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Pour une meilleure gestion des facteurs de risqué du glaucome

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Page 1: Pour une meilleure gestion des facteurs de risqué du glaucome

Journal français d’ophtalmologie (2009) 32, 203—205

Auteur correspondant. Centre Ophtalmologique Kléber, 50, cours Franklin-Roosevelt, 69006 Lyon, FranceAdresse e-mail : [email protected] (É. Sellem)

2009 l SAS d é é

É. Sellem

Centre Ophtalmologique Kléber, 50, cours Franklin-Roosevelt, 69006 Lyon, France

Résumé

L’abaissement de la pression intra-oculaire reste un passage obligatoire pour traiter le glaucome. À condition de les repérer, d’autres facteurs de risque sont aussi accessibles à la thérapeutique, avec l’espoir d’intervenir favorablement sur le cours de la maladie : lutter contre les paramètres aggravant l’artériosclérose, éviter une trop basse pression artérielle diastolique, traiter un syndrome vasospastique ou un syndrome d’apnée du sommeil, supprimer le bloc pupillaire inverse à l’origine d’une dispersion pigmentaire. À l’opposé, méconnaître une fermeture nocturne de l’angle irido-cornéen ou négliger une possible inobservance médicamenteuse peuvent participer à l’aggravation du glaucome.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary

Lowering intra-ocular pressure is always a necessity to treat glaucoma. Others identified risks factors may be fought, with the hope to favourably act on the disease: arteriosclerosis worsening parameters, low diastolic arterial pressure, vasospastic or sleep apnea syndrome, inverse pupillary block in pigmentary dispersion. On the other hand, ignoring a noctural closure of the irido-corneal angle or a non-compliance to the medical treatment may lead to glaucoma worsening.© 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Pour une meilleure gestion des facteurs de risque du glaucome

Improving management of glaucoma’s risk factors

MOTS CLÉSGlaucome ;Pression intra-oculaire ;Pression artérielle ;Artériosclérose ;Apnée du sommeil ;Vasospasme ;Dispersionpigmentaire

KEYWORDSGlaucoma;Intraocular pressure;Arterial pressure;Arteriosclerosis;Sleep apnea;Vasospasm;Pigmentary dispersion

TRAITEMENTS MÉDICAUX

0181-5512/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.jfo.2009.03.014

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Introduction

La revue des facteurs de risque du glaucome (ceux aggravant un glaucome déclaré, et ceux accélérant la conversion d’une hypertension oculaire en glaucome) aboutit régulièrement à l’énumération suivante :• la pression intra-oculaire (PIO), champion toutes catégories

confondues ;• l’âge, car le poids des années rend les tissus plus vulnéra-

bles aux agressions ;• la race, les sujets mélanodermes développant statistique-

ment un glaucome plus grave que les Caucasiens ou les Asiatiques ;

• l’hérédité ;• certaines circonstances anatomopathologiques proprement

oculaires, essentiellement la myopie forte, le syndrome pseudo-exfoliatif et la dispersion pigmentaire ;

• en n, un certain nombre de facteurs vasculaires qui peu-vent perturber la perfusion du globe et du nerf optique.

Certains de ces facteurs sont encore, au seuil de ce millé-naire, totalement inaccessibles à toute tentative de modi -cation : l’âge, la race, l’hérédité... ainsi que la myopie forte et le syndrome pseudo-exfoliatif. Les autres, en revanche, peuvent être traités avec un sérieux espoir d’ef cacité sur la maladie que le médecin veut éviter, stopper ou freiner.

Pression intra-oculaire

C’est, sans conteste, le premier facteur de risque du glau-come primitif à angle ouvert, et probablement le facteur causal des glaucomes par fermeture de l’angle et des glaucomes secondaires.

Le risque de survenue d’un glaucome augmente avec l’augmentation de la PIO. Grosso modo, il est de 3 % pour une PIO inférieure à 25 mmHg, de 25 % lorsque celle-ci se situe entre 25 et 30 mmHg, et augmente considérablement au-delà de 35 mmHg. Les résultats des nombreuses grandes études rétrospectives, maintes fois présentées ces dernières années, ont con rmé ce qui paraissait l’évidence clinique [1] : abaisser la PIO diminue la conversion de l’HPO en glau-come (OHTS), et freine l’évolution du glaucome de manière signi cative dans les formes débutantes (EMGT), évoluées (AGIS) et dans le glaucome à pression normale (CNTGS).

