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La première prévention des complications du traitement antituberculeux est le bon respect des doses : INH : 4 à 5 mg/kg, RFP : 10 mg/kg ( 50kg : 450 mg et 50 kg : 600 mg maxi), PZA : 20 à 25 mg/kg (35 mg pour BTS et 20- 25 mg pour l’ATS), ETH : 15 à 20 mg/kg (15 mg pour BTS et 15-20 mg ATS) [1, 2]. Les complications digestives du traitement antitubercu- leux sont les plus fréquentes, avec, en première place, les nau- sées (20 % lors des premières prises médicamenteuses). La prise conjointe d’antiémétiques peut limiter ce phénomène, mais si les nausées persistent, le traitement peut éventuelle- ment être pris au cours du repas ou 2 heures après. Cela limi- tera l’absorption de la RFP, mais permet néanmoins de prendre le traitement et d’éviter les vomissements ! Par ailleurs, en cas de nausée, il est recommandé de vérifier le bilan hépa- tique (BH), les nausées pouvant constituer un signe d’hépa- tite. Enfin, calculer à nouveau les doses de traitement permet de vérifier l’absence de surdosage, notamment en cas de varia- tions pondérales. Les complications cutanées sont banales en début de trai- tement. Il s’agit le plus souvent d’une éruption érythémateuse, prurigineuse, limitée, transitoire, du tronc et des membres (6 % des cas). Tous les antituberculeux peuvent être respon- sables. Les antihistaminiques H1 sont efficaces. L’effet flush aux premières prises de PZA est classique. Il ne nécessite pas de traitement et disparaît au cours du traitement. L’acné est plus souvent lié à l’INH peut apparaître à tout moment du traitement et disparaîtra à l’arrêt. Des réactions allergiques, plus dangereuses, peuvent éga- lement survenir. Elles sont de 2 types : – immédiates (IgE médiées) : elles apparaissent 15 à 30 min après la prise médicamenteuse. Les manifestations vont de l’urticaire, plus ou moins étendu, à l’œdème de Quincke, voire au choc anaphylactique ; Symposium A 31 : Traitement des tuberculoses-maladies Prévention et traitement des complications du traitement antituberculeux Orateur : Ph. Terrioux Résumé rédigé par : S. Jouneau Cabinet médical, 8 bis, rue des Cordeliers, 77100 Meaux, France. Correspondance : [email protected] 75 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 75-77 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Prévention et traitement des complications du traitement antituberculeux

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La première prévention des complications du traitementantituberculeux est le bon respect des doses : INH : 4 à5 mg/kg, RFP : 10 mg/kg (� 50kg : 450 mg et � 50 kg :600 mg maxi), PZA : 20 à 25 mg/kg (35 mg pour BTS et 20-25 mg pour l’ATS), ETH : 15 à 20 mg/kg (15 mg pour BTSet 15-20 mg ATS) [1, 2].

Les complications digestives du traitement antitubercu-leux sont les plus fréquentes, avec, en première place, les nau-sées (20 % lors des premières prises médicamenteuses). Laprise conjointe d’antiémétiques peut limiter ce phénomène,mais si les nausées persistent, le traitement peut éventuelle-ment être pris au cours du repas ou 2 heures après. Cela limi-tera l’absorption de la RFP, mais permet néanmoins deprendre le traitement et d’éviter les vomissements ! Par ailleurs,en cas de nausée, il est recommandé de vérifier le bilan hépa-tique (BH), les nausées pouvant constituer un signe d’hépa-tite. Enfin, calculer à nouveau les doses de traitement permetde vérifier l’absence de surdosage, notamment en cas de varia-tions pondérales.

Les complications cutanées sont banales en début de trai-tement. Il s’agit le plus souvent d’une éruption érythémateuse,prurigineuse, limitée, transitoire, du tronc et des membres(6 % des cas). Tous les antituberculeux peuvent être respon-sables. Les antihistaminiques H1 sont efficaces. L’effet flushaux premières prises de PZA est classique. Il ne nécessite pasde traitement et disparaît au cours du traitement. L’acné estplus souvent lié à l’INH peut apparaître à tout moment dutraitement et disparaîtra à l’arrêt.

