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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 333, Série I, p. 931–934, 2001 Géométrie algébrique/Algebraic Geometry (Théorie des nombres/Number Theory) Points cubiques sur la quartique de Klein Oumar SALL a,b a Département de mathématiques et informatique, faculté des sciences et techniques, Université C.A.-Diop, Dakar, Sénégal b UFR mathématiques, Université Paris-7, case 7012, 2, place Jussieu, 75251 Paris cedex 05, France Courriel : [email protected] (Reçu le 4 septembre 2001, accepté le 5 septembre 2001) Résumé. Nous déterminons l’ensemble des points algébriques de degré au plus 3 sur la quartique de Klein. L’énoncé obtenu étend un résultat donné par Hurwitz, qui décrivait l’ensemble des points rationnels sur la courbe étudiée. 2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS Cubic points on the Klein quartic curve Abstract. In this Note, we determine the set of algebraic points of degree at most 3 on the Klein quartic curve. This result extends a previous result given by Hurwitz, who described the set of rational points. 2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS 1. Présentation du résultat Étant donné une courbe algébrique projective lisse C définie sur Q, on note C(K) l’ensemble des points de C rationnels sur un corps de nombres K ; on sait que, pour une courbe de genre g 2, cet ensemble est fini. On s’intéresse ici à l’ensemble [K:Q]d C(K) des points de C définis sur K de degré d. Le degré d’un point algébrique est le degré de son corps de définition sur Q. Des résultats qualitatifs sur les points de degré d sur une courbe peuvent être déduit du théorème de Faltings concernant les points rationnels d’une sous-variété de variété abélienne; on peut se référer par exemple aux travaux de Debarre et Klassen [3]. On remarque que ces points correspondent aux points rationnels sur le produit symétrique de d copies de la courbe ; en notant J = J (C) la Jacobienne de C et en utilisant le théorème d’Abel–Jacobi, on obtient par exemple que l’ensemble [L:K]d C(L) est fini si et seulement si : 1) il n’y a pas de K -morphisme fini C P 1 de degré d, 2) la sous-variété W d = C + ··· + C J (C) a un nombre fini de points rationnels, ou encore ne contient pas de translaté de sous-variété abélienne de dimension > 0 ayant un groupe de Mordell–Weil infini sur K . Divers travaux étudient cette question [1,2,5]. Tous ces énoncés sont qualitatifs. Néamoins, notre travail va consister en l’étude d’un cas particulier, où l’on peut déterminer explicitement les points algébriques de Note présentée par Jean-Pierre SERRE. S0764-4442(01)02141-3/FLA 2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés 931

Points cubiques sur la quartique de Klein

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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 333, Série I, p. 931–934, 2001Géométrie algébrique/Algebraic Geometry(Théorie des nombres/Number Theory)

Points cubiques sur la quartique de KleinOumar SALL a,b

a Département de mathématiques et informatique, faculté des sciences et techniques, Université C.A.-Diop,Dakar, Sénégal

b UFR mathématiques, Université Paris-7, case 7012, 2, place Jussieu, 75251 Paris cedex 05, FranceCourriel : [email protected]

(Reçu le 4 septembre 2001, accepté le 5 septembre 2001)

Résumé. Nous déterminons l’ensemble des points algébriques de degré au plus3 sur la quartiquede Klein. L’énoncé obtenu étend un résultat donné par Hurwitz, qui décrivait l’ensembledes points rationnels sur la courbe étudiée. 2001 Académie des sciences/Éditionsscientifiques et médicales Elsevier SAS

Cubic points on the Klein quartic curve

Abstract. In this Note, we determine the set of algebraic points of degree at most 3 on the Kleinquartic curve. This result extends a previous result given by Hurwitz, who described theset of rational points. 2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicalesElsevier SAS

1. Présentation du résultat

Étant donné une courbe algébrique projective lisseC définie surQ, on noteC(K) l’ensemble des pointsdeC rationnels sur un corps de nombresK ; on sait que, pour une courbe de genreg � 2, cet ensemble estfini. On s’intéresse ici à l’ensemble

