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Premie `res expe ´riences d’une consultation antidouleur dans un service de me ´decine physique et de re ´adaptation a ` propos du syndrome d’Ehlers-Danlos Pain clinic: Early experience with Ehlers-Danlos patients in a physical rehabilitation center G. Mazaltarine 1 *, C. Hamonet 2 1 Service de me ´decine physique et de re ´adaptation, CHU Henri-Mondor, 58, avenue du Mare ´chal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Cre ´teil, France 2 Service de me ´decine physique, 1, place du Parvis-Notre-Dame, 74004 Paris, France Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Introduction Notre expe ´rience du syndrome d’Ehlers-Danlos s’inscrit dans la mise en œuvre d’une prise en charge concerte ´e entre me ´decins–re ´e ´ducateurs, ge ´ne ´ticiens, chirurgien– dentiste, gastroente ´rologue et associations de patients. Cela a abouti a ` la cre ´ation, en 2006, d’un Centre national de re ´fe ´rence sur les formes cutane ´oarticulaires du syndrome dirige ´ par le Professeur Dominique Germain et localise ´a ` l’ho ˆpital Georges-Pompidou, puis, re ´cemment, a ` l’ho ˆpital Raymond-Poincare ´ a ` Garches. Notre expe ´rience clinique Summary Hyperlaxity and frail skin are two well-known symptoms of Ehlers- Danlos syndrome. Pain is nevertheless a common complaint, gene- rally associated with other symptoms such as fatigue, proprioceptive disorders and gastrointestinal and urinary tract problems. Analge- sics commonly used in pain centers are generally ineffective and have poorly accepted adverse effects on these less resistant patients because of their connective tissue disease. TENS and anti-inflam- matory applications have little effect. A recent innovation is the use of elastic contention clothing developed in the context of burn victim care. In a recent multicentric study initiated by Thuasne, they have proven their efficacy in 94% of patients in association with standardized flexible ortheses (lumbar belt, knee pad). Pres- sure sore mattresses and rigid ortheses for hands and feet have also proven efficacy. ß 2008 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Ehlers-Danlos syndrome, Pain clinic, Orthesis, Lumbar belt Re ´sume ´ Le syndrome d’Ehlers-Danlos est peu e ´ vocateur pour la plupart des me ´decins qui en connaissent surtout l’hyperlaxite ´ et la fragilite ´ cutane ´e. Plus me ´connues sont les douleurs qui repre ´sentent un motif majeur de consultation de ces patients. Elles sont associe ´ es a ` de nombreux autres sympto ˆmes handicapants, dont la fatigue, les troubles proprioceptifs, les troubles digestifs et urinaires. Les me ´dications antalgiques habituellement utilise ´es dans les centres antidouleurs sont assez peu efficaces et ont des effets secondaires ne ´ fastes chez ces patients fragilise ´ s par une maladie diffuse du tissu conjonctif. Le TENS et les gels anti-inflammatoires se re ´ve ` lent plus efficaces dans cette population de personnes. L’innovation est l’usage de contentions e ´lastiques sous la forme de ve ˆtements de contention (issus de la technique applique ´ e dans la cicatrisation des bru ˆle ´s qui ont montre ´ leur efficacite ´ dans 94 % des cas lors d’une e ´tude multicentrique initie ´e par la Socie ´te ´ Thuasne) et d’orthe `ses souples standardise ´ es (ceintures lombaires, genouille ` res). Les cous- sins et matelas antiescarres, les orthe `ses rigides de mains et de pieds ont aussi leur efficacite ´. ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. Mots cle ´s : Syndrome d’Ehlers-Danlos, Consultation antidouleur, Orthe `se, Ceinture lombaire * Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (G. Mazaltarine). Disponible en ligne 5 juin 2008 Pratique de la MPR 33 0242-648X/$ - see front matter ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. 10.1016/j.jmr.2008.04.004 Journal de re ´adaptation me ´dicale 2008;28:33-39

Premières expériences d’une consultation antidouleur dans un service de médecine physique et de réadaptation à propos du syndrome d’Ehlers-Danlos

