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Conjoncture N° 900 - Janvier 2009 - 21 DOSSIER Industrie compétitive, reconquête des marchés, take-off (décollage économi- que)… Telles étaient déjà les ambitions du Maroc qui venait de tourner le dos à un long Programme d’Ajustement Structurel (PAS). Nous étions en 1995 et la Banque mondiale recommandait alors aux autorités marocaines la mise en place d’un Comité de suivi du dé- veloppement du secteur privé dont la principale mission est de définir une stratégie pour doter le pays d’une in- dustrie moderne et compétitive. Les choses vont aller très vite car un an plus tard, le comité trace la voie. Sa straté- gie baptisée «Le Maroc compétitif» est bâtie autour de secteurs censés jouer le rôle de locomotive en tirant la croissan- ce vers le haut. Avec cette vision, l’éco- nomie s’est beaucoup améliorée en une décennie grâce au secteur des té- lécommunications, aux grands projets d’infrastructures mais aussi et surtout les nombreuses entreprises qui se sont installées dans la foulée des secteurs à forte composante technologique com- me l’aéronautique, les composants électroniques, l’offshoring… Pôles de compétitivité au Maroc Où et comment ? Dix ans après la déclinaison de la stra- tégie «Le Maroc compétitif», l’éco- nomie se porte beaucoup mieux et dépend moins de l’agriculture avec à la clé l’explosion du secteur des servi- ces. En dépit d’un taux de croissance de + 5% par an, celle-ci apparaît insuf- sante pour résorber le chômage ur- bain dont le taux avoisinait les 20 %. Et pour ne pas arranger les choses, les exportations sont à la traîne. Résultat : le déficit commercial se creuse malgré la bonne santé des transferts d’argent des Marocains résidents à l’étranger (MRE) et le secteur du tourisme. Depuis un nouveau programme a été lancé comme solution. Nom de code : plan Emergence. Il s’articule autour de deux axes : créer de la richesse, donc de l’emploi et de la croissance et développer des activités exportatrices à haute valeur ajoutée. L’idée est de posi- tionner le Maroc sur des métiers mon- diaux pérennes, et dans lesquels il pourra La maquette de la deuxième phase de Casanearshore devant accueillir en 2009 un autre groupe d’entreprises. Ces pôles de compétitivité désignent des groupements d’acteurs pour créer des synergies sur l’ensemble de la chaîne de valeur des activités économiques. Ils intègrent, notamment, des entreprises, des structures de recherche et de formation En moins de deux ans après le lancement de la stratégie pour l’offshoring, deux zones dédiées sont déjà opérationnelles : Casanearshore et Technopolis Le gouvernement a retenu l’idée d’un pôle de compétitivité dédié aux industries automobiles, qui sera implanté à proximité du port Tanger Med Deux agropoles sont en cours de développement à Fès et à Berkane Dossier réalisé par Anthioumane Tandia [email protected] Pôles de compétitivité au Maroc, où et comment ? Plateformes industrielles intégrées, le nouveau chantier du ministère de l’Industrie, du commerce et des nouvelles technologies Entretien avec Mohamed Lasry, DG de Casanearshore Formation, le maillon faible Ce qui se fait ailleurs, cas de la France 21 27 28 29 30

Pôles de compétitivité au Maroc Où et comment

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Industrie compétitive, reconquête des marchés, take-off (décollage économi-que)… Telles étaient déjà les ambitions du Maroc qui venait de tourner le dos à un long Programme d’Ajustement Structurel (PAS). Nous étions en 1995 et la Banque mondiale recommandait alors aux autorités marocaines la mise en place d’un Comité de suivi du dé-veloppement du secteur privé dont la principale mission est de défi nir une stratégie pour doter le pays d’une in-dustrie moderne et compétitive. Les choses vont aller très vite car un an plus tard, le comité trace la voie. Sa straté-gie baptisée «Le Maroc compétitif» est bâtie autour de secteurs censés jouer le rôle de locomotive en tirant la croissan-ce vers le haut. Avec cette vision, l’éco-nomie s’est beaucoup améliorée en une décennie grâce au secteur des té-lécommunications, aux grands projets d’infrastructures mais aussi et surtout les nombreuses entreprises qui se sont installées dans la foulée des secteurs à forte composante technologique com-me l’aéronautique, les composants électroniques, l’offshoring…

Pôles de compétitivité au MarocOù et comment ?

Dix ans après la déclinaison de la stra-tégie «Le Maroc compétitif», l’éco-nomie se porte beaucoup mieux et dépend moins de l’agriculture avec à la clé l’explosion du secteur des servi-ces. En dépit d’un taux de croissance de + 5% par an, celle-ci apparaît insuf-fi sante pour résorber le chômage ur-bain dont le taux avoisinait les 20 %. Et pour ne pas arranger les choses, les exportations sont à la traîne. Résultat : le défi cit commercial se creuse malgré la

bonne santé des transferts d’argent des Marocains résidents à l’étranger (MRE) et le secteur du tourisme. Depuis un nouveau programme a été lancé comme solution. Nom de code : plan Emergence. Il s’articule autour de deux axes : créer de la richesse, donc de l’emploi et de la croissance et développer des activités exportatrices à haute valeur ajoutée. L’idée est de posi-tionner le Maroc sur des métiers mon-diaux pérennes, et dans lesquels il pourra

La maquette de la deuxième phase de Casanearshore devant accueillir en 2009 un autre groupe d’entreprises.

Ces pôles de compétitivité désignent des groupements d’acteurs pour créer des synergies sur l’ensemble de la chaîne de valeur des activités économiques. Ils intègrent, notamment, des entreprises, des structures de recherche et de formation En moins de deux ans après le lancement de la stratégie pour l’offshoring, deux zones dédiées sont déjà opérationnelles : Casanearshore et Technopolis Le gouvernement a retenu l’idée d’un pôle de compétitivité dédié aux industries automobiles, qui sera implanté à proximité du port Tanger MedDeux agropoles sont en cours de développement à Fès et à Berkane

Dossier réalisé par Anthioumane [email protected]

Pôles de compétitivité au Maroc, où et comment ?