⋃[K:Q]�d C(K) des points deC définis surK de degré� d. Le degré

d’un point algébrique est le degré de son corps de définition surQ.Des résultats qualitatifs sur les points de degré� d sur une courbe peuvent être déduit du théorème de

Faltings concernant les points rationnels d’une sous-variété de variété abélienne ; on peut se référer parexemple aux travaux de Debarre et Klassen [3]. On remarque que ces points correspondent aux pointsrationnels sur le produit symétrique ded copies de la courbe ; en notantJ = J(C) la Jacobienne deC eten utilisant le théorème d’Abel–Jacobi, on obtient par exemple que l’ensemble

⋃[L:K]�dC(L) est fini si et

seulement si :1) il n’y a pas deK-morphisme finiC →P1 de degré� d,2) la sous-variétéWd =C + · · ·+C ⊂ J(C) a un nombre fini de points rationnels, ou encore ne contient

pas de translaté de sous-variété abélienne de dimension> 0 ayant un groupe de Mordell–Weil infinisurK .

Divers travaux étudient cette question [1,2,5]. Tous ces énoncés sont qualitatifs. Néamoins, notre travailva consister en l’étude d’un cas particulier, où l’on peut déterminer explicitement les points algébriques de

Note présentée par Jean-Pierre SERRE.

S0764-4442(01)02141-3/FLA 2001 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés 931

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degré donné. Il semble qu’une condition indispensable est le fait queJ(C)(Q) soit fini ; et notre résultat sesitue dans ce cadre (voir aussi [8,10,11]).

Nous notonsC la courbe d’équation affineC : y7 = x(x − 1)2. On sait que la courbeC est un quotientde la septique de Fermat (voir par exemple [12]) ; elle est birationnellement isomorphe à la quartique deKlein, que nous notonsK, d’équation projectiveK : X3Y + Y 3Z + Z3X = 0, et d’équation affineK :u3v+v3 +u = 0. Une telle application birationnelle peut être définie explicitement par exemple en projectifpar :

ψ : K −→ C, (X,Y,Z) �−→(−XZ2

Y 3,−X

Y,1

);

et en affine par :

ψ : K −→ C, (u, v) �−→(−u

v3,−u

v

),

dont la réciproque est définie par :

ψ−1 : C −→ K, (x, y) �−→(y7 + x2 − x

(xy)2,1− x

y3

).

Le groupe de Mordell–WeilJ(C)(Q) est fini (Faddeev [4], Gross–Rohrlich [6]).Nous notonsPη ,P η, P0, P1, P∞ les points deC définis parPη = (η, η,1),P η = (η, η,1), P0 = (0,0,1),

P1 = (1,0,1), P∞ = (1,0,0), avecη une racine primitive sixième de l’unité.Hurwitz a montré dans [7] que l’ensemble des points rationnels surC estC(Q) = {P∞, P0, P1}. Dans

cette Note nous déterminonsexplicitement les points algébriques de degré au plus3 sur la courbeC. Nosthéorèmes s’énoncent comme suit :

THÉORÈME 1. –L’ensemble des points quadratiques sur C est O = {Pη, P η}.

Le théorème 1 a été obtenu indépendamment par Tzermias dans [13].

THÉORÈME 2. –L’ensemble des points cubiques sur C est la réunion des sept ensembles suivants :

P1 ={(x,λ) | λ ∈Q∗, et x racine de l’équation x(x− 1)2 = λ7

};

P2 ={(1 + λy2, y) | λ ∈Q∗, et y racine de l’équation y3 = λ2(1 + λy2)

};

P3 ={(1 + λy3, y) | λ ∈Q∗, et y racine de l’équation y = λ2(1 + λy3)

};

P4 ={(1 + y4, y) | y racine de l’équation y3 + y2 − 1 = 0

};

P5 ={(1− y, y) | y racine de l’équation y3 + y2 − 1 = 0

};

P6 ={(y3 − y2 + 1, y) | y racine de l’équation y3 − 2y2 − y + 1 = 0

};

P7 ={(−y2, y) | y racine de l’équation y3 + 2y2 + y + 1 = 0

}.