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Page 1: Premières expériences d’une consultation antidouleur dans un service de médecine physique et de réadaptation à propos du syndrome d’Ehlers-Danlos

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Pratique de la MPR

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Premieres experiences d’une consultationantidouleur dans un service de medecinephysique et de readaptation a propos dusyndrome d’Ehlers-Danlos

Pain clinic: Early experience with Ehlers-Danlos patients in aphysical rehabilitation center

G. Mazaltarine1*, C. Hamonet2

1 Service de medecine physique et de readaptation, CHU Henri-Mondor, 58, avenue duMarechal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Creteil, France

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Disponible en ligne sur

Disponible en ligne5 juin 2008

2

Service de medecine physique, 1, place du Parvis-Notre-Dame, 74004 Paris, Francewww.sciencedirect.com

SummaryHyperlaxity and frail skin are two well-known symptoms of Ehlers-

Danlos syndrome. Pain is nevertheless a common complaint, gene-

rally associated with other symptoms such as fatigue, proprioceptive

disorders and gastrointestinal and urinary tract problems. Analge-

sics commonly used in pain centers are generally ineffective and

have poorly accepted adverse effects on these less resistant patients

because of their connective tissue disease. TENS and anti-inflam-

matory applications have little effect. A recent innovation is the use

of elastic contention clothing developed in the context of burn

victim care. In a recent multicentric study initiated by Thuasne,

they have proven their efficacy in 94% of patients in association

with standardized flexible ortheses (lumbar belt, knee pad). Pres-

sure sore mattresses and rigid ortheses for hands and feet have also

proven efficacy.

� 2008 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Ehlers-Danlos syndrome, Pain clinic, Orthesis, Lumbarbelt

ResumeLe syndrome d’Ehlers-Danlos est peu evocateur pour la plupart des

medecins qui en connaissent surtout l’hyperlaxite et la fragilite

cutanee. Plus meconnues sont les douleurs qui representent un

motif majeur de consultation de ces patients. Elles sont associees a

de nombreux autres symptomes handicapants, dont la fatigue, les

troubles proprioceptifs, les troubles digestifs et urinaires. Les

medications antalgiques habituellement utilisees dans les centres

antidouleurs sont assez peu efficaces et ont des effets secondaires

nefastes chez ces patients fragilises par une maladie diffuse du tissu

conjonctif. Le TENS et les gels anti-inflammatoires se revelent plus

efficaces dans cette population de personnes. L’innovation est

l’usage de contentions elastiques sous la forme de vetements de

contention (issus de la technique appliquee dans la cicatrisation des

brules qui ont montre leur efficacite dans 94 % des cas lors d’une

etude multicentrique initiee par la Societe Thuasne) et d’ortheses

souples standardisees (ceintures lombaires, genouilleres). Les cous-

sins et matelas antiescarres, les ortheses rigides de mains et de

pieds ont aussi leur efficacite.

� 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

Mots cles : Syndrome d’Ehlers-Danlos, Consultation antidouleur,Orthese, Ceinture lombaire

Introduction

Notre experience du syndrome d’Ehlers-Danlos s’inscritdans la mise en œuvre d’une prise en charge concertee

* Auteur correspondant.e-mail : [email protected] (G. Mazaltarine).

0242-648X/$ - see front matter � 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.10.1016/j.jmr.2008.04.004 Journal de readaptation medicale 2008;28:33-39

entre medecins–reeducateurs, geneticiens, chirurgien–dentiste, gastroenterologue et associations de patients. Celaa abouti a la creation, en 2006, d’un Centre national dereference sur les formes cutaneoarticulaires du syndromedirige par le Professeur Dominique Germain et localise al’hopital Georges-Pompidou, puis, recemment, a l’hopitalRaymond-Poincare a Garches. Notre experience clinique

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G. Mazaltarine, C. Hamonet Journal de readaptation medicale 2008;28:33-39

Figure 1. Syndrome d’Ehlers-Danlos : hypermobilite. Figure 2. Syndrome d’Ehlers-Danlos : cicatrices pigmentees de mauvaisequalite.

