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CHAPITRE 12

Presse et vie privée

Henri Pigeat

L’indiscrétion se vend bien dans les médias. Elle a suscité ces dernières années enFrance la création de magazines spécialisés aux tirages imposants, tels que Voici ou Gala.Elle a redonné une nouvelle jeunesse à de vieux magazines comme Paris Match. Les atteintesà la vie privée figurent aussi en bonne place parmi les procès faits à la presse et leharcèlement médiatique est régulièrement condamné.

La presse est en fait vouée à lever les secrets. Sa raison d’être est de divulguer ce quipeut rencontrer l’intérêt du public. Sa liberté se heurte de ce fait inévitablement à la protectionde la vie privée. Parallèlement, les personnages publics aspirent alternativement à la publicitéet à la discrétion, en fonction d’intérêts qui ne coïncident pas toujours avec ceux du public.Certaines victimes de la presse sont évidemment moins armées que d’autres pour se défendre.L’anonyme injustement mis en cause par les médias risque ainsi plus que la vedette detélévision.

La France, par tradition, s’est toujours efforcée de rechercher par la loi l’équilibre entreliberté de la presse et respect de la vie privée. Le résultat, n’est pas véritablement satisfaisant.L’audace des médias est plus grande aujourd’hui qu’hier. Un véritable exhibitionnismes’affiche désormais à la télévision, encouragé par une curiosité publique qui relève souvent duvoyeurisme. La prolixité du législateur a stimulé un interventionnisme croissant du juge. Lechamp de la liberté d’expression s’en est trouvé naturellement réduit dans un pays où lesmédias sont facilement suspects.

Le rôle de la presse est d’informer les citoyens pour leur permettre de juger. Il est aussid’obliger les gouvernants à agir dans la transparence et de les aider aussi à éviter certainestentations du pouvoir. La frontière entre vie publique et vie privée est souvent confuse.L’équilibre entre presse et vie privée dépasse ainsi la protection des personnes pour devenirun délicat enjeu de société et mettre en cause les libertés et le fonctionnement même de ladémocratie.

Face aux complexités nouvelles nées des techniques modernes de communication,l’approche législative française s’est révélée décevante et parfois dangereuse. L’approcheanglo-saxonne davantage fondée sur la responsabilité professionnelle est peut-être sur le longterme plus efficace et surtout plus respectueuse de la démocratie.

L’équilibre entre médias et vie privée est un problème de société dont la complexitécroissante résulte des techniques nouvelles, des pratiques commerciales des médias et de cequ’il est convenu d’appeler les politiques de communication.

Les nouvelles techniques de communication réduisent l’espace de la vie privée.Chaque individu est répertorié dans une multitude de fichiers informatiques et de

réseaux, de la Sécurité Sociale, du fisc, de la banque et de beaucoup d’autres. Les réseaux detélécommunication désormais sans limite de distance, de capacités ni de temps assurentimmédiatement une publicité mondiale à la moindre affaire ou au moindre scandale. En 1999,les frasques du Président des Etats-Unis avec une jeune stagiaire ont été connues dans tousleurs détails et immédiatement, partout dans le monde. Les transactions commerciales surl’Internet permettent d’accumuler sur chaque client une série de données capables d’en définir

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le « profil », c’est-à-dire les goûts et les habitudes d’achat. Au rebours de la tradition qui veutque l’actualité d’un fait s’atténue avec le temps, la mémoire devient permanente. Toutedonnée enregistrée peut être stockée pour l’éternité et réutilisée à tout moment. Toutes cestechniques, en réduisant les protections naturelles de la vie privée ont fait de l’Internet uneimportante source d’information pour les journalistes.

Les médias disposent eux-mêmes de nouvelles techniques d’accès très puissantes. Destéléobjectifs captent sans peine l’image de la veuve du Président Kennedy à la plage ou lesébats imprudents de jeunes princesses monégasques. Des microphones hypersensiblesenregistrent des conversations dans des lieux clos. Des confidences téléphoniques sontsurprises sans peine. Le traitement numérique de documents écrits, d’images ou de sonspermet de généraliser des facilités de montage connues depuis longtemps dans la vidéo. Auprix de manipulations diverses et de copies plus ou moins travesties, la vérité des documentsdevient aléatoire.

Les nouvelles techniques de communication ont enfin favorisé la multiplication denouveaux médias, radio, télévision, services en ligne de plus en plus spécialisés. La libertéd’expression y gagne généralement dans un premier temps. Il n’est pas certain qu’il en aillede même pour la qualité de l’information.

