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Table ronde © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2013;20:193-194 193 * Auteur correspondant. e-mail : [email protected] Asthme allergique 1. Traitement de fond médicamenteux 1.1. Objectifs du traitement de fond La prise en charge d’un enfant asthmatique a pour objectif de limiter les exacerbations, les symptômes intercritiques, les besoins en β2-mimétiques (β2+), de permettre à l’enfant de participer aux activités familiales, scolaires, sportives et sociales, mais aussi de normaliser et de maintenir leur fonction respira- toire [1-4]. 1.2. Les corticoïdes inhalés (CI) Les CI représentent la première ligne de traitement de fond de l’asthme dès le stade persistant léger. Leur efficacité sur les symptômes d’asthme, la mortalité par asthme et la fonction pulmonaire a été démontrée. Les études pédiatriques vont dans le sens d’un rôle suspensif sur les symptômes sans modi- fication de l’histoire naturelle de la maladie. Les posologies des CI chez l’enfant ont fait l’objet de recommandations [4]. Aux doses habituelles, la tolérance est excellente même à long terme ; au-delà, la probabilité d’effets secondaires augmente. Leur prévention, aux doses habituellement utilisées, repose sur la recherche de la dose minimale efficace. Les effets secon- daires locaux sont prévenus par l’utilisation d’une chambre d’inhalation en cas de spray et le rinçage de la bouche après utilisation. 1.3. Les β2+ de longue durée d’action Les 2 molécules disponibles sont le salméterol et le formotérol. L’intérêt du formotérol est sa rapidité d’action. Les β2+ de lon- gue durée d’action (LABA) ont une action synergique avec les CI. Les LABA sont utilisés dans la prévention de l’asthme induit par l’effort (AIE) et/ou en traitement additionnel avec les CI dans l’asthme persistant modéré ou sévère. Leur innocuité en association avec les CI et leur bénéfice sur le contrôle de l’asthme chez l’enfant ont été réaffirmés dans une revue Cochrane et une méta-analyse. Chez les enfants et les adultes, les associations ont montré leur supériorité vis-à-vis des CI dans le contrôle de l’asthme. Les recommandations s’accordent pour que les LABA soient prescrits en combinaison avec un CI. En France l’AMM est obtenue pour les enfants de plus de 4 ans, ils sont proposés en traitement additionnel pour les enfants > 5 ans dans le NAEPP [3]. 1.4. Les antileucotriènes Le montelukast est autorisé à partir de l’âge de 2 ans dans l’AIE, dans l’asthme persistant léger et dans la rhinite allergique, ou en association dans l’asthme persistant modéré à sévère. Dans l’asthme allergique, ils sont moins efficaces que les CI et les LABA. Leur efficacité est montré dans l’AIE. En conclusion, ils sont recom- mandés comme deuxième choix après de faibles doses de CI. 1.5. - Les biothérapies : après discussion collégiale dans les centres de références 1.5.1. Les anti-IgE L’omalizumab est un anticorps monoclonal humanisé d’origine murine liant les IgE circulantes, empêchant leur fixation sur leurs récepteurs cellulaires. Il est autorisé à partir de l’âge de 6 ans dans l’asthme sévère allergique non contrôlé malgré un traite- ment optimal et une éviction des allergènes. Chez l’enfant, une étude sur 419 enfants et adolescents de plus de 6 ans, asthma- tiques allergiques non contrôlés traités pendant 60 semaines par omalizumab contre placebo, a montré une diminution significative du nombre de jours avec symptômes d’asthme, une réduction des exacerbations et une réduction de la dose de CI. L’innocuité a été montrée dans une revue de 37 études randomi- sées (7400 patients). 1.5.2. Autres biothérapies La place de ces nouvelles biothérapies chez l’enfant reste à définir en fonction du phénotype d’asthme sévère. Elles sont en cours d’essai chez l’adulte pour le mépolizumab (anti-IL5) et le lebrikizumab (anti-IL13). Les essais sont encourageants pour les anti-IL5 dans un phénotype d’asthme sévère hyperéosinophi- lique et pour le lebrikizumab chez les patients ayant un taux de périostine élevé (marqueur systémique de l’activité éosinophile des voies aériennes chez l’asthmatique). Prise en charge de l’asthme allergique de l’enfant S. Wanin Service des maladies digestives et respiratoires de l’enfant, AP-HP, CHU Robert Debré, Paris, France

Prise en charge de l’asthme allergique de l’enfant

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Table ronde

© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.Archives de Pédiatrie 2013;20:193-194

193

* Auteur correspondant. e- mail : [email protected]

Asthme allergique

1. Traitement de fond médicamenteux

1.1. Objectifs du traitement de fond

La prise en charge d’un enfant asthmatique a pour objectif de limiter les exacerbations, les symptômes intercritiques, les besoins en β2- mimétiques (β2+), de permettre à l’enfant de participer aux activités familiales, scolaires, sportives et sociales, mais aussi de normaliser et de maintenir leur fonction respira-toire [1-4].

