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42 pratique thérapeutique Actualités pharmaceutiques n° 495 Avril 2010 Pathologie fréquente, l’hypotension orthostatique se caractérise par une diminution du retour veineux vers le cœur lors du passage des positions couchée à assise et assise à debout. En dehors des thérapeutiques non médicamenteuses, peu de médicaments proposés dans son traitement sont validés par des études contrôlées et randomisées. L’ hypotension orthostatique est une pathologie très fréquente pouvant être primitive (dysfonction auto- nome pure ou atrophie systémique multi- ple) ou secondaire (à des processus patho- logiques ou à la prise de médicaments). Lors du passage de la position couchée à la position debout, et afin de maintenir un débit sanguin cérébral adéquat, les adaptations de la tension sont assurées à court et moyen termes par des faisceaux efférents sympathiques du système ner- veux autonome, tandis que la régulation à long terme est prise en charge par des facteurs humoraux comme le système rénine-angiotensine-aldostérone. L’hypotension orthostatique est évoquée si un ou plusieurs des éléments suivants sont observés en l’espace de deux à cinq minu- tes après le passage à la position debout : – chute d’au moins 20 mmHg de la tension systolique ; – chute d’au moins 10 mmHg de la tension diastolique ; – symptômes liés à une baisse de perfu- sion cérébrale. Physiopathologie Lors du passage de la position couchée à la position debout, une diminution du retour veineux vers le cœur est observée. Ainsi, le volume d’éjection systolique est abaissé d’environ 40 % et la tension artérielle chute. Deux systèmes de récepteurs captent ces changements (centres à haute pression aortique et à basse pression aux niveaux cardiaque et pulmonaire) et transmettent leurs signaux au centre cardiovasculaire cérébral qui répond par une stimulation du système sympathique. La conséquence est une augmentation de la fréquence cardia- que de 10-15 pulsations par minute, une vasoconstriction des artères systémiques et une augmentation de la tension diastoli- que sans réponse de la tension systolique. Durant la station debout prolongée, le sys- tème rénine-angiotensine-aldostérone joue un rôle supplémentaire. Lors de la défaillance d’un système de régulation, la circulation cérébrale peut être compromise et d’éventuels troubles de la conscience survenir. Étiologie Les hypotensions orthostatiques sont classées en formes neurogène (dys- autonomie) et non neurogène. Les deux troubles conduisent à une diminution de la circulation cérébrale. L’origine neurogène est la conséquence d’une défaillance de la régulation neuro- logique, tandis que l’origine non neurogène repose sur une défaillance hémodynamique. À titre d’exemple, une hypotension d’ori- gine neurogène fait suite à une dysfonction autonome, une maladie de Parkinson, un diabète, un accident vasculaire cérébral, un syndrome de Guillain Barré, une sclérose en plaques… Quant à l’hypotension orthos- tatique d’origine non neurogène, elle est secondaire à une défaillance de la pompe cardiaque, une hypovolémie, une déshydra- tation, une insuffisance cardiaque… De nombreux médicaments sont suscep- tibles de favoriser la survenue d’hypo- tension orthostatique : – les inhibiteurs de l’enzyme de conver- sion ; – les antagonistes des récepteurs de l’angio- tensine 2 ; – les bêtabloquants ; – les inhibiteurs calciques ; – les diurétiques ; – les dérivés nitrés ; – les alphabloquants ; – les neuroleptiques ; – les antidépresseurs tricycliques ; – les inhibiteurs de la monoamine oxydase ; – la bromocriptine ; – les opiacés. Thérapeutique non médicamenteuse L’arrêt des médicaments susceptibles d’engendrer une hypotension ortho- statique constitue la première règle. Il faut ensuite éduquer le patient à : – passer lentement de la position couchée à assise et de la position assise à debout ; – éviter les efforts physiques en cas de temps très chaud ; – se coucher avec la tête relevée de 20 à 40°, cette position diminuant la perfusion rénale et stimulant le système rénine- angiotensine-aldostérone ; – porter des bas de contention favorisant le retour veineux vers le cœur. Ce n’est que lorsque les moyens non médicamenteux ont échoué que l’uti- lisation des médicaments peut être envisagée. Thérapeutique médicamenteuse Peu de médicaments proposés dans le traitement de l’hypotension orthostatique sont validés par des études contrôlées, ran- domisées de phase III. D’un point de vue pharmacologique, ils sont classés en : – médicaments sympathomimétiques ; – médicaments intervenant sur la volémie sanguine. Médicaments sympathomimétiques Activateurs des récepteurs α-adrénergiques La dihydroergotamine est un agoniste des récepteurs α1 à activité intrinsèque Prise en charge de l’hypotension orthostatique

Prise en charge de l’hypotension orthostatique

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Page 1: Prise en charge de l’hypotension orthostatique

42pratique

thérapeutique

Actualités pharmaceutiques n° 495 Avril 2010

Pathologie fréquente,

l’hypotension orthostatique

se caractérise par une

diminution du retour veineux

vers le cœur lors du passage

des positions couchée

à assise et assise à debout.

