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Pratique sacrificielle et activité scientifique Enquête ethnographique dans un laboratoire de physiologie The practice of sacrifice and the pursuit of science Fieldwork in a physiology laboratory Catherine Rémy Groupe de sociologie politique et morale (EHESS/CNRS), 10, rue Monsieur le Prince, 75005 Paris, France Résumé Cet article présente les résultats dune enquête ethnographique, menée dans un laboratoire de physio- logie animale, concernant la réalisation de lacte de mise à mort des cobayes expérimentaux. Pour évo- quer celui-ci, les acteurs utilisent le terme de « sacrifice ». En partant du sacrifice religieux décrit par les sociologues, nous cherchons à montrer comment lusage de ce terme dans la situation dexpérimenta- tion nest pas simplement métaphorique, mais renvoie bien, par le biais de lactualisation dun ordre de sens spécifique, à une « pratique sacrificielle » de la mise à mort des cobayes. Ainsi, la pratique dexpé- rimentation semble pouvoir aller de pair avec un traitement « respectueux » des animaux soumis aux manipulations. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Experimental physiologists use the word sacrificeto describe the putting to death of laboratory spe- cimens. Drawing on observations of laboratory practices and on religious sacrifices described by sociol- ogists, the argument is made that, beyond being a mere metaphor, sacrificerefers to a practice that ac- tivates a specific set of meanings. In this way, experimentation can be conducted while, at the same time, treating laboratory animals with respect. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. http://france.elsevier.com/direct/SOCTRA/ Sociologie du travail 48 (2006) 226239 Adresse e-mail : [email protected] (C. Rémy). 0038-0296/$ - see front matter © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.soctra.2006.04.007

Pratique sacrificielle et activité scientifique: Enquête ethnographique dans un laboratoire de physiologie

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http://france.elsevier.com/direct/SOCTRA/

Sociologie du travail 48 (2006) 226–239

Pratique sacrificielle et activité scientifiqueEnquête ethnographique dans un laboratoire

de physiologie

The practice of sacrifice and the pursuit of scienceFieldwork in a physiology laboratory

Catherine Rémy

Groupe de sociologie politique et morale (EHESS/CNRS), 10, rue Monsieur le Prince, 75005 Paris, France

Résumé

Cet article présente les résultats d’une enquête ethnographique, menée dans un laboratoire de physio-logie animale, concernant la réalisation de l’acte de mise à mort des cobayes expérimentaux. Pour évo-quer celui-ci, les acteurs utilisent le terme de « sacrifice ». En partant du sacrifice religieux décrit parles sociologues, nous cherchons à montrer comment l’usage de ce terme dans la situation d’expérimenta-tion n’est pas simplement métaphorique, mais renvoie bien, par le biais de l’actualisation d’un ordre desens spécifique, à une « pratique sacrificielle » de la mise à mort des cobayes. Ainsi, la pratique d’expé-rimentation semble pouvoir aller de pair avec un traitement « respectueux » des animaux soumis auxmanipulations.© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Experimental physiologists use the word “sacrifice” to describe the putting to death of laboratory spe-cimens. Drawing on observations of laboratory practices and on religious sacrifices described by sociol-ogists, the argument is made that, beyond being a mere metaphor, “sacrifice” refers to a practice that ac-tivates a specific set of meanings. In this way, experimentation can be conducted while, at the same time,treating laboratory animals with respect.© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Adresse e-mail : [email protected] (C. Rémy).

0038-0296/$ - see front matter © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.soctra.2006.04.007

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Mots clés : Expérimentation ; Ethnographie ; Animal ; Sacrifice ; Mise à mort ; Bien commun

Keywords: Experimentation; Ethnology; Laboratory animals; Sacrifice; Common good

1. Introduction

Le film documentaire de Frederick Wiseman, Primate, tourné aux États-Unis au début desannées 1970, offre le spectacle de scientifiques réalisant des expérimentations sur des animauxet dans l’ensemble peu scrupuleux du traitement de ces derniers. Les images livrent des prati-ques expérimentales « dures », comme la pose d’électrodes sur un cerveau à vif, accompliesavec détachement par les professionnels. Ce document illustre une façon de faire qui, semble-t-il, a constitué pendant longtemps un allant de soi dans la communauté scientifique : uneindifférence à l’égard des animaux soumis aux manipulations (Stengers, 2001), basculant par-fois dans un « éthos brutal » (Ryder, 1996). Depuis le début des années 1980, pourtant, laquestion du traitement éthique des animaux de laboratoire est devenue un enjeu de premierplan. Une réglementation a vu le jour qui rappelle la nécessité de respecter les vies animaleset l’interdiction de leur infliger des souffrances inutiles. Les scientifiques ne sont plus enmesure d’agir à leur guise et doivent même traiter avec respect les cobayes. Telles sont entout cas les visées affichées et défendues par la réforme de l’expérimentation. Mais cetteinjonction en faveur d’un traitement « humanitaire » est-elle en pratique compatible avec l’ins-trumentalisation des corps qui constitue le fondement de l’activité scientifique d’expérimenta-tion ? N’y a-t-il pas ici une tension, voire une contradiction ?

Une ethnographie menée dans un laboratoire de physiologie pratiquant l’expérimentationanimale1 nous a permis de suivre l’actualisation de cette tension. Dans ce lieu de travail, letraitement respectueux des animaux est effectivement à l’œuvre et il prend la forme d’une« pratique sacrificielle ». Dès le début de notre enquête, l’emploi du terme « sacrifice » à pro-pos du traitement des cobayes nous a interpellée. L’expression est utilisée aussi bien dans lesdivers manuels ou arrêtés réglementaires destinés aux acteurs de l’expérimentation, qu’ensituation afin de décrire le moment de l’euthanasie. N’a-t-on affaire ici qu’à une simple méta-phore ? Au-delà, s’agirait-il d’une formulation visant à « esthétiser », voire à justifier une pra-tique routinière de mise à mort ? On peut être intrigué par l’usage d’un terme qui renvoie, dansune de ses acceptions, au vocabulaire sociologique classique. Peut-on postuler une analogieentre ce discours et le « sacrifice religieux » tel que décrit par les sociologues ? N’y a-t-il pasalors un risque de fausse ressemblance ? Nous allons tenter de montrer que le laboratoire dephysiologie animale est bien une situation de travail au sein de laquelle voit le jour uneforme de « pratique sacrificielle » autour de la transformation d’animaux en objets scientifi-ques. Dans un premier temps, nous nous attarderons sur la littérature sociologique classiqueconsacrée au sacrifice religieux. Ensuite, après avoir brièvement rappelé le contexte général

1 Cette enquête de trois mois a été réalisée dans le cadre de notre thèse de doctorat de sociologie. Le lieu d’observa-tion est un laboratoire de physiologie animale appliquée à l’homme. Cette branche de l’activité scientifique étudie lesfonctions et les propriétés des organes et des tissus des êtres vivants. La physiologie utilisant le « modèle animal »pour produire des connaissances applicables à l’homme est la descendante de la « médecine expérimentale » mise aupoint par Claude Bernard. Dans le laboratoire observé, de nombreuses expérimentations sont menées sur diversesespèces animales : principalement des cochons et des rats, mais aussi des primates, des chèvres, des lapins et desagneaux.