On remarque que les ensemblesP1, P2, P3 sont infinis, et queP4, P5, P6, P7 consistent chacun en untriplet de points conjugués.

Les théorèmes 1 et 2 se traduisent sans difficulté en des énoncés sur la quartique de Klein. Les seulspoints quadratiques surK sont les deux pointsψ−1(Pη) = (−η,−η,1) et ψ−1(P η) = (−η,−η,1) ; lespoints cubiques surK se répartissent en trois familles infinies :

A1 ={(u, v,1) | v ∈Q∗, u3v + u+ v3 = 0

};

A2 ={(u, v,1) | u∈Q∗, v3 + u3v + u = 0

};

A3 ={(s,1, t) | s ∈Q∗, s3 + t+ t3s= 0

};

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Points cubiques sur la quartique de Klein

et quatre triplets de points conjugués constitués par :

A4 = ψ−1(P4) ={(

α5 + α4 + 1(1 + α4)2

,−α

) ∣∣∣ α racine deα3 + α2 − 1 = 0}

;

A5 = ψ−1(P5) ={(

α6 + α− 1α(1 −α)2

,1α2

) ∣∣∣ α racine deα3 +α2 − 1 = 0}

;

A6 = ψ−1(P6) ={(

α5 + α4 − 2α3 + α2 + α− 1(1 +α3 − α2)2

,1−α

α

)∣∣∣α racine deα3 − 2α2 − α+ 1 = 0}

;

A7 = ψ−1(P7) ={(

α5 + α2 + 1α4

,1 + α2

α3

)∣∣∣α racine deα3 + 2α2 +α+ 1 = 0}.

2. Esquisse de la preuve

Nous indiquons sans détail dans ce paragraphe tout d’abord le principe de la démonstration et ensuite leslemmes spécifiques à la courbe considérée.

Le principe sous-jacent de la méthode utilisée est le suivant. On choisit un point∞ ∈ C(Q) et leplongement jacobienj : C → J , P �→ [P − ∞]. La méthode suppose que l’on connaisse ou déterminela structure du groupeJ(Q) et que celui-ci soit fini :J(Q) � Z/N1Z × · · · × Z/NsZ. On choisit alorsD1, . . . ,Ds des diviseurs surC définis surQ tels quej(Di) soit d’ordreNi etj(D1), . . . , j(Ds) engendrentJ(Q).

Si R est un point algébrique de degrék et si on noteR1, . . . ,Rk ses conjugués sous l’action deGalois, alorsj(R1 + · · · + Rk) appartient àJ(Q) et par conséquent il existe0 � mi � Ni − 1 tels quej(R1 + · · · + Rk) = m1 j(D1) + · · · + ms j(Ds). Le théorème d’Abel–Jacobi entraîne alors l’existenced’une fonction rationnellef définie surQ telle que

R1 + · · ·+Rk −m1D1 − · · · −msDs +( ∑

1�i�s

mi degDi − k

)∞ = div(f).

La fonction f a donc des pôles prescrits, et si l’on sait analyser les espacesL (D) = {f ∈ Q(C) |div(f) + D � 0} (remarque : siD est défini surQ alorsLQ(D) = LQ(D) ⊗Q), c’est-à-dire le systèmelinéaire|D| = PL(D) ; on en déduit des restrictions sur lesRi et même dans les bons cas une descriptionexplicite.

Pour notre courbeC, ce programme peut être mené à bien grâce aux lemmes suivants.

DéfinissonsU = {(x, y) ∈ A2 | y7 = x(x − 1)2 etx(x − 1) �= 0} qui est un ouvert lisse deC. Ilexiste alors trois pointsP0, P1, P∞ tels queC � U = {P0, P1, P∞}. La courbe projective d’équationY 7 = Z4X(X − Z)2 est la clôture de Zariski deU ⊂ A2 ⊂ P2, notéeC0, est lisse sauf aux pointsP ′

1 = (1,0,1) etP ′∞ = (1,0,0).

