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ACF/MP La parole, la jouissance, et le corps Les ateliers du lundi

Au programme, je me suis donc engagé à travailler sur la « jouissance discursive », cinquièmeparadigme du texte de Jacques-Alain Miller1. Mon intention en vous présentant ce travail estlimitée, à la mesure de mon propre cheminement. Je vais donc m'engager sous le discours del'universitaire – que je ne suis pas – et tenter de dégager les articulations du texte et de susciter vosquestions qui nourriront une élaboration collective – c'est dire que je compte sur vous. J'espère aussivous donner envie de poursuivre ce travail que nous menons aux « ateliers du lundi » que ce soit auplus près des textes proposés à notre lecture cette année ou d'aller plus loin en vous référant auxtextes séminaires cités.

En préalable, je voudrais revenir à ce que Francis Ratier a dégagé comme question, commeproblématique sous-jacente. Ce qu'il a formulé comme (je cite approximativement) : comment sefait-il qu'il y ait de l'Autre et de la Jouissance ? A mon sens c'est une question qui se décline :comment pouvons-nous nous inscrire dans un cadre mortifiant et jouir (de la vie) ? Autresdéclinaisons : comment concevoir le rapport – ou le non rapport – entre sujet et jouissance, entresymbolique et jouissance ? Encore : comment le symbolique s'appareille-t-il au corps ? Ou encore :qu'est-ce qui jouit : l'Autre, le sujet, le corps, l'organe ?

Précisions préalablesQuelques précisions préalables :

1) Cécile Favreau vient de nous présenter la manière dont Jacques-Alain Miller dégage le 4èmeparadigme. Comme je ne peux pas faire l'hypothèse que vous étiez tous présent le mois dernier, ilme faut rappeler – je m'en excuse par avance mais vous comprendrez pourquoi - que dans les deuxpremiers paradigmes dont Alain Soueix nous a précisé qu'ils sont contemporains, le Symbolique etl'Imaginaire sont tout d'abord disjoints et la jouissance localisée du côté imaginaire. Le temps dusecond paradigme est celui d'une signifiantisation du symbolique et de la jouissance, soit unetentative pour relier ce qui avait été situé du côté de l'imaginaire. Le troisième paradigme situe lajouissance du côté de la Chose – le « das Ding » Freudien. Sous ce paradigme il nous faut envisagerun mur – un sacré mur – entre le réel et les autres registres (I et S). La jouissance est alors conçuecomme massive et ne peut être atteinte qu'au terme d'un franchissement, d'une transgression.

1 « les six paradigmes de la jouissance », l’orientation Lacanienne dans la cause freudienne, numéro 43, octobre 1999, pages 7 à 29.

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Je rappelle les écritures proposées par Francis Ratier sans plus les commenter.

2) Pour en venir au 5ème paradigme, la structure du texte de Jacques-Alain Miller est à l'image dece qu'il dégage du rapport du signifiant au sujet – et, nous le verrons du rapport du signifiant à lajouissance – c'est à dire un rapport circulaire. Dans l'exposé des paradigmes précédents, on repèreaisément la structure de l'exposé et du développement : les problèmes non résolus par le paradigmeprécédant ; le temps de l'enseignement de Lacan ; la manière dont la jouissance est thématisée, cequi dégage un paradigme de la jouissance ; les limites de ce paradigme. Jacques-Alain Miller nereprend pas la même structure dans son développement du 5ème paradigme : il revient en arrièreque ce soit dans le rappel des paradigmes, mais aussi sur des concepts dont l'organisation dusymbolique et du rapport du sujet au signifiant. Ce cheminement illustre certainement le saut, lefranchissement, le travail, le cheminement nécessaire pour repenser le rapport entre Signifiant etJouissance. Jacques-Alain Miller n'hésite pas à affirmer que Lacan abjure l'autonomie du signifiantce que je comprends comme une sérieuse réévaluation d'un symbolique qui serait surplombant.

