, donnant vne espece de lumiere a ceux qui auront

desir, non de s'offencer de tout, mais d'entendre la raison. Ce n'est pas bien dispute que mettre en auant des propositions & les debattre, sans

auoir cognoissance de ce dont la question s'esmeut: ainsi en sont les aduersaires des doctes Chimistes, desquels la science est veritable, & non vn vulgaire abus, & art courant apres la faussete, tel que les autres

le pensent. Le sujet de la Chimie est grand, & peu cogneu, & bien qu'il se trouue souuent enuiron les metaux, si ne sont-ils par son premier &

souuerain sujet, lequel est en vne matiere plus excellente, qui pour sa

valeur, non en l'estimation vulgaire, mais pour son extreme effect, est

dite OR, & sur ce mot plusieurs (qui aiment plus For que la piete, & qui ne sont ny disent rien qu'au prix de For, apres lequel ils souspirent eter

nellement) s'abusent & forment de belles & vaines fantaisies sur leur

these fausse. Ne croyez pas ames susceptibles de science que For des

sages soit vn or qui se presse entre deux fers, pour ayant l'armoirie &

figure de Prince vous seruir de pleige pour tout...23

Encore une fois Beroalde ne fait que reprendre des idees qu'il avait deja enoncees dans les Recherches de la pierre philosophale. Le vrai sujet de

Falchimie est la preparation des remedes medicaux, et penser autrement est

confondre le faux avec le vrai. Dans les Recherches Beroalde avait deja utilise

la meme metaphore de la frappe des monnaies pour decrier ceux qui ne

22 Le Palais des curieux, p. 318. 23

Loc.cit., pp. 318-319.

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BEROALDE DE VERVILLE POfeTE DE LA CONNAISSANCE 49

voient dans Por que la materialisme du gain; les ?sages philosophes? font autrement

... & ceux qui veulent estre a bon droit Philosophes, ne le doiuent point estre d'vn or, qui suiet aux coups d'vn auaritieux ouurier seroit presse

miserable entre deux fers, pour receuant vne image morte, seruir aux

hommes de respondant de tout ce qu'ils ont affaire les vns des autres:

Por qu'ils recherchoient n'estoit point malleable seulement, il estoit

pour seruir a la sante & entretenement du corps humain...24

Mais ce que nous voudrions souligner surtout est que dans le passage du

Palais des curieux les raisons qu'il oppose aux critiques de Palchimie sont des

raisons d'ordre technique et scientifique; l'accent est toujours sur la pratique et contre le dogmatisme

?

Vous aduersaires de la Philosophic actuelle, dictes moy si vous scauez la raison pourquoy le sel commun dissoult Por commun, & pourquoy les eaues corrosiues qui peuuent sur Por ne peuuent sur l'argent, pour quoy le sel commun pette sur le feu, & estant decrepite si arreste atten

dant fusion? vous ne le scauriez dire, & ce sont choses aisees & mesmes

descrites es raisons du Filosofe, & toutesfois vous ne le scauriez enten

dre que vous n'ayez practique le fourneau25.

Autrement dit, Beroalde est un empirique, qui met sa foi dans la pratique. Une telle attitude n'est pas sans avoir ses reflets ailleurs dans l'oeuvre. Ce qui est vrai de sa philosophic comme alchimiste et medecine Pest autant de son

enthousiasme comme mathematicien. C'est par la mathematique et la meca

nique, nous Pavons vu tout a Pheure, que Beroalde fait ses debuts, et lui meme dans le Palais des curieux parlera des mathematiques comme de sa

?premiere & plus aimee profession?26. II va encore plus loin en disant

Des la sortie de mon enfance les Mathematiques ont este le souuerain bien de mon esprit, & croy que si i'eusse eu en ce temps-la vn mecenas

pour m'y aider i'eusse atteint vne grande perfection27.

Faut-il y voir une reference a la dedicace k Francis Hastings des commentai res du Theatre de Besson? Dans le dernier de ces commentaires, en effet, nous lisons le texte suivant, texte qui est a la fois une promesse et une

demande;

... Voila ce que pour maintenant Dieu m'a donne pour vous communi

quer sur ces machines, ce que i'espere deduire particulierement par rai sons demonstratiues en vn autre liure que Dieu aidant ie mettray en

14 Les Apprehensions spirituelles, f. 98 r?. 25 Le Palais des curieux, p. 320. "

Loc.cit., p. 164. 21

Loc.cit., p. 463.