Plateformes industrielles intégrées, le nouveau chantier du

ministère de l’Industrie, du commerce et des nouvelles technologies

Entretien avec Mohamed Lasry, DG de Casanearshore

Formation, le maillon faible

Ce qui se fait ailleurs, cas de la France

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lancé à Casablanca à travers l’offre offs-horing du Maroc. Son objectif est clair : attirer les activités d’externalisation (traitement d’informations fi nancières, comptables…). «L’offre marocaine préco-nisée pour le développement de ce sec-teur a été formalisée par la circulaire de Monsieur le Premier Ministre n°9/2007 qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2007, est constituée d’un package ali-

gnant tous les facteurs de compétitivité, s’arti-culant autour de 3 vo-lets essentiels», rappelle Bousselham Hilia, Secré-taire général du ministè-re de l’industrie, du com-merce et des nouvelles technologies. Selon lui, le premier volet concer-ne les infrastructures et services «world class» à travers la mise en place de zones dédiées aux activités de l’offshoring avec une offre de ser-

vices et d’infrastructures calée sur les meilleurs standards de qualité et de coût avec un guichet unique sur place. Le deuxième axe, dit-il, est relatif au cadre sectoriel incitatif. Ce dernier com-porte notamment la réduction de la charge fi scale au titre de l’Impôt sur le revenu (IR) de telle sorte qu’elle n’excède pas 20% du montant des revenus bruts imposables par individu, pour les entre-prises installées dans les zones dédiées. Le troisième volet concerne la formation. Il est axé sur le lancement d’un Plan na-

tional de formation agressif, focalisé sur les métiers de l’offshoring pour 12 fi liè-res clés (techniques et administratives : 22.000 lauréats sur la période 2006-2009) et un dispositif d’aide à la forma-tion pour toutes les entreprises du sec-teur pouvant atteindre 65 000 dhs pour certains profi ls. Quid du bilan d’étape de cette fi lière pionnière ? «En moins de deux ans après le lancement de la straté-gie pour le secteur de l’offshoring, deux zones dédiées sont déjà opérationnelles : Casanearshore et Technopolis à Rabat. Elles prévoient de mettre à la disposition des entreprises des bureaux avec des superfi cies respectivement de 30.000 et 25.000 m2 générant 55.000 emplois à l’horizon 2015», souligne Bousselham Hilia. En détails, Casanearshore, devra ac-cueillir, sur une superfi cie d’environ 53ha avec 250.000 m2 de bureaux, plusieurs dizaines d’entreprises dans ce secteur. Les premiers bureaux de la première phase, d’une superfi cie de 53.000 m2, ont été livrés en fi n décembre 2007. La livraison de la deuxième tranche, dont la superfi cie est de 80.000 m2, est prévue courant 2009. Quant à Technopolis, ce pôle de compé-tence constitue en lui-même un vaste complexe dédié aux nouvelles techno-logies. En plus du développement d’une zone d’offshoring, Technopolis prévoit également la création d’un centre de dé-veloppement de logiciels et un centre de design, la création d’un Media Park sur les métiers de l’audiovisuel. La première tranche de cette phase, d’une superfi cie

Source: ministère de l’Industrie, du commerce et des nouvelles technologies

faire valoir ses atouts : proximité, main- d’œuvre qualifi ée, accès aux marchés. C’est de l’étude confi ée en septembre 2004 au Cabinet McKinsey que découle le programme Emergence avec une stratégie industrielle pour chacun des sept métiers mondiaux du Maroc : offs-horing, automobile, aéronautique, élec-tronique de spécialité, agroalimentaire, produits de la mer et textile. McKinsey remet sa copie en avril 2005 et cinq mois plus tard le gouvernement boucle son plan Emergence qui est actuellement en marche dans certaines des sept fi liè-res arrêtées. Mais si ce programme fi xe les principaux leviers de développement du pays, il donne également beaucoup d’importance aux moyens à mettre en œuvre pour attirer les investissements dans ces nouveaux métiers mondiaux du Maroc aussi variés les uns que les autres. En clair, il s’agit pour le Royaume d’apporter des sites clés en main.Alliant l’acte à la parole, le Maroc s’est depuis lors engagé dans une politique active d’aménagement des pôles de compétence pour en favoriser la com-pétitivité. Aux yeux des responsables du ministère de l’Industrie, du commerce et des nouvelles technologies, maîtres d’œuvre du plan Emergence, ces pôles de compétitivité désignent des grou-pements d’acteurs pour créer des synergies sur l’ensemble de la chaîne de valeur des activités économiques. Ils intè-grent, notamment, des entreprises, des struc-tures de recherche et de formation... En effet, ces zones d’activité sont appelées à jouer un rôle fondamental dans le processus de recher-che-développement et de commercialisation rapide des innovations. En contribuant à accroître la capacité d’innovation d’une région, les clusters en augmentent la productivité. Rappe-lons qu’au Maroc, la nouvelle politique de décentralisation permet aux régions, villes et collectivités, d’être de véritables acteurs de développement et de mobili-sation des compétences et des capitaux.

Casanearshore et Technopolis comme pionniers22 décembre 2005. Casanearshore, pre-mier site clé en main est offi ciellement

Les premiers bureaux de Casanearshore de la première phase, d’une superfi cie de 53.000 m2, ont été livrés en fi n dé-cembre 2007. La livrai-son de la deuxième tranche, dont la superfi -cie est de 80.000 m2, est prévue courant 2009.