3) L'exposé de Jacques-Alain Miller s'appuie sur deux séries de textes. Le cinquième paradigme estsitué comme se déployant dans un ensemble composé des séminaires XVI et XVII - qui font lapaire selon Jacques-Alain Miller2 - ainsi que de Radiophonie c'est à dire prononcés dans les années1968 à 1970. Mais Jacques-Alain Miller s'appuie aussi sur 3 textes (L'instance de la lettre, Positionde l'inconscient, Subversion du sujet) extraits des Écrits et datés des années 1957 et 1960. Ces troistextes précèdent ou sont contemporains du 3ème paradigme, celui de La Chose intitulé la« Jouissance impossible ».

Précisons encore que le temps du 6ème paradigme commence avec le séminaire Encore. Il y a donc5 ans entre le 4ème et le 5ème paradigme puis un an avant l'apparition d'un nouveau, et dernier,paradigme.

2 Cours du 3 mai 2005

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a a'

Autre

La Chose

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Pour tenter de le dire au plus viteCes rappels faits, tentons de dire les choses au plus vite avant de les déployer : Jacques-Alain Millerexplicite la manière dont Jacques Lacan formule un rapport entre signifiant et jouissance. Je cite :« Avant ce 5ème paradigme, il y avait […] d'abord la description de la structure [de l'articulationdes signifiants, de l'Autre, de la dialectique du sujet], et puis, dans un second temps, la questionétait de savoir comment l'être vivant [l'organisme, la libido] étaie[nt] capturé[s] par la structure. Cequi change avec la notion de discours, c'est l'idée que la relation signifiant/jouissance est unerelation primitive et originaire. C'est là que Lacan met en valeur la répétition comme répétition dejouissance. »

Je propose donc d'écrire tout de suite S R J à lire comme « il y a un rapport entre le Signifiant et

la Jouissance ». Un rapport dont Jacques-Alain Miller affirme qu'il est primitif et qu'il a à voir avecla répétition.

J'ajoute, pour nous aider à nous y repérer, ce qui constitue l'avant et l'après du paradigme :

Avant le 5ème paradigme Avec le 5ème paradigme

Objet a Réel de la jouissanceCe qui échappe au symbolique de part la structure du sujet ($)

Extension : objet plus de jouir

Les objets a Les objets de la pulsion : oral, anal, scopique, vocal (rien)

Extension : objets de la sublimation, de la culture et de l'industrie

Analogie de structure

S représente un $ pour un autre S S représente la jouissance pour un autre S

Modalités de jouissance

Franchissement (III)La pulsion, son trajet de retour et ses objets (IV)

Lichettes et Lathouses

Tentons donc de présenter les articulations du cinquième paradigme en reprenant la trame utiliséepour les paradigmes précédents : relever les points d'impasse qui nécessitent un changementparadigmatique, situer le temps de l'enseignement de Lacan puis ce qui se dégage au regard de lajouissance. Nous tenterons en conclusion de dégager quelques articulations, quelques impasses quipeuvent laisser envisager la rupture, le saut vers un nouveau paradigme.

Qu'est-ce qui amène à la nécessité d'un changement paradigmatique ?

Jacques-Alain Miller produit un long développement qui nous ramène bien en arrière dansl'enseignement de Lacan pour nous donner à voir le point qui fait butée et motive le passage du

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quatrième au cinquième paradigme de la jouissance. Je tenterai d'en restituer les étapes. La questionque Jacques-Alain Miller nous propose est : qu'est-ce qui constitue la substance du sujet et uncorollaire : jusqu'où peut-on – et aussi bien ne peut-on pas – écrire la Jouissance dans le symboliquedans les termes du mathème fondamental – pour reprendre la proposition de Marie-Hélène Brousse

citée dans le cadre de l'atelier : Ss

?

La chaîne signifianteA quoi ressemble la chaîne signifiante comme structure de la parole, organisation du symbolique, aupoint où nous en sommes3, le symbolique dont Lacan explicite la structure et qui tout aussi bienstructure, fournit l'ossature du sujet ? Ce n'est certes plus un ensemble de signifiants seuls et on nepeut plus dire avec le sémiologue Peirce (1839 - 1914) que le signe est ce qui représente quelquechose pour quelqu'un4. Cette proposition ne s'inscrit pas dans le champ Freudien car elle opère surune conception du signifiant dont Lacan s'est largement écarté dès le début de son enseignement.