1.2. Les corticoïdes inhalés (CI)

Les CI représentent la première ligne de traitement de fond de l’asthme dès le stade persistant léger. Leur efficacité sur les symptômes d’asthme, la mortalité par asthme et la fonction pulmonaire a été démontrée. Les études pédiatriques vont dans le sens d’un rôle suspensif sur les symptômes sans modi-fication de l’histoire naturelle de la maladie. Les posologies des CI chez l’enfant ont fait l’objet de recommandations  [4]. Aux doses habituelles, la tolérance est excellente même à long terme ; au- delà, la probabilité d’effets secondaires augmente. Leur prévention, aux doses habituellement utilisées, repose sur la recherche de la dose minimale efficace. Les effets secon-daires locaux sont prévenus par l’utilisation d’une chambre d’inhalation en cas de spray et le rinçage de la bouche après utilisation.

1.3. Les β2+ de longue durée d’action

Les 2 molécules disponibles sont le salméterol et le formotérol. L’intérêt du formotérol est sa rapidité d’action. Les β2+ de lon-gue durée d’action (LABA) ont une action synergique avec les CI. Les LABA sont utilisés dans la prévention de l’asthme induit par l’effort (AIE) et/ou en traitement additionnel avec les CI dans l’asthme persistant modéré ou sévère. Leur innocuité en association avec les CI et leur bénéfice sur le contrôle de l’asthme chez l’enfant ont été réaffirmés dans une revue Cochrane et une méta- analyse. Chez les enfants et les adultes, les associations ont montré leur supériorité vis- à- vis des CI dans le contrôle de

l’asthme. Les recommandations s’accordent pour que les LABA soient prescrits en combinaison avec un CI. En France l’AMM est obtenue pour les enfants de plus de 4 ans, ils sont proposés en traitement additionnel pour les enfants >  5  ans dans le NAEPP [3].

1.4. Les antileucotriènes

Le montelukast est autorisé à partir de l’âge de 2 ans dans l’AIE, dans l’asthme persistant léger et dans la rhinite allergique, ou en association dans l’asthme persistant modéré à sévère. Dans l’asthme allergique, ils sont moins efficaces que les CI et les LABA. Leur efficacité est montré dans l’AIE. En conclusion, ils sont recom-mandés comme deuxième choix après de faibles doses de CI.

1.5. - Les biothérapies : après discussion collégiale dans les centres de références

1.5.1. Les anti- IgE

L’omalizumab est un anticorps monoclonal humanisé d’origine murine liant les IgE circulantes, empêchant leur fixation sur leurs récepteurs cellulaires. Il est autorisé à partir de l’âge de 6  ans dans l’asthme sévère allergique non contrôlé malgré un traite-ment optimal et une éviction des allergènes. Chez l’enfant, une étude sur 419 enfants et adolescents de plus de 6 ans, asthma-tiques allergiques non contrôlés traités pendant 60  semaines par omalizumab contre placebo, a montré une diminution significative du nombre de jours avec symptômes d’asthme, une réduction des exacerbations et une réduction de la dose de CI. L’innocuité a été montrée dans une revue de 37 études randomi-sées (7400 patients).

1.5.2. Autres biothérapies

La place de ces nouvelles biothérapies chez l’enfant reste à définir en fonction du phénotype d’asthme sévère. Elles sont en cours d’essai chez l’adulte pour le mépolizumab (anti- IL5) et le lebrikizumab (anti- IL13). Les essais sont encourageants pour les anti- IL5 dans un phénotype d’asthme sévère hyperéosinophi-lique et pour le lebrikizumab chez les patients ayant un taux de périostine élevé (marqueur systémique de l’activité éosinophile des voies aériennes chez l’asthmatique).

Prise en charge de l’asthme allergique de l’enfantS. WaninService des maladies digestives et respiratoires de l’enfant, AP- HP, CHU Robert Debré, Paris, France

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S. Wanin Archives de Pédiatrie 2013;20:193-194

flammation. Diverses études retrouvent une association entre la rhinite allergique et l’asthme. Les médecins qui s’occupent des patients asthmatiques doivent optimiser le traitement de la rhinite allergique pour optimiser le contrôle de l’asthme. Les sté-roïdes nasaux et antihistaminiques de 2e génération réduisent les visites aux urgences pour asthme.

4.2. Allergie alimentaire (AA)

Le contrôle de l’asthme de ces patients doit être optimal. L’asthme fait partie du tableau des anaphylaxies graves par AA pré- létales ou létales. Inversement, l’AA est un facteur de risque d’asthme difficile à contrôler et d’hospitalisations pour asthme aigu grave (AAG). Vogel et al. ont étudié les dossiers de 72  enfants admis en unité de soins intensifs (USI) pour AAG, qu’ils ont comparé à 108 patients asthmatiques hospitalisés et 108 patients asthma-tiques en ambulatoire. Les enfants admis en USI avaient 3,3 fois plus (p = 0,004) d’AA par rapport aux asthmatiques hospitalisés et 7,4  fois plus (p  <  0,001) que les patients ambulatoires. Il est donc recommandé de prescrire et d’éduquer ces patients au stylo d’auto- injection d’adrénaline. L’asthme allergique impose un interrogatoire vis- à- vis des trophallergènes du fait de la fréquence des allergies croisées avec les pneumallergènes (les acariens et les crustacés…), mais également des précautions à l’ITS aux acariens en cas d’allergie clinique aux crustacés ou aux escargots.