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de l’expérimentation animale, nous mettrons nos résultats ethnographiques à l’épreuve de cettelittérature afin de clarifier l’usage du mot sacrifice dans le laboratoire de physiologie.

2. Le sacrifice religieux : un modèle pour la comparaison

En sociologie l’ouvrage classique sur le sacrifice est l’opuscule de Henri Hubert et MarcelMauss (Hubert et Mauss, 1968). Les auteurs tentent de définir la nature et les fonctions socialesdu sacrifice. Leurs sources sont doubles : la Bible et les textes sanscrits hindous. Ils reprennentle sens étymologique du mot sacrifice : « rendre sacré ». « Dans tout sacrifice, un objet passedu domaine commun dans le domaine religieux ; il est consacré » (Hubert et Mauss, 1968,p. 200). Mais la consécration rayonne au-delà de la chose consacrée et atteint la personnemorale qui a fourni la victime. Le sacrifice a donc des effets sur le « sacrifiant » (un individuou un groupe). La victime peut être un bouc émissaire utilisé afin d’expier une transgressionparticulière (d’un individu ou d’un groupe), ou encore la porteuse de problèmes humains plusgénéraux. L’introduction centrale du concept de victime, détruite lorsqu’elle est végétale, tuéelorsqu’elle est animale, doit permettre de distinguer le sacrifice de la simple offrande. La des-truction implique au préalable l’attribution d’une place de victime qui va jouer le rôle de sub-stitut et, par ricochet, devenir un support d’identification humaine. H. Hubert et M. Mauss sou-lignent à plusieurs reprises comment l’entité sacrifiée est plainte au moment fatidique, certespar crainte, mais aussi parce qu’elle est reconnue comme une victime innocente.

Les auteurs se penchent également sur la temporalité de l’accomplissement et les diversesfonctions occupées par les participants. Ces derniers ont l’obligation de changer d’état, car ilsne peuvent demeurer profanes. Le sacrifiant doit ainsi devenir dieu lui-même, mais il ne peutque rarement approcher les choses sacrées et sera suppléé par un intermédiaire : le prêtre. Ladistinction entre sacrifiant (un groupe ou un individu) et sacrificateur paraît importante : celuiqui donne ou reçoit n’est pas celui qui tue. Ensuite, le sacrifice ne peut avoir lieu en touttemps et partout et « il faut que toutes les opérations dont il est composé se succèdent sanslacune et soient à leur place » (Hubert et Mauss, 1968, p. 226). La ritualisation caractérise lapratique sacrificielle. La mise à mort constitue le point culminant de la cérémonie : « C’est uncrime qui commence, une sorte de sacrilège » (Hubert et Mauss, 1968, p. 233). D’où vientdonc l’unité du sacrifice ? Selon Hubert et Mauss, cette unité est liée à l’utilisation d’un pro-cédé qui « consiste à établir une communication entre le monde sacré et le monde profane parl’intermédiaire d’une victime, c’est-à-dire d’une chose détruite au cours de la cérémonie »(Hubert et Mauss, 1968, p. 302).

Il faut noter qu’une critique de la binarité profane/sacré contenue dans l’analysed’H. Hubert et M. Mauss a été formulée par Luc de Heusch (Heusch, 1996). Selon lui, leschéma universel de ceux-ci est entaché d’un ethnocentrisme indo-européen. « C’est en latinque le mot sacrificium, dont nous avons tiré sacrifice, constitue une opération médiatrice qui,littéralement, « rend sacrée » la victime. L’analyse d’H. Hubert et M. Mauss est pertinentepour la religion romaine » (Heusch, 1996, p. 17). L’anthropologue ne critique pas le modèlegénéral pour la société occidentale, mais insiste sur l’existence de plusieurs schèmes du sacri-fice pour une société donnée (Heusch, 1996, p. 45). Par ailleurs, il concède à H. Hubert etM. Mauss un point important : « Que la « chose » donnée doive être mise à mort pour agirsur les puissances invisibles, pour que la vie se perpétue, voilà bien le nœud du sacrifice,Hubert et Mauss ne s’y étaient pas trompés » (Heusch, 1996, p. 310). La mise à mort, permet-tant la vie, semble le nœud du sacrifice.

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L’analyse d’H. Hubert et M. Mauss nous paraît à conserver en tant que « modèle » puis-qu’elle propose une description détaillée des diverses positions au cœur du sacrifice. L’essaisouligne l’existence de pratiques impliquant une certaine « forme sacrificielle », puisque leschème est bien une forme malléable qui octroie des places dans un système. La comparaisonavec les données ethnographiques s’appuiera sur cette idée de « forme sacrificielle ». Désor-mais, nous ne parlerons plus de sacrifice, mais de « forme sacrificielle » et de « pratique sacri-ficielle ». C’est la distinction, centrale chez M. Mauss, entre « forme » et « matière », « règle »et « cause », qui nous semble à retenir. Comme le note Vincent Descombes, « donner uneforme signifiante, ce n’est pas façonner un matériau, c’est donner un ordre à des unités […]La forme est une unité d’ordre, pas une unité de vie ou d’être substantiel […] Ainsi, dansune cérémonie, un geste, un repas, un rituel, c’est l’ordre des éléments qui compte, parce quec’est cet ordre qui détermine le sens de la présence de chacun des éléments à sa place » (Des-combes, 1996, p. 177). C’est bien un « ordre de sens » renvoyant, à divers degrés, à la« forme sacrificielle » qu’il va s’agir de cerner dans la situation d’expérimentation. Bien sûr,ce sont les indices vernaculaires qui guident l’observateur et lui permettent de penser les pointsde convergence avec le modèle. La « forme sacrificielle » décrite par H. Hubert et M. Maussest un premier « ordre de sens » que nous allons comparer à un second « ordre de sens », celuide la situation d’expérimentation.