En dehors des thérapeutiques

non médicamenteuses,

peu de médicaments proposés

dans son traitement sont validés

par des études contrôlées

et randomisées.

L’hypotension orthostatique est une pathologie très fréquente pouvant être primitive (dysfonction auto-

nome pure ou atrophie systémique multi-ple) ou secondaire (à des processus patho-logiques ou à la prise de médicaments). Lors du passa ge de la position couchée à la position debout, et afin de maintenir un débit sanguin cérébral adéquat, les adaptations de la tension sont assurées à court et moyen termes par des faisceaux efférents sympa thi ques du système ner-veux autonome, tandis que la régulation à long terme est prise en charge par des facteurs humoraux comme le système rénine-angiotensine-aldostérone.L’hypo tension orthostatique est évoquée si un ou plusieurs des éléments suivants sont observés en l’espace de deux à cinq minu-tes après le passage à la position debout :– chute d’au moins 20 mmHg de la tension systolique ;– chute d’au moins 10 mmHg de la tension diastolique ;– symptômes liés à une baisse de perfu-sion cérébrale.

PhysiopathologieLors du passage de la position couchée à la position debout, une diminution du retour veineux vers le cœur est observée. Ainsi,

le volume d’éjection systolique est abaissé d’environ 40 % et la tension artérielle chute. Deux systèmes de récepteurs captent ces changements (centres à haute pression aortique et à basse pression aux niveaux cardiaque et pulmonaire) et transmettent leurs signaux au centre cardiovasculaire cérébral qui répond par une stimulation du système sympathique. La conséquence est une augmentation de la fréquence cardia-que de 10-15 pulsations par minute, une vasoconstriction des artères systémiques et une augmen ta tion de la tension diastoli-que sans réponse de la tension systolique. Durant la station debout prolongée, le sys-tème rénine-angiotensine-aldostérone joue un rôle supplémentaire.Lors de la défaillance d’un système de régulation, la circulation cérébrale peut être compromise et d’éventuels troubles de la conscience survenir.

ÉtiologieLes hypotensions orthostatiques sont classées en formes neurogène (dys-autonomie) et non neurogène. Les deux troubles conduisent à une diminution de la circulation cérébrale.L’origine neurogène est la conséquence d’une défaillance de la régulation neuro-logique, tandis que l’origine non neurogène repose sur une défaillance hémodynamique. À titre d’exemple, une hypotension d’ori-gine neurogène fait suite à une dysfonction autonome, une maladie de Parkinson, un diabète, un accident vascu lai re cérébral, un syndrome de Guillain Barré, une sclérose en plaques… Quant à l’hypotension orthos-tatique d’origine non neurogène, elle est secondaire à une défaillance de la pompe cardiaque, une hypovolémie, une déshydra-tation, une insuffisance cardiaque…De nombreux médicaments sont suscep-tibles de favoriser la survenue d’hypo-tension orthostatique :– les inhibiteurs de l’enzyme de conver-sion ;– les antagonistes des récepteurs de l’angio-tensine 2 ;

– les bêtabloquants ;– les inhibiteurs calciques ;– les diurétiques ;– les dérivés nitrés ;– les alphabloquants ;– les neuroleptiques ;– les antidépresseurs tricycliques ;– les inhibiteurs de la monoamine oxydase ;– la bromocriptine ;– les opiacés.

Thérapeutique non médicamenteuseL’arrêt des médicaments susceptibles d’engendrer une hypotension ortho-statique constitue la première règle. Il faut ensuite éduquer le patient à :– passer lentement de la position couchée à assise et de la position assise à debout ;– éviter les efforts physiques en cas de temps très chaud ;– se coucher avec la tête relevée de 20 à 40°, cette position diminuant la perfusion rénale et stimulant le système rénine-angiotensine-aldostérone ;– porter des bas de contention favorisant le retour veineux vers le cœur.Ce n’est que lorsque les moyens non médicamenteux ont échoué que l’uti-lisation des médicaments peut être envisagée.

Thérapeutique médicamenteusePeu de médicaments proposés dans le traitement de l’hypotension orthostatique sont validés par des études contrôlées, ran-domisées de phase III. D’un point de vue pharmacologique, ils sont classés en :– médicaments sympa tho mimétiques ;– médicaments intervenant sur la volémie sanguine.

Médicaments sympathomimétiquesActivateurs des récepteurs α-adrénergiques La dihydroergotamine est un agoniste

des récepteurs α1 à activité intrinsèque

Prise en charge de l’hypotension orthostatique

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thérapeutique

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faible. Les effets veineux sont prédomi-nants et permettent le retour veineux vers le cœur. L’effet de premier passage hépa-tique est important ; sa biodisponibilité est donc faible après administration per os. Peu d’études cliniques montrent un béné-fice significatif de la dihydro ergotamine dans le traitement de l’hypo-tension orthostatique.