Sous cette conception (que je propose d'illustrer dans le schéma de gauche), un chat est un chat ;l'insu, l'inconscient ne sont pas thématisables.

Le signifiant dont Lacan a dégagé la structure est constitué d'éléments qui permettent de rendrecompte de l'articulation de la parole. Jacques-Alain Miller nous en propose deux approches :propositionnelle et extensive.

Deux propositions permettraient de définir la structure du signifiant. La première est connue : « Lesignifiant représente un sujet pour un autre signifiant ». Cette proposition est de nature circulaire, cequi n'est pas sans nous poser des problèmes pour l'appréhender5. Pour tenter de la faire entendre un

3 Séminaires XVI et XVII des années 68-704 Ce que Jacques Lacan énonce dans radiophonie.5 Voir, à suivre Jacques-Alain Miller, que nous soyons amenés à la contester comme bien formée. Nos capacités

d'abstraction ont leur limite : si nous concevons facilement un rapport fonctionnel qui pourrait s'écrire A=f(B), nousavons plus de mal à appréhender une formule qui écrit la dépendance de deux termes – f(A,B)=0.

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SS

S S

SS

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commentaire minimal : de S1 à S2 se dit quelque chose du sujet. Tentons également le détour par unexemple : le panneau accroché au lit du malade hospitalisé sur lequel figure les constantes dupatient est un S1 qui représente un sujet (le patient) pour le signifiant « médecine ».

La seconde proposition6 s'énonce comme : « tous les signifiants représentent le sujet pour unsignifiant qui ne le représente pas, noté S(A barré) »

Une autre approche consiste à développer ce que sont les chaînes signifiantes :

• S tout seul : exceptions, effractions

• S1->S2 : binaire orienté, structure minimale

• S1 comme essaim

• S2 comme savoir

• S de A barré comme signifiant du manque dans l'Autre

Le sujet de cette structureQuel est donc le sujet de cette structure ? Un sujet qui se présente sous un double paradoxe à suivreJacques-Alain Miller.

Le premier paradoxe porte sur l'impossibilité – structurale – d'une identification complète et ouvresur la répétition. C'est dire que le ratage du signifiant est le moteur de la répétition. L'irreprésentablene cesse de pousser à sa représentation.

Le second tient à ce que c'est le signifiant qui fait surgir le sujet au risque de le figer, ce que Lacanécrit soit7

à lire comme : S1 dit quelque chose du sujet mais sature le vide, une partie constitutive du sujet estrecouverte, masquée.

Quelle est la substance du sujet ?Jacques-Alain Miller s'interroge alors sur la substance d'un sujet pour lequel d'une part la Jouissancen'est pas inscrite comme affectant le corps et, d'autre part, manque dans l'Autre. Il dégage unequestion pour le faire entendre : comment écrire les émotions du sujet ?

Lacan ne semble pas apporter de réponse à ce stade de son enseignement – Le Lacan I, le Lacan des4 premiers paradigmes. Il apporte toutefois une mention portant sur le préalable à l'entrée dans la

6 Est-elle proposée par Jacques-Alain Miller ou peut-on en trouver une référence dans les séminaires ou les écrits de jacques Lacan ?

7 La deuxième écriture est de moi

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S1 S1 S1= et

SS1->S2

S1->S2

S1->S2->S3

-> S2S1

S(A)

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parole : un être d'avant d'être marqué par le signifiant.

Une tentative de réponse est apportée dans le cadre du quatrième paradigme sous la forme de laperte de vie du corps. Nous avons vu que le processus de séparation répond au processusd'aliénation8. Mais sur quoi opère la séparation ? Sur une marque qui est une perte de vie du corps –ce que nous nommerons mortification. Le sujet est mortifié par le signifiant et c'est le désir mort quiest la part irréductible du désir puisque c'est ce qui est impossible à réduire en terme signifiants.