3. L’expérimentation scientifique sur l’animal

Les textes réglementaires sur l’expérimentation animale, ainsi que les acteurs observés, mobi-lisent le verbe « sacrifier » quand ils évoquent l’utilisation des cobayes. Tantôt, il s’agit dedécrire le moment de l’euthanasie, tantôt la pratique en général. Jusqu’aux années 1970, l’expé-rimentation animale est peu régulée et les chercheurs déterminent ce qu’il est acceptable ou nonde faire. Par la suite, une réglementation centrée sur une « humanisation » du traitement descobayes est mise en place (Antoine, 2002). Dans cette perspective, « il ne sera pas effectué d’ex-périence s’il existe une possibilité d’avoir recours à une autre méthode scientifiquement accep-table et n’impliquant pas l’utilisation d’un animal […] Toute expérience sera conçue pour éviteraux animaux utilisés toute angoisse ou souffrance inutile […] À la fin de toute expérience, il estdécidé si l’animal doit être gardé en vie ou sacrifié selon une méthode humaine étant entenduqu’un animal ne doit pas être gardé en vie […] s’il est probable qu’il subirait des douleurs2 ».La vivisection est désormais rentrée dans la sphère de la morale : l’animal, être sensible, doitêtre traité, sacrifié humainement dans la perspective d’un bien commun supérieur démontrable.À ce propos, les manuels consacrés à l’éthique de l’expérimentation possèdent désormais unesection « intérêt de la recherche » qui vise à imposer la démonstration préalable de l’apportescompté afin de justifier le recours à des « modèles animaux3 ». L’obtention de ce « bien com-mun » devient une issue centrale et le chercheur doit faire preuve de sensibilité et d’imaginationpour adapter l’utilisation de vies animales à la recherche de celui-ci. Et l’on est frappé de discer-ner des positions et visées proches de la « forme sacrificielle » : la victime, le sacrifiant et le biencommun supérieur. La réglementation semble renforcer la pertinence de la comparaison desrésultats ethnographiques avec le modèle du sacrifice religieux.

2 Directive du conseil des communautés européennes, 24 novembre 1986.3 Voir, par exemple, Expérimentation Animale, mode d’emploi, Inserm, Paris, 1992. L’évaluation de la recherche

repose sur plusieurs critères, comme l’intérêt humanitaire (santé, sécurité, bien-être de l’homme), l’intérêt cognitif(élargissement du domaine de la connaissance), l’intérêt économique etc. (p. 25).

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Michael Lynch, au cours d’une ethnographie menée dans un laboratoire de neurosciencestravaillant sur des rats, s’est penché sur cette question du sacrifice (Lynch, 1988). L’usage ver-naculaire du concept attira son attention, pour le conduire à la conclusion d’une effective pra-tique sacrificielle. M. Lynch utilise, lui aussi, la théorie classique comme point d’appui à sadémonstration. Il distingue trois points de rencontre avec la théorie d’H. Hubert et M. Mauss :la mise à mort de l’animal rend possible sa valeur analytique, cette mort est le véhicule d’uneidentification humaine et elle est accomplie de façon ritualisée. Mais quel est le statut analy-tique du schème sacrificiel ? Le sociologue traite le schème comme « une explication de mem-bre » qui permet d’aider à articuler des thèmes partiellement explicités. Le schème se trans-forme en « ressource herméneutique » permettant de lire avec plus de clarté des aspects nonévidents de la pratique. M. Lynch fait un usage modéré du schéma puisque celui-ci constitueune ressource herméneutique parmi d’autres. Or, il nous semble que l’idée de « pratique sacri-ficielle » implique celle d’un « ordre de sens » repérable grâce à la mise en oeuvre contrôléed’une comparaison avec la « forme sacrificielle » décrite par H. Hubert et M. Mauss. Lanotion d’ordre de sens nous paraît plus exigeante que celles d’explication de membre ou deressource herméneutique. L’ethnographe immergé dans une situation a la possibilité de décou-vrir l’existence d’un tel ordre qui va se déployer sur l’axe explicite/implicite4. Par conséquent,le sacrifice sera moins, selon nous, une « explication de membre » qu’une pratique renvoyantà un ordre, à un tout spécifique, non forcément explicitable par les acteurs. L’idée défendue estalors celle d’une « structuration » qui relie des actions, parfois séparées dans le temps et dansl’espace, au sein d’une situation sociale. Cet « ordre de sens » excède les faits bruts observa-bles. Nous ne percevons plus l’objet ou l’événement comme un élément monadique, mais lesaisissons « dans sa complexité, c’est-à-dire en tant que partie ou phase d’une totalité structu-rée » (Quéré, 1999, p. 327). Percevoir des interdépendances proprement sociales5 consiste àsaisir directement et simultanément des choses qui vont ensemble, en fonction d’une règle desens. La présence de l’observateur dans la situation est déterminante : celui-ci se retrouve« pris » dans la production de l’action et c’est cet engagement qui lui permet de repérer lesrègles en vigueur. Mais rentrons dans l’univers du laboratoire de physiologie afin de comparerles résultats de l’observation ethnographique à la « forme sacrificielle ».

4. La « forme sacrificielle » au sein du laboratoire d’expérimentation

4.1. L’organisation du travail

Le laboratoire de physiologie comporte diverses catégories d’acteurs : les chercheurs, les tech-niciens de laboratoire qui aident les chercheurs et les techniciens animaliers qui s’occupent desanimaux vivants et se divisent en deux catégories, les « animaliers éleveurs » et les « animaliers

4 M. Lynch, à plusieurs reprises, souligne le caractère tacite de certains éléments sacrificiels, sans toutefois en faireun point d’analyse à part entière.5 Notre position place au centre de l’analyse le concept d’« ordre de sens » afin de souligner l’existence d’interdé-

pendances qui renvoient à un sens non forcément explicitable par les acteurs et qui se situent dans, mais aussi au-delàde l’événement physique observable. Cette tentative retient la définition de la « relation sociale » donnée par VincentDescombes : « Une relation sociale s’établit entre des personnes lorsqu’elles coopèrent dans les conditions suivantes :la première a accompli sa part d’un acte social quand la seconde en a accompli la part complémentaire. Par exemple,entre le professeur et l’élève, la relation est seulement intersubjective quand elle est seulement tentative de communi-quer, mais elle est sociale quand elle est une relation d’enseignement, car le professeur n’a enseigné que si quelqu’una été enseigné, et l’élève n’a reçu un enseignement que si quelqu’un d’autre lui a donné » (Descombes, 2001, p. 155).