s’appuie sur 270 patients principalement suivis depuis dixans.Le syndrome d’Ehlers-Danlos [1–3] est peu evocateur pour laplupart des medecins qui en connaissent surtout l’hyper-laxite (Fig. 1) et se referent aux acrobates et contorsionnistes.Ce symptome, s’il est bien responsable de nombreuses geneset limitations fonctionnelles (subluxations douloureuses ousensations de deboıtement) est pourtant bien loin d’etre laseule source de situations de handicaps pour ces patients. Eneffet, les douleurs representent un motif majeur de consul-tation. La diversite des plaintes est considerable dans cesyndrome dont l’origine est une particularite histologique dutissu elastique.On comprend alors mieux la multiplicite des manifestationsdouloureuses que ces patients rencontrent (Fig. 2) : despseudoentorses a repetition aux problemes rachidiens, decou et de dos, en passant par des manifestations neuropa-thiques avec allodynie vraisemblablement liees a des phe-nomenes d’etirement, les acouphenes et hyperacousies oubien encore des perforations tympaniques, des luxations desarticulations temporomandibulaires, des douleurs abdomi-nales liees a des distensions digestives avec souvent desconstipations opiniatres, des brulures liees a un reflux gas-tro-œsophagien, des dysphagies, des difficultes urinaires,des difficultes respiratoires d’origine muqueuse avec desoppressions thoraciques, des toux penibles par irritationbronchique ou des voies aeriennes superieures, etc. Toute

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cette symptomatologie d’inconfort et de mal-etre s’inscritsur un fond de fatigue permanente avec des renforcementssouvent imprevisibles et intenses.Pour un medecin algologue, c’est une chance de pouvoirtravailler dans un service de medecine physique et readap-tation. En effet, face aux douleurs persistantes qualifiees dechroniques, il faut pouvoir proposer autre chose que desmedicaments et un suivi psychologique approprie de lasouffrance humaine qui accompagne le cortege des dou-leurs, meme si cette approche reste tres importante. Pourcela, il faut etre capable d’apprehender, outre les dimen-sions sensoridiscriminatives et affectives/emotionnelles, lapart des comportements appris, des troubles posturaux oumorphostatiques et du deconditionnement a l’effort. Il fautaussi beneficier, autour de la consultation d’algologie, descompetences des reeducateurs kinesitherapeutes, ergothe-rapeutes, orthoprothesistes et d’un plateau technique demedecine physique et de readaptation adequat. Cela per-met d’offrir des possibilites therapeutiques elargies enterme de programmes de reeducations specifiques ou derestauration fonctionnelle, d’ortheses et d’aides techniques.Etre complet dans la prise en charge, c’est aussi pouvoirprendre en compte les elements socioprofessionnels pourtenter de faire sortir ces patients d’une dynamique negativede desengagement social et de regression personnelle etleur permettre, par la participation sociale, une meilleurequalite de vie.

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Consultation antidouleur a propos du syndrome d’Ehlers-Danlos

Figure 3. Syndrome d’Ehlers-Danlos : etirabilite cutanee excessive.

L’evolution des douleurs est excessivement variable dans cesyndrome qui apparaıt davantage comme un etat de fragiliteplus ou moins compense plutot que comme une maladieevolutive. La survenue d’une arthrose secondaire n’a jamaisete observee dans la cohorte des 270 patients suivis au CHUHenri-Mondor, puis a l’Hotel-Dieu : ce qui se concoit bien,puisque les contraintes articulaires sont faibles du fait del’etirabilite (Fig. 3) et du peu de resistance des ligaments etdu systeme musculoligamentaire periarticulaire. Parmi lesfacteurs d’aggravation, avec parfois des veritables crises treshandicapantes, figurent les traumatismes physiques et peut-etre psychiques, le froid et l’humidite, les difficultes respi-ratoires. Parmi les facteurs favorables, on trouve le climatchaud, le fait d’etre dans l’eau qui soulage de facon durable :ce qui incite a la prescription de cures de balneotherapie oude thalassotherapie selon les tendances actuelles, d’autantplus que les massages, sous leurs diverses formes, sontressentis comme tres benefiques. L’effort programme surcycle ergometrique ou lie a une activite sportive a donne,chez les quelques patients qui l’ont tente, une ameliorationconsequente des phenomenes douloureux.