La démarche thérapeutique doit donc comporter, d’abord et constamment, l’abaissement de la PIO [2]. Suivant la réponse du globe traité, mesurée par le relevé du champ visuel et l’évaluation de la tête du nerf optique et des bres optiques sur la rétine, le traitement consiste en des moyens médicaux, physiques et/ou chirurgicaux. Cet abaissement doit être d’autant plus marqué que le glaucome est plus évolué et que coexistent d’autres facteurs de risque.

Facteurs vasculaires de risque

Ils sont souvent sous-estimés. Ils doivent être systématique-ment recherchés non seulement au moment du diagnostic,

mais encore tout au long de l’évolution du glaucome, car ils peuvent survenir plusieurs années ou décennies après sa déclaration. La vigilance doit être particulièrement renforcée dans ce domaine lorsque la neuropathie progresse malgré un contrôle apparent de la PIO. Toutefois, l’ophtalmologiste ne dispose pas de moyens diagnostiques et thérapeutiques pour les identi er avec certitude et les traiter... et, au moindre doute, il doit solliciter les compétences du généraliste, du cardiologue ou de l’angiologue. Il n’est pas rare que, chez le même patient, plusieurs facteurs vasculaires s’associent [3].

Artériosclérose

L’artériosclérose est un phénomène physiologique de vieillissement vasculaire, qui peut lui-même être accéléré par de nombreux facteurs. Le patient peut intervenir sur son évolution en tentant de modi er des habitudes de vie délétères (tabagisme, alcoolisme, obésité, sédentarité, stress...), le médecin peut traiter l’hypertension artérielle ou des troubles métaboliques aggravant (hypercholestérolé-mie, diabète, hyperuricémie), mais aucun des deux ne sait être ef cace sur le risque héréditaire.

Hypotension artérielle diastolique

Plusieurs travaux ont fait la preuve qu’une valeur diastolique trop basse de la pression artérielle (PA) peut augmenter la prévalence et la gravité du glaucome, alors que la composante systolique n’intervient pas. La PA peut chuter en particulier la nuit, et l’hypotension artérielle ne pas être repérée par une simple mesure au cabinet dans la journée. La réalisation d’un holter tensionnel permet parfois de repérer des chutes nocturnes marquées de la PA en cas d’aggravation glauco-mateuse inexpliquée. Le traitement n’en est pas cependant toujours simple (minéralocorticoïdes, alimentation salée, pieds surélevés la nuit, bas de contention...).

Vasospasme

Dysrégulation de la vasomotricité, à nette prédominance féminine, le vasospasme est à l’origine d’une riche sémio-logie fonctionnelle : migraines, maladie de Raynaud, extrémités froides, acrocyanose, livedo réticulaire, angor coronarien de repos, angor intestinal... Parfois controversée pour expliquer l’apparition ou l’aggravation d’un glaucome, sa participation peut être évoquée en particulier lorsqu’un glaucome à pression peu élevée évolue chez une femme peu âgée [4]. Ce possible mécanisme doit cependant être con rmé (capillaroscopie des ongles...), et son traitement institué (inhibiteurs calciques habituellement), par un cardiologue ou un angiologue.

Diabète sucré

Son association avec le glaucome a fait l’objet de nombreu-ses études épidémiologiques, et il est souvent énoncé que le GPAO est plus fréquent, ou la PIO moyenne statistiquement

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plus élevée, dans une population diabétique. Cela dit, il n’est pas prouvé que le risque de conversion en glaucome d’un sujet présentant une HPO soit plus élevé chez un diabétique... et les résultats de l’OHTS, très critiqués sur ce point, indiquent même un rôle protecteur du diabète vis-à-vis de la conversion !

Occlusion carotidienne

Là aussi, la responsabilité d’une occlusion carotidienne dans l’aggravation d’un glaucome n’est pas toujours admise. Lorsqu’un bilan vasculaire est envisagé devant une progression inexpliquée de la maladie oculaire, il doit cependant inclure la recherche d’une sténose athéromateuse carotidienne.