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50 STEPHEN BAMFORTH

lumiere, si vostre bon oeil & la faueur de ceux qui ont la puissance & le vouloir de ce faire m'y incitent & aident: vous priant cependant de receuoir le tout en bonne part28.

Ce texte date de 1578; est-ce une coincidence si en 1583, lorsque Beroalde

dedie a Rene du Gast son recueil Les Apprehensions spirituelles, il se referera tout particulierement a toute une serie de deceptions dont du Gast est venu

le sauver29? En fait, nous savons trop peu de la vie de Beroalde entre 1578 et 1583 pour pouvoir affirmer si Beroalde a vraiment cherche pendant cette

periode un ou des mecenes pour des ouvrages mathematiques. Tout ce que nous pouvons dire est qu'a plusieurs reprises dans le Palais des curieux Beroalde revient au theme de son amour des sciences mecaniques et mathe

matiques, ?n'ayant & ne voulant?, dit-il, ?avoir autre affaire qu'a mes petits

exercices Mathematiques & Filosofiques?30. Notons egalement que,- tou

jours dans le Palais des curieux, Beroalde se refere a ?mes Elemens Mechani

ques?31 ?

s'agirait-il de ?Fautre livre? dont il est question dans les commen

taires de Besson, et pour lequel il aurait cherche en vain un mecene? Signa lons en passant un autre ouvrage maintenant perdu dont il est question dans

Le Palais, a savoir ?mon oeuvre de Fart de la grande science sensuelle?, oeuvre dans laquelle, assure Beroalde, ?je demonstre combien il y a es subs tances de sortes de liqueurs, de sels, & de terres: & les moyens de les extraire

parfaictement?32. C'est-a-dire que nous nous retrouvons toujours dans le

domaine de la science pratique, et en Foccurrence de la preparation des reme

des chimiques ? et toujours dans le sillage de Jacques Besson, qui avait

publie en 1573 son Art et moyen parfaict de tirer huyles et eaux de tous medi caments simples & oleogineux33. Le principal, cependant, comme nous

Favons deja indique, est que dans son attitude envers les mathematiques

21 Besson, The'atre, ed. cit., f. Eiiij v?.

29 Cf. Les Apprehensions spirituelles, f. aij r?-v?; ... me voyant destourne par les cruautez de ma fortune, qui me manioit auec tant de trauerses, au lieu d'une braue resolution, ie mettois presque en mon courage vn lasche desespoir, detestant & la grande enuie qui me poussoit a choses plus qu'humaines, & l'infidelite du destin qui me trompoit en mes esperances, tant

qu'en fin, presage certain de ma felicite, regardant la balance de mes desseins, vous auez fait que mon auanture ait incline du meilleur coste...

10 Le Palais des curieux, p. 557. 11 Loc. cit., p. 551. 32 Loc. cit., p. 510. JJ

Paris, Galiot du Pre. Le livre traite de la distillation et de Papplication des proc6des chimiques a la medecine; cf. A.G. Debus, The French Paracelsians: the chemical challenge to medical and scientific tradition in early modern France (Cambridge, 1991), p. 32, et surtout L. Thorndike, A History of Magic and Experimental Science (8 vol., New York, 1923-1958), V, pp. 589-593.

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BEROALDE DE VERVILLE POETE DE LA CONNAISSANCE 51

Beroalde met en evidence la meme philosophic dont il est question pour Palchimie. En effet, il fait remarquer dans le Palais des curieux

... aussi ie suis Mathematicien; ie ne concede rien en science que ce qui m'est demonstre, & sur tout es sujets ou les sens sont requis, & qui sont

pour nous, & dont la cognoissance est de la Jurisdiction de nostre

entendement34.