Une proposition d’approchetherapeutique nouvelle

En pratique, comme toujours, le mieux est de partir desmecanismes elementaires, c’est-a-dire, en premier lieu, de

faire la part du neuropathique et des phenomenes mecani-ques ou d’exces de nociception. Bien sur, ici les phenomenessont souvent intriques mais il faut essayer de rester metho-dique. Si l’interrogatoire est essentiel, l’examen cliniquereste fondamental et il se doit d’etre rigoureux, car il reservesouvent des surprises. Dans un second temps, se pose laquestion de ce qui est peut etre propose en terme d’optionsmedicamenteuses ou non, d’aides techniques ou d’ortheses.

Du cote des medicaments [4–6]

Les facteurs limitants sont les memes que dans d’autrespathologies mais avec la necessite de prendre en compte uneplus grande susceptibilite digestive, en terme de constipa-tion, et urinaire, en terme de retention. Les nausees induitessont aussi un souci pour des patients chez qui les reflux gastro-œsophagiens sont frequents. Par ailleurs, des lors que l’on arecours a des antalgiques de paliers II ou III ou bien a despsychotropes de type antiepileptiques ou antidepresseurs, lesproblemes de somnolence sont, ici comme ailleurs, a prendreen consideration, sachant que l’objectif est celui d’un gain deconfort. La logique de la prescription doit etre expliquee ainsique les effets lateraux possibles du traitement. Le medica-ment doit etre un allie pour le patient. Il doit se sentir enconfiance avec lui et en accepter les inconvenients eventuelssans en hypothequer le benefice. Beaucoup de produits onteffet anticholinergique et au-dela d’une prevention de laconstipation qui doit etre systematique, il est parfois utilede prescrire une petite dose d’alphabloquant. L’interrogatoireinitial aura recherche des difficultes urinaires qui conduiraienta faire realiser des explorations urodynamiques specifiques.Dans les douleurs par exces de nociception, les paliers del’OMS restent la reference [7–9].Dans le palier I, le nefopam peut etre tres utile, en traitementde crises douloureuses, soit en intraveineuse, soit, mieux, enfaisant boire les ampoules injectables. Il faut surveiller leseffets anticholinergiques.Dans le palier II, on preferera le tramadol qui a l’avantagetheorique de donner plutot moins de constipation que lacodeine, d’avoir une activite antalgique intrinseque un peumeilleure que le dextropropoxyphene et d’etre parfois effi-cace sur la composante neuropathique, lorsqu’elle existe,grace a son action monoaminergique. Le facteur limitant estparfois la somnolence mais, surtout, les nausees et vomis-sements. Habituellement, les formes a liberation prolongeesont mieux tolerees que les formes a effet immediat.Dans le palier III, il est utile de savoir manipuler l’oxycodonedans ses deux formes, immediate et a liberation prolongee,