Sous l’effet notamment des techniques, les médias sont entrés dans une logique de plusen plus commerciale. Toute publication doit désormais avoir le même taux de profit que lesentreprises cotées en bourse. Le premier effet de la fusion Vivendi Universal est la recherched’économie chez Canal +. Les résultats financiers de nombreux magazines ont désormaispriorité sur la qualité de l’information.

Afin d’attirer le plus large public possible, l’indiscrétion est une recette sûre. L’intérêtsocial de la publication du carnet d’adresses d’Alfred Sirven est difficile à mesurer, maisl’intérêt commercial est certain. La publication de la feuille d’impôt des puissants fait toujoursrecette et la cour de cassation considère désormais que les Français notoirement les plusriches, doivent admettre que la divulgation de leur patrimoine dans la presse n’est plus uneatteinte anormale à leur vie privée1.

Cinq ou six quotidiens britanniques, spécialisés notamment dans les sujets de vie privée2

vendent chaque jour plus de neuf millions d’exemplaires. Les magazines dits « people » ontdéveloppé partout le marché de l’indiscrétion. Les chaînes de télévision, y compris cellesdites de service public, multiplient les émissions de confidences intimes et de voyeurisme enaccueillant dans ces exercices les inconnus aussi bien que les personnalités politiques. Sur lessites Internet, la rumeur et l’indiscrétion occupent aussi une place de choix, comme en a faitl’expérience le Président Clinton.

Les tribunaux s’efforcent plus ou moins efficacement de freiner ces débordements, maisbeaucoup des médias spécialisés dans ce genre ont intégré le risque judiciaire dans leurcompte d’exploitation. Une amende coûte souvent moins que les gains apportés par un grostirage. L’indiscrétion devient ainsi dans la presse une nouvelle forme d’investissement àrisque, sous la protection de la liberté d’expression. Aucun démocrate sincère ne peut en effettransiger sur le fait que la liberté ne se divise pas. Toute restriction de la liberté de la pressemême pour des motifs légitimes, peut en justifier d’autres réellement préjudiciables. Ainsis’explique l’hostilité à toute réglementation législative de la totalité des quotidiensbritanniques.

Par leur nature économique, les médias se trouvent ainsi dans une curieusecontradiction. Leur liberté éditoriale ne peut reposer que sur l’indépendance économique etsur le marché. Mais, au-delà d’une limite toujours difficile à discerner, une logique

1 Suard. 20 octobre 1993.2 Généralement qualifiés de « gutter press » (presse de caniveau).

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exagérément commerciale risque de faire perdre aux médias leur finalité et de ce fait leurlégitimité.

Dans la société de l’information, l’image personnelle et la vie privée deviennent pourchacun des instruments d’influence ou de succès commercial.

La vie publique contemporaine entretient une confusion sémantique volontaire entre« communication » et « information », alors que les deux notions recouvrent des réalitésopposées. L’information consiste à diffuser des éléments de connaissance, des opinions et desarguments. Elle s’adresse à l’intelligence du destinataire pour lui permettre de faire sonopinion sans contrainte. La communication au sens le plus communément employé estsynonyme de publicité ou de propagande. Elle ne vise pas le raisonnement mais l’émotion.Elle vise à persuader avec des procédés psychosociologiques décrits, il y a un siècle, parGustave Le Bon et plus tard par Tchakotine. La « communication » sur un produit n’a paspour but d’établir un bilan de ses qualités et défauts mais simplement de le vendre.

Les personnages du spectacle, de la chanson, de la télévision ou du sport ont depuislongtemps compris que leur image avait une valeur égale, si ce n’est supérieure à celle de leurtalent ou de leurs qualités athlétiques. Les personnages politiques font le même raisonnement.Ils n’ont plus d’ « attachés de presse » mais des « chargés de communication ». Leurs idéesou leur politique comptent désormais moins que leur capacité à paraître sympathiques. Ceparti pris d’image ouvre inévitablement la porte de la vie privée et de façon difficile àcontrôler. Un chanteur de variété peut réclamer des dommages-intérêts après la publicationsans son consentement de sa photographie en compagnie de sa nouvelle fiancée, maisdistribuer quelques semaines plus tard la même photo lors du début de son tour de chant. Lapublication de la photographie d’un jeune enfant se promenant avec son grand-père, hautpersonnage politique, peut susciter légitimement l’irritation de la famille du fait d’un risquepour la sécurité de l’enfant. Mais comment ce photographe a-t-il pénétré dans l’enceinted’une résidence officielle notoirement close ? La limite entre le droit des personnes et le droità l’information du public est indubitablement sinueuse.