Ici il faudrait revenir au parallele que nous avons cite en tete de cet article, celui de Peletier du Mans. Ne en 1517, Peletier etait d'une autre generation

que Beroalde, et avait presque quarante ans de plus que lui35. II est d'autant

plus frappant que Beroalde lui rend Phommage qu'il le fait dans les pages du Palais des curieux; non seulement il loue le mathematicien, et se precipite

pour defendre le reformateur de l'orthographe, mais il est tout fier de pou voir se nommer Pami de Peletier;

... Iettant les yeux ca et la, ie voy Pelletier qui a este le plus intelligible en demonstrations Mathematiques de tous ceux qui ont escrit, he bien

il a voulu faire l'orthographe Francoise, & le pauuret n'a pas auise qu'il estoit Manceau, si quelqu'un le vouloit blasmer, i'ay encor vn reste

d'espee pour le deffendre, car il a este mon amy, duquel ie puis dire la

mignone inaduertance, par ce qu'il m'en a donne conge36.

Peletier est mort en 1582, une annee avant la publication des Apprehen sions spirituelles, mais il publiait a Paris en 1581 ses propres Louanges37. Est ce done a ce moment-la que Beroalde Pa connu? Nous ne pouvons Paffir

mer, mais ce qui ne fait pas de doute est l'affinite d'interets entre les deux

hommes, quelle que soit la difference d'age. Nous ne pouvons pas poursui vre ici toutes ces ressemblances dans le detail; contentons-nous d'en indiquer tes principales. Beroalde, nous Pavons vu, parle des mathematiques comme

de sa ?premiere & plus aimee profession?; Peletier evoque pour sa part ?... la Matematique, laquelle i'ai tousiours estimee entre les autres, comme

le Soleil entre les etoiles?38. Beroalde est medecin; Peletier egalement a fait des etudes medicates39. Peletier met en place un nouveau systeme d'ortho

54 Le Palais des curieux, p. 45. 35 Peletier avait presque exactement le meme age que le pere de Beroalde, Matthieu

Brouard, qui lui serait n? en 1516 (cf. Saulnier, ?Etude?, p. 211). 56 Le Palais des curieux, p. 343. 37 Euvres poetiques de Iacques Peletier du Mans, intitule'z Louanges (Paris, Robert Cou

lombel, 1581). "

LAritmetique de Iacques Peletier du Mans, departie en 4 liures (2e edition, Poitiers, de Marnef, 1552), f. iiij v?.

39 Cf. A. Boulanger (ed), LArt Poetique de Jacques Peletier du Mans (1555) (Paris, 1930), p. 19.

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52 STEPHEN BAMFORTH

graphe; Beroalde lui aussi est fascine par Forthographe et par les questions de langage40. Peletier est polymathe, tout comme Beroalde, et pour lui comme pour Beroalde, la poesie n'est qu'une activite entre autres. Tous les

deux, en fait, expriment une attitude plutot desinvolte a l'egard de Fart des neuf soeurs ? Peletier qui proclame

... Poesie en moy n'est, Dieu mercy, Le meilleur don, et n'est le pire aussi41;

Beroalde qui fait Faveu assez nonchalant

... graces a Dieu, la poesie Francoise ne me couste gueres, ie suis tou

siours prest pour en faire eschaper quelque piece42.

Fait le plus significatif, sans doute, les deux partagent la meme vision de l'homme scientifique. En faisant Faveu ?Ie tiens qu'il n'y a point de plaisir egal a celuy d'apprendre tousiours... c'est mon vnique passion?43, Beroalde

ne fait que confirmer le portrait de l'homme scientifique tel qu'il est brosse

par Peletier,

... qui an vivant tousjours desire antandre, E qui trouve sans fin ou ses desirs etandre44.

Cependant, il est plus frappant encore que nous retrouvons chez Peletier la meme conviction pour ce qui est de la nature de la connaissance elle-meme; pour Beroalde, ?on n'entend rien si on ne le sgait demonstrer?, pour Peletier

La Verite n'et point, sinon de quelque fet: E ne vient nul profit, sinon de quelque efet45.

A l'image de Beroalde dans les Recherches de la pierre philosophale, texte

publie deux annees plus tard, Peletier insiste dans sa Louange de la Sciance sur Fetroite union qui doit exister entre theorie et pratique;

Qui du Contamplatif et ardammant epris, Met Feuvre Mecanique esemant a mepris:

Non sans vn grand debat de contreres resons...