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du bloc opératoire » (dont il n’y a qu’un représentant). Cette division des animaliers est crucialeen ce qui concerne l’ordre de sens de la situation : les uns soignent les animaux, tandis que lesautres les tuent. M. Lynch a mis en avant l’existence de deux catégories de cobayes au sein de lasituation d’expérimentation : les « animaux naturalistes » et « les animaux analytiques » (Lynch,1988). L’animal naturaliste est la créature de sens commun qui est présente dans la situation afinde devenir un animal analytique, artefact scientifique porteur de significations générales. Notreethnographie tend à montrer l’existence d’une répartition des tâches et des espaces autour decette dichotomie : les chercheurs sont en effet largement coupés des « animaux naturalistes » etcela, selon nous, pour des raisons relatives aux troubles induits par la perception de ces corpssinguliers et différents de celui de l’homme, utilisés en vue de la production de connaissancesstandardisées et applicables à l’humain. Mais le « jeu actantiel » met également quatre catégoriesd’acteurs en évidence autour de la mise à mort des animaux. Les chercheurs interviennent justeavant ou après la mise à mort afin de travailler sur les « animaux analytiques ». Les animalierséleveurs soignent et sélectionnent les « animaux naturalistes » qui vont mourir ou être opérés.Les techniciens de laboratoire opèrent les « animaux naturalistes » et tuent parfois, tandis quel’animalier du bloc opératoire prépare les « animaux naturalistes » et les tue presque systémati-quement. Ce sont donc ces deux dernières catégories qui sont en charge de la mise à mort. Lesdeux premières se situent en amont et en aval de cette phase. Bien sûr la réglementation joue unrôle dans cette répartition des tâches : il faut une formation et une autorisation pour euthanasierles animaux. De plus, la coupure entre « animal naturaliste » et « animal analytique » a directe-ment un impact sur le traitement de la mise à mort : les chercheurs se tiennent à distance del’animal naturaliste et donc fréquemment de son euthanasie. L’idée d’un « problème » spécifiqueposé par la mise à mort doit-elle alors être écartée ? Tout d’abord, dans la mesure où l’autorisa-tion s’acquiert en deux semaines, n’importe quel acteur de la situation peut en devenir le déten-teur. Il ne s’agit donc pas d’une « raison » convaincante. Par ailleurs, selon nous, la distinctionde catégories d’acteur autour de cette activité particulière de mise à mort complète et approfonditla répartition des tâches opérée par la coupure animal naturaliste/animal analytique, mais ne seréduit pas à elle, puisqu’elle renvoie à l’introduction d’une figure situationnelle d’importance :la victime innocente. Il y a bien, d’après nous, un pan particulier de l’activité qui se construitautour de la mise à mort. Si l’on reprend l’idée de « forme sacrificielle », plusieurs termes vontapparaître dans la situation d’expérimentation.

4.2. Don, sacrificateur et victime innocente

Les animaliers éleveurs sont en charge des animaux naturalistes, cela implique avec ces der-niers l’établissement de rapports prolongés, d’attachements, mettant en jeu une « subjectivationpositive6 », voire une « personnalisation ». Mais les éleveurs sont aussi ceux qui vont sélec-tionner les animaux à « sacrifier» : ils sont partie prenante du protocole expérimental. Selon

6 Dans un régime de subjectivation, l’acteur humain interagit avec un animal devenu sujet, c’est-à-dire ressentant etdoué d’intelligence. Une forme de communication est possible entre l’humain et le non-humain, les agissements decelui-ci sont alors pris en compte par celui-là comme « messages » compréhensibles. La subjectivation peut avoirdiverses formes. Nous parlerons d’une subjectivation positive lorsque l’animal est perçu positivement, souvent sousla figure d’un être innocent. Nous parlerons au contraire d’une subjectivation négative lorsque l’animal est perçucomme un être problématique, voire menaçant qui nécessite le recours à la violence. La subjectivation, qui peutn’être que furtive, se différencie de la personnalisation qui, pour sa part, implique d’établir une véritable relationinscrite dans une temporalité longue.

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nous, cette double position conduit les éleveurs à effectuer une forme de « don », ou, en toutcas, un acte entraînant un « coût moral », certes limité. Bien sûr ce « don » n’implique pas larecherche d’effets, si ce n’est que le geste enclenche le processus de production de connaissan-ces scientifiques. Les techniciens de laboratoire et l’animalier du bloc s’occupent des animauxnaturalistes sur un très court laps de temps, pendant les opérations, et les tuent. Ils ont uncontact direct avec l’animal naturaliste, mais pas de relation impliquant une temporalité lon-gue. Ils tuent des êtres envers lesquels ils n’ont pas d’attachement. On retrouve de manièreatténuée la posture d’extériorité du sacrificateur. Les animaux représentent pour ces « sacrifica-teurs » des entités anonymes quoique furtivement singularisées en tant que victimes. L’obser-vation révèle que chaque animal cobaye est « subjectivé positivement » par les techniciens encharge de la gestion de l’expérimentation ou de l’euthanasie, c’est-à-dire furtivement perçu entant qu’être sensible et singulier. Les « tueurs », dans cette situation de travail scientifique,attribuent au cobaye un statut de victime innocente. Du côté des chercheurs ce cadrage est enrevanche entravé, mais non pas annihilé, par la coupure « animal naturaliste »/« animal analy-tique ». L’impact émotionnel de la mise à mort, fort dans le cas des éleveurs, s’en trouve, pourles chercheurs, nettement diminué. Les chercheurs opèrent les animaux ou reçoivent les prélè-vements issus de la mise à mort ; on pourrait dire qu’ils reçoivent les « effets » de celle-ci sansen supporter le « coût ». Néanmoins, cette posture de réception est éphémère, puisqu’ils doi-vent à leur tour transformer les prélèvements pour produire des connaissances scientifiques.

Il est clair que la « forme sacrificielle » n’est que partiellement présente dans la situation.Néanmoins, émerge l’idée d’un ordre de sens autour de la mise à mort, fondée sur une com-plémentarité entre les diverses « positions actantielles », chacune dépendant des autres et fonc-tionnant parfois entre elles comme « garde-fous ». Les éleveurs « doivent » donner, car leschercheurs attendent les résultats de la transformation en animal analytique, mais les cher-cheurs et les techniciens « doivent » respecter l’entité, et cela en raison, même si pas unique-ment, de l’attachement des éleveurs envers leurs animaux. Les techniciens et les chercheursreconnaissent le statut de victime innocente du cobaye car, de façon générale, ils partagentavec l’ensemble des membres un « sens commun » au sujet de l’expérimentation7. Et c’estici que la notion de « tout » prend du relief : malgré les diverses positions actantielles condui-sant à des regards disparates, notamment en ce qui concerne le cobaye, les acteurs admettent,quels qu’ils soient, le statut de victime innocente de l’animal. La « force » de la chaîne et deson soubassement, l’ordre de sens, est de permettre une pratique d’expérimentation et de miseà mort en vue d’un bien commun utilitaire qui respecte l’entité cobaye tout en permettant satransformation en artefact scientifique porteur de significations générales. La retranscriptionde séquences d’action issues de notre carnet de notes va nous permettre d’illustrer ce quivient d’être dit et de pénétrer plus avant dans l’univers du laboratoire.