La France a tenté d’équilibrer presse et vie privée par la voie législative. Laréglementation complexe et la jurisprudence abondante qui en résultent aboutissent à unecertaine déresponsabilisation des médias.

Depuis trente ans les additions incessantes de dispositions législatives ont traité diversaspects particuliers de la protection de la vie privée, réduisant d’autant le champ de liberté dela presse.

La déclaration des droits de l’homme de 1789 ne mentionne pas la protection de la vieprivée, si ce n’est indirectement 3, à la différence de la Déclaration Universelle des Droits del’Homme de l’ONU 1948 4 ou de Convention Européenne des Droits de l’Homme de 1950.

En France, la base législative sur ce sujet date de la loi du 17 juillet 1970 qui institue unnouvel article 9 du code civil : « Chacun a droit au respect de sa vie privée ». Le juge peut,par ce texte, prescrire toute mesure telle que séquestre ou saisie pour faire cesser une atteinteà la vie privée. L’article 226 du code pénal fait une infraction de l’ « atteinte à l’intimité de lavie privée d’autrui lors d’une captation, d’un enregistrement ou d’une transmission au publicsans le consentement de l’auteur de paroles ou d’images privées ou confidentielles ». Cetexte consécutif à certains harcèlements médiatiques qu’avait subis le futur PrésidentPompidou reprenait en fait une jurisprudence construite depuis le début des années 60.

3 Déclaration des Droits de l’Homme , Article 4 « La liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».4 Article 12 « Nul ne sera l’objet d’immixtion arbitraire dans sa vie privée ».

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Ce texte de 1970 a été suivi de nombreux autres. Une loi de juillet 1972 protège lesorigines ethniques, nationales et religieuses utilisées comme argument de diffamation. Lecode de procédure pénal révisé en janvier 1993 renforce la présomption d’innocence et tentede protéger le secret de l’instruction. La loi Guigou du 15 juin 2000 crée des délits nouveauxtels que celui de diffusion de l’image d’une personne portant des menottes. Elle aggrave aussicertains délits sur les informations concernant les mineurs fugueurs ou les victimes d’attentatsà la pudeur. Elle introduit enfin un nouveau concept, l’ « atteinte à la dignité », qui s’appliqueparticulièrement aux victimes de crimes et délits.

Ces textes se caractérisent tantôt par leur caractère vague, tantôt par leur pointillisme.La définition de la vie privée ne figure pas dans la loi. Les conditions d’application del’article 9 du code civil ne sont pas davantage précisées contrairement à ce qu’avait proposésans succès un amendement sénatorial qui interdisait de s’en prévaloir les personnes qui « parleur propre comportement auraient permis les divulgations touchant à leur intimité ». Ladoctrine n’a pas davantage clarifié la situation, malgré la fermeté de certaines prises deposition 5.

Il n’est pas certain que ces dispositions législatives multiples aient véritablementrenforcé de la protection de la vie privée du citoyen, mais elles ont provoqué une explosiondes contentieux. Un certain nombre de personnes publiques, notamment dans le monde duspectacle, ont su utiliser ces textes pour leur promotion. Les journalistes et éditeurs de pressesont réduits à trois attitudes : s’entourer du service permanent d’avocats spécialisés afin depouvoir respecter les textes ; pratiquer l’autocensure en excluant toute information sur despersonnes qui n’auraient pas donné leur consentement ; à défaut, prendre des risques plus oumoins calculés.

La jurisprudence sur la protection de la vie privée a créé un véritable droit nouveauétendu très au-delà des intentions initiales du législateur.

Le juge a tenté de préciser comment chacun peut mener librement son existence « sansingérence des tiers, dans une vie retirée loin de la curiosité publique ». La vie privéerecouvrirait ainsi la vie personnelle en dehors de la vie publique, celle de la famille, dessentiments, des opinions, de la santé, des loisirs et des ressources. La vie privée des personnesentourées d’une certaine notoriété est inévitablement plus restreinte. La santé d’un Présidentde la République est par nature largement publique.

Aucun critère simple n’est malheureusement applicable en la matière. La présenced’une personne dans un lieu public ne justifie pas forcément une information, sauf s’il y a unintérêt pour le public. Le concept de dignité de la personne est apprécié différemment selondes circonstances.