40 L'evidence la plus frappante est celle du Palais des curieux, ou une preoccupation avec les mots revient sans cesse (objets I, VI, XII, XXVIII, XXXI, XXXVI, XXXVII, XLII, XLIII,

XLIIII, XLV, XLVI, XLVII...). 41 ?A Monsieur de Saint Gelais?, dans les CEuvres poetiques de 1547, edition de Leon

Seche et Paul Laumonier (reimpr. Geneve, 1970), p. 136. 42 Le Palais des curieux, p. 22. 43 Loc. cit., p. 423. 44

Louanges, f. 58 v?. 45 Loc. cit., f. 46 v?.

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BEROALDE DE VERVILLE PO&TE DE LA CONNAISSANCE 53

Qui a la Teorique an ses causes prouvee,

Qu'apres l'experiance, an operant trouvee?46

*

C'est dans ce contexte, done, qu'il faut faire Papproche de la poesie scien

tifique de Beroalde. C'est un pareil enthousiasme pour la recherche de la

connaissance, et une pareille philosophic de la connaissance elle-meme, qui

guidera les deux poemes Les Cognoissances necessaires et DeVAme et de ses

facultez. C'est sur ces valeurs, en effet, que Beroalde insistera au tout debut

des Cognoissances necessaires;

Ie recherche de tout la forme interieure, La matiere du monde, & de ce qui demeure, Dessous l'enclos du ciel, & les iustes accords,

Qui tiennent les espris arrestes a leurs corps, Et volant bien heureux de Pvn a l'autre pole Pousse d'vn beau desir sur l'air de ma parole Ie me guinde a ce rien duquel Peternite

A tire l'existant de ce corps limite.

Ie monte, ie descens, et d'vne ame rauie

Je cherche tels secres, sans peine et sans enuie, Et aux opinions n'estant point arreste, De nature ie dis selon la verite47.

En ecrivant ces lignes Beroalde affiche une independance a Pegard des autres

a laquelle il sera toujours fidele dans Le Palais des curieux de 1612;

Et ie voudrois que tout ce que l'on escrit fut aussi bien notte qu'est cecy,

qui n'a gueres d'exception, pour ce que le plus souuent ie Pay observe estre certain: Ie trouue fort mauuaise l'authorite qui est prononcee, ON

DIT...48

Ie me transporters presques, le zele de la verite me faisant exagerer, afin d'inuiter chacun d'exposer & proposer ce qu'il scait, sans s'amuser a la science d'autruy, ce que nous auons fait, apris, veu & cognu est nos

tre propre science, & de telle ie veux faire exercice pour viure heureux49

Et pour ce ie suis prest a tout escouter, voir & obseruer, & puis repassant sur les sujets ie ne me contente pas de dire selon le commun, on dit, on

croid, mais ie profere hardiment, cela est50.

46 Loc. cit., f. 45 r?-v?. 47

Les Cognoissances necessaires, f. 1 v?. 41 Le Palais des curieux, p. 73. 49 Loc. cit., p. 75. 50 Loc. cit., p. 312.

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54 STEPHEN BAMFORTH

Un meme individualisme distinguera le projet que se dessine Beroalde

dans De VAme et de ses facultez;

Apres auoir tente la matiere du monde, Son estat eternel, & sa forme seconde, Assemble maints suiets en vn chaos diuers, Des couleurs de nature ayant vestu mes vers, Demeslant le plotton des formes que Famasse, A fin qu'en sa beaute sa beaute ne s'efface: Mon discours me contraint de prendre separez Les traits que i'ay desia diuersement tires, Et choisissant de tout la plus belle partie, Chanter le doux effait, qui nous donne la vie51.

La logique est celle de Fitineraire scientifique que Beroalde s'est impose dans ses deux poemes. Apres avoir decrit la creation du monde, de l'homme

et de la femme, il va celebrer Fame qui est le principe de vie de la creation en entier. Ceci faisant, Beroalde cree un nouveau domaine pour la poesie

scientifique, et qui s'apparenterait en fait moins a la poesie qu'aux traites en

prose sur la psychologie du Moyen Age. Beroalde voudrait dans sa poesie

scientifique suivre un principe qui est celui de sa philosophic scientifique en

general. II s'agit d'une recherche de la verite qui representerait le refus des

dogmatismes, et Felaboration d'un point de vue personnel, tel qu'il Fexpli que dans la preface a du Gast du recueil des Apprehensions spirituelles:

ie ne me veux vanter que de mon ignorance, que ie confesseray libre

ment, & sur tout a ceux qui par la force d'vn sain iugement estimeront

que c'est que de scauoir, aussi ce que i'escry, n'est point pour enseigner, comme docte, ains pour communiquer mes iustes opinions & establir vn moyen en ce qui en ceste matiere, peut estre dit verite52.