Séquence 1 : Ce matin, je suis au bloc opératoire. Une expérimentation est en coursconcernant le fonctionnement du foie. Des chercheurs opèrent un cochon bien portant pourlui prélever le foie afin de brancher l’animal à une machine « de dialyse » et tester sontemps de survie.

Christophe (le technicien animalier du bloc opératoire) me dit qu’il doit aller chercher unautre cochon dans la zone des « étables ». Je l’accompagne. Jean-Marc (un animalier éle-

7 Peut-être cette reconnaissance de la figure de la victime n’est elle que mauvaise foi. Néanmoins, comme l’a biensouligné Erwing Goffman, l’essentiel pour le sociologue n’est pas d’enquêter sur la véracité de l’engagement affiché,mais bien de constater ce qui est fait et effectivement exprimé.

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veur) nous accueille […] Christophe se met à califourchon sur la bête et lui fait une piqûreanesthésiante. Ch (à mon attention) : « J’lui fais une piqûre pour qu’il s’endorme, qu’il soitplus docile ! » Christophe fait sortir l’animal et le pousse jusqu’à la voiture. Jean-Marcl’aide. Ce dernier a des gestes très doux : il pousse doucement l’animal et lui donne mêmeune tape amicale au moment de la séparation […] Pendant le trajet, l’animal gesticule. Ch :« Oh, y dort pas encore, fait chier ce cochon ! » […] Christophe sort de la voiture et vachercher un brancard. José, un autre « animalier éleveur », passe par là. Il regarde à l’inté-rieur de la voiture et s’exclame en direction de l’animal : « Pauvre vieux, on va t’en fairedes choses ! » […] Christophe transporte l’animal jusqu’à la table d’opération. Une foiscelui-ci étendu sur le dos, il l’ausculte et s’exclame : « Oh, il a les yeux vairons ! » René,un technicien de laboratoire, arrive dans la pièce. Christophe répète : « Le cochon, il a lesyeux vairons ! » René : « Ah ouais, c’est comme David Bowie ! » […] Christophe s’apprêteà faire une nouvelle piqûre à l’animal. Il découvre une malformation au niveau de l’oreille.Ch : « Oh ben dis donc, c’est quoi c’truc ! C’est une malformation ! Il est bizarre cecochon ! » René, qui était sorti, revient. Christophe lui dit : « Alors c’lui là, il est bizarre,il a une oreille malformée ! » (il rit). Christophe dit : « J’aurais dû faire ce prélèvement hier,mais j’ai tué l’autre, alors… (il a l’air contrarié). Du coup j’ai demandé à Daniel (un deschercheurs) de le faire, car je ne veux pas recommencer ! » […] Daniel arrive. La discus-sion s’engage sur le vélo […] L’opération consiste à trouver l’artère carotide afin de préle-ver du sang. Daniel incise puis passe la main dans la fente et tâte. Christophe regarde ets’exclame : « Pourquoi y saigne comme ça celui-là […] Celui d’hier, y saignait pascomme ça, mais bon il est mort après ! » Daniel continue. Christophe reprend : « Oh lala, faut faire gaffe, car ça risque de péter ! » Daniel a l’air stressé. Christophe est un vraimoulin : « Hier, j’me souviens avoir vu cette veine là, mais après il est mort ! Alors… »MONTÉE EN TENSION. Daniel semble inquiet. Ch : « Ouais hier, j’ai dû sans m’en ren-dre compte sectionner un nerf, j’ai coupé un truc, et puis il s’est arrêté de respirer, alorsvoilà ! » Daniel a décidément du mal à trouver la veine. Christophe dit : « J’espère qu’iln’a que l’oreille de bizarre ! » (il rit). Daniel semble enfin réussir : « Ça y est, je l’ai. »[…] Le prélèvement peut commencer. Daniel dit à mon attention : « Il doit survivre celui-là, donc on va bien le recoudre ! On va lui faire plusieurs plans (niveaux de couture). »Christophe regarde l’animal et dit : « Pauvre vieux, va ! » (il ne rit pas) […] Un techniciend’entretien, Bertrand, arrive et dit : « Vous le sauvez, celui-là ? » Ch : « Oui, oui, c’est pourça qu’on recoud bien ! »

Séquence 2 : Un autre jour, Daniel et Christophe effectuent de nouveau un prélèvementde sang sur un cochon qui doit être sauvé. Bertrand, le technicien d’entretien, est présentlors de la phase finale8. Daniel est en train de recoudre l’animal. Il évoque l’utilisation deproduits antiseptiques.

Daniel : « Les chirurgiens, ils mettent de la bétadine […] C’est encore mieux, c’est unanti-infectieux. » Ch : « Moi j’croyais qu’y mettaient de la pénicilline. » D : « La bétadineconcentrée, c’est plus puissant que n’importe quel antibiotique ! » Ch : « Ah ouais… Et là,tiens, on pourrait en mettre de la bétadine ! » (le ton est sérieux). Bertrand rit et dit : « Disdonc… » À ce moment, je ris aussi et dis : « Alors là, c’est royal ! » Bertrand continue :« J’ai un stock tu sais là-bas. » Tout le monde rit. Christophe répond sur un ton amusé :

La conversation est retranscrite de façon très détaillée, car elle est issue d’un enregistrement vidéo.

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« Ouais, mais après y’a Jean-Marc (l’animalier éleveur) qui garde le cochon, si ça s’infecteon aura mauvaise réputation ! » Daniel : « Ouais, ouais, il est attaché à ses cochons ! […]C’est génial, ça j’trouve ! (il ne rit pas). C’est… » (il ne finit pas sa phrase). Bertrandembraye : « Mais on met pas de l’eau physio… »