En février 2000, la Cour de cassation a sanctionné les photographies du corps du préfetde Corse assassiné, en considérant qu’elles portaient atteintes au « sentiment d’affliction de lafamille ». En revanche, le cabinet du Garde des Sceaux n’avait pas vu d’obstacle à lapublication de la photographie du cadavre du candidat Robert Kennedy, sans doute parce quel’événement appartenait à l’histoire et s’était passé loin de Paris. Une victime de l’attentat dumétro Saint-Michel en 1995, photographiée dans Paris Match n’a pas obtenu gain de cause.La Cour de cassation contrairement à la Cour d’appel de Paris, a en effet considéré que cette

5 Roland Dumas, Droit de la Presse, PUF Thémis 1981, p. 550 et 551 : « Toute personne ayant un rôle en vue surla scène sociale imprime à cette partie de sa vie un caractère public qui échapperait à la protection de l’article 9du Code civil…… Dès lors qu’une personne sollicite la confiance et à plus forte raison les suffrages de sesconcitoyens, on peut dire que l’immunité de la vie privée doit céder devant l’exigence d’une information plusample à l’égard de tout ce qui, chez cette personne, peut justifier ou, au contraire, mettre en cause cetteconfiance. Il s’agit en quelque sorte d’une exigence de transparence de la vie d’un homme public. ».

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photographie ne portait pas véritablement atteinte à sa dignité. Contraint d’examiner des faitssurvenus plusieurs années auparavant, le juge doit raisonner dans un contexte souvent difficileà reconstituer et sa position ne peut pas être linéaire.

La situation s’est compliquée ces dernières années avec l’apparition d’un « droit àl’image » qui en tant que tel ne figure dans aucun texte législatif. Selon le juge, « chacundispose d’un droit exclusif sur son image et peut s’opposer à ce que celle-ci soit reproduitesans son accord ». Ce droit jurisprudentiel s’est développé comme un accessoire du droit depropriété défini par l’article 544 du code civil. Ces dispositions font l’objet d’un usage lucratifpour certaines vedettes du spectacle. Une starlette gratifiée d’une notoriété relative par un rôlesecondaire dans une série télévisée peut obtenir réparation de la publication nouvelle et sansson consentement de certaines de ses photographies la représentant peu vêtue, donnéesquelques années plus tôt à un magazine spécialisé.6 La présentatrice de télévision, ClaireChazal attaque la publication des photographies de son mariage et réclame d’importantsdédommagements au journal Paris Match, accusé de « volonté de déstabilisation, deharcèlement et d’intention de nuire » 7. Le Tribunal reconnaît le bien-fondé de la demande enl’absence d’un consentement de l’intéressée, mais rejette les dommages et intérêts dans lamesure où trois semaines plus tard, la même personne confie à la presse des considérationstrès personnelles sur l’amour, la jalousie, sa réussite et son désir de ne plus avoir d’enfant, àl’occasion il est vrai de la sortie d’un roman qu’elle vient de signer.

Curieuse construction juridique, le droit à l’image combine le droit à la vie privée 8, ledroit de propriété 9 et parfois même le droit de la propriété littéraire 10. Ce nouveau droit astimulé les imaginations. Des personnes anonymes ont tenté d’utiliser les photographies defoule du championnat mondial de football pour obtenir des indemnités au prétexte qu’elles yétaient reconnaissables. Les propriétaires d’une maison ont tenté de faire de même à la suitede photographies touristiques où leur bien apparaissait. Certains journaux se demandent ainsis’ils ne doivent pas proscrire toute photographie de la réalité au profit d’images virtuelles. Lamanipulation de l’image serait ainsi paradoxalement encouragée par la justice.

Les médias français ne sont guère incités à une discipline déontologique dans letraitement de la vie privée.

Face à un droit pléthorique et à l’incertitude sur l’ultime décision du juge, la professionest peu incitée à ajouter des règles déontologiques en amont. Les codes généraux d’éthiqueprofessionnelle sont muets ou vagues sur le sujet. Ni la Charte du Syndicat national desjournalistes français de 1918, ni la Charte dite de Bordeaux de 1954 n’évoquent le problèmede la vie privée. La Charte européenne de Munich de 1971 n’évoque la question de la vieprivée qu’a contrario, en précisant que le journaliste a droit au libre accès à certaines affairesprivées « lorsque l’intérêt public le commande et sauf limite expressément précisée etlégitime ».

Le Syndicat de la Presse Quotidienne Régionale a publié en revanche en décembre 1995des « Règles et usages professionnels » qui précisent que « Le journal veille au respect de lavie privée et au droit à l’image ». Il ne publie que des faits qu’il considère comme « relevant

6 TGI Nanterre, 8/12/99, Lynda Lacoste, Voici.7 TGI Nanterre, 20/12/00, Chazal c/Hachette Filipacchi.8 Code civil, Art. 9.9 Code civil, Art. 544. « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absoluepourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par la loi ou par les règlements ».10 Code civil, Art. L 111-1. « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création,d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordreintellectuel et moral, ainsi que des attributions d’ordre patrimonial ».