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de 45.000 m2, sera livrée à partir du 2ème semestre de l’année 2008. La livraison des tranches suivantes se fera à raison de 40.000 m2 par an à partir de 2010. «En 2009, plus de 35 en-treprises seront instal-lées à Casanearshore et plus de 10 à Technopolis. Des entreprises de re-nommée internationale, exerçant dans des acti-vités ITO (Information technologic outsourcing) et BPO (Business process outsourcing), telles que Cap Gemini, BNP Paribas, GFI, Atos Origin, Nestlé, Axa, Dell… Une tendance qui permettra de consacrer la destina-tion Maroc en tant que pays compétitif dans le secteur de l’offshoring», précise Bousselham Hilia. En effet, 17 des 50 premières SSII (Société de services en ingénierie informatique) opérant en France se sont installées au Maroc et le Royaume a été retenu pour la première fois dans le classement 2007 AT Kearney «global services locations index». «Parmi les métiers mondiaux du Maroc, l’offsho-ring est aujourd’hui une réalité, ce n’est plus un projet. Un millier de personnes travaillent sur son site et d’autres mil-liers sont en cours de recrutement et de transfert. Nous sommes passés de l’idée de l’offshoring à une offre territoriale concrète qui est Casanearshore Park (…). Aujourd’hui, on peut dire que l’offsho-ring enregistre au Maroc un succès phé-noménal, notamment dans l’ITO. En re-vanche, dans le BPO, ce n’est pas encore le succès escompté», affi rme Hamid Ben Elafdil, Directeur du Centre régional d’in-vestissement (CRI) de Casablanca. Pourtant, au début du lancement du plan Emergence, les BPO étaient la première cible. D’ailleurs, selon l’étude réalisée par

Mc Kinsey, le BPO était l’un des vecteurs de la vision stratégique. C’est là où l’on peut créer le maximum d’emplois. De-puis lors, les choses se sont inversées

en faveur des ITO. «Cela s’explique par la nature des projets d’externalisa-tion de process métiers qui sont beaucoup plus complexes et dont la durée de réalisation est beaucoup plus longue parce que ce sont des process internes qu’il va falloir externaliser. En plus, cela demande la capacité de réactivité des acteurs impliqués

dans ces projets. Il s’est avéré aussi que les premiers contacts qu’on a eus avec les investisseurs émanaient de l’ITO, domaine où SSII françaises et indiennes étaient en concurrence», justifi e Hamid Ben Elafdil. Cette course entre Indiens et Français a amené ces derniers à acheter plus rapidement l’offre de Casanears-hore Park avant les en-treprises de la banque, de l’assurance ou de la fi nance en général dans le BPO. «Dans l’offsho-ring, la compétitivité est clairement établie. On a de plus en plus de de-mandes, de plus en plus d’intérêt de la part d’en-treprises mondialement reconnues. Sur les quinze SSII les plus importantes au monde, plus de la moi-tié ont acheté chez nous. Cette confi ance doit nous exhorter à veiller davan-tage à ce que notre offre soit de façon permanente compétitive.A Casaneashore, c’est un package de compétitivités que nous offrons aux entreprises pour pouvoir améliorer leur compétitivité globale», martèle Hamid Ben Elafdil. Quoi qu’il en soit, moins de deux après le lancement de l’offre offshoring du Ma-roc, un troisième site dédié au secteur, Fès shore est en cours de lancement. Technopole de Nouaceur : le grand en-gouementTout comme l’offshoring, l’industrie aé-ronautique, autre pilier du programme Emergence, a son pôle de compétitivité, au sein de la technopole de Nouaceur.

«Aujourd’hui, Casablanca s’est position-née clairement comme une plateforme de compétitivité pour les équipemen-tiers et les sous-traitants d’Airbus et de Boeing en particulier. Il faut savoir aussi que nous avons eu beaucoup de nouvel-les entreprises, essentiellement françai-ses, mais aussi maroco-marocaines et européennes dans différents métiers ins-tallées dans ce secteur. L’aéronautique est un monde «assez général» où l’on trouve des entreprises de mécanique de précision, de traitement de surface… El-les ont un dénominateur commun, c’est d’avoir des clients dans le secteur de l’aéronautique, de l’automobile ou dans d’autres secteurs d’activité», affi rme le directeur du CRI de Casablanca. Rappe-lons que dans cette fi lière, le Maroc n’est pas parti de rien puisque près d’une tren-taine d’entreprises, et non des moindres, étaient déjà installées avant même le lancement du programme, comme Sa-fran, Souriau, Sefcam, EADS, etc. Depuis, le lancement de l’offre aéro-nautique du Maroc, celle-ci ne cesse de

s’améliorer. «Nous som-mes en train de faire l’ex-tension de la technopole de Nouaceur qui ne suffi t plus pour satisfaire les besoins des investisseurs que nous avons déjà, ce qui nous amène forcé-ment à améliorer notre offre en termes d’immo-biliers d’entreprises. Les petites entreprises qui s’installent autour de l’aéronautique ne peu-vent pas se permettre d’acheter un terrain et ensuite de le construire. Ils veulent avoir des pla-

teformes industrielles intégrées (P2I) prêtes à l’emploi», affi rme Hamid Ben Elafdil. Dans le domaine de la formation, la même approche appliquée dans la dé-clinaison offshore, la trilogie de l’offre (sites, incentive et formation), a été éga-lement faite dans le secteur de l’aéro-nautique. La trilogie consiste d’abord en la concré-tisation d’une technopole et de son extension. Ensuite, l’incentive avec le Fonds Hassan II est un mécanisme puis-sant pour les entreprises dans le secteur de l’aéronautique. Enfi n, la formation des ressources humaines a conduit à la création de l’institut des métiers de

«Dans l’offshoring, la compétitivité est clai-rement établie. On a de plus en plus de deman-des, de plus en plus d’intérêt de la part d’en-treprises mondialement reconnues».

Hamid Ben Elafdil, Directeur du CRI de Casablanca

«Nous sommes en train de faire l’extension de la technopole de Noua-ceur qui ne suffi t plus pour satisfaire les be-soins des investisseurs que nous avons déjà, ce qui nous amène forcé-ment à améliorer notre offre en termes d’immo-biliers d’entreprises».

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l’aéronautique en partenariat avec les professionnels et piloté par le Groupe des industries marocaines de l’aéronau-tique et du Spatial (GIMAS) en collabora-tion avec l’OFPPT et tous les opérateurs qui interviennent dans ce domaine.