Lorsque Jean-Marc, dans la première séquence, conduit l’animal à la voiture, il traite cedernier avec respect. Dans l’extrait suivant qui voit Christophe envisager d’appliquer de labétadine au cobaye, la sanction par le rire des autres participants conduit celui-ci à « secacher » derrière l’attachement de Jean-Marc. Bref, Jean-Marc, l’animalier éleveur, est celuiqui, dans la situation, est attaché à l’animal. Le passage furtif d’un autre éleveur — José —nous interpelle : il regarde l’animal et, dans un discours adressé à celui-ci, énonce une formede plainte sur son devenir. Nous voilà dans la rhétorique de l’entité à plaindre que l’on inter-pelle directement. Celle-ci est d’ailleurs reprise par Christophe à la fin du prélèvement san-guin. Il s’avère que cette rhétorique de la plainte — aussi furtive qu’elle puisse paraître dansl’interaction — est récurrente dans la situation. Elle est à la base d’énoncés typiques qui scan-dent les diverses phases de la mise à mort. Cette rhétorique est partagée par l’ensemble desacteurs et, de façon générale, adressée en présence de l’animal, de façon directe, au momentd’une expérimentation. L’idée de plainte connecte à celle de victime innocente : on plaintune entité sensible dont le traitement contient une forme d’injustice, en raison de son inno-cence. Mais il est remarquable pour la compréhension de l’ordre de sens, que cette rhétoriquesoit essentiellement l’apanage des « animaliers éleveurs ». Ces derniers sont les représentantsde l’« animal naturaliste » et, par conséquent, les plus enclins à l’attachement et à l’émotionenvers celui-ci. Du coup, c’est avant tout pour cette catégorie d’acteurs que la mise à mortdes animaux est problématique, et, surtout, que la visée scientifique de l’activité oblige à un« renoncement » tout en créant des attentes morales fortes en ce qui concerne le traitementau cours des expériences.

Séquence 3. Je suis au bloc opératoire. René opère un cochon pour une expérienceconcernant l’effet du fer sur les tissus intestinaux. Christophe est également présent.Comme à son habitude, il a préparé l’animal et surveille le bon déroulement de l’anesthésie.

René incise […] Alors que la manipulation est quasiment terminée, il évoque l’apprivoi-sement des cochons. R : « Un cochon, ça s’apprivoise facilement […] Y’en avait certains,on leur faisait une petite ouverture bien nette, bien propre et on les ramenait en haut, on lesgardait un mois comme ça […] Ils s’habituaient à nous, quand on voulait leur faire unepiqûre, ils se baissaient, alors après ça faisait de la peine de les tuer ! » Christophe :« Ah ouais, les cochons, ça s’apprivoise bien, tu t’occupes d’eux trois fois et ils te recon-naissent, ils sont beaucoup moins stressés quand tu leur fais une prise de sang […] Maisbon, faut pas rater ta première piqûre, parce que sinon, tu peux plus les approcher ! » R :« Ah c’est sûr ! Ils sont malins, tu t’approches et ils réussissent à s’échapper ! » C :« Ouais, c’est complètement différent du mouton, le mouton, c’est con ! T’as beau t’occu-per de lui 20 ans, tu me diras 20 ans ça fait un peu beaucoup vu le temps qu’il vit (rires),plutôt 4 ans, il ne te reconnaît pas ! […] Parce que bon si tu fais des efforts envers un ani-mal et qu’il n’y a aucun contact, c’est pas la peine ! » J’interviens alors : « Mais cescochons, tu as des contacts avec eux ? » C : « Oh non, moi j’vais juste les chercher, maisles gars d’en haut eux ils en ont ! » […] Avant l’euthanasie, Christophe veut effectuer unprélèvement sanguin […] C : « Bon, ben, cette fois-ci, j’espère que je ne vais pas le tuer ! »R : « Oh non. » C : « Ben, ça m’est déjà arrivé ! » René banalise la remarque de Chris-

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tophe : « Ouais, mais de toute manière, il est condamné… » Christophe trouve facilement lacarotide au niveau du cou de l’animal. Le moment de pose du cathéter est délicat. R : « Faisattention au débit de l’artère ! » […] Puis les deux hommes se mettent à plaisanter alors queles poches de sang se remplissent. C : « Ouais », t’imagines, tu vas donner ton sang dans lecamion et on te dit « montrez votre gorge » (rires). R : « Ah ouais, c’est comme ce vieuxfilm américain, y’a un gars qui se fait enrôler dans la marine, et en fait il doit donner sonsang, et on lui en pompe tellement qu’à la fin, c’est de l’eau qui sort ! » […] Alors que ladiscussion continue, un bruit retentit. Christophe se rend compte que l’animal ne respireplus. C : « Oh ben, ça y est ! » R : « Faut dire que t’y es pas allé de main morte ! » C :« Ouais… Son cœur s’est arrêté, ben pauvre vieux, ça y est ! » Christophe a l’air ennuyé.Quelques secondes plus tard, je sursaute, car je vois que l’animal respire de nouveau etm’exclame : « Regardez ! Il respire ! » René normalise immédiatement mon étonnement :« Non, c’est qu’il devait être en apnée ! » C : « Ouais, j’ai arrêté de pomper, ça lui a fait unretour, et le cœur s’est remis à battre… En fait, le cœur s’arrête, mais il peut repartir ! »Puis Christophe s’adresse directement à l’animal : « Bon ben mon loulou, on va en finir,t’as cru que t’allais survivre ! » (il ne rit pas) […] Christophe fait l’injection létale et s’ex-clame : « Ça y est Loulou, c’est fini ! » […] Une des chercheuses qui participe à la recher-che arrive dans la pièce. Elle regarde le corps de l’animal et dit : « Oh, il en aura subi deschoses ! » C : « Ouais… Ben ça y est, il est mort […] J’le recouds pour que ça soit plusesthétique, moins gore ! »

René évoque l’établissement d’une relation avec les animaux qu’il met en lien avec une dif-ficulté face à la mise à mort. On voit bien que dans la situation, même si les diverses catégo-ries d’acteurs ont des rôles bien spécifiques, il n’y a pas d’imperméabilité radicale entre lespositions. Tous les acteurs de cette séquence expriment, à un moment ou un autre, une émo-tion vive face au traitement et au destin du cobaye. Ce point est important : la sensibilité àl’égard des animaux est partagée par l’ensemble des catégories d’acteurs et cela influe certai-nement sur l’actualisation réussie d’un traitement humanitaire au sein d’une pratique d’instru-mentalisation des corps et donc porteuse d’une violence inhérente. Toutefois, Christopheconfirme les résultats de l’observation et l’importance des interdépendances : ce sont « lesgars d’en haut », les éleveurs, qui ont des liens avec les animaux, d’où, si l’on suit René, ladifficulté accrue face à la mise à mort qui doit en découler pour eux. Au cours de la séquence1, la réaction mécontente de Christophe face aux manifestations de l’animal alors que nousredescendons des étables, illustre le décalage dans le traitement en fonction de l’existence ounon d’un attachement. Christophe, celui qui tue les animaux, est détaché de ceux-ci, il peutdonc basculer plus aisément dans un traitement teinté d’indifférence, voire de violence. Toute-fois, et ce point est central, il use systématiquement de la rhétorique de la plainte alors qu’ils’apprête à tuer. Son émotion, durant la séquence 1, alors qu’il évoque comme une litanie sa« faute » — il a tué un cochon qui devait être sauvé — illustre ce respect de la figure de l’in-nocente victime. La mise à mort doit être alignée sur le programme protocolaire. Au cours dela séquence 3, qui a lieu pratiquement deux mois après la séquence 1, Christophe a encorel’incident en mémoire. Soulignons que René atténue immédiatement l’émotion de l’animalieren rappelant le dénouement inéluctable. Pourtant, alors que l’animal semble mort de façoninattendue, René émet un jugement négatif — « tu n’y es pas allé de main morte ». Christopheest ennuyé par l’incident, car il ne va pas dans le sens d’un traitement respectueux. La violencefait son apparition. Malgré l’ordre de sens, le traitement du cobaye s’avère parfois brutal.Celui-ci demeure un instrument et le traitement éthique ne peut advenir que sur fond de cette