Des réactions allergiques, plus dangereuses, peuvent éga-lement survenir. Elles sont de 2 types :

– immédiates (IgE médiées) : elles apparaissent 15 à30 min après la prise médicamenteuse. Les manifestations vontde l’urticaire, plus ou moins étendu, à l’œdème de Quincke,voire au choc anaphylactique ;

Symposium A 31 : Traitement des tuberculoses-maladies

Prévention et traitement des complications du traitement antituberculeux

Orateur : Ph. TerriouxRésumé rédigé par : S. Jouneau

Cabinet médical, 8 bis, rue des Cordeliers,77100 Meaux, France.

Correspondance :[email protected]

75Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 75-77

© 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Ph. Terrioux

– retardées : elles correspondent aux toxidermies et appa-raissent vers le 5e-10e jour de traitement. De l’érythème plusou moins vésiculeux jusqu’au syndrome de Lyell, ces manifes-tations auraient une prévalence de 0,07 à 0,3 % selon l’ATS.Toutes les drogues sont susceptibles d’être responsable de cescomplications allergiques, mais la RFP et l’INH semblent êtreles plus fréquentes. Il faut alors arrêter tout le traitement et réa-liser un bilan allergologique en milieu spécialisé comprenantdes prick-tests cutanés, en cas d’allergie immédiate et despatch-tests cutanés, en cas d’allergie retardée pour rechercher lamédication responsable. Si on ne peut se passer du médica-ment coupable d’allergie et si il s’avère indispensable, car latuberculose est trop grave par exemple, une réintroductionmédicamenteuse peut s’envisager en milieu hospitalier.

Après quelques jours ou semaines de traitement, un trai-tement intermittent de RFP ou une réintroduction après unarrêt momentané, peut entraîner des réactions immuno-aller-giques sévères.

Les complications hépatiques sont également classiquesau cours du traitement antituberculeux (2,7 % des cas).L’INH a plutôt une toxicité précoce et dépendante de la doseet plus fréquente chez la personne âgée. Le PZA a plutôt unetoxicité tardive, souvent � 2 mois, d’où son utilisation les2 premiers mois seulement. La RFP, inducteur enzymatique,augmente la synthèse des métabolites hépatotoxiques del’INH. En cas d’hépatotoxicité du couple INH-RFP, il fautarrêter l’INH.

Les premiers signes cliniques de l’hépatotoxicité sont lesnausées et vomissements. L’indication du bilan hépatique doitdonc être large. Les sérologies des hépatites virales B et C(VHB, VHC) peuvent également être demandées en fonctiondu terrain. De même, il faut savoir rechercher les autres médi-caments hépatotoxiques, et vérifier l’absence de prise d’alcool.

Les hépatites toxiques les plus graves apparaissent dans les15 premiers jours du traitement antituberculeux (0,023 % destraitements selon l’ATS) et les hépatites mortelles sont décritesla première semaine. Il n’y a pas de recommandations concer-nant le rythme du dosage des transaminases. L’orateur proposeun dosage à J0-J3-J7-J15-J30, puis mensuel.

Pour toute cytolyse jusqu’à 3 fois la normale (3N) : onpeut continuer le traitement sans modification, mais enrapprochant les bilans hépatiques. Pour les cytolyses entre 3 et6N : arrêt du PZA et prolongation du traitement de phase IIde 3 mois. Pour les cytolyses � 6N : arrêt complet du traite-ment et contrôle du bilan hépatique à 48 h. Quand la cytolyseredeviendra � 3N, on reprendra RFP + ETH, et, si la tuber-culose est grave, on pourra y associer une FQ et/ou un amino-side. Dans tout les cas de bilan hépatique perturbé, une écho-graphie abdominale est à réaliser, pouvant notammentdiagnostiquer des lithiases biliaires.

L’hépatotoxicité moyennement précoce (J15-J60) met leplus souvent en cause le PZA. Le diagnostic différentiel peutêtre le VHA, VHB ou VHC.

L’hépatotoxicité tardive doit faire là évoquer le VHB(syndrome de reconstitution immunitaire avec lyse des hépa-tocytes). L’arrêt de l’INH est la règle et un avis hépatologiqueest le plus souvent utile.

Attention, pour les patients de petits poids, le traitementpar RIFINAH* peut constituer un surdosage en INH !