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que de la vie publique ». De même, l’identité des personnes mises en cause dans l’actualiténe doit être divulguée qu’ « avec discernement ».

Certains journaux de province affichent aussi des orientations. Ainsi Ouest France veut« dire sans nuire ; montrer sans choquer ; témoigner sans agresser ; dénoncer sanscondamner ».

Aucun titre parisien n’a véritablement établi de charte déontologique précise. Malgrédes intentions à plusieurs reprises annoncées, la direction du Monde ne semble pas avoirencore pu convaincre sa rédaction de l’opportunité de l’élaboration d’un tel texte.

La France ne connaît pas l’institution des « conseils de presse ». Ces instancesprofessionnelles, que pratiquent par exemple tous les pays d’Europe du Nord, ont pourfonction d’écrire des principes généraux, de recueillir les plaintes des lecteurs, auditeurs outéléspectateurs ou de se saisir elle-même des abus les plus criants. Le Conseil Supérieur del’Audiovisuel a certes tenté depuis quelques années de s’attribuer cette fonction qui, audemeurant, ne lui a pas été donnée par la loi. Ses compétences, son mode de nomination et sacomposition lui donnent cependant peu de légitimité pour jouer un tel rôle. France Télévisionet Le Monde se sont dotés de médiateurs, assez pâles copies de l’ « ombudsman de presse »suédois. Le gouvernement a lancé en 2001 un organisme dit de « co-régulation » baptisé« Forum de l’Internet ». Aucune de ces instances ne s’est encore véritablement aventurée dansla complexité des règles de protection de la vie privée.

Alors que la plupart des presses des autres démocraties s’expriment fortement dans ledébat sur la vie privée, la presse française semble subir un encadrement croissant de la loi etdes juges. Ces derniers se substituent ainsi souvent au rédacteur en chef pour définir desrègles pratiques qui relèvent plus de la déontologie professionnelle que du droit. Après avoirprécisé les conditions de la diffamation avec la notion de « bonne foi » des journalistes, ilsdistinguent dans la vie des personnages publics ce qui relève de la vie privée et ce qui rejointles « nécessités de l’actualité ». De la même façon, ils énoncent un « devoir d’objectivité »,une « obligation de véracité et d’honnêteté » pour empêcher la dénaturation et la déformationdes faits. Ils se prononcent également sur les conditions de vérification de l’information.Quels que soient les excès de la loi et les timidités de la presse, la situation françaisereprésente ainsi une singularité dans le monde démocratique.

Dans la plupart des démocraties et selon la tradition anglo-saxonne, la protection de lavie privée est fondée prioritairement sur la responsabilité déontologique des professionnels.Les lois y sont rares et le juge intervient surtout pour régler les cas extrêmes.

La loi, dans beaucoup de démocraties, intervient rarement pour régler l’équilibre entreprotection de la vie privée et liberté de la presse.

Aux Etats-Unis, le premier amendement de la constitution interdit toute limitation de laliberté de la presse 11. Ce principe fondamental est jalousement défendu, non seulement par lemonde de la presse mais par l’opinion publique américaine. Le débat sur les médias est enrevanche permanent. Le manque de professionnalisme affiché par beaucoup de médias dansl’affaire Clinton/Levinsky a donné lieu à de nombreuses autocritiques à la fin de 1998.Aucune des suggestions faites pour tenter de protéger la « privacy » par voie légale n’acependant été retenue. Le développement de l’Internet a également relancé la question.Plusieurs propositions de lois ont été présentées au Congrès pour protéger la confidentialité decertaines données sur le réseau, sans plus de suite. Le législateur américain, dans la loi de1996 sur l’organisation du marché des télécommunications, avait inclus une dispositionrelative à la protection de la jeunesse. Ce texte, connu sous le nom de « decency act », a étéannulé moins d’un an plus tard par la Cour suprême, car contraire au Premier amendement. 11 Le congrès ne fera aucune loi qui restreigne la liberté de parole ou de la presse (…)(1787).

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Le Royaume-Uni ne connaît pas l’interdiction constitutionnelle de faire des lois sur la pressepour la bonne raison qu’il n’a pas de constitution écrite. La tradition est cependant proche decelle des Etats Unis. Devant les excès quotidiens de la « presse de caniveau », plusieurscommissions royales ont suggéré de rendre le droit plus sévère12, sans suite législative, quelleque soit la majorité en place au Parlement.