Si la jouissance est inscrite dans le symbolique, elle doit pouvoir s'écrire comme rapport Ss

et

c'est ce que Lacan s'efforce de produire par la formule Φ

(−φ)ou Φ est le signifiant de la

jouissance phallique et (-φ) comme signifié de la jouissance interdite, barrée, mortifiée.

L'impasse qui se dégage alors est que le désir ne recouvre pas tout de la libido Freudienne, c'est àdire qu'il existe quelque chose de la jouissance qui ne peut s'inscrire en terme signifiant. Et cela netrouve pas à s'écrire ni comme désir agile, imposant ses bizarreries et ses variations, ni comme ledésir du séminaire XI qui se glisse partout telle l'amibe.

Le temps de la logique discursive

Séminaire et lien socialLes séminaires XVI et XVII – ainsi que radiophonie - ont été prononcés à une époque charnière,c'est à dire dans les 2 années suivant les événements de mai 1968. Rappelons que Lacan s'estimpliqué dans le dialogue avec les étudiants et qu'il a osé la formule « regardez les jouir » commece qui pourrait se dire des étudiants sous le discours du maître. C'est dire cette double actualité de lajouissance et des discours.

La trame (écrite) du séminaire garde la marque de la contestation. Jacques Lacan est bousculé parles étudiants et bouscule lui-même la doxa en dynamitant les mythes freudiens et en invitant à relirel’œdipe comme un rêve de Freud.

C'est dans ce contexte historique que le séminaire XVII porte, selon Jean-Luc Monnier9, sur la chutedu père en tant que fait structural affirmant même que « Lacan s'attaque de front […] à l'agent de ladéperdition de jouissance chez Freud : c'est à dire le père ». Relevons que c'est aussi le symboliquequi chute d'une position surplombante. Pour Jacques-Alain Miller, le séminaire XVII marque lepassage d'un Lacan I à un Lacan II ce qui se repère notamment par la position de la doctrine vis àvis de la jouissance.

C'est assez dire du contexte me semble-t'il et j'espère que cela vaut aussi comme incitation à la(re)lecture.

8 qui, rappelons le, recouvre les catégories freudiennes de l'identification et du refoulement.9 Présentation du séminaire XVII, le 20 novembre 2009. Texte disponible sur le site de la section clinique de Rennes.

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Les formations discursivesSi Jacques-Alain Miller nomme ce paradigme « jouissance discursive » c'est qu'il fait référence à lamanière dont la jouissance est thématisée au moment où Lacan propose 4 formations discursives :« Je propose de définir l’objet de la logique comme ce qui se produit de la nécessité d’undiscours »10.

Comme le précise Philippe La Sagna11 un discours est « une structure, un lien social, et une écrituredu rapport du sujet à la jouissance, à la vérité et au signifiant maître et au savoir. Il y a une nécessitédu discours, c’est-à-dire une détermination et une contrainte propre au discours, qui est la nécessitéhumaine essentielle. [Elle n’est pas écrite dans le ciel, ni dans le corps, mais dans un discours àplusieurs, qui implique des hommes et des femmes, donc pas sans le sexe.] Cette nécessité dediscours est quelque chose qui peut produire une logique ».

Les discours sont au nombre de 4 (discours du maître, de l'universitaire, de l'hystérique et del'analyste) et de deux dialectes (discours de la science, discours du capitalisme). Ils sont obtenus parune structure, soit ce que l'on retrouve fréquemment chez Lacan comme un graphe orienté, ou pourle dire autrement des places et des flux. La structure des discours est celle d'un graphe orientécomposé de 4 places.

A ces quatre places on trouve 4 termes : S1 (signifiant maître), S2 (savoir), a (plus de jouir), $ (sujetdivisé).

10 Jacques Lacan cité par Philippe La Sagna, cf note suivante.11 Dans son introduction au Séminaire XIX sur le site de la cause freudienne (http://www.causefreudienne.net/ou-

pire/)

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On passe d'une structure à l'autre par rotation de ces termes :

Rappelons que les discours sont une structure et que chaque discours déploie une modalité dejouissance.