Apnée du sommeil

Cette obstruction des voies aériennes supérieures survenant durant le sommeil, typiquement chez des sujets obèses et ron eurs, durant entre 10 secondes et 2 minutes, entraîne une hypoxie et une hypercapnie. Sur le plan général, le patient présente une asthénie chronique, volontiers un état dépressif, et le risque est élevé, en l’absence de traitement, qu’il développe une hypertension artérielle ou pulmonaire, une arythmie cardiaque, ou qu’il soit victime d’un accident vasculaire cérébral ou d’un infarctus myo-cardique. Sa prévalence est pour certains élevée dans le GPAO, particulièrement à pression normale [5] après 45 ans ; elle n’y serait pas plus élevée pour d’autres. Son diagnostic relève de centres spécialisés réalisant des enregistrements dits polysomnographiques (EEG, EMG, ECG et EOG simulta-nés), donnant un index de perturbation respiratoire (RDS), considéré comme sévère entre 20 et 40. Le traitement est adapté à chaque patient. Il comporte en général des mesures hygiénodiététiques pour éviter l’abus d’alcool, de tabac et de somnifères qui accentuent la fermeture des voies aériennes pendant le sommeil. Les personnes qui ont un surpoids peuvent tirer béné ce d’un régime diététique. Le traitement le plus ef cace reste le traitement par une « pression positive continue » permettant de mieux respirer la nuit grâce à la pose d’un masque.

Dispersion pigmentaire

Elle doit être systématiquement recherchée, particulière-ment lorsqu’une HPO et/ou un glaucome sont diagnostiqués chez un sujet myope avant 50 ans. Elle peut être stoppée à un stade précoce, lorsque l’HPO est déclarée, par une iridotomie : celle-ci doit lever le bloc pupillaire inverse, et donc supprimer le frottement iridozonulaire à l’origine

de la libération de pigments [6]. Cette proposition thé-rapeutique peut aussi être proposée lorsque le glaucomeest déclaré, mais ne suf t souvent pas à normaliser laPIO parce que le trabéculum risque à ce stade d’êtredé nitivement lésé.

Mais encore...

Quand le glaucome s’aggrave malgré l’abaissement pres-sionnel :• penser à la possibilité d’un glaucome chronique par fer-

meture de l’angle, dans lequel la PIO s’élève la nuit à lafaveur de la semi-mydriase de l’obscurité. L’ouverture del’angle irido-cornéen ne doit pas être seulement véri éele jour du diagnostic, mais régulièrement lors du suivien raison des modi cations biométriques du segmentantérieur secondaires à l’augmentation physiologique duvolume cristallinien ;

• des traitements concomitants peuvent in uencer défavo-rablement le cours du glaucome soit en augmentant la PIO(corticothérapie), soit en diminuant la perfusion oculaire(hypotenseurs artériels) ;

• l’inobservance médicamenteuse est souvent sous-esti-mée, favorisée par les effets latéraux et la polythérapie.L’ophtalmologiste peut la prévenir en donnant à sonpatient des informations claires et adaptées sur le dangerde la maladie et l’importance du traitement.

• en n, dans les glaucomes très évolués, la perte physiologi-que et inexorable des cellules ganglionnaires peut s’expri-mer par une altération rapide du champ visuel résiduel etun effondrement de l’acuité visuelle, contre lesquels iln’existe actuellement aucun traitement actif.

Con its d’intérêts :E. Sellem n’a transmis aucun con it d’intérêt.

Références

[1] Bron A. Hypertonie oculaire et glaucome à angle ouvert :l’apport des grandes études cliniques dans la pratique quoti-dienne. J Fr Ophtalmol 2002;25:641-54.

[2] European Glaucoma Society. European Glaucoma Guidelines.2nd Ed. Savona, Italy: Dogma; 2003.

[3] Drance SM. Vascular risk factors and neuroprotection inGlaucoma. Update 1996. Amsterdam: Kugler; 1997.

[4] Flammer J, Pache M, Resink T. Vasospasm, its role in the patho-genesis of diseases with particular reference to the eye. ProgRetin Eye Res 2001;20:319-49.

[5] Mojon DS, Hess CW, Goldblum D, Boehnke M, Koerner F, GuggerM, et al. Normal-tension glaucoma is associated with sleepapnea syndrom. Ophthalmologica 2002;216:180-4.

[6] Campbell DG. Pigmentary glaucoma: H Saul Lecture. AmericanGlaucoma Society Meeting, San Diego, CA, 1991.