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car, si ses effets secondaires sont les memes que ceux de lamorphine, cette molecule peut avoir un interet sur la dimen-sion neuropathique. Le fentanyl dans sa presentation trans-dermique est potentiellement interessant, car, dans notreexperience, moins pourvoyeur de troubles digestifs et desomnolence. En revanche, il est essentiel de se souvenir qu’ils’agit d’un medicament de relais et qu’une titration initialedoit etre realisee avec un autre opioıde de palier III pour endeterminer la dose utile. La forme transjugale peut etreinteressante en interdose du fait de sa rapidite d’action,mais elle n’est pas adaptee pour realiser une titration etson AMM est restreinte aux douleurs en cancerologie.Intermediaire entre les paliers II et III, la buprenorphine estparfois un recours interessant, mais son statut d’agonistepartiel m, antagoniste k, interdit toute association avec unautre opioıde. Elle est egalement souvent a l’origine denausees importantes dont il faut prevenir le patient.Dans les manifestations neuropathiques, les options sont lesmemes que dans d’autres pathologies avec les deux grandesfamilles que constituent les antidepresseurs tricycliques etles antiepileptiques. Dans notre experience, les tricycliquessont a proposer avec une certaine prudence, du fait de leuraction anticholinergique et des problemes de prise de poids.Si on les prescrit, il faut faire une titration, en se souvenantque si un soulagement peut parfois etre obtenu a des dosesinferieures aux posologies antidepressives, ce n’est pas tou-jours le cas et il est parfois indispensable de monter jusqu’a150 mg/j. Bien sur, on aura pris soin d’expliquer au patientque l’action antalgique est totalement differente (monoami-nergique sur les controles inhibiteurs descendants) del’action thymoanaleptique. Classiquement, les tricycliquessont plutot donnes dans les douleurs a fond continu mais iln’y a pas de preuve d’une absence d’effet sur les paroxysmes.Parmi les autres antidepresseurs, la venlafaxine qui est unIRSNA peut etre une alternative interessante aux tricycli-ques.Dans le champ des antiepileptiques, la pregabaline ou lagabapentine sont les medicaments de premiere intention dufait de leur facilite d’utilisation et de l’absence de problemed’interactions medicamenteuses. Il faut titrer la gabapentineentre 1200 et 3600 mg/j. Pour la pregabaline, la fourchettede dose se situe entre 150 et 600 mg/j. Il faut etre prudent al’introduction du traitement et plutot debuter a 25 mg deuxfois par jour pour arriver progressivement a 75 mg matin etsoir ce qui est, en principe, le plancher de la dose efficace. Leseffets secondaires sont les meme que ceux de la gabapentineavec, ici, une information particuliere a faire sur le risque deprise de poids. En revanche, l’avantage par rapport a lagabapentine est que le medicament se prescrit en deux

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prises quotidiennes contre trois pour la gabapentine et qu’ilsemble avoir un effet interessant sur le muscle. En casd’echec ou d’intolerance, en deuxieme ligne, c’est la lamo-trigine qui est maintenant plutot proposee avec la necessited’etre tres vigilant sur la survenue d’une allergie cutanee. Eneffet, le risque de syndrome de Lyell est le facteur limitantprincipal, imposant une croissance de dose tres progressive.On atteint la dose efficace en un mois, ce qui est long. Il peutetre tres efficace entre 200 et 300 mg/j. Le clonazepam restepossible en troisieme intention mais en gardant a l’espritque c’est une benzodiazepine. L’oxcarbazepine n’est pluspropose dans l’etat actuel des etudes sur les douleursneuropathiques en dehors des nevralgies du trijumeau. Pourle patient, la recherche du ou des medicaments qui convien-nent, puisqu’il faut parfois recourir a des associations, estsouvent longue et decourageante. Il est donc imperatif de luifaire comprendre la necessite d’etre systematique avec,comme consequence, un effet catalogue inevitable. Cer-tains se ressentent en position de « cobaye », ce qui imposede leur exposer tres clairement la rationalite de chaqueproposition.En complement de ces options, les infiltrations locales decorticoıdes melanges a des antalgiques locaux (lidocaıne a0,5 % ou 1 %) peuvent aider avec deux injections successivesa dix jours d’intervalle mais leur efficacite semble moindredans ce syndrome qu’ailleurs, peut-etre parce que la diffu-sion du produit dans les tissus injectes est trop rapide. Il enest de meme dans les anesthesies dentaires ; cette particu-larite a, d’ailleurs, une valeur d’orientation dans un syn-drome si complexe et souvent diagnostique tardivement.Toutefois, la lidocaıne 2 % sur des points gachettes peutpermettre de passer un cap.Une autre possibilite, mais qui reste reservee aux structureshospitalieres adaptees, est la ketamine qui est ici proposeepour son action anti-NMDA et non pas comme anesthesique,a des doses tres petites en intraveineux, idealement encontinu, avec, la encore, l’idee de permettre de passer uncap, ce medicament pouvant avoir une action antalgique tresrapide sur les douleurs neuropathiques. Le facteur limitantest la survenue d’effets psychodysleptiques.Enfin, il n’est pas inutile d’evoquer la levocarnitine quipermet parfois, par voie orale, entre 3 et 6 g/j d’avoir unbenefice significatif sur la fatigabilite et les crampes meme sice produit n’a pas l’AMM dans cette indication.