5. Conclusion

Le phénotype allergique de l’asthme de l’enfant nécessite une attention particulière dans l’évaluation de la sévérité permettant d’optimiser le traitement avec, en premier lieu, les corticoïdes inhalés. Ce traitement doit être complété par des mesures d’évic-tion allergénique appropriées mais également par le diagnostic et le traitement des comorbidités allergiques. Selon le phéno-type, l’indication ou non à une immunothérapie spécifique doit se poser afin d’essayer de modifier l’histoire naturelle de cette maladie. Une thérapeutique adaptée ne peut se passer d’une éducation thérapeutique adaptée afin de s’assurer de la com-préhension, de l’observance et de l’autonomie de cette famille vis- à- vis du traitement.

Références[1] Bacharier LB, Boner A, Carlsen KH, et al; European Pediatric

Asthma Group. Diagnosis and treatment of asthma in childhood: a PRACTALL consensus report. Allergy 2008;63:5-34.

[2] Papadopoulos NG, Arakawa H, Carlsen KH, et al. International consensus on (ICON) pediatric asthma. Allergy 2012;67:976-97.

[3] National Heart, Lung, and Blood Institute. National Asthma Education and Prevention Program. Expert Panel Report 3: Guidelines for the diagnosis and management of asthma. Full report 2007. Available from  : www.nhlbi.nih.gov/guidelines/asthma/asthgdln.pdf.

[4] Global Initiative for Asthma (GINA) 2009. The Global Strategy for the Diagnosis and Management of Asthma in Children 5 years and Younger. Disponible sur : http://www.ginasthma.org.

Les références complètes peuvent être obtenues sur demande auprès de l’auteur.

2. Adaptation, surveillance et éducation thérapeutiqueLes recommandations insistent sur la notion de contrôle [1-4] qui traduit l’activité de la maladie. L’objectif défini par le GRAPP est le contrôle total des symptômes. La surveillance passe par l’éva-luation à chaque consultation de l’observance et de la technique d’inhalation. La nécessité de l’utilisation des chambres d’inhala-tion non électrostatiques pour les aérosols doseurs en pédiatrie est indispensable [2]. Il faut adapter les traitements en fonction de l’âge et surtout des aptitudes techniques de chaque enfant. L’éducation thérapeutique (ETP) des enfants asthmatiques est une étape nécessaire à l’acquisition des compétences thérapeu-tiques et à l’autonomisation du patient et de sa famille. Pour les enfants asthmatiques allergiques un accent sera mis sur les facteurs déclenchants allergiques et les mesures de prévention environnementale. Il convient d’ajouter la prise en charge de l’anaphylaxie s’il y a des allergies alimentaires, notamment avec la maîtrise de l’auto- injection d’adrénaline.

3. Immunothérapie spécifique

L’immunothérapie spécifique a pour but de réduire les symptômes lors d’une nouvelle exposition à l’allergène chez un enfant sensibilisé et allergique. Elle est indiquée en cas d’asthme persistant léger à modéré contrôlé sous traitement et en cas de rhino- conjonctivite allergique. Les différentes recommandations internationales l’ont intégré dans leur prise en charge  [1-4]. L’immunothérapie sublinguale (SLIT) tend à remplacer l’immunothérapie par voie sous- cutanée (ITS) afin de réduire les effets secondaires. Seuls 6 cas de réaction sévère ont été décrits avec la voie sublinguale. Les recommandations la préconisent à partir de 5 ans et pour les allergènes tels que les acariens et les pollens qui bénéficient d’études récentes. La durée est de 3 à 5 ans, les mélanges d’allergènes ne sont pas recommandés. Elle intervient après échec de l’éviction allergé-nique et insuffisance du traitement médicamenteux classique. L’immunothérapie spécifique est le seul traitement susceptible de pouvoir modifier l’histoire naturelle de la maladie allergique. La méta- analyse de Calamita et al. (1706 patients asthmatiques adultes et enfants bénéficiant d’une SLIT) est en faveur du traitement sur les symptômes d’asthme et son aggravation. L’utilisation des comprimés de désensibilisation contre les pollens de graminées a montré son efficacité chez l’enfant sur la rhinite allergique, l’asthme et son innocuité. Une étude sur 253 enfants de 5 à 16 ans ayant une rhinite allergique aux graminées avec ou sans asthme, a montré une différence sur les symptômes d’asthme : 5 % dans le groupe SLIT et 11 % dans le groupe placebo (p=0,027).

4. Prise en charge des comorbidités allergiques

4.1. ORL : la rhinite allergique

Les muqueuses des voies respiratoires supérieures et inférieures sont un continuum qui présente des anomalies semblables d’in-