Le morphisme de normalisationν : C→C0 est bijectif et on a

ν−1{P ′∞} = {P∞} et ν−1{P ′

1} = {P1}.

Dans la suite nous notonsP0 = (0,0,1), P1 = (1,0,1), P∞ = (1,0,0), Pη = (η, η,1), P η = (η, η,1)avecη une racine primitive sixième de l’unité, et on désigne parj(P ) la classe[P − P∞] ; et on poseray0 = −Pη − P η + 2P∞.

D’après Gross et Rohrlich ([6], théorème 1.1) on aJ(C)(Q)torsion ∼= Z/14Z.

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O. Sall

LEMME 1. –On a :

div(x) = 7P0 − 7P∞,

div(x− 1) = 7P1 − 7P∞,

div(y) = P0 + 2P1 − 3P∞.

Ce lemme est une conséquence immédiate de [6].

LEMME 2. –On a J(C)(Q) = {mj(P0) | 0 � m � 6} ∪ {mj(P0) + y0 | 0 � m � 6} avec y0 =−Pη − P η + 2P∞.

Ce lemme est une conséquence de [6] (voir aussi [11]).

LEMME 3. –On a

L(P∞) = k = 〈1〉, L(2P∞) = L(P∞), L(3P∞) = k⊕ ky = 〈1, y〉,

L(4P∞) = L(3P∞), L(5P∞) =⟨1, y,

1x− 1

y4⟩, L(6P∞) = L(5P∞)⊕ ky2,

L(7P∞) = L(6P∞)⊕ kx, L(8P∞) = L(7P∞)⊕ k

x− 1y5, L(9P∞) = L(8P∞)⊕ ky3.

Démonstration. – Le lemme se déduit du lemme 1 et du fait que d’après le théorème de Riemann–Rochon a#(mP∞) = m− 2 dès quem � 5.

Remerciements. Je remercie vivement le professeur Marc Hindry de l’université Denis-Diderot (Paris-7), pourm’avoir aidé à réaliser cette Note.

Références bibliographiques

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d (C) and points of bounded degree on algebraic curves,Compositio Math. 88 (1993) 235–249.

[3] Debarre O., Klassen M., Points of low degree on smooth plane curves, J. Reine Angew. Math. 446 (1994) 81–87.[4] Faddeev D., On the divisor class groups of some algebraic curves, Dokl. Akad. NaukSSSR 136 (1961) 296–298

[= Soviet. Math. Dokl. 2 (1) (1961) 67–69].[5] Frey G., Curves with infinitely many points of fixed degree, Israel J. Math. 85 (1994) 79–83.[6] Gross B., Rohrlich D., Some results on the Mordell–Weil group of the Jacobian of the Fermat curve, Invent.

Math. 44 (1978) 201–224.[7] Hurwitz A., Über die diophantische Gleichungx3y+y3 +x = 0, Math. Ann. 65 (1908) 428–430 [= Math. Werke

II 427–429].[8] Klassen M., Tzermias P., Algebraic points of low degree on the Fermat quintic, Acta Arith. 82 (4) (1997) 393–401.[9] Rohrlich D., Points at infinity on the Fermat curves, Invent. Math. 39 (1977) 95–127.

[10] Sall O., Points algébriques de petit degré sur les courbes de Fermat, C. R. Acad. Sci. Paris, Série I 330 (2000)67–70.

[11] Tzermias P., Algebraic points of low degree on the Fermat curve of degree seven, Manuscr. Math. 97 (4) (1998)483–488.

[12] Tzermias P., Torsion parts of Mordell–Weil groups of Fermat Jacobians, Int. Math. Res. Notices 7 (1998) 359–369.[13] Tzermias P., Low degree points on Hurwitz–Klein curves, Preprint, 1999.

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