Les traitements non medicamenteux

Ils ont ici une place essentielle [2,3].

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Consultation antidouleur a propos du syndrome d’Ehlers-Danlos

La stimulation electrique transcutanee (TENS)

La TENS donne tres souvent d’excellents resultats chez cespatients, cela est probablement dus a la consistance du tissucutane et sous-cutane qui permet une meilleure penetrationet une meilleure diffusion du champ electrique produit.Comme pour les medicaments, il faut en expliquer le moded’action et, surtout, la maniere de l’utiliser (100 c/s est lafrequence privilegiee). Le mieux est de le tester en consulta-tion pour determiner avec le patient les sites d’implantationdes electrodes, les modalites et les temps de stimulation, quipeuvent etre illimites. La tolerance cutanee des electrodespose parfois probleme chez ces personnes a la peau tres« susceptible ».

Les ortheses de la main sont tres utiles qu’ellessoient de repos ou de fonction

Elles concernent les mains sous la forme d’ortheses de repos,realisees sur mesure par les ergotherapeutes ou les orthe-sistes. Elles sont utilisees la nuit, comme chez les personnesavec une polyarthrite rhumatoıde et, dans la journee, pen-dant quelques minutes apres une activite sollicitant la mainet les doigts (ecrire, manipuler, utiliser l’ordinateur) genera-trice de douleurs habituellement retardees par rapport al’activite mais durables. Les ortheses stabilisatrices de fonc-tion semi rigides stabilisant le pouce et/ou le poignet enpret-a-porter (orthese « ligaflex » de Thuasne) ou confec-tionnees sur mesures par les ergotherapeutes ou les orthe-sistes ont leur utilite pour reduire les contraintes et, donc, lesdouleurs. Elles sont choisies selon le type de gene fonction-nelle, selon les situations d’activites de la personne, maisaussi la tolerance cutanee et l’acceptabilite.L’application des contentions elastiques sous la forme degantelets (s’arretant de preference au milieu de la premierephalange) ou de mitaines utilisant les tissus proposes pour lacicatrisation des brules (« cicatrex » nature) rendent degrands services pour diminuer les douleurs et augmenterl’agilite des doigts comme cela a ete demontre dans uneetude recente menee par la societe Thuasne [3].

Dans les douleurs des articulationstemporomandibulaires

Dans les douleurs des articulations temporomandibulairesavec subluxations ou luxations et limitation d’ouverture debouche, le port d’une gouttiere de surocclusion nocturnepeut etre tres aidant mais doit etre valide par un odontolo-giste.

Les ceintures lombaires ou plutot lombopelviennes

Les ceintures lombaires ou plutot lombopelviennes pretes aporter ont une place importante pour controler la proprio-ception du dos mais aussi pour diminuer les contraintes etles douleurs (celles-ci par effet TENS de stimulation cutaneedes zones douloureuses). La plus efficace est la ceintureLombaskin testee specialement par la societe Thuasne danscette indication, elle peut se porter a meme la peau, laceinture « Lombacross activity » et la ceinture « Lombax-dorso » pour les douleurs a la fois dorsales etlombopelviennes ; cette derniere aussi a ete testee parThuasne dans le Syndrome d’Ehlers-Danlos. Toutes ces cein-tures de contention doivent etre a la bonne taille pour etretolerees et reglees au niveau du baleinage interne pourl’adapter precisement. Bien entendu, ces ceintures n’entraı-nent aucun risque d’atrophie musculaire, contrairement a unprejuge faux trop repandu et sans fondement. Au contraire,l’activite musculaire est renforcee, ne serait-ce que par l’effetantalgique.