Tanger sur la carte automobile mon-dialeTroisième secteur : l’automobile pour lequel il s’agit de se positionner sur la fabrication de composants, un secteur porteur déjà développé au Maroc. «Des avancés considérables ont été réalisées dans la mise en œuvre de cette stratégie qui a commencé à donner ses premiers résultats : l’investissement de Renault Nissan à Tanger qui place le Maroc sur la carte automobile mondiale des équi-pementiers qui se sont installés ou en cours d’installation au Maroc», constate Bousselham Hilia, Secrétaire général du ministère de l’Industrie, du commerce et des nouvelles technologies. Déjà, c’est naturellement donc que le gouverne-ment a retenu l’idée d’un pôle de com-pétitivité dédié aux industries automo-biles, qui sera implanté dans le Nord à proximité du port Tanger Méditerranée et de Tanger Free Zone (TFZ). Là aussi,

concepts clés en main. A noter que sur les 3000 pièces qui constituent une voi-ture, le Maroc peut raisonnablement se positionner sur 300 d’entre elles, à four-nir aux 28 sites d’assemblage répertoriés en Espagne, au Portugal et en France, soit à trois jours de navigation du Maroc. C’est justement ce qui fait la force de l’offre marocai-ne dans un marché où les donneurs d’ordre de rang mondial comptent aussi optimiser leurs achats dans un contexte inter-national de renchérisse-ment des coûts de main-d’œuvre et de matières premières. L’enjeu pour le Royaume est de se po-sitionner en tant que site compétitif. «L’intérêt est de capter les opportunités qui s’offrent aujourd’hui au Maroc en tant que site compétitif LCC (Low cost country). L’ambition à terme pour le Ma-roc est de passer à un rang supérieur de MCC (Most competitive country)», souli-gne un équipementier.Tous les ingrédients d’un site compéti-

tif sont là: une culture automobile, un tissu d’équipementiers et sous-traitants orienté à 90% export, une main-d’œu-vre spécialisée, des coûts compétitifs, le projet de l’Alliance Renault-Nissan et un centre de formation à Tanger dédié aux équipementiers, à Somaca et à la future

usine. Autres avantages et non des moindres: la valeur ajoutée et l’atout logistique. Aujourd’hui, il ne suffi t plus d’avoir des bas coûts en main-d’œu-vre pour être compétitif. Il faut aussi déployer le meilleur en matière de logistique. Ce qui est dé-sormais possible au Ma-roc avec le port de Tan-ger. Un élément majeur dans l’amélioration de la compétitivité. L’atout logistique per-met au Maroc une forte proximité avec la clien-

tèle européenne. «Que huit kilomètres à parcourir dans le détroit de Gibraltar et moins de deux jours pour livrer les constructeurs français et espagnols», précise un autre équipementier.

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Sur les 3000 pièces qui constituent une voiture, le Maroc peut raisonna-blement se positionner sur 300 d’entre elles, à fournir aux 28 sites d’as-semblage répertoriés en Espagne, au Portugal et en France, soit à trois jours de navigation du Maroc.

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Ceci étant, mais l’argument qui fait mouche en faveur du Maroc réside jus-tement dans la future montée en puis-sance en termes de capacité de produc-tion: 100.000 à 120.000 voitures pour Somaca, 200.000 unités vers 2011 pour démarrer chez Renault-Nissan. Le site de l’Alliance Renault-Nissan pas-sera à partir de 2012 à 400.000 voitures (avec la déclinaison de 4 modèles). En tout et pour tout, le Maroc offrira un po-tentiel de 500.000 véhicules par an dès 2014. Ce qui se traduira par 30.000 em-plois chez les équipementiers et plus de 60.000 indirects dans la région de Tan-ger. Sans oublier les transferts de tech-nologies et les synergies à déployer. Pourtant, il y a à peine quelques années, personne ne croyait en l’implantation d’un constructeur au Maroc, y compris les bureaux d’études internationaux (McKinsey notamment). Le Maroc était surtout perçu comme un vendeur de mi-nutes de travail, sans plus. Electronique : forte concurrence asiati-queLe secteur de l’électronique n’est pas en reste. A l’instar des autres secteurs pour lesquels des offres ont été mises en place par le gouvernement, cette fi lière propose également aux investisseurs un package, qui comporte l’ensemble des facteurs de compétitivité dont no-tamment un mécanisme de promotion de l’investissement et une aide à la for-mation des ressources humaines mais aussi un pôle de compétence. Un site dédié, qui sera localisé du côté de Tan-ger Free Zone. Dans dix ans, pas moins de 5 milliards de dhs de chiffre d’affai-res additionnel et la création de 11.000 emplois sont attendus. Plus facile à dire qu’à réaliser. Car, par exemple, pour l’électronique de masse (télévisions, té-léphones cellulaires...), le mouvement

de délocalisation vers l’Asie semble aujourd’hui diffi cilement réversible. Mais cela ne semble outre décourager le Maroc qui veut se positionner sur les composants plus sophistiqués, notam-ment ceux servant aux appareillages embarqués pour l’aviation et l’automo-bile, et l’électronique à usage médical, ou encore celle destinée à la défense.

Agroalimentaire : deux agropoles dans le pipeAu-delà de ces quatre métiers mon-diaux, le programme mise également sur les métiers classiques du Maroc, mais qui sont appelés à se dévelop-per fortement dans les années à venir. Il s’agit du textile-habillement et de l’agroalimentaire qui fi gure aux premiers rangs des secteurs ex-portateurs de l’écono-mie marocaine. «Le sec-teur du textile est le pre-mier à avoir signé son programme Emergence avec l’Etat. Un program-me qui s’articule autour de quatre axes stratégi-ques, notamment l’in-tégration ciblée, la réac-tivité et service, la com-pétitivité et adaptation de l’offre ainsi que la promotion ciblée et diversifi cation des marchés. La mise en œuvre de ce programme se poursuit conformément aux objectifs et aux échéances prévues», précise le secré-taire général du ministère de l’Indus-trie et du commerce. Et de poursuivre, «Concernant le secteur agro-alimen-taire, deux agropoles sont en cours de développement à Fès et à Berkane et la stratégie vise le développement de l’agro-industrie, en cohérence avec la