Quelles que soient les peripeties de la carriere de Beroalde, c'est a ce point de vue qu'il restera fidele. II est a noter que dans Le Palais des curieux, bien

que le ton soit devenu plus desinvolte, Fobjectif reste identique;

... Afin que l'on scache ce que ie presente en ce chaos, Ie vous dy que c'est un recueuil [sic] de ce que i'ay pense de plus beau selon le iugement de mes yeux, & de plus doux a la discretion de mon oreille...53

Rappelons d'ailleurs que c'est encore d'une recherche personnelle qu'il

s'agissait dans le cas du mysterieux manuscrit alchimique que Beroalde a

laisse a sa mort, et auquel il attachait tant d'importance en dictant les clauses

de son testament ?

51 [Les Cognoissances necessaires), f. 26 r? [debut de De I'Ame et de ses facultez].

52 Les Apprehensions spirituelles, f. a iij v?. 53 Le Palais des curieux, p. 4.

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BEROALDE DE VERVILLE POETE DE LA CONNAISSANCE 55

Declare aussy led. sr de Beroalde qu'il veult et entend que l'exemplaire et escript par luy faict et compille intitule de la phisicque soyt mis es mains desd. anciens et surveillans de la religion pretendue refformee de

ceste ville, pour estre par eulx s'il se trouve que bon soyt faict impri mer...54

Dans Pinventaire apres deces ce texte est sechement decrit comme il

s'ensuit ?

?cahier relye non couvert contenant quatre vingtz quatorze feuil

letz de pappier escriptz a la main, intitule en ces motz le grand oeuvre qui est Pintroduction de la vraye cognoissance de nature, annote en plusieurs endroictz des marges de chacune page de la main dudict deffunct sieur de

Beroalde?55. Le titre de ce dernier ouvrage perdu de Beroalde sonne comme

un echo curieux de la toute derniere phrase de son tout premier ouvrage dans son propre nom, le traite en prose des Apprehensions spirituelles;

... & pource que ie pose le souuerain bien en la cognoissance de la verite

& en la pertuelle volonte qu'on a de la pousuyure, ie n'arracheray iamais de mon ame cette belle Idee dont la force me contraint a me vouer a

elle, & a la suyure56.

Une telle aspiration a la connaissance reste en filigrane a travers toute la

vie de Beroalde de Verville, tout comme il a ete le cas pour son ami Peletier du Mans57. Cette aspiration revet de nombreuses formes, et litterales et ludi

ques. Nous devons nous contenter ici de reaffirmer que tel serait le point de

depart necessaire pour une lecture de sa poesie scientifique, qu'il serait autre

ment trop facile de marginaliser. Le mot de conclusion, en somme, ne peut etre autre que celui de Beroalde lui-meme:

Tous ces diuers discours l'vn de l'autre dependent: Ne les iugez done point que vous n'ayez tout leu: Car la iuste raison par laquelle ils s'entendent Seroit possible au point que vous n'auriez pas veu58.

Universite de Nottingham. Stephen Bamforth.

54 I. Ardouin-Weiss, ?Beroalde de Verville: testament inedit et documents nouveaux?, Bulletin de la Societe d'histoire du protestantisme francais CXXXII (1986), pp. 526-527.

55 Loc. cit., p. 535. 56 Les Apprehensions spirituelles, f. 55 v?. 57 Sur le theme de l'aspiration de la connaissance chez Peletier, voir surtout Hans Staub,

Le curieux desir. Sceve et Peletier du Mans poetes de la connaissance (Geneve, 1967), chapitre I. C'est a Staub, on l'aura constate, que nous avons emprunte le titre de notre article.

51 Les Cognoissances necessaires, feuillet liminaire non signe.

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