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définition première. Toutefois, l’émotion est immédiate : c’est bien une faute qui a été com-mise. Contre toute attente, l’animal se réveille. Cette anomalie dans le déroulement conduitChristophe à accentuer l’expression de sollicitude en direction du cobaye et surtout à opérerun traitement du cadavre plus soigné que d’habitude. Mais cette émotion exprimée par l’ani-malier n’est-elle pas le fruit d’une « faute » uniquement technique pouvant entraîner un juge-ment négatif sur sa compétence ? D’après nous, elle s’inscrit au-delà de raisons économiquesou techniques et renvoie au statut victimaire de l’animal tué. La séquence 2, durant laquellel’attachement de Jean-Marc et ses potentielles réactions négatives sont évoqués, illustre l’im-portance d’un traitement respectueux des entités qui échappe aux impératifs économiques,mais « parle pour » l’animal–victime. Un jeu de sanctions informelles entre les membres estperceptible. L’animal, même s’il va mourir, « compte » tout de même, c’est-à-dire que lesacteurs font attention, dans une certaine mesure, à lui. La chercheuse qui apparaît à la fin dela manipulation énonce, elle aussi, une plainte typique — il en aura subi des choses. La cou-pure entre l’animal naturaliste et l’animal analytique n’empêche pas, du côté des chercheurs,une reconnaissance du cobaye en tant que victime. Un autre point doit être souligné : Bertrand,au cours de la séquence 1, alors qu’il pénètre dans la salle d’opération, pose immédiatement laquestion de la survie de l’animal. Cette interrogation s’avère typique : lorsqu’un acteur nonimpliqué dans une expérimentation se retrouve face au corps du cobaye, il questionne presquetoujours les expérimentateurs sur son devenir. La mise à mort est un élément clé du travail etdes interactions dans le laboratoire de physiologie.

4.3. Contrainte d’analogie et figure victimaire

Les chercheurs en physiologie utilisent le « modèle animal », c’est-à-dire expérimentent surdes animaux, afin de produire des connaissances sur le fonctionnement du corps humain. Letravail s’effectue sur des animaux, mais pour produire in fine des découvertes scientifiquessur les humains. Un point capital, selon nous, est que l’animal, dans la situation d’expérimen-tation, doit impérativement ressembler à l’homme afin de produire des résultats valides. Il y acontrainte d’analogie. Émerge la figure d’une entité qui est mise à mort parce qu’elle est pro-che, voire « identique » à l’homme. Cette substitution donne, selon nous, toute sa force au pro-cessus victimaire. Un élément clé de la « forme sacrificielle » refait surface : l’identificationdes hommes avec la victime. Mais on pourra objecter à cette analyse que, pendant longtemps,l’expérimentation est restée étrangère à toute idée de régulation et, selon certains, a développéun « éthos » de l’indifférence, voire de la cruauté à l’égard des cobayes, alors même que la« contrainte d’analogie » se trouvait au cœur de la pratique (Ryder, 1996 ; Stengers, 2001).Or, selon nous, l’expérimentation s’enracine dans une ambiguïté au sujet des frontières d’hu-manité. L’injonction d’analogie entre l’homme et l’animal apparaît propice soit à une distanceteintée de violence, soit à un traitement sensible, en tout cas à une prise en compte de l’entitéen tant qu’être vivant, agissant et ressentant, bref, à une subjectivation. Il nous semble que lesdescriptions d’un « éthos » indifférent ou cruel chez les scientifiques ne renvoient pas à une« objectivation9 » de l’animal, mais bien à une « subjectivation négative ». La vivisection, tra-vaillée dès son apparition par la question de la similitude, a entraîné un regard spécifique surles cobayes ne pouvant osciller qu’entre deux positions opposées, mais construites l’une et

9 Dans un régime d’objectivation, l’homme interagit avec un animal devenu être objectal : celui-ci n’est pas perçucomme sentant et doué d’intelligence, mais comme insensible et largement passif. Le traitement est alors caractérisépar le détachement et l’absence de tout anthropomorphisme.

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l’autre sur une prise en compte du vivant sensible : violence ou respect10. D’autre part, on dirasûrement que l’identification humaine au cobaye demeure, en dernière instance, faible ; unesimple analogie des corps ne suffisant pas à susciter une réelle transposition. Mais il fautalors prendre en compte la possibilité d’une perception par l’imagination. L’ethnographie« dit » sur ce point quelque chose d’important : les membres du laboratoire, dans leurs inter-actions quotidiennes avec les animaux, opèrent sans arrêt des rapprochements avec ceux-ci etvont même jusqu’à les plaindre et les décrire comme des victimes innocentes. Spontanément,les hommes établissent des relations intersubjectives avec les animaux, qui plus est lorsque lasituation exacerbe l’idée d’une ressemblance. Comme l’a souligné M. Lynch, l’animal, dans lecadre de la pratique scientifique, n’est pas un bouc émissaire permettant d’expier diverses fau-tes, mais un médiateur facilitant la formulation de « requêtes » en lien avec la maladie et ladégénérescence humaine. Plutôt que médiateur, nous préférons le terme de substitut. Et cemouvement place les acteurs dans une situation propice à l’imagination qui leur permet depenser l’analogie, en dépit des différences criantes, mais aussi la nature sensible des cobayes,« sacrifiable » car mise en relation avec un bien commun supérieur. Suivons l’évocation de cedernier dans le laboratoire.

Séquence 4 : Un matin, je discute avec Christophe. Il évoque les mouvements antivivi-section.