stratégie Maroc Vert lancée par le dépar-tement de l’Agriculture». Deux autres pôles (dans le Gharb et le Souss Massa Draâ) devront compléter ensuite l’ossa-ture, à en croire une source proche de la Fédération des industries de la conserve et des produits alimentaires (Ficopam). En effet, cette association profession-nelle planche sur un projet de mise en place d’un «pôle compétitivité» pour la fi lière des conserves végétales à Mar-rakech. Une initiative a été lancée dans ce sens. Mais ce pôle de compétitivité n’a pas pris son envol. On attend des si-gnaux du côté du ministère de l’Agricul-ture qui chapeaute aujourd’hui le pôle

de compétitivité qu’est le secteur de l’agro-in-dustrie», affi rme Hassan Debbarh, Président de la Ficopam.Un autre pôle est éga-lement prévu pour la conserve de poisson à Agadir. Il réunira tous les acteurs concernés par cette activité (pro-ducteurs, exportateurs, transporteurs, banquiers et pépiniéristes) qui tra-vailleront de concert pour trouver les solutions adéquates pouvant ga-rantir une compétitivité

à ces deux fi lières. Ceci dit, de l’avis de plusieurs opérateurs économiques, les pôles agricoles restent les parents pauvres de toute cette stra-tégie de relance économique. En effet, si des fi lières ont été identifi ées, rien n’a été fait encore et le récent plan Vert du Maroc est encore à l’état de projet. La spécifi cité du secteur de l’agro-indus-trie, c’est de se trouver sous la tutelle du ministère de l’Agriculture. Alors que le plan Emergence est porté par le minis-tère de l’Industrie, du commerce et des nouvelles technologies.«Les vrais problèmes de l’agro-industrie se trouvent à l’amont du secteur, à savoir l’agriculture. C’est pour cela que le plan Maroc Vert a été lancé. Maroc Vert est l’une des solutions du secteur de l’agro-industrie que le Maroc a choisi comme l’un de ses métiers mondiaux. Il faut au moins cinq années pour profi ter des ré-sultats du Maroc Vert. Ceci à condition que l’exécution de ce projet démarre dès à présent. Or, au jour d’aujourd’hui, rien n’a été entrepris dans ce sens», lance Hassan Debbarh.

«Concernant le secteur agro-alimentaire, deux agropoles sont en cours de développement à Fès et à Berkane et la stra-tégie vise le dévelop-pement de l’agro-indus-trie, en cohérence avec la stratégie Maroc Vert lancée par le départe-ment de l’Agriculture».

Tel que l’olivier, certaines cultures commerciales sont promues à un bel avenir dans le plan «Maroc Vert».

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Approfondir les stratégies sectorielles et accélérer l’opérationnalisation desdifférentes actions qui ont été retenues en 2005 dans le cadre du plan Emer-gence, tel est l’objectif de l’étude lancée par le ministère de l’Industrie, du com-merce et des nouvelles technologies qui est dans sa phase fi nale. L’axe principal de cette nouvelle vision industrielle s’inscrit dans le prolongement direct du plan Emergence visant le dévelop-pement des sept métiers mondiaux du Maroc tels qu’ils ont été défi nis, en l’oc-currence l’offshoring, l’aéronautique, l’automobile, l’électronique, le textile, l’agroalimentaire et l’industrie de trans-formation des produits de la pêche. 500 millions de dhs pour des zones de 200 à 400 haLeur développement se fera grâce à la création des plateformes industrielles intégrées (P2I), une des nouveautés apportées par le ministre de tutelle Ah-med Réda Chami, au poste depuis un peu moins de deux ans. Ce projet sera fi nancé par le Fonds Hassan II qui lui a accordé une enveloppe de 500 millions de dirhams. Il s’agit de zones entre 200 et 400 Ha dans certaines régions du Royaume. Pour concré-tiser ces plateformes, les pouvoirs publics procé-deront à l’acquisition du foncier compétitif et à leur aménagement grâ-ce au soutien fi nancier du Fonds Hassan II.Le ministère de l’Indus-trie, du commerce et des nouvelles technologies s’est engagé à réaliser ce projet dans un délai de 18 mois après la signatu-re d’un contrat programme global entre l’Etat et le patronat marocain en début 2009. «Parmi les principaux axes de dé-veloppement de la stratégie industrielle fi gure le développement des Platefor-mes industrielles intégrées (P2I). La pro-position de la valeur de ces plateformes

Plateformes industrielles intégrées (P2I)Le nouveau chantier du ministère de l’Industrie, du commerce et des nouvelles technologies

aux investisseurs s’articule autour de 5 dimensions : une offre immobilière, une offre de services sur zone, un gui-chet unique administratif, une offre formation et une offre logistique adap-tée. Tout cela en garantissant un cer-tain cadre de ville et une intégration à la ville. Un large réseau de P2I sera mis en place progressivement pour cou-vrir les besoins des différents secteurs identifi és», souligne Bousselham Hilia, Secrétaire général du ministère de l’In-dustrie, du commerce et des nouvelles technologies. La première plateforme industrielle in-

tégrée sera implantée à Kenitra où un terrain a déjà été acquis. Le mi-nistère fera appel à un aménageur et la gestion sera donnée en conces-sion. Les autres P2I se-ront situées à Nouaceur, Had Soualem, Tanger et enfi n Fès dans le quartier industriel de Bensouda. L’intégration de ces pla-teformes se fera au ni-veau des services pour

garantir aux investisseurs tous les facteurs de compétitivité et l’écosys-tème administratif, logistique et télé-coms. Pour le ministère de l’Industrie et du commerce, ces P2I doivent être au même niveau que la New Songdo City en Corée du Sud ou encore le Pôle d’Ex-

cellence Européen de Roissy en France.Le développement industriel se fera aussi par le biais de la modernisation du tissu industriel existant. Cette mise à niveau sera rebaptisée «modernisa-tion compétitive». Selon le constat du ministère de l’Indus-trie et du Commerce, il y a des défi s qui étouffent le tissu industriel marocain : un environnement d’affaires peu at-tractif et la formation qui ne répond pas nécessairement aux exigences de l’entreprise. Pour cela, trois axes transversaux se-ront au menu. Ils concernent la mo-dernisation des PME à travers l’arsenal sur tout le cycle de vie de cette caté-gorie d’entreprises. C’est dans ce cadre d’ailleurs que peut s’inscrire le contrat programme signé il y a quelques mois avec l’ANPME et sur la base de laquelle 600 millions de dhs iront aux PME ma-rocaines en mal d’expansion et de mo-dernisation. Le deuxième axe porte sur l’améliora-tion du climat des affaires. Le classe-ment du Maroc par les différentes agen-ces de notation est une remise en cause de l’environnement social, économique et légal des affaires. D’où l’impérative refonte complète de l’administration. Au niveau de la justice commerciale, les centres de médiation auront au moins le mérite de réduire les délais de règle-ment des différents commerciaux ou en rapport avec les investissements.