Le joint entre la définition circulaire S, $ et les discoursUn point m'est resté obscure dans le texte de Jacques-Alain Miller : pourquoi donc en revenir à cettedéfinition circulaire entre Signifiant et Sujet ($). Je n'y ai trouvé de réponse qu'à me référer auséminaire XVII dans lequel Jacques Lacan indique comment il passe de cette « relationfondamentale » à l'articulation S1 -> S2 puis à l'écriture du discours du maître. Vous trouverez celadès la première section de la première leçon du séminaire page 11 - nous y reviendrons s'il nousreste un peu de temps12. Pour tenter de le dire au plus vite, le discours (du maître) est la structure quisupporte l'écriture de cette relation fondamentale.

12 « Il est des structures […] pour caractériser […] ce qui se passe de par la relation fondamentale, celle que je définis d'un signifiant à un autre signifiant. D'où résulte ceci que nous appelons le sujet – de par le signifiant qui, en l'occasion, fonctionne comme le représentant, ce sujet, auprès d'un autre signifiant.Comme situer cette forme fondamentale ? Cette forme […] nous allons l'écrire d'une manière nouvelle […] Nous considérons S1 et, désignée par S2, la batterie des signifiants. Il s'agit de ceux qui sont déjà là, tandis qu'au point d'origine où nous nous plaçons pour fixer ce qu'il en est du discours, du discours conçu comme statut de l'énoncé, S1 est celui qui est à voir comme intervenant. Il intervient sur une batterie signifiante que nous n'avons aucun droit, jamais, de tenir pour dispersée, pour ne formant pas déjà le réseau de ce qui s'appelle un savoir. »

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Un nouveau rapport circulaire entre S.... et JJacques-Alain Miller nous invite à repartir de l'énigme de cet être primitif – d'avant la morsure dusignifiant. Il nous propose de le qualifier d'être de jouissance, de corps affecté de jouissance etrelève qu'à partir du séminaire XVII, la jouissance devient le point d'insertion de l'appareilsignifiant – et c'est comme ça que je le comprends – dans l'être.

Le rapport du signifiant à la jouissance évolue donc de manière importante du paradigme 3 auparadigme 5, ce que je vous propose d'écrire (cf tableau ci-dessous) en précisant pour chaqueparadigme le rapport du signifiant à la jouissance, les modalités de la répétition, le mode de jouir, lanature des objets a :

Paradigme 3 Paradigme 4 Paradigme 5Perte naturelle de vie liée à lanature sexuée de l'homme

Transgression Répétition signifiante Répétition de jouissance

Jouissance phallique Par l'objet a sous la forme d'unretour du circuit de la pulsion

Plus de jouir, qui- comble- fait consister le manque de J13

Oral, anal, scopique, vocal (etrien)

+ sublimation culture consommation (industrie)

Sous le paradigme 4 la répétition signifiante est une double conséquence de la division du sujet etde l'organisation de l'ordre symbolique : ça répète car les mots manquent à dire. A partir duséminaire XVII, et donc sous le 5ème paradigme, la répétition vise la jouissance mais comme ellerate à le faire, il se produit un retour de jouissance : ça répète pour récupérer le manque à jouir. Pourrendre compte de l'énonciation de Jacques Lacan : « Comme tout nous l'indique dans les faits,l'expérience, la clinique – la répétition est fondée sur un retour de jouissance. […] dans cetterépétition même, se produit quelque chose qui est défaut, échec »14.

Le nouveau statut de l'objet-a peut être complexe à appréhender. Tentons d'éclaircir les choses endistinguant le concept et les objets.

13 Jouissance14 séminaire XVII, page 51

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Conceptuellement il n'y a pas substitution mais extension de l'objet a. L'objet a reste le réel d'unejouissance15 mais désigne aussi la jouissance qui échappe au système signifiant. La signifiantisationde la jouissance laissant un reste, celui-ci est nommé « plus de jouir ». Pour ne pas nous égarernotons que l'objet a est celui du séminaire XI + le plus de jouir – l'objet a étant aussi nommé « plusde jouir » par extension. Le plus de jouir – comme reste - n'est donc pas un surplus de jouissance,une jouissance en plus, une extension de la jouissance mais une forme autre de jouissance, celle quiéchappe à la signifiantisation. C'est cette jouissance, parce que justement elle échappe à lasignifiantisation, qui est le moteur de la répétition – ou, pour le dire autrement, le plus de jouir est lemoteur qui relance la jouissance.