Moi : « Qu’est-ce que tu en penses ? » C : « Moi je trouve ça bien qu’il y ait un contre-pouvoir ! Parce que bon ça a des effets, ça les oblige à pas faire n’importe quoi […] Ils fontvachement moins de trucs qu’avant, par exemple sur les singes et pourtant la recherchecontinue à avancer. Mais en même temps, il faudrait qu’ils montrent plus ce qu’ils font debien ! Par exemple, quand il y a le Téléthon, y devraient parler de tous ces chiens qu’ilssont obligés de buter ! Mais, non y disent rien ! Bon, alors après on préfère les chiens oules enfants (il ne rit pas), mais bon les gens sauraient que ça sert à sauver des enfants […]Mais bon ils ne disent rien parce que ça pourrait leur faire perdre de l’argent. Ils disent « onutilise quasiment pas d’animaux », mais quand ils peuvent montrer ce qu’ils font, ils ne lefont pas […] Par exemple, à X, ils expérimentent sur des labradors qui ont une myocardie,un truc comme ça, un jour, ils ont trouvé un chien qui avait ça et ils l’ont fait se reproduirepour pouvoir faire des études […] Ouais, mais c’est sûr, le chien, il a du mal à marcher, ilbave et puis à la fin, il meurt, alors c’est sûr c’est pas génial… »

Entre eux, les membres ne discutent pas du bien commun supérieur engagé par leur activité.Il va en quelque sorte de soi. Par contre, dès que le discours s’oriente vers les « antivivisec-tions » ou les critiques générales adressées à l’expérimentation, ils y font appel. Il s’agit alorsde sauver des vies humaines, de faire avancer la recherche. L’existence et l’injonction d’analo-gies entre l’homme et l’animal permettent la mise à mort de celui-ci en vue d’un bien supé-rieur touchant au devenir humain. Mais ce type de regard place alors les acteurs devant unedifficulté de distanciation par rapport à l’acte de mise à mort et, plus généralement, à la bruta-lité inhérente de l’instrumentalisation. L’animal est un instrument, mais aussi une victime

10 L’enquête sociologique d’Arnold Arluke et Clinton R. Sanders dans deux laboratoires d’expérimentation auxÉtats-Unis va dans ce sens (Arluke et Sanders, 1996). En effet, les sociologues montrent comment, dans le premierlaboratoire où l’un des critères de recrutement du personnel est la sensibilité envers les animaux, l’engagement desacteurs s’oriente largement vers un traitement respectueux, alors que dans le second, au sein duquel on ne demandeaucune sensibilité particulière et où l’indifférence à l’égard des cobayes est érigée en norme, le traitement basculesouvent dans une violence active, certes maîtrisée.

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innocente, parce que sensible et proche de l’homme, et parce que mis à mort dans l’escompted’un bien supérieur humain.

5. Conclusion

Même s’il n’y a pas de sacrifice effectif dans la situation d’expérimentation, l’ordre de sensmis au jour s’apparente sur certains points à la « forme sacrificielle ». Celle-ci nous a permisde mieux cerner les éléments qui donnent du contenu à l’usage du terme sacrifice dans le labo-ratoire : la victime innocente, le traitement respectueux qui l’accompagne et sa mise en relationavec un bien commun supérieur. De plus, l’ordre de sens crée les conditions pour qu’un« don » ait lieu, certes plus que modeste, mais rappelant néanmoins l’existence, la valeur dela vie « sacrifiée ». Le mot sacrifice n’est donc pas employé comme une simple métaphore,mais renvoie à une pratique qui passe par la mise en œuvre d’interdépendances spécifiquesdans la situation.

Une question demeure néanmoins latente : l’existence d’une « pratique sacrificielle » ausein du monde scientifique ne renvoie-t-elle pas à une certaine « sacralisation de la science » ?Certains ont souligné comment « aux XIXe et XXe siècles, la modernité impose le modèle dela rationalité scientifique comme paradigme et marginalise le religieux traditionnel tout enrécupérant ses images et ses mythes, tout en transposant ses rituels » (Renard, 1990, p. 84).La question de l’inconscience des acteurs est posée : ces derniers croient être dans le profane,mais, en réalité, ils emprunteraient des éléments au religieux et reconstruiraient des nouvellesformes de syncrétisme. À ce propos, Albert Piette (Piette, 1990), qui s’est penché sur lesmodalités de rapports entre activité religieuse et activités séculières, offre une piste deréflexion particulièrement intéressante pour notre propos. Il souligne que l’activité scientifiquea, en quelque sorte, usurpé la « donnée » spécifique de l’activité religieuse : la mort commeproblème à résoudre. S’est ainsi développée une gestion scientifique de la transcendance parle biais de réponses à l’angoisse de mort et au désir de survie. Mais, observe l’auteur, « cetteprésence résulte plus d’une nécessité sociologique (associée à la présence du principe sacré outranscendant) que d’un emprunt strict qui supposerait une mise en rapport ponctuelle entre lesdeux activités […] Le lien ici entre séculier et religieux n’est pas un emprunt, mais plutôt unlien de nécessité sociologique comme si le séculier engendrait les mêmes mécanismes que lereligieux pour mettre en place les principes du sacré et du transcendant » (Piette, 1990,pp. 221–222). Une « religiosité » scientifique certes, mais pas au sens d’un emprunt direct.Le bien commun supérieur rencontré dans la situation d’expérimentation renvoie, en dernièreinstance, à la mort comme problème à résoudre. La mise à mort d’animaux en vue de ce biens’insérerait donc dans cette gestion scientifique de la transcendance. Dans cet ordre d’idée,l’apparition d’éléments issus de la « forme sacrificielle » renverrait à cette nécessité sociolo-gique. Comme si les « solutions » n’étaient pas multiples. En tout cas, on pourra parler de reli-giosité dans le cas de cette « pratique sacrificielle » scientifique, mais en aucun cas, selonnous, de religieux. Doit-on alors garder l’expression « pratique sacrificielle » pourvoyeuse, enquelque sorte, de « fictionnalité » ? Selon nous, l’expression est à conserver, et cela pour deuxraisons. D’une part, pour rendre compte de ce que les acteurs disent au sujet de leur pratiqueet, d’autre part, pour mieux restituer ce que ceux-ci font en lien avec un ordre, un tout quiexcède les faits bruts observables et s’avère connecté à un espace de sens faisant largementappel à l’imagination.

Pour conclure, une précaution s’impose. Certains pourraient penser que notre position tendà défendre l’idée que le monde de l’expérimentation, dans son ensemble, traite avec respect les

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cobayes. Nous ne parlons que pour la situation qu’il nous a été donné d’observer. La mise enœuvre d’une « pratique sacrificielle » dépend de l’actualisation de tous les termes qui la com-posent et un doute, par exemple, au sujet du bien commun supérieur visé mettra l’édifice enbranle. La « pratique sacrificielle » nécessite une volonté d’autorégulation forte et surtout unaccord situationnel au sujet de la validité utilitaire et morale du « bien » escompté.

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