La première plateforme industrielle intégrée sera implantée à Keni-tra où un terrain a déjà été acquis. Le ministère fera appel à un aména-geur et la gestion sera donnée en concession.

Le développement des sept métiers mondiaux du Maroc se fera grâce à la création des plateformes industrielles intégrées (P2I), une des nouveautés apportées par le ministre de l’Industrie et du commerce au plan Emergence

Le développement des plateformes industrielles intégrées permettra aux entreprises de pouvoir partager, entre autres, les coûts de production.

Source : Centre régional d’investissement (CRI) Casablanca

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DOSSIER

Conjoncture : Selon une étude interne réalisée par une banque française, avant l’offi cialisation de l’offre offsho-ring, Casanearshore fi gurait déjà au top 5 des destinations préférées par les opérateurs francophones. Gardez-vous encore ce rang ? Si oui quels sont ses atouts ? Le Maroc dispose déjà d’atouts indé-niables, à savoir sa po-pulation jeune et moti-vée, une libéralisation soutenue, de bonnes infrastructures, en plus d’une proximité géogra-phique avec l’Europe.A ces éléments «natu-rels», l’offre offshore Maroc intègre d’autres aspects essentiels dans la chaîne de valeur, no-tamment un plan de formation pointu et ci-blé aux métiers/fi lières adressés, un plan d’incitation fi scale et d’aide à la formation assez agressif ainsi que des infrastructures aux normes interna-tionales et aux standards requis par ce genre d’industrie. Je pense princi-palement au concept de nos parcs in-tégrés et dédiés (locaux prêts à l’em-ploi, services annexes) ainsi qu’aux infrastructures télécoms de dernière génération.Le Maroc ouvre donc des perspecti-ves économiques intéressantes aux entreprises en quête de croissance. Le pays garantit un très haut niveau de qualité de prestations et de compé-tences de ses ressources humaines. Il a donc toutes les chances de garder son rang, voire de l’améliorer. En témoi-gne l’entrée du Maroc dans le top 40 des meilleures destinations offshores dans le monde et tout dernièrement son intégration du top 30 offshoring hot spots (classement international publié par le cabinet Gartner).

À quand la deuxième tranche de Ca-sanearshore ? Quelles sont les grosses signatures qui ont déjà manifesté leur intérêt pour cette deuxième étape ? A ce jour, les 57.000 m2 disponibles de la première tranche ont été en-

tièrement loués : plus de 40 clients ont fait le choix de s’installer dans le premier pôle nearshore du Maroc. La commercialisation des 87.000 m2 de la deuxième tranche, quant à elle, est un franc succès : les réservations fer-mes ont dépassé 100% de la surface totale à louer. Ils seront livrés à partir de mars 2009.

Parmi les signatu-res d’entreprises in-ternationales, nous pouvons citer : Cap Gemini, Atos Origin, Accenture, le groupe Tata Consulting servi-ces, BNP Paribas, GFI Informatique, Dell, Ubisoft, Logica CMG, SQLI, Bull...Il est intéressant de noter que les ratios de superfi cie par en-

treprise sont passés d’environ 1000 m2, soit une centaine de positions par entreprise pour la première tranche, à 3 500 m2 environ pour la deuxième tranche. Ceci démontre clairement la crédibilité et la pertinence de nos in-frastructures et de l’offre pays.

La crise fi nancière in-ternationale et la ré-cession qui sévit dans les pays développés ne vont-elles pas fausser les prévisions de l’offre offshoring du Maroc ? La crise sévit actuelle-ment dans les gran-des places fi nancières mondiales. Nous la sui-vons sans pour autant prétendre en anticiper l’impact sur notre acti-vité.Pour l’instant, nous res-tons confi ants dans le sens où cette crise pourrait être une opportunité pour le secteur de l’offs-horing.Ce qui est certain, c’est que nos clients maintiennent leurs program-mes d’installation. L’engouement des opérateurs européens pour la

Entretien Mohamed Lasry, Directeur général de Casanearshore «Le Maroc est dans le top 40 des meilleures destinations offshore dans le monde»

destination Maroc se c o n f i r m e de jour en jour, sur-tout après l ’ i n a u g u -ration de Casanears-hore et de T e c h n o -polis, qui constitue la matérialisation de l’offre offshoring Maroc.

Où se situe le potentiel de l’offshoring marocain : les services informatiques, les services bancaires, le télétraite-ment de données ou encore l’assis-tance à distance (call center) ? Le Maroc se positionne dans le mar-ché du nearshore francophone, puis hispanophone dans un deuxième temps. Les principaux critères de ci-blage ayant servi au choix des fi liè-res sont l’importance de la langue, le niveau de complexité des processus, l’abondance des ressources humai-nes qualifi ées et la proximité géo-graphique. Partant de ce choix, trois fi lières présentent pour nous un po-

tentiel intéressant. La fi lière «banque et as-surance», avec notam-ment la gestion des moyens de paiement, la gestion des contrats et celle des sinistres ; la fi lière «administra-tive» qui vise le traite-ment délocalisé de la comptabilité-finance, les services clientèle, bien au-delà du call center, ou encore les prestations de GRH, comme la gestion de la paie et l’adminis-

tration du personnel. Bien entendu, à ces deux fi lières, il faut en ajouter une troisième, très importante, liée à l’informatique. Elle englobe la ges-tion d’applications ou d’infrastructu-res ainsi que le développement main-tenance informatique.