D’autres ortheses de contentions souples

D’autres ortheses de contentions souples (genoux, chevilles)des collants et bas de contentions peuvent ameliorer consi-derablement les difficultes a la marche et de l’equilibre, ainsique les sensations douloureuses.

Le port d’ortheses plantaires

Le port d’ortheses plantaires avec appui retrocapital medianet voute de confort pour diminuer les contraintes et aug-menter la qualite mecanique de l’appui tout en augmentantles sensations dans un but proprioceptif. Elles contribuent adiminuer les douleurs des genoux, des hanches et du dos,comme nous l’avons regulierement observe chez nospatients. Des chaussures orthopediques sont parfois neces-saires. Les ortheses rigides nocturnes ont un effet antalgiquechez les enfants.

Des vetements de contention

Des vetements de contention sur mesure, issus de la tech-nique appliquee aux personnes brulees (« cicatrex nature »),sous la forme de gilets, d’ortheses d’epaules antiluxations,de pantalons, d’ortheses de cheville, de coude, de poignet,ont ete utilises dans le cadre d’une recherche multicentriquede trois annees avec la societe Thuasne (Fig. 4). Ils ont montreleur efficacite, parfois spectaculaire, sur les douleurs (ils ontun interet antalgique indiscutable dans l’allodynie, si fre-

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Figure 4. Apports des contentions elastiques du tronc et des membres chez les personnes atteintes d’un syndrome d’Ehlers-Danlos sur 49 personnes, etudemulticentrique realisee par la societe Thuasne.

quente dans cette pathologie), le sens de position et lessubluxations, limitee, cependant, par les difficultes de tole-rance cutanee surtout pour les gilets, ce qui peut etretechniquement ameliore.

La prescription de coussins et de matelasantiescarres

La prescription de coussins et de matelas antiescarres, enreduisant la pression d’ecrasement par unite de surface,contribue a lutter contre les douleurs en position assiseou couchee.

Les autres facteurs

Les agents physiques : froid, chaud et les gels anti-inflam-matoires sous forme de pansements surtout sont souventtres efficaces, la encore, du fait, probablement, des caracte-ristiques mecaniques de la peau permettant une meilleurepenetration du produit.Dans toutes les situations de douleurs rencontrees ici, leselements psychodynamiques ont une place tres importante,que ce soit dans le registre anxieux et/ou depressif. Lerecours a un avis ou un suivi specialise peut etre necessaireen sachant que les douleurs ne sont pas seules responsablesdes limitations fonctionnelles et situations de handicap.

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La dimension comportementale ne doit pas etre negligee. Eneffet, la douleur et la gene fonctionnelle induisent descomportements appris qui conduisent le patient a des sche-mas posturaux inadaptes et a une dynamique de retrait parrapport a certaines activites qui sont prejudiciables a soninsertion sociale et professionnelle mais qui, egalement,deviennent des facteurs d’entretien ou de renforcementde sa douleur. Des prises en charge specifiques de ceselements cognitivocomportementaux existent et peuventse reveler tres efficaces.

Conclusion

Les douleurs constituent l’un des symptomes majeurs, causedes situations de handicap chez les personnes avec un syn-drome d’Ehlers-Danlos. Les antalgiques medicamenteux sontsouvent peu efficaces et leurs effets secondaires chez cespatients fatigues, constipes et dysuriques annulent dans biendes cas les effets antalgiques. La technique du TENS s’avereparticulierement utile. Les gels locaux aussi sont utiles. Maisl’apport le plus important est celui des ortheses, plantairesC’est la complementarite des differentes approches quipermettra au mieux d’aider le patient. Il faut donc uneexcellente coherence entre les differents professionnels, lemedecin de la douleur, s’il reste seul dans son coin, a peu de

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Consultation antidouleur a propos du syndrome d’Ehlers-Danlos

chance d’etre tres efficace. Mais c’est la une donnee de basede la prise en charge de la douleur chronique et de lamedecine physique et readaptation.

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