Les pays d’Europe du Nord ont mis en place des systèmes très perfectionnésd’autorégulation de liberté de la presse, conçus comme un des éléments fondamentaux dufonctionnement de la démocratie. La même prudence y est toutefois observée à propos de laprotection de la vie privée, pour éviter tout ce qui pourrait être une restriction de la libertéd’expression. Le plus ancien texte européen en la matière, la loi suédoise de liberté de lapresse adoptée en 1766 et révisée en 1949 évoque la vie privée de façon très prudente. Il en vade même en Norvège, en Finlande et au Danemark.

En Allemagne, la liberté de la presse est garantie par la constitution13. La loi protègeégalement un droit à l’image en distinguant la personne publique du citoyen ordinaire. Lecode civil allemand reconnaît le droit à la protection du nom. Si la vie privée fait l’objet d’unecertaine protection, la publication d’éléments la concernant constitue rarement un délit. Uneloi de 1907, toujours en vigueur, distingue les personnes publiques, sous la notion de« personnage absolu de l’histoire ». Elle prévoit que la protection de leur vie privée se trouvepar nature plus restreinte que celle d’un citoyen ordinaire, au nom de l’intérêt du public à êtreinformé.

La responsabilité déontologique des professionnels se veut dans la tradition anglo-saxonne la principale garantie de la protection de la vie privée.

Les Etats-Unis, considérant que la liberté des médias constitue la valeur démocratiquesuprême, font confiance à la responsabilité de chaque éditeur ou rédacteur en chef et à laconscience professionnelle des journalistes. Les conseils de presse, chers à l’Europe du Nord,y sont rares. Malgré la célébrité de celui du Washington Post, les médiateurs de journaux(ombudsmen) ne sont pas plus d’une cinquantaine pour une presse quotidienne de 1800 titres.Quelques codes éthiques d’associations de journalistes évoquent la protection de la vie privée,le respect des personnes14 et l’observation des normes communes de décence 15. En revanche,la presse américaine est prompte à s’autocritiquer dans ses titres généraux ou à travers desrevues spécialisées16 . A propos de l’affaire Levinsky ont ainsi été dénoncées la reprise sansanalyse critique des multiples déclarations du procureur Starr contre le Président, et denombreuses rumeurs présentées comme des informations vérifiées. D’innombrablesassociations civiques mais aussi professionnelles comme le « Committee of ConcernedJournalists » ont procédé à des analyses systématiques des couvertures de l’affaire par lesjournaux, les radios et les télévisions. Selon une de ces études publiées en septembre 1998, lessources étaient imprécises ou inexistantes dans 76% des 1500 cas examinés.

Le Royaume Uni a été plus loin en mettant en place des instances de suivi et decontrôle. En 1990, a été instituée une Commission des Plaintes de la Presse (« PressComplaint Commission ») sur la proposition d’une commission royale d’enquêtes qui avait

12 Commission « Younger » en 1972 ; Commission « Calcutt » en 1990.13 Article 5 de la loi fondamentale.14 Code de Sociétés des Rédacteurs en chef des journaux en 1975.15 Code de la Société des Journalistes Professionnels : Les journalistes doivent respecter « la dignité, l’intimité,les droits et le bien être des personnes rencontrées en cherchant ou en présentant l’information ». Les médias nedoivent pas répandre d’accusations autres que les inculpations officielles…. ils doivent respecter la vie privéedes personnes. Ils ne doivent pas se livrer à une curiosité morbide sur le détail des vices et des crimes ».16 « Journalism reviews » dont la plus célèbre est celle de l’école de journalisme de l’université de Columbia àNew York.

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critiqué l’inaction d’un « Press Council » créé en 1949. Composée de journalistes et depersonnes représentant le public (associations familiales, églises, universitaires, médecinsetc.), cette commission se prononce dans le délai d’un mois sur les plaintes qu’elle reçoit. Ellen’a pas d’autre pouvoir de sanction que la publication obligatoire de ses avis dans la presse. Ala même époque, une instance analogue a été instituée pour la communication audiovisuelle(« Broadcasting Standard Council »). Chacune a rédigé un « code des pratiques » qui définitles droits et devoirs des journalistes. Ces textes, rendus plus sévères après la mort accidentellede la princesse de Galles en 1997, prévoient que « chacun a droit au respect de sa vie privéeet familiale, de son domicile, de sa santé et de sa correspondance et que la publication de toutélément sans consentement de l’intéressé devra être justifiée ». Les plaintes pour violation dela vie privée représentent environ 10% des dossiers traités. L’efficacité de la Commission desplaintes est parfois contestée, mais chacun reconnaît qu’elle alimente utilement le débat publicsur les médias.