«Pour l’instant, nous restons confi ants dans le sens où cette crise pourrait être une oppor-tunité pour le secteur de l’offshoring.Ce qui est certain, c’est que nos clients main-tiennent leurs program-mes d’installation».

«Le Maroc garantit un très haut niveau de qua-lité de prestations et de compétences de ses ressources humaines. Il a donc toutes les chan-ces de garder son rang, voire de l’améliorer».

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DOSSIER

Réputé en avance par rapport au reste de la stratégie Emergence, le pôle offshoring connaît des diffi cultés sur ce volet. En prin-cipe le programme national focalisé sur les métiers de l’offshoring a été mis sur pied pour 12 fi lières clés. En plus de l’aide à la formation post-embauche (avec une prise en charge pouvant atteindre 50.000 dhs par employé à hauteur de 100% la première année et de 75% pour les deux autres), qui sera mise en place en début d’exploitation des sociétés de l’offshoring, un calendrier annuel de formation a été prévu. Mais les chiffres annoncés inquiè-tent les opérateurs du secteur. Si l’univer-sité s’en sort bien sur ce dossier, l’Agence nationale de la promotion de l’emploi et des compétences (Anapec) et l’Offi ce de la formation professionnelle et de la pro-motion du travail (OFPPT) peuvent mieux faire aussi. Les réalisations dépassent les 120% pour l’université, qui a formé 1.249 lauréats au lieu de 1.211 prévus. Les don-nées émanant de l’OFPPT n’ont pas encore atteint le niveau de l’université. «L’Offi ce a formé 533 lauréats au lieu des 1.550 fi xés comme objectif. Du côté de l’Anapec, on attend la réalisation du programme de reconversion qui s’était fi xé un objectif de 1.950 personnes», confi e un opérateur du secteur. Du côté de l’aéronautique, les choses ne paraissent pas aussi aisées non plus. Et pour cause ? Au niveau du technopole de Nouaceur, seule zone de compéti-tivité dédiée à ce secteur, la demande en ressources humaines est telle que les professionnels regroupés au sein du Groupement des industriels marocains aéronautique et spatial (GIMAS) ont dé-cidé de prendre le taureau par les cornes. Ce groupement et l’Union des indus-tries et métiers de la métallurgie (UIMM) viennent de signer une convention de partenariat pour la création d’un institut des métiers de l’aéronautique (IMA) à Ca-sablanca. C’était à Paris, à l’occasion d’une rencontre sur les perspectives de dévelop-pement de l’aéronautique ayant rassem-blé une centaine d’entreprises françaises et marocaines. Le montant d’investis-sement est estimé à près de 6 millions d’euros. En attendant, un nouvel institut

FormationLe maillon faible

spécialisé aux métiers de l’aéronautique ouvrira ses portes lors de la rentrée scolai-re 2009-2010. Le coût de réalisation de cet établissement s’élève à près de 70 millions de dirhams. C’est l’OFPPT qui se charge de sa mise en place. Ce nouvel établissement, qui accueillera plus de 400 stagiaires par an, est destiné aussi à être une plate-forme de formation continue et de perfectionnement des sa-

lariés du secteur aéronautique. Pour l’automobile, l’Etat a bien pris les devants. En octobre dernier, le gouver-nement signait avec Renault-Nissan la convention relative à la concession de la réalisation et de la gestion du centre de formation aux métiers de l’automobile de Tanger Med Le coût de ce centre est estimé à 7,5 millions d’euros à la charge de l’Etat.

De l’avis de plusieurs opérateurs, si la concrétisation du plan Emergence avance sur certains chapitres, la stratégie semble trébucher au niveau de la formation

Conjoncture : La réalisation des ob-jectifs du plan «10.000 ingénieurs» autour duquel sont mobilisées les éco-les d’ingénieurs et l’université, pourrait connaître des diffi cultés. En cause, l’ina-déquation entre les objectifs assignés aux établissements et les moyens fi -nanciers. Qu’en est-il pour l’EMI ? Driss Bouami : L’initiative 10.000 in-génieurs exige une augmentation considérable des effectifs des élèves intégrant les écoles afi n de contribuer à améliorer l’attractivité du Maroc en terme de ressources humaines quali-fi ées pour attirer le plus grand nombre possible d’investisseurs internationaux. L’EMI s’est engagée résolument dans cette opération et a consenti jusqu’à aujourd’hui un accroissement d’effec-tifs de près de 140 élèves par année pas-sant d’une taille de promotion de 280 étudiants en 2005 à 420 en 2008. Cela exige, bien entendu, des mesures d’ac-compagnement, en postes budgétaires et en dotations fi nancières, à la hauteur des ambitions affi chées.

Avez-vous développé des relations avec les pôles de compétitivité du plan Emergence comme Casanearshore ou les entreprises installées sur cette pla-teforme ? L’EMI développe des relations de coopé-

ration avec toutes les entreprises et or-ganismes intéressés par ses lauréats et par les activités de formation continue et de recherche qu’elle développe. Elle s’attache particulièrement à nouer des relations de partenariat avec toutes les institutions économiques marocaines et internationales parmi lesquelles cel-les dont les activités s’inscrivent dans le cadre des moteurs de croissance mis en exergue dans le Plan «Emergence».

L’EMI a-t-elle mis en place des pro-grammes de formation continue et des modules à la carte aux profi ts des entreprises ?L’EMI offre aujourd’hui la palette la plus riche de formation continue non délocalisée du Maroc. Elle dispose d’une carte de 11 mastères différents (management de la maintenance, ges-tion du risque en fi nance, Informatique de décision, Production et Logistique…) qui répondent à des besoins identifi és du milieu socioéconomique. Ces mas-tères sont des cycles de spécialisation s’étalant sur une année. Outre ces cycles standard, l’EMI offre un très large spectre de domaines de formation à la carte selon les besoins exprimés par les entreprises ou autres institutions telles que les entreprises de service ou les administrations.