Au niveau de l'instance de l'objet a, de ses déclinaisons, il nous faut ajouter aux objets de la pulsionceux de la sublimation, de la culture et... de l'industrie. Pour comprendre le glissement amenant auravalement des objets a comme « lathouse », il me paraît bon de rappeler qu'à ce temps del'enseignement de Lacan, le père n'est plus le maître étalon – pour autant qu'il l'ai jamais été – etc'est le discours de la science16 qui mène le bal17.

En guise de conclusionL'analyse – et le travail en institution – vise à un changement dans le rapport du sujet à la jouissance– un désordre dont le sujet se plaint ou dont le sujet enfant est présenté comme symptôme. Écrire lerapport du signifiant à la jouissance comme fantasme ne conduit pas à la même conduite du travail,de la cure, que de le considérer sous la forme de la répétition. A la visée de la traversée dusymptôme succède celle de l'usage de son symptôme, un usage répété, un symptôme sur lequels'appuyer pour être au monde, avec les autres... et aussi bien pour jouir.

Pour ménager un certain suspens avant la prochaine session des ateliers du lundi qui se dérouleral'année prochaine, tentons de nous interroger. Il doit bien y avoir un obstacle, un os, un angle mortqui amène à penser un sixième paradigme. Lequel ? Sans apporter de réponse, je relève cinq points.

A suivre Jacques-Alain Miller, le rapport du signifiant à la jouissance est pensé – sur le mode del'analogie au rapport entre S et $. Si l'analogie est souvent utilisée comme saut, comme heuristique,elle amène parfois à un réexamen théorique – une démonstration plus élégante comme disent lesmathématiciens.

Ce paradigme est situé dans un temps de l'enseignement de Lacan qui marque par sa modernité sil'on considère notre rapport aux objets de l'industrie et l'injonction à la jouissance produite par lediscours capitaliste. Jusqu'à l'invention de deux termes : Lichette (de jouissance) et Lathouse (objetplus de jouir produit par l'industrie). Jean-Luc Monnier18 propose de qualifier l'éthique de notre

15 Séminaire XI, 4ème paradigme16 Le discours de la science qu'on distinguera du discours scientifique, du discours scientiste, du discours de la techno-

science.17 Séminaire XVII, page 103 : « Bref, le savoir du maître se produit comme un savoir entièrement autonome du savoir

mythique, et c'est ce qu'on appelle la science », j'ajoute : comme discours.18 Dans sa présentation du séminaire XVII sur le site cause freudienne (http://www.causefreudienne.net/lenvers-de-la-

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monde moderne comme celle du bien-jouir. Pour autant il ne répond pas complètement – à monsens – à la question soulevée par Jacques-Alain Miller sur la substance du sujet. Il reste un terme àinscrire dans le rapport, un rapport entre Signifiant, Jouissance et Corps.

Qu'en est-il de la jouissance dans le hors discours, pour des sujets qui ne sont pas dans le liensocial ? Certes, l'apanage des discours ne revient pas au seul névrosé, mais il reste à rendre comptedes modalités de jouissance des sujets qui ne s'inscrivent pas dans le lien social.

Quelque chose d'une jouissance proprement féminine s'amorce19 par l'énoncé : « la femme [plongeses racines] dans la jouissance elle-même ».

A suivre Jacques Lacan dans « L'envers de la psychanalyse », la jouissance – comme Jouissance –ne trouve pas à s'inscrire dans les discours « C'est sur [l'interdiction de la jouissance] que ce fondetoute cette structure [des discours] »20.

psychanalyse/)19 Séminaire XVII, page 8920 Séminaire XVII, page 205

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