Les pays d’Europe du Nord disposent tous de conseils de presse multipartites dontl’origine date du début du XXe siècle. Véritables juridictions professionnelles, ils sontreconnus par la loi, mais leur origine est privée et professionnelle et ils sont indépendants del’Etat et des tribunaux.

Les codes déontologiques qu’ils ont publiés et qu’ils révisent périodiquement ontdispensé le législateur d’intervenir dans ce domaine et ont réservé l’intervention du juge auxcas les plus graves et qui impliquent indemnisation. Sans disposer d’aucun autre pouvoir desanction que celui de la publication de leurs avis, ces conseils traitent de la protection de lavie privée de façon pragmatique, en préservant toujours la priorité du droit à l’information dupublic.

L’Allemagne connaît de même un conseil de presse fédéral qui rassemble desreprésentants de la profession et des représentants du public. Sa commission de recours traiteenviron de 200 plaintes par an avec pour seule sanction la publication de ses décisions et unrapport annuel largement repris par les médias. Les établissements de communicationaudiovisuelle très décentralisés sont entourés d’une multitude de conseils régionaux et locauxqui peuvent également recevoir des plaintes.

L’équilibre entre vie privée et liberté d’expression demeure sans doute aléatoire dansces pays, mais l’avantage de leur système réside dans le fait que les affaires sont traitéesd’abord par les professionnels eux-mêmes et en temps réel. Dans une démarche pragmatiqueappuyée sur l’expérience professionnelle, les conseils de presse dénoncent les cas gravesdevant l’opinion et jouent un rôle pédagogique permanent auprès de tous ceux qui collectentet diffusent l’information. L’implication des journalistes et des éditeurs dans le systèmed’autocontrôle semble enfin mieux garantir qu’en France le primat de la libertéd’expression et du droit à l’information du public.

L’intervention du juge est plus rare mais souvent plus sévère dans les pays de droitcoutumier.

Aux Etats-Unis, les juges peuvent depuis 1965, se référer à un jugement de la Coursuprême qui précise que « toute personne a le droit de prendre des décisions, seule, dans lasphère de sa vie privée ». L’intérêt d’information du public conduit cependant le jugeaméricain à interpréter de façon très restrictive le droit à la vie privée. Les personnespubliques doivent rendre compte de leur acte. Les sanctions, souvent lourdes, interviennentlorsque les informations publiées sont fondées sur des inexactitudes ou ont créé un préjudicecertain. Le juge américain condamne régulièrement les écoutes illégales ou les harcèlementsphotographiques. Pour le juge américain comme pour la doctrine 17, le critère de publication 17 Warren, Barndeis, “The right of Privacy, Harvard Law Review”, 1890 ; Légipresse Mars 1999.

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est celui de la « curiosité légitime du public ». La personne qui se dit victime doit être« raisonnablement soucieuse de sa vie privée ». Enfin, la garantie absolue doit être donnée àl’information du public.

Le Royaume-Uni juge des atteintes à la vie privée à travers les procédures dediffamation (libel), les intrusions dans une propriété privée, les ruptures de secretprofessionnel, politique voire domestique (breach of confidence) ou la violation du secret del’instruction (contempt of court). Ces moyens de droit ne donnent en fait qu’une possibilitérestreinte de protection de la vie privée. Comme aux Etats-Unis, la priorité est donnée au droità l’information du public.

Les juges des pays d’Europe du Nord et d’Allemagne pour les mêmes raisons,interviennent peu, mais sévèrement en rappelant toujours la priorité de l’information.Disposant d’une loi plus précise, le juge allemand distingue dans la vie privée le registre« individuel » qui concerne la vie professionnelle et publique d’une personne, le registre« privé » qui se réfère à la vie familiale et au domicile et le registre « intime » qui concerne lasanté, les opinions et les convictions. Le registre individuel est considéré comme susceptiblede publicité dès qu’il rencontre l’intérêt d’information du public. Les deux autres registressont normalement secrets sauf si la notoriété ou la position de la personne intéressée justifieune information du public. C’est au nom de ce principe qu’en 1997, le futur mari allemandd’une princesse de Monaco n’a pas obtenu des tribunaux allemands la condamnation duharcèlement de certains médias dans sa vie privée. Le juge, s’appuyant sur la loi de 1907,avait considéré que le plaignant était d’autant plus un « personnage absolu de l’histoire »,qu’il ne cachait pas sa relation avec une jeune femme dont la vie occupait depuis longtempsune large place dans les magazines spécialisés de nombreux pays européens.