Trois questions à :

Driss Bouami, DG de l’Ecole Mohammédia des ingénieurs (EMI)«L’EMI offre la palette la plus riche de forma-tion continue non délocalisée du Maroc»

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Conjoncture N° 900 - Janvier 2009 - 30

DOSSIER

Le 26 juin 2008, le président de la Ré-publique confi rmait la prolongation du programme «Pôles de compétitivité» et de son fi nancement pour les trois an-nées à venir. Une semaine auparavant, deux cabinets spécialisés, le Boston Consulting Group et CM International, remettaient un rapport d’audit au Pre-mier ministre François Fillon. L’audit jugeait le dispositif «suffi samment pro-metteur pour être maintenu dans ses grands principes». Le système de fi nan-cement a bien fonctionné et les crédits annoncés (1,5 milliard d’euros) ont été mobilisés pour des projets d’innovation, auxquels tous les contributeurs ont par-ticipé de manière «équilibrée». L’audit se félicite également de la sélectivité des fi nancements. Il a permis de pré-server une «masse critique», puisque dix pôles concentrent environ 55 % des crédits… Bilan utile, dont aucun des pô-les n’a contesté la qualité. En revanche, le classement fi nal en trois catégories a suscité de fortes interrogations. Selon le rapport d’évaluation, 39 pôles «ont atteint les objectifs», 19 « ont atteint partiellement les objectifs et doivent travailler à l’amélioration de certaines dimensions de leur action», 13 pôles «pourraient tirer parti d’une reconfi guration en profondeur». Mais peut-on comparer des pôles de natures extrêmement différentes ? Doit-on dresser un bilan, trente-six mois seulement après la création d’un dispositif prévu pour se déployer sur cinq ans ? Comment expliquer, par ailleurs, que certains pôles fi gu-rent dans le peloton de tête alors qu’ils n’ont été labellisés qu’à l’été 2007 ? D’où les inquiétudes des pôles «mal classés» le-vées par l’intervention de Nicolas Sarko-zy leur accordant un délai d’un an, «pour faire leurs preuves»…

Ce qui se fait ailleurs, cas de la France Les délicats équilibres des compétences

Des PME actives… et méfi antes«Les pôles ne sont pas trop nombreux, explique Michel Mabile, président du groupe de travail «Pôles de compétitivi-té» du Medef, mais il faut entre eux une meilleure coordination». Selon une étu-de de l’organisation patronale, 80 % des pôles s’estiment en concurrence entre eux. Dans un avis présenté au Conseil économique et social(1), André Marcon, premier vice-président de l’ACFCI, remarque le succès de la mise en place des pôles. En 2005, alors qu’on es-pérait une trentaine de candidatures, 105 ont été présentées et 71 en fi n de compte retenues. «Notre premier constat, note André Marcon, c’est que le binôme entreprise -re-cherche/territoires fonc-tionne et que les territoi-res ont su s’approprier la problématique des pôles de compétitivité». Deuxième constat du CES : au-delà de la visibi-lité mondiale qui était l’objectif initial, un puissant mouvement collaboratif s’est instauré entre les entreprises et le

monde de la recherche et une vaste intelligence collective est en cours de constitution. «Enfi n, conclut André Marcon, nous soulignons la né-cessité de ne pas tirer des conclusions hâtives et de laisser la porte ouverte à la création d’autres pôles. Il faut leur ménager un temps d’apprentissage et s’ap-puyer sur les SPL où les pôles d’excellence…» Pour Charles Beigbeder, président de la commis-sion « Recherche et Inno-

vation» du Medef (2) «les PME ont besoin que l’on décode pour elles le fonction-nement du dispositif». En mars 2008,

l’ACFCI a interrogé 170 C (R) CI sur leur implication dans les pôles de compétiti-vité. 140 (82 %) ont répondu à l’enquête, qui montre que 109 C (R) CI intervien-nent dans 64 des 71 pôles labellisés. Des élus consulaires président sept pôles et sont présents dans la gouvernance de nombreux autres comme membre du bureau ou du conseil d’administration.

Au plan opérationnel, l’enquête relève la forte implication des Cham-bres dans le repérage des entreprises, l’appui à l’innovation, le dévelop-pement international et les réunions d’infor-mation. Les Chambres sont également actives dans l’ingénierie fi nan-cière, la conception de projets, la mise en place de dispositifs de sécurité économique ou de veille

collaborative ou la communication des pôles. Dans la majorité des cas, la place de la C (R) CI dans le pôle s’est renforcée au fi l du temps.L’enquête fait également apparaître les attentes…et les craintes des PME. Elles souhaitent une meilleure information sur le contenu, les projets, le fonction-nement, l’intégration des pôles, mais expriment leur crainte de trop s’exposer devant les grandes entreprises. Certai-nes réclament seulement d’être mises en relation avec les donneurs d’ordres : il s’agit d’abord pour elles d’accroître leur volume d’affaires… La machine est en marche, et si elle ne fonctionne pas toujours à la même vitesse, ni sur les mêmes modalités, partout sont enga-gés les ajustements nécessaires.

Ce texte est extrait de l’Interconsulaire n°103. octobre 2008

(1)« Les pôles de compétitivité : faire converger per-formance et dynamique territoriale ». Section des Economies régionales et de l’Aménagement du ter-ritoire, CES, 9 juillet 2008.(2)Le Figaro, 9 juillet 2008.

Certains pôles fi gurent dans le peloton de tête alors qu’ils n’ont été la-bellisés qu’à l’été 2007 ? D’où les inquiétudes des pôles «mal clas-sés» levées par l’in-tervention de Nicolas Sarkozy leur accordant un délai d’un an, «pour faire leurs preuves».

Les pôles de compétitivité sont entrés dans leur quatrième année d’existenceLe premier bilan est largement positif, tout en faisant apparaître de nécessaires ajustements

Les Chambres sont ac-tives dans l’ingénierie fi nancière, la concep-tion de projets, la mise en place de dispositifs de sécurité économi-que ou de veille colla-borative ou la commu-nication des pôles.

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