La yohimbine est proposée dans l’hypo-tension orthostatique induite par les antidépresseurs tricycli-ques. Elle nécessite l’intégrité des fibres sympa thi ques postganglionnaires. Son efficacité clinique est discutable. La midodrine (Gutron®) vient de sortir

de la réserve hospitalière et peut désor-mais être délivrée dans les pharmacies d’officine. Son efficacité est prouvée par des études cliniques validées dans l’hypo-tension orthostatique neurogène et celle induite par les psychotropes. Il s’agit d’une prodrogue transformée in vivo en desglymidodrine, puissant vasoconstric-teur α1. Elle induit une veinoconstriction, favorisant le retour veineux, une augmen-tation minime de la pression artérielle, une bradycardie réflexe et une diminution du débit cardiaque. Ce médicament est rapi-dement résorbé per os. Sa demi-vie est faible, de l’ordre de 30 minutes, imposant des prises fréquentes 30 minutes avant le lever. Les effets indésirables (nausées, frissons, sensation de picotements du cuir chevelu, hypertension artérielle) ne doivent pas faire arrêter le traitement mais contre-indiquent la prise associée d’inhibiteurs de la monoamine-oxydase, de bromocriptine, de dérivés de l’ergot de seigle ou de digitaliques. La midodrine est contre-indiquée en cas d’insuffisance car-diaque grave, d’hypertension artérielle et de rétention urinaire. Elle ne franchit pas la barrière hémato-encéphalique et n’est donc pas responsable d’effets sympatho-mimétiques centraux comme une anxiété, des tremblements et une tachycardie.Sa posologie est de 2,5 mg 3 fois/jour jusqu’au contrôle des symptômes, et peut être augmentée à hauteur de 40 mg/jour chez le diabétique et dans les maladies neurologiques dégénératives.

Analeptiques cardiovasculairesLes analeptiques cardiovasculaires sont des sympathomimétiques indirects stimu-lant les récepteurs α et β postsynapti-ques, n’ayant, de ce fait, une action que si les neurones postganglionnaires sont

intacts. Ils engendrent une tachycardie et une augmentation du débit cardiaque.

L’heptaminol est une amine aliphatique inhibant la recapture

de noradrénaline en stimulant les récep-teurs β post synaptiques. Il est proposé à la posologie de 900 mg/jour en cas d’hypotension orthostatique induite par les neuroleptiques et les antidépresseurs tricycliques. Son efficacité n’est pas prou-vée par des études cliniques contrôlées et randomisées de phase III. De ce fait, il possède un service médical rendu faible. La cafédrine et la théodrénaline sont

des inhibiteurs des phosphodiestérases. Ils induisent un effet chronotrope positif. Le service médical rendu par ces médica-ments est faible.

Médicaments intervenant sur la volémie sanguine L’érythropoïétine stimule la production

osseuse d’érythrocytes. Elle augmente les valeurs tensionnelles en position debout et améliore la tolérance orthostatique en cas d’anémie. Bien qu’elle corrige l’hypo-tension orthostatique des neuropathies diabétiques, elle ne possède pas d’auto-risation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication. La desmopressine agit au niveau des

récepteurs V2 (récepteurs de la vasopres-sine) des tubes collecteurs. Elle prévient la perte d’urine nocturne et a un effet positif sur la tolérance orthostatique matinale. Toutefois, elle ne possède pas l’AMM dans cette indication. La fludrocortisone est un minéralo-

corticoïde synthétique. Il s’agit du traitement de référence de cette pathologie. Comme tous les minéralocorticoïdes, elle favorise la fuite potassique et la rétention sodée. Elle entraîne une augmentation du volume san-guin et de la sensibilité aux catécholami-nes. Sa durée d’action est longue . Les effets

indésirables comprennent une hypokaliémie et une hypomagné sémie pouvant nécessi-ter une complémentation. L’association à des médicaments hypo kaliémants doit être prudente en raison du risque de survenue de torsades de pointe. Le traitement ne doit pas être arrêté de manière brutale en raison du risque d’insuf fisance surrénalienne.La fludrocortisone est indiquée en cas d’hypotension orthostatique du diabète et induite par les médicaments psycho-tropes. Son évaluation a montré un bénéfice significatif dans le traitement de l’hypotension orthostatique et, de ce fait, possède un service médical rendu élevé. Sa prescription est restreinte et sa déli-vrance hospitalière.

ConclusionLe traitement de l’hypotension ortho-statique est mal connu des praticiens et des pharmaciens bien qu’il s’agisse d’une pathologie fréquente. Il fait appel en premier lieu à des règles simples (arrêt des traite-ments hypotenseurs, hygiène de vie) puis, dans un second temps et en cas d’échec, à la prescription médicamenteuse. Seuls deux médicaments, la midodrine et la flu-drocortisone, ont une efficacité reconnue par des essais cliniques validés. �

François Pillon

Pharmacien, Dijon (21)

[email protected]

L’arrêt des médicaments susceptibles d’engendrer

une hypotension orthostatique constitue la première règle