Des complications articulaires peuvent être observées aucours du traitement antituberculeux. Des arthralgies, princi-palement dues au PZA, doivent conduire à un dosage de l’uri-cémie. L’hyperuricémie seule ne se traite pas (marqueur debonne observance du PZA). Le traitement antalgique privilé-gie les AINS ou l’aspirine et évite le paracétamol (cf. hépato-toxicité). Une algodystrophie (syndrome épaule-main) peut sedévelopper, l’INH est le plus souvent en cause. L’INH peutégalement donner un lupus induit, l’atteinte articulaire s’asso-cie plus volontiers à une atteinte des séreuses. Les anticorpsantinucléaires sont positifs avec présence des anti-DNA natifs,mais absence des antihistones

Les complications ophtalmologiques sont principale-ment le fait de l’ETH. La névrite optique est dépendante dela dose et s’observe dans 18 % des cas si l’ETH est donné àplus de 30 mg/kg. Avant de prescrire de l’ETH, la clairancede la créatinine est déterminante. Il faut aussi rechercher unelésion oculaire antérieure (rétinopathie, dégénérescencemaculaire, cataracte bilatérale...) et s’assurer de la possibilitéde surveillance...

L’examen ophtalmologique initial indispensable comprendfond d’œil (FO), acuité visuelle (AV) champ visuel (CV) et sur-tout vision des couleurs. L’altération de la vision des couleursest le premier signe de névrite optique.

L’examen ophtalmologique est à réaliser à J0, entre J15 etJ21, au 2e mois, puis tous les 2 mois si le traitement par ETHest prolongé. Il faut, en règle générale, ne pas dépasser 2 moisde traitement par ETH, respecter les contre-indications etréaliser une surveillance attentive pour les patients alcoolo-tabagiques, diabétiques, patients traités par dissulfirame (Espé-ral®), AINS ou antipaludéens. On rappelle également la colo-ration orangée des larmes (RFP) qui teinte de manière définitiveles lentilles souples.

Les complications neurologiques à type de polynévritessont le plus souvent secondaires l’INH (� 0,2 % selon l’ATS).Elles sont plus fréquentes chez les sujets dénutris, alcooliquesou diabétiques. Les paresthésies distales constituent le premiersigne clinique. Il faut diminuer les doses d’INH, supplémenterles patients en vitamines B1 et B6 et stopper l’intoxicationéthylique. En cas de persistance, il faut arrêter l’INH. On peutégalement observer sous traitement des états d’excitationneuropsychique (hyperactivité, euphorie, insomnie...). Lescrises convulsives sont souvent en rapport avec le caractèreinducteur enzymatique de la RFP, modifiant les taux sériquesdes anti-épileptiques. Il faut savoir répéter les dosages plasma-tiques sous traitement pour adapter la posologie des traite-ments anticonvulsivants.

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Le caractère inducteur enzymatique de la RFP apparaîten quelques jours, est maximum à 3 semaines et dure 1 à4 semaines après l’arrêt du traitement. Il faudra penser à l’arrêtde la RFP à adapter les dosages des anticoagulants, anti-aryth-miques, corticoïdes...

Certaines complications sont et resteront imprévisibles(digestives, cutanées, allergies...), d’autres sont doses-dépen-dantes ou « terrain »-dépendant... La meilleure préventionrepose donc sur l’adaptation des doses aux différentes situa-tions rencontrées et sur une surveillance clinique et biologiquesur toute la durée du traitement. La finalité étant un traitementbien accepté, donc bien pris sans aucune défaillance.

Références

1 Dautzenberg B, Frechet-Jachym M, Maffre JP, Cardot E, Grignet JP :Quand ne pas appliquer le traitement standard de la tuberculose-mala-die. Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 3S75-97.

2 Blumberg HM, Burman WJ, Chaisson RE, Daley CL, Etkind SC,Friedman LN, Fujiwara P, Grzemska M, Hopewell PC, Iseman MD,Jasmer RM, Koppaka V, Menzies RI, O’Brien RJ, Reves RR, ReichmanLB, Simone PM, Starke JR, Vernon AA; American Thoracic Society,Centers for Disease Control and Prevention and the Infectious DiseasesSociety : American Thoracic Society/Centers for Disease Control andPrevention/Infectious Diseases Society of America: treatment of tuber-culosis. Am J Respir Crit Care Med 2003 ; 167 : 603-62.

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Prévention et traitement des complications du traitement antituberculeux