Le mode d’équilibre recherché entre protection de la vie privée et liberté de la presseillustre l’opposition entre deux approches de la liberté de la presse et de la démocratie. Denombreuses démocraties occidentales considèrent que chaque citoyen dispose d’un droitnaturel à la liberté. La décision collective n’est que l’addition des volontés individuelles et lepoint de vue de la minorité doivent être protégés.

L’Etat est un pouvoir éminent, mais non unique. La justice est un véritable pouvoirautonome et responsable. La presse s’y voit attribuer une mission d’intérêt général, celle del’information du public et de la transparence de l’action des gouvernants.

La philosophie institutionnelle française est différente. Selon l’inspiration de Jean-Jacques Rousseau, la majorité électorale se trouve détentrice de la « volonté générale », unpeu comme si, en 1789, le peuple s’était substitué au roi. La loi institue les libertés et en est laprincipale garante. L’Etat est le maître d’œuvre de l’action publique et l’arbitre suprême. Lepouvoir législatif et le pouvoir exécutif peuvent être plus ou moins équilibrés selon lesépoques, mais la justice n’est qu’une « autorité », et non un pouvoir, quelles que soient lesproclamations de son indépendance. La presse ne se voit reconnaître une mission d’intérêtgénéral que de façon très théorique. Elle serait plutôt considérée par les pouvoirs comme unrival, voire un adversaire qu’il faut séduire ou combattre.

L’internationalisation des marchés et la construction de l’Europe risquent de mettre àmal cette spécificité française. L’actualité économique de l’Union Européenne occulte uneautre construction européenne plus discrète, mais au moins aussi profonde, celle d’un droiteuropéen des libertés fondé sur la Convention Européenne des Droits de l’Homme adoptée en1950 dans le cadre du Conseil de l’Europe et dont l’application est contrôlée par les juges dela Cour Européenne des Droits de l’Homme à Strasbourg. La France, comme la plupart despays européens, a reconnu la validité sur son territoire de ce droit désormais invoqué par denombreux plaignants et appliqué par les tribunaux au même titre qu’une dispositionlégislative nationale.

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Apparemment, ce texte traite à égalité, protection de la vie privée et libertéd’information18 , mais la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme a,jusqu’à présent, nettement donné la priorité à la liberté d’information. Elle a souligné denombreuses fois et de façon très ferme que « la liberté d’expression constitue l’un desfondements essentiels de la société démocratique, l’une des conditions de son progrès et del’épanouissement de chacun ». Selon elle, la liberté d’expression vaut « non seulement pourles idées accueillies avec ferveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes maisaussi pour celle qui heurtent, choquent ou inquiètent l’Etat ou une fraction quelconque de lapopulation. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance, … sans lesquels il n’est pas de sociétédémocratique » 19.

La cour a également précisé que « la liberté de la presse fournit à l’opinion publiquel’un de ses meilleurs moyens de connaître et juger les idées et les attitudes des dirigeants »20.Enfin, dans une affaire intéressant l’ancien président des automobiles Peugeot, la cour aconsidéré que la presse doit communiquer « des informations et des idées sur toutes lesquestions d’intérêt général en raison du droit du public à être informé….»21.

La Convention prévoit certes des limites à la liberté d’expression, mais celles-ci doiventêtre fixées par la loi et constituer des « mesures nécessaires dans un système démocratique ».La Cour de Strasbourg a interprété restrictivement ces limites en considérant qu’elles devaientrépondre à un « besoin social impérieux » Les risques pour la vie privée nés de l’usage desréseaux Internet inspirent parfois de nouveaux projets de directives européennes à Bruxelles,mais, si celles-ci voient le jour, tout laisse penser qu’elles devront respecter les principes de laConvention Européenne des Droits de l’Homme. Ainsi semble se construire une formeeuropéenne d’équilibre entre la protection de la vie privée et le droit à l’information du public.Dans ce nouveau droit moins législatif et plus pragmatique que le droit français, rienn’indique que le respect des personnes sera moins garanti. La démocratie pourrait en revanches’en trouver affermie avec des médias plus libres, et peut-être aussi plus responsables.

18 Article 8 : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée, familiale, de son domicile et de sacorrespondance… »Article 10 : «Toute personne a droit à la liberté d’expression … qui doit comprendre la liberté d’opinion et laliberté de recevoir et de communiquer des informations et des idées sans qu’il puisse y avoir ingérenced’autorités publiques … »..19 Handyside c/Royaume-Uni – 7/12/1976.20 Lingens c/Autriche – 8/07/1986.21 Fressoz c/France – 21/01/1999 ; le journal incriminé était le Canard Enchaîné.